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Article de revue

Les évolutions du lien social, un état des lieux

Pages 21 à 36

Notes

  • [1]
    Cet article reprend des analyses produites au sein d’un groupe de travail du Commissariat général du Plan coanimé avec F. de Singly et O. Galland.
  • [2]
    Au niveau international, l’article de sociologie le plus commenté de ces dix dernières années est sans doute celui de Robert D. Putnam (Putnam, 1995) dans lequel l’auteur défend la thèse d’un déclin aux États-Unis du « capital social » entendu comme l’ensemble des réseaux sociaux et des normes de réciprocité qui y sont associées (voir la bibliographie en fin d’article).
  • [3]
    Voir aussi Silberman et Fournier, 2005.
  • [4]
    Le statut juridique du lieu importe peu. Les espaces sont « publics » dès lors qu’ils impliquent la coprésence avec des anonymes.
  • [5]
    Pour un plaidoyer en faveur d’un accès aisé et gratuit aux « servitudes d’aisance », voir Damon, 2000.
  • [6]
    Il s’agit de l’enquête EFFNATIS, Effectiveness of National Integration Strategies towards Second Generation Migrant Youth in a Comparative European Perspective.
  • [7]
    Bailleau, Fontaine, Menzel et Pattegay, 2003, p. 95.

1Lorsqu’on évoque le « lien social » dans le débat public, c’est presque immanquablement pour dire qu’il se défait, que l’on a perdu le sens de la solidarité, que l’égoïsme et l’indifférence prévalent. Est-ce vraiment le cas ? Ou bien faut-il ignorer cette vision catastrophiste des évolutions sociales ? Comment décrire de façon nuancée les évolutions de ce fameux « lien social », notion floue que l’on définira ici, simplement, comme l’ensemble des relations personnelles, des normes, des valeurs et des règles communes qui relient les individus ?

2Plutôt que de traiter par le mépris le discours pessimiste tenu ordinairement à propos des évolutions du lien social, nous montrerons tout d’abord que ce discours s’alimente d’un certain nombre de réalités parmi lesquelles on peut citer la déstabilisation de l’institution familiale, la croissance de l’isolement et de la dépression, le désinvestissement de la sphère politique, la hausse de la délinquance et des incivilités ou encore les difficultés rencontrées par notre modèle d’intégration.

3Nous montrerons ensuite que, pour partie, ces évolutions sont la conséquence de libertés nouvelles portées par l’approfondissement – et peut-être l’accélération – d’un processus lent et ancien d’individualisation. Celui-ci se manifeste, entre autres, par un déplacement du centre de gravité du lien social, de plus en plus construit à partir de l’individu et de moins en moins hérité du passé ou imposé par le groupe.

4Prenant acte de ces transformations, nous esquisserons dans la troisième partie une prospective du lien social, en nous concentrant sur trois risques qui nous semblent les plus susceptibles de menacer sa bonne santé : risque d’aggravation des situations d’isolement, tout particulièrement des personnes âgées ; risque de dégradation de la qualité des interactions au sein des espaces publics ; risque, enfin, de « calcification » du lien social, alimentée par l’aggravation des phénomènes de ségrégation résidentielle et scolaire et par l’accroissement des tensions entre groupes, qu’ils soient constitués sur une base ethnique, religieuse ou culturelle.

5Nous proposerons enfin quelques pistes de réflexions et quelques propositions susceptibles d’apporter des éléments de réponses aux questions soulevées dans la troisième partie [1].

1. De quelques évolutions susceptibles d’alimenter le sentiment de crise du lien social

6Si le lien social est souvent évoqué sur un ton au moins nostalgique sinon tout bonnement alarmiste, ce n’est pas seulement par paresse intellectuelle, c’est aussi pour de bonnes raisons [2]. Un certain nombre d’évolutions, qui concernent tant la sphère privée que la sphère publique, donnent des arguments à ceux qui diagnostiquent une véritable crise du lien social.

1.1. La déstabilisation de l’institution familiale

7La famille a été longtemps considérée comme le socle premier sur lequel reposait l’ensemble de la société. Même si cette affirmation ne fait plus l’unanimité, il reste que c’est encore la plupart du temps au sein de la famille que l’enfant fait ses premières expériences de relation avec l’autre. C’est presque toujours dans le cadre familial qu’il rencontre ses premières marques d’affection, mais aussi les premières résistances à l’assouvissement de ses désirs. Si l’on attend toujours de la famille qu’elle prépare chaque individu à la vie en société, on comprend que des inquiétudes se fassent jour : l’institution familiale a en effet connu des bouleversements d’une ampleur et d’une rapidité tout à fait extraordinaires.

8On comptait ainsi 9,6 divorces pour 100 mariages en 1960. Quarante ans plus tard, cette proportion était multipliée par quatre (37 divorces pour 100 mariages en 2001). Encore ne s’agit-il là que de séparations de couples mariés. Sur la même période, la proportion d’unions libres a été multipliée par cinq. Aujourd’hui, plus de la moitié des naissances de premier rang (c'est-à-dire celles qui concernent le premier enfant d’une mère) ont lieu hors mariage. Se marier n’est un passage obligé ni pour vivre ensemble, ni pour avoir des enfants.

9Cela dit, les nouvelles configurations familiales, si elles sont en croissance, restent néanmoins minoritaires (Barré, 2003). Aujourd’hui, lorsqu’un jeune de moins de 25 ans vit au sein du foyer parental, c’est trois fois sur quatre avec ses deux parents. Les familles recomposées, si médiatiques, ne représentent que 8% des familles d’au moins un enfant. Concernant les évolutions de la famille, l’élément central reste donc, surtout si l’on se place du point de vue du lien social, la fragilité nouvelle du lien conjugal, quel qu’il soit.

10Au-delà des traumatismes immédiats que les ruptures d’union peuvent constituer, on sait que les séparations ont des conséquences de plus long terme. Ainsi, elles signifient pour bien des hommes, qui n’obtiennent pas la garde des enfants, une altération significative du lien qu’ils peuvent entretenir avec leurs enfants. Quant aux femmes, les séparations accroissent significativement leur risque d’isolement relationnel. Ainsi, d’après l’enquête Étude de l’histoire familiale (Barré, 2003), quatre ans après la séparation, 44% des pères ont constitué un nouveau couple, contre seulement 28% des mères. Le lien entre grands-parents et petits-enfants peut également souffrir en cas de séparation des parents ou des grands-parents (Attias-Donfut et Segalen, 1998). Ainsi, lorsqu’un couple se sépare, les grands-parents se mobilisent généralement pour aider le jeune parent divorcé ou séparé qui a la garde des enfants, mais par la suite, on observe que les relations entre générations ont plutôt tendance à se distendre. Quand ce sont les grands-parents qui divorcent, il en résulte souvent un certain relâchement du lien avec les petits-enfants.

11Dans les familles populaires, la propension à la recomposition des familles, qui suppose de « jumeler » les filiations et les formes de parentalité, est moindre que dans les familles des couches moyennes ou aisées. Du coup, les séparations entraînent davantage de risques de rupture du lien de filiation. C’est aussi dans les familles pauvres que les séparations ont le plus de risque de déboucher sur des situations d’exclusion : on sait que les personnes exclues sont souvent à la fois précaires sur le plan économique et dépourvues de liens familiaux forts.

12Les transformations de la famille ne se résument pourtant pas à la fragilité du lien conjugal. Dans la plupart des familles, les relations entre parents et enfants ont connu de profondes mutations, à tel point que pour Marcel Gauchet (Gauchet, 2002) la famille ne socialise plus : alors qu’elle était en charge de la production d’un « être pour la société », elle serait devenue un « refuge contre la société ». Tous les observateurs de la famille ne partagent pas ce point de vue, mais ils s’accordent pour diagnostiquer une forme d’autonomisation de la culture des jeunes vis-à-vis de celle des adultes, autonomisation qui prend moins la forme du conflit que celle de l’indifférence. Si les générations sont proches sur le plan des valeurs et des attitudes à l’égard de la morale quotidienne (Galland, 2003), il existerait une distance culturelle croissante entre les générations, touchant toutes les classes sociales. La transmission des valeurs et des normes se fait de plus en plus horizontalement, que ce soit par l’intermédiaire des médias ou des groupes de pairs. Nombreuses sont ainsi les études qui mettent en évidence la contribution des technologies de la communication, anciennes (télévision, regardée près de quatre heures par jour par les 8-14 ans, mais aussi radio) et nouvelles (Internet, téléphone portable) à la constitution d’une culture juvénile relativement étrangère à la culture des adultes (Metton, 2003 ; Glevarec, 2003).

1.2. La progression de la vie solitaire et des épisodes dépressifs

13C’est un fait, la vie solitaire augmente (Arbonville et Bonvalet, 2003). En 2004, 14% des Français vivaient seul, contre 6,1% en 1962. Encore faut-il bien préciser qu’il n’est pas toujours équivalent de vivre seul, d’être isolé d’un point de vue relationnel – c'est-à-dire d’entretenir peu de contacts avec des personnes extérieures au ménage – et de se sentir seul (Pan Ke Shon, 1999). Toutes choses égales par ailleurs, les personnes habitant seules ont plus de contacts que les personnes vivant en couple. Par rapport aux divorcés et aux veufs, les célibataires se distinguent par la proportion réduite de personnes isolées d’un point de vue relationnel.

14Le sentiment de solitude, lui, concerne presque autant les divorcés que les veufs. Il touche tout particulièrement les personnes de référence des familles monoparentales (des mères isolées en grande majorité). De tous les types de ménages, ce sont les personnes veuves vivant seules qui non seulement sont les plus isolées relationnellement, mais qui sont aussi les plus sensibles au sentiment de solitude.

15Conséquence ou non de l’isolement, les études disponibles s’accordent pour diagnostiquer une augmentation significative de la prévalence de la dépression au cours des vingt dernières années. Selon les données de l’IRDES (ex-CREDES), la prévalence annuelle de la dépression déclarée serait passée de 3,1% en 1980 à 5,2% en 1996. Entre 1980 et 2001, les ventes d’antidépresseurs ont été multipliées par 6,7 alors que les ventes globales de médicaments étaient multipliées par 2,7 (Amar et Balson, 2004). Cette évolution s’explique certainement par une meilleure détection de la pathologie, mais elle pourrait aussi refléter des transformations sociales assez profondes. Pour Alain Ehrenberg (Ehrenberg, 1998), la prévalence actuelle de la dépression signale une société où la norme n’est plus fondée sur la culpabilité et la discipline mais sur la responsabilité et l’initiative. La dépression menace un individu « déchiré par un partage entre le possible et l’impossible ».

1.3. Le plus faible investissement de la sphère politique

16Si les défis qui attendent l’individu au sein de la sphère privée sont nombreux, ceux de la sphère publique semblent moins le concerner que par le passé. Ainsi, le taux de syndicalisation chez les salariés n’était plus que de 8% en 2003 (Amosse, 2004). C’est deux fois moins qu’il y a vingt-cinq ans, même si les effectifs syndiqués se sont stabilisés sur la dernière décennie. L’adhésion est par ailleurs très concentrée : les fonctions publiques regroupent près de la moitié des salariés affiliés à une organisation syndicale. La montée de l’abstention aux élections prud’homales (qui affecte deux électeurs sur trois depuis 1997) montre par ailleurs que le vote n’est pas venu prendre le relais de l’adhésion.

17Alors même que le nombre d’adhésions aux associations n’est pas en diminution (cf. infra), il n’est pas neutre de constater que les associations qui incarnent le mieux la relation des citoyens à la société dans son ensemble souffrent d’une certaine désaffection : ainsi, 12% des personnes ayant des enfants en âge d’être scolarisés étaient membres d’associations de parents d’élèves en 1983 contre 8% en 1996 (Crenner, 1997).

18D’une façon générale, l’inscription sur les listes électorales et le vote sont en baisse, quelles que soient les élections concernées. Depuis 1988, le taux d’abstention au premier tour des élections législatives n’est jamais descendu au-dessous de 31%. Les élections présidentielles étaient caractérisées par un taux d’abstention au premier tour de 18,6% en 1988, 21,6% en 1995 et 28,4% en 2002. L’électeur vote de moins en moins par devoir et ne se déplace que s’il juge l’enjeu suffisant. L’électeur est aussi volatile dans le choix de ses représentants : une enquête menée à la suite des élections présidentielles de 1995 (Perrineau et Reynié, 2001) a montré qu’à peine plus d’un tiers des électeurs ont voté pour le même camp au cours des trois élections précédentes.

19Pour D. Schnapper (2002), c’est la relation entre représentants et représentés qui est en crise. L’idée même d’une différence entre les premiers et les seconds – au fondement de la transcendance républicaine – est de plus en plus mal acceptée, sinon refusée. En réponse à l’aspiration de l’individu démocratique à n’être représenté que par lui-même, on assiste à des revendications diverses pour que s’instaure une démocratie dite participative. On observerait une remise en cause de l’utopie créatrice de la représentation, selon laquelle le représentant ne représente pas telle ou telle catégorie de la population, mais incarne l’intérêt général. Or, pour l’auteure de la Démocratie providentielle, n’accorder sa confiance à l’autre que dans la mesure où il est semblable à soi, c’est remettre en cause la constitution de l’espace public commun de la citoyenneté, en tant qu’instrument de la gestion réglée des diversités.

1.4. L’augmentation de la délinquance et la montée des incivilités

20Si les Français semblent se désengager de la sphère politique, au moins dans ses incarnations les plus traditionnelles, le développement du sentiment d’insécurité au cours des vingt dernières années alimente, lui, une méfiance plus générale vis-à-vis de l’espace public. Certes, les chiffres de la délinquance prêtent à discussions et certains reprochent aux données communiquées par le ministère de l’Intérieur de ne mesurer que l’activité des services de police et de gendarmerie. Mais on dispose aujourd’hui d’autres outils de mesure de la délinquance – enquêtes de victimation, délinquance autodéclarée – qui semblent plutôt confirmer les tendances tirées de l’observation des statistiques ministérielles.

21Sur longue période, l’augmentation du nombre de crimes et délits par habitant est trop massive pour être attribuée seulement à une augmentation de la « productivité » des services de police. Toutefois, l’essentiel de l’augmentation de la criminalité a eu lieu entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980 : le taux de criminalité (nombre de crimes et délits pour 1 000 habitants) passe ainsi de 15 ? entre 1950 et 1965 à plus de 60 ? depuis le milieu des années 1980. Parallèlement, les infractions non élucidées sont en nombre croissant (Peyrat, 2002). Si en 1989, 38% des crimes et délits constatés étaient élucidés, ce pourcentage a été ramené à 33% en 1995, 29% en 1997 et 26,75% en 2000. Or, un faible taux d’élucidation est particulièrement dommageable : il peut être interprété par les citoyens comme un manque d’intérêt de l’institution policière pour les préjudices dont ils sont les victimes et il favorise un sentiment d’impunité chez les auteurs d’actes délictueux ou criminels. 

22Le fait le plus significatif est sans doute la très forte augmentation dans les années 1990 de la délinquance violente, celle qui est probablement la plus préjudiciable du point de vue du lien social. Le nombre annuel de coups et blessures volontaires passe de 40 000 en 1980 à un peu moins de 120 000 en 2001, tandis que les vols avec violence suivent la même évolution. Ces données du ministère de l’Intérieur sont confirmées par les enquêtes internationales de victimation (Van Kesteren, Mayhew et Nieuwbeerta, 2001) qui indiquent que le taux d’agression a doublé en France entre 1989 et 2000, passant de 2,9% à 6%.

23Ce contexte éclaire la montée du débat sur les « incivilités ». S. Roché (Roché, 1994) reconnaît que sous ce vocable, on regroupe des actes relativement disparates, depuis les actes de salissures et de dégradation jusqu’aux conflits plus ou moins déclarés à propos du bruit ou des occupations d’espace en passant par les abandons d’objets sur la voie publique ou les comportements agressifs ou discourtois. Mais les incivilités ont en commun de menacer les codes sociaux à l’aide desquels est évaluée l’innocuité du rapport à autrui. Elles contribuent de ce fait à détériorer la confiance interpersonnelle et engendrent le repli.

24Par ailleurs, les incivilités ne se résument pas à de l’infra-délinquance, ni même à des sous-produits de la délinquance : selon la théorie, débattue, de la « vitre cassée » (Wilson et Kelling, 1982), elles peuvent parfois être à l’origine du développement de la délinquance. L’accumulation dans un quartier des signes de désordre social (ivresse, bandes, harcèlement et violences dans la rue, trafic de drogue) et de désordre physique (vandalisme, abandon de bâtiments, accumulation d’ordures et de déchets) sape les mécanismes de contrôle informel. La conséquence en est un repli des habitants sur la sphère privée voire une désertion pure et simple du quartier, donnant de nouveaux espaces au développement de la délinquance.

1.5. Des inquiétudes quant à l’efficacité de notre modèle d’intégration

25L’immigration a largement contribué au renouvellement de la population française. Sur 60 millions de personnes habitant en France, on comptait en 1999 4,3 millions d’immigrés, 5,5 millions d’enfants d’immigrés et 3,6 millions de petits-enfants d’immigrés (Tribalat, 2004). Ce processus se poursuit aujourd’hui malgré la fin de l’immigration de travail. Ainsi, on a assisté ces dernières années à une augmentation forte et régulière de l’immigration « permanente », qui rassemble les étrangers introduits, régularisés ou bénéficiaires d’un changement de statut qui reçoivent un premier titre de séjour d’une durée au moins égale à un an (à l’exception des étudiants), et ce principalement pour motifs familiaux. Elle est passée de 115 000 personnes en 1999 à 173 000 en 2003. Cette même année, 144 640 personnes avaient été naturalisées, alors que, à titre de comparaison, on avait enregistré 764 000 naissances. Si l’immigration contribue donc toujours à renouveler la population française, de façon directe ou indirecte, il semble en revanche que les mécanismes d’intégration connaissent quelques ratés.

26Depuis plus de vingt ans, le chômage, qui reste en France a un niveau élevé, touche tout particulièrement les jeunes, et au sein de ces derniers, les jeunes issus de l’immigration. En 1999, pour les jeunes hommes issus de l’immigration, le taux de chômage était, selon l’âge et le pays d’origine des parents, entre 2 et 5 fois supérieur à celui des jeunes hommes nés en France de deux parents nés en France [3]. Une partie de ce sur-chômage est due aux différences de parcours scolaires et aux secteurs de recherche d’emploi. Une autre est due aux différences de capital relationnel : le réseau de relations compte beaucoup dans la recherche d’emplois. Il reste que la discrimination à l’embauche dont souffrent les Français issus de l’immigration maghrébine a été mise en évidence par plusieurs enquêtes de « testing » (comparaison des réponses à des CV qui ne diffèrent que par le patronyme du candidat.

27Ce sur-chômage a des conséquences très graves pour les populations concernées. Certains jeunes ayant quitté l’école sans diplôme et ne trouvant pas d’emploi, sont livrés à la « culture de rue » pour des durées de plus en plus longues. D’autres, anticipant les difficultés qu’ils connaîtront sur le marché du travail, prolongent une scolarité souvent caractérisée par l’échec. L’humiliation qui en découle renforce la culture « anti-école » qui s’exprime dans l’identification de la réussite scolaire à une forme de soumission et dans la violence à l’égard des élèves « dociles » qui obtiennent de bons résultats. Lorsque l’institution scolaire ne parvient pas à maîtriser cette violence, il devient rationnel pour certains de s’auto-censurer et d’obtenir la reconnaissance – ou au moins la paix – de leurs pairs par une mise en échec délibérée. Ces phénomènes sont déterminants pour expliquer la sur-délinquance constatée chez les « jeunes d’origine maghrébine » (Dagnaud et Roché, 2003).

28Fragilité des liens privés, désinvestissement de la sphère politique, augmentation des actes de violence, doutes quant à la capacité de la société à intégrer les populations d’origine immigrée : telles sont les principales tendances alimentant le sentiment de crise du lien social. Elles ne sauraient toutefois résumer l’ensemble des évolutions affectant les relations qui unissent les individus.

2. Lorsque la « crise » du lien social est la rançon de libertés nouvelles

29L’approfondissement du processus d’individualisation explique une partie des évolutions évoquées dans la première partie. Il tend à faire émerger un lien social plus électif mais aussi plus fragile.

2.1. Une nouvelle étape dans le processus d’individualisation

30L’individualisation désigne le processus par lequel les individus ont peu à peu acquis une capacité à se définir par eux-mêmes et non en fonction de leur appartenance à telle ou telle entité collective. Elle a d’abord pris la forme d’un lent processus d’émancipation (Singly, 2003) : petit à petit, en particulier sous l’effet de la division du travail et de l’urbanisation, les individus se sont émancipés des dépendances qui les liaient étroitement au collectif, qu’il s’agisse de la famille, du clan, de la communauté villageoise ou de la société dans son ensemble. Or, pour un certain nombre d’analystes (dont Ulrich Beck et Anthony Giddens), la période qui débute dans les années 1960 constitue une nouvelle étape de la modernité, qualifiée selon les cas de modernité « avancée », « tardive » ou « réflexive ».

31Cette « deuxième modernité » est caractérisée par un déclin des formes traditionnelles d’appartenance, par un réexamen et une révision des modèles normatifs et des pratiques sociales et enfin par une remise en cause des rôles sociaux. Dans ce nouveau cadre, l’individu est de moins en moins porté par la tradition et les institutions. Il est appelé, exercice hautement périlleux, à s’« inventer lui-même » (Kaufmann, 2001), à choisir son héritage, son identité, ses appartenances et sa morale. De fait, une proportion de plus en plus grande de Français et d’Européens adhèrent à une forme d’individualisme moral qui pourrait s’énoncer ainsi : « chacun peut choisir ce qui est bon pour lui à condition que ce choix ne porte pas préjudice à autrui » (Bréchon, Galland et Tchernia, 2002 ; Bréchon 2003).

32Pourquoi cette accélération du processus d’individualisation ? Plusieurs facteurs sont souvent évoqués : entrée massive des femmes sur le marché du travail, extension du périmètre de l’État-providence qui, en organisant une solidarité anonyme et généralisée, a renforcé l’émancipation des individus, massification de l’enseignement et émergence des mass media qui ont contribué à diffuser les valeurs individualistes, etc. Aujourd’hui, l’usage des technologies de l’information et de la communication accompagne en même temps qu’il encourage un processus d’autonomisation croissante et de plus en plus précoce des individus.

33L’individualisation de l’enfant, typique de cette « deuxième modernité », est un phénomène relativement nouveau (Singly, 2004), mais tout à fait fondamental pour comprendre les difficultés que rencontrent la famille et l’école dans leur « fonction » de socialisation. Avec la diminution de la taille des fratries, les enfants disposent fréquemment d’une chambre individuelle, avec une privatisation de plus en plus précoce de l’équipement audiovisuel (Octobre, 2003). Dès le cours préparatoire, près de 7 enfants sur 10 possèdent un matériel audio, la moitié des enfants des jeux vidéo, près d’un enfant sur cinq une télévision et un sur dix un ordinateur. En classe de troisième, deux adolescents sur cinq possèdent une télévision, la moitié des adolescents surfe sur Internet et un tiers utilise les messageries électroniques. Cette privatisation de l’équipement touche tous les milieux : si l’usage de l’ordinateur n’est pas tout à fait démocratisé, en revanche, tous âges confondus, ce sont les enfants d’ouvriers qui sont les plus forts détenteurs de télévision personnelle.

34Autre exemple, selon l’enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français » réalisée par le CREDOC en juin 2004, 66% des 12-17 ans disposent d’un téléphone portable et 57% des jeunes de cette tranche d’âge ont déjà utilisé un outil de messagerie instantanée (ICQ, MSN, etc.). Ces nouvelles technologies sont utilisées par les adolescents et les pré-adolescents pour développer une sociabilité « en continu » (via les SMS notamment) avec des groupes d’amis qui peuvent rester par ailleurs relativement étanches (Metton, 2003). Ces technologies contribuent plus que toutes autres à l’autonomisation des adolescents vis-à-vis de leurs parents.

2.2. Électivité et fragilité du lien social moderne

35Si, fondamentalement, l’individualisation signifie une extension de la sphère du choix, celui-ci concerne au premier chef les relations que les individus entretiennent entre eux. L’électivité du lien est tout particulièrement évidente dans la sphère familiale. C’est bien le caractère affinitaire du lien conjugal qui constitue la première cause de sa fragilité. Et le caractère optatif du lien familial ne concerne pas que le lien conjugal. Si on ne choisit toujours pas sa famille, on choisit ceux de ses membres avec lesquels on continuera d’entretenir des relations. Aussi les relations entre parents et enfants sont-elles de plus en plus régulées par la norme du respect mutuel, qui a tendance à remplacer celle du respect de l’autorité. Cette évolution, contrairement à ce que l’on dit parfois, concerne aussi les milieux populaires (Herpin, 2003).

36En dépit des transformations que la logique élective lui fait traverser, la famille reste une source essentielle de solidarité. En cas de besoins, même si l’on n’entretient pas d’excellentes relations avec sa famille, c’est prioritairement vers elle, et non vers ses amis, que l’on se tourne. Et cela vaut tant pour les aides financières que pour les aides en nature (garde des petits-enfants tout particulièrement), avec bien sûr de fortes inégalités selon les milieux sociaux. L’obligation d’aimer ses parents ou celle de soigner ses enfants continue de représenter une norme sociale puissante (Attias-Donfut, 2001).

37La logique de l’électivité affecte également l’engagement associatif. Si, depuis une vingtaine d’années, l’adhésion à des associations est plutôt stable – environ 45% des Français sont membres d’une association – en revanche, le sens de l’engagement dans la vie associative a changé. L’engagement se comprend comme un choix individuel, il ne répond plus au désir ou au besoin de s’inscrire dans des identités collectives, qu’elles soient géographiques, professionnelles ou religieuses. Par ailleurs, l’engagement du bénévole ou du militant est, de plus en plus, un « engagement distancié » (Ion, 1997) : les individus veulent bien s’impliquer au sein d’une association à condition de pouvoir garder la maîtrise de leurs engagements. Ceux qui s’engagent dans une structure associative, surtout à dimension politique, refusent de plus en plus que l’appareil s’exprime à leur place. Ils se montrent réticents à l’égard des adhésions de longue durée, préférant agir ici et maintenant, en ayant toujours à l’esprit un souci d’efficacité.

38Ainsi, l’approfondissement du processus d’individualisation explique une bonne part des évolutions jugées parfois inquiétantes du point de vue du lien social. Bien qu’étant source de fragilités nouvelles pour l’individu, il présente pour chacun des bénéfices dont il serait aujourd’hui difficile de se priver. Personne ou presque ne souhaite revenir au temps des liens prescrits, des statuts hérités, des dépendances personnelles ou des appartenances irréversibles.

3. Trois risques principaux pour le lien social

39En tenant compte de cette tendance lourde à l’individualisation et en la croisant avec d’autres tendances, à la fois démographiques et sociologiques, peut-on dire quels seraient les principaux risques susceptibles, dans les années qui viennent, d’altérer le lien social ? Nous avons choisi d’en évoquer trois. Le premier, qui concerne l’accroissement de l’isolement, a été retenu parce qu’il nous semble assez probable, en raison d’évolutions à la fois démographiques et sociologiques. Le deuxième, celui d’une possible dégradation des interactions au sein des espaces publics, nous semblait devoir être mentionné : ces interactions, qui font en France l’objet d’un faible intérêt de la part des sociologues, constituent pourtant la manifestation la plus concrète et la plus largement partagée de notre capacité à vivre ensemble. Le troisième risque, enfin, concerne une possible « calcification » des rapports sociaux, sous la forme d’une accélération des phénomènes de ségrégation, éventuellement accompagnée d’une ethnicisation des antagonismes sociaux.

3.1. Un risque d’accroissement des situations d’isolement

40Si le nombre de personnes vivant seules a beaucoup progressé ces dernières années (cf. supra), plusieurs éléments laissent supposer que la vie solitaire, surtout chez les personnes âgées, pourrait encore s’accroître dans les prochaines années.

41Premièrement, les effets de l’augmentation de l’espérance de vie interviennent, par définition, avec un certain décalage dans le temps. Une partie de ses effets sur le développement de la vie solitaire ne sera observée que dans les années à venir. L’accroissement du nombre de séparations est la deuxième source de développement de la vie solitaire. Cette dernière peut n’être que temporaire, mais elle peut aussi être définitive, surtout si la séparation intervient relativement tardivement : la probabilité d’entamer une nouvelle vie de couple diminue en effet avec l’âge. L’évolution à venir du nombre de personnes seules, et notamment de femmes seules, dépendra beaucoup de la faculté qu’auront hommes et femmes à former de nouveaux couples après une première rupture.

42Pour la majorité des personnes âgées, le nombre d’enfants potentiellement visiteurs n’évoluera guère : la proportion de femmes n’ayant eu aucun enfant, un seul enfant ou trois enfants est en effet restée stable pour celles nées entre 1920 et 1960. En revanche, le nombre de frères ou sœurs visiteurs risque de diminuer. En effet, si moins d’un quart des femmes nées en 1930 ont eu quatre enfants ou plus, ces femmes ont donné naissance à 54% des enfants mis au monde par cette génération. Cela signifie que la majorité de ceux qui sont nés entre 1950 et 1965 peuvent compter potentiellement sur au moins trois frères et sœurs. Ce ne sera plus le cas que de 21% de la génération suivante.

43Mais les évolutions démographiques sont peut-être moins importantes que les évolutions sociales. Les visites aux vieux parents, grands-parents, oncles, tantes, grands-oncles et grands-tantes, ont perdu leur caractère d’obligation. C’est une des conséquences de l’électivité croissante des liens. La famille risque donc d’être moins que par le passé une ressource pour la sociabilité des personnes âgées.

44Enfin, à cet effet direct de l’électivité du lien, il faut ajouter les effets des séparations : les relations des enfants de parents séparés avec la famille du parent qui n’a pas la garde (le père en règle générale) ont tendance à se réduire fortement. Ce n’est pas un hasard si de plus en plus de grands-parents se mobilisent pour faire valoir leur droit à recevoir ou visiter leurs petits-enfants.

45Les facteurs d’accroissement de l’isolement sont donc potentiellement nombreux. Ils pourraient néanmoins être compensés par d’autres facteurs, qui jouent en sens inverse. Ainsi, certaines formes de sociabilité sont davantage investies que par le passé. Par exemple, le temps passé en visites et réceptions (hors repas), a sensiblement progressé entre 1986 et 1998, particulièrement chez les inactifs (Dumontier et Pan Ke Shon, 1999). Des occasions de rencontres devraient se développer, qu’elles soient prises en charge par le marché de la mise en relation ou qu’elles soient rendues possibles par l’utilisation d’Internet, dont il est probable que les personnes âgées de demain seront familières.

3.2. Un risque de détérioration des interactions au sein des espaces publics

46C’est dans les espaces publics concrets [4] – rues, places, parcs, transports en commun, salles de cinéma, centres commerciaux, etc. – que s’éprouve concrètement et jour après jour notre capacité à vivre ensemble.

47Notons tout d’abord qu’il n’est pas impossible que ces espaces soient moins nombreux demain qu’aujourd’hui. On sait en effet que les villes étalées se caractérisent par l’organisation de la vie urbaine autour de la voiture et par la rareté des transports et des espaces publics. Or, la tendance à l’étalement a de bonnes chances de se poursuivre, tant sont nombreux les ménages désirant accéder à la propriété en zone périurbaine.

48L’existence et la fréquentation effective des espaces publics dépendent elles-mêmes fortement de la qualité des interactions qui y prennent place : c’est lorsque ces interactions sont marquées par la méfiance ou la pratique déclinante des rituels de civilité, que, petit à petit, chacun se replie sur le monde rassurant de la sociabilité privée.

49Il est difficile de mesurer l’évolution du respect par la population des rituels de civilité. Les études disponibles sur des cas étrangers suggèrent plutôt que leur mise en œuvre est moins systématique (Kowalski, 2001, 2003). Conséquence ou non de la multiplication des comportements inciviques, les enquêtes sur les valeurs des Français enregistrent une revalorisation des règles de vie en commun, de l’autorité et du civisme (Schweisguth, 2003). Par exemple, l’opinion selon laquelle ce serait une bonne chose de respecter davantage l’autorité est en progression sensible, dans toutes les cohortes, passant pour l’ensemble de la population de 60% en 1981 à 69% en 1999. Les Français, s’ils souhaitent davantage de liberté dans la vie privée, semblent aussi demander davantage de règles dans la vie collective.

50La qualité des interactions dans les espaces publics dépend aussi de la façon dont ces espaces sont conçus. La propreté des lieux [5], leur calme, leur luminosité, ou bien encore l’atmosphère qui s’en dégage ne sont pas sans impact sur la façon dont leurs usagers interagissent. Urbanistes et architectes se penchent de plus en plus sur la façon de rendre les espaces rassurants. Des idées simples peuvent grandement contribuer à limiter leur caractère anxiogène. Dans les jardins des Halles à Paris, la réduction de la taille des haies à une hauteur qui permette de voir et d’être vu a fait partie des actions entreprises pour redonner envie de s’y promener. Certains aménagements, en jouant sur le sentiment de sécurité des usagers des lieux, parviennent à modifier leurs comportements, et parfois même, en faisant revenir la population dans des endroits désertés, contribuent réellement à limiter les risques d’agressions.

3.3. Un risque de « calcification » du lien social

51La robustesse et l’intégration d’une société démocratique reposent, comme le roseau de la fable, sur sa souplesse et non sur la rigidité de ses cadres. L’existence de mondes sociaux divers n’a pas le même sens si l’appartenance à ces mondes est définitive ou si elle est réversible. Or, il existe bel et bien un risque de « calcification », qui, en faisant perdre à la trame sociale sa souplesse, la rendrait cassante. Cette calcification pourrait prendre au moins deux formes : d’une part, une croissance des phénomènes de ségrégation, d’autre part, une emprise excessive des appartenances héritées, notamment ethniques, sur les individus.

52Le repli sur la sphère privée et l’augmentation de la délinquance et des incivilités sont à la fois la cause et la conséquence de phénomènes puissants de séparation des populations en fonction du milieu social, mais aussi, de plus en plus souvent, de l’origine ethnique. Pour la région Île-de-France, par exemple, les travaux de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme ont mis en évidence une polarisation croissante des communes. Entre 1984 et 1996, le revenu réel moyen a baissé entre 1% et 8% dans les trois déciles des communes les plus pauvres (44% des foyers fiscaux), alors que le revenu réel moyen des communes du décile le plus riche a augmenté de 18,5%. Cette ségrégation spatiale peut être renforcée par une tendance à l’étalement urbain, qui s’accompagne généralement de la formation de lotissements de plus en plus homogènes socialement, phénomène nourri par le départ des couches moyennes des quartiers populaires (Préteceille, 2003).

53Toutefois, on est encore loin de connaître les formes extrêmes que peut revêtir l’apartheid urbain aux États-Unis. Selon le 2001 American Housing Survey, cette année-là, environ 7 millions de ménages, soit 6% des ménages américains, vivaient à l’intérieur d’une gated community, ces ensembles résidentiels dont l’accès est limité par une clôture et le plus souvent un service de sécurité 24h/24 et où les espaces d’usage communautaire (rues, trottoirs, parcs, etc.) sont privés. Le phénomène est en forte croissance puisque, selon les régions, entre 10 et 30% des lotissements neufs sont des gated communities. Alors qu’il y a dix ans, ces quartiers étaient principalement constitués d’ensembles résidentiels pour retraités ou pour personnes très riches, la majorité d’entre eux regrouperait aujourd’hui des ménages de la classe moyenne, voire des ménages à relativement bas revenus. Dans certains cas, ces communautés fermées obtiennent même leur autonomie politique en créant leur propre municipalité.

54La question de la ségrégation scolaire est intimement liée à celle de la ségrégation résidentielle, en raison même de l’existence de la carte scolaire. Ainsi, la concentration des jeunes d’origines ouvrière et étrangère dans un certain nombre de collèges reflète globalement la concentration de leurs parents dans certains espaces résidentiels. Toutefois, une enquête réalisée sur l’ensemble des collèges de l’académie de Bordeaux pour l’année 2000-2001 apporte des éclairages nouveaux sur ce phénomène (Felouzis, 2003). Alors que dans cette académie, les élèves issus du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie représentent 4,7% des collégiens, on constate que seulement 10% des établissements scolarisent 40% de ces élèves. 17 collèges accueillent entre 20% et 40% d’élèves du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie, alors qu’inversement, 81 établissements en scolarisent moins de 1%. Surtout, l’enquête révèle que la ségrégation ethnique à l’école est beaucoup plus forte que la ségrégation sociale. Et il n’y a aucune raison de penser que ce résultat, observé dans l’académie de Bordeaux, ne soit pas vrai pour l’ensemble des académies.

55Pour les personnes de milieu populaire, et tout particulièrement pour les personnes d’origine immigrée, ces phénomènes de ségrégation – le plus souvent subie – associés au chômage persistant des jeunes, rendent plus difficile l’émancipation des individus vis-à-vis de leur milieu d’origine, de leur famille ou de leur quartier. En effet, une telle émancipation exige elle-même un minimum de ressources qui ont tendance dans ce cas à faire défaut : indépendance financière, possibilité de se déplacer facilement, logement autonome ou au moins espaces où l’on peut jouir d’une certaine intimité, perspectives de mobilité professionnelle ou géographique, etc. Le risque est donc de voir se développer un réinvestissement des appartenances héritées, religieuses ou ethniques. C’est là une deuxième forme de calcification du lien social, désignée le plus souvent comme une montée des logiques communautaires.

56La réussite du processus d’intégration des populations issues des immigrations maghrébine et africaine fait incontestablement l’objet d’assez vives interrogations de la part de la population d’accueil. Il est malaisé d’y répondre de façon univoque. Certains éléments semblent en effet indiquer que la société française constitue toujours un creuset efficace. En particulier, une enquête comparative de 2001 [6] effectuée à l’échelle européenne indique que les jeunes Français issus de l’immigration tendent à aligner leurs goûts et leurs pratiques sur ceux des autochtones, tandis que les goûts et les pratiques des jeunes Anglais issus de l’immigration conservent une plus forte orientation communautaire. 80% des jeunes Français issus de l’immigration s’identifient au moins partiellement à la France, alors que cette identification est rare en Allemagne, où seulement 10% des jeunes considérés ont la nationalité allemande. Les jeunes Français issus de l’immigration n’ont pas non plus les yeux rivés sur leur pays d’origine : 54% d’entre eux ne s’intéressent « pas » ou « pas du tout » à la politique intérieure du pays de leurs parents, ce qui n’est pas le cas en Allemagne, où les jeunes issus de l’immigration disent pour la plupart s’y intéresser « beaucoup » ou « plutôt ». De même, la langue du pays d’origine est beaucoup moins utilisée dans les relations avec les parents en France qu’en Allemagne. En France seulement 2% des jeunes issus de l’immigration ont cité des media « communautaires » comme étant leurs préférés. Noël est fêté dans les familles musulmanes par la moitié des jeunes musulmans en France, alors que ce n’est jamais le cas en Angleterre et que c’est rarement le cas en Allemagne. Enfin, la France est le seul des trois pays où une part non marginale des jeunes issus de l’immigration déclarent avoir pour meilleur(e) ami(e) et /ou pour conjoint(e) ou petit(e) ami(e) une personne d’origine différente de la leur, y compris d’origine autochtone.

57Si donc, globalement, les processus d’intégration semblent toujours à l’œuvre, on ne saurait nier que la situation est beaucoup plus tendue dans certains espaces du territoire national, signe que la ségrégation résidentielle et scolaire, qui se fait de plus en plus sur base ethnique, additionnée aux diverses formes de discriminations à l’embauche et au logement, est porteuse de tensions sérieuses.

58Dans un certain nombre de quartiers de la politique de la ville, les frustrations et les logiques de repli font que le rapport aux « Français » est devenu extrêmement négatif. C’est ce que mettent en évidence plusieurs enquêtes ethnographiques réalisées en 2002-2003 à la demande de la Délégation interministérielle à la Ville et de la mission de recherche Droit et Justice (Bailleau, Fontaine, Menzel et Pattegay, 2003 ; Kebabza et Welzer-Lang, 2003 ; Mauger et Ikachamene, 2004). On y observe une logique d’enfermement, propre à ces quartiers et sans doute à la juvénilité, qui consiste à établir des frontières étanches entre les individus des différentes « communautés ». Dans un des quartiers du Mirail, dans l’agglomération toulousaine, les jeunes, pourtant très majoritairement de nationalité française, ne s’identifient pas à la France. Les expressions comme « je ne me sens pas vraiment français(e) » ou « je suis algérien(ne), marocain(e) » sont fréquentes. Si le caractère monographique de ces études ne permet pas de généraliser le constat, il paraît clair que, au moins dans certains quartiers, chez les jeunes issus de l’immigration maghrébine ou africaine, les rancœurs sont profondes : « Le Français, c’est les autres, les autorités, les flics, le système responsable de la situation des jeunes, mais aussi le contre-modèle de comportement. ‘Français’ est un stigmate quand il s’applique aux filles. ‘Français’ est le responsable de la plupart des maux quand les jeunes se plaignent de leur situation » [7].

59Si les évolutions mentionnées plus haut sont préoccupantes, c’est parce que, loin d’être indépendantes les unes des autres, elles ont plutôt tendance à se renforcer. Ainsi, la ségrégation scolaire et les discriminations à l’embauche permettent d’expliquer au moins une partie du sur-chômage ou de la sur-délinquance de certaines populations, ou bien le développement d’une culture anti-école chez certaines franges de la population juvénile. Et en retour, cette sur-délinquance ou cette culture anti-scolaire attisent les phénomènes de ségrégation et de discriminations.

4. Quelques pistes pour l’action

60Face aux risques mis ici en évidence, quelles actions pourraient être mises en œuvre ? Nous en suggérons ici, modestement, un certain nombre, diverses tant du point de vue de leurs effets potentiels que de l’ampleur des moyens financiers et humains qu’elles supposent de mobiliser.

4.1. Faire face au risque d’isolement

61Même si l’isolement progressait chez les moins de 60 ans, ce qui est loin d’être sûr, il est peu vraisemblable que l’État soit sollicité pour y remédier. En revanche, l’isolement des personnes âgées paraît davantage indépendant des décisions individuelles et il a beaucoup plus de chance de faire l’objet d’une demande croissante de prise en charge par l’État. Ce dernier cherchera sans doute à encourager au maximum la mise en œuvre des solidarités. Mais un certain nombre d’éléments laissent présager un affaiblissement du nombre d’aidants potentiels : le ratio « plus de 75 ans / moins de 75 ans » va se dégrader ; les femmes, qui souvent s’occupaient non seulement de leurs propres parents mais aussi des parents de leurs époux, seront moins enclines que par le passé à accepter les sacrifices que ces soins impliquent ; les fratries moins nombreuses seront moins propices au partage des soins ; les ruptures conjugales plus nombreuses qu’auront vécues parents et/ou enfants pourront avoir desserré les liens entre ascendants et descendants.

62On peut penser dans ces conditions que le recours aux professionnels sera plus important, que ce soit pour apporter de la compagnie aux personnes âgées isolées ou bien pour apporter de l’aide aux personnes en perte d’indépendance. Les moyens financiers étant limités, il sera sans doute nécessaire de mobiliser d’autres formes de solidarités : solidarités de voisinage d’une part, mais également solidarités amicales. C’est ainsi que l’État pourrait être amené à encourager fiscalement des formes originales de cohabitation choisies entre « vieux ami(e)s » qui pourraient s’apporter soutien et affection, à condition que le lieu de vie permette aussi l’indépendance. Ces formules de cohabitation seraient en outre sources d’économies d’échelle en cas d’intervention de professionnels. Par ailleurs, la demande, pour peu qu’elle soit solvable, devrait rencontrer une offre de plus en plus structurée. Les résidences spécifiquement adaptées aux besoins des retraités, dans lesquelles les relations de voisinage sont facilitées par la similitude des situations vécues et par diverses animations, devraient ainsi connaître un succès croissant. Il faudra veiller néanmoins à ce que ce type d’offre n’entraîne pas une trop forte séparation des générations dans l’espace.

4.2. Favoriser la civilité des comportements au sein des espaces publics

63Vivre ensemble suppose que soit reconnu et respecté un certain nombre de normes communes. L’opinion selon laquelle le lien social se délite se nourrit très largement du sentiment que le respect des règles communes est moins valorisé que par le passé. Il existe une attente forte pour que l’État veille à l’application effective des règles qui régissent le partage de l’espace public. Lorsqu’on affiche des règles (par exemple l’interdiction de fumer dans les stations de métro ou l’obligation de ramasser les déjections de son chien) et que l’on ne sanctionne pas leur transgression, on contribue dans des proportions sans doute sous-estimées à la détérioration du lien social. L’importance que les citoyens accordent à ces transgressions est d’ailleurs sans commune mesure avec les moyens mis en œuvre pour les sanctionner.

64Ainsi, la saleté des rues ne constitue pas avant tout un problème d’hygiène de même que la présence de « tags » sur le mobilier urbain ne constitue pas avant tout un problème esthétique. La première signale un abandon et une dévalorisation de l’espace public, tandis que la seconde est ressentie implicitement comme une appropriation visible et durable de cet espace par une petite minorité d’individus. Le caractère relativement ésotérique des inscriptions confère au lieu une forme d’étrangeté et le rend, pour certains, menaçant. Or, l’espace public est l’espace que chacun doit partager avec tous, le lieu d’interactions qui sont autant de mises à l’épreuve de notre capacité à vivre ensemble.

65Si les infractions aux règles qui régissent l’espace public doivent être considérées, au-delà de leurs conséquences directes, souvent bénignes, comme des atteintes au lien social, il convient de les sanctionner beaucoup plus systématiquement, ce qui ne veut pas dire plus lourdement : une sanction modérée mais systématiquement appliquée est largement préférable à une sanction lourde, pas ou peu appliquée. La mise en place des radars automatiques, largement acceptée, a montré le caractère dissuasif des contraventions lorsque l’usager sait qu’elles seront systématiques en cas d’infraction. Dans cette perspective, il serait judicieux de réfléchir aux moyens d’accroître la proportion d’agents habilités à dresser ces contraventions.

66À l’école, même des actions sont déjà menées dans cette direction, il convient peut-être d’insister encore davantage sur le sens des règles et des rituels de civilité. Le rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école, présidée par Claude Thélot, proposait ainsi de définir un socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement. On peut souhaiter que ce dernier élément, par définition moins aisément évaluable, ne disparaisse pas des préoccupations du Haut conseil de l’Éducation. La pratique des jeux de rôle par les écoliers ou les collégiens pourrait aiguiser leur sens de l’empathie dont l’engourdissement peut être à l’origine d’un certain relâchement des pratiques de civilité. Enfin, puisque le respect des règles communes est avant tout une mise en pratique du sens de la responsabilité de chacun vis-à-vis de tous, pourquoi ne pas développer ce dernier en rendant obligatoire au collège une formation aux premiers secours, débouchant éventuellement sur l’obtention du Brevet Européen de Premiers Secours ?

4.3. Parer au risque de calcification du lien social

67Il est peu vraisemblable que la tendance qui consiste à revendiquer (en les reconstruisant en partie) ses origines, l’histoire et la culture de ses ancêtres, s’inverse à brève échéance. En tout état de cause, tant que la revendication portée par les individus concerne une identité fluide et multiple, elle n’est pas en soi problématique. Mais tout change lorsque cette revendication, s’exprimant dans un contexte de ségrégation et d’immobilité sociale, concerne une identité non pas individuelle mais de groupe, identité rigide et exclusive qui tend à soutenir un processus de balkanisation de la société. C’est dire si doivent être explorées toutes les voies permettant d’accroître la mobilité sociale des individus, de rendre sensibles les liens qui unissent chacun à la nation et de favoriser l’ouverture aux autres et la non exclusivité des appartenances.

68Le Plan de cohésion sociale et le Plan d’urgence pour l’emploi présentés par le Premier ministre le 8 juin 2005 comprennent déjà un certain nombre de mesures destinées à renforcer la mobilité sociale : dispositifs de réussite éducative, nouvelle voie d’accès aux carrières des trois fonctions publiques sur le principe de l’alternance, programme « Défense deuxième chance ».

69D’autres propositions circulent et pourraient donner lieu à des expérimentations, comme le fait de réserver à un pourcentage donné (par exemple 7%) des meilleurs élèves de chaque lycée de France, un droit d’accès aux classes préparatoires des grandes écoles et aux premières années des établissements qui sélectionnent à l’entrée (Weil, 2005). Cette formule offrirait de fait plusieurs avantages. Tout d’abord, elle bénéficierait potentiellement à tous ceux, quelles que soient leurs origines, pour qui ces filières d’excellence semblent aujourd’hui inaccessibles. Ne supposant pas la définition de catégories ethniques, elle aurait des chances d’être acceptée socialement. Enfin, en rendant moins rentables les stratégies résidentielles ou de contournement de la carte scolaire, elle pourrait apporter un début de réponse au problème de la ségrégation scolaire. 

70En France, les transferts sociaux jouent un rôle de tout premier ordre pour réduire les inégalités de conditions de vie et pour lutter contre la pauvreté monétaire. On peut leur reprocher cependant au moins deux choses. Premièrement, ils interviennent trop souvent a posteriori, « une fois que le mal est fait ». Deuxièmement, ils ne sont pas fondamentalement créateurs de lien symbolique entre les individus et la société dans son ensemble. Ils supposent le lien social plus qu’ils ne le créent : c’est parce que les individus d’une même nation ont un sentiment minimum de fraternité les uns vis-à-vis des autres qu’ils acceptent ces mécanismes de redistribution. C’est pourquoi l’idée de doter chaque Français d’un « capital initial », disponible à la majorité, pourrait être intéressante. La mesure pourrait être financée, entre autres choses, par un relèvement significatif des droits d’inscription à l’université dont la quasi gratuité a des effets largement anti-redistributifs puisque la durée des études d’un individu est assez fortement corrélée à son origine sociale malgré le mouvement de démocratisation observée depuis les années 1970. Le fait qu’une partie du coût des études supérieures reste à la charge de l’État signifierait que celui-ci abonde l’investissement réalisé par le jeune dans son éducation. Ce serait une manière souple de « flécher » l’utilisation du capital versé au jeune. Un fléchage plus précis est envisageable. Dans ce cas, l’utilisation du capital ne serait pas libre mais limitée à un certain nombre d’investissements : projet de formation, reprise ou montage d’une entreprise, création d’une association, accès à la propriété, etc. Le versement de la dotation en capital, à l’âge de la majorité civile, pourrait donner lieu à une cérémonie officielle, rappelant l’appartenance de chacun à la communauté nationale, avec les droits et les devoirs qui en découlent. Le versement de la dotation pourrait être éventuellement subordonné à l’exercice d’un service civil de solidarité pour une durée à déterminer. Ce serait aussi un moyen d’accroître le vivier d’aidants ou de visiteurs potentiels pour les personnes âgées isolées et/ou dépendantes.

71Comment enfin favoriser la non exclusivité des appartenances et ouvrir au maximum l’horizon des individus ? De ce point de vue, le rôle de l’école est primordial. On ne saurait trop insister sur la nécessité absolue de lutter contre la ségrégation, de plus en plus souvent sur base ethnique, dont elle fait l’objet. La Commission Thélot proposait ainsi que dans les situations d’extrême ségrégation, soient expérimentées deux mesures qui nous semblent intéressantes : soit répartir dans tous les établissements d’une ville (ou d’une partie d’une ville) les élèves d’une zone initialement très défavorisée, soit, au contraire, ouvrir les possibilités de choix des familles sur un espace scolaire où la mixité sociale est réelle, la mise en œuvre de l’une ou l’autre de ces mesures se traduisant par la fermeture de l’établissement très dégradé.

72Au sein des établissements scolaires, pourquoi ne pas développer davantage les voyages d’échanges au collège et au lycée, dont l’objectif premier ne serait donc plus seulement linguistique ? On peut très bien envisager un échange entre collégiens français et, par exemple, polonais sur la base d’une connaissance partagée de l’« anglais de communication internationale » (la Commission Thélot suggérait d’ailleurs que sa maîtrise constitue un des éléments du socle commun). Certains professeurs d’anglais prennent déjà de telles initiatives. Pour qu’elles se développent, il faudrait sans doute les institutionnaliser davantage en ne faisant pas reposer leur organisation sur les seules épaules des professeurs de langue. L’enjeu, dans une logique d’ouverture des horizons, serait que ces échanges puissent aussi bénéficier à des élèves dont les familles n’ont pas la possibilité d’accueillir en retour. Notons qu’ils pourraient aussi être développés avec des pays extra-européens, pays du Maghreb notamment. Le développement des échanges scolaires entre Français et Allemands a sans doute joué un rôle non négligeable dans la réconciliation rapide et durable des deux pays. Ne peut-on pas attendre un résultat similaire d’un développement des échanges entre collégiens français et collégiens des anciennes colonies ?

73Depuis les années 1960, le « lien social » a connu un certain nombre de transformations importantes. Les relations sont plus électives, le centre de gravité de la vie sociale s’est déplacé vers la sphère privée, et les appartenances se font plus réversibles. Ces tendances ont toutes les chances de s’affirmer encore dans les prochaines années. Synonymes de libertés nouvelles pour l’individu, elles peuvent aussi être sources de fragilisation tant pour ces individus (risque d’isolement par exemple) que pour la société dans son ensemble (relatif désintérêt pour la sphère politique, difficulté plus grande à supporter les situations de coprésence non choisies).

74La façon dont les liens privés se tissent aujourd’hui n’est donc pas sans conséquences sur la structuration du lien civil, qui relie chacun à la société dans son ensemble. Ce lien est souvent approché à travers ses manifestations politiques (participation aux élections, confiance dans les représentants, engagements associatifs). Il s’éprouve pourtant aussi quotidiennement dans les espaces publics, à travers ces millions d’interactions anonymes qui façonnent plus ou moins consciemment le sentiment de faire – ou non – société. Ces réalités plus « triviales » mériteraient sans doute de faire l’objet d’un intérêt plus prononcé, tant de la part des chercheurs que des responsables politiques.

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  • Silberman R. et Fournier I., 2006, « Les secondes générations sur le marché du travail en France : une pénalité ethnique qui persiste », Revue Française de Sociologie, vol. 47-2, p. 243-292.
  • Singly F. (de), 2003, Les uns avec les autres. Quand l’individualisme crée du lien, Paris, Armand Colin.
  • Singly F. (de) (dir.), 2004, Enfants/adultes, vers une égalité de statuts ?, Paris, Universalis.
  • Tribalat M., 2004, « Une estimation des populations d’origine étrangère en France en 1999 », Population, n? 59(1), p. 51-82.
  • Van Kesteren J., Mayhew P. et Nieuwbeerta P., 2001, « Criminal Victimisation in Seventeen Industrialised Countries, Key Findings from the 2000 International Victims », The Hague, Onderzoek en beleid, n? 187.
  • Weil P., 2005, La République et sa diversité, Paris, Seuil.
  • Wilson J. Q. et Kelling G. L., 1982, « Broken Windows : The Police and Neighborhood Safety », Atlantic Monthly, mars, p. 29-38 (traduction française : « Vitres cassées », in Institut des hautes études de la sécurité intérieure Les Cahiers de la sécurité intérieure, n? 15, 1994, p. 163-180).

Notes

  • [1]
    Cet article reprend des analyses produites au sein d’un groupe de travail du Commissariat général du Plan coanimé avec F. de Singly et O. Galland.
  • [2]
    Au niveau international, l’article de sociologie le plus commenté de ces dix dernières années est sans doute celui de Robert D. Putnam (Putnam, 1995) dans lequel l’auteur défend la thèse d’un déclin aux États-Unis du « capital social » entendu comme l’ensemble des réseaux sociaux et des normes de réciprocité qui y sont associées (voir la bibliographie en fin d’article).
  • [3]
    Voir aussi Silberman et Fournier, 2005.
  • [4]
    Le statut juridique du lieu importe peu. Les espaces sont « publics » dès lors qu’ils impliquent la coprésence avec des anonymes.
  • [5]
    Pour un plaidoyer en faveur d’un accès aisé et gratuit aux « servitudes d’aisance », voir Damon, 2000.
  • [6]
    Il s’agit de l’enquête EFFNATIS, Effectiveness of National Integration Strategies towards Second Generation Migrant Youth in a Comparative European Perspective.
  • [7]
    Bailleau, Fontaine, Menzel et Pattegay, 2003, p. 95.

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