Notes
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[1]
Serge Berstein, L’affrontement simulé des années 1930, Vingtième siècle, 1985, janvier/février/mars, no 5, p. 39-53.
-
[2]
Pour un bilan de ce débat, Robert Paxton, Le fascisme en action, Paris, Le Seuil, 2004, p. 120-125 et 412-417.
-
[3]
Sur cette ambiance de préparation à la guerre civile, Frédéric Monier, Le complot dans la République, Paris, La Découverte, 1998, p. 310-319 ; Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque (1886-1946) ou les pièges du nationalisme chrétien, Paris, Fayard, 1996, p. 392-396 et 557-569 ; Jean-Jacques Becker, Serge Berstein, Histoire de l’anticommunisme en France (1917-1940), Paris, Olivier Orban, 1987, t. 1, p. 280-335 ; Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Le Seuil, 1990, p. 175-204. Sur les retombées dans l’armée, Georges Vidal, L’institution militaire et la crainte d’une insurrection communiste en 1936, Communisme, no 69, 2002, p. 101-126.
-
[4]
Jean-Jacques Becker, Le Parti communiste veut-il prendre le pouvoir ?, Paris, Le Seuil, 1981, 333 p.
-
[5]
Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit., p. 330-332.
-
[6]
Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panné (dir.), Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, R. Laffont, 1997, 841 p. ; Michel Dreyfus et al., Le siècle des communismes, Paris, Les Éditions de l’atelier, 2000, 542 p. Pour une analyse systémique de la violence dans le monde communiste, cf. Claude Lefort, La complication, Paris, Fayard, 1999, 257 p.
-
[7]
Marc Lazar, Le communisme, une passion française, Paris, Perrin, 2002, p. 176-190.
-
[8]
Stéphane Audoin, Le Parti communiste français et la violence : 1929-1931, La revue historique, no 546, avril-mai 1983, p. 365-383 ; Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France (1918-1968), Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 144 ; Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue. Crises politiques et manifestations en France, Paris, Aubier, 1998, p. 75 ; Danielle Tartakowsky, Manifestations ouvrières et théorie de la violence (1919-1934), Cultures et conflits, no 9/10, http. // wwwww. conflits. org.
-
[9]
Sylvain Boulouque, Usage, sens et fonction de la violence dans le mouvement communiste en France 1920-1936, no 78/79, Communisme, 2004, p. 105-130.
-
[10]
Sur l’exploitation des sources communistes concernant l’autodéfense, voir ibid.
-
[11]
Vers la même époque, l’implication des communistes dans plusieurs incidents sanglants a vraisemblablement favorisé l’évolution vers une organisation plus systématique et mieux contrôlée du service d’ordre. Le 11 janvier 1924, lors d’un meeting à la Grange-aux-Belles, le service d’ordre ouvre le feu sur des militants anarchistes, faisant deux morts. Le 9 février 1925, deux membres de la Fédération nationale catholique sont tués à Marseille à la suite d’affrontements avec les communistes venus perturber une réunion publique présidée par le général de Castelnau. Le 23 avril de la même année, rue Damrémont à Paris, quatre membres des Jeunesses patriotes sont tués par armes à feu lors d’affrontements avec le service d’ordre des Jeunesses communistes.
-
[12]
Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue..., op. cit. (n. 8), p. 144.
-
[13]
Frédéric Monier, Le complot..., op. cit. (n. 3), p. 188-201.
-
[14]
Cité par Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue..., op. cit. (n. 8), p. 75.
-
[15]
Frédéric Monier, Le complot..., op. cit., p. 198-200.
-
[16]
Dans la période 1928-1934, Moscou cherche à donner un caractère particulièrement spectaculaire aux manifestations violentes, à l’activité antimilitariste et à la propagande du PCF, afin d’instrumentaliser ses démonstrations de force comme arme de dissuasion face aux projets imaginaires de guerre antisoviétique attribués à l’état-major français (Georges Vidal, Le communisme, la guerre et la paix dans Frédéric Rousseau (sous la dir. de), Guerres, paix et sociétés, Paris, Atlande, 2004, p. 242-248).
-
[17]
Danielle Tartakowsky, Les manifestations..., op. cit., p. 195-228.
-
[18]
Bibliothèque marxiste de Paris, bob300, Projet de thèse sur les nouveaux problèmes antimilitaristes. Le mot d’ordre de propagande des milices ouvrières et nos mots d’ordre d’action (non daté mais semble rédigé en 1928), p. 24-25.
-
[19]
L. Alfred, Le problème de l’autodéfense prolétarienne, L’Internationale communiste, no 24, décembre 1929, p. 1706-1715.
-
[20]
Stéphane Audoin, Le Parti communiste français..., op. cit. (n. 8), p. 365-383 ; Danielle Tartakowsky, Manifestations ouvrières..., op. cit.
-
[21]
Sylvain Boulouque, Usage, sens et fonction..., op. cit. (n. 9), p. 121-122.
-
[22]
Il est probable que ces émeutes résultent davantage d’une explosion sociale que d’une action délibérée organisée par les communistes, même s’ils ont cherché à l’exploiter. Il faut d’ailleurs se garder à propos de ces événements d’une illusion d’optique : ils sont loin d’atteindre le même degré de gravité que les grèves insurrectionnelles de Brest et de Toulon qui éclateront à l’automne 1935, faisant 3 morts, dans une période où le PCF n’encourage plus ce type de débordement.
-
[23]
En particulier, deux articles en faveur d’une organisation paramilitaire de l’autodéfense sont publiés en 1933 dans Les Cahiers du bolchevisme : Claude Darbori, Nécessité d’une organisation d’autodéfense, no 12, juin 1933, p. 841-843 ; Stéphane, Pour les milices antifascistes, no 12, juin 1933, p. 844-845.
-
[24]
G. Mornet, Sur l’autodéfense prolétarienne, Les Cahiers du bolchevisme, no 4, février 1934, p. 243-247.
-
[25]
Il est fort probable que cette polémique sur l’autodéfense représente à cette époque un enjeu dans le conflit entre la majorité de la direction du parti et Jacques Doriot qui est favorable à l’unité avec la SFIO, en particulier pour organiser l’autodéfense.
-
[26]
Ibid., p. 244.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Otto Bewer, L’autodéfense prolétarienne, L’Internationale communiste, no 18, 20 septembre 1934, p. 1214-1224. Le caractère assez théorique de cet article tend à indiquer qu’il a été rédigé davantage pour répondre au partisan du Front rouge que pour établir un projet destiné à être appliqué à la lettre.
-
[29]
Durant cette période, le fonctionnement des partis communistes connaît une relative décentralisation qui concerne particulièrement le PCF. Cf. André Marty, Le processus de fascisation de la France « démocratique » et les tâches du PCF (Discours prononcé à la 13e Plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste), L’Internationale communiste, no 4, 20 février 1934, p. 244. Elle sera ensuite appliquée à l’échelle du Komintern lors du VIIe Congrès en 1935. Par conséquent, la décentralisation de l’autodéfense s’inscrit dans une tendance générale interne au mouvement communiste. Sur la réorganisation du Komintern en 1935, Annie Kriegel, Stéphane Courtois, Eugen Fried. Le grand secret du PCF, Paris, Le Seuil, 1997, p. 250-252 ; Serge Wolikow, Internationale communiste. Jalons dans José Gotovitch, Mikhaïl Narinski, Komintern : l’histoire et les hommes, Paris, Éditions de l’Atelier, 2001, p. 22-23. Toutefois, l’organisation de type milice est adoptée dans certains pays du fait de circonstances particulières. Ainsi, à cette époque en Espagne et au Danemark.
-
[30]
Jean Lagarde, La lutte de masse antifasciste : corrigeons les erreurs et renforçons l’activité dans notre travail d’autodéfense, L’Humanité, 28 mars 1934.
-
[31]
Archives russes d’État d’histoire politique (ci-après RGASPI), 517/1/1767, note d’André Marty sur le nouveau comité central du PCF, 4 février 1936, p. 1.
-
[32]
Jacques Nobécourt donne les références de rapports de police qui rendent compte d’une série d’enquêtes sur des stockages d’armes par les communistes (Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit. (n. 3), n. 41 et 42, p. 1024). Selon cet auteur, il s’agit d’actions concertées pour préparer une action subversive de grande ampleur.
-
[33]
Paul Vaillant-Couturier, Qu’est-ce que l’armement du prolétariat ?, L’Humanité, 28 janvier 1935, p. 2.
-
[34]
RGASPI (Moscou), 495/10/1, rapport de Jacques Duclos devant le secrétariat latin, le 5 janvier 1936, p. 1.
-
[35]
Centre d’histoire sociale (ci-après CHS), Fonds Marty, carton A-B III, Conférence régionale de Paris-ville (non daté).
-
[36]
RGASPI (Moscou), 517/1/1767, note d’André Marty du 4 février 1936, p. 5.
-
[37]
Marcel Cachin, Carnets, Paris, CNRS Éditions, 1997, t. 4, 12 novembre 1935, p. 290.
-
[38]
Ibid., 8 décembre 1935, p. 302.
-
[39]
Compte rendu du débat à la Chambre des députés du 5 décembre, L’Humanité, 7 décembre 1935, p. 1. Jacques Duclos estime que les TPPS représentent une force dérisoire qui regroupe « des éléments de provocation » (RGASPI (Moscou), 495/10/1, rapport de Jacques Duclos devant le secrétariat latin, le 5 janvier 1936, p. 3).
-
[40]
CHS, Fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935, p. 8.
-
[41]
Ibid., rapport à la conférence région Paris-Sud, les 11 et 12 janvier 1936, p. 11.
-
[42]
CHS, fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935 ; rapport à la conférence régionale Paris-sud, le 11 et 12 janvier 1936.
-
[43]
CHS, Conférence régionale Paris-ville, les 11 et 12 janvier 1936, p. 7.
-
[44]
Ibid., p. 12. Pour une approche de l’intégration des organisations sportives ouvrières aux dispositifs d’autodéfense, André Gounot, Communisme offensif contre socialisme défensif ? Le mouvement sportif ouvrier européen et la perspective de la guerre civile dans Communisme, no 78-79, 2004, p. 83-104.
-
[45]
Archives d’histoire militaire de l’État de Russie (ci-après RGVIA), 1554 T1 (1o), SCM, no 83/2, renseignements, activité du Komintern en France, 23 mars 1936, destinataire SCR, p. 200.
-
[46]
Georges Vidal, « La Grande Illusion ? » Le Parti communiste français et la Défense nationale à l’époque du Front populaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2006, 484 p.
-
[47]
Jean-Jacques Becker, Serge Berstein, Le Parti communiste veut-il..., op. cit. (n. 4), p. 59-60.
-
[48]
CHS, Fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935, p. 8.
-
[49]
RGVIA (Moscou), 7-1, 1225, renseignement du 30 mai 1938, source : sûreté, organisation du PCF dans les Pyrénées-Orientales, p. 555-557.
-
[50]
RGASPI (Moscou), 517/1/1835, liste des officiers généraux, membres du CSG ou exerçant des responsabilités importantes au ministère de la Guerre ou à l’État-major général de l’armée, p. 32-33.
-
[51]
Georges Vidal, « La Grande Illusion ? » op. cit., p. 379-384.
-
[52]
Y compris lors des affrontements de Limoges en novembre 1935, dont le caractère désordonné semble indiquer qu’ils ne furent prémédités ni par les responsables Croix-de-Feu, ni par ceux des partis de gauche. Sur cet épisode qui fut le seul exemple d’affrontements notables de cette période, Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit. (n. 3), p. 327-329. Le compte rendu de ces événements par L’Humanité du 18 novembre est caractéristique de la volonté de dramatisation des communistes. Ainsi, le 25 novembre, ce quotidien titre à propos de ces incidents : « Ils veulent la guerre civile. »
-
[53]
Pour une présentation plus précise de ces hypothèses, Georges Vidal, Ouvriers et volontaires dans l’organisation de l’autodéfense communiste de l’entre-deux-guerres : le cas français, colloque international Le soldat volontaire en Europe au XXe siècle : de l’engagement politique à l’engagement professionnel, avril 2003, organisé par l’UMR 5609-ESId - Université de Montpellier III (actes à paraître).
-
[54]
Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Barbès, Nantes, Chateaubriant : les débuts de la lutte armée communiste, Communisme, no 78-79, 2004, p. 131-140.
1Dans L’Humanité du 28 janvier 1935, Paul Vaillant-Couturier rappelait aux militants du PCF que « l’armement du prolétariat » se trouvait dans les usines de matériel militaire et qu’il leur était formellement interdit de constituer des stocks d’armes pour ne pas prêter le flanc à la répression. Cette injonction, tout à la fois modératrice et lourde de menaces, fournit une bonne illustration de l’attitude ambiguë des communistes français face à la violence : la référence symbolique et incantatoire à l’insurrection armée exclut simultanément sa préparation effective. Par-delà le cas communiste, cette contradiction est significative du contexte politique tendu et compliqué de la France de cette période. En effet, dans « l’affrontement simulé » des années 1930, les violences politiques franco-françaises n’ont guère débordé de la sphère du discours, du symbolique et de la démonstration formelle [1]. Malgré l’exacerbation tangible des passions partisanes, les victimes demeurèrent relativement rares, et, hormis les événements sanglants de février 1934 et mars 1937, les violences liées aux conflits sociaux ont certainement causé durant cette période plus de morts et de blessés que les heurts aux motifs strictement politiques. L’historiographie a mis en évidence cette « brutalisation » toute relative des conflits intérieurs, tout particulièrement à propos de l’extrême droite dont la nature composite et l’action somme toute assez modérée expliquent le débat ancien, et toujours en cours, sur l’existence d’un authentique fascisme de masse dans la France des années 1930 [2]. Par la suite, le constat qu’une culture politique tempérée continuait de prédominer durant cette période a été enrichi et nuancé par le diagnostic d’une dégradation tendancielle de la cohésion sociale et politique du pays.
2La description des psychoses collectives, des peurs enfouies dans les profondeurs d’une société traumatisée par les effets de la Grande Guerre, de la récession économique, de la montée des extrêmes et des difficultés internationales, a montré l’intensité des tensions contenues, difficilement canalisées par les institutions et la majorité des forces sociales et politiques, et prêtes à exploser dans une bonne partie du pays [3]. Pierre Laborie a analysé cette situation de guerre civile froide comme la manifestation la plus aiguë d’une crise de l’identité nationale qui mine à cette époque les équilibres politiques et sociaux consolidés au cours des décennies précédentes.
3Dans un tel contexte, quel fut le rôle tenu par les communistes ? Par-delà les fluctuations de leur ligne politique, ont-ils cherché à développer, de manière tantôt ouverte tantôt dissimulée, une stratégie de la tension en cherchant l’affrontement dans le but de déstabiliser l’État républicain ; ont-ils voulu ainsi briser le consensus tacite construit autour d’un conflit simulacre en entraînant le pays dans le chaos afin de tirer « les marrons du feu » de la guerre civile ? En d’autres termes, dans quelle mesure, le PCF a-t-il été un facteur de « brutalisation » de la vie politique française durant cette période ?
4Cette question reste pour l’essentiel ouverte. Il y a une vingtaine d’années, Jean-Jacques Becker a solidement établi que durant la période du Front populaire, le PCF n’envisageait pas une prise du pouvoir insurrectionnelle ou putschiste [4]. Mais plus récemment, Jacques Nobécourt, se référant à des sources policières inédites, a estimé que le PCF voulait au contraire « attirer l’adversaire dans le piège de l’affrontement de rue » en suivant une « stratégie souterraine » de « subversion révolutionnaire » [5]. Par-delà les débats historiographiques sur la stratégie communiste, le rapport du PCF à la violence n’a fait l’objet que d’étude partielle pour les années 1930, comme d’ailleurs sur un plan plus général. Ainsi, les ouvrages Le Livre noir du communisme et Le siècle des communismes, largement consacrés à la question de la violence dans le monde communiste, ne l’abordent guère à propos du communisme occidental [6]. À l’inverse, Marc Lazar, dans son essai Le communisme, une passion française, fournit une synthèse rapide sur le rapport du PCF à la violence, en insistant sur l’ambivalence de son discours et de ses pratiques. En particulier, il considère qu’étant belliciste par nature et pacifiste par le verbe, le PCF a contribué à la militarisation de la rue dans l’entre-deux-guerres, pour d’ailleurs assouplir par la suite son attitude en donnant à ses manifestations des années 1960 les apparences d’une « allure débonnaire et tranquille » [7].
5Concernant les années 1930, l’action violente communiste a fait l’objet de plusieurs études précises qui concernent essentiellement la période la plus radicale de l’histoire du PCF, celle dite « classe contre classe », de 1928 à 1934. Ainsi, Frédéric Monier a mis en évidence pour cette période le lien entre activité conspirative, action violente organisée et objectifs insurrectionnels. Tirant un bilan de cette orientation, il constate que le complot communiste fut surtout porteur d’une violence virtuelle dont la mise en œuvre resta limitée et facilement mise en échec. Par ailleurs, les travaux de Danielle Tartakowsky et de Stéphane Audoin, consacrés aux manifestations de rue de cette période, ont montré le caractère limité des affrontements avec la police, l’incapacité du PCF à mobiliser la masse des militants dans les actions violentes et l’aggravation des difficultés et conflits internes provoquées par une stratégie de la tension qui contribue à accélérer sensiblement la marginalisation du communisme français [8]. Plus récemment, Sylvain Boulouque a publié un article sur la violence communiste en France de 1920 à 1936, qui accorde une large place à l’action du service d’ordre du PCF [9]. Cet article, marqué par une approche plus culturelle que politique, s’attache surtout à mettre en évidence le rôle de la violence dans le processus de construction de la mentalité communiste, en particulier chez les cadres de l’appareil. Au total, il manque une étude à l’échelle des années 1930 qui permette d’analyser le rôle joué par le PCF dans la montée des tensions politiques et d’apprécier si son tournant stratégique de 1934 provoque une rupture avec ses pratiques violentes passées ou si, au contraire, on constate une continuité masquée par quelques mutations de façade.
6Sans prétendre épuiser cette problématique, l’évolution de l’autodéfense communiste durant cette période fournit un bon aperçu de la gestion de la violence pratiquée par le PCF dans une situation de forte tension politique. L’autodéfense, terme à la définition assez élastique dans le langage communiste de l’entre-deux-guerres, désigne l’ensemble des dispositions, publiques ou semi-publiques, prévues pour assurer la protection physique des activités du parti ou de ses organisations proches, et, dans certains cas, celle des ouvriers à l’occasion de conflits sociaux particulièrement « durs ». En outre, l’autodéfense peut recouvrir également des actions agressives contre les adversaires politiques ou les forces de l’ordre. Ses pratiques ayant pris des formes et une ampleur variables, l’autodéfense ne peut être réduite à la seule activité du service d’ordre du parti : si dans certains cas elle se confond avec lui, elle a souvent pris, tout au moins en principe, un caractère beaucoup plus large. De même, elle n’englobe pas les organismes secrets du PCF, comme la sécurité intérieure du parti, qui font surtout figure d’annexes des services spéciaux du Komintern, orientés vers la recherche du renseignement, la surveillance ou l’élimination des opposants. Ces organismes, qui regroupent des cadres particulièrement sûrs, exercent vraisemblablement un contrôle discret sur les structures de l’autodéfense, en particulier ses directions, mais ils ne s’y fondent pas. Leurs fonctions occultes et très cloisonnées échappent en effet pour une bonne part au contrôle de la direction du PCF, tandis que l’autodéfense, à la vocation de masse affirmée et relativement visible, apparaît pour l’essentiel comme émanant du parti et de son appareil.
7L’étude de l’autodéfense se heurte à un problème de sources, car les archives communistes la concernant sont lacunaires [10] et les sources officielles ne sont guère abondantes à son sujet, cette rareté paraissant d’ailleurs indiquer que les autorités se sont peu inquiétées de cet aspect de l’activité du PCF puisqu’elles n’ont pas cherché à la connaître davantage.
8À partir de la documentation disponible, il apparaît que l’autodéfense communiste a connu des transformations liées à l’évolution générale du communisme français : au début des années 1930, l’héritage des années 1920 lui donne encore une vocation insurrectionnelle, avant tout tournée vers l’affrontement avec les forces de l’ordre ; en 1934, l’activisme d’extrême droite, la formation du Front populaire et l’évolution de la situation internationale modifient ses perspectives et entraînent, non sans flottement, son adaptation au nouveau contexte ; enfin, à partir du deuxième semestre 1935, l’aggravation des tensions intérieures et la consolidation du Front populaire entraînent son développement relatif au nom de la « lutte contre le fascisme », mais, paradoxalement, elle devient alors beaucoup plus discrète et inactive. Au cours de ces trois phases, deux constantes demeurent, toutes deux imposées par le Komintern : le refus d’une structuration de type paramilitaire ; le strict contrôle de chaque niveau d’organisation de l’autodéfense par les différents échelons de l’appareil du parti.
INSURRECTION, CONTRADICTIONS ET IMPUISSANCE
9Vers 1930, les structures de l’autodéfense résultent d’une évolution hiératique de plusieurs années dont les péripéties éclairent pour une bonne part les choix faits dans la décennie suivante. Alors que dans les premières années du communisme français, le service d’ordre du PCF semble avoir davantage relevé de l’improvisation que d’une démarche systématique et réfléchie, la formation aux alentours de 1925 des premières organisations d’extrême droite de type paramilitaire déclenche au sein du PCF un débat sur l’autodéfense qui perdure avec plus ou moins d’intensité jusque dans la deuxième partie des années 1930 [11].
L’échec du modèle paramilitaire
10Dans un premier temps, le PCF échoue à se doter d’un véritable service d’ordre malgré les décisions en apparence énergiques prises au congrès de Clichy en janvier 1925. Un an plus tard, l’Association républicaine des anciens combattants, contrôlée par les communistes, crée, avec l’accord de la direction du PCF, une organisation paramilitaire baptisée les Groupes de défense antifasciste (GDA) dont les membres sont dotés d’un véritable uniforme composé d’un béret, d’une blouse kaki et d’une canne. Cette organisation ne regroupe que des effectifs limités et la création quelques mois plus tard des Jeunes gardes antifascistes (JDA), issus des Jeunesses communistes, ne leur apporte que des renforts très modestes.
11Défilant selon un strict ordonnancement géométrique, les GDA affichent un « militarisme » communiste d’avant-garde [12]. Érigeant en modèle les partis communistes allemand et belge qui se sont dotés dès le début des années 1920 d’une organisation paramilitaire, l’ARAC présente les GDA comme la première étape du processus de formation d’une véritable milice prolétarienne. Ce projet ambitieux, qui consiste à doter le mouvement révolutionnaire français d’un outil insurrectionnel semblable à celui des Gardes rouges d’octobre 1917 [13], se révèle assez vite un échec, à la fois parce qu’il se heurte à une sévère répression, mais aussi parce qu’il suscite une forte opposition au sein du PCF.
12En effet, l’antimilitarisme viscéral, profondément enraciné au sein de la mouvance communiste, suscite d’emblée hostilité et incompréhension face à cette « mascarade (...) d’anciens combattants vêtus de tenue ridicule » [14]. Ainsi, les responsables du service d’ordre du parti ou des Jeunesses communistes refusent toute espèce d’uniforme et critiquent la présence des GDA dans les manifestations de rue. La direction du PCF se trouve quant à elle partagée sur cette question, mais se montre cependant plutôt favorable au principe d’une organisation d’autodéfense spécialisée.
13Ainsi, en 1927, la direction du PCF accepte la création d’un Front rouge qui regroupe, sans grand résultat, les GDA, les JGA, les membres du service d’ordre et des militants des Jeunesses communistes [15]. Cette nouvelle tentative d’imiter le KPD exclut toutefois, concession à l’antimilitarisme, le port de l’uniforme. Après des années de flottement et d’échec relatif, il faut attendre 1928 pour que la position officielle du PCF soit définitivement clarifiée.
L’illusion de l’autodéfense prolétarienne de masse
14Cette année-là, se tient le VIe Congrès du Komintern qui adopte la ligne dite de la « Troisième période » ou « classe contre classe ». Cette nouvelle orientation dominée par la hantise d’une guerre d’agression contre l’Union soviétique entraîne une très nette radicalisation du PCF : affichant ouvertement ses projets insurrectionnels, il se donne pour objectif immédiat de faire « la conquête de la rue » face aux forces de police [16]. Cette volonté d’enclencher une dynamique d’escalade de la violence révolutionnaire rend désormais insuffisant le simple système de protection mis péniblement en place durant les années passées. Par conséquent, afin de prendre l’avantage sur la police lors des combats de rue, le PCF décide de créer une « autodéfense prolétarienne de masse », qui permette, d’une part, d’assurer la mobilisation et l’encadrement d’effectifs importants, et, d’autre part, de mener des actions aussi bien défensives qu’offensives [17]. À ce stade de développement, l’autodéfense prolétarienne ne peut se réduire au seul service d’ordre mais doit comprendre également tous les manifestants qui, organisés collectivement sous la direction du parti, participent à la lutte contre les forces de l’ordre.
15Dans un premier temps, le débat sur l’autodéfense rebondit : les partisans d’un organisme paramilitaire spécialisé proposent un renforcement sensible du Front rouge autour d’une structure hiérarchisée et centralisée ; cette position est vivement critiquée par ceux qui refusent la formation d’une « petite armée » au service du parti. Mais, dans le courant de 1929, cette polémique est tranchée par le Komintern qui impose alors une véritable doctrine de l’autodéfense ouvrière applicable, sauf exception, dans l’ensemble des pays capitalistes.
16Excluant tout système de milice [18] ou d’organisation spécialisée et centralisée, l’Internationale décide que l’autodéfense doit être régie par quatre grands principes [19] :
17— être « établie sur la base des usines » et reposer sur les cellules d’entreprises, ce qui signifie que l’autodéfense doit dorénavant s’appuyer d’abord sur les ouvriers et non sur les anciens combattants.
18— Chercher à prendre un caractère de masse en regroupant un maximum d’ouvriers non membres du Parti communiste, c’est.à-dire renoncer à former un organisme spécialisé de type paramilitaire ou conspiratif.
19— Confier sa direction aux organismes réguliers du parti, depuis le bureau politique jusqu’aux cellules, en passant par les directions régionales et les rayons. À chacun de ces niveaux d’organisation, un responsable de l’autodéfense doit être désigné.
20— être étroitement articulé à l’activité antimilitariste afin de préparer la fraternisation avec les soldats qui pourraient être employés à des tâches répressives.
21Ces nouvelles consignes, qui rejettent implicitement le modèle paramilitaire, sont d’autant plus faciles à faire accepter que l’expérience des GDA s’est terminée en fiasco au cours de l’année 1928, lorsqu’une centaine de ses membres en uniforme fut facilement arrêtée par la police après avoir été cernée sans coup férir dans le Cirque de Paris.
22Cependant, l’application effective des mesures d’autodéfense édictées par l’Internationale ne paraît pas avoir été menée avec rigueur. La plupart des dirigeants communistes français ne semblent en réalité lui accorder qu’un intérêt marginal, y compris entre 1929 et 1931 quand la violence du discours insurrectionnel culmine et que le PCF revendique ouvertement la responsabilité d’affrontements de grande ampleur avec la police [20]. En réalité, durant toute cette période, les seuls heurts d’une certaine importance se déroulent à Roubaix en juin 1931. Et encore s’agit-il d’émeutes qui éclatent à l’occasion d’un conflit social particulièrement dur dans les industries textiles. Rien n’indique d’ailleurs qu’à cette occasion, les communistes, bien qu’ils montent l’affaire en épingle et suivent l’événement de très près [21], aient été en mesure d’encadrer les ouvriers selon les principes de « l’autodéfense prolétarienne de masse » [22]. Le triomphalisme qui caractérise la propagande communiste autour de 1930 ne doit pas faire illusion : par ses limites, l’action violente apparaît davantage comme l’expression de la marginalisation du PCF que le principal facteur de son affaiblissement. Par conséquent, au sein même de la mouvance communiste, « l’autodéfense de masse », reposant sur l’activisme d’une minorité de cadres et de militants, conserve un caractère contingent, aggravé par les méthodes conspiratives de la direction Barbé-Célor.
23Il faut attendre les années 1933-1934 pour que le problème de l’autodéfense revienne au premier plan et que les polémiques internes rebondissent à nouveau. Ce brusque regain d’intérêt résulte pour une bonne part de la nette aggravation des violences politiques en Europe, marquée par une série de défaites ouvrières.
PSYCHOSE ANTIFASCISTE ET PRUDENCE EFFECTIVE
24La victoire du nazisme en Allemagne, puis les affrontements armés de Vienne et des Asturies en 1934, qui se terminent dans les deux cas par l’écrasement des insurgés, posent au Komintern en des termes renouvelés la question de l’autodéfense, d’une manière d’autant plus urgente que les combats d’Espagne et d’Autriche ont surtout été livrés par les socialistes. En France, la montée des ligues puis les émeutes du 6 février mettent en évidence les insuffisances du service d’ordre du PCF. Alors que depuis 1928 l’action violente était surtout dirigée contre les forces de l’ordre à l’occasion des grèves ou des manifestations, il s’agit maintenant de se préparer à affronter les organisations paramilitaires des ligues.
Une nouvelle problématique
25Ainsi, en raison du contexte national et international, l’autodéfense voit à partir de 1933 son rôle élargi à la lutte contre le « fascisme ». Parallèlement, sa problématique évolue sensiblement : conçue depuis la fin des années 1920 selon une perspective dédoublée, soit défensive, soit offensive, elle est désormais envisagée surtout dans sa dimension défensive.
26Pourtant, en dépit de l’aggravation des tensions politiques dans le pays et des vives critiques qui s’expriment dans le parti sur l’insuffisance des mesures de protection [23], rien n’indique que la direction du PCF ait prévu de sérieuses mesures pour renforcer l’autodéfense. Il faut attendre février 1934 pour que le problème de la sécurité du PCF soit ouvertement posé. Sous le titre « Vigilance », la une de L’Humanité du 15 février met en garde les militants : « Notre parti doit redoubler de prudence et d’organisation d’autodéfense. On nous rapporte à ce sujet qu’en certains rayons, on mobilise seulement les membres du parti pour garder les organisations. Ce n’est point là une conception juste. Ce ne sont pas de petits groupes étroits qui doivent et peuvent défendre les organisations ; il faut y entraîner les masses des travailleurs que les communistes doivent apprendre à diriger. » Ce communiqué est révélateur du double problème que l’autodéfense pose à cette époque à la direction du PCF : un problème d’efficacité à cause des affrontements ou des risques d’affrontements avec l’extrême droite ; un problème interne à cause de la pression qui monte dans le parti pour que des mesures draconiennes soient prises afin d’assurer la protection des organisations et des initiatives communistes. La peur provoquée par le renforcement des ligues a en effet exacerbé chez les militants la volonté d’en découdre et de s’organiser en conséquence. Aussi, dans le courant de l’année 1934, l’élaboration d’une véritable politique d’autodéfense par les dirigeants communistes va permettre de couper court aux tendances qui réclament la création d’un véritable Front rouge à la française.
27Dès le mois de février, paraît dans Les Cahiers du bolchevisme un long article, intitulé « L’autodéfense prolétarienne », qui équivaut à une claire mise au point : d’une part, la direction du PCF admet les carences du service d’ordre et la nécessité d’améliorer rapidement ses capacités ; d’autre part, tout en reconnaissant que la majorité des militants est favorable à la mise en place d’un système paramilitaire de protection, elle confirme le maintien de la position fixée à la fin des années 1920 [24]. Insistant sur la déconfiture des GDA quelques années plus tôt, elle condamne tout projet d’organisation spécialisée et centralisée [25]. Puis, invoquant les décisions du VIe Congrès du Komintern qui avait exclu toute création de milice ou de « Garde rouge » en période de « stabilité des États bourgeois », la direction communiste réaffirme que tous les aspects de la sécurité du parti relèvent exclusivement de la responsabilité de ses organismes dirigeants et que « leur devoir dans le domaine de l’autodéfense prolétarienne sera de guider et d’indiquer le chemin à la classe ouvrière » [26].
28Découlant de cette orientation générale, quatre règles principales sont énoncées qui complètent ou rectifient celles établies en 1929 :
291 / Chaque organisation communiste doit organiser sa propre autodéfense (PCF, CGTU, Secours rouge international, ARAC, Amsterdam...).
302 / La base du système de protection doit être locale. En particulier, chaque cellule devra mettre en place un groupe d’autodéfense, en y intégrant si possible des non-adhérents au parti. Le rôle accordé jusque-là aux usines est donc fortement relativisé puisque l’organisation de l’autodéfense doit désormais privilégier le cadre de l’agglomération.
313 / En cas de nécessité, dans chaque agglomération, tous les groupes d’autodéfense du PCF et des organisations qu’il contrôle se coordonnent sous la direction, de fait, du parti.
324 / « Sur le plan du rayon ou de la région, ou centralement, la même opération que sur la base locale pourra se répéter. Les responsables de l’autodéfense des organisations révolutionnaires se réuniront et pourront désigner un responsable général qui sera chargé de coordonner le travail fait dans chacune des organisations. » [27]
33Dans l’ensemble, ce système pyramidal fait surtout reposer l’organisation du service d’ordre sur les structures de base du parti, les cellules et les rayons, chargés de le mettre en place ponctuellement en fonction des nécessités de l’heure. Par conséquent, les nouvelles consignes mettent l’accent sur la décentralisation de l’autodéfense et secondairement sur son élargissement aux organisations satellites du parti.
La doctrine du Komintern
34Ce schéma est ensuite précisé dans un article publié en septembre 1934 par la revue du Komintern, L’Internationale communiste. Ce texte, signé par Otto Bewer, l’un des spécialistes des questions militaires de l’Internationale, présente longuement, à la fois sur le plan politique et technique, la position officielle du mouvement communiste en matière d’autodéfense [28]. Cet article corrobore sous une forme plus approfondie les conceptions définies en février par la direction du PCF : l’autodéfense relève, sauf cas particulier, de l’échelle locale ; elle doit être conçue comme une action de masse ; les hommes sélectionnés pour l’encadrer ne sont pas des techniciens mais des militants sûrs. Ainsi, Moscou confirme définitivement que l’autodéfense communiste ne doit pas fonctionner en suivant une logique paramilitaire mais, au contraire, selon les principes de non-spécialisation et de décentralisation [29]. Une doctrine que L’Humanité illustre par une véritable image d’Épinal : « L’uniforme de l’autodéfense, c’est la cotte bleue de l’ouvrier d’usine, le gilet de travail des gars du bâtiment, le paletot usagé ou de gros velours de l’ouvrier agricole et du paysan pauvre, le veston de l’employé ou du petit fonctionnaire, les “bleus” de chauffe du cheminot. » [30]
35Pour quelles raisons, le mouvement communiste a-t-il adopté un tel type d’organisation ? Il est probable que le mode de fonctionnement du système communiste de cette période explique pour l’essentiel un tel choix. La stalinisation du PCF reposant sur le poids croissant d’un appareil étroitement contrôlé par la direction nationale et au-delà par celle du Komintern, l’existence d’un organisme spécialisé relativement important et fonctionnant à la lisière du parti aurait posé un sérieux problème de contrôle politique. En effet, du fait de sa structuration hiérarchisée, de son fonctionnement semi-clandestin, de la part de secret entourant nécessairement ses pratiques, une organisation paramilitaire aurait bénéficié d’une relative autonomie, intolérable pour les divers échelons de l’appareil du parti. En outre, les dirigeants communistes redoutent qu’une telle organisation, susceptible de dérive « militariste », connaisse des dérapages dangereux ou prête le flanc à des provocations, qui faciliteraient la répression contre l’ensemble du mouvement communiste et, en tout premier lieu, contre ses directions nationales. Ainsi, en confiant l’organisation du service d’ordre à des cadres appartenant aux différents échelons de l’appareil, les dirigeants communistes estiment limiter au mieux les risques politiques et répressifs posés par l’autodéfense.
36Malgré ces précautions, de sérieuses entorses aux directives se sont malgré tout multipliées. Par exemple, en novembre 1934, Régnier, le secrétaire du rayon de Villejuif, avec l’accord tacite du secrétaire de région Decaux, prend des dispositions pour « assurer l’armement collectif du parti ». Dans les locaux municipaux, il fait creuser des tranchées et stocker des fusils, une mitrailleuse et des munitions. Sur l’intervention d’André Marty rapidement informé, ces préparatifs sont démantelés et des sanctions prononcées [31]. Il est probable que des initiatives similaires se sont déroulées ailleurs durant cette même période, plus vraisemblablement à des fins défensives que pour envisager la préparation d’une insurrection [32]. C’est dans ce contexte, qu’au début de 1935, P. Vaillant-Couturier publie dans L’Humanité une nouvelle mise au point pour rappeler que le parti condamne toutes velléités de stockage d’armes [33].
37Cependant, en dépit de ces proclamations et des décisions prises, le bureau politique continue implicitement de dédaigner la question de l’autodéfense, en particulier parce qu’il estime, à partir de la fin de 1935, que le danger fasciste recule dans le pays [34]. Cependant, les dirigeants communistes se gardent bien de faire publiquement part de leur optimisme. La peur du fascisme est au contraire instrumentalisée comme moyen de renforcer la coalition du Rassemblement populaire. Dans cette perspective, l’autodéfense est appelée à prendre une nouvelle dimension afin d’être adaptée à la stratégie communiste de front populaire. Alors que la hantise de l’extrême droite ne cesse de croître dans les rangs des forces de gauche, l’autodéfense est désormais présentée par le PCF comme un cadre d’action unitaire « antifasciste » pour construire un vaste organisme de protection, baptisé « défense populaire ».
DÉFENSE POPULAIRE OU DÉFENSE RÉPUBLICAINE ?
38Au cours de l’année 1935, la nouvelle aggravation des tensions politiques, consécutive à la formation du gouvernement Laval, suscite au sein des partis de gauche l’aspiration à une organisation commune des mesures de protection. Cette dynamique unitaire tend à promouvoir une organisation très structurée de la défense antifasciste.
La montée des tensions et le renforcement de l’autodéfense
39Dans ce contexte, les membres du PCF favorables à la formation d’une milice se font à nouveau entendre [35], en invoquant, d’une part, la multiplication des démonstrations de force spectaculaires des Croix-de-Feux, et, d’autre part, l’exemple des socialistes de la région parisienne. Ceux-ci se sont en effet dotés d’une véritable organisation de combat, les Toujours-prêts-pour-servir, constituée en majorité de militants de la Gauche révolutionnaire, l’aile gauche de la SFIO dirigée par Marceau Pivert.
40Au même moment, au sommet de l’appareil, certains dirigeants expriment de sérieuses inquiétudes quant à l’insuffisance des mesures de protection réellement appliquées par le PCF : tandis qu’A. Marty va jusqu’à affirmer qu’en ce domaine « il n’existe plus rien du tout » [36], Marcel Cachin, membre du bureau politique, propose la formation « d’une organisation de défense large de la République pour répondre à Pivert ». Même s’il rejette le port d’un uniforme, il défend implicitement une logique paramilitaire puisqu’il précise : « Pas d’arme, pas de chemise, mais avec les officiers et sous-officiers républicains ; défense républicaine. » [37] En outre, le dirigeant communiste propose de mettre en place un véritable système de renseignement pour « surveiller les actes publics des fascistes et les faire localement surveiller par le Front populaire » [38].
41Cependant, comme dans les années passées, la direction du PCF reste hostile à la formation de toute organisation spécialisée dans l’autodéfense et Maurice Thorez condamne avec virulence les TPPS aux « maigres effectifs » sans valeur effective [39]. En conséquence, le PCF refuse toute organisation commune du service d’ordre avec la SFIO.
42Tandis que socialistes et communistes étalent leurs divergences, « une défense populaire de masse » apparaît dans diverses régions de France, en particulier en région parisienne. Plus que l’application de décisions planifiées par les états-majors des partis, ces initiatives qui ne concernent pas seulement la mouvance communiste, semblent participer d’un mouvement de fond, révélateur de l’exacerbation de la peur d’un putsch d’extrême droite à l’approche des élections. Parallèlement, la crainte d’une révolution communiste ne cesse de croître chez les adversaires du Front populaire. Cette dialectique de la peur pèse désormais lourdement dans l’évolution de la situation politique nationale.
43Dans cette ambiance de préparation à la guerre civile qui affecte une partie du pays, la structuration de la « défense populaire » se déroule non sans difficulté, souvent de « façon anarchique » [40]. Dans ce contexte inquiétant et mouvant, le bureau politique infléchit sa position. Tout en maintenant son refus d’un service d’ordre commun avec les socialistes, il décide d’améliorer les capacités du service d’ordre du parti et se prononce pour un renforcement de « la défense populaire » [41].
44Dès les premiers mois de 1936, une amélioration significative de l’organisation de protection communiste est signalée dans la majeure partie de l’agglomération parisienne, où des responsables régionaux de l’autodéfense ont été désignés, de même que dans la plupart des rayons et des cellules [42]. Selon ses dirigeants, la région Paris-ville compte cinq rayons dotés d’une réelle organisation d’autodéfense, de nombreuses cellules ayant d’ors et déjà formées des « groupes de cinq ». Des cours de formation ont également été organisés pour les responsables de rayons qui les ont ensuite répétés aux responsables de cellules.
45Pourtant, malgré ces résultats, les dirigeants de Paris-ville tirent un bilan d’ensemble mitigé : dans deux rayons importants, « rien de sérieux » n’a été fait ; par ailleurs, trop de cellules n’ont toujours pas désigné de responsable et, dans l’ensemble, le service d’ordre « fonctionne plus ou moins bien (...) et ne comprend pas toujours les camarades les plus disciplinés, les plus sérieux » [43].
Les communistes et la défense populaire de masse
46Concernant la « défense populaire », le PCF reprend officiellement à son compte les propositions faites par M. Cachin quelques mois plus tôt. Ainsi, au mois de janvier 1936 lors d’une réunion des partis de Front populaire, Maurice Thorez constate que dans la capitale il n’existe toujours pas « d’organisation de défense républicaine (...) sans uniforme et sans arme ». Pour la créer, il propose « de s’adresser aux anciens combattants, aux organisations d’officiers et de sous-officiers de réserve (...) qui peuvent donner une grande aide dans l’organisation technique de l’association » [44]. Le secrétaire général du PCF suggère de la nommer « Le Drapeau républicain » et de donner à ses membres comme insigne distinctif un brassard rouge marqué d’une cocarde tricolore. Cette déclaration signifie que la direction du PCF, contrairement aux règles appliquées à l’autodéfense communiste, se montre à présent favorable à la formation d’une grande organisation de « défense républicaine » émanant du Rassemblement populaire.
47Cette proposition de M. Thorez fait figure d’alternative aux « conceptions aventurières » des pivertistes et des trotskystes qui mènent à cette époque une propagande énergique en faveur de la formation de « milices ouvrières ». Face à cette agitation révolutionnaire qui se développe sur sa gauche, le PCF peut difficilement rester dans l’expectative. En réalité, les dirigeants communistes ne semblent pas avoir sérieusement cru aux chances de réussite d’une organisation d’autodéfense reposant sur le recours aux officiers et sous-officiers de réserve « républicains ». Il n’existe en effet aucune trace de tentative de lancement d’un tel type d’organisation.
48Par contre, si l’on en croit les services de renseignement de l’armée, le PCF semble avoir suivi une autre voie. Les communistes se seraient surtout efforcés d’utiliser les groupements sportifs ouvriers pour renforcer l’autodéfense et auraient préconisé le développement de sociétés de tir et la création de centres de sport aérien pour faire pièce aux clubs aéronautiques du colonel de La Rocque [45].
49Ces choix ne s’expliquent pas seulement par la volonté de canaliser la combativité qui se développe face au « fascisme » afin d’éviter tout débordement, mais également parce que les communistes estiment parvenir assez aisément à prendre le contrôle des structures d’autodéfense du Front populaire, renforçant ainsi leur emprise sur le Parti radical et la SFIO. Cette démarche d’enveloppement des partenaires du Front populaire se retrouve à cette époque dans l’évolution de la politique militaire du PCF [46] et dans ses efforts pour multiplier les comités de Front populaire [47].
50Toutefois, quelles qu’aient pu être les motivations et objectifs de la direction communiste, dans les faits, « la défense républicaine » semble avoir surtout reposé sur les municipalités de gauche, tout particulièrement en région parisienne où les mairies donnent des directives à la population, fixent des lieux de rassemblement et prévoient le déclenchement des sirènes en cas d’attaque « fasciste ». Ainsi, la municipalité de Gentilly, particulièrement en pointe dans l’organisation de la « défense républicaine », appelle par voie d’affiches, avec indications de permanences, à l’enrôlement des « volontaires de la liberté » [48].
51Il est tout à fait probable que dans les principales régions d’implantation communistes coexistent alors le service d’ordre du PCF et « l’autodéfense populaire de masse », le premier faisant figure de force de choc, rapidement mobilisable, la seconde tenant plutôt le rôle de force de réserve, au recrutement élargi, formellement liée aux partis du Front populaire, mais en fait contrôlée pour l’essentiel par les communistes. En 1938, un rapport de la sûreté générale décrit le dispositif communiste mis en place dans les Pyrénées-Orientales selon des caractéristiques certainement semblables à celles appliquées dans d’autres régions [49]. Dans ce département, la police estime que le service d’ordre du PCF est capable de mobiliser une centaine d’hommes en quarante-cinq minutes, « l’autodéfense populaire de masse » environ 600 en deux ou trois heures. Cette dernière est structurée en groupes, baptisés listes, qui comptent une centaine d’hommes chacune et correspondent à un secteur appelé zone. Chacune d’elles est placée sous la direction d’un zonier qui, selon le rapport, toucherait chaque mois 3 000 F pour financer le fonctionnement de l’organisation. Des « armes de guerre ou diverses » seraient stockées dans des caches sous la responsabilité des zoniers. La sûreté générale considère que ce dispositif a un caractère défensif, conçu seulement pour être activé en cas de « danger ».
52Même si ce type de documents, isolés et dépourvus de précisions sur l’origine des renseignements obtenus, est à considérer avec prudence, il fournit une description crédible de « l’autodéfense populaire de masse » mise en place dans la seconde moitié des années 1930. Il complète sans discordance les quelques traces qu’elle a pues laisser dans les archives, car, outre les éléments déjà cités, d’autres les corroborent, tendant à confirmer que les dispositions de protections adoptées par les forces du Front populaire ont atteint une certaine importance. Ainsi, au sein de l’armée, un travail de renseignement a été mené sur la sensibilité politique des principaux chefs militaires [50], tandis que le maintien jusqu’en 1938 de cellules de soldats communistes dans les casernes paraît surtout lié à des préoccupations d’autodéfense [51].
53Cette peur exacerbée du coup de force « fasciste » n’a guère laissé de traces, beaucoup moins que la psychose du complot communiste aisément repérable dans les archives ou les périodiques de cette époque. On peut d’ailleurs considérer que les mesures de précaution prises de part et d’autre n’ont cessé d’entretenir la montée de la tension, les efforts d’organisation respectifs étant perçus comme les préparatifs d’un coup de force. Ainsi, les dispositions de différentes natures appliquées à l’initiative des communistes ou de leurs alliés donnent un fondement objectif aux accusations de menées conspiratives et à la dénonciation de plans insurrectionnels que les autorités et les forces anticommunistes portent contre le PCF dans toute la seconde moitié des années 1930. Selon cette hypothèse, la perception déformée et amplifiée des mesures d’autodéfense, prises par les partis de gauche et qui reposent pour une bonne part sur l’activisme des communistes, expliquerait en grande partie la psychose du complot communiste qui caractérise toute cette période et qui va perdurer durant le second conflit mondial, depuis la « drôle de guerre » jusqu’à la Libération.
54Dans l’ensemble, l’évolution de l’autodéfense communiste de la seconde moitié des années 1920 jusqu’à 1939 est révélatrice de deux grandes tendances : d’abord, la régression des pratiques violentes et ouvertement revendiquées par le PCF, surtout à partir de 1934, s’inscrit dans une dynamique d’autolimitation de la violence politique qui touche à cette époque l’ensemble du pays ; ensuite, le caractère marginal et démilitarisé du service d’ordre et des structures d’autodéfense est symptomatique à la fois de la montée en puissance de l’appareil du parti, de l’imprégnation pacifiste et antimilitariste du communisme français et de la prise en compte de l’efficacité de la répression à la suite des débordements lors des actions de rue.
55Entre 1925 et 1934, on constate en effet un recul, certes irrégulier, des violences commises par le PCF. Il est particulièrement révélateur que le nombre de décès résultant de l’action communiste culmine en 1925. Après 1934, dans la période du Front populaire, le discours de légitimation de la violence prolétarienne décline, alors que parallèlement les références pacifistes imprègnent de plus en plus la propagande et la politique communiste avec l’affirmation progressive de la ligne de lutte pour la paix. Toutefois, la dramatisation à outrance du verbe communiste demeure : jusqu’en 1934, la logomachie insurrectionnelle exprime un fantasme de guerre civile et, peut-être surtout, la volonté d’effrayer l’adversaire ; à partir de l’été 1934, la psychose du putsch fasciste et la dénonciation de l’ennemi intérieur justifie le recours à l’action directe ainsi que les appels à la répression légale contre l’extrême droite. Comment expliquer cette évolution en trompe l’œil ?
56D’abord, la IIIe République fait preuve d’une remarquable aptitude à « digérer » les extrémismes, tant de droite que de gauche, qui ambitionnent de détruire le régime parlementaire. La combinaison d’une répression assez souple, du respect des normes juridiques et des procédures judiciaires joue dans le sens d’une intégration des opposants les plus virulents au fonctionnement normal du système démocratique. On peut ainsi relever tout au long des années 1930 un parallèle dans l’évolution du PCF et des Croix-de-Feu puis du PSF, qui se livrent surtout à des batailles de mots et qui, non seulement, ne pratiquent pas une violence de haute intensité mais cherchent en général à éviter l’affrontement [52]. Outre les considérations politiques incitant à la prudence, cette retenue réciproque exprime probablement une certaine répugnance à verser le sang. Selon cette hypothèse, une sorte de pudeur collective face à la violence politique aurait en général dominé la volonté d’en découdre par les raccourcis de l’action directe et de l’affrontement physique.
57Simultanément, le changement de stratégie du Komintern en Occident conduit Moscou à reléguer l’action violente à l’arrière- plan des pratiques politiques des Partis communistes implantés dans les démocraties capitalistes. Alors que jusqu’au début des années 1930, ces partis, et tout particulièrement le PCF, avaient pour mission de lutter contre la préparation à la guerre antisoviétique, y compris par des pratiques illégales et violentes, dans les années qui suivent et jusqu’à la guerre, le Komintern leurs impose comme priorité d’afficher leur légalisme et d’accorder une importance particulière à l’action parlementaire. Ainsi, tandis qu’à cette même époque le PCF légitime la violence institutionnalisée en URSS, il tend dans une certaine mesure à la dévaloriser comme ressort de l’action communiste en France, l’exerçant surtout contre les transfuges du communisme, à l’extrême gauche les trotskystes, à l’extrême droite le PPF, afin de les réduire au silence. Désormais, l’exercice de la violence dans le contexte français de la seconde moitié des années 1930 n’est explicitement admis que comme devoir de défense, soit en cas de guerre d’agression déclenchée par l’Allemagne hitlérienne, soit pour s’opposer au complot « fasciste » intérieur. Cette alternative justifie le soutien apporté à la défense nationale à partir de juin 1936 et la discrète mise en place de la « défense populaire ».
58Bien que les sources ne permettent pas de cerner son degré de développement à l’échelle du pays, ce dispositif d’autodéfense du Front populaire, vraisemblablement dominé par les communistes, semble pour une bonne part participer d’une dynamique de fond en réaction à la peur du « fascisme ». À cette occasion, la direction du PCF adopte plutôt un profil bas : elle accompagne plus qu’elle ne suscite l’aspiration aux mesures sophistiquées d’autodéfense. Elle ne lui donne pas une importance centrale dans la politique du parti et ne s’engage pas dans la construction d’une grande organisation centralisée, se limitant surtout à encourager la formation de dispositifs locaux qui semblent surtout reposer sur les municipalités. Cette attitude prudente confirme le caractère de plus en plus contingent de l’autodéfense et du service d’ordre dans l’évolution du communisme français.
59On constate ainsi que dans la construction de l’identité communiste à l’époque du Front populaire, la violence physique relève pour l’essentiel du non-dit et que l’autodéfense a peu marqué la mémoire du parti. Corrélativement, au sein de l’appareil communiste, les responsabilités dans le service d’ordre et l’autodéfense ne peuvent être considérées comme une étape du « cursus honorum » des cadres communistes. Excepté J. Duclos, aucun de leurs principaux responsables n’intégrera ultérieurement le noyau dirigeant du parti. Au contraire, ils paraissent avoir souvent suscité la suspicion des instances de direction, indiquant par là que l’autodéfense, touchant au secret et à l’illégalité, a été considérée avec une certaine méfiance par les sommets de l’appareil communiste, toujours hantés par les risques de provocation et d’infiltration policière. Non seulement on constate une absence constante d’influence des cadres de l’autodéfense en tant que groupe au sein du PCF, mais il semble que cette appartenance ait souvent été un facteur de marginalisation au sein du parti.
60En outre, le service d’ordre ne semble pas avoir constitué une pépinière de cadres militaires pour le PCF pendant la Seconde Guerre mondiale, une sorte d’école de l’action violente ayant formé de futurs combattants de la Résistance. Dans les deux cas, les principes d’organisation sont sensiblement différents et les hommes ne semblent pas être les mêmes [53]. Cette faiblesse structurelle de l’autodéfense et du service d’ordre communiste d’avant guerre explique certainement pour une bonne part les grandes difficultés rencontrées par le PCF à partir de l’été 1941 pour déclencher la lutte armée contre l’occupation allemande [54].
Mots-clés éditeurs : Front populaire, Violence, « Brutalisation », Communisme, France, Années 1930
Date de mise en ligne : 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/rhis.064.0901Notes
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[1]
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[2]
Pour un bilan de ce débat, Robert Paxton, Le fascisme en action, Paris, Le Seuil, 2004, p. 120-125 et 412-417.
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[3]
Sur cette ambiance de préparation à la guerre civile, Frédéric Monier, Le complot dans la République, Paris, La Découverte, 1998, p. 310-319 ; Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque (1886-1946) ou les pièges du nationalisme chrétien, Paris, Fayard, 1996, p. 392-396 et 557-569 ; Jean-Jacques Becker, Serge Berstein, Histoire de l’anticommunisme en France (1917-1940), Paris, Olivier Orban, 1987, t. 1, p. 280-335 ; Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Le Seuil, 1990, p. 175-204. Sur les retombées dans l’armée, Georges Vidal, L’institution militaire et la crainte d’une insurrection communiste en 1936, Communisme, no 69, 2002, p. 101-126.
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[4]
Jean-Jacques Becker, Le Parti communiste veut-il prendre le pouvoir ?, Paris, Le Seuil, 1981, 333 p.
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[5]
Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit., p. 330-332.
-
[6]
Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panné (dir.), Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, R. Laffont, 1997, 841 p. ; Michel Dreyfus et al., Le siècle des communismes, Paris, Les Éditions de l’atelier, 2000, 542 p. Pour une analyse systémique de la violence dans le monde communiste, cf. Claude Lefort, La complication, Paris, Fayard, 1999, 257 p.
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[7]
Marc Lazar, Le communisme, une passion française, Paris, Perrin, 2002, p. 176-190.
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[8]
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-
[9]
Sylvain Boulouque, Usage, sens et fonction de la violence dans le mouvement communiste en France 1920-1936, no 78/79, Communisme, 2004, p. 105-130.
-
[10]
Sur l’exploitation des sources communistes concernant l’autodéfense, voir ibid.
-
[11]
Vers la même époque, l’implication des communistes dans plusieurs incidents sanglants a vraisemblablement favorisé l’évolution vers une organisation plus systématique et mieux contrôlée du service d’ordre. Le 11 janvier 1924, lors d’un meeting à la Grange-aux-Belles, le service d’ordre ouvre le feu sur des militants anarchistes, faisant deux morts. Le 9 février 1925, deux membres de la Fédération nationale catholique sont tués à Marseille à la suite d’affrontements avec les communistes venus perturber une réunion publique présidée par le général de Castelnau. Le 23 avril de la même année, rue Damrémont à Paris, quatre membres des Jeunesses patriotes sont tués par armes à feu lors d’affrontements avec le service d’ordre des Jeunesses communistes.
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[12]
Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue..., op. cit. (n. 8), p. 144.
-
[13]
Frédéric Monier, Le complot..., op. cit. (n. 3), p. 188-201.
-
[14]
Cité par Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue..., op. cit. (n. 8), p. 75.
-
[15]
Frédéric Monier, Le complot..., op. cit., p. 198-200.
-
[16]
Dans la période 1928-1934, Moscou cherche à donner un caractère particulièrement spectaculaire aux manifestations violentes, à l’activité antimilitariste et à la propagande du PCF, afin d’instrumentaliser ses démonstrations de force comme arme de dissuasion face aux projets imaginaires de guerre antisoviétique attribués à l’état-major français (Georges Vidal, Le communisme, la guerre et la paix dans Frédéric Rousseau (sous la dir. de), Guerres, paix et sociétés, Paris, Atlande, 2004, p. 242-248).
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[17]
Danielle Tartakowsky, Les manifestations..., op. cit., p. 195-228.
-
[18]
Bibliothèque marxiste de Paris, bob300, Projet de thèse sur les nouveaux problèmes antimilitaristes. Le mot d’ordre de propagande des milices ouvrières et nos mots d’ordre d’action (non daté mais semble rédigé en 1928), p. 24-25.
-
[19]
L. Alfred, Le problème de l’autodéfense prolétarienne, L’Internationale communiste, no 24, décembre 1929, p. 1706-1715.
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[20]
Stéphane Audoin, Le Parti communiste français..., op. cit. (n. 8), p. 365-383 ; Danielle Tartakowsky, Manifestations ouvrières..., op. cit.
-
[21]
Sylvain Boulouque, Usage, sens et fonction..., op. cit. (n. 9), p. 121-122.
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[22]
Il est probable que ces émeutes résultent davantage d’une explosion sociale que d’une action délibérée organisée par les communistes, même s’ils ont cherché à l’exploiter. Il faut d’ailleurs se garder à propos de ces événements d’une illusion d’optique : ils sont loin d’atteindre le même degré de gravité que les grèves insurrectionnelles de Brest et de Toulon qui éclateront à l’automne 1935, faisant 3 morts, dans une période où le PCF n’encourage plus ce type de débordement.
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[23]
En particulier, deux articles en faveur d’une organisation paramilitaire de l’autodéfense sont publiés en 1933 dans Les Cahiers du bolchevisme : Claude Darbori, Nécessité d’une organisation d’autodéfense, no 12, juin 1933, p. 841-843 ; Stéphane, Pour les milices antifascistes, no 12, juin 1933, p. 844-845.
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[24]
G. Mornet, Sur l’autodéfense prolétarienne, Les Cahiers du bolchevisme, no 4, février 1934, p. 243-247.
-
[25]
Il est fort probable que cette polémique sur l’autodéfense représente à cette époque un enjeu dans le conflit entre la majorité de la direction du parti et Jacques Doriot qui est favorable à l’unité avec la SFIO, en particulier pour organiser l’autodéfense.
-
[26]
Ibid., p. 244.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Otto Bewer, L’autodéfense prolétarienne, L’Internationale communiste, no 18, 20 septembre 1934, p. 1214-1224. Le caractère assez théorique de cet article tend à indiquer qu’il a été rédigé davantage pour répondre au partisan du Front rouge que pour établir un projet destiné à être appliqué à la lettre.
-
[29]
Durant cette période, le fonctionnement des partis communistes connaît une relative décentralisation qui concerne particulièrement le PCF. Cf. André Marty, Le processus de fascisation de la France « démocratique » et les tâches du PCF (Discours prononcé à la 13e Plénum du comité exécutif de l’Internationale communiste), L’Internationale communiste, no 4, 20 février 1934, p. 244. Elle sera ensuite appliquée à l’échelle du Komintern lors du VIIe Congrès en 1935. Par conséquent, la décentralisation de l’autodéfense s’inscrit dans une tendance générale interne au mouvement communiste. Sur la réorganisation du Komintern en 1935, Annie Kriegel, Stéphane Courtois, Eugen Fried. Le grand secret du PCF, Paris, Le Seuil, 1997, p. 250-252 ; Serge Wolikow, Internationale communiste. Jalons dans José Gotovitch, Mikhaïl Narinski, Komintern : l’histoire et les hommes, Paris, Éditions de l’Atelier, 2001, p. 22-23. Toutefois, l’organisation de type milice est adoptée dans certains pays du fait de circonstances particulières. Ainsi, à cette époque en Espagne et au Danemark.
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[30]
Jean Lagarde, La lutte de masse antifasciste : corrigeons les erreurs et renforçons l’activité dans notre travail d’autodéfense, L’Humanité, 28 mars 1934.
-
[31]
Archives russes d’État d’histoire politique (ci-après RGASPI), 517/1/1767, note d’André Marty sur le nouveau comité central du PCF, 4 février 1936, p. 1.
-
[32]
Jacques Nobécourt donne les références de rapports de police qui rendent compte d’une série d’enquêtes sur des stockages d’armes par les communistes (Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit. (n. 3), n. 41 et 42, p. 1024). Selon cet auteur, il s’agit d’actions concertées pour préparer une action subversive de grande ampleur.
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[33]
Paul Vaillant-Couturier, Qu’est-ce que l’armement du prolétariat ?, L’Humanité, 28 janvier 1935, p. 2.
-
[34]
RGASPI (Moscou), 495/10/1, rapport de Jacques Duclos devant le secrétariat latin, le 5 janvier 1936, p. 1.
-
[35]
Centre d’histoire sociale (ci-après CHS), Fonds Marty, carton A-B III, Conférence régionale de Paris-ville (non daté).
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[36]
RGASPI (Moscou), 517/1/1767, note d’André Marty du 4 février 1936, p. 5.
-
[37]
Marcel Cachin, Carnets, Paris, CNRS Éditions, 1997, t. 4, 12 novembre 1935, p. 290.
-
[38]
Ibid., 8 décembre 1935, p. 302.
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[39]
Compte rendu du débat à la Chambre des députés du 5 décembre, L’Humanité, 7 décembre 1935, p. 1. Jacques Duclos estime que les TPPS représentent une force dérisoire qui regroupe « des éléments de provocation » (RGASPI (Moscou), 495/10/1, rapport de Jacques Duclos devant le secrétariat latin, le 5 janvier 1936, p. 3).
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[40]
CHS, Fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935, p. 8.
-
[41]
Ibid., rapport à la conférence région Paris-Sud, les 11 et 12 janvier 1936, p. 11.
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[42]
CHS, fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935 ; rapport à la conférence régionale Paris-sud, le 11 et 12 janvier 1936.
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[43]
CHS, Conférence régionale Paris-ville, les 11 et 12 janvier 1936, p. 7.
-
[44]
Ibid., p. 12. Pour une approche de l’intégration des organisations sportives ouvrières aux dispositifs d’autodéfense, André Gounot, Communisme offensif contre socialisme défensif ? Le mouvement sportif ouvrier européen et la perspective de la guerre civile dans Communisme, no 78-79, 2004, p. 83-104.
-
[45]
Archives d’histoire militaire de l’État de Russie (ci-après RGVIA), 1554 T1 (1o), SCM, no 83/2, renseignements, activité du Komintern en France, 23 mars 1936, destinataire SCR, p. 200.
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[46]
Georges Vidal, « La Grande Illusion ? » Le Parti communiste français et la Défense nationale à l’époque du Front populaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2006, 484 p.
-
[47]
Jean-Jacques Becker, Serge Berstein, Le Parti communiste veut-il..., op. cit. (n. 4), p. 59-60.
-
[48]
CHS, Fonds Marty, carton A-B III, rapport à la conférence du rayon de Juvisy (région sud parisien), le 15 décembre 1935, p. 8.
-
[49]
RGVIA (Moscou), 7-1, 1225, renseignement du 30 mai 1938, source : sûreté, organisation du PCF dans les Pyrénées-Orientales, p. 555-557.
-
[50]
RGASPI (Moscou), 517/1/1835, liste des officiers généraux, membres du CSG ou exerçant des responsabilités importantes au ministère de la Guerre ou à l’État-major général de l’armée, p. 32-33.
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[51]
Georges Vidal, « La Grande Illusion ? » op. cit., p. 379-384.
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[52]
Y compris lors des affrontements de Limoges en novembre 1935, dont le caractère désordonné semble indiquer qu’ils ne furent prémédités ni par les responsables Croix-de-Feu, ni par ceux des partis de gauche. Sur cet épisode qui fut le seul exemple d’affrontements notables de cette période, Jacques Nobécourt, Le colonel de la Rocque..., op. cit. (n. 3), p. 327-329. Le compte rendu de ces événements par L’Humanité du 18 novembre est caractéristique de la volonté de dramatisation des communistes. Ainsi, le 25 novembre, ce quotidien titre à propos de ces incidents : « Ils veulent la guerre civile. »
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[53]
Pour une présentation plus précise de ces hypothèses, Georges Vidal, Ouvriers et volontaires dans l’organisation de l’autodéfense communiste de l’entre-deux-guerres : le cas français, colloque international Le soldat volontaire en Europe au XXe siècle : de l’engagement politique à l’engagement professionnel, avril 2003, organisé par l’UMR 5609-ESId - Université de Montpellier III (actes à paraître).
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[54]
Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Barbès, Nantes, Chateaubriant : les débuts de la lutte armée communiste, Communisme, no 78-79, 2004, p. 131-140.