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Article de revue

Le crédit : une obligation de tous les jours (ou presque)

Aperçus depuis une économie urbaine de la fin du Moyen Âge (Trévise au XVe siècle)

Pages 111 à 130

Notes

  • [1]
    Les montants exprimés en argent sont dans les documents de Trévise le plus souvent en lira di piccoli et la valeur du ducat d’or varie sur la période étudiée. Un ducat vaut £5 s. 4 de 1429 à 1443, £5 s. 14 de 1443 à 1456 et £6 s. 4 de 1456 à 1517 ; Reinhold C. Mueller, The Venetian Money Market. Banks, Panics, and the Public Debt, 1200-1500, Baltimore/London, Johns Hopkins Press, 1997, p. 623.
  • [2]
    Sur la place du crédit dans l’historiographie, Julie Claustre, « Du crédit à la dette. Remarques sur l’apport de la documentation judiciaire à l’histoire économique du Moyen Âge », dans Dominique Barthélemy, Jean-Marie Martin (sous la direction de), Richesse et croissance au Moyen Âge. Orient et Occident, Paris, Amis du Centre d’histoire et Civilisation de Byzance, 2014, p. 225-244, p. 225-231 .
  • [3]
    Reinhold Mueller, « Eva a Dyabolo peccatum mutuavit. Peccato originale, prestito usurario e redemptio come metafore teologico-economiche », in Diego Quaglioni, Giacomo Todeschini, Gian Maria Varanini (eds.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione. Linguaggi a confronto (sec. XII-XIV), Roma, École française de Rome, 2005, p. 229-245, p. 243. D’une manière générale, les travaux de Giacomo Todeschini, notamment I mercanti e il tempio. La società cristiana e il circolo virtuoso della ricchezza fra Medioevo ed Età Moderna, Bologna, Il Mulino, 2002.
  • [4]
    En dernier lieu, Paola Lanaro, « At the Centre of the Old World. Reinterpreting Venetian Economic History », in Paola Lanaro (ed.), At the Centre of the Old World. Trade and Manufacturing in Venice and the Venetian Mainland, 1400-1800, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2006, p. 19-69, p. 25.
  • [5]
    Pour plus de précision je me permets de renvoyer à Matthieu Scherman, Familles et travail à Trévise à la fin du Moyen Âge (vers 1434 – vers 1509), Rome, École française de Rome, 2013, en particulier les chapitres V et VII. Sur Trévise, Daniela Rando, Gian Maria Varanini (eds.) Storia di Treviso, t. 2 : Il Medioevo, Venezia, Marsilio, 1991 . Les travaux de Giampaolo Cagnin notamment, Cittadini e forestieri a Treviso nel Medioevo (secoli XIII-XIV), Verona, Cierre Edizioni, 2004 ; idem, « ‘‘Pro bono et fino amore de iusto et vero capitali et vera sorte.’’ Documentazione notarile e credito a Treviso (secoli XIII-XIV) », dans François Menant, Odile Redon (sous la direction de), Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, Rome, École française de Rome, 2004, p. 97-124 ; idem, « Produzione e commercio dei panni a Treviso nel Medioevo. Schede d’archivio », in Danilo Gasparini, Walter Panciera (eds.), I Lanifici di Follina. Economia, società e lavoro tra medioevo ed età contemporanea, Verona, Cierre edizioni, 2000, p. 13-109 ; Danilo Gasparini, « Pesi e misure in uso a Treviso e nella sua podesteria in età medievale e moderna », in Danilo Gasparini (ed.), Due Villaggi della collina trevigiana : Vidor e Colbertaldo, Vidor, Comune di Vidor, 1989, vol. 2 : I Medioevo. Secoli XI-XIV, p. 339-345.
  • [6]
    Matthieu Scherman, Familles et travail..., op. cit., tableau p. 323, selon les recensements fiscaux, entre 16 % et 30 % des déclarations ne font apparaître aucune relation de crédit.
  • [7]
    Ainsi, elles représentent en 1434 environ 31 , 5 % des sans relation de crédit et 13,9 % des foyers fiscaux ; en 1462, 26 % alors qu’elles ne représentent que 10 % des foyers fiscaux.
  • [8]
    Sur les conséquences de l’endettement, notamment dans les espaces ruraux, voir les contributions dans Maurice Berthe (sous la direction de), Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne : actes des XVIIes Journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1998.
  • [9]
    À titre de comparaison, un préparateur de laine pouvait gagner entre cinq et dix sous à la journée, des travailleurs plus qualifiés pouvaient espérer un salaire de £10 voire £30 par mois, en tenant compte du fait qu’ils n’étaient pas employés toute l’année. Le vin au caro, environ 780 litres, s’achète entre £12 et £36, le staio de froment, environ 87 litres, entre £3 et £7 s. 10, un staio de sel, £8, une couverture peut coûter £11 et un bœuf entre £37 et £44.
  • [10]
    Archivio di Stato di Treviso (ASTV), Estimi, busta (b.) 79, lettera S/2, 19/02/1477, pour le premier, Zuan, b. 78, C/2, 19/02/1477, Girardo da Alessandria. Pour les citations suivantes, lorsque cela n’est pas précisé, la source provient de ce fonds.
  • [11]
    Sur les multiples fonctions des producteurs, Philippe Bernardi, Maître, valet et apprenti au Moyen Âge. Essai sur une production bien ordonnée, Toulouse, CNRS-Université Toulouse-Le Mirail, 2009.
  • [12]
    b. 36, M, 31 /08/1441 , Manfio.
  • [13]
    Je parle d’entreprise pour des structures de production et de services, quelle que soit la taille. Les acteurs détiennent une autonomie de gestion des ressources. Il est aussi possible de parler d’investissements dans le cadre des opérations qui consistent à financer des opérateurs économiques en vue d’en retirer des profits.
  • [14]
    En 1434, la moyenne est de £1000 et moins de £600 pour la médiane ; en 1441 , £800 et £400 environ ; en 1448 £1300 moins de £400 ; en 1462 un peu plus de £1400 et un peu moins de £800 enfin en 1477, £1600 et £500.
  • [15]
    ASTV, Notarile Prima serie, b. 295, f. 36r-v, 13/10/1473, contrat de société, commencé le 1er septembre 1473, entre des nobles de Trévise, les Mutoni, et un tanneur, Daniel da Serravalle. Idem, b. 232, En 1458, le noble Ottavian del Corno établit un pacte de cinq ans avec le cordonnier Mathio Brogognin.
  • [16]
    Déclaration de Jacomo dit Zenovexe meunier, b. 15/1 , 10/06 sans millésime.
  • [17]
    Sur les investissements des femmes, Kathryn L. Reyerson, Business, Banking and Finance in Medieval Montpellier, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1985, p. 20-28. Sur la place des femmes dans les circuits du crédit, Laurence Fontaine, « Il posto delle donne nella piccola economia finanziaria in Europa in età moderna », Quaderni Storici, no 137/2, 2011 , p. 513-532.
  • [18]
    b. 42, F, 18/05/1448, meunier Zaneto.
  • [19]
    Respectivement, b. 36, M, 12/08 sans millésime et b. 35, A, s.d.
  • [20]
    Il n’existe pas de sources à Trévise pour connaître les modes de recouvrement des créances. Cependant des mentions dans les déclarations indiquent parfois les modalités de remboursement. En 1434, le comandador Piero originaire de Venise doit £4 par mois pour rembourser les 410 ducats qu’il doit à un patricien (b. 10 /1). La veuve Benvegnuda s’engage la même année à verser tous les revenus d’une terre à un prêtre de Musano jusqu’à atteindre la somme de £114 qui avait été prêtée à son défunt mari (b. 11 /3). De même, les comparaisons entre les déclarations d’une opération fiscale à l’autre permettent de connaître les sommes payées aux créanciers.
  • [21]
    b. 79, S/2, 20 /03/1477, déclaration de Jacomo q. ser Antonio da Siletto.
  • [22]
    Sur les juifs de Trévise, Angela Möschter, Juden im venezianischen Treviso (1389-1509), Hannover, Verlag Hahnsche Buchhandlung, 2008.
  • [23]
    Julie Claustre, « Objets gagés, objets saisis, objets vendus par la justice à Paris (XIVe-XVe siècles) » et Juliette Sibon, « Du gage-objet au gage-chose. Une étude de cas au sommet de la société urbaine marseillaise à l’extrême fin du XIVe siècle », dans Laurent Feller, Ana Rodríguez (sous la direction de), Objets sous contrainte. Circulation des richesses et valeur des choses au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, respectivement p. 385-402 et p. 403-417.
  • [24]
    Pour la diversité de la clientèle des prêteurs juifs de Marseille au XIVe siècle, Juliette Sibon, « Bondavin revisité. Le prêteur juif de Marseille Bondavin de Draguignan (v. 1285-1361), suite et fin », Le Moyen Âge, no 118, 3-4, p. 643-661 , p. 655-658.
  • [25]
    b. 39/3, F, 1450 et b. 36, N, 31 /08 sans millésime, Francesco da Nogarè.
  • [26]
    b. 12/2, 19/07 sans millésime, Vetor Masiera.
  • [27]
    Pour la mère, Donna Margherita veuve de maître Fioravante, b. 19/2, 19/07 sans millésime.
  • [28]
    Le notaire Jacomo Zucato, b. 17/1 , 1434.
  • [29]
    Paolo Prodi, « Conclusioni », in Diego Quaglioni, Giacomo Todeschini, Gian Maria Varanini (eds.), Credito e usura fra teologia, diritto... op. cit., p. 291-296, p. 294.
  • [30]
    Sylvain Piron, « Le devoir de gratitude. Émergence et vogue de la notion d’antidora au XIIIe siècle », in ibidem. p. 73-101 .
  • [31]
    b. 10/2, sans millésime, Zorzi dalle Caselle pour 1434 et b. 37, P, 31 /08 sans millésime pour l’opération fiscale suivante.
  • [32]
    Le tailleur puis fripier Menegin b. 10/2, 09/06 sans millésime, b. 37, S, 31 /08/1441 , b. 40/2, M, 11 /04/1448.
  • [33]
    b. 11 /3, 10/06/1434, Antonio da Ciano.
  • [34]
    b. 35, C, 31 /08/1441 .
  • [35]
    b. 79/1 , 19/09/1474 et b. 87/2, 11 /08/1486, Gasparo Todesco.
  • [36]
    Julie Mayade-Claustre, « Le corps lié de l’ouvrier. Le travail et la dette à Paris au XVe siècle », Annales Histoire, sciences sociales, no 60, 2, 2005, p. 383-408 et ead., « Du crédit à la dette... », op. cit., p. 237-239 ; Thomas Kuehn, « Debt and Bankruptcy in Florence. Statutes and Cases », Quaderni Storici, no 137, 2, 2011 , p. 354-390.
  • [37]
    b. 15/3, 01 /06/1434, Hieronimo q. Manfre.
  • [38]
    Craig Muldrew, « An Examination of Debt and Credit in Relation to Increasing Consumption in England (c. 1650 to 1770) », Quaderni Storici, no 137, 2, 2011 , p. 391-413, p. 391 .

1 Le crédit [1] est un élément essentiel du fonctionnement économique des sociétés anciennes et les études ayant démontré sa place fondamentale sont nombreuses depuis une vingtaine d’années [2]. « Les métaphores du quotidien », utilisées par les prédicateurs, puisent largement dans la sémantique de l’économie et elles octroient une place de choix à la notion de crédit comme transaction fondatrice de rapports sociaux [3]. Grâce à une documentation riche, notamment des sources fiscales, la ville de Trévise peut servir de laboratoire à l’analyse de l’importance du crédit dans une entité urbaine de taille moyenne. L’usage du crédit peut être examiné grâce aux milliers de déclarations fiscales conservées lors des neuf opérations de recensement fiscaux effectuées de 1434 à 1504. L’estimo est le système choisi par les membres du conseil de la ville pour répondre aux exigences fiscales de Venise – Trévise faisant partie de son domaine conquis en Terre Ferme – et les répartir parmi la population. Trévise est implantée dans une des régions les plus urbanisées de l’Europe occidentale à la fin du Moyen Âge, la Vénétie, c’est pourquoi ses 10 000 habitants environ pour le XVe siècle en font une ville de taille moyenne. Elle est très loin sur le plan démographique de ses voisines, Venise, Vérone ou Padoue. Proche de Venise, une vingtaine de kilomètres la séparent de la lagune, première ville du territoire de Terre Ferme conquise, Trévise est considérée comme un centre économique d’une importance mineure par l’historiographie qui a insisté sur son peu d’autonomie économique [4]. Or, l’analyse des sources trévisanes renvoie une image plus nuancée.

2 Certes, les spécialisations des activités sont moins poussées que dans les villes plus imposantes comme Venise ou Padoue, les productions estampillées « de Trévise » ne semblent pas recherchées sur des marchés lointains, mais ce n’est pas pour cela que son économie n’est pas dynamique. Dans ce centre urbain, les habitants disposent de toutes les activités nécessaires au fonctionnement des foyers. De plus, dans tous les secteurs, des sommes considérables étaient amassées et échangées, notamment à crédit, comme le démontrent avec éclat les déclarations fiscales [5].

3 L’impôt portait sur tous les biens immobiliers possédés en ville et dans les campagnes alentours et les contribuables devaient indiquer la composition du foyer, les biens mobiliers en lien avec les activités économiques (produits finis, matières premières ou encore outils) et une liste des dettes et des créances. Les déclarations fiscales issues des estimi, malgré leurs limites, sont les sources les plus appropriées pour analyser la place du crédit dans une société, puisque les renseignements apportés sont précis et informent de manière assez complète sur l’ensemble de la société urbaine, y compris sur ses membres habituellement moins documentés parce que situés à ses marges. Les recensements des deux premiers tiers du siècle doivent comptabiliser plus de la moitié des foyers fiscaux. À la fin du siècle, marquée par l’accroissement du nombre des arbitradi – les contribuables ne présentant pas de déclaration étaient enregistrés « arbitrairement » par les commissions en charge des opérations – pratiquement tous les foyers sont recensés. Or tous les groupes sociaux participent au marché du crédit, notamment l’ensemble des acteurs des différents métiers, quelle que soit l’envergure de leurs activités. Les matières premières sont achetées à crédit et les ventes sont faites à crédit : il est donc indispensable d’étudier le phénomène et d’en saisir les conséquences économiques mais aussi sociales. Plus de 7 400 déclarations réparties sur neuf opérations de prélèvement décrivent les dettes dues et les crédits détenus.

Tableau 1

Nombre de déclarations par estimo

Années de l’estimo 1434- 1435 1439- 1443 1447- 1451 1455- 1458 1459- 1460 1462- 1464 1474- 1481 1486- 1490 1496- 1504
Nombre de déclarations conservées 1 266 990 942 452 930 1044 678 352 818
figure im1

Nombre de déclarations par estimo

Les données issues des déclarations fiscales

4 Les déclarations fiscales rendent possible une analyse à la fois qualitative et quantitative du phénomène grâce aux milliers de données conservées. Il n’est pas rare que les circonstances ayant entraîné dettes et crédit soient expliquées. Les noms des protagonistes (plus souvent ceux des créanciers que des débiteurs) figurent dans les déclarations.

Tableau 2

Précision des mentions concernant les crédits

Année de l’estimo Nombre total de mentions Sans mention du nom Sans mention de la raison
1434 1 523 670 651
1441 785 423 405
1447 915 505 625
1462 1 205 578 963
1477 664 325 516
1499 633 306 484
figure im2

Précision des mentions concernant les crédits

Tableau 3

Précision des mentions concernant les dettes

Année de l’estimo Nombre total de mentions Sans mention du nom Sans mention de la raison
1434 2 573 545 1 346
1441 1 351 370 731
1447 1 605 506 1 052
1462 2 216 564 560
1477 1 489 393 1 031
1499 1 784 375 1 201
figure im3

Précision des mentions concernant les dettes

5 De plus, l’absence de précision concernant la raison des relations monétaires n’est pas un obstacle à l’analyse. Les noms des créanciers ou des débiteurs combinés aux activités pratiquées par les contribuables rendent possibles des hypothèses fiables. L’ensemble permet d’examiner la structure des relations d’argent dans l’économie urbaine. Bien entendu, les estimi ne livrent pas de vérité absolue. Mais, ces sources fiscales sont les seules à rendre une image aussi détaillée du fonctionnement économique d’une large part des foyers de Trévise.

Tableau 4

Des raisons des dettes (en chiffres absolus)

Estimo Production Legs Loyer Emprunt Dot
1434 235 21 85 288 21
1462 99 45 138 43 22
1499 82 31 95 48 34
figure im4

Des raisons des dettes (en chiffres absolus)

Tableau 5

Des raisons des crédits (en chiffres absolus)

Estimo Production Loyer Prêt Dot
1434 197 6 266 14
1462 74 7 42 6
1499 37 13 20 10
figure im5

Des raisons des crédits (en chiffres absolus)

6 Bien évidemment, lorsque des dettes sont signalées, elles seront souvent gonflées, même s’il ne s’agit pas toujours de fraude. Par exemple, la liste des dettes fera figurer indistinctement les loyers, les salaires à verser aux salariés ou aux prestataires de services comme les maîtres d’école. Autre confusion, les dépenses ordinaires ou les legs à distribuer sont aussi enregistrés dans les dettes. Ce ne sont pas forcément des mensonges éhontés, mais cela ne rentre pas dans la catégorie des dettes à calculer pour bénéficier d’un allègement d’impôt. Dans l’énumération des dettes, aucune hiérarchie n’est établie quant à leur nature, et les investissements reçus, signes d’une activité soutenue et rentable, seront mis sur le même plan qu’un emprunt pour acheter son pain ou ses médicaments. Or, dans le cas inverse, des nuances sont apportées entre les créances qui seront récupérées en toute certitude, celles qui ont moins de chance de l’être et celles considérées comme perdues ou « mortes ».

7 Les listes des relations monétaires permettent aussi de voir la qualité des endettements. Un petit endettement peut être plus grave qu’un gros. En effet, les loyers impayés et les mises en gage d’objets sont un élément récurrent des endettements faibles et démontrent une absence d’activité soutenue.

L’importance du crédit dans une société urbaine à la fin du Moyen Âge

UN CRÉDIT OMNIPRÉSENT

8 À chaque opération fiscale, une majorité de la population recensée déclare des dettes et des crédits, il s’agit là d’un phénomène récurrent [6]. Les personnes ne présentant aucune dette et aucun crédit se situent généralement aux deux extrêmes de l’échelle sociale, entre les plus pauvres et les travailleurs les moins actifs et les grands propriétaires terriens et nobles ne participant pas aux activités économiques et se contentant de leurs multiples propriétés. Il faudrait vérifier dans les registres des notaires cette information, car il est possible qu’ils soient les créanciers de leurs locataires. Les femmes chefs de ménage sont surreprésentées dans la catégorie [7]. Cela est un indice de la faiblesse économique des foyers fiscaux ne déclarant aucune dette ni aucun crédit. L’examen de leurs caractéristiques en apporte la confirmation. Ainsi, en 1462, le seul boucher ne déclarant aucune relation se présente comme un salarié. De même, à la même date, sur les six cordonniers de cette catégorie, deux sont des salariés et deux ont moins de 25 ans. Ils n’ont sûrement pas encore établi une activité soutenue. Les chefs de famille de la catégorie présentent une moyenne d’âge légèrement supérieure à celle de l’ensemble des foyers fiscaux.

Tableau 6

Caractéristiques des foyers fiscaux ne présentant pas de relation d’argent

Année de l’estimo Âge moyen Âge moyen ensemble de la population Part des femmes comme chef de foyer Part des femmes chef de foyer dans la population totale Estimation des patrimoines Estimation des
patrimoines de la population
1462 50 45,6 26 10 1715 2068
1477 46,5 45,2 16 9,5 1930 1700
1499 46 45,3 9,5 6,7 8 4,7
figure im6

Caractéristiques des foyers fiscaux ne présentant pas de relation d’argent

Pour l’estimo de 1499, seul le libro mare est conservé, il délivre la somme finale de l’impôt en £.

9 Pour chaque opération fiscale, la proportion des déclarations n’indiquant que des dettes et aucun crédit est plus importante que l’inverse. Les contribuables n’énumérant que des dettes représentent le tiers de l’effectif de la première moitié du XVe siècle, la moitié de l’effectif du second tiers du XVe siècle. Cela peut correspondre à une omission des créances pour quelques contribuables, mais cela fait référence aussi à des conditions d’exercice difficiles. En revanche, les contribuables n’enregistrant que des créances forment 15 % de l’ensemble pour la première moitié du siècle et ne sont plus que 5 % pour la seconde moitié.

Tableau 7

Déclarations ne présentant que des dettes ou que des crédits (en pourcentages par rapport aux déclarations mentionnant des relations d’argent)

Estimo Que des dettes Que des crédits
1434 27 12
1441 33 14
1447 29 10
1462 30 7
1477 55 6
1499 42 5,5
figure im7

Déclarations ne présentant que des dettes ou que des crédits (en pourcentages par rapport aux déclarations mentionnant des relations d’argent)

10 L’évolution perceptible à travers les estimi marque un accroissement de l’endettement d’une partie de la population, notamment de toute celle vivant d’un travail dit artisanal ou d’activités du secteur des services. Les chiffres des deux derniers estimi du siècle enregistrent une situation économique difficile pour une part des foyers fiscaux de la ville [8].

LES CIRCUITS DE PRODUCTION ET LA STRATÉGIE DES ACTEURS

11 Pourquoi la population des travailleurs recourt-elle au crédit ? Toutes les opérations, celles de la vie courante comme celles de la production, du commerce ou des services, sont susceptibles de se faire à crédit. Cela est d’autant plus vrai que les recensements fiscaux mettent en lumière l’ensemble des activités de la ville, des plus humbles aux plus valorisées, qu’ils documentent les acteurs les plus actifs comme les plus modestes ou les plus fragiles. On peut ainsi suivre l’ensemble du processus de production et de distribution Par exemple, la structure des dettes et des crédits d’un fabricant de cordes, ser Zuan, est instructive. Elle permet de pister les déplacements du cordier, de mesurer son aire de chalandise, d’identifier ses lieux de fourniture en matières premières et les relations sociales tissées. Il est endetté envers un « ami marchand » de Bologne, auprès de plusieurs personnes à Venise et à Trévise sans autre spécification, il doit de l’argent à un calfat et il est redevable d’une caution de son fils décédé. Il doit à ses employés, pour leurs salaires, un montant de £840 [9]. Sans être similaires, les dettes d’un autre fabricant de cordes dessinent une structure proche : l’homme est endetté envers deux Vénitiens et plusieurs nobles de Trévise. Les crédits de Zuan mettent en lumière ses capacités de commercialisation puisqu’ils s’élèvent à £870. Le cordier détient des créances sur un territoire étendu de la Terre Ferme vénitienne, sa production doit bénéficier d’une bonne réputation [10]. Il est aussi créancier d’un voiturier sur l’eau de Trévise. Grâce à ces précisions, il est possible de connaître les modalités de fabrication des cordes et l’aire de commercialisation de ces produits qui ne se limite pas au centre urbain. De vastes espaces sont ainsi mis à contribution pour la fabrication et la vente des productions.

12 Les détails contenus dans les déclarations confirment que l’ensemble du processus de production peut se faire à crédit ; celui-ci est constant dans toutes les transactions. Ainsi, les boulangers et fourniers sont endettés pour l’achat de leur matière première, le froment, le produit brut, mais aussi pour le froment transformé en farine et pour les services nécessaires au processus de production comme le transport du bois de chauffe. Les boulangers indiquent souvent, comme justification de leurs créances, la cuisson du pain. Sans surprise, leurs déclarations mentionnent fréquemment les meuniers de Trévise et ceux du territoire environnant, mais aussi les nobles actifs dans le commerce des céréales.

13 L’énumération des dettes et des crédits fait apparaître leurs capacités financières, habitués à manier des quantités importantes de petite monnaie. Par exemple, un boulanger évoque en 1474 une créance de £900 auprès d’un homme pour qui il a remboursé une dette. Les créances démontrent aussi que les boulangers pouvaient revendre des boisseaux de froment. Ce ne sont pas seulement les processus de production et de commercialisation que les rubriques dettes/crédits des estimi mettent en lumière, mais les multiples manières dont les contribuables agissaient pour améliorer leur quotidien ou accroître leurs profits. L’octroi de prêts en faisait aussi partie [11] . L’ensemble des groupes sociaux sont mis en relation autour de la vie économique : interagissent les nobles fournissant les céréales, les boulangers de la ville, les meuniers, mais aussi tous les clients potentiels, endettés ou non, de la ville comme des espaces ruraux.

14 Les stratégies des producteurs se perçoivent grâce à la constitution des dettes. Pour les cordonniers, tout le processus de production de la chaussure se dessine. Le fait est connu, on observe, à travers les documents fiscaux, la grande diversité des approvisionnements ; une grande partie des tanneurs de la ville est citée dans la liste des créanciers et ils sont nombreux à en citer plus de quatre concomitamment. Pour l’ensemble des estimi, sur les cent vingt-trois cordonniers pour lesquels la liste des créanciers est assez détaillée, cinquante déclarent une dette pour du cuir auprès d’un tanneur de la ville et la majorité auprès de plusieurs tanneurs. Le fait d’émietter les dépendances, la dette impliquant un rapport social particulier, est une stratégie récurrente de l’ensemble des acteurs de la production, diminuant ainsi les relations de subordination vis-à-vis des fournisseurs économiquement plus puissants. Ils ne se contentent pas de faire appel à la production des différents tanneurs de la ville et se fournissent parfois à l’extérieur, comme les boulangers cités ci-dessus, notamment auprès de Vénitiens. Les marchands extérieurs fréquentant la ville pour y vendre leurs produits et matières premières se repèrent sans difficulté. Preuve de leur fréquentation régulière, ils sont nommés et leur lieu d’origine est précisé : ils sont connus de la population et sont des acteurs identifiés.

15 La structure des dettes des cordonniers montre les processus mis en place par les acteurs de la production pour effectuer leurs activités. L’achat à crédit des matières premières constitue un aspect fondamental. Sans crédit, aucun atelier de production de chaussures, ni aucune autre entreprise de production ne pourrait fonctionner. C’est justement sur le fragile équilibre entre achats à crédit et ventes à crédit que repose la structure économique d’un centre urbain à la fin du Moyen Âge. Une grande partie des transactions s’effectue à crédit, y compris les plus petites dépenses du quotidien. En 1441 , un forgeron déclare une dette de £1 auprès d’un épicier pour l’achat d’une marchandise, une autre de 16 sous auprès d’un meunier pour de la farine et une de 15 deniers auprès d’un fabricant de sac [12].

16 Le crédit des fournisseurs peut aussi prendre la forme du financement d’entreprises [13]. C’est le cas pour un des tanneurs les plus dynamiques des trente premières années couvertes par les estimi, Nicolò Pizol. Il est souvent nommé comme créancier par tous les utilisateurs de cuir. En 1448, le cordonnier Forestan est endetté de £300 envers lui pour du cuir, mais aussi de £300 placées par Nicolò a perzeda e guadagno dans son entreprise. Le placement a perzeda e guadagno désigne un investissement à risque, en fonction des pertes ou des gains résultant de l’activité d’un artisan ou d’un commerçant. Ces investissements s’apparentent à des contrats de société, établis entre un financier et un travailleur pour une durée variable et mettent en lumière le rôle du crédit dans le fonctionnement des structures économiques.

Le financement des entreprises

LES INVESTISSEMENTS DANS LES ENTREPRISES

17 À chaque estimo, à l’exception du dernier en 1499, une cinquantaine à une centaine d’investissements sont recensés. Il s’agit évidemment d’un chiffre bas, qui s’explique par la perte d’une partie des déclarations, par l’absence de détails dans l’énumération des dettes et des crédits ou encore par une sous-déclaration volontaire de la part des deux parties. En effet, les investissements sont regroupés dans la rubrique dette des récipiendaires et dans celle des crédits pour les financeurs. Le fait de déclarer une dette correspondant à un investissement peut être interprété comme la dissimulation d’une source de revenus. Par ailleurs, certains financiers ne souhaitaient pas voir leurs investissements déclarés auprès des officiers chargés de l’imposition. Les données sont cependant suffisantes pour analyser un aspect important du financement des entreprises qui prend la forme d’un crédit de type particulier.

18 D’un point de vue quantitatif, les données démontrent une situation contrastée entre les véritables investissements, aptes à lancer ou à pérenniser les actifs d’une entreprise, et les petites sommes placées pour un profit minime. Ainsi, la moyenne des financements tourne autour de £1000 avec une médiane à £500 pour les différents estimi[14]. Les contrats pouvaient être passés devant notaire ou par écrits privés entre les contractants. Dans les contrats notariés, les clauses permettent de mieux comprendre la nature des financements. Les sommes investies comprennent aussi bien des liquidités que des matières premières, des instruments de travail ou encore le paiement du loyer des structures de production [15]. Ces contrats sont généralement plus longs et sont réservés aux plus grandes fortunes de la ville. Ils n’ont rien à voir avec les petits investissements effectués pour placer des liquidités. Les plus importants de ces contrats peuvent déboucher sur la mise en place d’une nouvelle structure de production dans la ville. Ils renforcent aussi des ateliers déjà dynamiques, les financements venant conforter la position de certains artisans et commerçants.

19 Les activités recevant des investissements sont variées, bien que les flux se dirigent vers les métiers les plus lucratifs, comme la mercerie, l’épicerie, le textile, la tannerie. Ils peuvent aussi irriguer les entreprises les plus rentables de la cordonnerie, de la meunerie, comme celles du tamisage des farines. Tous les types d’activités peuvent être financés, de la fabrication de céramique aux métiers de l’alimentation, du commerce du vin à celui du pain. On trouve même un vendeur de poignées de paniers recevant un placement [16].

20 Veuves et héritiers de parents figurent fréquemment parmi les bailleurs de fonds. Nous avons rencontré, plus haut, Nicolò Pizol. En 1441 , il agissait au nom des héritiers d’un boucher, en plaçant £300 chez un de ses confrères, dont il devait bien connaître la profitabilité de l’entreprise. Ce tanneur était aussi financé par une veuve [17]. Les liquidités reçues des héritages, de la vente des structures de production ou des matières premières et produits manufacturés, disponibles à la mort du père, sont placées dans d’autres structures de production, faisant transiter ainsi les ressources d’une activité à l’autre, contribuant au fonctionnement, au renouvellement et à la perpétuation des structures productives d’une économie urbaine. À l’image de Nicolò Pizol, un meunier exécuteur testamentaire d’un autre meunier investit le produit de la vente d’un moulin dans une épicerie-fromagerie, une des activités les plus rentables de la ville. Une rentabilité confirmée par le gain obtenu du placement puisque, sur £230 investies, il reçoit £57,5 soit un taux de profit de 25 % [18].

21 Les différentes entreprises du territoire urbain sont pour les veuves des opportunités de placements de leurs liquidités et, parfois, les gains reçus des investissements constituent leur revenu principal. Ainsi, la veuve d’un noble place une grande partie de son argent chez différents artisans de la ville. D’abord chez un fripier qui lui fait perdre de l’argent et s’enfuit, puis chez un tanneur, pour un gain de 9 % par an. Les dots constituées pour les femmes peuvent aussi être placées et servir au financement de l’économie. Il n’est pas rare qu’un contribuable précise que l’argent placé chez un artisan ou un commerçant provient de la dot d’une mère ou d’une fille. Par exemple, en 1441 , un verrier finance un mercier grâce à la dot de sa fille. Au même moment, un rentier investit la dot de sa mère chez un peaussier [19].

22 Dans les républiques maritimes de la péninsule italienne, les convois commerciaux, qui transportaient les marchandises entre l’Europe et le bassin méditerranéen fournissaient l’occasion de placements pour une large partie de la population. Évidemment, les plus riches citoyens investissaient les sommes les plus élevées, mais une grande partie de la population pouvait contribuer au financement du voyage par un apport minime. Ce type de participation ressemble aux investissements a perzeda e guadagno. Les financements les plus importants sont le fait des nobles, des notaires ou encore des médecins diplômés de l’Université, mais un ensemble hétéroclite de la population participait au financement des activités de la ville. Ainsi, un tamiseur réussit à obtenir de l’argent de deux habitants : l’un est spécialisé dans la mercerie et l’épicerie, l’autre est tailleur. De même, une veuve, issue d’une famille noble d’origine florentine, les Bomben, place une petite somme, £24, dans l’atelier de mercerie du fils d’un maçon en 1448. Cela s’apparente plus à une aide pour lancer l’entreprise qu’à un véritable investissement, destiné à enrichir le financier.

23 Malgré les renseignements pris avant de placer l’argent, tout investissement, comme toutes les formes de crédit, comporte des risques : mort, fuite, refus de remboursement sont mentionnés dans les déclarations fiscales [20]. La fuite du débiteur rend extrêmement difficile la récupération des placements. À vrai dire, même sans délit de fuite, il semble parfois difficile de récupérer les sommes investies. Les associés fournissant le travail refusent parfois de restituer les sommes dues, probablement pour éviter de déstabiliser leur entreprise. Un noble indique qu’un tanneur a reçu £1140 de la part de sa mère, mais que depuis treize ans, il n’en est résulté aucun revenu. Les litiges passent devant les tribunaux, lorsque les investisseurs veulent retirer leur argent. Voyons, par exemple, la confusion qui règne autour de la somme importante de £1300 revendiquée par un tanneur auprès d’un cordonnier. Le tanneur soutient qu’il s’agit d’un simple prêt alors que le cordonnier prétend que l’argent a été placé a perzeda e guadagno par le père et l’oncle du tanneur. Il s’agit là d’une difficulté récurrente pour les pourvoyeurs d’argent : récupérer les deniers investis. Autre danger, la mauvaise gestion ou la faillite de l’entreprise dans laquelle l’investissement a été effectué. Ainsi, un drapier ayant investi une somme de £3000 chez des frères lainiers la déclare perdue car ils sont, comme tout le monde le sait, devenus trop pauvres ; il considère, avec probablement une pointe d’exagération, qu’il ne pourra jamais recouvrer sa mise [21] .

24 Malgré les risques encourus, les habitants de la ville et de l’extérieur trouvaient, dans les différents ateliers urbains, des moyens de faire fructifier leurs économies ou les liquidités qui venaient de leur échoir. Bien sûr, les investissements étaient dirigés vers les entreprises les plus attractives. Néanmoins, tous les artisans et les commerçants pouvaient obtenir un financement, si minime fût-il. La nature des financements est évidemment différente, selon que l’on soit en présence de gros pourvoyeurs s’intéressant directement au processus de production en payant pour les outils, les matières premières ou encore les structures de production, ou que l’on ait affaire à des individus plaçant un petit pécule, sans autre désir que d’en recevoir une petite pension chaque année. Certains taux de profit sont importants, de l’ordre de 25 %, même si les taux de 9-10 % sont plus fréquents. Ils illustrent les possibilités de gains importants dégagés par les activités liées à la production et au commerce. Par les investissements a perzeda e guadagno, les structures de la production et du commerce d’une économie urbaine sont financées et leurs possibilités de gains accrues.

25 Le financement des activités, mais aussi voire surtout, les moyens nécessaires aux dépenses quotidiennes et à la survie, pouvaient s’acquérir par une autre voie, le recours aux emprunts sur gages, sollicités auprès des tables des juifs [22].

La mise en gage : un moyen de financement des entreprises ?

26 La mise en gage d’objets pour obtenir des liquidités est un phénomène récurrent des sociétés médiévales [23]. Durant la période couverte par les estimi, 732 prêts sur gage sont enregistrés dans les déclarations. Les juifs ne sont pas seulement utilisés comme prêteurs sur gage, mais aussi comme de véritables banquiers. En 1434, 46 activités sont dénombrées. S’ajoutent à cela des notaires, des médecins diplômés de l’Université, des écrivains publics ou encore des rentiers et des nobles [24]. Une partie importante de la population issue de l’ensemble des groupes sociaux fait appel au service des juifs. Même si les mises en gage auprès des juifs sont moins nombreuses dans les opérations de recensement fiscal suivantes, le fait demeure : il y a une grande diversité des acteurs qui se fournissent en liquidités auprès d’eux.

27 Si la mise en gage dénote une situation difficile, elle démontre aussi qu’elle constitue un mécanisme utile pour pérenniser ou lancer les entreprises. Outre les dépenses du quotidien comme l’achat de pain ou de froment ou le paiement du loyer, les liquidités ainsi obtenues servent à rembourser des créanciers. Pour la pérennité du foyer et de l’entreprise, les liquidités rapidement disponibles peuvent s’avérer indispensables. Ainsi, en 1449, un entrepreneur textile prospère est obligé de mettre en gage de nombreux objets pour obtenir environ £400. Il explique son besoin urgent par la fuite de son esclave partie avec 200 ducats. La mise en gage semble avoir été nécessaire à la poursuite de la réussite de son activité. Le cas est d’autant plus intéressant que, huit années auparavant, la structure des dettes et crédits de ce drapier montrait une situation économique florissante. Ses dettes se montaient à £400 et il avait reçu £260 a perzeda e guadagno de son oncle, un noble de la ville [25]. Ses créances étaient importantes, signe d’une activité soutenue, environ £800. La mise en gage est le signe, non de difficultés structurelles, mais d’une nécessité temporaire de liquidités, pour maintenir le succès de l’activité textile.

28 Voyons maintenant le cas très intéressant des transactions menées par un peaussier gérant deux fours à briques en 1434 [26]. Sa balance crédits/ dettes est largement négative, mais cela correspond à un investissement qui devrait s’avérer lucratif dans l’avenir. De plus, dans la déclaration de la mère du peaussier, durant la même opération fiscale, celle-ci déclare une dette de plus de £500 qui a été contractée auprès d’un Vénitien pour son fils [27]. Ce dernier doit de l’argent à ses fournisseurs en bois, aux fourniers et surtout à un juif de Trévise et à un notaire pour un montant total de plus de £1300. Le notaire a servi d’intermédiaire entre le peaussier et un autre juif. Le notaire a remboursé la dette du peaussier afin qu’il récupère ses gages, devenant ainsi son créancier à double titre puisque l’artisan a contracté un autre prêt auprès de lui. D’ailleurs, le notaire semble très actif dans le financement des activités de la ville [28].

29 Ces emprunts sur gages servent véritablement à perpétuer, lancer des activités de production ou encore à se reconvertir en fonction des opportunités ; en cela ils sont utiles à l’économie urbaine. Les différentes sources entrecroisées de crédit auxquelles il a pu avoir accès ont permis à un producteur de devenir un entrepreneur, confortant de la sorte une activité stratégique pour l’économie de Trévise. De nombreuses relations construites autour du financement des activités sont mises en évidence grâce à cet exemple qui révèle l’imbrication de différents circuits de crédit, en passant du crédit juif au chrétien. Si les prêts sur gage sont rarement aussi élevés que dans le cas que nous avons décrit, cet exemple n’est pas isolé. Le crédit juif peut, lorsque la demande de liquidités est élevée, intervenir de façon décisive dans la pérennité des activités économiques urbaines. De même, le remboursement des créanciers, grâce au crédit mis à disposition par la communauté juive, permet aussi, dans un sens, de perpétuer les activités, des objets sont mis en gage pour payer des loyers d’atelier permettant la poursuite de l’entreprise.

Pour un suivi longitudinal des dettes et des crédits

30 La mise en lumière d’opérations qui se suivent à intervalles plus ou moins réguliers, parfois très courts, constitue un intérêt majeur de la source fiscale. Celle-ci rend possible un suivi des trajectoires des familles et permet de connaître l’état des endettements et des créances. Il est possible d’analyser la trajectoire économique de certains sur une durée de quelques mois. Les procédures étant longues, il arrive que l’on trouve plusieurs déclarations d’un foyer fiscal pour une même opération de recensement.

31 Le montant des investissements et des prêts sur gages, les emprunts généralement, mais aussi les dépenses liées aux approvisionnements peuvent atteindre des montants élevés. Il ne semble pas certain que toutes les dettes puissent s’éteindre au cours d’une existence laborieuse ; le labeur de toute une famille ne suffirait pas à rembourser certains créanciers. Il en découle qu’une dette peut s’étaler et se penser sur plusieurs générations, tout le monde devant être solidaire du contrat passé précédemment. Le crédit apparaît comme « un contrat d’‘‘objectif’’ dans lequel le temps et le devenir deviennent les caractéristiques principales » [29].

32 Si les créanciers sont toujours enclins à prêter ou à fournir des biens à crédit, c’est que leurs débiteurs leur sont ainsi obligés. Le crédit est un outil économique mais aussi un outil de construction de relations sociales et de rapports hiérarchiques, les effets attendus de l’octroi de crédit ne sont pas purement financiers [30].

33 Toutefois, si le système fonctionne, c’est que le travail permet de réunir l’argent nécessaire aux remboursements des dettes. En outre, le fait de recourir à un ensemble varié de créanciers, d’octroyer dans le même temps des prêts ou de fournir des produits ou des services à crédit sert aussi à effacer des dettes en en créant d’autres. Par exemple, en 1434, un porteur de vin indique le montant annuel de ses remboursements fixé avec ses créanciers. En tout, il doit à plusieurs personnes £152, dont £90 à un habitant de Trévise et £57 à un autre. Pour le premier, il doit rembourser £10 par an, soit neuf années pour solder sa dette. Pour le second, il doit £5 par an, soit un crédit courant sur plus de onze ans. Il n’est propriétaire de rien, il loue un petit logement pour £14, mais précise qu’il détient huit ducats en numéraire, équivalents à £41 et 12 sous, pour assurer ses dépenses quotidiennes en vin et en froment. Or, sept années plus tard, il a notablement diminué son endettement, il n’est plus redevable que de £40 [31] . Un déménagement pourrait l’avoir aidé à s’acquitter plus rapidement de ses dettes, puisqu’il a obtenu un bail emphytéotique de l’évêché de Trévise pour quelques sous par an. Par ailleurs, il détient toujours du numéraire, £58, cette fois pour habiller sa famille à la prochaine foire. Par son travail, celui de sa famille et une réduction des frais contraints, il a réussi à éteindre des dettes importantes, relativement à sa situation patrimoniale, et à conserver une petite épargne en numéraire. Des dettes plus élevées sont aussi éteintes par d’autres acteurs du domaine de la production et du commerce.

34 Ainsi, un tailleur qui devient fripier clame qu’il ne dispose d’aucun autre revenu que celui qui provient du travail de ses bras. Sa liste de dettes fait apparaître un atelier moins misérabiliste que sa phrase d’introduction ne le laisse penser. En 1434, ayant commencé sa carrière depuis peu, il a tout de même attiré les capitaux d’un notaire de la ville. L’association est dissoute depuis un an et il doit encore la somme de £1305. Ses crédits s’élèvent à £700, soit un différentiel de £600. En 1441 , il a réussi à rembourser la somme investie par le notaire, ses dettes s’élèvent à £350, avec l’obtention d’un investissement de £200 et des créances de £180. Sept années plus tard, sa balance est positive puisqu’il n’est plus endetté que de £178, tout en faisant appel au crédit juif ; ses créances, quant à elles, s’élèvent à £350 [32]. Durant ses années d’activité couvertes par les sources, il ne fait aucun achat dans les territoires environnants. Tous les éléments monétaires et les relations d’argent proviennent de l’activité laborieuse du foyer. La famille arrive, en quatorze ans, à transformer une balance largement négative en un excédent, et ce uniquement grâce au travail. Ce cas n’est pas particulier, les estimi mettent en lumière des centaines de cas similaires qui illustrent le fonctionnement d’une économie fondée sur le crédit. Par ailleurs, l’ensemble de la documentation démontre la grande fluidité de l’accès au crédit ainsi que la facilité d’emprunter, ne serait-ce qu’en achetant son pain, son vin et ses vêtements à crédit.

35 Voyons maintenant un dernier exemple qui résume l’ensemble des éléments introduits précédemment. Il s’agit du parcours d’un charron. Celui-ci démontre la flexibilité des positions économiques se déployant dans le territoire du Trévisan et l’importance qu’y tiennent les relations de crédit. En 1434, il est probable que notre personnage soit un nouvel habitant fraîchement arrivé d’un village du territoire. Il est installé dans le centre urbain mais à proximité d’une des portes. Pour que sa mobilité spatiale puisse s’effectuer, il a dû vendre une terre qu’il possédait [33]. Le recours au crédit permet de lancer son activité, en lui procurant les moyens de se fournir en bois nécessaire, aussi bien pour la construction de sa maison et de son atelier, que pour servir de matière première. Il s’approvisionne auprès d’un noble de la ville comme auprès de fournisseurs provenant des territoires ruraux. Les travaux effectués par des charpentiers et des maçons sont payés à crédit, le tout pour environ £200. Dans le même temps, il a débuté son activité. Des clients lui doivent déjà de l’argent pour £112, y compris le reliquat dû pour la vente de sa terre. Sa néo-urbanité implique de forts besoins financiers qu’il trouve auprès de ses fournisseurs comme auprès des différents artisans qui œuvrent à la construction de sa structure de production. En 1441 , son activité a dû être profitable car il a réussi à renverser son solde : on lui doit toujours £112, mais il n’est plus redevable que de £39, dont la moitié est due pour le reste de la dot de sa belle-mère décédée [34]. Son activité ne lui permet pas de vivre sans difficulté matérielle, mais le travail permet de vivre au jour le jour et de mettre quelques sous de côté. On se trouve ici devant le cas d’une production non exceptionnelle, banale et anonyme, ignorée par la plupart des sources. Le recours constant à toutes les formes de crédits a permis la stabilisation du foyer et le maintien ou le renouvellement d’une structure productive à l’intérieur de la ville.

36 Si de telles histoires, qui ne sont pas celles de réussites brillantes mais de l’acquisition d’une certaine stabilité, sont nombreuses, des cas plus tragiques de pertes ou d’excès d’endettement sont tout aussi abondants. Ce ne sont pas les plus gros endettements qui sont les plus dangereux : au premier regard, en septembre 1474, la composition des dettes d’un peaussier fait apparaître un cas de lourd endettement : £823 et aucune créance déclarée. Toutefois, cet artisan a obtenu plus de £300 d’un banquier vénitien, en compagnia. Douze ans plus tard, il ne déclare toujours que des dettes, £725. Or, entre 1474 et 1486, une dette de £400 envers un habitant de la ville est réduite à £49 et il a aussi remboursé l’intégralité de l’investissement du Vénitien. Un artisan reconnu peut ainsi rembourser ses dettes avec régularité, tout en ayant constamment besoin de crédit. Il fait partie de la population ne vivant que de son travail, mais son foyer et son activité se maintiennent pendant plusieurs années [35].

37 En examinant, en revanche, les contribuables ne déclarant que des dettes pour un montant égal ou inférieur à £15, prix moyen d’un logement exigu, on s’aperçoit que ceux-ci pratiquent essentiellement les activités les moins rémunératrices, les plus humbles, ou qu’ils se situent dans des positions subordonnées. Beaucoup sont des porteurs, des ouvriers du textile ou encore des ouvriers du bâtiment. En 1434, parmi les 58 contribuables répondant à de tels critères, on trouve six porteurs et six ouvriers déclarant travailler pour d’autres. On repère aussi des femmes, surtout veuves, au nombre de six.

38 Envisageons le cas de ce porteur de vin. Il doit, en 1447, £27 dont £23 pour son loyer. Il n’attend que £1 , 5 de plusieurs personnes. Or, son loyer annuel s’élève à £9, il ne l’a donc pas acquitté depuis deux ans et demi. Son endettement représente une lourde charge pour le foyer. Dans le premier estimo, en 1434, il devait £15 en quatre lieux différents et détenait £6 de créances. En 1441 , il devait £9 sans aucune créance. Sa situation apparaît très inconfortable, même si ses dettes ne sont jamais élevées. Son activité ne le fait pas progresser économiquement, le foyer reste fragile, en danger de paupérisation aux premiers accidents ou difficultés venus.

39 À l’image de ce qui arrive à la propriétaire attendant le loyer du porteur de vin, les dettes ne sont pas toujours remboursées. Pour pallier l’inconvénient, des institutions de sécurisation des transactions ont été mises en place et des contraintes établies en cas de défaut de paiement [36]. Elles ne suffisent pas à garantir les remboursements, en raison des fuites, des morts, mais aussi des mises en prison. Ces dernières n’assurent absolument pas aux créanciers qu’ils reverront leur argent. Ainsi un épicier, en 1434, ne prend pas même la peine d’indiquer la somme due par plusieurs personnes, depuis 25 ans prétend-il [37]. L’octroi de crédit s’avère toujours une affaire risquée, mais indispensable au fonctionnement de l’économie urbaine. Les décisions du podestat visent à favoriser des arrangements entre les faillis et les créanciers. Les premiers sont ainsi mis sotto fida et la dette est renégociée. De même, le peaussier-gestionnaire d’un four à briques, cité ci-dessus, semble connaître des difficultés pour récupérer son dû. Une question est pendante devant le tribunal du podestat pour £627, quatre Vénitiens nient lui devoir de l’argent pour 125 ducats et un autre Vénitien est en fuite avec une dette de 44 ducats.

40 L’étude de la diffusion du crédit dans une ville moyenne, située dans l’une des régions les plus dynamiques d’Europe à la fin du Moyen Âge, permet d’apporter une image nuancée des relations sociales et économiques à l’intérieur d’une économie urbaine. Elle met aussi en évidence le fonctionnement de cette économie et l’importance de toutes les activités laborieuses qui s’y déroulent. Parmi les gens de métier, une majorité imposante ne cesse de recourir au crédit, et cela dans les deux sens. Une grande partie des transactions, à l’achat ou à la vente, se fait à crédit. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques du fonctionnement des structures économiques des sociétés anciennes. Le travail effectué dans les foyers familiaux d’envergure modeste ou moyenne leur permet en général de remplir leurs obligations ; en cela le travail urbain est créateur de richesses ou de valeurs permettant d’assurer la survie quotidienne. Les plus petits producteurs disposent d’une clientèle constante, sinon régulière, leur assurant des transactions aptes à solder leurs comptes. Des sommes parfois importantes sont remboursées avec régularité, malgré l’absence de biens immobiliers à vendre ou à hypothéquer. L’endettement qui, à première vue, pourrait s’avérer excessif, ne pénalise pas nécessairement les activités. Ce sont en fait les endettements les plus petits, occasionnés par des dépenses que l’on pourrait définir comme structurelles, car liées aux besoins primaires, qui se révèlent les plus dangereux. Il n’existe pas de remède miracle contre la défaillance des débiteurs, même si réglementations et outils judiciaires se mettent en place. Sans un soutien minimal des institutions, l’organisation du marché du crédit ne pourrait fonctionner, ni avec lui l’ensemble de l’économie d’une ville. Comme nous l’avons largement démontré, les pauvres comme les riches ont besoin du crédit [38].


Date de mise en ligne : 27/06/2018

https://doi.org/10.3917/rhu.051.0111

Notes

  • [1]
    Les montants exprimés en argent sont dans les documents de Trévise le plus souvent en lira di piccoli et la valeur du ducat d’or varie sur la période étudiée. Un ducat vaut £5 s. 4 de 1429 à 1443, £5 s. 14 de 1443 à 1456 et £6 s. 4 de 1456 à 1517 ; Reinhold C. Mueller, The Venetian Money Market. Banks, Panics, and the Public Debt, 1200-1500, Baltimore/London, Johns Hopkins Press, 1997, p. 623.
  • [2]
    Sur la place du crédit dans l’historiographie, Julie Claustre, « Du crédit à la dette. Remarques sur l’apport de la documentation judiciaire à l’histoire économique du Moyen Âge », dans Dominique Barthélemy, Jean-Marie Martin (sous la direction de), Richesse et croissance au Moyen Âge. Orient et Occident, Paris, Amis du Centre d’histoire et Civilisation de Byzance, 2014, p. 225-244, p. 225-231 .
  • [3]
    Reinhold Mueller, « Eva a Dyabolo peccatum mutuavit. Peccato originale, prestito usurario e redemptio come metafore teologico-economiche », in Diego Quaglioni, Giacomo Todeschini, Gian Maria Varanini (eds.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione. Linguaggi a confronto (sec. XII-XIV), Roma, École française de Rome, 2005, p. 229-245, p. 243. D’une manière générale, les travaux de Giacomo Todeschini, notamment I mercanti e il tempio. La società cristiana e il circolo virtuoso della ricchezza fra Medioevo ed Età Moderna, Bologna, Il Mulino, 2002.
  • [4]
    En dernier lieu, Paola Lanaro, « At the Centre of the Old World. Reinterpreting Venetian Economic History », in Paola Lanaro (ed.), At the Centre of the Old World. Trade and Manufacturing in Venice and the Venetian Mainland, 1400-1800, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2006, p. 19-69, p. 25.
  • [5]
    Pour plus de précision je me permets de renvoyer à Matthieu Scherman, Familles et travail à Trévise à la fin du Moyen Âge (vers 1434 – vers 1509), Rome, École française de Rome, 2013, en particulier les chapitres V et VII. Sur Trévise, Daniela Rando, Gian Maria Varanini (eds.) Storia di Treviso, t. 2 : Il Medioevo, Venezia, Marsilio, 1991 . Les travaux de Giampaolo Cagnin notamment, Cittadini e forestieri a Treviso nel Medioevo (secoli XIII-XIV), Verona, Cierre Edizioni, 2004 ; idem, « ‘‘Pro bono et fino amore de iusto et vero capitali et vera sorte.’’ Documentazione notarile e credito a Treviso (secoli XIII-XIV) », dans François Menant, Odile Redon (sous la direction de), Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, Rome, École française de Rome, 2004, p. 97-124 ; idem, « Produzione e commercio dei panni a Treviso nel Medioevo. Schede d’archivio », in Danilo Gasparini, Walter Panciera (eds.), I Lanifici di Follina. Economia, società e lavoro tra medioevo ed età contemporanea, Verona, Cierre edizioni, 2000, p. 13-109 ; Danilo Gasparini, « Pesi e misure in uso a Treviso e nella sua podesteria in età medievale e moderna », in Danilo Gasparini (ed.), Due Villaggi della collina trevigiana : Vidor e Colbertaldo, Vidor, Comune di Vidor, 1989, vol. 2 : I Medioevo. Secoli XI-XIV, p. 339-345.
  • [6]
    Matthieu Scherman, Familles et travail..., op. cit., tableau p. 323, selon les recensements fiscaux, entre 16 % et 30 % des déclarations ne font apparaître aucune relation de crédit.
  • [7]
    Ainsi, elles représentent en 1434 environ 31 , 5 % des sans relation de crédit et 13,9 % des foyers fiscaux ; en 1462, 26 % alors qu’elles ne représentent que 10 % des foyers fiscaux.
  • [8]
    Sur les conséquences de l’endettement, notamment dans les espaces ruraux, voir les contributions dans Maurice Berthe (sous la direction de), Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne : actes des XVIIes Journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1998.
  • [9]
    À titre de comparaison, un préparateur de laine pouvait gagner entre cinq et dix sous à la journée, des travailleurs plus qualifiés pouvaient espérer un salaire de £10 voire £30 par mois, en tenant compte du fait qu’ils n’étaient pas employés toute l’année. Le vin au caro, environ 780 litres, s’achète entre £12 et £36, le staio de froment, environ 87 litres, entre £3 et £7 s. 10, un staio de sel, £8, une couverture peut coûter £11 et un bœuf entre £37 et £44.
  • [10]
    Archivio di Stato di Treviso (ASTV), Estimi, busta (b.) 79, lettera S/2, 19/02/1477, pour le premier, Zuan, b. 78, C/2, 19/02/1477, Girardo da Alessandria. Pour les citations suivantes, lorsque cela n’est pas précisé, la source provient de ce fonds.
  • [11]
    Sur les multiples fonctions des producteurs, Philippe Bernardi, Maître, valet et apprenti au Moyen Âge. Essai sur une production bien ordonnée, Toulouse, CNRS-Université Toulouse-Le Mirail, 2009.
  • [12]
    b. 36, M, 31 /08/1441 , Manfio.
  • [13]
    Je parle d’entreprise pour des structures de production et de services, quelle que soit la taille. Les acteurs détiennent une autonomie de gestion des ressources. Il est aussi possible de parler d’investissements dans le cadre des opérations qui consistent à financer des opérateurs économiques en vue d’en retirer des profits.
  • [14]
    En 1434, la moyenne est de £1000 et moins de £600 pour la médiane ; en 1441 , £800 et £400 environ ; en 1448 £1300 moins de £400 ; en 1462 un peu plus de £1400 et un peu moins de £800 enfin en 1477, £1600 et £500.
  • [15]
    ASTV, Notarile Prima serie, b. 295, f. 36r-v, 13/10/1473, contrat de société, commencé le 1er septembre 1473, entre des nobles de Trévise, les Mutoni, et un tanneur, Daniel da Serravalle. Idem, b. 232, En 1458, le noble Ottavian del Corno établit un pacte de cinq ans avec le cordonnier Mathio Brogognin.
  • [16]
    Déclaration de Jacomo dit Zenovexe meunier, b. 15/1 , 10/06 sans millésime.
  • [17]
    Sur les investissements des femmes, Kathryn L. Reyerson, Business, Banking and Finance in Medieval Montpellier, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1985, p. 20-28. Sur la place des femmes dans les circuits du crédit, Laurence Fontaine, « Il posto delle donne nella piccola economia finanziaria in Europa in età moderna », Quaderni Storici, no 137/2, 2011 , p. 513-532.
  • [18]
    b. 42, F, 18/05/1448, meunier Zaneto.
  • [19]
    Respectivement, b. 36, M, 12/08 sans millésime et b. 35, A, s.d.
  • [20]
    Il n’existe pas de sources à Trévise pour connaître les modes de recouvrement des créances. Cependant des mentions dans les déclarations indiquent parfois les modalités de remboursement. En 1434, le comandador Piero originaire de Venise doit £4 par mois pour rembourser les 410 ducats qu’il doit à un patricien (b. 10 /1). La veuve Benvegnuda s’engage la même année à verser tous les revenus d’une terre à un prêtre de Musano jusqu’à atteindre la somme de £114 qui avait été prêtée à son défunt mari (b. 11 /3). De même, les comparaisons entre les déclarations d’une opération fiscale à l’autre permettent de connaître les sommes payées aux créanciers.
  • [21]
    b. 79, S/2, 20 /03/1477, déclaration de Jacomo q. ser Antonio da Siletto.
  • [22]
    Sur les juifs de Trévise, Angela Möschter, Juden im venezianischen Treviso (1389-1509), Hannover, Verlag Hahnsche Buchhandlung, 2008.
  • [23]
    Julie Claustre, « Objets gagés, objets saisis, objets vendus par la justice à Paris (XIVe-XVe siècles) » et Juliette Sibon, « Du gage-objet au gage-chose. Une étude de cas au sommet de la société urbaine marseillaise à l’extrême fin du XIVe siècle », dans Laurent Feller, Ana Rodríguez (sous la direction de), Objets sous contrainte. Circulation des richesses et valeur des choses au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, respectivement p. 385-402 et p. 403-417.
  • [24]
    Pour la diversité de la clientèle des prêteurs juifs de Marseille au XIVe siècle, Juliette Sibon, « Bondavin revisité. Le prêteur juif de Marseille Bondavin de Draguignan (v. 1285-1361), suite et fin », Le Moyen Âge, no 118, 3-4, p. 643-661 , p. 655-658.
  • [25]
    b. 39/3, F, 1450 et b. 36, N, 31 /08 sans millésime, Francesco da Nogarè.
  • [26]
    b. 12/2, 19/07 sans millésime, Vetor Masiera.
  • [27]
    Pour la mère, Donna Margherita veuve de maître Fioravante, b. 19/2, 19/07 sans millésime.
  • [28]
    Le notaire Jacomo Zucato, b. 17/1 , 1434.
  • [29]
    Paolo Prodi, « Conclusioni », in Diego Quaglioni, Giacomo Todeschini, Gian Maria Varanini (eds.), Credito e usura fra teologia, diritto... op. cit., p. 291-296, p. 294.
  • [30]
    Sylvain Piron, « Le devoir de gratitude. Émergence et vogue de la notion d’antidora au XIIIe siècle », in ibidem. p. 73-101 .
  • [31]
    b. 10/2, sans millésime, Zorzi dalle Caselle pour 1434 et b. 37, P, 31 /08 sans millésime pour l’opération fiscale suivante.
  • [32]
    Le tailleur puis fripier Menegin b. 10/2, 09/06 sans millésime, b. 37, S, 31 /08/1441 , b. 40/2, M, 11 /04/1448.
  • [33]
    b. 11 /3, 10/06/1434, Antonio da Ciano.
  • [34]
    b. 35, C, 31 /08/1441 .
  • [35]
    b. 79/1 , 19/09/1474 et b. 87/2, 11 /08/1486, Gasparo Todesco.
  • [36]
    Julie Mayade-Claustre, « Le corps lié de l’ouvrier. Le travail et la dette à Paris au XVe siècle », Annales Histoire, sciences sociales, no 60, 2, 2005, p. 383-408 et ead., « Du crédit à la dette... », op. cit., p. 237-239 ; Thomas Kuehn, « Debt and Bankruptcy in Florence. Statutes and Cases », Quaderni Storici, no 137, 2, 2011 , p. 354-390.
  • [37]
    b. 15/3, 01 /06/1434, Hieronimo q. Manfre.
  • [38]
    Craig Muldrew, « An Examination of Debt and Credit in Relation to Increasing Consumption in England (c. 1650 to 1770) », Quaderni Storici, no 137, 2, 2011 , p. 391-413, p. 391 .

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