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Article de revue

Femmes, descendantes d’immigré·es originaires de Turquie à Berlin et à Paris : des transclasses racisées ?

Pages 45 à 55

Notes

  • [1]
    Aladin El-Mafaalani, Bildungsaufsteiger Innen aus Benachteiligten Milieus. Habitustransformation und Soziale Mobilität bei Einheimischen und Türkeistämmigen, Wiesbaden, Springer VS, 2012 ; Vera King, Hans-Christoph Koller (dir.), Adoleszenz, Migration, Bildung: Bildungsprozesse Jugendlicher und junger Erwachsener mit Migrationshintergrund, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2006 ; Ebru Tepecik, Bildungserfolge mit Migrationshintergrund, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2011.
  • [2]
    Catherine Wihtol de Wenden, Rémy Leveau, La beurgeoisie. Les trois âges de la vie associative issue de l’immigration, Paris, CNRS éd., 2001.
  • [3]
    La migration turque est souvent caractérisée par trois vagues. Une migration de travail a vu le jour en réponse aux traités binationaux de recrutement de main-d’œuvre dans les années 1960, puis s’est transformée en migration familiale dans les années 1970 suite à la fermeture des frontières européennes dans le contexte de la crise économique. Enfin, une troisième vague migratoire, influencée par le climat politique répressif en Turquie suite au coup d’État de Kenan Evren, dans les années 1980, a amené majoritairement des personnes diplômées.
  • [4]
  • [5]
    Les chiffres varient fortement en fonction des sources et de la définition de ce groupe. Selon l’Insee, il s’agit de 233 000 personnes nées en Turquie vivant en France en 2022 – Url : https ://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212#Fcontinent_radio2 –, alors que le sociologue Samim Akgönül parle de 500 000 personnes en se basant sur les 340 571 personnes ayant le droit de vote en Turquie selon le Haut Conseil électoral turc (sa définition inclut alors les descendant·es d’immigré·es). Samim Akgönül, « La diaspora turque en Europe et son rôle politique », Questions internationales, n° 94, 2018.
  • [6]
    Maïtena Armagnague-Roucher, « Les dynamiques d’adaptation sociale des communautés turques en France et en Allemagne. Le cas des jeunes générations », in Sociologie, vol. 1, n° 2, 2010, p. 235.
  • [7]
    Nacira Guénif-Souilamas (dir.), La République mise à nu par son immigration, Paris, La fabrique éditions, 2006.
  • [8]
    Mari Oiry Varacca, Jennifer Vanz, « Minorisations. Revisiter les conditions minoritaires », in L’année du Maghreb, n° 27, 2022, pp. 13-21.
  • [9]
    Chantal Jaquet, Les transclasses ou la non-reproduction, Paris, PUF, 2014.
  • [10]
    Ingrid Jungwirth, Andrea Wolffram (dir.), Hochqualifizierte Migrantinnen: Teilhabe an Arbeit und Gesellschaft, Opladen/Berlin/Toronto, Verlag Barbara Budrich, 2017.
  • [11]
    Ingrid Tucci, « Analyse comparée des parcours scolaires de descendants d’immigrés en France et en Allemagne », in Revue française de pédagogie, n° 191, 2015, pp. 47-60.
  • [12]
    Ingrid Tucci, Ariane Jossin, Carsten Keller, Olaf Groh-Samberg, « Success despite starting out at a disadvantage: What helps second-generation migrants in France and Germany? », in DIW Economic Bulletin, vol. 1, n° 5, 2011, pp. 3-11.
  • [13]
    Ingrid Tucci, « Analyse comparée des parcours scolaires de descendants d’immigrés en France et en Allemagne », op. cit.
  • [14]
    Steffen Beigang, Karolina Fetz, Dorina Kalkum, Magdalena Otto, Diskriminierungserfahrungen in Deutschland. Ergebnisse einer Repräsentativund einer Betroffenenbefragung, Berlin, Antidiskriminierungsstelle des Bundes, 2017.
  • [15]
    Élise Verley, Sandra Zilloniz, « L’enseignement supérieur en France : un espace segmenté qui limite l’égalisation des chances », in Formation emploi, n° 110, 210, pp. 5-18.
  • [16]
    Nicolas Charles, Enseignement supérieur et justice sociale. Sociologie des expériences étudiantes en Europe, Paris, La documentation française, 2015.
  • [17]
    Frédéric Blaeschke, Hans-Werner Freitag, « Ein Social-bericht für die Bundesrepublik Deutschland », Datenreport, Bundeszentrale für politische Bildung, 2021.
  • [18]
    Statistisches Bundesamt, Bevölkerung und Erwerbstätigkeit, Bevölkerung mit Migrationshintergrund-Ergebnisse des Mikrozensus 2020, (Destatis), 2022.
  • [19]
    Traduit de l’allemand par l’auteure.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Emmanuelle Santelli, « Les jeunes de banlieue d’origine maghrébine : entre galère et emploi stable, quel devenir ? », in Revue européenne des migrations internationales, vol. 23, n° 2, 2007, pp. 57-77.
  • [22]
    La blanchité est ici comprise comme une construction sociale, et non comme une couleur de peau. Colette Guillaumin montre que le majoritaire a le privilège de ne pas se penser en tant que catégorie et Eduardo Bonilla-Silva montre que le privilège blanc se constitue aussi par le luxe de ne pas se représenter en termes raciaux. Voir Colette Guillaumin, L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel, Paris, Gallimard, 2002 ; Eduardo Bonilla-Silva, « The invisible weight of whiteness: The racial grammar of everyday life in contemporary America », in Michigan Sociological Review, vol. 35, n° 2, 2012, pp. 173-194.
  • [23]
    Traduit de l’allemand.
  • [24]
    Colette Guillaumin, op. cit.
  • [25]
    Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, éd. du Seuil, 1952.
  • [26]
    Colette Guillaumin, op. cit.
  • [27]
    Erving Goffman, Stigma: Notes on the Management of Spoiled Identity, Upper Saddle River, Prentice-Hall, 1963.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Concept issu du contexte américain désignant une personne afro-américaine qui est vue comme blanche.
  • [30]
    Baptiste Coulmont, Sociologie des prénoms, Paris, La Découverte, 2011.
  • [31]
    Pierre Weiss, « Faire communauté par le football en club : micro-histoire des immigrés turcs en France et en Allemagne (2005-2012) », in Cultures & conflits, n° 122, 2021, pp. 175-197.
  • [32]
    Yesim Kakalic, « “Biodeutsch” and “Ausländer” – shifting notions of otherness in narratives of discrimination: A case study of German Turkish descendants in Germany », in Journal of Language and Discrimination, vol. 6, n° 2, 2022, pp. 289-320 ; Jens Schneider, « Talking German: Othering strategies in public and everyday discourses », in International Communication Gazette, vol. 63, n° 4, 2001, pp. 291-363.
  • [33]
    Lors d’un discours pour célébrer les 60 ans des accords bilatéraux de recrutement de main-d’œuvre avec la Turquie, le président allemand Frank-Walter Steinmeier s’est excusé auprès des originaires de Turquie pour les discriminations dont ils et elles ont été victimes et a déclaré qu’il ne s’agissait pas de personnes ayant une histoire migratoire, mais que « l’Allemagne était devenu un pays avec une histoire migratoire », le 5 octobre 2021.
  • [34]
    Saba Fatima, « On the edge of knowing: Microaggression and epistemic uncertainty as a woman of color », in Kirsti Cole, Holly Hassel, Surviving Sexism in Academia, Abingdon, Routledge, 2017, pp. 147-57 ; Regina Rini, The Ethics of Microaggression, Abingdon, Oxon, New York, Routledge, 2021.

1 Au cours des deux dernières décennies, la prise en compte de la dimension migratoire dans l’étude de la mobilité sociale s’est accentuée en Allemagne comme en France. Selon les contextes migratoires respectifs des deux pays, il était majoritairement question en Allemagne des descendant·es d’immigré·es de Turquie [1], pendant qu’en France l’attention était portée sur les originaires du Maghreb, comme illustre le titre de l’ouvrage de Catherine Wihtol de Wenden et Rémy Leveau : La beurgeoisie[2].

2 Parmi les pays européens, l’Allemagne et la France représentent les deux premiers pays de destination de l’émigration en provenance de Turquie. Bien que l’immigration turque vers ces deux pays relève d’une même logique migratoire [3], c’est en Allemagne que la population turque est la plus importante : évaluée autour de 3 millions de personnes, elle représente un des premiers groupes d’immigré·es [4], contre 300 000 à 500 000 personnes en France [5]. Outre ces différences quantitatives, d’autres dimensions sont susceptibles d’influer sur les modalités d’intégration des communautés turques dans ces deux contextes nationaux. Ainsi, du fait de leur arrivée plus tardive en France, dans les années 1970, au moment où l’économie française ralentissait, les immigré·es turc·ques ont été tenu·es éloigné·es du secteur industriel, contrairement à l’Allemagne, et davantage conduits à créer des entreprises dans des secteurs comme le bâtiment, la restauration ou encore la confection textile [6]. S’agissant des formes d’identification subjective, bien que la France constitue le deuxième pays européen d’émigration turque, les originaires de Turquie et leurs descendant·es y sont invisibilisé·es ou catégorisé·es soit comme « Arabes », soit comme « blanc·hes ». En Allemagne, a contrario, ils et elles sont survisibilisé·es et immédiatement identifié·es comme Turc·ques et comme n’ayant pas réussi à s’intégrer.

3 S’ajoute une spécificité des minorités turques par rapport à celles originaires de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. En effet, alors que ces pays ont été colonisés par la France, la Turquie, issue d’un empire en partie européen, n’a jamais été colonisée. Ainsi, les conséquences de ce passé colonial et des guerres de décolonisation sur les relations interethniques [7] n’ont pas d’équivalent pour les originaires de Turquie. Cependant, les originaires de Turquie sont intégré·es dans une structure ethno-religieuse, à travers la postcolonialité par l’islam. En France, le rapport à l’islam est fortement déterminé par l’histoire coloniale du pays, ce qui ressort dans les représentations de cette religion et se manifeste dans les politiques publiques concernant les musulman·es.

4 Il est alors possible de s’interroger sur la façon dont ces représentations s’actualisent dans les processus de mobilité sociale et de minorisation raciale. La notion de minorisation permet d’étudier de manière dynamique l’ensemble du processus de production de l’imposition d’une domination basée sur la division entre des dominant·es et des dominé·es, entre des groupes sociaux minorants et des groupes sociaux minorés [8].

5 Cet article s’intéresse à des femmes berlinoises et parisiennes ayant des parents originaires de Turquie qui connaissent une mobilité sociale intergénérationnelle ascendante. Ces femmes ayant acquis par leurs études des statuts sociaux plus élevés que leurs parents sont considérées comme des transclasses [9]. L’usage d’un tel concept permet de souligner l’importance, dans leurs parcours, de l’imbrication de dimensions micro-sociales (contexte familial et rencontres personnelles) et macro-sociales spécifiques aux contextes nationaux allemand et français (système éducatif, stratification sociale, politiques d’intégration et discriminations). Il s’agit d’étudier l’influence du contexte de sur ou d’invisibilisation sur les expériences de minorisation vécues par ces femmes et leurs poids sur leurs parcours de vie, dans les sociétés allemande et française.

Terrain et méthodologie

6 L’article s’appuie sur l’analyse d’une partie de notre terrain d’enquête de doctorat, constitué d’une soixantaine d’entretiens biographiques menés à Berlin, à Paris et à Istanbul avec des femmes descendantes d’immigré·es turc·ques, diplômées d’un Bac+5, ayant entre 25 et 40 ans et socialisées en Allemagne ou en France. D’une durée moyenne de 2 heures, ces entretiens ont permis d’aborder les parcours éducatifs, professionnels et personnels de ces femmes.

7 Les caractéristiques de la population enquêtée sont présentées ci-dessous.

Parcours des femmes transclasses descendantes d’immigré·es enquêtées – Allemagne

Figure 0

Parcours des femmes transclasses descendantes d’immigré·es enquêtées – Allemagne

Source : Terrain de thèse « Féminités, mobilités sociales et parcours transnationaux : Étude des parcours de jeunes femmes de parents originaires de Turquie entre l’Allemagne, la France et la Turquie »

Parcours des femmes transclasses descendantes d’immigré·es enquêtées – France

Figure 1

Parcours des femmes transclasses descendantes d’immigré·es enquêtées – France

Source : Terrain de thèse « Féminités, mobilités sociales et parcours transnationaux : Étude des parcours de jeunes femmes de parents originaires de Turquie entre l’Allemagne, la France et la Turquie »

Parcours de mobilité sociale dans deux contextes institutionnels

8 Dans les deux sociétés étudiées, malgré une ascension sociale loin d’être toujours facile, les descendant·es d’immigré·es originaires de Turquie occupent de plus en plus d’emplois aux positions hiérarchiques élevées [10]. Toutefois, ils et elles sont davantage représenté·es dans les champs politique, journalistique et artistique en Allemagne qu’en France. Il est difficile de savoir si cette présence accrue en Allemagne est due à leur poids quantitatif plus élevé, à une organisation différente des communautés des originaires de Turquie ou à une ouverture institutionnelle différente dans ces deux pays. Le fait que d’autres personnes avec les mêmes marqueurs ethniques occupent des positions hiérarchiques diverses et élevées peut également jouer un rôle exemplaire, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille proche ou lointaine. Parmi les personnes interviewées, presque toutes, à Berlin comme à Paris, sont les premières de leurs familles et des ami·es de leurs familles à avoir fait des études. Elles constituent donc un modèle pour les générations suivantes, qu’elles continuent ou pas à être en lien avec leurs milieux d’origines.

9 Si le système scolaire allemand comprend une grande diversité de filières, et malgré de fortes inégalités de parcours [11], il offre davantage de possibilités de rattrapage qu’en France [12]. Globalement, les chances d’ascension sociale intergénérationnelle au sein de la communauté turque restent limitées en Allemagne comme en France. Cependant, contrairement au système français, l’origine sociale explique entièrement le désavantage que les descendant·es d’immigré·es turc·ques vivent en Allemagne [13]. Ceci n’exclut pas la multi-dimensionnalité des facteurs déterminant les expériences discriminatoires au sein du système scolaire allemand : notamment en fonction de la position socio-économique et de l’histoire migratoire des parents [14].

10 En Allemagne, les enfants sont scolarisé·es à l’âge de 6 ans et passent les six premières années de scolarité à l’école élémentaire. Par la suite, ils et elles sont orienté·es, en fonction de leurs résultats scolaires, vers le Gymnasium (équivalent du lycée général), la Realschule ou la Hauptschule. Le diplôme du baccalauréat (Abitur) permettant d’accéder directement à l’université ne s’obtient qu’au Gymnasium. Le diplôme de la Realschule doit être complété d’un baccalauréat spécialisé (Fachabitur) pour entrer à l’université.

11 Quatre parcours types de formation ressortent de l’enquête. Le parcours direct vers l’enseignement supérieur allemand (Gymnasium-Abitur-études), qui correspond au parcours direct vers le supérieur français (lycée général-baccalauréat général-études), et le parcours bifurquant allemand (Hauptschule-formation professionnalisante-courte activité professionnelle-Abitur-études) qui correspond au parcours bifurquant français (lycée professionnel-baccalauréat professionnel-courte activité professionnelle-reprise des études).

12 Des nuances se manifestent en France comme en Allemagne quant au choix des études. Alors que des numerus clausus fixent la moyenne nécessaire pour avoir accès aux différentes filières en Allemagne, la hiérarchisation entre établissements de l’enseignement supérieur est plus importante en France [15]. L’obtention du Bac+5 met généralement un peu plus de temps pour les enquêtées allemandes que pour les Françaises [16] et, malgré une prédominance du parcours direct vers le supérieur dans les deux contextes, le parcours bifurquant est plus souvent observable en Allemagne.

13 Ainsi, les cinq enquêtées françaises (Beliz, Defne, Nesrin, Selma et Yağmur) ont réalisé un parcours direct vers le supérieur. Il en est de même pour quatre des enquêtées allemandes (Aliye, Emine, Meriem et Rüya). Ces dernières ont poursuivi leur scolarité au Gymnasium avant de commencer leurs études. Verda est passée par la Hauptschule pour entrer dans une formation professionnalisante, avant de passer l’Abitur et d’entamer des études d’architecture.

14 Une bonne moyenne est nécessaire pour l’orientation vers le Gymnasium, ainsi qu’une Gymnasial Empfehlung (recommandation pour le lycée) établie par le corps enseignant. Rüya et Emine remplissaient la première condition, mais leurs enseignant·es n’ont pas exprimé la recommandation attendue à leur égard. L’engagement parental, en particulier de leur mère, a été décisif pour qu’elles puissent poursuivre leur scolarité au Gymnasium. Au Gymnasium, on recense une moindre proportion de jeunes issues de milieux populaires et de parents immigrés : 65,9 % des élèves ont des parents qui ont au moins un Abitur[17] et 48 % des enfants dont les parents ne sont pas immigrés vont au Gymnasium, contre 33 % des descendant·es de deux parents immigrés [18]. Être dirigée vers le Gymnasium signifie alors souvent se retrouver parmi des jeunes issus de milieux plus favorisés, avec une large sous-représentation des personnes issues de l’immigration.

Des expériences de minorisation au sein de l’école et de l’université

15 Pour Aliye qui a intégré un Gymnasium dans un quartier résidentiel bourgeois de Berlin à 12 ans, cette intégration a induit un passage d’un contexte marqué par une importante diversité culturelle à un autre plus homogène. De ce fait, elle a été confrontée à un sentiment de différence imposée : « Mon quartier, Sprängel, était très multiculturel. Je ne me suis jamais posée la question d’être allemande ou d’être turque, cela n’a jamais fait débat chez nous, quand on a grandi. Nous étions toujours comme une famille. À l’école, j’ai toujours eu un rapport familier avec les profs. J’ai senti ce clivage seulement au secondaire, quand je suis venue à Charlottenburg. […] Au Gymnasium, une professeure d’allemand m’a dit que j’étais la meilleure élève, mais qu’elle ne pourrait pas me donner une meilleure note qu’à une élève allemande. J’ai donc entendu ce genre de remarques au Gymnasium [19]. » (Aliye, ingénieur industriel, juin 2021, Berlin).

16 Cette différence imposée devient performative et une réalité palpable pour Aliye. Elle ne l’oblige pas seulement à se penser en termes d’appartenance nationale, mais également à subir une dévalorisation quand l’une de ses enseignant·es la note en fonction de ses origines plutôt que de ses performances, légitimant cette discrimination par l’évocation de cette différence.

17 Emine relate également avoir été confrontée à des propos racistes d’enseignant·es, tout en minimisant leur portée : « J’ai eu beaucoup de professeurs comme ça, qui étaient à côté de la plaque. J’ai eu un vice-directeur qui m’a une fois interpellée, je crois qu’il y avait une vingtaine de personnes dans la cour de l’école. Il m’a dit à haute voix : “Je ne veux pas que vous, les Turcs, soyez dans mon école.” Tout le monde l’a entendu, personne n’a rien fait. C’est arrivé. Donc, ce n’est pas inventé. C’est vraiment vrai[20]. » (Emine, fonctionnaire pour la politique urbaine berlinoise, septembre 2021, Berlin).

18 L’entrée au Gymnasium, signe d’un début de mobilité sociale vers la poursuite des études supérieures, se traduit par une mobilité socio-spatiale, et par l’accès et la découverte de lieux de pouvoir. Pour les enquêtées allemandes au parcours d’excellence, cette mobilité socio-spatiale est vécue de façon précoce, autour de 12 ans, alors qu’elle est plus tardive pour celles au parcours bifurquant et pour les enquêtées françaises.

19 Cette mobilité présente des qualités différentes en fonction des deux cadres institutionnels nationaux et du choix des études. Il s’agit, en France, d’un mouvement depuis les périphéries (les lieux d’habitation excentrés, ou d’ensembles HLM [21]), alors qu’en Allemagne, d’un passage de quartiers populaires vers le centre socialement plus favorisé. Être orientée vers le Gymnasium se traduit pour Emine, Aliye, Meriem et Rüya, habituées à évoluer durant leur enfance dans un milieu multiculturel, par une implantation dans des espaces bourgeois et blancs [22], ce que Verda vit lors du début de ses études d’architecture : « Pendant mes études, c’était bien sûr encore plus difficile : on ne voyait pas seulement l’origine [ethnique], mais aussi que l’origine avait également à voir avec le statut social, donc avec l’argent et la richesse[23]. » (Verda, architecte, mars 2023, Berlin).

20 Le choix de la filière influence ces expériences. Ainsi, Aliye, Meriem et Nesrin, qui ont opté pour des études scientifiques, se retrouvent dans des promotions mixtes sur le plan ethnique, contrairement aux autres enquêtées. Selma exprime, quant à elle, le rejet ressenti lorsqu’à l’âge de 20 ans elle a intégré une troisième année de licence de droit à Paris dans une grande école prestigieuse : « J’ai expliqué ma journée, ma vie etc., à ma mère, et c’est la première année où je lui ai dit que j’ai ressenti le rejet, le racisme à X. Je ne l’avais jamais ressenti de la vie, avant X. […] À X, en fait, il y a beaucoup de gens, c’est une fac de droit, donc c’est très clivant. Je me suis rendu compte que je n’étais pas intégrée. On ne voulait pas faire les projets avec moi. Pourquoi ? Je ne sais pas. C’était très hostile, etc., je devrais être différente. Peut-être qu’on n’aimait pas ma gueule. J’étais trop une grande gueule, je parlais beaucoup, j’avais mes idées, je prenais la parole en amphi. Je ne le saurai jamais. Il y a eu un moment où je l’ai ressenti. Quand tu te retrouves à faire des groupes avec l’étudiant malgache, l’étudiant… Tu sais pourquoi vous êtes ensemble. Et, en fait, ce n’est pas grave, ce sont toujours mes meilleurs amis, ce sont des gens avec qui je traîne encore aujourd’hui. » (Selma, cadre dans une entreprise de l’industrie du luxe, octobre 2020, Paris).

21 Pour les trois enquêtées françaises, Beliz, Defne et Selma, qui ont grandi en province, le début de leurs études universitaires s’est traduit par un dépassement de la ségrégation socio-spatiale vécue jusqu’alors. À cette ségrégation s’est ajoutée une violence symbolique due à la position de Paris comme « hyper-centre ». À son arrivée à Paris pour des études d’architecture, les rapports de classe (objectivés selon le volume différentiel des capitaux culturel et économique) sont devenus saillants pour Beliz : « Pendant les études supérieures, tu sens que, déjà, tu n’as pas les mêmes connaissances. On va te parler d’un bouquin de Zola quand tu as davantage la connaissance ou la référence d’un livre turc. Effectivement, il y a la culture à l’école, mais ma copine Camille, elle avait un parent rédacteur en chef, quand j’allais chez eux, le mur était tapissé de livres. Et quand je rentrais chez moi, c’était un mur tapissé de photos de la famille. Et les bouquins n’existaient pas dans le salon. Je me rendais compte que je n’avais pas les mêmes références, les mêmes connaissances. Après, financièrement, c’est quelque chose que je sentais aussi. […] Les rares fois où je suis sortie, où il fallait payer son verre à 8 euros ou à 15 euros, tu vois à Paris [rire]. Tu en prends un et tu te dis : “Mon Dieu !” Pour les études d’architecture, fallait du matériel, du carton, des bouts de petits bois très fins, des cutters, des colles spéciales, beaucoup de matériel à acheter, et je sentais une différence dans ce genre de choses. » (Beliz, architecte, mars 2022, Paris).

22 Au cours de ces mobilités spatiales, les enquêtées apprennent progressivement les codes des milieux majoritairement blancs et bourgeois qu’elles ont découverts. Les rapports sociaux de classe, de race et de sexe sont donc étroitement imbriqués pour appréhender ces expériences. Alors qu’en Allemagne intégrer le Gymnasium reste une exception et que les inégalités d’accès et de présence des minorités sont particulièrement criantes, en France, se retrouver dans des grandes écoles ou suivre des études perçues comme prestigieuses amplifie encore ce clivage. Dans les parcours scientifiques en Allemagne – de chimie (Nesrin), d’ingénierie scientifique (Aliye) et de physique (Meriem) –, le corps étudiant semble plus mixte ethniquement et la minorisation de genre tend à atténuer la minorisation ethnique.

De l’invisibilisation à la survisibilisation

23 Les enquêtées vivent leurs premières expériences de minorisation marquantes lors de leur entrée dans l’enseignement supérieur. Leur ressenti de l’existence d’un clivage social qui les distingue des autres élèves ou étudiant·es s’accompagne d’une mise à l’écart sur la base d’une assignation ethno-culturelle. En fréquentant les espaces des « majoritaires » – bourgeois et blancs –, elles découvrent leur minorisation [24]. Ceci n’est pas sans rappeler la compréhension relationnelle de la race, théorisée par Frantz Fanon. En effet, selon lui, la race est produite dans une interaction à laquelle elle ne préexiste pas [25]. À l’instar de Colette Guillaumin, on peut considérer que, si le minoritaire n’est initialement pas conscient de sa position, « la société le lui a appris rapidement, quelle qu’ait été son opinion personnelle sur la question de sa propre définition. Ce qui prend rang de marque est réservé au minoritaire et ne prend son sens que dans son rapport à ce qui n’est pas marqué ; la race prend son sens de ce qui n’est pas racisé. La signifiance de la notion de race pour ceux qui sont racisés n’apparaît qu’à la lumière du système de signification propre aux dominants[26]. » Les dix enquêtées se perçoivent toutes comme des personnes racisées et le fait d’être descendantes d’immigré·es originaires de Turquie constitue un stigmate, source de minorisation. Cependant, les formes de minorisation varient selon le contexte national.

24 On constate ainsi une forte présence de discriminations ouvertement anti-turques dans les récits des cinq enquêtées berlinoises. Toutes ont vécu des moments où un membre du corps enseignant les a désignées ouvertement comme différentes car ayant des parents originaires de Turquie. Les cinq enquêtées françaises n’ont pas vécu d’exclusions aussi manifestes en fonction de critères ethno-nationaux, les processus de désignation s’élaborant de façon plus latente et indirecte. Ce qui pourrait expliquer le fait que ces dernières tendent à minimiser les effets de ces minorisations. C’est notamment le cas de Nesrin qui explique avoir parfois l’impression de faire tache, surtout dans le cadre professionnel, où elle est la seule descendante d’immigré·es : « Une fois, on était partis manger avec l’équipe, avec des directeurs, etc. C’est vrai que j’étais la seule étrangère. Dans mon domaine, c’est un peu ça qui me manque aussi. J’ai un domaine qui est très français. Contrairement à mes autres ami·es turc·ques, par exemple, celle qui est dans le tourisme, elle côtoie toutes les origines. Moi, dans mon domaine, sur le plateau, au siège, ce ne sont que des Français. Moi, je suis là, je me dis que j’ai l’impression de faire une petite tache, mais c’est léger, ça repart après. » (Nesrin, gestionnaire de projet, mai 2023, Paris).

25 Ces formes différentes de minorisations renvoient également aux différences de visibilisation des originaires de Turquie dans les deux pays. Ainsi, la perceptibilité du stigmate [27] diffère dans les deux sociétés. On constate, dans le contexte allemand, une survisibilisation des originaires de Turquie. Leur assignation au statut d’étrangers y est plutôt courante. Être descendante d’immigré·es originaires de Turquie représente alors un stigmate visible. Comme le dit Meriem, en réponse à une question sur les hétéro-désignations, « en Allemagne, la question ne se pose pas, on est de fait turc·que », et en étant turque, elle se différencie de la norme sociale acceptée.

26 En France, dans un contexte d’invisibilisation des personnes originaires de Turquie, les descendantes d’immigré·es ne sont pas étiquetées immédiatement comme telles : « Et, en plus, comme je ne ressemble pas trop à une… Bref, les gens comprennent pas trop que je sois turque. En règle générale, ils me disent beaucoup de choses, mais “turque” arrive après, presque jamais en fait. Je suis obligée de le dire, c’est vrai. » (Yağmur, avocate, mars 2022, Paris).

Le poids des marqueurs ethniques

27 D’autres marqueurs sociaux non identifiables à première vue, comme leurs noms et prénoms, sont susceptibles d’opérer comme des stigmates dès lors qu’ils sont découverts. Elles se retrouvent alors dans la position de l’individu « discréditable[28] », comme l’exprime Defne, dont le discours est très sensible aux rapports sociaux de race : « Il y avait toujours ce complexe d’avoir un prénom différent, qu’on ne m’appelle jamais par mon prénom de manière correcte, qu’on me colle des images, etc. Et quand j’étais plus jeune, j’avais la chance de faire white-passing [29], donc si on ne connaissait pas mon prénom, je pouvais… Je sais que je l’ai quand même moins mal vécue qu’une femme maghrébine en France, mais c’est quand même très dur d’appartenir à une minorité en France, d’autant plus que, maintenant, il y a un rapport à tout ce qui est l’étranger et l’islam qui est tellement crispé, que cela est très fatigant. Et puis tout mon parcours scolaire, au travail, etc., m’a prouvé que je ne serais jamais traitée à ma juste valeur et qu’il faudrait que je me batte trois fois plus pour avoir accès aux mêmes choses que les autres. » (Defne, fonctionnaire dans la jurisprudence, juillet 2023, Paris).

28 Leur appartenance ethnique, qui se dévoile surtout par leur nom pour les enquêtées parisiennes, est considérée comme susceptible de nuire à leur insertion professionnelle (recherche de stage ou d’emploi). Ainsi Beliz, Defne, Nesrin et Yamğur font part de leur doute sur le fait que leur nom, à consonance allochtone, ait pu rendre plus difficile ces recherches.

29 Les prénoms varient en fonction des appartenances sociales [30] et, dans le cas des originaires de Turquie, ils peuvent indiquer une origine ethno-nationale, par exemple kurde ou turque, et une appartenance religieuse, sunnite ou alévie [31]. Leurs (pré)noms représentent des marqueurs ethniques, mais ils ne sont pas forcément toujours correctement « déchiffrés », surtout quand leur connotation turque (ou musulmane) n’est pas évidente. De cette manière, le prénom de Beliz peut susciter une ambiguïté ethnique. Defne explique, quant à elle, qu’on lui inventait une appartenance bourgeoise à cause de son nom de famille : « Mon nom de famille est Demirel. Le “de” c’est une marque. Par exemple, quand on ne connaissait pas mon prénom et quand on faisait l’appel, ça m’a énormément marquée. Parce que les premiers jours, il y en a un qui s’est retourné et qui m’a dit : “Ah, bah, t’es une des nôtres !” Des nôtres dans le sens où… Enfin, bourgeoise de quelque chose. Parce que souvent, on pense que… j’ai, par exemple, un père ou une mère française ou un mix de quelque chose, un peu exotique. » (Defne, fonctionnaire dans la jurisprudence, juillet 2023, Paris).

30 En France, Selma et Nesrin, qui sont musulmanes pratiquantes, ont été confrontées à l’islamophobie. Les discriminations subies de la part de collègues l’ont été en raison de leur appartenance religieuse. C’est ainsi que Selma a décidé de cacher sa foi musulmane sur son lieu de travail, notamment en dissimulant son jeûne pendant la période du ramadan, en trouvant des excuses pour ne pas déjeuner avec ses collègues ou en se prétendant végétarienne pour esquiver les demandes d’explications sur sa non-consommation de viande de porc. Pour Nesrin, le dévoilement de ses origines turques au moment de son jeûne a généré un étonnement chez ses collègues qu’elle a interprété comme dévalorisant : « Les Français, mon côté turc, je ne pense pas qu’ils l’aient vu. La preuve. Juste leur dire que je jeûne les a tellement étonnés. Ils ont été en mode : “Toi, Nesrin ?!” » (Nesrin, gestionnaire de projet, mai 2023, Paris).

31 Que leur origine soit visible ou invisible, les enquêtées sont obligées de manager leur identité, afin de minimiser le stigmate associé à leur origine ethno-raciale, et ce bien qu’elles aient accédé, par les études, à des positions sociales élevées.

32 Pour finir, il apparaît que les parcours de mobilité sociale ascendante de ces femmes sont entremêlés avec des expériences de minorisation complexes : leurs parcours scolaires et professionnels sont marqués par des expériences de discrimination et de stigmatisation liées à leur origine sociale et ethnique. En nous appuyant sur le contraste entre la survisibilisation et l’invisibilisation des originaires de Turquie, il est possible de considérer que leur invisibilisation en France les rend moins sujettes à vivre des expériences de minorisation dans leurs parcours de mobilité sociale ascendante. Alors qu’en Allemagne leurs minorisations se manifestent explicitement anti-turques, nous avons pu remarquer que les enquêtées parisiennes sont également victimes de minorisations plus dissimulées.

33 Ces minorisations s’accumulent au long de leur parcours. Leur condition de descendante d’immigré·es originaires de Turquie constitue un stigmate, en France comme en Allemagne, même s’il opère à travers des processus d’identification plus ou moins diffus. En Allemagne, les descendantes d’immigré·es turc·ques sont l’objet d’un marquage social immédiat et explicite. En France, les descendantes d’immigré·es turc·ques sont susceptibles de ne pas être identifiées immédiatement comme telles, voire d’être perçues comme blanches dans les interactions de face à face. Il demeure que, dès lors que leur appartenance est révélée par le biais de caractéristiques secondaires (un nom, un prénom, une pratique religieuse), les effets stigmatisants sont aussi susceptibles d’opérer.

Conclusion

34 Pour conclure, cette étude permet de relever la différence générale de construction raciale en France et en Allemagne. En Allemagne, où l’on rencontre davantage d’immigré·es originaires d’Europe de l’Est et de l’espace eurasiatique, la blanchité s’est construite avec plus de nuances chromatiques qu’en France, où elle s’est davantage inscrite dans une relation d’altérité vis-à-vis des populations noires et arabes. Ainsi, les descendantes d’immigré·es de Turquie ont, en France, plus de chances de ne pas être identifiées comme turques et peuvent être perçues comme blanches. Seuls le nom ou les pratiques religieuses sont susceptibles de révéler leurs appartenances. Cependant, il nous semble important de réfléchir à la négation du vocabulaire racial en France, car celle-ci peut dissimuler les discriminations, rendues moins palpables qu’en Allemagne. La différence entre la survisibilisation et l’invisibilisation des originaires de Turquie importe ici. En Allemagne, les Turc·ques incarnent la figure de l’étranger qui peine à s’intégrer, maîtrisant mal la langue allemande et vivant dans des sociétés parallèles [32]. Cette minorisation est également incorporée par leurs descendant·es. En réaction à ces représentations, les expériences des discriminations et du racisme sont appréhendées comme collectives [33]. En France, la figure de l’étranger est endossée par les Maghrébin·es. Ainsi, ne pas être désigné·e comme issu·e du Maghreb signifie souvent ne pas être inclus·e dans le groupe « minoritaire majoritaire ». Ainsi, la racialisation est moins ancrée dans l’histoire collective des interactions avec les Turc·ques qui représentent une minorité à part. Dans ce contexte, les Turc·ques en France sont plus susceptibles d’être l’objet de micro-agressions [34], alors qu’en Allemagne ils et elles font face à du racisme plus direct. Dans le cas de micro-agressions, l’interaction est perçue par le ou la minoritaire comme relevant d’une possible discrimination, tout en laissant la place à une analyse innocente. Cette ambiguïté rend difficile de savoir s’il s’agit vraiment d’une injustice ou si le ou la minoritaire mésinterprète la situation, ce qui la rend plus difficilement dénonçable et complique ainsi la reconnaissance des expériences discriminatoires.

35 Si cet article peut paraître représenter ces femmes comme des victimes, objets des processus de minorisation, il reste qu’elles sont sujets de leur parcours. Leur agentivité transparaît également dans la gestion du stigmate et leurs stratégies de résistance. Il faudrait donc considérer cette minorisation au regard des stratégies engendrées par ces parcours de vie.


Mots-clés éditeurs : femmes, discrimination, Turquie, Allemagne, France

Mise en ligne 17/07/2024

https://doi.org/10.4000/120p2

Notes

  • [1]
    Aladin El-Mafaalani, Bildungsaufsteiger Innen aus Benachteiligten Milieus. Habitustransformation und Soziale Mobilität bei Einheimischen und Türkeistämmigen, Wiesbaden, Springer VS, 2012 ; Vera King, Hans-Christoph Koller (dir.), Adoleszenz, Migration, Bildung: Bildungsprozesse Jugendlicher und junger Erwachsener mit Migrationshintergrund, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2006 ; Ebru Tepecik, Bildungserfolge mit Migrationshintergrund, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2011.
  • [2]
    Catherine Wihtol de Wenden, Rémy Leveau, La beurgeoisie. Les trois âges de la vie associative issue de l’immigration, Paris, CNRS éd., 2001.
  • [3]
    La migration turque est souvent caractérisée par trois vagues. Une migration de travail a vu le jour en réponse aux traités binationaux de recrutement de main-d’œuvre dans les années 1960, puis s’est transformée en migration familiale dans les années 1970 suite à la fermeture des frontières européennes dans le contexte de la crise économique. Enfin, une troisième vague migratoire, influencée par le climat politique répressif en Turquie suite au coup d’État de Kenan Evren, dans les années 1980, a amené majoritairement des personnes diplômées.
  • [4]
  • [5]
    Les chiffres varient fortement en fonction des sources et de la définition de ce groupe. Selon l’Insee, il s’agit de 233 000 personnes nées en Turquie vivant en France en 2022 – Url : https ://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212#Fcontinent_radio2 –, alors que le sociologue Samim Akgönül parle de 500 000 personnes en se basant sur les 340 571 personnes ayant le droit de vote en Turquie selon le Haut Conseil électoral turc (sa définition inclut alors les descendant·es d’immigré·es). Samim Akgönül, « La diaspora turque en Europe et son rôle politique », Questions internationales, n° 94, 2018.
  • [6]
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  • [9]
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  • [12]
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  • [13]
    Ingrid Tucci, « Analyse comparée des parcours scolaires de descendants d’immigrés en France et en Allemagne », op. cit.
  • [14]
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  • [17]
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  • [18]
    Statistisches Bundesamt, Bevölkerung und Erwerbstätigkeit, Bevölkerung mit Migrationshintergrund-Ergebnisse des Mikrozensus 2020, (Destatis), 2022.
  • [19]
    Traduit de l’allemand par l’auteure.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Emmanuelle Santelli, « Les jeunes de banlieue d’origine maghrébine : entre galère et emploi stable, quel devenir ? », in Revue européenne des migrations internationales, vol. 23, n° 2, 2007, pp. 57-77.
  • [22]
    La blanchité est ici comprise comme une construction sociale, et non comme une couleur de peau. Colette Guillaumin montre que le majoritaire a le privilège de ne pas se penser en tant que catégorie et Eduardo Bonilla-Silva montre que le privilège blanc se constitue aussi par le luxe de ne pas se représenter en termes raciaux. Voir Colette Guillaumin, L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel, Paris, Gallimard, 2002 ; Eduardo Bonilla-Silva, « The invisible weight of whiteness: The racial grammar of everyday life in contemporary America », in Michigan Sociological Review, vol. 35, n° 2, 2012, pp. 173-194.
  • [23]
    Traduit de l’allemand.
  • [24]
    Colette Guillaumin, op. cit.
  • [25]
    Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, éd. du Seuil, 1952.
  • [26]
    Colette Guillaumin, op. cit.
  • [27]
    Erving Goffman, Stigma: Notes on the Management of Spoiled Identity, Upper Saddle River, Prentice-Hall, 1963.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Concept issu du contexte américain désignant une personne afro-américaine qui est vue comme blanche.
  • [30]
    Baptiste Coulmont, Sociologie des prénoms, Paris, La Découverte, 2011.
  • [31]
    Pierre Weiss, « Faire communauté par le football en club : micro-histoire des immigrés turcs en France et en Allemagne (2005-2012) », in Cultures & conflits, n° 122, 2021, pp. 175-197.
  • [32]
    Yesim Kakalic, « “Biodeutsch” and “Ausländer” – shifting notions of otherness in narratives of discrimination: A case study of German Turkish descendants in Germany », in Journal of Language and Discrimination, vol. 6, n° 2, 2022, pp. 289-320 ; Jens Schneider, « Talking German: Othering strategies in public and everyday discourses », in International Communication Gazette, vol. 63, n° 4, 2001, pp. 291-363.
  • [33]
    Lors d’un discours pour célébrer les 60 ans des accords bilatéraux de recrutement de main-d’œuvre avec la Turquie, le président allemand Frank-Walter Steinmeier s’est excusé auprès des originaires de Turquie pour les discriminations dont ils et elles ont été victimes et a déclaré qu’il ne s’agissait pas de personnes ayant une histoire migratoire, mais que « l’Allemagne était devenu un pays avec une histoire migratoire », le 5 octobre 2021.
  • [34]
    Saba Fatima, « On the edge of knowing: Microaggression and epistemic uncertainty as a woman of color », in Kirsti Cole, Holly Hassel, Surviving Sexism in Academia, Abingdon, Routledge, 2017, pp. 147-57 ; Regina Rini, The Ethics of Microaggression, Abingdon, Oxon, New York, Routledge, 2021.
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