Notes
-
[1]
Frank Dikötter, Lars Laamann, et Zhou Xun, Narcotic Culture : A History of Drugs in China, Chicago, University of Chicago Press, 2004, p. 37-38 ; Wang Hongbin, Jindu shijian (Histoire de la prohibition des drogues), Changsha, Yuelu shushe, 1997, p. 17-23.
-
[2]
Jean Cocteau, Opium. Journal d’une désintoxication, Paris, Stock, 1999 [1930]. Cocteau y relate sa désintoxication dans une clinique de Saint-Cloud de décembre 1928 à avril 1929. Le livre de Cocteau, c’est un fait très peu connu, suscitera un certain écho en Chine, comme en témoignent les articles que lui consacre la revue Lunyu [Propos], publiée par Lin Yutang à Shanghai dans les années 1930 : Lunyu, 10, 1933, p. 341-342, 30, 1933, p. 277.
-
[3]
Michael Greenberg, British Trade and the Opening of China, 1800-1842, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1951 ; Arthur Waley, The Opium War through Chinese Eyes, Stanford, Stanford University Press, 1958 ; Maurice Collis, Foreign Mud, the Opium Imbroglio in the 1830’s and the Anglo-Chinese War, New York, Norton, 1968 ; Hosea Ballou Morse, The International Relations of the Chinese Empire, the Period of Conflict, 1834-1860, Taipei, Ch’eng wen, 1971 (1re éd., Shanghai, Kelly & Walsh, 1910) ; Hsin-pao Chang, Commissioner Lin and the Opium War, Cambridge, Harvard University Press, 1964 ; David Owen, British Opium Policy in China and India, Londres, Archon Books, 1968 ; James Polachek, The Inner Opium War, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1992 ; Peter Fay, The Opium War 1840-1842 : Barbarians in the Celestial Empire in the Early Part of the Nineteenth Century and the War by which they forced her Gates Ajar, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1997.
-
[4]
Mémoire de Huang Juezi de juin 1838, mémoire de Lin Zexu de juin 1838, Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao 1729-1949 [Matériaux pour l’histoire de la prohibition des drogues en Chine entre 1729 et 1949], Tianjin, Tianjin renmin chubanshe, 1998, p. 62-63 et 67-71.
-
[5]
James Polachek, The Inner Opium War, op. cit., p. 131-133, 142-143 ; Frederic Wakeman, Strangers at the Gate. Social Disorder in South China, 1839-1861, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1966, p. 35.
-
[6]
Chinese Repository, mai 1839, p. 55.
-
[7]
C’est là un des présupposés qui soutenaient l’argumentaire prônant de s’attaquer aux consommateurs. Selon Huang Juezi, la lutte contre l’opium ne peut être efficace que si l’on s’attaque aux consommateurs dans la mesure où leur addiction rend possible de les distinguer du reste de la population : mémoire de juin 1838, Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 63.
-
[8]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 250-252.
-
[9]
Cette conception de l’hôpital comme un centre de soins ouvert à des malades de tous milieux sociaux et non un refuge destiné aux plus démunis apparaît extrêmement moderne. En France, l’abandon de la seconde mission au profit de la première s’opère très progressivement dans la première moitié du XXe siècle : Jean Imbert, Histoire des hôpitaux en France, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1996 (7e éd.), p. 59-60. L’hypothèse selon laquelle l’expérience des missionnaires en Extrême-Orient aurait influencé la métamorphose de l’hôpital qui se produit en Occident n’a, à notre connaissance, pas été examinée.
-
[10]
Paul Unschuld, Medicine in China. A History of Ideas, Berkeley, University of California Press, 1985, p. 236-242 ; Kerrie MacPherson, A Wilderness of Marshes. The Origins of Public Health in Shanghai, 1843-1893, Oxford, Oxford University Press, 1987, p. 148-149.
-
[11]
Justus Doolittle, Social life of the Chinese, New York, Harper, 1865, p. 358-362 ; The Chinese Recorder, juin 1871, p. 18.
-
[12]
Kathleen Lodwick, Crusaders against Opium. Protestants Missionaries in China 1874-1917, Lexington, University Press of Kentucky, 1996, p. 33 et 130-136.
-
[13]
Kathleen Lodwick, Crusaders against Opium, op. cit., p. 130-136.
-
[14]
Friend of China, vol. 8, no 9, octobre 1885, p. 169 ; vol. 9, no 2, juin 1886, p. 56 ; Report of the London Missionary Society, 1898, p. 32 ; The Foreign Field, septembre 1911, p. 388.
-
[15]
Jean-Jacques Yvorel, Les poisons de l’esprit, Paris, Quai Voltaire, 1992, p. 222-230.
-
[16]
The Chinese Recorder, mai-juin 1880, p. 196-207 ; Friend of China, vol. 7, no 2, février 1884, p. 26 ; vol. 8, no 9, octobre 1885, p. 169.
-
[17]
Friend of China, vol. 8, no 7, juillet 1885, p. 124-25 ; vol. 10, no 5, juillet 1887, p. 155 ; The Chinese Recorder, septembre-octobre 1874, p. 258-262, mai-juin 1880, p. 196-207 ; juin 1885, p. 239.
-
[18]
Friend of China, vol. 6, no 10, octobre 1883, p. 257-260 ; vol. 8, no 9, octobre 1885, p. 169 ; The Chinese Recorder, août 1878, p. 319.
-
[19]
Sarah Tucker, The Canton Hospital and Medicine in Nineteenth Century China 1835-1900, thèse de doctorat, Université de l’Indiana, 1983, p. 178-179 ; Friend of China, vol. 3, no 6, janvier 1878, p. 91.
-
[20]
First Report of the First Institution for Insane in China, February 1898 to August 1901, p. 23.25.
-
[21]
Lin Man-houng, Late Qing perceptions of native opium, Harvard Journal of Asiatic Studies, vol. 64, no 1, juin 2004, p. 117-144.
-
[22]
Archives d’outre-mer, dossier gouvernement général d’Indochine (par la suite, GGI) 43019, rapport de Rozier « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », daté du 12 octobre 1907, adressé au gouverneur général de l’Indochine, p. 5.
-
[23]
Zhu Qingbao, Jiang Qiuming, Zhang Shijie, Yapian yu jindai zhongguo [L’opium et la Chine contemporaine], Nanjing, Jiangsu jiaoyu chubanshe, 1995, p. 339 ; Su Zhiliang, Zhongguo dupinshi, op. cit., p. 205-206. le texte du règlement en dix points est reproduit dans Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 399-401.
-
[24]
Voir par exemple : Archives du ministère des Affaires étrangères (par la suite, MAE), nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 584, rapport de l’ambassadeur de France à Pékin au ministre des Affaires étrangères du 22 décembre 1906.
-
[25]
Voir le texte de l’édit du 20 septembre et le règlement en dix points du 1er novembre 1906 réédités dans Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 399-400.
-
[26]
Archives du MAE, nouvelle série, no 589 : rapport de De Margerie, ministre de France en Chine (citant un rapport du vice-roi de Canton au trône) au ministre des Affaires étrangères du 12 octobre 1910.
-
[27]
L’analogie avec l’entreprise de compilation des coutumes locales initiée en 1908 par le régime impérial est intéressante. Dans ce cas également, la nécessité de rechercher l’appui des élites locales et l’utilité de constituer des associations ad hoc figurent dans l’édit correspondant : Jérôme Bourgon, Rights, freedom, and customs in the making of Chinese civil law 1900-1936, dans Realms of freedom in Modern China, William Kirby (éd.), Stanford, Stanford University Press, 2004, p. 97.
-
[28]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 21-22. Il semble que d’autres associations de lutte contre l’opium aient vu le jour, mais aucune ne peut se comparer sur le plan de ses activités ni ne reçoit une onction officielle comme la Guangdong jieyan zonghui.
-
[29]
À propos de la fondation et de l’activité de ces deux associations, voir Edward Rhoads, Merchants associations in Canton, dans The Chinese City between two Worlds, Mark Elvin et William Skinner (éd.), Stanford, Stanford University Press, 1974, p. 104-106.
-
[30]
Deng Yusheng, Quanyue shehui shilu [État des lieux de la société au Guangdong], Canton, Diaocha quanyue shehui chubanshe, 1911 ; Liu Fujing, Wang Mingkun, Jiu guangdong yanduchang [Prostitution, jeu et opium dans le Canton de jadis], Hong-Kong, Zhonghua shuju youxian gongsi, 1992, p. 49-50 ; Edward Rhoads, China’s Republican Revolution : The Case of Kwangtung, 1895-1913, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1975, p. 124.
-
[31]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 22.
-
[32]
Voir aussi Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 24.
-
[33]
Liu Fujing, Wang Mingkun, Jiu guangdong yanduchang, op. cit., p. 48 ; Douanes maritimes, Returns of Trade and Trade Reports for the Year 1907, Canton trade report, p. 483.
-
[34]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 27-29.
-
[35]
Archives du MAE, nouvelle série, no 589, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[36]
Archives d’outre-mer, dossier GGI 43019, jieyan zonghui liuyiyuan zhangcheng [Règlement de la clinique de l’association du Guangdong contre l’usage de l’opium].
-
[37]
Archives du MAE, nouvelle série, dossier no 586, rapport du consul de France à Canton du 27 septembre 1907 ; dossier no 587, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[38]
Archives du MAE, nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 587, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[39]
Florence Bretelle-Establet, La santé en Chine du Sud (1898-1928), Paris, Éd. du CNRS, 2002, p. 169-171.
-
[40]
Archives du MAE, nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 592, rapport du 21 août 1912 de Picot à Poincaré ministre des Affaires étrangères ; Foreign Office, FO 415 : rapport de Jordan à Sir Edward Grey du 26 mai 1913.
-
[41]
Archives municipales de Canton, série no 570, Guangzhoushi shizheng gongbao, 23 août 1921, 26 septembre 1921 ; Guangzhoushi shizheng gaiyao [Les principes du gouvernement municipal de Canton], Canton, 1922, partie municipalité, p. 26. Des sources indiquent que cette clinique est toujours active au début de l’année suivante : 24 janvier 1922, 6 février 1922, 13 février 1922.
-
[42]
Archives d’outre-mer, dossier GGI 32790, rapport de Beauvais consul de France à Canton à GGI du 10 août 1917 ; Archives nationales no 2 (Nanjing), série no 679 (douanes maritimes), dossier no 32410, Canton current events and rumours (1917), rapport du 14 mai 1917.
-
[43]
Guangdong caizhengting, Guangdong shengku liuniandu (1/7/17-30/6/18) guojia shizhi gekuan shumu baogaoshu [Rapport sur les montants détaillés des dépenses du budget de la province du Guangdong pour l’année 1917], Canton, 1919, p. 6. On ne dispose des budgets équivalents ni avant ni après la période couverte par ce rapport.
-
[44]
Le seul gage de survie politique à l’époque des seigneurs de la guerre repose sur les forces armées dont chacun peut disposer. Lorsque tous bénéficient des taxes de l’opium, celui qui y renonce, parce qu’il se prive de ressources permettant de payer des troupes, consent à un dangereux affaiblissement.
-
[45]
Judu yuekan [Mensuel pour la suppression des drogues], 93, 1935, p. 20.
-
[46]
Canton Gazette, 19 février 1929, 26 août 1935 ; Judu yuekan, 29, 1929, p. 64 ; Deng Zhende, Guangzhoushi weisheng xingzheng zhi jiantao [Examen critique de la politique d’hygiène de la ville de Canton], Canton, Guangzhoushi zhengfu weishengju, 1935, p. 37-38 ; Canton Gazette 26 août 1935 ; Ren’ai [Bienveillance], vol. 1, no 10/11, mars 1936, p. 184.
-
[47]
Ainsi, en avril 1927, dans une pétition de l’association nationale anti-opium adressée au gouvernement : Timothy Brook et Bob Tadashi Wakabayashi (éd.), Opium Regimes, China, Britain and Japan, 1839-1952, Berkeley, University of California Press, 2000, p. 257.
-
[48]
China Critic, novembre 1930, p. 7.
-
[49]
Jinyan banyuekan [Semi-mensuel de la suppression de l’opium], 3 juin 1936, p. 168.
-
[50]
Jinyan jinian tekan [Édition spéciale pour commémorer la suppression de l’opium], 3 juin 1939, partie statistiques, p. 7.
-
[51]
Ainsi, dans la Jinyan jinian tekan du 3 juin 1939, p. 7, et dans la Jinyan tekan [Édition spéciale pour la suppression de l’opium] de juin 1937, p. 76-77.
-
[52]
Liu Feng, Qingdai yilai Meixian jinyan gaikuang [La situation concernant la prohibition de l’opium à Meixian depuis la fin des Qing], dans Meixian wenshiziliao [Matériaux historiques de Meixian] (vol. 18), Meixian, Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng meixian weiyuanhui wenshiziliao weiyuanhui, 1980, p. 194.
-
[53]
Judu yuekan, 105, 1936, p. 3-5 ; Huazi ribao, 29 août 1936.
-
[54]
Guangzhoushi jieyan yiyuan nianbao (par la suite, GJYN), 1937, p. 1.
-
[55]
GJYN, p. 1.
-
[56]
Canton Gazette, 23 mars 1937.
-
[57]
GJYN, p. 28-30.
-
[58]
Guangzhoushi diyi renmin yiyuan yuanzhi [Annales de l’hôpital du peuple no 1 de la ville de Canton], Canton, Guangzhoushi feiying lixing chubanshe, 1999, p. 13-14.
-
[59]
GJYN, p. 49.
-
[60]
Guangzhoushi caizhengju, Guangzhoushi caizheng tongji [statistiques des finances de la ville de Canton], mois de mars, avril, mai, juin, juillet et août 1937.
-
[61]
Archives de la municipalité de Canton, série no 4/02, dossier no 5891.
-
[62]
GJYN, p. 28.
-
[63]
Guangzhoushi jinyan weiyuanhui, Guangzhoushi jinyan weiyuanhui gongzuo jiyao [Résumé des activités du Comité d’interdiction de l’opium de la ville de Canton], Canton, 1937, pages non numérotées ; Guangdong jinyan weiyuanhui, Guangdong jinyan jikan, di yi qi [Trimestriel de la suppression de l’opium au Guangdong, premier tome], Canton, 1937, pages non numérotées.
-
[64]
GJYN, p. 47.
-
[65]
Ibid., p. 48.
-
[66]
À propos de cette étonnante méthode (totalement inefficace), consistant à prélever de la lymphe dans une ampoule provoquée artificiellement sur le corps du patient pour la lui réinjecter par intraveineuse, voir Frank Dikötter, Narcotic Culture, op. cit., p. 138-139.
-
[67]
GJYN, p. 4.
-
[68]
Ibid., p. 51.
-
[69]
Ibid., p. 51.
-
[70]
Ibid., p. 39.
-
[71]
Ibid., p. 18.
-
[72]
Joseph Needham, La science chinoise et l’Occident, Paris, Le Seuil, 1973, p. 255.
-
[73]
Cette citation, connue de tous les Chinois, figure au tout début du plus fameux des manuels d’enseignement traditionnel : le Sanzijing [Classique des trois caractères]. Le Sanzijing date de l’époque Song ; il est parfois attribué à Wang YingIin (1223-1296).
-
[74]
GJYN, p. 18.
-
[75]
Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 1137.
-
[76]
Alexander Des Forges, Opium/leisure/Shanghai Urban economies of consumption, dans Opium Regimes, China, Britain and Japan, 1839-1952, op. cit., p. 168-179, analyse des écrits de la fin des Qing centrés sur Shanghai qui montrent que l’opium pouvait être considéré de façon très ambiguë comme un poison, mais aussi un des charmes de la vie pour les gens de qualité qui ont du temps et de l’argent à dépenser, savent se modérer et trouvent là une occasion de redistribuer une partie de leurs biens.
-
[77]
GJYN, p. 25.
-
[78]
Ibid., p. 22.
-
[79]
Le programme des cours prévoit des leçons sur l’agriculture, le travail du bois, du rotin, le tissage... Le double but est de soutenir le traitement, ce qui suppose une éthique positive du travail, mais aussi permettre aux patients de reprendre une vie normale après leur guérison. Les malades, munis de leurs certificats de formation/désintoxication, pourront espérer trouver plus facilement du travail dans les usines ou à la campagne. Il est intéressant de constater que cela constitue un écho lointain du projet de création d’une fabrique à la fin de la période impériale (Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 22). Toutefois, certains indices font douter de l’application réelle de ce projet.
-
[80]
GJYN, p. 24.
-
[81]
GJYN, p. 19-20.
-
[82]
Sur ces questions, voir Xavier Paulès, La lutte contre l’opium, panacée politique pour le Guomindang ?, Vingtième siècle, 95, 2007, p. 193-217.
-
[83]
Ibid., p. 208.
-
[84]
Guangdong jinyanliuyisuo chengli yi zhou nian jinian tekan [Édition spéciale pour commémorer le premier anniversaire de la fondation de l’institut de désintoxication du Guangdong], Canton, 1942, p. 4.
-
[85]
Ibid., p. 6, 13, 25.
-
[86]
Ibid., p. 16, 26.
-
[87]
Ibid., p. 27-29.
-
[88]
Ibid., p. 17.
-
[89]
Ibid., p. 20.
-
[90]
GJYN, p. 2.
-
[91]
Guangdong jinyanliuyisuo chengli yi zhou nian jinian tekan, p. 20-21.
-
[92]
Ibid., p. 5, 10, 13.
-
[93]
Su Zhiliang, Zhongguo dupin shi, op. cit., p. 439.
-
[94]
Zhou Yongming, Anti-drug Crusades in Twentieth-Century China. Nationalism, History, and State Building, Lanham, Rowman & Littlefield, 1999, p. 95.
-
[95]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 483.
-
[96]
La campagne des « Trois Anti (san fan) » lancée en décembre 1951 vise la corruption, le gaspillage et la bureaucratie dans l’administration, l’armée et le parti. Celle des « Cinq Anti (wu fan) » (pots-de-vin, fraude fiscale, détournement de biens publics, escroquerie dans les contrats passés avec l’État, obtention illicite d’informations économiques auprès de l’État) débute en avril 1952 et concerne surtout les commerçants, artisans et industriels.
-
[97]
Ling Qing, Shao Qin (éd.), Cong humen xiaoyan dao dangdai zhongguo jindu [De la destruction d’opium de Humen à la prohibition de la drogue en Chine contemporaine], Chengdu, Sichuan renmin chubanshe, 1997, p. 107-109.
-
[98]
Archives de la province du Guangdong, dossier 206-1-36, rapport du 17 janvier 1952 sur le travail accompli en 1950-1951 pour la suppression de l’opium et des drogues au Guangdong. Le rapport mentionne que les fumeurs recensés en 1951 se soignent chez eux, dans un hôpital général, ou dans une structure spécialisée.
-
[99]
Voir par exemple Liu Feng, Qingdai yilai Meixian jinyan gaikuang, op. cit., p. 193-196 ; Bei Wenxi, Jieyangxian jinzhi yapian yandu shimo [La vérité sur la prohibition de l’opium et des drogues dans le xian de Jieyang], dans Jieyang wenshiziliao [Matériaux historiques de Jieyang] (vol. 12), Jieyang : Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng weiyuanhui wenshiziliao yanjiu weiyuanhui, 1990, p. 54 ; Liang Naishi, Huiyi yici zhiyansaodu xingdong [Souvenirs des opérations menées contre l’opium et les drogues], dans Shunde wenshiziliao [Matériaux historiques de Shunde] (vol. 10), Shunde, Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng weiyuanhui wenshiziliao yanjiu weiyuanhui, 1986, p. 67-68.
-
[100]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 486.
2La consommation d’opium au moyen des ustensiles (lampe, pipe) caractéristiques dont une abondante iconographie nous a rendus familiers n’est attestée en Chine qu’à partir du XVIIIe siècle [1]. Elle concerne surtout alors les élites administratives et marchandes. Théoriquement prohibé depuis 1796, l’opium afflue d’Inde dans les premières décennies du XIXe siècle, par l’intermédiaire de marchands anglais agissant avec la complicité de nombreux officiels chinois. Alarmé par les sorties d’argent nécessaires pour solder ces flux d’opium, le gouvernement impérial suscite au milieu des années 1830 un grand débat parmi les fonctionnaires de haut rang sur l’opportunité d’appliquer effectivement l’interdiction ou, au contraire, de légaliser le commerce de l’opium pour en tirer des recettes fiscales. L’empereur Daoguang tranche en faveur des prohibitionnistes, dont deux des figures les plus marquantes sont Huang Juezi et Lin Zexu. Au début de l’année 1839, le second est dépêché avec les pleins pouvoirs à Canton, le seul port ouvert légalement au commerce avec les étrangers, lieu privilégié du trafic d’opium, également le principal centre de consommation. Lin Zexu, peu après son arrivée, confisque l’ensemble des stocks d’opium des marchands anglais, puis procède à leur spectaculaire destruction (juin 1839). Ce fait d’arme, justement célèbre, est le casus belli à l’origine de la première guerre dite « de l’opium » (1839-1842) qui se solde par une cuisante défaite pour l’Empire chinois. Avec le traité de Nankin qui y met un terme, la Chine accepte le versement d’une indemnité, cède l’île de Hong-Kong, et ouvre cinq ports (Xiamen, Fuzhou, Ningbo, Shanghai et Canton) au commerce étranger. Cependant, l’opium n’est pas mentionné dans le traité, et les importations demeurent donc théoriquement illégales. La seconde guerre de l’opium procède de plus d’une décennie de frustrations des Occidentaux devant les difficultés qu’ils rencontrent pour pénétrer le marché chinois et établir des relations diplomatiques fondées sur le principe d’égalité. Les opérations militaires se déroulent en plusieurs phases entre 1856 et 1860. L’un de ces épisodes les plus tristement célèbres est le sac du Palais d’été par les troupes franco-anglaises. Selon les termes de la convention de Pékin (1860), la Chine se voit contrainte d’accorder d’importantes concessions comme l’ouverture de dix ports supplémentaires et la liberté de navigation sur le Yangzi. Elle accepte également d’autoriser officiellement les importations d’opium.
3Profitant de la légalisation ainsi que de la baisse des prix causée par le développement de la plantation du pavot en Chine même, la consommation d’opium se répand alors dans toutes les régions et toutes les catégories sociales. Mais, contrairement au cliché largement répandu en Occident qui associe indissolublement la Chine à l’opium, la période durant laquelle une proportion significative de la population s’adonne à l’opium est finalement assez brève, puisqu’elle prend fin au début des années 1950, lorsque le Parti communiste chinois parvient à éradiquer de façon rapide et définitive la consommation de drogue.
4Comme d’autres psychotropes, l’opium est susceptible d’induire chez ses consommateurs réguliers une dépendance. Les témoignages abondent, parmi lesquels le célèbre Journal d’une désintoxication de Jean Cocteau [2], qui attestent des souffrances très pénibles qui accompagnent le sevrage d’un fumeur dépendant. Toutes les politiques visant à éradiquer la consommation d’opium doivent tenir compte de ce fait, dans la mesure où il incite puissamment les fumeurs à continuer à fumer envers et contre tout. Une des réponses apportées consiste à accompagner et faciliter le sevrage dans des institutions de désintoxication. Sous cette appellation volontairement peu précise, nous avons souhaité rassembler la multitude des structures mises en place successivement pendant plus d’un siècle à Canton, capitale de la province du Guangdong, tant par les autorités que par les activistes anti-opium (et parfois par les deux conjointement). L’étude de la série discontinue de ces institutions permet de mettre en lumière de façon originale l’évolution des différentes politiques anti-opium. Leur existence même, leur place dans les campagnes de lutte contre la drogue, mais aussi les caractéristiques de leur organisation interne révèlent des mutations profondes de l’attitude vis-à-vis des fumeurs que l’on prétend faire renoncer à la drogue.
5Cette enquête se heurte néanmoins à plusieurs difficultés. En particulier, selon les différents établissements, la documentation s’avère très inégale. Si l’on dispose d’une littérature administrative relativement diserte pour certains d’entre eux, d’autres ne nous sont connus que par de brèves allusions. D’autre part, une règle générale veut que l’on soit infiniment mieux renseignés sur leur création et les premiers mois de leur fonctionnement que sur la fin de leur activité. Leur fermeture, comme c’est compréhensible, s’effectue sans jamais aucune publicité, si bien qu’il s’avère généralement impossible de se faire une idée précise de la date ou des raisons qui la motivent.
6L’année 1839 s’imposait comme point de départ de la présente étude dans la mesure où elle marque le début de la campagne menée par Lin Zexu à Canton, première action cohérente contre la consommation de l’opium engagée en Chine. Le rideau retombe un siècle plus tard, fin 1952, lorsque l’action anti-opium initiée par les communistes aboutit à l’éradication complète de la drogue. La place des institutions destinées à faciliter le sevrage des fumeurs au sein de l’organisation des politiques de suppression de l’opium évolue considérablement. D’abord très marginal, leur rôle va aller en s’affirmant progressivement. Il culmine au milieu des années 1930, époque où les cliniques de désintoxication constituent une vraie pierre d’angle du plan de Six ans (1935-1940) de suppression de l’opium lancé par le Guomindang. Ce n’est pas un hasard, cette période fournit aussi la documentation la plus abondante. Le rôle de plus en plus central des institutions de désintoxication dans les dispositifs de lutte contre l’opium ainsi que l’évolution de l’organisation des soins révèlent l’attention concomitante portée au fumeur en tant qu’individu. Leur importance ira cependant decrescendo par la suite, pendant la période du gouvernement collaborateur sous l’occupation japonaise et durant la campagne menée par les communistes (1950-1952), ce qui traduit une orientation nouvelle des politiques.
1839, LA PREMIERE EBAUCHE
7La face la plus connue de l’action de Lin Zexu, qui a suscité une abondante littérature [3], est son indiscutable détermination à lutter sur le terrain de l’offre ; détermination qui se traduit par la spectaculaire destruction des stocks d’opium des marchands anglais. Mais dans les mémoires prônant une politique de prohibition qu’ils adressaient quelques années plus tôt au trône [4], Huang Juezi et Lin Zexu ne s’étaient pas seulement contentés de tonner contre les ravages de l’opium. Ils avaient aussi préconisé une innovation de taille. Alors que les tentatives d’enrayer les progrès de l’opium portaient toutes jusque-là une attention exclusive aux contrebandiers et à leurs complices (donc à l’offre), Huang et Lin présentaient une stratégie nouvelle. Considérant qu’il n’était pas réaliste d’espérer tarir l’offre, ils préconisaient de mener la lutte également sur le terrain de la demande, en sanctionnant sévèrement les consommateurs. Arrivé à Canton, Lin Zexu applique ce mot d’ordre, et opte pour des sanctions immédiates à l’encontre des fumeurs. Il se montre tout particulièrement soucieux du cas des élites lettrées et les fonctionnaires, catégories « éclairées » supposées offrir par leur conduite un exemple à la masse de la population [5].
8C’est dans ce cadre qu’intervient à Canton (et en Chine) la première mesure connue pour traiter des fumeurs en les enfermant dans un même endroit. Il faut souligner la place extrêmement limitée occupée par cette structure dans le plan général de Lin Zexu, ce qui explique que les nombreux travaux portant sur son action n’en fassent aucune mention. En fait, seul un court article du Chinese Repository traite le sujet. Selon cette revue, Lin Zexu fait aménager au mois de mai 1839 dans la partie sud de la ville, à proximité de la porte Yongqing, un bâtiment dont la fonction est de sevrer ceux que l’on soupçonne d’être des fumeurs. Les fumeurs, comme des candidats aux examens impériaux, sont enfermés dans de petites cellules individuelles, avec seulement le chauffage et la nourriture. S’ils le souhaitent, ils peuvent disposer de remèdes censés faciliter leur sevrage (l’article ne précise pas lesquels). On n’apprend malheureusement pas comment arrivent ceux qui s’y trouvent enfermés, mais on peut penser qu’il s’agit de personnes soupçonnées d’être des adeptes. Le Chinese Repository mentionne que celui qui ne manifeste aucun symptôme de manque au bout de cinq jours est libéré sur-le-champ. Pour les autres, la réclusion dure un mois, période au terme de laquelle on peut être sûr que la personne est bien guérie. Trois mois après la sortie, un nouvel examen (dont on ne connaît pas les modalités) est mené pour repérer d’éventuels récidivistes [6]. On se situe donc dans une logique qui assimile totalement le fumeur d’opium au dépendant [7]. Il n’est pas question d’autre chose que de sevrage : dans ce premier avatar d’établissement de désintoxication, l’isolement forcé vise seulement à empêcher ceux que l’on peut difficilement qualifier de « patients » de consommer la drogue pendant une durée critique permettant de garantir leur guérison complète. Il ne s’agit pas de soulager des souffrances physiques dans un but humanitaire.
9Le confinement individuel et l’absence de « discipline » au sens foucaldien du terme montrent, ce qui n’a rien de surprenant, que l’influence du modèle occidental de l’hôpital est nulle. Ce sont les missionnaires qui vont promouvoir lors des décennies suivantes l’idée d’un traitement de nature collective dont la finalité consiste à soulager les souffrances endurées par le fumeur décidé à renoncer à la drogue.
SOIXANTE ANNEES D’EFFORT DES MISSIONNAIRES ET LEURS CONSEQUENCES
10La généralisation de la consommation de l’opium intervient, comme on l’a mentionné, durant la seconde moitié du XIXe siècle. Le gouvernement central, durant cette période, ne mène aucune action suivie pour enrayer les progrès de la drogue car les revenus liés à l’opium constituent pour lui une manne particulièrement bienvenue. Ces rentrées fiscales permettent de faire face aux dépenses nécessaires à la répression des terribles révoltes des années 1850-1878 (Taiping, Nian, musulmans des provinces de l’Ouest) et de financer la politique d’industrialisation lancée à partir des années 1860.
11Seuls, à un niveau local et durant des durées limitées, quelques fonctionnaires convaincus à titre personnel de la nécessité absolue d’éradiquer l’opium prennent des initiatives. Ainsi, Zhang Zhidong, gouverneur du Shanxi, y interdit en 1882-1883 la plantation du pavot, ordonne la fermeture des fumeries et ouvre un établissement de sevrage dans la capitale de la province, Taiyuan [8]. Cependant, ces actions isolées mettent généralement l’accent avant tout sur la répression de la culture du pavot, si bien que fort peu d’institutions officielles de sevrage ouvrent dans ce contexte. Le cas cantonais est représentatif : après 1839, en soixante années, aucun établissement de ce genre ne voit le jour.
12Beaucoup plus significatif est le nombre de refuges pour fumeurs d’opium ouverts dans différentes villes de Chine par des missionnaires. Ce mouvement procède d’un contexte plus large de développement d’une offre de soins à destination des Chinois. Dans un premier temps, les missionnaires avaient surtout considéré le secours de la médecine comme utile pour tenter d’enrayer la très grande mortalité qui sévissait dans leurs propres rangs (l’espérance de vie d’un missionnaire arrivant en Asie orientale dans les années 1830 était d’environ cinq ans). La clinique ophtalmologique mise en place par Peter Parker à Canton en 1835 marque un tournant. Dès 1850, 10 hôpitaux missionnaires sont ouverts, dont le célèbre hôpital de la London Mission, à Shanghai. Leur effectif atteint 61 en 1889. Les hôpitaux missionnaires sont supposés mettre en évidence, grâce à l’efficacité des soins, la supériorité de la culture occidentale, et mieux disposer les Chinois non seulement vis-à-vis d’elle, mais aussi de la religion chrétienne [9]. Plus pragmatiquement, les soins étaient considérés comme une occasion privilégiée pour instaurer une relation de confiance et commencer à susciter un intérêt pour la religion [10].
13Mais le développement des refuges pour fumeurs d’opium procède d’autres raisons plus spécifiques. Au grand désespoir des missionnaires, en effet, les Chinois avaient tendance à considérer opium et christianisme comme deux aspects aussi indissociables qu’inopportuns de l’intrusion occidentale dans leur pays, et ne se privaient pas de le faire savoir à ceux qui prétendaient les convertir [11]. Rendre le plus évident possible leur opposition à la drogue vendue par leurs compatriotes ainsi que leur détermination à en combattre les ravages s’apparentait donc pour les missionnaires, en particulier anglo-saxons, à une absolue nécessité. Devenus beaucoup plus libres de leurs mouvements grâce à une clause de la convention de Pékin de 1860, ils entreprennent de fonder des cliniques de désintoxication à travers le pays les années suivantes [12].
14Mais les missionnaires n’organisent pas seulement le sevrage des fumeurs pour prouver la sincérité de leur engagement contre la drogue. Comme les hôpitaux, les refuges visent tout autant à soigner qu’à convertir [13]. La volonté de regrouper les fumeurs (plutôt que de les séparer rigoureusement les uns des autres selon la méthode appliquée par Lin Zexu), s’explique au moins autant par des soucis d’efficacité et de rationalisation des soins que par des motifs de prosélytisme religieux, dans la mesure où la prédication s’en trouve facilitée. De leur propre aveu, les missionnaires qui ouvrent les refuges nourrissent aussi l’espoir que l’extrême inconfort physique qu’endurent les patients durant le sevrage les incite à se montrer réceptif aux efforts prédicateurs déployés durant le traitement. De manière récurrente, ils présentent Dieu comme l’ultime remède aux maux des fumeurs, la prière étant considérée comme un auxiliaire de premier choix non seulement pour les délivrer de cette habitude, mais plus encore pour éviter qu’ils ne récidivent après leur sortie [14].
15Ne disposant d’aucun pouvoir coercitif, les missionnaires accueillent forcément des patients volontaires. Un droit correspondant aux frais de nourriture durant le traitement qui dure le plus souvent entre dix et vingt jours, est généralement exigé. Deux grandes méthodes de sevrage, comme en Europe, s’opposent : la méthode du sevrage brutal (dite parfois méthode Leinstein) et celle du sevrage progressif consistant à administrer par voie orale ou par injection un succédané de la drogue (à base d’opium ou de morphine) dont on diminue progressivement les doses [15]. Les missionnaires européens et américains semblent avoir néanmoins privilégié cette seconde option. Des stimulants de nature variable sont administrés pendant le sevrage : fer, sulfate de strychnine, café. Dans la plupart des cas, les missionnaires distribuent aussi des pilules censées aider les fumeurs qui souhaitent se sevrer à leur domicile [16].
16Les établissements se consacrant uniquement au sevrage des fumeurs ne sont pas légion. On en trouve mention par exemple à Ningbo, Pékin, Hangzhou ou encore Guiyang [17]. Le plus souvent, des hôpitaux missionnaires généralistes prennent en charge les fumeurs d’opium parmi leurs autres patients comme à Foshan, Fuzhou et Shantou [18].
17À Canton, aucune institution spécifiquement dédiée au soin des fumeurs ne voit le jour. C’est l’hôpital généraliste de la Medical Missionnary Society qui les admet : 117 fumeurs y sont soignés en 1868. Ils seront 250 en 1877, époque où du reste une salle de l’hôpital leur est réservée [19]. Occasionnellement, l’asile pour aliénés ouvert par John Kerr accueille lui aussi quelques fumeurs d’opium [20]. La méthode suivie dans l’hôpital de la Medical Missionnary Society est celle du sevrage progressif : on donne des pilules contenant un peu d’opium, dosées en fonction de la quantité fumée par le patient et on soigne les troubles, comme les diarrhées, qui résultent du sevrage. Les patients versent en entrant 1 $ de garantie qu’ils perdent au cas où, les jours suivants, ils refusent de se conformer au traitement.
18Durant ces années, les missionnaires ont mis en place une méthodologie plus douce, à défaut d’être forcément plus efficace, dans laquelle la pédagogie et la persuasion, loin d’être dénuées d’arrière-pensées prosélytes, occupent désormais une grande place. Avec les missionnaires apparaît l’idée d’utiliser le temps de l’enfermement non seulement pour sevrer, mais aussi pour s’efforcer de transformer la personne du fumeur, afin en particulier de mieux le garantir contre les risques de rechute. Ils imposent également l’idée (relativement nouvelle en Occident aussi) que le sevrage relève de la compétence de la médecine.
LE PLAN DE DIX ANS (1906-1911)
19Un tournant décisif dans l’histoire de l’opium en Chine se produit dans les années 1890. Jusqu’alors, les élites et les milieux du pouvoir exprimaient des opinions relativement contrastées sur l’opium. Certains prônaient une prohibition immédiate et absolue. D’autres se posaient en partisans d’une suppression progressive, ou encore défendaient l’idée que l’opium, compte tenu des recettes fiscales qu’il permettait d’engranger, constituait un mal nécessaire. L’opportunité d’encourager pragmatiquement la production en Chine pour concurrencer les importations d’Inde était parfois mise en avant [21].
20Or, a contrario, durant la décennie 1890, la nécessaire éradication de l’opium dans les plus brefs délais devient l’objet d’un quasi-consensus, lequel va perdurer jusqu’à la disparition effective de cette drogue, au début des années 1950. Cette unanimité toute nouvelle s’explique par le fait qu’à cette époque, le nationalisme chinois, en plein essor, fait de l’opium une de ses bêtes noires. La défaite cuisante de l’Empire lors de la guerre contre le Japon (1894-1895) suscite des interrogations nouvelles au sein des élites chinoises : comment un tel écart a-t-il pu se creuser entre les deux pays en l’espace de quelques décennies ? L’opium, totalement interdit au Japon, est identifié comme l’un des principaux responsables [22]. D’une façon plus générale, l’intelligentsia chinoise commence à désigner l’opium comme un élément expliquant le statut d’asservissement de la Chine. Il devient la cible d’attaques passionnées, dont le développement récent de la presse amplifie par ailleurs considérablement l’audience.
21Gagné à cet argumentaire, le pouvoir impérial renoue, après plus de soixante ans, avec une action anti-opium décidée. L’édit du 20 septembre 1906 et plus particulièrement le règlement en dix points qui suit le 1er novembre 1906 instaurent une politique à la fois ambitieuse et réaliste dont le principe général est la suppression progressive de la plantation et de la consommation d’opium sur une période de dix ans [23]. Contredisant les pronostics pessimistes des observateurs étrangers [24], ce plan, appliqué avec énergie par le gouvernement impérial jusqu’à sa chute fin 1911, produit rapidement d’excellents résultats.
22Les édits publiés en 1906 qui posent les règles de la campagne anti-opium ne contiennent aucune instruction explicite concernant la mise en place d’un réseau de cliniques de désintoxication [25]. Pourtant, dès le début de la campagne, la Chine se couvre d’une myriade d’institutions de ce genre. En 1910, le seul Guangdong compte 177 cliniques où 111 608 guérisons ont été officiellement enregistrées. Les effectifs, dans d’autres provinces, s’élèvent même à plusieurs centaines d’établissements [26]. Le paradoxe n’en est pas un. En réalité, le gouvernement impérial se contente, dans les édits, de dresser les plans au niveau le plus général et fait le pari de laisser aux autorités et aux élites locales une latitude très grande pour leur mise en œuvre. Ainsi, le point no 7 du règlement du 1er novembre 1906 est-il entièrement consacré à encourager la constitution d’associations de lutte contre l’opium au plan local, sous la réserve expresse que leurs activités se bornent à cette seule fin, sans se mêler, en particulier, de politique [27]. Sachant que les missionnaires avaient commencé à employer cette méthode depuis plusieurs décennies, il paraît assez naturel que dans leur sillage les associations conçoivent les cliniques comme les auxiliaires indispensables d’une action anti-opium efficace.
23À Canton, les notabilités marchandes répondent avec enthousiasme à l’appel et se regroupent dans une association fondée sur les instances du gouverneur de la province qui en rédige lui-même les statuts : la Guangdong jieyan zonghui (Association du Guangdong contre l’usage de l’opium) [28]. Son règlement présente clairement l’association comme une émanation du célèbre regroupement des neuf œuvres de charité (jiu shantang), de la chambre de commerce et des 72 guildes de la ville [29]. Via un réseau de branches locales, les activités de cette organisation s’étendent bientôt à toute la province [30]. Elles comprennent, outre la gestion d’une clinique anti-opium qui nous intéresse particulièrement, la propagande anti-opium, la distribution aux pauvres de pilules et médicaments contre l’opium ainsi que la fondation d’une fabrique pour employer les fumeurs indigents [31]. L’association se présente comme un instrument de la politique officielle. Ses envoyés, lorsqu’ils se rendent dans les villages à des fins de propagande sont placés sous la protection des autorités dont, plus largement, l’association peut solliciter le secours lorsque le besoin s’en fait sentir (art. 6) [32]. Afin de pouvoir mener des opérations de contrôle en coopération avec la police, l’association obtient aussi du vice-roi des deux Guang (Guangxi, Guangdong) un sceau officiel (art. 2). Le financement de la Guangdong jieyan zonghui témoigne aussi d’une harmonieuse collaboration puisqu’il repose conjointement sur des subventions officielles, des souscriptions publiques et des versements des différentes œuvres de charité (art. 15, 16) [33]. Elle obtient aussi, après quelques négociations, de bénéficier du reliquat de la caisse de la Société de boycott des produits américains, soit plus de 20 000 $ [34]. Enfin, les membres de l’association ainsi que les généreux donateurs peuvent prétendre selon une échelle très précise à différentes récompenses : elles vont d’un simple certificat jusqu’à des honneurs solennels très officiels comme l’érection d’un paifang (arche commémorative) sur proposition du gouverneur au Trône (art. 17 à 26). On constate donc, pour les tâches inhérentes à la lutte contre l’opium, le degré extrêmement élevé de délégation à des associations non pas complètement indépendantes, mais sur la gestion desquelles les autorités ne veillent, au total, que d’assez loin.
24La Guangdong jieyan zonghui ouvre sa clinique de désintoxication (la Jieyan liuyiyuan) le 9 août 1907 à Canton. La clinique est installée dans les locaux du temple Baozi, situé dans le faubourg ouest (Xiguan), un quartier où, par opposition à la partie la plus ancienne de la ville, ce sont non pas les lettrés-fonctionnaires mais les élites marchandes qui tiennent le haut du pavé [35]. Son règlement, parvenu par une heureuse fortune dans des archives françaises, nous en donne un intéressant aperçu [36]. Destinée aux fumeurs « malades par suite de l’abstinence d’opium » (jieyan youbing), la mission de la clinique consiste à accompagner et faciliter le sevrage. N’y sont admis que les fumeurs indigents. Trois pavillons sont destinés aux malades, l’un pour les cas les plus graves (avec un encadrement renforcé), le second pour les personnes plus légèrement atteintes et le troisième les convalescents. D’autres constructions abritent réfectoires, douches, salle de réunion et salle de lecture. On constate qu’une partie importante du règlement est consacrée à la question du garant tenu pour responsable en cas d’indiscipline ou de récidive. Les patients doivent impérativement se présenter avec leur garant à l’entrée à la clinique, moment où ils prononcent le serment de ne plus jamais fumer l’opium. Nourris gratuitement, ils reçoivent les soins de médecins et des remèdes destinés à faciliter le sevrage qui, issus de la pharmacopée traditionnelle, sont élaborés dans la clinique même. Les journées des patients sont réglées selon un emploi du temps assez précis, organisé autour des trois repas (bouillie de riz à 8 heures, déjeuner à 11 heures, dîner à 17 h 30). Les soins et l’activité physique (aux heures les moins chaudes de la journée) occupent les intervalles. Ils assistent aussi chaque jour à des causeries, ainsi qu’à la lecture à voix haute d’un quotidien. Les effectifs du personnel de la clinique ne sont pas établis avec précision mais ils se situent en tout état de cause au-delà de 25 employés. On peut penser que le nombre normal des patients tourne, lui, autour d’une centaine [37].
25On meurt beaucoup dans cette clinique. Les chiffres recueillis par le consul de France s’avèrent étonnamment élevés : ainsi, compte-t-on 58 guérisons pour 12 « morts ou mourants » durant le huitième mois lunaire de l’année 1907 [38]. Le ratio guérison/mortalité est du même ordre pour les septième et neuvième mois. Cette surmortalité s’avère délicate à interpréter. Il pourrait certes s’agir d’une erreur du consul, mais d’autres éléments n’incitent pas à retenir cette hypothèse. Détail éloquent, un fossoyeur fait partie du personnel permanent. Le règlement stipule aussi qu’une fois que leur dossier est accepté, les patients sont envoyés à la clinique en chaise à porteur, une attention qui se justifie probablement par leur extrême faiblesse. Ce règlement prend également soin de préciser le sort des patients décédés. On peut penser que les patients de cet hôpital diffèrent de ceux des missionnaires en ce sens qu’il s’agit souvent en fait de personnes atteintes d’une grave maladie dont ils soulageaient les douleurs en prenant le seul analgésique à leur disposition, c’est-à-dire l’opium. Bien souvent, on se contente donc vraisemblablement, pour une part des patients, d’accompagner les derniers jours de vie et d’offrir une sépulture décente (la clinique fournit le cercueil). On se situe là dans un domaine d’intervention habituel des œuvres de bienfaisance qui se développent à la fin des Qing. La clinique pourrait bien remplir simultanément deux missions : le sevrage et le rétablissement complet des fumeurs, que l’on peut rattacher à l’héritage missionnaire, mais aussi un souci du « bien mourir » relevant plutôt de préoccupations philanthropiques chinoises.
26La question du traitement dans un lieu clos et dans le cadre d’une discipline collective mérite également une mention toute particulière. Florence Bretelle-Establet a montré toutes les difficultés rencontrées par les médecins occidentaux au début du XXe siècle pour faire accepter aux patients chinois le principe de l’hospitalisation, avec la réclusion et son cortège de contraintes, pratique totalement étrangère à la thérapie traditionnelle [39]. Le cas de la clinique de 1907 tend à montrer que l’idée a fait suffisamment son chemin pour qu’elle soit naturellement adoptée par l’Association. Il est par ailleurs possible que certains des membres de l’association se soient trouvés associés à l’action des missionnaires, et peut-être au soin des fumeurs dans les décennies précédentes.
27Plus largement, le plan de Dix ans et le succès qu’il rencontre imposent l’idée que la constitution d’un réseau de cliniques destinées à faciliter le sevrage des fumeurs est un outil indispensable pour une action efficace contre l’opium.
1911-1937 : UN OUTIL INDISPENSABLE, UN CONTEXTE DEFAVORABLE
28La révolution de 1911 ne marque pas l’arrêt des efforts contre l’opium, bien au contraire [40]. C’est seulement en 1916 que, la disparition d’un pouvoir central faisant sentir tous ses effets, les progrès considérables accomplis depuis 1906 se trouvent remis en cause. Les seigneurs de la guerre qui parviennent à se tailler de véritables principautés s’emploient à y faire renaître les circuits de l’opium afin d’en tirer des revenus. Dans ce contexte, Canton suit la tendance nationale avec un certain retard. Le Guangdong fait même figure, à l’échelle nationale, de bastion des prohibitionnistes, puisqu’il faut attendre 1923 pour voir les autorités renoncer complètement à cette ligne politique. Les années 1911-1923 sont marquées à Canton par une grande instabilité politique (pas moins de cinq gouvernements se succèdent), qui se traduit aussi par des orientations sensiblement différentes en matière d’opium : schématiquement on peut opposer des périodes durant lesquelles les autorités luttent de façon déterminée et méthodique contre l’opium (1911-1915, 1920-1923) et d’autres (1915-1920) durant lesquelles, si elles se refusent à légaliser l’opium à leur profit, elles ne peuvent ou ne veulent entreprendre une offensive cohérente.
29Durant cette période, apparemment seules deux cliniques ont fonctionné, et semble-t-il seulement quelques mois, à Canton. Même si leur existence est avérée, nous disposons d’extrêmement peu d’informations sur elles. Fait surprenant, aucune institution de sevrage ne voit le jour durant l’une des deux périodes de lutte intense contre l’opium, celle du gouvernement révolutionnaire de Hu Hanmin (novembre 1911 - août 1913). On peut penser que cette absence traduit l’option choisie alors : brûler les étapes pour proclamer le plus vite possible l’interdiction complète de l’opium, chose faite le 1er janvier 1913. Cette explication n’est cependant pas pleinement satisfaisante, puisque durant la seconde période de lutte sévère contre l’opium (1920-1923), une clinique voit le jour à la fin 1921, alors que l’interdiction stricte de l’opium a été proclamée au début de l’année [41]. L’existence de l’autre clinique est attestée à Canton à la mi-1917. Dirigée par Chen Hunshu, un ancien élève de l’École de médecine française de Canton [42], elle émarge au budget provincial à la fin de l’année 1917 pour plus d’un millier de yuans mensuels [43], après quoi sa trace se perd assez vite. Le fait qu’elle soit dirigée par un médecin formé à l’occidentale mérite cependant de retenir l’attention.
30On peut comprendre qu’en dehors de ces deux exceptions, les autorités, confrontées à la question primordiale de leur propre survie politique, ne consentent pas les investissements nécessaires à la mise en place d’une clinique. Quant aux élites cantonaises, échaudées par les changements successifs de régimes et par les exactions et taxations qui les ont accompagnées, elles se montrent vraisemblablement bien moins enthousiastes pour participer (y compris financièrement) à la lutte. La nécessité de préserver leur propre fortune, de ne pas la manifester en tout cas par des largesses trop visibles, prime sur des considérations plus altruistes.
31Le retour en force de la drogue dans le reste du pays rend vains, voire dangereux [44] les efforts prohibitionnistes des autorités de Canton, ce qui les conduit à légaliser à leur tour de façon durable la drogue en 1923. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que, jusqu’en 1936, aucune institution destinée à sevrer les fumeurs ne voie le jour. Cependant, toute cette période voit perdurer l’idée selon laquelle les institutions spécialisées dans le soin des fumeurs constituent une arme indispensable dans la lutte contre la drogue. En effet, leur création est réclamée par les opposants à l’opium avec constance. C’est même, avec la fermeture immédiate des fumeries, une des mesures considérées comme les plus prioritaires [45]. Du côté des autorités, les déclarations annonçant, dans le cadre d’une politique anti-opium à venir, la création imminente d’une telle clinique à Canton sont monnaie courante, quoique non suivies d’effet [46]. On peut certes ne voir là qu’atermoiements peu sincères, mais cette attitude démontre aussi que, désormais, un plan de lutte contre l’opium doit, pour apparaître crédible, comporter des dispositions relatives à la création de structures destinées spécifiquement au soin des fumeurs d’opium.
32Les changements politiques intervenus à la fin des années 1920 laissent croire aux activistes anti-opium qu’une nouvelle croisade d’ampleur nationale est redevenue possible. Enthousiasmés par la réunification (certes imparfaite) du pays en 1927, et les perspectives qu’elle ouvre sur le plan de la lutte anti-opium, ils incitent son bénéficiaire, le Guomindang, à passer aussitôt à l’action. Ils avancent à nouveau la création de cliniques comme une des mesures nécessaires [47]. En novembre 1930, la Commission nationale de suppression de l’opium, créée deux ans plus tôt par le gouvernement de Nankin, établit des règles pour les cliniques de désintoxication qui peuvent être fondées par des individus ou des organisations. Mais les autorités ne s’engagent pas, se contentant d’imposer un contrôle sur ces établissements dont l’ouverture est soumise à leur approbation [48].
33Les choses changent radicalement en 1935 quand le Guomindang lance le plan de Six ans, première tentative sérieuse d’éradiquer l’opium depuis 1906. Le plan s’articule autour de la suppression progressive de la drogue par la taxation et le monopole d’État, combiné à un recensement suivi de la désintoxication des fumeurs. En théorie, chaque année, une certaine proportion des fumeurs enregistrés doit renoncer à la drogue. Les cliniques de désintoxication sont consacrées comme un des pivots de cette politique. À partir du lancement du plan, elles ouvrent en nombre dans les zones contrôlées par le gouvernement central. Shanghai en compte déjà quatre en mai 1936, Beijing, deux, tout comme Nanjing et Tianjin [49]. Si l’on en croit une publication officielle, la Jinyan jinian tekan, le nombre d’institutions de soins des fumeurs aurait atteint en 1936, pour l’ensemble du pays, 1 500 [50].
34Néanmoins, les chiffres avancés par les autorités exagèrent probablement largement l’effort réel consenti par le gouvernement. Certaines institutions correspondent seulement à la création d’un service destiné au traitement des fumeurs dans un hôpital déjà existant. La nuance apparaît du reste dans certaines statistiques officielles qui distinguent entre les Jieyan yuan (spécifiquement dédiés aux fumeurs) et les Jianli jieyan yiyuan (les soins aux fumeurs ne constituent qu’une partie de leur activité) [51]. Dans la région de Meizhou située dans l’est de la province du Guangdong, les autorités locales décident, en septembre 1936 la création de deux cliniques de désintoxication. Mais en réalité, elles se contentent d’attribuer cette appellation à des hôpitaux déjà existants : celui du chef-lieu Meizhou, et celui de la petite ville de Songkou, située au nord-est, près de la frontière du Fujian [52]. En fin de compte, les hôpitaux en question se trouvent probablement rebaptisés « cliniques de désintoxication » à moindres frais, sans que cela implique des transformations significatives, ni qu’ils renoncent aux tâches générales qu’ils remplissaient jusqu’alors.
35La province du Guangdong ne se trouve intégrée dans ce plan national de lutte contre la drogue que deux ans après son lancement car, contrôlée depuis 1931 par le seigneur de la guerre Chen Jitang, elle est de facto indépendante de Nankin. Il faut donc attendre que le gouvernement central parvienne à reprendre la province en main, en juillet 1936, pour que le plan soit appliqué dans la ville de Canton et la province du Guangdong. Des organisations spécifiques sont mises en place très rapidement, parmi lesquelles le Guangdongsheng jinyan weiyuanhui (Comité d’interdiction de l’opium de la province du Guangdong, le 1er septembre) [53], et le Guangzhoushi jinyan weiyuanhui (Comité d’interdiction de l’opium de la ville de Canton, le 28 septembre 1936). Ce dernier ne chôme pas. À partir du 1er octobre, les fumeurs de la ville sont invités à se faire recenser. Cette inscription devient obligatoire en novembre [54]. Le 9 octobre la tâche d’ouvrir le plus vite possible une clinique est confiée à un fonctionnaire de la section d’hygiène de la municipalité.
LA CLINIQUE DE 1937
36La clinique de désintoxication mise en place à Canton s’affirme comme l’un des rouages essentiels de l’action anti-opium du Guomindang, puisqu’elle est censée accompagner tous les fumeurs de la ville le long du pénible chemin du sevrage. Mais au-delà, la clinique est aussi conçue comme un modèle pour la province. De la même manière que la création du Comité d’interdiction de l’opium de la ville de Canton précède celle des autres villes et districts de la province, la clinique de Canton est appelée à servir de prototype pour les autres établissements du même genre qui ouvriront. Ainsi s’explique la publication précoce – après seulement quelques mois de fonctionnement – d’un rapport (rapport annuel de la clinique de désintoxication de Canton, Guangzhoushi jieyan yiyuan nianbao) décrivant par le menu son fonctionnement et ses premiers résultats. Ce rapport constitue une source d’un grand intérêt même s’il ne couvre que les cinq premiers mois suivant l’ouverture. Il contient de nombreuses données statistiques sur les malades, une description détaillée du fonctionnement de la clinique, ainsi que des photographies. Le rapport ne manque évidemment pas une occasion de souligner que la clinique est le résultat des efforts du nouveau gouvernement en place depuis la chute de Chen Jitang [55]. La clinique est une vitrine du nouveau pouvoir au Guangdong, et cette exemplarité lui confère un intérêt spécifique : c’est de ce fait un observatoire privilégié de la pédagogie anti-opium que le Guomindang s’efforce de propager, en particulier depuis le lancement du plan de Six ans. D’un autre côté, il faut se garder de le considérer comme représentatif des différents institutions prodiguant des soins aux fumeurs dans le reste du Guangdong et de la Chine.
Organisation de la clinique
37L’inauguration, prévue pour le 1er février 1937, mais reportée en raison de dégâts causés par des termites qui allongent des travaux que la vétusté des locaux avait rendu indispensables, a lieu le 20 mars 1937 [56]. La clinique s’installe rue Yide, en face de la cathédrale. L’établissement emploie 47 personnes [57] : le directeur, un médecin chef, quatre médecins, trois stagiaires, le chef du laboratoire et ses quatre assistants, un pharmacien et ses deux assistants, une infirmière chef, seize infirmières, quatre infirmières assistantes forment le personnel médical proprement dit. Un responsable du service administratif, son secrétaire, un comptable, un économe, quatre commis et un secrétaire complètent l’effectif dont l’âge moyen (hors stagiaires) est de 26,9 ans. En termes d’encadrement, avec 300 lits et 47 employés, la clinique est loin de faire mauvaise figure. À titre de comparaison, en 1934, l’hôpital municipal compte 150 lits pour un personnel de 41 personnes [58]. Or, contrairement à un hôpital, les patients suivent tous le même traitement, ce qui facilite bien entendu considérablement l’organisation des soins. De plus, en termes de taille, un établissement de 300 lits représente une réalisation d’une envergure tout à fait estimable dans le système de santé cantonais de l’époque.
38Les patients demeurent coupés de l’extérieur durant tout le traitement. Le règlement de la clinique se montre d’une rigueur extrême pour les visites, qui ne sont tolérées que dans des cas exceptionnels motivés par une grave maladie et soumises à l’autorisation du directeur. Il est également interdit de recevoir des colis de l’extérieur [59]. L’hébergement s’effectue dans des dortoirs communs où sont disposées des rangées de lits écartés d’une vingtaine de centimètres. Des patients peuvent échapper à ces conditions quelque peu spartiates et bénéficier également d’une nourriture améliorée s’ils paient un supplément.
39Bien que les sources ne précisent pas l’origine du budget du fonctionnement de la clinique, on sait par ailleurs que la municipalité de Canton lui verse chaque mois, d’avril à août 1937, une subvention significative, qui constitue probablement l’essentiel (sinon l’intégralité) de ses ressources. Cette somme néanmoins passe de 9 870 yuans pour avril à 3 125 yuans en août, le fléchissement ayant lieu en juin. La subvention représente en avril 20,6 % des dépenses d’hygiène et 1,76 % des dépenses totales de la municipalité. En août, elle ne correspond plus qu’à 7,8 % des dépenses d’hygiène et 0,6 % des dépenses totales [60]. L’impression d’un relâchement progressif de l’effort est renforcée par un document des archives de la municipalité de Canton qui fait mention, en août 1938, d’un personnel réduit à 26 personnes [61]. La clinique atteint alors vraisemblablement le terme d’un processus d’étiolement. Le début de la guerre avec le Japon et la menace militaire de plus en plus précise qui pèse sur la ville de Canton amènent les autorités à reconsidérer leurs priorités. On peut penser qu’à l’entrée de l’armée japonaise à Canton le 21 octobre 1938, la clinique a très vraisemblablement déjà fermé ses portes.
40La clinique de 1937 est donc, à l’image de celle fondée en 1907, une structure créée ex nihilo et spécifiquement pour le sevrage. En revanche, contrairement à son ancêtre de l’époque impériale qui était gérée par une association animée par des notables, son administration et son financement relèvent directement des autorités.
Soigner les fumeurs
41La clinique de la rue Yide illustre aussi l’aboutissement d’un processus de médicalisation du traitement des fumeurs. Le terme de clinique (yiyuan) laisse entendre sans la moindre ambiguïté que l’établissement est destiné à soigner les fumeurs.
42Par ailleurs, contrairement à l’époque de Lin Zexu où le sevrage forcé pouvait se résumer à un enfermement, le médecin a acquis une position centrale. Zeng Xianli, le directeur, est docteur en médecine. Il a fait ses études en Allemagne. Alors âgé de 32 ans, il incarne à merveille la génération montante des jeunes médecins formés à l’occidentale [62]. La clinique de 1937 donne beaucoup de publicité au fait que les soins prodigués procèdent de la médecine européenne. Un certain nombre de photographies publiées dans différents opuscules destinés à célébrer l’action anti-opium entreprise à Canton montrent le personnel soignant vêtu de blouses blanches. Elles exhibent aussi un matériel médical sans nul doute possible occidental [63]. La médecine traditionnelle chinoise brille, elle, par son absence.
43À leur entrée, les malades subissent une pesée. Lors de l’enregistrement, ils fournissent tous les renseignements concernant leur consommation de drogue, notamment à quelle occasion ils ont commencé à en consommer, quelle quantité journalière ils fument et depuis combien de temps. Chaque malade reçoit un uniforme et tout le nécessaire de la vie quotidienne lui est fourni : moustiquaire, couchage, serviette, chaussons, verre. On lui rase le crâne et il doit prendre une douche également à ce moment-là [64]. Puis il passe une visite médicale complète (pesée, examen du cœur, des poumons...) [65] avant de commencer le traitement. Sa durée théorique, deux semaines, implique une rotation des effectifs assez rapide. Mais dans les faits, les malades quittent la clinique après des séjours de durée assez variables. Les statistiques de février à fin juin 1937 montrent qu’en effet ils vont de cinq à trente jours. Peu de patients effectuent exactement deux semaines et la moyenne se fixe à 12,3 journées.
44La méthode utilisée combine l’administration de doses décroissantes d’un succédané de la drogue (solution de morphine dosée à 1 % par intraveineuse, et teinture d’opium par voie orale) et un éventail d’une bonne demi-douzaine de traitements dits « complémentaires » (fuzhu) comme des injections de strychnine, ou de l’autosérothérapie [66]. Les patients sont victimes de nombreux troubles durant leur sevrage : insomnie (65,7 % des malades), fatigue (69,1 %), éternuements (63 %), endolorissement (57,9 %), suées nocturnes (44,7 %), irritation de la gorge (36,4 %), mal au ventre (32,6 %), larmoiement (32,6 %), excès de sécrétion salivaire (22,7 %), jambes lourdes (22,3 %), mal de tête (21,8 %), etc. Chacun reçoit des médicaments adaptés à ses symptômes, comme des anti-diarrhéiques, des somnifères et des calmants.
45Après une semaine de traitement, les substituts de la drogue sont arrêtés. Et, normalement, trois jours avant la fin du terme, plus aucun médicament n’est administré [67]. Dès lors, les soins sont finis ; le personnel se contente de guetter les symptômes qui pourraient révéler l’échec du sevrage. Lorsque le patient est déclaré guéri, il subit une dernière pesée, son dossier est complété avec sa photographie et ses empreintes digitales. Il reçoit un certificat de désintoxication portant mention de sa guérison. Un double du dossier est envoyé au Comité d’interdiction de l’opium de la ville de Canton chargé de repérer les éventuels récidivistes [68].
46Les fonctions de la clinique de la rue Yide ne se bornent pas strictement au soin des fumeurs, même si cette activité représente sa raison d’être. La clinique accueille, le temps d’un séjour court, des personnes venues seulement faire attester leur guérison ou leur non-dépendance : il peut s’agir de personnes qui ont déclaré se soigner elles-mêmes à leur domicile comme elles en ont le droit [69]. Le diagnostic des médecins permet d’établir si leur état est réellement redevenu normal. Il est très difficile de savoir si la clinique remplit efficacement une autre tâche plutôt ambitieuse assignée par ses statuts : soigner les maladies des patients sortis de la clinique pour éviter qu’ils ne retombent dans leur travers en prenant des opiacés comme calmants [70].
Ouvrir les yeux du fumeur
47La clinique se caractérise par l’importance accordée aux jingshen xunlian (littéralement « exercices spirituels »), qui complètent le traitement médical et dont l’objectif consiste à exposer aux patient pourquoi fumer l’opium est une mauvaise chose. Mais cet « entraînement psychologique » ne se limite pas aux cours donnés quotidiennement : il est censé être permanent. Les médecins et infirmières sont tenus de profiter de la moindre occasion pour prêcher la bonne parole aux patients, collectivement ou individuellement. Le règlement prévoit aussi que « dans tous les couloirs et toutes les chambres, des slogans simples d’avertissement seront affichés pour que les opiomanes en soient bien imprégnés et ainsi restent vigilants » [71].
48Il est possible de voir dans ces « exercices spirituels » un avatar de l’idée chère aux missionnaires : le processus de sevrage, pour être efficace, ne doit pas concerner le corps, mais aussi, et même davantage, l’esprit. Pourtant, cette volonté fait également écho à des conceptions plus traditionnelles selon lesquelles l’éducation seule permet de prendre conscience de la faute. Gagné par un sentiment de honte, le sujet se corrige de lui-même. Contrairement à la sanction qui, elle, incite seulement à éviter le châtiment, l’éducation amène à se laisser guider par la vertu [72]. Une approche qui traduit la profession de foi confucéenne selon laquelle « l’homme est fondamentalement bon » : Ren zhi chu, xing ben shan [73]. Il s’agit moins de corriger que d’ « ouvrir les yeux » des adeptes de l’opium. Effectivement, selon la direction de la clinique, les fumeurs ne sont pas seulement victimes de leur faible volonté, mais, avant tout, de leur ignorance, une double défaillance qui conduit parfois à les assimiler à des enfants « qui considèrent l’opium comme un jouet » [74].
49Dans cette perspective, les malades disposent de revues variées (en plus des publications consacrées exclusivement aux ravages des drogues) et des loisirs leur sont offerts, limités, il est vrai, par le peu d’espace et de crédits disponibles : ping-pong, radio, lecture, échecs. Cette volonté de promouvoir les loisirs légitimes faisait explicitement partie du programme général de lutte contre l’opium présenté en novembre 1937 par le président de la Commission anti-opium de la province, qui affirmait que beaucoup de fumeurs venaient à l’opium par défaut d’activités récréatives et proposait donc d’ouvrir par exemple des bibliothèques [75]. Ce thème rencontre un écho dans la clinique, où il est même récurrent : on y présente la richesse et l’intérêt de la vie des non-drogués, afin de lutter aussi contre l’idée selon laquelle l’opium est un passe-temps banal, conception largement répandue, au moins au début du siècle [76]. Il faut apprendre au fumeur, puisque l’on considère qu’il l’ignore, que d’autres loisirs existent afin d’éviter « qu’il ne s’attache de nouveau au passe-temps qui consiste à tirer des bouffées de fumée » [77]. Dans une même logique d’éducation, des malades indigents et volontaires sont censés recevoir, d’après les statuts de la clinique [78], une formation technique qui leur permettrait de gagner leur vie en sortant du traitement [79].
Le fumeur et le citoyen
50Les « exercices spirituels » sont organisés selon un cycle de deux semaines avec des séances d’une demi-heure à raison de six jours par semaine [80]. Le programme des cours est le suivant :
51Deux autres séances sont prévues, qui portent sur le détail de la réglementation nationale contre l’opium et sur les loisirs « normaux » (c’est-à-dire ceux qui ne consistent pas à fumer) : musique, sport, lecture. Certaines rubriques ci-dessus méritent quelques éclaircissements [81] : l’ « aperçu historique » comporte le récit de la guerre de l’opium et du traité de Nankin (1842) qui y met fin. Dans le cours sur « les dommages causés par l’opium », on expose les effets néfastes sur la santé mais aussi la famille, l’économie et la patrie. « La finalité de la prohibition de l’opium » est double : supprimer les souffrances des malades et relever la Nation. Quant aux « célèbres mises en garde contre l’opium », on en distingue trois : celles de Lin Zexu, de Sun Yat-sen et de Jiang Jieshi (Tchang Kai-shek). Ce programme montre très bien tout le profit que les autorités du Guomindang espèrent tirer de ces cures anti-opium. Elles offrent d’abord l’opportunité d’exposer la conception officielle du problème de l’opium à cette époque, en particulier l’exaltation de Lin Zexu et la mise en avant systématique de la responsabilité historique des étrangers dans l’introduction de l’opium en Chine [82]. Il convient aussi de relever la présentation implicite de Jiang Jieshi comme l’unique héritier de Sun Yat-sen et de Lin Zexu. Il s’agit là d’un moyen particulièrement habile de renforcer la légitimité du pouvoir personnel de l’homme fort du moment [83]. La finalité des cours est aussi, à travers la question de l’opium, d’exposer des conceptions sociales et politiques plus larges, comme en témoignent les leçons consacrées à l’hygiène, à la Vie nouvelle et au triple démisme.
52Au milieu des années 1930 une idée paraît donc s’être imposée : le fumeur d’opium est un malade à guérir dans un espace clos où un mode de vie réglé permet de combiner réforme morale, propagande politique et traitement médical. Le fonctionnement de la clinique de la rue Yide en est l’illustration pratique : le fumeur d’opium y est considéré à la fois comme un malade à soigner mais comme aussi un citoyen à éduquer. La prise de conscience adéquate des enjeux supérieurs de la consommation de l’opium, qui dépassent son cas personnel, est une des clés du traitement et permet de prévenir la récidive. Enfin, au-delà de sa fonction explicite, la clinique est également un relais de la propagande officielle.
LA CLINIQUE DE 1941
53Le 19 janvier 1941, le gouvernement collaborationniste de Nankin fondé par Wang Jingwei en 1940 ouvre à son tour un établissement à Canton (Guangdong jinyanliuyisuo, institut de désintoxication du Guangdong) [84]. À bien des égards, le fonctionnement du jinyanliuyisuo paraît calqué sur celui de la clinique de 1937, même s’il n’en est pas concrètement l’héritier direct. Le traitement médical est tout à fait semblable. D’une durée moyenne d’une douzaine de jours, il est fondé sur l’administration de doses de plus en plus faibles de substituts de l’opium ainsi que sur l’autosérothérapie [85]. L’organisation de la vie collective y présente les mêmes caractéristiques, avec un hébergement divisé en deux catégories. L’emploi du temps, de 6 à 21 heures, est rythmé par les soins et les repas. Il laisse une large place aux loisirs comme le ping-pong, le tennis, la lecture ou les échecs chinois. L’absence de créneau destiné à des cours ou des activités évoquant les « exercices psychologiques » laisse à penser que l’on s’y montre beaucoup moins soucieux d’endoctrinement politique et de propagande [86]. Par rapport à son prédécesseur, le Guangdong jinyanliuyisuo laisse pourtant l’impression d’un parent pauvre. Le personnel se trouve réduit à 31 personnes [87]. Sa capacité d’accueil, seulement 100 lits, est donc trois fois moindre [88]. En une année d’existence, à peine un millier de personnes y ont reçu des soins [89], quand la clinique de la rue Yide, elle, en avait accueillis plus de 1 100 en l’espace de seulement quatre mois [90].
54Mais le plus remarquable est que cette clinique, qui demeure semble-t-il unique en son genre dans la zone administrée par le gouvernement collaborateur, ne s’inscrit pas dans une politique globale cohérente. Pour la bonne raison que la suppression de l’opium n’est pas planifiée à terme, aucun recensement des fumeurs n’est organisé. Les patients admis sont donc soit des volontaires, soit des personnes arrêtées pour des délits en rapport avec l’opium (consommation clandestine le plus souvent) et que l’on sèvre de force si elles s’avèrent dépendantes, soit encore des personnes « envoyées par des organismes et des administrations » (jiguan tuanti songlai) [91]. Les autorités, pour remplir l’établissement, ont recours à des appels à l’entrée volontaire de patients dans la clinique, en répétant à l’envi que le traitement prodigué rend le sevrage indolore [92].
55Le Guangdong jinyanliuyisuo laisse une impression persistante : celle d’un institut anti-opium faisant office de cache-misère en l’absence de toute réelle volonté politique de lutter contre l’opium. On retrouve là une des fonctions de ces établissements qui trouvait déjà à s’exprimer dans les refuges des missionnaires : manifester, à des fins de pure propagande, un engagement à lutter contre l’opium.
ÉPILOGUE : LA CAMPAGNE ANTI-OPIUM DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS
56La période de la guerre civile (1945-1949) n’est guère favorable à une action d’envergure contre l’opium. Logiquement, la proclamation d’un programme de suppression des drogues en deux ans par le Guomindang en 1945 n’est suivie d’aucune réalisation concrète [93].
57La victoire du Parti communiste chinois (1949) se traduit par un changement radical. Dès le 24 février 1950, le nouveau gouvernement proclame la prohibition de l’opium. L’une des mesures annoncées consiste à ouvrir des centres de désintoxication dans les villes connaissant les problèmes les plus graves [94]. Pourtant, comme l’historien Wang Hongbin le souligne, dans un premier temps, les communistes s’attaquent en priorité aux trafiquants, une tâche de moindre ampleur que l’éradication de la culture du pavot et le contrôle de la population des fumeurs [95]. La consolidation politique et économique de leur pouvoir passe avant la lutte contre l’opium. Mais une fois celle-ci acquise, elle se révèle un atout qui garantit le succès de la seconde phase de leur offensive anti-drogues.
58Confrontées à des résultats mitigés, les autorités décident, dans la seconde moitié de 1952, d’intensifier leurs efforts. Depuis 1949, le PCC est parvenu à s’assurer un contrôle étroit sur la société chinoise via la police, les organisations de masse et les comités de résidents, qui lui permet de démanteler les réseaux de trafiquants et de repérer facilement les consommateurs. Quant aux méthodes perfectionnées en 1951-1952 durant les campagnes des « Trois Anti » et des « Cinq Anti » [96] – meetings de masse répétés et procès publics – elles font merveille aussi sur le front de la lutte anti-opium [97].
59Les instructions de février 1950 prévoyaient des cliniques de désintoxication dans les principales villes (une clinique a bien ouvert à Canton) [98]. Mais elles sont restées peu nombreuses et leur rôle très marginal. Au Guangdong, même s’il n’est pas possible d’affirmer que la clinique de Canton est restée unique, les témoignages recueillis dans des wenshiziliao décrivant l’action menée contre l’opium dans d’autres districts de la province du Guangdong (Meixian, Shunde, Jieyang) ne mentionnent pas d’établissements de sevrage [99]. Les cliniques sont d’ailleurs absentes du programme de la seconde offensive de 1952. Une fois les circuits des trafiquants démantelés, les consommateurs, privés de toute possibilité d’approvisionnement, n’ont de toute façon pas d’autre alternative que de cesser de fumer. Et les autorités se désintéressent des conditions dans lesquelles se déroule leur sevrage [100].
60Au cours de la période 1839-1952, comme on le voit, lorsque les autorités se montrent résolues à supprimer l’opium sans délai ou dans des délais très courts, les institutions de désintoxication sont des outils d’importance secondaire (Lin Zexu, campagne de 1950-1952), voire complètement absentes (gouvernement révolutionnaire cantonais de 1911-1913). Ces campagnes radicales visent à obtenir une éradication immédiate, et se désintéressent assez largement du fumeur à sevrer en tant que personne. L’approche des plans de Dix ans (1906-1911) et de Six ans (1935-1940) est très différente, et le choix retenu consiste au contraire à œuvrer progressivement en laissant un certain délai aux fumeurs pour renoncer à la drogue. De ce fait, les cliniques y occupent une place importante. Mais, si le fumeur se retrouve placé au centre du dispositif, le soulagement des souffrances qui accompagnent le sevrage ne retient pas prioritairement l’attention. Ainsi les cliniques de désintoxication du Guomindang du milieu des années 1930 ont-elles deux préoccupations principales : un sevrage réussi et la réforme morale et politique des fumeurs, qui doivent prendre conscience des enjeux supérieurs liés à la place importante de l’opium dans le pays.
61Médiocre, l’attention portée aux souffrances n’explique pas non plus pourquoi c’est le sevrage progressif par réduction des doses qui s’impose dans les cliniques (et non le sevrage brutal) quand bien même cette méthode ne donne pas, d’un point de vue thérapeutique, des résultats plus probants. Le succès de la méthode de sevrage progressif s’explique en réalité par l’affirmation de l’expertise médicale dans le traitement de l’opiomanie, phénomène capital de cette période. Le corps médical opte en effet pour cette méthode de réduction des doses parce qu’elle présente un grand avantage : elle permet de mettre en scène le médecin dans le rôle du bienfaisant dispensateur de ces succédanés de l’opium qui procurent un répit provisoire aux patients torturés par le manque. Les injections de succédanés de l’opium (tout comme la spectaculaire autosérothérapie) manifestent, par ailleurs, la maîtrise de techniques caractéristiques de la médecine occidentale. Le traitement des fumeurs d’opium constitue donc un enjeu lié à l’affirmation d’un pouvoir médical autant que politique.
Mots-clés éditeurs : opium, désintoxication, Chine, Dynastie Qing, Canton
Date de mise en ligne : 01/02/2009
https://doi.org/10.3917/rhis.083.0627Notes
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[1]
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[2]
Jean Cocteau, Opium. Journal d’une désintoxication, Paris, Stock, 1999 [1930]. Cocteau y relate sa désintoxication dans une clinique de Saint-Cloud de décembre 1928 à avril 1929. Le livre de Cocteau, c’est un fait très peu connu, suscitera un certain écho en Chine, comme en témoignent les articles que lui consacre la revue Lunyu [Propos], publiée par Lin Yutang à Shanghai dans les années 1930 : Lunyu, 10, 1933, p. 341-342, 30, 1933, p. 277.
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[3]
Michael Greenberg, British Trade and the Opening of China, 1800-1842, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1951 ; Arthur Waley, The Opium War through Chinese Eyes, Stanford, Stanford University Press, 1958 ; Maurice Collis, Foreign Mud, the Opium Imbroglio in the 1830’s and the Anglo-Chinese War, New York, Norton, 1968 ; Hosea Ballou Morse, The International Relations of the Chinese Empire, the Period of Conflict, 1834-1860, Taipei, Ch’eng wen, 1971 (1re éd., Shanghai, Kelly & Walsh, 1910) ; Hsin-pao Chang, Commissioner Lin and the Opium War, Cambridge, Harvard University Press, 1964 ; David Owen, British Opium Policy in China and India, Londres, Archon Books, 1968 ; James Polachek, The Inner Opium War, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1992 ; Peter Fay, The Opium War 1840-1842 : Barbarians in the Celestial Empire in the Early Part of the Nineteenth Century and the War by which they forced her Gates Ajar, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1997.
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[4]
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[5]
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-
[6]
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[7]
C’est là un des présupposés qui soutenaient l’argumentaire prônant de s’attaquer aux consommateurs. Selon Huang Juezi, la lutte contre l’opium ne peut être efficace que si l’on s’attaque aux consommateurs dans la mesure où leur addiction rend possible de les distinguer du reste de la population : mémoire de juin 1838, Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 63.
-
[8]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 250-252.
-
[9]
Cette conception de l’hôpital comme un centre de soins ouvert à des malades de tous milieux sociaux et non un refuge destiné aux plus démunis apparaît extrêmement moderne. En France, l’abandon de la seconde mission au profit de la première s’opère très progressivement dans la première moitié du XXe siècle : Jean Imbert, Histoire des hôpitaux en France, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1996 (7e éd.), p. 59-60. L’hypothèse selon laquelle l’expérience des missionnaires en Extrême-Orient aurait influencé la métamorphose de l’hôpital qui se produit en Occident n’a, à notre connaissance, pas été examinée.
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[10]
Paul Unschuld, Medicine in China. A History of Ideas, Berkeley, University of California Press, 1985, p. 236-242 ; Kerrie MacPherson, A Wilderness of Marshes. The Origins of Public Health in Shanghai, 1843-1893, Oxford, Oxford University Press, 1987, p. 148-149.
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[11]
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[12]
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[13]
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[14]
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[15]
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[16]
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[17]
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[18]
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-
[22]
Archives d’outre-mer, dossier gouvernement général d’Indochine (par la suite, GGI) 43019, rapport de Rozier « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », daté du 12 octobre 1907, adressé au gouverneur général de l’Indochine, p. 5.
-
[23]
Zhu Qingbao, Jiang Qiuming, Zhang Shijie, Yapian yu jindai zhongguo [L’opium et la Chine contemporaine], Nanjing, Jiangsu jiaoyu chubanshe, 1995, p. 339 ; Su Zhiliang, Zhongguo dupinshi, op. cit., p. 205-206. le texte du règlement en dix points est reproduit dans Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 399-401.
-
[24]
Voir par exemple : Archives du ministère des Affaires étrangères (par la suite, MAE), nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 584, rapport de l’ambassadeur de France à Pékin au ministre des Affaires étrangères du 22 décembre 1906.
-
[25]
Voir le texte de l’édit du 20 septembre et le règlement en dix points du 1er novembre 1906 réédités dans Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 399-400.
-
[26]
Archives du MAE, nouvelle série, no 589 : rapport de De Margerie, ministre de France en Chine (citant un rapport du vice-roi de Canton au trône) au ministre des Affaires étrangères du 12 octobre 1910.
-
[27]
L’analogie avec l’entreprise de compilation des coutumes locales initiée en 1908 par le régime impérial est intéressante. Dans ce cas également, la nécessité de rechercher l’appui des élites locales et l’utilité de constituer des associations ad hoc figurent dans l’édit correspondant : Jérôme Bourgon, Rights, freedom, and customs in the making of Chinese civil law 1900-1936, dans Realms of freedom in Modern China, William Kirby (éd.), Stanford, Stanford University Press, 2004, p. 97.
-
[28]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 21-22. Il semble que d’autres associations de lutte contre l’opium aient vu le jour, mais aucune ne peut se comparer sur le plan de ses activités ni ne reçoit une onction officielle comme la Guangdong jieyan zonghui.
-
[29]
À propos de la fondation et de l’activité de ces deux associations, voir Edward Rhoads, Merchants associations in Canton, dans The Chinese City between two Worlds, Mark Elvin et William Skinner (éd.), Stanford, Stanford University Press, 1974, p. 104-106.
-
[30]
Deng Yusheng, Quanyue shehui shilu [État des lieux de la société au Guangdong], Canton, Diaocha quanyue shehui chubanshe, 1911 ; Liu Fujing, Wang Mingkun, Jiu guangdong yanduchang [Prostitution, jeu et opium dans le Canton de jadis], Hong-Kong, Zhonghua shuju youxian gongsi, 1992, p. 49-50 ; Edward Rhoads, China’s Republican Revolution : The Case of Kwangtung, 1895-1913, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1975, p. 124.
-
[31]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 22.
-
[32]
Voir aussi Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 24.
-
[33]
Liu Fujing, Wang Mingkun, Jiu guangdong yanduchang, op. cit., p. 48 ; Douanes maritimes, Returns of Trade and Trade Reports for the Year 1907, Canton trade report, p. 483.
-
[34]
Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 27-29.
-
[35]
Archives du MAE, nouvelle série, no 589, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[36]
Archives d’outre-mer, dossier GGI 43019, jieyan zonghui liuyiyuan zhangcheng [Règlement de la clinique de l’association du Guangdong contre l’usage de l’opium].
-
[37]
Archives du MAE, nouvelle série, dossier no 586, rapport du consul de France à Canton du 27 septembre 1907 ; dossier no 587, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[38]
Archives du MAE, nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 587, rapport du consul de France à Canton du 13 février 1908.
-
[39]
Florence Bretelle-Establet, La santé en Chine du Sud (1898-1928), Paris, Éd. du CNRS, 2002, p. 169-171.
-
[40]
Archives du MAE, nouvelle série, sous-série Chine, dossier no 592, rapport du 21 août 1912 de Picot à Poincaré ministre des Affaires étrangères ; Foreign Office, FO 415 : rapport de Jordan à Sir Edward Grey du 26 mai 1913.
-
[41]
Archives municipales de Canton, série no 570, Guangzhoushi shizheng gongbao, 23 août 1921, 26 septembre 1921 ; Guangzhoushi shizheng gaiyao [Les principes du gouvernement municipal de Canton], Canton, 1922, partie municipalité, p. 26. Des sources indiquent que cette clinique est toujours active au début de l’année suivante : 24 janvier 1922, 6 février 1922, 13 février 1922.
-
[42]
Archives d’outre-mer, dossier GGI 32790, rapport de Beauvais consul de France à Canton à GGI du 10 août 1917 ; Archives nationales no 2 (Nanjing), série no 679 (douanes maritimes), dossier no 32410, Canton current events and rumours (1917), rapport du 14 mai 1917.
-
[43]
Guangdong caizhengting, Guangdong shengku liuniandu (1/7/17-30/6/18) guojia shizhi gekuan shumu baogaoshu [Rapport sur les montants détaillés des dépenses du budget de la province du Guangdong pour l’année 1917], Canton, 1919, p. 6. On ne dispose des budgets équivalents ni avant ni après la période couverte par ce rapport.
-
[44]
Le seul gage de survie politique à l’époque des seigneurs de la guerre repose sur les forces armées dont chacun peut disposer. Lorsque tous bénéficient des taxes de l’opium, celui qui y renonce, parce qu’il se prive de ressources permettant de payer des troupes, consent à un dangereux affaiblissement.
-
[45]
Judu yuekan [Mensuel pour la suppression des drogues], 93, 1935, p. 20.
-
[46]
Canton Gazette, 19 février 1929, 26 août 1935 ; Judu yuekan, 29, 1929, p. 64 ; Deng Zhende, Guangzhoushi weisheng xingzheng zhi jiantao [Examen critique de la politique d’hygiène de la ville de Canton], Canton, Guangzhoushi zhengfu weishengju, 1935, p. 37-38 ; Canton Gazette 26 août 1935 ; Ren’ai [Bienveillance], vol. 1, no 10/11, mars 1936, p. 184.
-
[47]
Ainsi, en avril 1927, dans une pétition de l’association nationale anti-opium adressée au gouvernement : Timothy Brook et Bob Tadashi Wakabayashi (éd.), Opium Regimes, China, Britain and Japan, 1839-1952, Berkeley, University of California Press, 2000, p. 257.
-
[48]
China Critic, novembre 1930, p. 7.
-
[49]
Jinyan banyuekan [Semi-mensuel de la suppression de l’opium], 3 juin 1936, p. 168.
-
[50]
Jinyan jinian tekan [Édition spéciale pour commémorer la suppression de l’opium], 3 juin 1939, partie statistiques, p. 7.
-
[51]
Ainsi, dans la Jinyan jinian tekan du 3 juin 1939, p. 7, et dans la Jinyan tekan [Édition spéciale pour la suppression de l’opium] de juin 1937, p. 76-77.
-
[52]
Liu Feng, Qingdai yilai Meixian jinyan gaikuang [La situation concernant la prohibition de l’opium à Meixian depuis la fin des Qing], dans Meixian wenshiziliao [Matériaux historiques de Meixian] (vol. 18), Meixian, Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng meixian weiyuanhui wenshiziliao weiyuanhui, 1980, p. 194.
-
[53]
Judu yuekan, 105, 1936, p. 3-5 ; Huazi ribao, 29 août 1936.
-
[54]
Guangzhoushi jieyan yiyuan nianbao (par la suite, GJYN), 1937, p. 1.
-
[55]
GJYN, p. 1.
-
[56]
Canton Gazette, 23 mars 1937.
-
[57]
GJYN, p. 28-30.
-
[58]
Guangzhoushi diyi renmin yiyuan yuanzhi [Annales de l’hôpital du peuple no 1 de la ville de Canton], Canton, Guangzhoushi feiying lixing chubanshe, 1999, p. 13-14.
-
[59]
GJYN, p. 49.
-
[60]
Guangzhoushi caizhengju, Guangzhoushi caizheng tongji [statistiques des finances de la ville de Canton], mois de mars, avril, mai, juin, juillet et août 1937.
-
[61]
Archives de la municipalité de Canton, série no 4/02, dossier no 5891.
-
[62]
GJYN, p. 28.
-
[63]
Guangzhoushi jinyan weiyuanhui, Guangzhoushi jinyan weiyuanhui gongzuo jiyao [Résumé des activités du Comité d’interdiction de l’opium de la ville de Canton], Canton, 1937, pages non numérotées ; Guangdong jinyan weiyuanhui, Guangdong jinyan jikan, di yi qi [Trimestriel de la suppression de l’opium au Guangdong, premier tome], Canton, 1937, pages non numérotées.
-
[64]
GJYN, p. 47.
-
[65]
Ibid., p. 48.
-
[66]
À propos de cette étonnante méthode (totalement inefficace), consistant à prélever de la lymphe dans une ampoule provoquée artificiellement sur le corps du patient pour la lui réinjecter par intraveineuse, voir Frank Dikötter, Narcotic Culture, op. cit., p. 138-139.
-
[67]
GJYN, p. 4.
-
[68]
Ibid., p. 51.
-
[69]
Ibid., p. 51.
-
[70]
Ibid., p. 39.
-
[71]
Ibid., p. 18.
-
[72]
Joseph Needham, La science chinoise et l’Occident, Paris, Le Seuil, 1973, p. 255.
-
[73]
Cette citation, connue de tous les Chinois, figure au tout début du plus fameux des manuels d’enseignement traditionnel : le Sanzijing [Classique des trois caractères]. Le Sanzijing date de l’époque Song ; il est parfois attribué à Wang YingIin (1223-1296).
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[74]
GJYN, p. 18.
-
[75]
Ma Mozhen, Zhongguo jindu shi ziliao, op. cit., p. 1137.
-
[76]
Alexander Des Forges, Opium/leisure/Shanghai Urban economies of consumption, dans Opium Regimes, China, Britain and Japan, 1839-1952, op. cit., p. 168-179, analyse des écrits de la fin des Qing centrés sur Shanghai qui montrent que l’opium pouvait être considéré de façon très ambiguë comme un poison, mais aussi un des charmes de la vie pour les gens de qualité qui ont du temps et de l’argent à dépenser, savent se modérer et trouvent là une occasion de redistribuer une partie de leurs biens.
-
[77]
GJYN, p. 25.
-
[78]
Ibid., p. 22.
-
[79]
Le programme des cours prévoit des leçons sur l’agriculture, le travail du bois, du rotin, le tissage... Le double but est de soutenir le traitement, ce qui suppose une éthique positive du travail, mais aussi permettre aux patients de reprendre une vie normale après leur guérison. Les malades, munis de leurs certificats de formation/désintoxication, pourront espérer trouver plus facilement du travail dans les usines ou à la campagne. Il est intéressant de constater que cela constitue un écho lointain du projet de création d’une fabrique à la fin de la période impériale (Rozier, « Étude sur la question de l’opium en Extrême-Orient », p. 22). Toutefois, certains indices font douter de l’application réelle de ce projet.
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[80]
GJYN, p. 24.
-
[81]
GJYN, p. 19-20.
-
[82]
Sur ces questions, voir Xavier Paulès, La lutte contre l’opium, panacée politique pour le Guomindang ?, Vingtième siècle, 95, 2007, p. 193-217.
-
[83]
Ibid., p. 208.
-
[84]
Guangdong jinyanliuyisuo chengli yi zhou nian jinian tekan [Édition spéciale pour commémorer le premier anniversaire de la fondation de l’institut de désintoxication du Guangdong], Canton, 1942, p. 4.
-
[85]
Ibid., p. 6, 13, 25.
-
[86]
Ibid., p. 16, 26.
-
[87]
Ibid., p. 27-29.
-
[88]
Ibid., p. 17.
-
[89]
Ibid., p. 20.
-
[90]
GJYN, p. 2.
-
[91]
Guangdong jinyanliuyisuo chengli yi zhou nian jinian tekan, p. 20-21.
-
[92]
Ibid., p. 5, 10, 13.
-
[93]
Su Zhiliang, Zhongguo dupin shi, op. cit., p. 439.
-
[94]
Zhou Yongming, Anti-drug Crusades in Twentieth-Century China. Nationalism, History, and State Building, Lanham, Rowman & Littlefield, 1999, p. 95.
-
[95]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 483.
-
[96]
La campagne des « Trois Anti (san fan) » lancée en décembre 1951 vise la corruption, le gaspillage et la bureaucratie dans l’administration, l’armée et le parti. Celle des « Cinq Anti (wu fan) » (pots-de-vin, fraude fiscale, détournement de biens publics, escroquerie dans les contrats passés avec l’État, obtention illicite d’informations économiques auprès de l’État) débute en avril 1952 et concerne surtout les commerçants, artisans et industriels.
-
[97]
Ling Qing, Shao Qin (éd.), Cong humen xiaoyan dao dangdai zhongguo jindu [De la destruction d’opium de Humen à la prohibition de la drogue en Chine contemporaine], Chengdu, Sichuan renmin chubanshe, 1997, p. 107-109.
-
[98]
Archives de la province du Guangdong, dossier 206-1-36, rapport du 17 janvier 1952 sur le travail accompli en 1950-1951 pour la suppression de l’opium et des drogues au Guangdong. Le rapport mentionne que les fumeurs recensés en 1951 se soignent chez eux, dans un hôpital général, ou dans une structure spécialisée.
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[99]
Voir par exemple Liu Feng, Qingdai yilai Meixian jinyan gaikuang, op. cit., p. 193-196 ; Bei Wenxi, Jieyangxian jinzhi yapian yandu shimo [La vérité sur la prohibition de l’opium et des drogues dans le xian de Jieyang], dans Jieyang wenshiziliao [Matériaux historiques de Jieyang] (vol. 12), Jieyang : Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng weiyuanhui wenshiziliao yanjiu weiyuanhui, 1990, p. 54 ; Liang Naishi, Huiyi yici zhiyansaodu xingdong [Souvenirs des opérations menées contre l’opium et les drogues], dans Shunde wenshiziliao [Matériaux historiques de Shunde] (vol. 10), Shunde, Zhongguo renmin zhengzhi xieshang huiyi, Guangdongsheng weiyuanhui wenshiziliao yanjiu weiyuanhui, 1986, p. 67-68.
-
[100]
Wang Hongbin, Jindu shijian, op. cit., p. 486.