Notes
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[1]
Voir le Système d’information géographique (SIG) de la politique de la Ville.
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[2]
Quelques chiffres pour étayer : dans l’enseignement supérieur, 39 % des étudiants en Erasmus+ sont boursiers sur critères sociaux. En formation professionnelle, 60 % des jeunes en Erasmus+ sont d’origine sociale populaire et 50 % font face à des obstacles économiques, géographiques et de santé. Source : Notes de l’Observatoire Erasmus+, n° 10, 2019. Les écoles primaires et les collèges classés en Réseau d’éducation prioritaire (REP/REP+) sont représentés en proportion plus importante dans le programme Erasmus+ (24,6 %) que leurs poids dans l’ensemble des établissements au niveau national (13,4 %). Source : fiche « Erasmus+ en France : Infos Clés ».
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[3]
Url : https://agence.erasmusplus.fr/erasmus-et-inclusion/.
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[4]
Expression créole.
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[5]
Source : Notes de l’Observatoire Erasmus+, n° 21, 2023.
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[6]
Deux illustrations : « Mon stage Erasmus+ dans un garage finlandais sera un détonateur », in Le Monde, 26 août 2023 ; « Mon année en Erasmus m’a donné de l’ambition et permis de trouver ma voie », in Les Échos Start, 16 octobre 2020.
- H&M : Dans quelle mesure votre association, et ce projet en particulier, sont-ils concernés par les réalités migratoires du fait des publics que vos missions et actions touchent ?
- Valentina Faccioli : L’Institut européen recherche et formation (IERF), centre agréé de formation continue, est une association à but non lucratif née en 1994 à Paris et spécialisée dans la mise en œuvre de parcours de mobilité internationale pour favoriser l’employabilité des jeunes en insertion, des adultes en transition professionnelle, des apprentis et des diplômés récents.
2 Sollicités par les instances publiques territoriales qui souhaitaient augmenter l’offre de mobilité européenne, nous avons mis en œuvre des expérimentations, notamment en Seine-Saint-Denis, un département qui compte un nombre très élevé de quartiers prioritaires de la politique de la Ville, soit 75 quartiers urbains considérés comme défavorisés où résident 37 % de l’ensemble de la population et cohabitent plus de 100 nationalités différentes.
3 Le projet Erasmus+ JEEME « Jeunes d’Est Ensemble en mobilité européenne », reconduit deux fois au cours des années 2018-2022, représente l’aboutissement et la pérennisation d’un dispositif propre à un territoire. Ce premier projet pilote sous forme de consortium mixte associait quatre organismes spécialisés dans le champ de l’accompagnement à l’insertion, avec l’objectif de démocratiser l’accès à la mobilité à travers une ingénierie pédagogique adaptable à des catégories de participants d’âge, de statut socio-professionnel, d’appartenance culturelle et de niveau de qualification diversifiés.
4 Notre association, en tant que coordinatrice du projet, a mieux compris les conditions socio-professionnelles des jeunes migrants et, par la suite, les a mieux accompagnés en mobilité. Nous avons débuté l’accompagnement avec le Centre LASER de Paris, avec des cohortes d’une dizaine de jeunes par an. Aujourd’hui, avec les nouvelles collaborations au sein du consortium Erasmus+ CAP#ME 2021-2027, et notamment l’École de la deuxième chance départementale, nous accompagnons en moyenne 35 à 40 jeunes par an.
- H&M : Abdulazzi Mhoumadi, vous faites partie aujourd’hui des Ambassadeurs Erasmus+. Êtes-vous parti dans le cadre d’un stage ou dans le cadre de vos études ?
- Abdulazzi Mhoumadi : J’ai effectué une mobilité en Belgique en 2020, dans le cadre de mes études. L’objectif était de valider un semestre d’étude pour mon master en information, communication à l’université de La Réunion.
- H&M : Comment avez-vous connu le programme Erasmus+ et été informé de la possibilité de partir à l’étranger ?
- A. M. : La première fois que j’ai entendu parler du programme Erasmus+, je devais être en 5e au collège Jules Reydellet au Bas de La Rivière, mon quartier d’origine à Saint-Denis de La Réunion, connu sur l’île comme étant un des quartiers prioritaires de la ville de Saint-Denis [1]. J’ai su que les élèves et les étudiants réunionnais pouvaient partir à l’étranger en séjour Erasmus+ lorsque je me suis inscrit à l’université de La Réunion en 2014. Du collège au lycée, ce programme était un concept pour moi. Je pensais initialement que seuls les élèves et les étudiants métropolitains pouvaient réaliser ce projet de mobilité puisque la diversité culturelle et ethnique de la France n’était pas représentée sur les supports de communication qui étaient diffusés à l’époque (flyers, photos, vidéos…). Ce n’est qu’en 2019 in fine que j’ai su réellement que je pouvais réaliser ce projet concrètement.
- H&M : Quels sont les principaux obstacles à la mobilité des jeunes et des adultes que vous avez pu identifier ? Le fait que certains jeunes soient diplômés ou qualifiés limite-t-il ces freins ?
- A. M. : Si je réfléchis à partir de mon expérience personnelle, je commencerai par citer le manque de confiance en soi avant la mobilité – je n’avais jamais pris l’avion seul –, mais aussi la peur d’être confronté au racisme en Belgique, suite à ce que je voyais sur les réseaux sociaux à cette époque, l’éloignement, la séparation avec la famille et les amis, et l’incapacité de payer le séjour de mes propres poches. Ces obstacles m’ont freiné dans un premier temps en 2019, alors que j’étais censé partir avec deux amis. Malheureusement, je me suis désisté, pensant que le financement de la mobilité devait se faire sur mon propre budget. Après m’être renseigné au sein de la Direction des relations internationales de l’université de La Réunion, j’ai été convaincu que je devais réaliser le projet de mobilité et que je pouvais le faire !V. F. : Pour comprendre les freins à la mobilité, il est nécessaire de s’arrêter un moment sur les conditions de vie des personnes concernées. Pour un grand nombre de jeunes, qu’il s’agisse de primo arrivants ou d’individus résidents depuis un certain temps, le voyage pour arriver en France a été une expérience très difficile, parfois violente, une « mise à l’épreuve qu’on n’oublie pas ». Ils ont d’abord des besoins indispensables : se loger, trouver un travail, apprendre la langue française. Et tout ceci avec discrétion, car la plupart n’ont pas encore de permis de séjour ou, s’ils l’ont obtenu, ce dernier est temporaire (3 mois, 6 dans le meilleur des cas). Ainsi, la mobilité n’est pas perçue comme une opportunité. Ils ne s’y dirigent pas spontanément, car un départ en mobilité signifie pour beaucoup un nouveau périple et suppose également qu’un individu dispose de ressources propres pour compléter l’enveloppe budgétaire. Les critères d’accès à l’entrée sont perçus comme très élevés et ils craignent de ne pas avoir un niveau de connaissances linguistiques suffisant. En quelque sorte, ils s’auto-discriminent par manque de confiance en soi et de compréhension et/ou d’information sur les dispositifs qui pourraient contribuer à leur professionnalisation.Christine Schwartz : Pour les jeunes et les adultes, les freins à la mobilité peuvent être de différents ordres : économiques bien entendu, mais aussi géographiques (pour ceux qui habitent en région rurale, dans les territoires ultramarins ou bien dans des zones urbaines sensibles) ou liés à des difficultés de santé, un handicap, etc. Il peut aussi y avoir des obstacles relevant de la perception que ces jeunes ou ces adultes ont d’eux-mêmes, en raison de leur histoire familiale, de leur niveau ou parcours d’études, de leur profil professionnel. Il est vrai que ce sentiment d’absence de légitimité disparaît souvent avec le niveau de diplôme et de qualification. On constate que les jeunes issus des formations professionnelles ou en apprentissage, par exemple, peuvent avoir davantage d’hésitations à se lancer dans une mobilité. C’est pour pouvoir offrir à tous, et en particulier aux personnes les moins favorisées, la possibilité d’une mobilité d’études, de formation ou de stage que la Commission européenne a fait de l’inclusion et de la diversité l’une des quatre grandes priorités de la programmation Erasmus+ pour 2021-2027.
6 Concernant plus spécifiquement la mobilité des apprentis, on peut citer la promulgation, le 27 décembre 2023, de la loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, en vue d’un « Erasmus de l’apprentissage ». Ces mesures de simplification (durée minimale de mobilité raccourcie, aide financière pour la structure d’envoi ou l’apprenti selon les cas, par exemple) devraient permettre de lever certains freins et à davantage d’apprentis de bénéficier d’une mobilité [2].
- H&M : La prise en compte de ces obstacles est-elle à l’origine de la création de votre association ?
- V. F. : D’une certaine manière, la prise en compte de ces obstacles a été l’un des moteurs de la création du consortium JEEME et des projets suivants, tout en contribuant à faire évoluer les compétences de notre équipe. D’ailleurs, au-delà du parcours migratoire spécifique à ce public, il ne faut pas oublier que la plupart des jeunes en difficulté d’insertion rencontrent les mêmes freins vis-à-vis des dispositifs de mobilité : ressources, critères de sélection, accès à l’information, sous-estimation et autocensure. Ainsi, toutes les initiatives de mobilités que nous conduisons en partenariat avec les membres du projet visent à lever ces freins. Pour ce faire, nous avons modélisé une ingénierie pédagogique qui repose sur une préparation préalable renforcée pour remettre les candidats à niveau et fournir un cadre de stage permettant à tous de partir, indépendamment de leurs conditions de vie.
- H&M : Quelles mesures l’agence Erasmus+ a-t-elle prises pour pallier ces freins à la mobilité ?
- C. S. : Pour la période 2021-2027, le programme a pour objectif de financer la mobilité de 10 millions de personnes de tous âges et de tous horizons. Cet accès à tous constitue une préoccupation majeure dans la mise en œuvre du programme Erasmus+. Très concrètement, le programme prévoit des aides financières adaptées, sous la forme d’un soutien à l’inclusion pour les publics moins favorisés, ou afin de faciliter la participation des personnes en situation de handicap ou souffrant d’une affection longue durée.
8 Par ailleurs, en septembre 2023, l’agence Erasmus+ France/Éducation Formation a lancé la première édition de son réseau d’Ambassadeurs Erasmus+. Constitué de 52 personnes parties en mobilité Erasmus+ par le passé, ce réseau a pour objectif d’inspirer et de rassurer de futurs candidats à la mobilité. Bénévoles et répartis sur l’ensemble du territoire, les Ambassadeurs Erasmus+ sont issus des quatre secteurs du programme : enseignement scolaire, enseignement et formation professionnels, enseignement supérieur, éducation des adultes. Ils apportent leurs témoignages lors d’événements, de manifestations et de rencontres de pair à pair. Cette initiative était l’une des 35 propositions du Forum citoyen Erasmus+ de 2022 destinées à rendre le programme encore plus inclusif.
9 Enfin, l’agence Erasmus+ France/Éducation Formation met à disposition sur sa page « Inclusion et diversité » un guide détaillant les principes généraux et les publics concernés par le complément portant sur l’inclusion dans le programme Erasmus+ [3].
- H&M : L’accès à la mobilité européenne est-il possible pour tous ces jeunes ? Quelles mesures avez-vous prises pour les informer sur leur droit à la mobilité ?
- V. F. : Si une offre de mobilité existe bel et bien pour tous ces jeunes, pour qu’ils puissent y accéder, il est fondamental que la réflexion sur la valeur ajoutée de ces parcours et sur la sécurité de leur cadre de réalisation soit véhiculée par les référents à l’insertion. En étant proches de ces jeunes et parfois de leurs familles, ces derniers représentent une clé très importante pour l’accès à l’information et l’auto-positionnement des participants potentiels.
11 Sensibiliser le réseau de professionnels à l’emploi et le tissu associatif spécialisés est une activité que nous conduisons depuis longtemps avec les partenaires du consortium. Une activité qui, dans notre cas de figure, est aussi soutenue par les instances publiques territoriales – Est Ensemble, la Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS), le Conseil départemental – qui nous aident à atteindre ce public en retrait et parfois « invisible ». Leur apport contribue également à légitimer les parcours de mobilité et concourt à l’obtention de financements complémentaires aux budgets Erasmus+, ce qui est fondamental pour lever l’un des freins les plus contraignants et œuvrer à une véritable démocratisation de la mobilité transnationale.
12 Alors, oui, nous pensons qu’il faut maintenir et renouveler toute action de médiation et d’information en direction des jeunes, et nous insistons en direction des organismes du secteur de la formation et de l’insertion qui les accueillent.
13 C. S. : Par leurs témoignages directs et la diversité de leurs profils (anciens apprentis, lycéens de la voie générale, étudiants, demandeurs d’emploi, adultes en reconversion, etc.), les Ambassadeurs Erasmus+ s’activent à faire passer ce message à leurs pairs. Ainsi, au cours de cette première année d’existence, ils ont participé à plus de 70 événements à travers la France, en métropole et en Outre-mer.
14 Par ailleurs, tout au long de l’année, l’agence Erasmus+ France/Éducation Formation mène des actions variées de promotion autour du droit à la mobilité auprès des structures d’éducation et de formation dans toute leur diversité : lycées agricoles, lycées hôteliers, Maisons familiales rurales, Institut régional de formation sanitaire et sociale (IRFSS), Institut régional de travail social (IRTS), hôpitaux universitaires, chambres des métiers, chambres de commerce, etc. Des déplacements de promotion sont également organisés, chaque année, dans les territoires ultramarins, dans le but de rencontrer et accompagner les acteurs de ces territoires.
15 L’agence organise, en outre, des campagnes de communication spécifiques auprès des publics de l’éducation des adultes : associations, collectivités, acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), par exemple. Elle mène enfin un travail au long cours avec les têtes de réseau de l’apprentissage en France et en Europe dans le but de faciliter la mobilité des apprentis.
- H&M : La mobilité européenne a-t-elle représenté une dimension importante dans votre environnement familial ?
- A. M. : Pour répondre à cette question, je dirais qu’à la mort de mon père en 2004, nous avons dû nous serrer les coudes pour pouvoir avoir une vie meilleure au sein de notre domicile familial. Le fait de voyager n’avait jamais été dans mes plans, pour des raisons financières, malgré mon amour des cartes géographiques et ma passion pour les découvertes diverses et variées. Figurez-vous que le tout premier voyage de ma vie a été possible grâce à Erasmus+. En 28 ans d’existence, je n’avais jamais eu l’occasion de me rendre dans mon pays d’origine (les Comores), ainsi que dans la ville d’origine de mes parents (Mbéni dans la région de Hamahamet en Grande Comore). Ce programme m’a marqué à vie car il m’a permis de « sauter la mer [4] » et de me rendre compte que l’Europe accompagne les ultramarins partout et tout le temps. Un projet salué au sein de mon environnement familial.
- H&M : Dans quelle mesure votre mobilité européenne a-t-elle constitué un atout pour votre parcours professionnel ?
- A. M. : Grâce à cette expérience à l’étranger, j’ai pu découvrir une nouvelle pédagogie, acquérir des connaissances complémentaires. Avoir ce genre d’expérience m’aura permis d’avoir un meilleur niveau d’employabilité sur le marché du travail. Je me base sur une étude intitulée « Erasmus Impact Study : Key findings » (Commission européenne, septembre 2014). Je le vois à l’heure actuelle, alors que je travaille dans une agence de communication. Les employeurs disent qu’une expérience internationale est importante dans le recrutement car des compétences transversales sont recherchées : l’ouverture d’esprit, la curiosité, l’adaptabilité, la prise d’initiative, la confiance en soi, la tolérance envers les idées, les valeurs et les comportements des autres… Un vrai supplément au diplôme.
17 En somme, j’ai connu une mobilité sociale ascendante par rapport à la génération qui me précède : j’ai pu valider mon master au sein de l’université de La Réunion et exercer mon métier grâce à mes compétences. Je suis fier et content de mon parcours. Je reste persuadé que le projet de mobilité a été un réel plus.
- H&M : La mobilité européenne dans un parcours de formation ou d’insertion favorise-t-elle une réflexion des jeunes et des adultes sur leur parcours personnel ? En quoi la mobilité géographique est-elle un levier important dans une stratégie d’ascension sociale ?
- V. F. : Tous nos parcours conjuguent les dimensions professionnelles et personnelles. Les mobilités font partie intégrante d’un dispositif qualifiant qui prévoit un stage pratique afin de valider et/ou de renforcer le projet professionnel des jeunes concernés. À titre d’exemple, les jeunes accompagnés par l’organisme LASER intègrent le dispositif régional « Parcours d’entrée dans l’emploi », ceux de l’École de la 2e chance un « Parcours Métiers » ; les deux permettent d’orienter et d’accompagner la définition d’un projet de vie, d’abord, puis de travail. L’apport de la mobilité renforce cette dimension de droit à la réussite personnelle et sociale. Avoir le droit de se former dans des lieux où la diversité des nationalités est considérée comme un atout contribue à se sentir « accepté », partie prenante d’une communauté élargie. Pour ces jeunes, partir en mobilité dans un cadre accompagné qu’ils ont co-construit, et où ils savent qu’ils seront attendus par les organismes locaux et les entreprises d’accueil, contribue à légitimer leur insertion en France.
19 D’un commun accord avec les membres du consortium, nous avons choisi en priorité Bruxelles comme ville d’accueil pour ces jeunes d’origine étrangère. Ils peuvent avoir tendance à se « réfugier » et à se « protéger » en restant dans leur communauté d’appartenance, sans pratiquer suffisamment le français, ce qui constitue un des freins à l’accès à des formations qualifiantes et/ou à l’emploi. Proposer une expérience de mobilité en milieu francophone répond d’abord à cette première exigence de pratique linguistique sans qu’ils se sentent totalement dépaysés.
20 L’expérience immersive dans une ville capitale, siège de l’Union européenne, est également propice à la réflexion sur les questions de citoyenneté, sur les opportunités que l’Europe leur ouvre et sur le rôle qu’ils peuvent désormais assumer dans leur avenir personnel et professionnel.
21 C. S. : Le programme Erasmus+ est un outil pour l’emploi permettant à chacun de développer des compétences (linguistiques, professionnelles, savoir-être…) et d’améliorer son intégration professionnelle et sociale. Ainsi, on constate que 86 % des apprentis de la voie professionnelle perçoivent une amélioration de leur employabilité suite à une mobilité Erasmus+. Les jeunes qui ont réalisé une période de mobilité encadrée à l’étranger accèdent plus rapidement à leur premier emploi, en moyenne en 4 mois, contre 5,5 pour les autres [5].
22 Les témoignages des Ambassadeurs Erasmus+ illustrent de façon concrète les bénéfices d’une mobilité qui permet de mieux se connaître, d’oser se lancer, d’élargir ses ambitions. Ils évoquent une plus grande ouverture aux autres et au monde, ainsi que davantage de confiance en soi. Notre ambassadrice Shérine a pu, grâce à sa mobilité, se projeter ailleurs en Europe et définir son choix d’orientation. Parti avec Pôle Emploi en stage en Irlande, Antoine a repris les études avec une formation en cybersécurité. Muriel s’est reconvertie en professeure de yoga, après un passé de collaboratrice juridique et un stage à Dublin grâce à une association locale. Une mobilité permet de se créer un réseau à l’étranger et, parfois même, de déclencher des opportunités d’emploi hors de France [6].
23 L’agence Erasmus+ France/Éducation Formation a lancé, en mai 2024, une grande campagne média « Rencontrez l’Europe, et surtout vous-même », avec des récits de mobilité de huit bénéficiaires. Elle met en scène deux versions de chaque participant : avant leur mobilité et après leur retour. L’objectif est de montrer ce que l’expérience a changé pour eux.
24 Enfin, il faut citer l’accompagnement au quotidien des quelque 190 agents de l’agence, en particulier du département Gestion des projets et du département Contrôle et évaluation des projets, qui précisent aux porteurs de projet ce que signifie l’inclusion et s’assurent du bon déroulement des projets, entre autres actions indispensables à la mise en place des projets Erasmus+.
- H&M : Quels sont les principaux impacts sur l’insertion socio-professionnelle pour les jeunes et les adultes ayant participé à une mobilité européenne dans le cadre de vos projets ?
- V. F. : Le premier impact recherché par les projets JEEME, et commun aux participants, est de soutenir l’insertion professionnelle et l’employabilité à court et à moyen termes. Les résultats sont très satisfaisants : dans les six mois suivant le retour, 80 % des jeunes sont en emploi et 15 % ont réussi à passer les sélections pour intégrer la formation professionnelle visée. Même s’il s’agit d’un tout petit nombre, quelques participants repartent en mobilité. Ils nous disent : « On sait le faire, on connaît et on peut. »
26 Un autre résultat vraiment très positif et transversal concerne l’évolution des capacités linguistiques, sociales et professionnelles. Même les jeunes les plus timides ou ayant des ressources très limitées acquièrent deux niveaux supérieurs en langue. Ce constat a très favorablement surpris les référents de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – partenaire financier de nos projets de mobilité – qui avaient rencontré la première cohorte expérimentale avant le départ et au retour.
27 Enfin, grâce au suivi et à l’accompagnement des organismes d’envoi, leurs conditions de vie s’améliorent, ils sont plus confiants dans leurs capacités à comprendre et à affronter les procédures administratives pour identifier un logement stable, pour la reconduction du permis de séjour ou l’obtention du permis de conduire… Ces impacts « vitaux » relèvent de la mobilisation des capacités d’autonomie, à laquelle la mobilité a fortement contribué.
- H&M : Quels liens ces jeunes conservent-ils dans les pays où ils ont séjourné ?
- A. M. : J’ai pu conserver des liens avec les personnes qui ont croisé mon chemin en Belgique. En premier lieu, il m’arrive de prendre contact avec l’ancien propriétaire de mon logement. Je discute toujours avec mes « amis Erasmus+ » des quatre coins de l’Europe sur les réseaux sociaux. J’ai d’ailleurs des amis qui se sont installés en Belgique à la suite de leur mobilité. J’ai tout fait pour m’intéresser au pays d’accueil ainsi qu’aux us et coutumes. J’ai ainsi pu rencontrer beaucoup de Belges au sein de ce pays riche en cultures et reprendre contact avec des Belges que j’ai connus à La Réunion durant les années précédentes lorsqu’ils ont réalisé leur séjour en Erasmus+. Je compte retourner dans ce merveilleux pays lors de mes prochaines vacances.V. F. : Une expérience réussie alimente la construction de souvenirs positifs et durables. Il n’est pas rare que, lors des suivis à trois et à six mois, les jeunes expriment une nostalgie pour la période de mobilité. Certains y retournent avec leur famille ou des amis, fiers de pouvoir les guider dans un lieu qu’ils connaissent. D’autres ont souhaité s’y installer. Nombre d’entre eux maintiennent des relations avec leurs tuteurs de stage et de nouveaux amis rencontrés pendant la période. Enfin, ils sont toujours très disponibles pour se faire « Ambassadeurs » de la mobilité, ce qui représente un moyen puissant pour convaincre d’autres jeunes de nous rejoindre.
- H&M : Pourquoi avez-vous décidé de devenir Ambassadeur Erasmus+ ? Quelles sont vos missions ?
- A. M. : Tout naturellement, j’étais un ambassadeur du programme Erasmus+ dans l’âme puisque je l’ai testé et approuvé. Ensuite, à mon retour sur l’île en 2021, j’ai réussi à réaliser un service civique au sein de la Direction des Relations internationales de l’université de La Réunion avec comme objectif de promouvoir la mobilité à l’international. J’encourageais les étudiants réunionnais à réaliser l’expérience Erasmus+ car, durant cette période (2021), beaucoup d’étudiants craignaient de partir pour les raisons que j’ai mentionnées plus haut, mais plus particulièrement à cause de la situation sanitaire funeste.
29 Devenir Ambassadeur Erasmus+ est, pour moi, l’occasion de faire partir d’un réseau afin de répondre aux besoins de l’agence Erasmus+ France sur les questions qui touchent de près comme de loin à ce programme sur l’île de La Réunion et les réalités réunionnaises. Je suis ravi de faire partie de ce cercle afin d’échanger avec les autres Ambassadeurs sur la situation dans leur territoire, et idem pour mon territoire. Je participe à des événements sur l’île ayant pour but de valoriser mon parcours et de témoigner sur mon expérience à l’étranger grâce au programme Erasmus+. Cette sensibilisation se fait auprès de personnes issues de diverses catégories sociales. En tant qu’ambassadeur bénévole, je participe à la promotion du programme sur les réseaux sociaux et de l’ensemble des supports de communication afin d’être l’un des référents de l’île capable de porter la voix des Réunionnais à l’échelle nationale.
- H&M : Pourquoi avoir choisi l’agence Erasmus+ France/Éducation Formation pour soutenir votre projet ? Comment ce soutien s’est-il matérialisé dans la mise en place de vos projets ?
- V. F. : Pour une association comme la nôtre, qui est née avec l’objectif statutaire de démocratiser l’accès à la mobilité européenne pour toutes les personnes en insertion et/ou en transition professionnelle, le soutien de l’agence depuis 1997 représente le moteur de notre activité. La possibilité de passer d’un projet d’établissement à un projet de consortium dans l’axe formation professionnelle a légitimé nos compétences, nous a permis de créer un réseau de partenaires locaux et étrangers stable et en évolution continue, et de continuer à former nos équipes, tout en formalisant des propositions de mobilités nouvelles pour un public de plus en plus élargi. Avec les membres du consortium, nous avons réussi à intégrer la dimension de l’inclusion et à reconduire l’offre de mobilité sur un territoire où les opportunités de mobilités professionnelles restent toujours limitées pour ces publics.
Notes
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Voir le Système d’information géographique (SIG) de la politique de la Ville.
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Quelques chiffres pour étayer : dans l’enseignement supérieur, 39 % des étudiants en Erasmus+ sont boursiers sur critères sociaux. En formation professionnelle, 60 % des jeunes en Erasmus+ sont d’origine sociale populaire et 50 % font face à des obstacles économiques, géographiques et de santé. Source : Notes de l’Observatoire Erasmus+, n° 10, 2019. Les écoles primaires et les collèges classés en Réseau d’éducation prioritaire (REP/REP+) sont représentés en proportion plus importante dans le programme Erasmus+ (24,6 %) que leurs poids dans l’ensemble des établissements au niveau national (13,4 %). Source : fiche « Erasmus+ en France : Infos Clés ».
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Url : https://agence.erasmusplus.fr/erasmus-et-inclusion/.
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Source : Notes de l’Observatoire Erasmus+, n° 21, 2023.
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Deux illustrations : « Mon stage Erasmus+ dans un garage finlandais sera un détonateur », in Le Monde, 26 août 2023 ; « Mon année en Erasmus m’a donné de l’ambition et permis de trouver ma voie », in Les Échos Start, 16 octobre 2020.