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Article de revue

Deauville (1859-1875), une histoire d'entreprise

Pages 23 à 44

Notes

  • [*]
    Université de Haute-Alsace, CRESAT EA3436.
  • [1]
    Selon l’expression d’Alain Corbin, reprise par Bernard Toulier, Architecture et urbanisme. Villégiature des bords de mer, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Éditions du patrimoine, 2010, p. 10-24.
  • [2]
    À Cabourg, une société immobilière doit racheter les dunes précédemment vendues à des particuliers. D’après Daniel Clary, Le tourisme dans l’espace français, Paris, Masson, 1993, p. 105.
  • [3]
    À l’exception de deux phares et d’une maison, augmentés en 1841 d’un poste de douane et en 1848-1849 d’une caserne et d’une maison pour le gardien des feux ; d’après Lionel Duhault, « Richesses des archives municipales de Deauville », dans Dominique Barjot, Éric Anceau, Nicolas Stoskopf (sous la direction de), Morny et l’invention de Deauville, Armand Colin, 2010, p. 63.
  • [4]
    Je remercie vivement Lionel Duhault et Didier Hébert de m’avoir communiqué le résultat de leurs recherches dans les Archives municipales de Deauville pour le premier, aux Archives nationales pour le second (notamment F12 / 6783) ainsi que Me Pascal Dufour, notaire à Paris, (et son collaborateur Ahmed Zroug) pour l’envoi de la copie de la minute du 2 septembre 1864 (statuts de la Société des immeubles de Deauville).
  • [5]
    Morny est nommé duc en juillet 1862. Sur Morny, voir Agnès d’Angio-Barros, Morny. Le théâtre du pouvoir, Paris, Belin, 2012.
  • [6]
    Il s’agit de Louis-Marie Buffile de Brancas ((1772-1852), pair de France (1825-1829), Grand d’Espagne de 1re classe, dont la fille Yolande et son mari Ferdinand Hibon, comte de Frohen, attaquent en appel les communes de Deauville et Tourgéville en 1855 ; voir Georges Besnard, Mémoire pour M. Marie-Ferdinand Hibon... contre les communes de Deauville et Tourgéville, Caen, 1855.
  • [7]
    Ibidem, p. 64-65.
  • [8]
    Archives municipales de Deauville (désormais AMD), 1D2, Conseil municipal du 16 avril 1859, cité par Florence Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 80.
  • [9]
    Gabriel Désert, La vie quotidienne sur les plages normandes du Second Empire aux années folles, Paris, Hachette, 1983, cité par Jean-Pierre Chaline, « La Normandie dans les années 1850 », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 41 .
  • [10]
    D’après Didier Hébert, « Deauville : création et développement urbain », In Situ, Revue des patrimoines, no 6, 2005, p. 2, http://insitu.revues.org/ .
  • [11]
    Philippe Dupré, « Le tourisme à la conquête du littoral normand : mainmise sur un territoire », Destination Normandie. Deux siècles de tourisme XIXe-XXe siècles, catalogue de l’exposition de Caen, 2009, Cully, OREP, 2009.
  • [12]
    Cité par Jean-Pierre Chaline, « La Normandie dans les années 1250 » dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 41.
  • [13]
    Marie-Françoise Moisy, « 1855, l’année ou l’actuel Deauville faillit ne pas exister », Athéna sur la Touques, no 182, décembre 2009, p. 10-17. Pour l’auteur et Lionel Duhault, archiviste de Deauville, l’argument ne serait qu’un prétexte pour empêcher une fusion, pourtant approuvée par le conseil d’arrondissement de Pont-l’Évêque, qui aurait compromis les projets du groupe Morny.
  • [14]
    Cette loi approuve la convention du 29 juillet 1858, entre la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest et l’État, prévoyant la construction d’un nouveau réseau dont le prolongement Lisieux-Trouville. Contrairement à ce qu’affirment certains auteurs, Morny (ni aucun autre protagoniste de la construction de Deauville) n’est pas administrateur de la compagnie ; voir Archives du Musée du chemin de fer (CERARE), Archives municipales de Mulhouse, 89 A 617, Assemblée générale du 29 mars 1860 , p. 1 et 5.
  • [15]
    Breney, né à Luxeuil, est élève aux Beaux-Arts à Paris de 1826 à 1829, puis s’installe comme architecte à Paris. Marie-Françoise Moisy, « L’énigmatique Desle François Breney, architecte et créateur du nouveau Deauville (1804-1891), Athena sur la Touques, no 194, décembre 2012, p. 4-10.
  • [16]
    Ibidem, p. 12-21 .
  • [17]
    Nicolas Stoskopf, Les patrons du Second Empire, Banquiers et financiers parisiens, vol. 7, Paris, Picard-Cenomane, p. 142-149 ; Idem, 150 ans du CIC (1859-2009). Une audace bien tempérée, t. 1 , Paris, La Branche, 2009.
  • [18]
    Les deux éléments manquants sont encore en devenir : « Un système économico-convivial qui s’ouvre progressivement », « une traduction urbanistique et architecturale du système » ; d’après Daniel Clary, Le tourisme dans l’espace français, op. cit., p. 105-106.
  • [19]
    Voir Lionel Duhault, qui fait référence aux documents des Archives municipales de Deauville, « Richesses des archives municipales de Deauville », op. cit., p. 65-67.
  • [20]
    AD Calvados 8E 16217, Acte de vente, 28.11.1859, Me Champion.
  • [21]
    Lionel Duhault, « Richesses des archives municipales de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville op. cit., p. 67-68.
  • [22]
    AD Calvados 8E 28641 , Acte de vente, 27.7.1864, Me Blot-Beaulieu. À noter que cette villa est la seule de cette époque à subsister en front de mer.
  • [23]
    AN F12/6783, Décret impérial du 4.8.1860, actes de la préfecture ; à noter que les actes de vente sont passés le 24 août et le 19 novembre 1860 .
  • [24]
    Yves Aublet, Mémoire en images : Deauville, Joué-lès-Tours, Alan Sutton, p. 11 et 12.
  • [25]
    Nicolas Stoskopf, « Morny et son groupe : des affaires à la villégiature », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 52 et svtes.
  • [26]
    Marie-Françoise Moisy, « L’énigmatique... », op. cit., p. 15.
  • [27]
    Florence Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 75-89 ; Didier Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », ibidem, p. 91-112.
  • [28]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [29]
    Constantin James (1813-1888), Guide pratique aux eaux minérales et aux bains de mer, Paris, Masson, 1867, p. 356.
  • [30]
    D’après Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [31]
    Inauguré en mars 1863. Voir Sophie Cueille, « Le cheval de course en Île-de-France, une présence architecturale et paysagère », In Situ, Revue des patrimoines, no 18, 2012, p. 13, http:// insitu.revues.org/.
  • [32]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [33]
    Constantin James, Guide pratique aux eaux minérales, op. cit., p. 356.
  • [34]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [35]
    Ce projet nous paraît insolite aujourd’hui, notamment en raison de l’espace disponible à Deauville, mais, dans le sens inverse, de nombreuses villes portuaires (Dieppe, Le Havre, Saint-Malo, Les Sables-d’Olonnes, etc.) se sont enrichies d’une activité balnéaire et sont devenues des « villes Janus », selon l’expression de Bernard Toulier, Villégiatures..., op. cit., p. 44.
  • [36]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, Normandie, Paris, Hachette, 1866, p. 394.
  • [37]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21.8.1867. De fait, les ports normands connaissent une forte croissance au cours du Second Empire : le trafic en volume double à Honfleur ou au Havre. D’après Bruno Marnot, « Les ports du littoral normand sous le Second Empire », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 213.
  • [38]
    La Vie Parisienne, 21.10.1865 ; sur Mauger et Castor, voir leurs dossiers de Légion d’honneur sur la base Léonore des AN ; sur la construction du pont de Kehl et les techniques mises en œuvre, voir Nicolas Stoskopf, Le Train, une passion alsacienne, Strasbourg, Vent d’Est, 2012, p. 106-119.
  • [39]
    Nouvelles Annales de la construction, 8e année, 1862.
  • [40]
    Il s’agit d’une citation des auteurs, pas de Morny directement. Cf. Roger Deliencourt et Jean Chennebenoist, Deauville, son histoire, t. 1 , Des origines à 1914, Honfleur, 1979, p. 130-131 .
  • [41]
    Jules Lecomte (1813-1864), Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [42]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [43]
    La Vie Parisienne, 21 .10.1865.
  • [44]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, op. cit., p. 394. À noter qu’il n’est jamais question dans ces divers documents d’un port de passagers.
  • [45]
    Propos rapporté par Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [46]
    Jules Lecomte, Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [47]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [48]
    Jules Lecomte, Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [49]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [50]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [51]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [52]
    L’Art industriel, organe général des sciences, des arts et des métiers appliqués à l’industrie, 1868. Le terme de « jupe benoîton » vient d’une pièce de Victorien Sardou, créée au Vaudeville le 4 novembre 1865, où les costumes féminins étaient quelque peu excentriques (d’après Pierre Rézeau que je remercie).
  • [53]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [54]
    Roger Deliencourt et Jean Chennebenoist, Deauville, son histoire, op. cit., p. 133.
  • [55]
    AN F12/6783, Acte passé devant le préfet du Calvados, 13.1 .1864. Ces constructions légères de plage, édifiés sur le domaine maritime, ne doivent pas être confondues avec l’établissement hydrothérapique, de style mauresque, édifié à l’extrémité est de la Terrasse, à proximité de l’embouchure de la Touques. Voir Didier Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 94-95.
  • [56]
    Le Monde illustré, 3.9.1864.
  • [57]
    Nicolas Stoskopf, Les Patrons..., op. cit., p. 144 ; 150 ans du CIC..., op. cit., p. 60-61. À noter que la Société de dépôts est créée le même jour que le Crédit lyonnais avec un capital triple de ce dernier.
  • [58]
    AD Calvados 8 E 16229, Acte de société, 24.7.1863, Me Champion.
  • [59]
    AD Calvados 8 E 16231 , Acte de société, 19.12.1863, Me Champion.
  • [60]
    Le CIC et la Société de dépôts et de comptes courants procèdent de même lors de la création de la Société lyonnaise de dépôts, de comptes courants et de crédit industriel (devenue Lyonnaise de banque), autorisée en juillet 1865, et de la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôts (devenue Société marseillaise de crédit, SMC), autorisée en novembre 1865. Voir Nicolas Stoskopf, 150 ans du CIC..., op. cit., t. 1 , p. 65 ; t. 2, p. 16 et 34. Les fondateurs ont peut-être le souci d’éviter la dénomination de « société à responsabilité limitée » et de continuer à bénéficier du relatif prestige lié à l’autorisation gouvernementale ; voir Anne Lefebvre-Teillard, La Société anonyme au XIXe siècle, PUF, 1985, p. 429, note 29, et 435.
  • [61]
    AN F12/6783, Lettre au sous-préfet de Pont-l’Évêque, décembre 1863.
  • [62]
    Propriétaire à Houlgate, il devient également administrateur de la Société de dépôts et de comptes courants ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 268-270.
  • [63]
    AN F12/6783, Procès-verbal de prise de possession des apports par la SID, 9.12.1864.
  • [64]
    AN F12/6783, Procès-verbal d’expertise du 16 avril 1864.
  • [65]
    AN MC XLVIII-935, Inventaire après décès du duc de Morny, 21 .3.1865, Me Dufour.
  • [66]
    D’après Durand de Nancy, Nouveau Guide en affaires, Paris, Garnier Frères, 1860, p. 281 ; ou Pierre Larousse, article « association », Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1867, p. 799.
  • [67]
    Souligné par nous.
  • [68]
    Pierre Larousse, article « association », op. cit., p. 799.
  • [69]
    Gustave Delahante (1816-1905), engagé dans les affaires ferroviaires et minières du centre de la France, se lie à Morny et à Donon au milieu des années 1850 et participe activement à leurs affaires bancaires et ferroviaires, notamment en Espagne et en Italie ; il est propriétaire d’une villa sur la Terrasse de Deauville et de divers autres villas ou terrains ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 128-130.
  • [70]
    Joseph Symphorien Boittelle (1813-1897), préfet de police au lendemain de l’attentat d’Orsini en 1858, administrateur, comme Delahante, de la Société de dépôts et de comptes courants présidée par Donon, est également propriétaire d’une villa sur le Terrasse de Deauville ; voir Nicolas Stoskopf, « Morny et son groupe... », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 57.
  • [71]
    Et non 35 ha, comme cela est écrit par erreur dans ibidem, p. 59.
  • [72]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, op. cit., p. 395. Dans La Vie parisienne du 21 octobre 1865 (p. 587), l’auteur indique que les maisons à arcades de l’avenue de l’Hippodrome appartiennent à M. Delahante.
  • [73]
    AMD 1Fi 5, État des terrains de la Société immobilière de Deauville (septembre 1877), dressé par Jean-Louis Celinski.
  • [74]
    Auguste Luchet, Le Monde illustré, 13.10.1866.
  • [75]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [76]
    AMD, 1 Fi 4, État des terrains de la SID au 30 mars 1870 , plan dressé le 26.3.1873 par Jean-Louis Celinski, architecte.
  • [77]
    AN F12/6783, Bilan de la SID au 31 .10.1872.
  • [78]
    Il n’y a encore aucune construction à l’arrière des villas de Donon et Olliffe.
  • [79]
    AMD 1Fi 5, Plan de Jean-Louis Celinski, 1877.
  • [80]
    Lionel Duhault, « Richesse des archives... », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, p. 70.
  • [81]
    D’après une convocation aimablement transmise par M. Yves Aublet.
  • [82]
    Yves Aublet, Mémoire en images, op. cit., p. 18.
  • [83]
    Son écurie fut la première en France par ses gains de 1887 à 1890 ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 333-340.
  • [84]
    Ibidem, p. 162-166.

1 Deauville fait partie de cette deuxième génération de stations balnéaires qui émergent ex nihilo sous le Second Empire : il n’y avait pas grand-chose à Cabourg, Houlgate, Arcachon, ni même à Monte-Carlo, avant qu’une urbanisation ordonnée ne vienne remplir ces « territoires du vide » [1] . Mais, à Deauville, ce territoire était encore un peu plus vide qu’ailleurs [2] : s’il existait bien un petit village, avec 120 habitants, sur les flancs du Mont Canisy, l’emplacement de la ville nouvelle, sur près de 200 ha, n’est encore en 1859 qu’un marais, entrecoupé de gabions, dépourvu de constructions [3] et surtout, de toutes contraintes parcellaires : le site est désertique, la page est vierge. En dix ans, s’élève une ville, construite selon un plan d’urbanisme rigoureux et équipée d’infrastructures portuaires et ferroviaires, mais une ville vouée à la villégiature, avec ses villas à l’architecture éclectique, et aux loisirs, avec un triptyque emblématique, le casino, l’hippodrome et l’établissement de bains. D’emblée également, les promoteurs, qui sont aussi les premiers propriétaires et les premiers usagers de la station, lui confèrent une image de résidence luxueuse et prestigieuse que celle-ci sauvegardera jusqu’à nos jours malgré quelques vicissitudes.

2 De cette remarquable opération d’urbanisme, il ne reste, jusqu’à preuve du contraire, aucun témoignage, aucune narration, aucune pièce d’archives de la main des fondateurs eux-mêmes qui permettraient d’éclairer leur rôle précis, leurs intentions ou les discussions qui ont accompagné l’élaboration et la réalisation de leur projet. Ne subsistent donc que des documents administratifs, des actes notariés, des articles de presse, quelques rares photographies qui en disent cependant suffisamment pour comprendre les raisons (et les limites) d’un succès, mais pas toujours assez, dans l’état actuel des connaissances, pour lever certaines obscurités [4]. Si au premier abord, Deauville paraît être le pur produit de la spéculation immobilière et d’un affairisme sans complexe, c’est aussi le résultat d’une rencontre, qui ne doit rien au hasard, entre un grand seigneur visionnaire, le comte de Morny [5], et une solide équipe de financiers, d’architectes et d’entrepreneurs qui ont su conjuguer leurs talents et leur savoir-faire pour parvenir à leurs fins.

Achat des terrains (1859-1860)

3 Un concours de circonstances explique l’état d’abandon dans lequel se trouvent les marais en 1859. Leur propriété est disputée entre la commune, qui entend préserver les droits de pâture sur des biens qu’elle estime communaux, et un propriétaire privé, Pierre Alexandre Auger, qui a acheté l’ensemble en 1824, à ses risques et périls, au duc de Brancas [6]. Auger obtient un premier jugement en sa faveur en 1833, mais la commune fait appel. L’affaire se complique par l’entrée en lice dans les années 1850 des héritiers Brancas qui contestent eux-aussi la vente de 1824. La commune obtient finalement gain de cause en première instance en 1853, en appel en 1857, devant la Cour de cassation enfin le 14 mars 1859 [7]. Dès lors se pose la question de l’affectation de ces terrains qui est évoquée sans attendre au conseil municipal du 16 avril : le maire, Auguste Brunet, plaide alors pour la vente du Petit marais, le long de la côte, qui serait destiné « à recevoir des constructions, à se transformer comme les autres rivages de la région, à devenir le siège d’établissements importants, à faciliter l’agrandissement de Trouville » [8] et le partage du Grand marais, d’une superficie en réalité moindre que le Petit marais, voué aux activités agricoles.

Le désert avant Deauville

Le marais de Deauville, que l’industrie va transformer en une grande cité maritime, n’est point, comme on pourrait le supposer d’abord, un paradis à grenouille. C’est une vaste prairie aux brumeux horizons, qui s’allonge sur la rive gauche de la Touques entre deux gracieuses chaînes de collines boisées. Son herbe courte et rude, ses quelques flaques d’eau hérissées de roseaux, son étendue, sa solitude, ses grands bestiaux en pleine liberté, lui donnent un aspect sauvage.
Vers son extrémité, aux abords de la mer, le terrain change tout à coup de nature. Il devient aride, il se renfle et s’accidente à chaque pas, il forme une suite de monticules et de ravins comparables à des vagues immobilisées, à des vagues de sable. Là, plus de pâture ; à peine quelques ivraies sans cesse agitées par le vent qui les dessèche, et parfois, dans des espaces plus à l’abri, d’épais et bas halliers de joncs marins, épineux, inextricables et d’un vert bleuâtre. Rien de triste, rien d’inhabité, rien de muet comme cette espèce de Sahara normand. Il rappelle tout à la fois la steppe et la savane, les pampas et le désert. On ne serait pas surpris d’y voir passer une caravane. On y cherche des Peaux-Rouges. Le seul bruit qui s’y fasse entendre, c’est celui de la marée qui monte ; les seules créatures qui s’y laissent voir, ce sont des oiseaux de mer, des bandes de corbeaux et souvent, très souvent, à travers les archipels d’ajoncs, un lapin effaré qui passe. »
Charles Deslys, Liane, A. Faure, 1865, p. 273-275.

4 Les perspectives de développement balnéaire sont en effet considérables : une douzaine de plages normandes sont déjà fréquentées vers 1850 [9]. Cabourg est créé en 1854, Villers-sur-Mer en 1856, Houlgate en 1858 [10] ; Trouville, de l’autre côté de la Touques, est en plein essor depuis les années 1830 [11] et le Journal de Rouen constate dès septembre 1846 que « la fashion parisienne lui accorde une prédilection particulière » et que les « hôtels somptueux » et les « bains organisés avec luxe et confort » procurent « aux baigneurs les plaisirs qu’on demande à la campagne et le bien-être qu’on peut trouver à la ville » [12]. Mais Trouville est à l’étroit et son maire, le baron Nicolas Clary, lorgne depuis quelque temps vers les grands espaces des marais de Deauville. Il propose en 1855 la réunion des deux communes, ce à quoi s’oppose le Conseil d’État l’année suivante en arguant de l’absence d’un pont sur la Touques pour relier les deux populations [13]. Un autre élément nouveau augmente encore l’intérêt de cet espace vierge. Si le train de Paris arrive jusqu’à Pont-l’Évêque, à 11 km seulement de Trouville, depuis le 1er juillet 1858, la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest obtient par la loi du 11 juin 1859 la concession du prolongement de la ligne jusqu’à Trouville [14].

5 Il fallait néanmoins être sur place et bien informé pour comprendre toute la portée de ces décisions de 1859. C’était sans nul doute le cas du docteur Joseph Olliffe et d’Armand Donon, et de leur intermédiaire, Desle François Breney, qui transmet à la mairie de Deauville leur offre d’achat des marais au cours de l’été 1859. Breney (1804-1891) et Olliffe (1808- 1869) se connaissent de longue date : le premier, architecte formé à Paris, s’installe à Trouville en 1844, et vend au second, un médecin anglais, un terrain, contigu à sa propriété, sur lequel il lui construit une maison [15]. D’emblée, la maison Breney accueille un « cercle », mais Olliffe inaugure en juillet 1847 un « salon », c’est-à-dire un casino, construit par Breney qui est devenu conseiller municipal en juin. Il devient premier adjoint en mars 1848. Dans les années 1850 , les deux hommes ont toutes les cartes en mains pour spéculer, construire villas et hôtel, gérer leur patrimoine et tirer profit de l’essor de la station [16]. En 1859, Olliffe est médecin de l’ambassade d’Angleterre mais aussi médecin particulier du comte de Morny auquel il administrait des pilules arsenicales censées lui éviter les défaillances sexuelles et lui permettre de maintenir le rythme soutenu de ses conquêtes féminines.

6 Quant à Armand Donon (1818-1902), c’est un banquier parisien de tout premier plan : gérant de la banque Donon, Aubry, Gautier & Cie, fondée en décembre 1851 au lendemain du coup d’État, il est très actif au cours des années 1850 dans les affaires ferroviaires et minières. Il devient en 1853 consul à Paris de l’Empire ottoman. Il est aussi très proche de Morny, si bien que, lorsque « Morny est dans l’affaire » selon l’expression consacrée, c’est Donon qui est à la manœuvre et en dénoue les fils. Les deux hommes sont notamment partenaires dans la mise en valeur du Massif central ; ils viennent par ailleurs de remporter un grand succès par la fondation, le 7 mai 1859, du Crédit industriel et commercial (CIC), première banque de dépôts créée en France sur le modèle anglais : le projet, porté dès l’origine par Armand Donon et par un négociant anglais, William Gladstone, n’a pu aboutir que par l’influence de Morny auprès de Napoléon III, son demi-frère [17].

7 Ces premiers intervenants dans la fondation de Deauville combinent donc une excellente connaissance du terrain local (Breney, Olliffe) et une expérience consommée des grandes affaires (Donon) avec l’influence et l’entregent du comte de Morny qui reste toutefois en retrait au cours de cette première phase. Plusieurs éléments-clés du modèle de développement des stations de la Côte fleurie sont d’ores et déjà en voie d’être réunis : maîtrise du foncier, unicité de la structure dirigeante, liaison organique avec le marché par les infrastructures [18].

8 La proposition d’achat de Donon et d’Olliffe, transmise par Breney, intervient alors que la commune a lancé les opérations préliminaires à la vente. L’agent-voyer Lefèvre procède à l’estimation des terrains : partant d’un revenu annuel de 7 559 francs, il arrive à une valeur de 226 791 francs qu’il porte finalement à 400 000 francs pour tenir compte de la proximité de Trouville et des projets de construction et d’extensions ferroviaires et portuaires. Bien que daté du 20 septembre 1859, le contenu de ce rapport était sans doute connu de Donon et d’Olliffe qui ont l’habileté de proposer exactement le double, soit 800 000 francs. Le conseil municipal s’empresse d’accepter cette offre par une délibération du 31 août. Dès le lendemain, Donon et Olliffe transmettent une soumission officielle qui fait l’objet d’un nouveau vote positif du conseil municipal le 29 septembre. Le 10 novembre, c’est au tour du préfet du Calvados de donner son accord [19]. L’acte notarié est signé le 1er décembre par Breney, mandataire de Donon et d’Olliffe. Il permet à ces derniers d’entrer en possession des 177 ha des marais de Deauville à partir du 1er janvier 1860 contre 800 000 francs (soit environ 4 500 F/ha) payables en deux annuités d’un dixième à compter du 1er janvier 1861 [20]. Sur ces 177 ha, 165 sont acquis en pleine propriété, 12 ha, comprenant une source d’eau vive, font encore l’objet d’un litige sur les limites communales entre Deauville et Tourgéville qui est relancé par la vente des marais. Mais les prétentions de Tourgéville sont définitivement rejetées par la cour d’appel de Caen le 19 avril 1861 [21] .

9 Entre-temps, Donon et Olliffe obtiennent par décret impérial du 4 août 1860 la concession des lais de mer d’une superficie de 11 ha, au prix de 1 280 francs l’hectare, à charge pour eux d’établir une digue avec un chemin public de 20 mètres de largeur. Mais constatant que les relevés ont été faits d’après un plan du rivage remontant à 1854 qui place la limite précédente 60 à 70 mètres en arrière de la laisse des pleines mers de vives eaux d’équinoxe, la préfecture leur concède à nouveau en novembre 1860 une dizaine d’hectares supplémentaire au même prix. Les acquéreurs font une excellente affaire ! Pour un prix 3,5 fois inférieur à celui des marais, ces 21 hectares de dunes sont en réalité les terrains qui ont la valeur la plus élevée ; ils sont par exemple revendus au prix de 200 000 F/ha au marquis de Salamanca lorsque celui-ci achète 65 ares en juillet 1864 pour construire sa villa face à la mer [22].

10 Au total, Donon et Olliffe deviennent donc propriétaires en 1859-1860 de 199 ha 58 a [23]. Lorsqu’expirera en septembre 1860 l’obligation de maintenir en location les gabions dans les marais, la voie sera totalement libre pour construire la ville nouvelle.

La création d’une image de marque (1861-1864)

11 Dans un premier temps, qui se prolonge tout de même jusqu’en 1863- 1864, les promoteurs de Deauville se gardent bien d’attirer l’attention du public sur leur projet. Certes, il faut encore beaucoup d’imagination pour chasser l’image plutôt répulsive de marais côtiers, il faut aussi du temps pour remodeler, assainir et viabiliser le terrain et rendre le paysage simplement présentable pour les investisseurs. Mais il semble que ce délai soit aussi le résultat d’un choix stratégique délibéré tendant à créer l’identité de la ville avant même qu’elle ne sorte des sables. Il s’agit de produire une offre avant de susciter une demande.

12 Une des premières photos du nouveau Deauville est à cet égard parlante : elle montre les deux villas construites en 1861-1862 par Donon et Olliffe, seules face à la mer, au milieu d’un paysage plutôt désolé de dunes, mais avec tous leurs attributs définitifs, tour crénelée de style Tudor, pavillons annexes, jardins, clôtures. Tout à côté, s’élève bientôt la villa de Morny, Sergewna, construite en style néo-classique avec deux tourelles polygonales aux angles qui lui donnent une allure de petit château [24]. La qualité des premiers occupants du front de mer détermine celle de leurs futurs voisins qui les rejoindront en construisant leurs villas derrière la digue-promenade, la Terrasse : prince russe, grand d’Espagne, aristocratie française, préfet et député, banquier et financier, c’est-à-dire une élite de la naissance, de la fortune et du pouvoir réunie ici par des liens d’affaires antérieures [25]. Elle donne le ton de la clientèle que l’on veut attirer à Deauville, même si le privilège d’une villa face à la mer est étroitement contingenté. Comme chaque propriétaire dispose d’environ 20 m de façade maritime (40 pour Morny), une quinzaine seulement de villas peuvent s’aligner le long de la Terrasse.

13 Ce démarrage, par des constructions très privées, n’est pas contradictoire avec la volonté de créer une vraie ville dotée de fonctions multiples. Breney, nommé maire de Deauville en novembre 1861 [26], est l’auteur du plan d’urbanisme, non daté, mais élaboré sans doute rapidement au moment de l’achat des terrains, en 1859 ou 1860. Inscrit dans un trapèze, c’est un plan en damier, qui épouse d’abord le rivage avec les villas de la Terrasse. À l’arrière, il est structuré autour de deux axes, l’avenue Impériale est-ouest qui conduit au bassin à flot et à un pont sur la Touques permettant de relier Deauville et Trouville, et l’avenue de l’Hippodrome, perpendiculaire à la plage, entre le Grand-Hôtel et le casino au nord et l’hippodrome au sud dont la construction est envisagée dans une boucle de la Touques. L’avenue Impériale sépare deux zones à urbaniser, la ville des villas au nord, qui sera réalisée conformément au plan d’origine, et une autre au sud dont l’organisation sera au contraire bouleversée par l’extension de l’hippodrome [27] et sera mise pour le reste en réserve. Le tracé des rues délimite 66 îlots dans la partie nord.

14 Ce plan prévoit trois pôles d’activité majeurs, formant un triangle, qui portent le triple sceau de Morny, auteur dramatique à ses heures, propriétaire d’écurie de course et homme d’affaires avisé. Quelques articles de presse ou guides touristiques permettent de reconstituer a posteriori ce projet visionnaire. Si la construction d’un casino et d’un hôtel font partie du programme commun d’une ville de loisir, ils sont l’objet d’un soin particulier. Nestor Roqueplan, directeur de l’Opéra-comique, s’en fait l’écho dans Le Figaro en 1865 :

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« Un vrai casino – et non pas un casino – un casino grandiose muni de tout ce que comporte un pareil établissement, même d’une commode et spacieuse salle de spectacle et de concert, est ouvert aux Deauvillois. Un jardin bien planté l’entoure et l’égaye de ses pelouses sur lesquelles donnent les fenêtres d’un vaste hôtel bien meublé et bien servi, cela va sans dire puisqu’il est dirigé par Mme Caillez, ex-propriétaire de l’hôtel Meurice, à Paris. » [28]

16 Constantin James, auteur d’un guide balnéaire, renchérit :

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« Ce magnifique édifice, qui n’a son égal sur aucune de nos plages, renferme une succession de pièces tout à fait grandioses parmi lesquelles nous noterons la bibliothèque et la salle de bal que l’on peut à volonté convertir au théâtre. Un jardin anglais de trente mille mètres l’égaye de ses pelouses, en attendant qu’il l’enveloppe de ses ombrages. C’est sur sa terrasse que toutes les après-midi un excellent orchestre, conduit par un chef habile, fait entendre, devant une assistance d’élite, ses notes les plus harmonieuses. Enfin, quand arrive le soir, il règne dans les salons une animation telle qu’on se croirait transporté à Bade ou à Vichy. » [29]

18 Le deuxième élément, c’est l’hippodrome que l’espace disponible permet de construire comme un élément urbain, intégré dans la ville. Contrairement au plan initial, il occupe finalement l’essentiel du Grand marais, avec une emprise correspondant en gros au quart des terrains. Morny aurait tracé lui-même la piste [30], M. de Saint-Germain, architecte de l’hippodrome de Vincennes [31] , construit les tribunes de fer et de bois, « copiées exactement sur les tribunes de Fontainebleau » [32]. Pour Constantin James, c’est

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« l’œuvre personnelle du duc de Morny, tant était grand l’intérêt avec lequel il en surveillait l’exécution. C’est, au dire des sportsmen, le meilleur et le mieux situé. Ses élégantes tribunes peuvent recevoir plus de trois mille spectateurs. Quant à ses boxes, dont le nombre dépasse cinquante, ils sont copiés sur ceux de Newmarket et sont la première création de ce genre qui existe en France. » [33]

Figure 1

Plan manuscrit de la plage de Deauville, 1863.

figure im1

Plan manuscrit de la plage de Deauville, 1863.

Archives municipales de Deauville.

20 Nestor Roqueplan est tout aussi enthousiaste lorsqu’il évoque ce « Bade marin, ce Brighton français », à coup sûr les modèles que Morny, assisté du docteur Olliffe, cherchent à égaler : « Deauville possède ce qui est l’apanage complémentaire d’une grande ville, un hippodrome » [34], qui lui donne, peut-on rajouter, un atout-maître, celui de se revendiquer d’emblée comme une ville du cheval, au débouché naturel des herbages et des haras de son arrière-pays.

21 Le troisième pôle est beaucoup plus insolite pour une ville de loisir, c’est le creusement d’un bassin à flot permettant à Deauville de devenir un port de commerce [35]. Le décret impérial du 25 juin 1860 accorde à ce projet un crédit de 2,4 millions de francs [36]. « Avec ce génie des affaires qui le distinguait », témoigne Auguste Vilanet dans Le Figaro en 1867, « M. de Morny avait compris qu’un casino et des caleçons de bains ne suffisaient pas pour fonder une ville. Il s’était préoccupé d’attirer dans les bassins de Deauville le commerce si actif de la côte. » [37]

22 Deux hommes d’expérience, associés déjà dans la construction de la ligne de chemin de fer de Lisieux à Deauville, sont chargés du chantier, l’entrepreneur de Douvres-la-Délivrande (Calvados), Anthyme Vital Agricole Mauger (1811-1873), qui a creusé le canal de Caen à la mer, et son beau-frère, l’ingénieur civil, Antoine Castor (1811-1874) qui termine en 1861 la construction du pont ferroviaire de Kehl sur le Rhin [38]. En 1862,

23

« on nivelle, sur le bord de la Touques, un terrain d’une superficie de 2 000 m, destiné aux chantiers de l’administration [...] Trois machines locomobiles seront employées : deux à battre les pieux, et une à l’épuisement. Le bassin doit avoir 200 m de longueur sur 80 de largeur, et l’avant-port 140 m de largeur, et 110 m devant les quais actuels. Les travaux du pont avancent, l’asphalte est bientôt coulé sur toute son étendue ; on va le charger de macadam et faire les trottoirs. On travaille aussi très activement au remblai du boulevard qui part du pont (l’avenue Impériale) » [39].

24 Dans leur ouvrage sur Deauville, Roger Deliencourt et Jean Chennebenoist mentionnent, sans malheureusement citer leur source, l’implication personnelle de Morny dans ce projet. Lors d’une visite officielle le 3 avril 1864, il expose ses idées sur l’avenir de Deauville : station balnéaire certes, mais

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« dotée d’une gare susceptible d’un large développement, d’un bassin que l’on pourra agrandir facilement en amont et en aval, à proximité du centre ferroviaire, Deauville doit être un lieu de transit, qui drainera tout le commerce du centre de la France » [40].

26 La presse de l’époque ne voit pas non plus de contradictions entre fonctions touristiques et commerciales. Ainsi, Jules Lecomte se fait le chantre de l’intermodalité :

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« Un bassin à flot mettra son quai en contact avec cette gare, et les marchandises passeront instantanément du navire dans le wagon. Ce bassin à flot [...] deviendra un bienfait inestimable pour le pays tout entier, jusqu’à ce jour réduit à l’infime rang de simple port de pêche. » [41]

28 Léo de Bernard confirme : « Il s’agit du reste de faire de Deauville une ville commerçante [...] ; avant peu d’années, cette heureuse cité sera un des ports les plus considérables de la basse Normandie. » [42] À la même époque, La Vie parisienne, annonce avec satisfaction qu’« aujourd’hui le bas Deauville contient une population sédentaire de près de 1 100 âmes, consistant en commerçants, mécaniciens, ouvriers, etc. On y trouve des ateliers de diverse nature, des entrepôts de plâtre, de bois du Nord, de charbon de terre, etc. » [43] ! Enfin le guide Joanne consacre un paragraphe important à cette réalisation, inaugurée en 1866, soulignant que l’écluse est la plus large de tous les ports français après Le Havre et que les navires de fort tonnage pourront la franchir même en mortes eaux [44].

29 Avec le casino, l’hippodrome et le bassin à flot, le nouveau Deauville tire au mieux parti des ressources du territoire : le casino donne sur la Terrasse et la plage de sable fin, l’hippodrome est adossé aux premières collines du pays d’Auge, le port et la gare assurent la liaison entre la mer et les terres. C’est un triangle économique parfait ! Encore faut-il le faire savoir : « Sans la publicité [disait Morny] rien n’est possible en ce temps-ci. » [45] De fait, Morny a su aussi faire valoir sa création... La presse paraît unanime pour louer l’agrément de la plage de sable fin, « au lieu de ce terrible galet qui roule là-bas (à Dieppe ou au Havre) tant d’entorses sous vos pieds » [46], la beauté et le luxe des villas, les attraits du casino et de l’hippodrome, les promesses du commerce, mais elle met également en valeur deux caractéristiques essentielles.

30 Deauville est d’abord une vraie ville, « un Paris d’été » [47], nouvelle et moderne, donc fonctionnelle et hygiénique, conçue pour durer. Jules Lecomte dénonce « les hésitations fatales et les tâtonnements regrettables dont presque toute cité porte la durable trace dès l’époque de sa fondation », ironise sur le « régime orthopédique indispensablement appliqué au Paris contrefait d’autrefois » pour mieux louer « la haute pensée qui préside à la fondation de Deauville » et permet d’éviter ces fautes :

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« Un tracé habilement étudié répond dès aujourd’hui à toutes les exigences possibles, à toutes les éventualités de l’avenir. Nous avons parlé d’un établissement modèle : c’est en effet un quartier ou plutôt une petite ville modèle qui se fonde. De longues rues s’alignent perpendiculairement à la plage ; d’autres les recoupent à angle droit et leur livrent les échappées de vue marine, en leur apportant la bienfaisante atmosphère de la plage. »

32 L’auteur, qui ne recule d’ailleurs devant aucune flagornerie, voit en Morny « le Romulus ou le Remus de cette cité nouvelle » qu’il propose de rebaptiser Morny-Ville ou Mornyville (au choix) [48] ! Léo de Bernard est sensible au confort :

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« Cette cité, appelée à lutter avec les plus importantes de l’Europe, percée de rues larges et spacieuses, est alimentée par une source d’eau la plus pure, que d’ingénieuses dispositions conduisent jusqu’au sommet des maisons les plus élevées, et un système d’égouts admirablement entendu entretient la ville dans un état de propreté remarquable. » [49]

34 D’autre part, Deauville est enfin « digne d’être opposé aux confortables établissements anglais », c’est un « Bade marin, un Brighton français » [50], l’équivalent de ces villégiatures élégantes et à la mode capable d’attirer le high-life, la haute société de toute l’Europe, « la réunion si choisie de l’élite du monde européen et des hommes les plus remarquables dans toutes les carrières » [51] . « Trouville et Deauville forment le rendez-vous de l’aristocratie », peut-on lire dans L’Art industriel de 1868 : « Le Faubourg Saint-Germain y va prendre ses vacances. On se délasse sous le ciel normand des fatigues de l’étiquette parisienne, et les familles les plus collet-monté sont celles qui raccourcissent le plus crânement la jupe benoîton. » [52]

35 C’est en 1863 et surtout 1864, soit trois à quatre ans après l’achat des marais, que Deauville s’offre enfin au public. Le 1er juillet 1863 voit l’inauguration de la gare, construite sur une île de la Touques rattachée à Deauville à la suite de la correction de la rivière : Deauville et Trouville sont à 5 h de Paris. Dès lors « Les bains de mer jouissent d’une vogue que la célérité des voies de fer accroît dans une proportion incalculable » [53]. En août, Morny organise un premier meeting de courses sur la plage en présence de la princesse de Metternich [54]. En janvier 1864, Donon et Olliffe obtiennent le bail de la plage pour neuf ans contre un fermage de 300 francs pour y installer un établissement de bains de mer [55]. La première saison officielle (et la dernière pour Morny...) est celle de l’été 1864 : le casino est inauguré le 15 juillet, le champ de course le 14 août. Un train spécial « à grande vitesse et à prix réduit » part de Paris le dimanche 14 à 7 h 20 pour arriver à 13 h et repart le 15 à 1 h du matin pour être à Paris à 5 h 45. L’engouement est considérable : le chemin de fer aurait amené au total 5 961 voyageurs ! « Le plus grand nombre de visiteurs fut obligé de passer la nuit dans les cabanes de bain, sur le pont des barques de pêcheur, sur les quais avec de la paille et même sans paille. Où la curiosité hippique va-t-elle se nicher ? », se demande Le Monde illustré[56].

Une exploitation contrariée

36 1863-1864 : c’est aussi le moment qu’attendent les promoteurs de Deauville pour se donner les outils économiques de l’exploitation de la nouvelle ville. La première étape est la création le 24 juillet 1863, d’une banque sous forme de société anonyme, la Caisse de Trouville-Deauville. Il n’est pas indifférent de noter que celle-ci intervient quelques jours seulement après la fondation par Armand Donon, le 6 juillet à Paris, de la Société de dépôts et de comptes courants, un clone du CIC, à la différence près que, pour la première fois en France dans le cas d’une banque, la nomination de la direction n’est plus de la responsabilité de l’État : Donon en devient donc logiquement président, ce qui permet au groupe Morny-Donon de s’émanciper de tout ce qui pouvait brider ses initiatives au CIC [57]. Donon, qui souscrit 52 % du capital d’un million de francs de la banque deauvillaise, en est le principal actionnaire tandis que Morny prend 10 %, les entrepreneurs de travaux publics, Jules Hunebelle et Thomas Vital Jeanne, respectivement 7,5 et 5 %. Le reste des actions est dispersé, pour des fractions ne dépassant pas 2,5 %, entre d’autres bâtisseurs de Deauville (Breney, Castor, Mauger), les familles Aubry et Gautier et les administrateurs du CIC ou de la Société de dépôts (Édouard Lichtlin, vice-président du CIC, Joseph de La Bouillerie, Albert Rostand), Paul-André Demètre, secrétaire du duc de Morny, ou encore le docteur Olliffe (2 %) [58]. Cette banque a pour fonction essentielle d’escompter les traites émises notamment par les acheteurs de terrains et d’immeubles et, donc, d’accorder aux vendeurs le crédit à court terme nécessaire à la fluidité des échanges.

37 En décembre, les statuts d’une nouvelle société anonyme, la Société des immeubles, docks et embellissements de Trouville-Deauville, sont signés chez Me Champion, notaire à Trouville [59], mais ses promoteurs, refusant les facilités de la loi du 23 mai 1863 qui libéralise la création des sociétés dites « à responsabilité limitée » de moins de 20 millions de capital, sollicitent l’autorisation du gouvernement [60]. Une enquête est donc instruite au cours de laquelle, le maire de Trouville s’empresse de préciser que si sa ville est « intéressée au plus haut point », c’est pour que

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« son nom ne figure pas dans cette dénomination, les intérêts de ces deux communes étant devenus tout à fait distincts par suite de la nouvelle délimitation qui leur a été assignée et par la création d’établissements organisée en vue de faire une concurrence sérieuse à Trouville » [61] !

39 L’expertise des apports apporte une information intéressante : 80 lots de terrains ont été vendus de 1861 à 1864 pour un prix variant entre 10 et 15 F le m2 et une somme globale (et sans doute approximative) de 500 000 F. Au prix minimum de 10 F le m2, 5 hectares seulement ont donc été vendus. Il est donc confirmé que l’exploitation commerciale commence à peine en 1864..., et que les acquéreurs ont fait une excellente affaire : achetés à 40 centimes le m2, les terrains sont revendus au minimum 25 fois plus chers, beaucoup plus, on l’a vu, si c’est en front de mer ! Avec 2 à 3 % de terrains vendus, ils ont déjà récupéré plus de 60 % de leur mise de départ !

40 Le 2 septembre 1864, une nouvelle mouture des statuts est signée devant Me Dufour, notaire attitré de Donon et Morny à Paris : la Société des immeubles de Deauville (SID) est finalement autorisée par décret du 10 septembre 1864. Son objet est de mettre en valeur et de vendre une partie des terrains, d’exploiter les établissements déjà construits (hôtel, casino, établissement hydrothérapique) et de réaliser « toutes autres constructions nécessaires à une ville nouvelle ». C’est une société anonyme au capital de 2,5 millions de francs en 5 000 actions dont 2 300 sont attribuées à Olliffe, 2 200 à Donon, 100 à Morny (soit 92 % pour ces trois premiers actionnaires), à Antoine Castor et au banquier parisien Sébastien de Neufville [62], 50 à Breney et Mauger, 25 enfin au baron Poisson, propriétaire à Deauville, à Samuel Félix de Saint-André, directeur de la Caisse de Trouville-Deauville, au député Douesnel et au conseiller général Joret-Desclosières.

41 Donon et Olliffe sont désignés comme les seules « parties apportantes » des biens suivants :

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  • 34 ha de terrains situés entre l’avenue Impériale et la mer, marquées en rose sur le plan joint à l’acte ; les îlots en blanc (14 en totalité, 8 partiellement, sur 66) sont en revanche déjà des propriétés privées et correspondent aux terrains des villas de Morny, Donon, Olliffe, Breney et de quelques-uns de leurs amis et à l’amorce de la construction d’une ville entre la gare et le casino, de part et d’autre de la future place Morny. Par ailleurs, 2,3 hectares ont déjà été vendus au cours de l’instruction de la société entre décembre 1863 et septembre 1864 pour une somme de
    318 336 F, soit 13,8 F le mètre carré [63] ;
  • La voirie, les digues et les canalisations d’eau ;
  • La source d’eau vive ;
  • L’autorisation d’établir un bac entre Trouville et Deauville selon l’arrêté préfectoral du 18 novembre 1862 ;
  • et 200 000 F en espèces.

43 Il est en outre précisé que

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« les terrains par eux apportés représentent dans l’ensemble du prix des terrains par eux acquis à l’origine les 3/4 au moins de ce prix », soit 600 000 F et qu’ils ont dépensé depuis leur acquisition « pour l’amélioration et la plus-value de ces terrains une somme supérieure à 2 000 000 F, savoir :
– contribution au bassin à flot : 300 000 F ;
– construction de routes, rues, quais, digues, travaux hydrauliques, bornes fontaines : 1 100 000 F ;
– construction d’un grand hôtel et de trois pavillons : 450 000 F ;
– construction d’un hippodrome avec champ de manœuvre (qui n’est pas inclus dans les apports) : 300 000 F. »

45 Ces évaluations (600 000 + 2 150 000 = 2 750 000 F) sont sensiblement inférieures à celles de l’expert qui estimait la valeur des terrains à 5,1 millions de F [64]. Le conseil d’administration provisoire, constitué avant l’assemblée générale, se compose « de M. le duc de Morny et de MM.... » les autres actionnaires qui sont tous cités. Les choses seraient claires si l’inventaire après décès de Morny du 21 mars 1865 n’apportait d’autres éléments révélant un montage dont les cheminements restent obscurs [65].

46 Il est fait état d’une part d’une « société existant de fait pour la mise en valeur et la vente de divers terrains sis à Deauville ». Elle réunit Morny, intéressé cette fois pour 10 /20e, Olliffe (3,5/20e), Donon (4,5/20e), Castor et Mauger (1 /20e), Breney (1 /20e). Olliffe est chargé de l’administration « en prenant toutefois l’avis à titre de conseil de Donon ». Ni enregistré, ni déposé au tribunal de commerce, l’acte de société n’est pas non plus présenté à Me Dufour, notaire chargé de l’inventaire. Or le Code de commerce précise que tout acte de société, doit en principe être rédigé par écrit dès lors que l’objet dépasse 150 francs, même pour une société civile, ce qui est le cas ici [66].

47 Morny possède d’autre part à son décès 2 000 actions de la SID, soit 40 % du capital, faisant « partie de celles attribuées en représentation de l’apport fait dans cette société anonyme par MM. Olliffe et Donon de trois cent quarante mille mètres de terrain (34 ha) qui dépendaient de la société existant de fait » [67]...

48 Tout se passe donc comme si, derrière la façade légale de titres de propriété reconnus à Donon et Olliffe jusqu’à leur apport d’une fraction de leurs propriétés à la SID, la jouissance en était partagée selon une toute autre répartition qui fait de Morny le principal intéressé dans l’opération deauvillaise. On peut s’interroger néanmoins sur les apports réels de Morny : d’après le Code civil, chaque associé doit apporter dans une société de l’argent, d’autres biens ou son industrie (pecunia et opera) (art. 1833), mais le droit français, contrairement au droit romain, ne reconnaît pas le crédit ou la faveur (gratia) : ainsi « il faudrait déclarer nulle, selon Pierre Larousse, la stipulation par laquelle un personnage puissant obtiendrait une part dans les bénéfices à raison du crédit dont il aurait promis d’aider la société » [68]. On peut certes reconnaître à Morny un rôle éminent dans la conception et l’érection de la ville nouvelle, mais ce « droit d’auteur » est-il de nature à l’emporter sur les apports en argent et en travail de ses collaborateurs ? Toujours est-il que cette société de fait est dissoute par la mort d’un des associés et le tribunal de commerce de la Seine ordonne le 30 juin 1868 la vente des immeubles.

49 L’inventaire après décès de Morny révèle enfin l’existence d’une autre société « en participation » avec Gustave Delahante [69] et le préfet Boittelle [70], chacun étant intéressé pour un tiers, dans la mise en valeur de 3,49 ha de terrains à Deauville [71] . Ces terrains sont pris sur ceux attribués à la SID de part et d’autre de l’avenue de l’hippodrome à l’arrière du casino et de son parc. Ils font l’objet d’une opération d’urbanisme qui provoque l’admiration d’Adolphe Joanne :

50

« En face du casino, s’ouvre une large rue bordée d’une double rangée de maisons, d’un aspect monumental, dont le rez-de-chaussée, précédé d’une galerie couverte supportée par de légères colonnes en fonte et surmontée d’une terrasse, est occupée par des magasins. De l’extrémité de cette rue, en regardant la mer, l’aspect du casino et de ces galeries rappelle au touriste le Cursaal de Wiesbaden, capital du duché de Nassau. » [72]

51 Sur le plan de Deauville, dressé par Jean-Louis Celinski en 1877, les terrains de part et d’autre de l’avenue de l’Hippodrome sont bien attribués au duc de Sesto (avec lequel la duchesse de Morny s’était remariée), à Delahante et à Boittelle [73].

52 Contrariée, l’exploitation économique de Deauville l’est d’abord par la mort, le 10 mars 1865, du duc de Morny qui brise incontestablement l’élan. Progressivement, d’autres sons de cloche se font entendre dans la presse qui découvre à Deauville un nouveau... désert, comme le Monde illustré, sous la plume cruelle d’Auguste Luchet :

53

« Deauville touche à Trouville : le port les sépare. Concurrence manquée ; magnificence déserte. Un grand seigneur avait conçu ce bain des empereurs ; il est mort et l’opération avec lui. C’est trop beau. On va y voir ; mais pour y demeurer, non. Deauville qui vit là, vit du trop-plein de Trouville. Pas un arbre. C’est Palmyre au bord de la Manche, et Palmyre sans les palmiers. Le commerce maritime pourra s’y poser un jour et faire de ces palais ses magasins : c’est l’espoir. En attendant, voilà bien des millions ensablés, avec sauvetage très équivoque. » [74]

Figure 2

Société immobilière de Deauville, état des terrains de la Société immobilière en septembre 1 877. Plan dressé par l’architecte Celinski

figure im2

Société immobilière de Deauville, état des terrains de la Société immobilière en septembre 1 877. Plan dressé par l’architecte Celinski

Archives municipales de Deauville, 1Fi5.

54 Dans Le Figaro, Auguste Vilanet énumère les occasions perdues :

55

« Un jour à Bade, je fus le confident de tous ses plans [de Morny] : il eût passé des traités avec les quatre scènes de genre et les directeurs du Gymnase, du Palais-Royal, des Variétés et du Vaudeville, largement désintéressés, lui auraient amené chaque soir un spectacle ménagé dans leur troupe dédoublée. Il aurait fondé le cercle des cercles, c’est-à-dire que tout membre d’un cercle de Paris eût été admis, sur présentation de sa carte, dans un salon qui eût réuni tous les agréments et tous les luxes des meilleures institutions de ce genre. [...] Bien d’autres projets fermentaient dans sa tête, et nul doute qu’il eût tiré des sables de la mer une ville qui fût devenue la Capoue de la côte normande. » [75]

56 En perdant sa locomotive mondaine, Deauville se banalise quelles que soient les qualités du site. Fort logiquement, les affaires de la SID ne marchent pas très bien : d’après un état dressé en mars 1870, 9,7 ha seulement ont été vendus depuis décembre 1863 ; 7,4 depuis septembre 1864 [76]...

57 La chute de l’Empire, l’invasion et la défaite de la France, les drames de la Commune sont de nouveaux coups portés à la villégiature mondaine et insouciante. Le 21 décembre 1872, l’assemblée générale de la SID, présidée par Breney, puisque « le conseil [d’administration] n’a plus ni président, ni vice-président » décide à l’unanimité la liquidation de la société après avoir constaté « la perte de plus de la moitié du capital » et désigne Paul-André Demètre, ancien secrétaire de Morny, comme liquidateur. Le bilan au 31 octobre 1872 révèle que le capital (1 , 9 millions de F) a déjà subi une réduction antérieure de 600 000 F et que l’exercice se solde par une nouvelle perte de 622 000 F. En outre, le montant des dettes (près d’1 , 9 millions de F dont un million dû à la Caisse de Trouville-Deauville et 653 000 au Crédit agricole) approche dangereusement de la valeur présumée des terrains restant à l’actif (2,3 millions) [77]. Comme ces derniers sont en réalité invendables, les actionnaires doivent rembourser les créanciers sur leurs propres fonds et peuvent se répartir en contrepartie les terrains non vendus : sur le plan précité de 1877, figurent les terrains encore non construits appartenant à Donon, Boittelle, Delahante et à la duchesse de Sesto, veuve de Morny. Certains îlots restent encore propriétés de la SID. 18 îlots, sur les 66 au départ, sont encore vierges de toute construction, notamment à l’ouest du casino où seul le front de mer est bâti [78] ; d’autres ne sont que très partiellement construits, si bien qu’on peut estimer que la ville, au nord de l’avenue Impériale, est alors réalisée aux deux-tiers par rapport aux plans initiaux [79]. Au sud de cette avenue, outre l’hippodrome, seule l’église catholique Saint-Augustin, consacrée en juillet 1865, a été construite [80]. La liquidation traîne en longueur : une assemblée générale des actionnaires est encore convoquée le 30 octobre 1886 au siège de la Société de dépôts à Paris pour nommer un nouveau liquidateur [81]...

58 Entre-temps, un troisième coup dur s’est produit au cours de l’hiver 1874-1875 : une tempête déplace un banc de galet qui repousse le rivage d’une centaine de mètre et crée une nouvelle zone marécageuse et nauséabonde entre les villas et la mer [82]. Avant que cette laisse de mer ne soit investie par de nouvelles activités de loisir, il s’écoulera des décennies. En attendant, Deauville s’est assoupie et devra attendre la Belle Époque pour être relancée.

59 L’exploitation économique tourne donc au fiasco. L’affaire n’a peut-être pas été aussi profitable qu’elle aurait dû et pu l’être. Sans doute Donon et Olliffe n’ont-ils pas perdu d’argent, mais il semble bien que les plus-values résultant de la transformation de marais côtiers en ville de loisir leur ont en partie échappé. Dans quelle mesure les dix hectares seulement vendus après 1863 ont-ils permis de rentabiliser les investissements initiaux, on l’ignore. Mais tout le paradoxe de la création de Deauville réside dans ce contraste entre une opération qui présente tous les caractères de la spéculation à court terme, aux profits moins mirobolants que prévus, et une entreprise dont les fondamentaux sont suffisamment solides pour traverser les siècles. Si Morny se trompe quand il croit pouvoir combiner l’activité d’un port de commerce avec les plaisirs du tourisme balnéaire, lui et son équipe voient juste sur quelques éléments décisifs pour l’avenir : le plan d’urbanisme, la liaison ferroviaire avec Paris, la construction d’un hippodrome et le standing des villas de la Terrasse. Ainsi, lorsque les premiers propriétaires ou leurs héritiers vendent leurs villas, on ne constate pas de déclassement : le magnat russe Paul Demidoff vend en 1877 sa somptueuse Villa romaine au baron de Soubeyran (1828-1897), sous-gouverneur du Crédit foncier et fondateur, après sa révocation en 1878, d’un groupe d’affaires considérable, député et propriétaire... d’une fameuse écurie de course [83]. En 1881 , c’est le baron d’Erlanger (1832-1911), un banquier parisien mêlé à de multiples grandes affaires internationales, qui achète au duc de Sesto la villa de Morny ; rebaptisée La Louisiane, elle devient le rendez-vous mondain de la station à la fin du siècle [84].

60 En 1875, la ville reste inachevée. Mais ses fondateurs l’ont dotée d’un capital immatériel très précieux : ils ont créé une image, une marque – « un Bade marin, un Brighton français » – celle d’une villégiature luxueuse, capable de faire le dos rond dans les périodes difficiles et de s’épanouir dès que le contexte devient favorable.

Notes

  • [*]
    Université de Haute-Alsace, CRESAT EA3436.
  • [1]
    Selon l’expression d’Alain Corbin, reprise par Bernard Toulier, Architecture et urbanisme. Villégiature des bords de mer, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Éditions du patrimoine, 2010, p. 10-24.
  • [2]
    À Cabourg, une société immobilière doit racheter les dunes précédemment vendues à des particuliers. D’après Daniel Clary, Le tourisme dans l’espace français, Paris, Masson, 1993, p. 105.
  • [3]
    À l’exception de deux phares et d’une maison, augmentés en 1841 d’un poste de douane et en 1848-1849 d’une caserne et d’une maison pour le gardien des feux ; d’après Lionel Duhault, « Richesses des archives municipales de Deauville », dans Dominique Barjot, Éric Anceau, Nicolas Stoskopf (sous la direction de), Morny et l’invention de Deauville, Armand Colin, 2010, p. 63.
  • [4]
    Je remercie vivement Lionel Duhault et Didier Hébert de m’avoir communiqué le résultat de leurs recherches dans les Archives municipales de Deauville pour le premier, aux Archives nationales pour le second (notamment F12 / 6783) ainsi que Me Pascal Dufour, notaire à Paris, (et son collaborateur Ahmed Zroug) pour l’envoi de la copie de la minute du 2 septembre 1864 (statuts de la Société des immeubles de Deauville).
  • [5]
    Morny est nommé duc en juillet 1862. Sur Morny, voir Agnès d’Angio-Barros, Morny. Le théâtre du pouvoir, Paris, Belin, 2012.
  • [6]
    Il s’agit de Louis-Marie Buffile de Brancas ((1772-1852), pair de France (1825-1829), Grand d’Espagne de 1re classe, dont la fille Yolande et son mari Ferdinand Hibon, comte de Frohen, attaquent en appel les communes de Deauville et Tourgéville en 1855 ; voir Georges Besnard, Mémoire pour M. Marie-Ferdinand Hibon... contre les communes de Deauville et Tourgéville, Caen, 1855.
  • [7]
    Ibidem, p. 64-65.
  • [8]
    Archives municipales de Deauville (désormais AMD), 1D2, Conseil municipal du 16 avril 1859, cité par Florence Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 80.
  • [9]
    Gabriel Désert, La vie quotidienne sur les plages normandes du Second Empire aux années folles, Paris, Hachette, 1983, cité par Jean-Pierre Chaline, « La Normandie dans les années 1850 », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 41 .
  • [10]
    D’après Didier Hébert, « Deauville : création et développement urbain », In Situ, Revue des patrimoines, no 6, 2005, p. 2, http://insitu.revues.org/ .
  • [11]
    Philippe Dupré, « Le tourisme à la conquête du littoral normand : mainmise sur un territoire », Destination Normandie. Deux siècles de tourisme XIXe-XXe siècles, catalogue de l’exposition de Caen, 2009, Cully, OREP, 2009.
  • [12]
    Cité par Jean-Pierre Chaline, « La Normandie dans les années 1250 » dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 41.
  • [13]
    Marie-Françoise Moisy, « 1855, l’année ou l’actuel Deauville faillit ne pas exister », Athéna sur la Touques, no 182, décembre 2009, p. 10-17. Pour l’auteur et Lionel Duhault, archiviste de Deauville, l’argument ne serait qu’un prétexte pour empêcher une fusion, pourtant approuvée par le conseil d’arrondissement de Pont-l’Évêque, qui aurait compromis les projets du groupe Morny.
  • [14]
    Cette loi approuve la convention du 29 juillet 1858, entre la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest et l’État, prévoyant la construction d’un nouveau réseau dont le prolongement Lisieux-Trouville. Contrairement à ce qu’affirment certains auteurs, Morny (ni aucun autre protagoniste de la construction de Deauville) n’est pas administrateur de la compagnie ; voir Archives du Musée du chemin de fer (CERARE), Archives municipales de Mulhouse, 89 A 617, Assemblée générale du 29 mars 1860 , p. 1 et 5.
  • [15]
    Breney, né à Luxeuil, est élève aux Beaux-Arts à Paris de 1826 à 1829, puis s’installe comme architecte à Paris. Marie-Françoise Moisy, « L’énigmatique Desle François Breney, architecte et créateur du nouveau Deauville (1804-1891), Athena sur la Touques, no 194, décembre 2012, p. 4-10.
  • [16]
    Ibidem, p. 12-21 .
  • [17]
    Nicolas Stoskopf, Les patrons du Second Empire, Banquiers et financiers parisiens, vol. 7, Paris, Picard-Cenomane, p. 142-149 ; Idem, 150 ans du CIC (1859-2009). Une audace bien tempérée, t. 1 , Paris, La Branche, 2009.
  • [18]
    Les deux éléments manquants sont encore en devenir : « Un système économico-convivial qui s’ouvre progressivement », « une traduction urbanistique et architecturale du système » ; d’après Daniel Clary, Le tourisme dans l’espace français, op. cit., p. 105-106.
  • [19]
    Voir Lionel Duhault, qui fait référence aux documents des Archives municipales de Deauville, « Richesses des archives municipales de Deauville », op. cit., p. 65-67.
  • [20]
    AD Calvados 8E 16217, Acte de vente, 28.11.1859, Me Champion.
  • [21]
    Lionel Duhault, « Richesses des archives municipales de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville op. cit., p. 67-68.
  • [22]
    AD Calvados 8E 28641 , Acte de vente, 27.7.1864, Me Blot-Beaulieu. À noter que cette villa est la seule de cette époque à subsister en front de mer.
  • [23]
    AN F12/6783, Décret impérial du 4.8.1860, actes de la préfecture ; à noter que les actes de vente sont passés le 24 août et le 19 novembre 1860 .
  • [24]
    Yves Aublet, Mémoire en images : Deauville, Joué-lès-Tours, Alan Sutton, p. 11 et 12.
  • [25]
    Nicolas Stoskopf, « Morny et son groupe : des affaires à la villégiature », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 52 et svtes.
  • [26]
    Marie-Françoise Moisy, « L’énigmatique... », op. cit., p. 15.
  • [27]
    Florence Bourillon, « Le plan d’urbanisme de Deauville », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 75-89 ; Didier Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », ibidem, p. 91-112.
  • [28]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [29]
    Constantin James (1813-1888), Guide pratique aux eaux minérales et aux bains de mer, Paris, Masson, 1867, p. 356.
  • [30]
    D’après Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [31]
    Inauguré en mars 1863. Voir Sophie Cueille, « Le cheval de course en Île-de-France, une présence architecturale et paysagère », In Situ, Revue des patrimoines, no 18, 2012, p. 13, http:// insitu.revues.org/.
  • [32]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [33]
    Constantin James, Guide pratique aux eaux minérales, op. cit., p. 356.
  • [34]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [35]
    Ce projet nous paraît insolite aujourd’hui, notamment en raison de l’espace disponible à Deauville, mais, dans le sens inverse, de nombreuses villes portuaires (Dieppe, Le Havre, Saint-Malo, Les Sables-d’Olonnes, etc.) se sont enrichies d’une activité balnéaire et sont devenues des « villes Janus », selon l’expression de Bernard Toulier, Villégiatures..., op. cit., p. 44.
  • [36]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, Normandie, Paris, Hachette, 1866, p. 394.
  • [37]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21.8.1867. De fait, les ports normands connaissent une forte croissance au cours du Second Empire : le trafic en volume double à Honfleur ou au Havre. D’après Bruno Marnot, « Les ports du littoral normand sous le Second Empire », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 213.
  • [38]
    La Vie Parisienne, 21.10.1865 ; sur Mauger et Castor, voir leurs dossiers de Légion d’honneur sur la base Léonore des AN ; sur la construction du pont de Kehl et les techniques mises en œuvre, voir Nicolas Stoskopf, Le Train, une passion alsacienne, Strasbourg, Vent d’Est, 2012, p. 106-119.
  • [39]
    Nouvelles Annales de la construction, 8e année, 1862.
  • [40]
    Il s’agit d’une citation des auteurs, pas de Morny directement. Cf. Roger Deliencourt et Jean Chennebenoist, Deauville, son histoire, t. 1 , Des origines à 1914, Honfleur, 1979, p. 130-131 .
  • [41]
    Jules Lecomte (1813-1864), Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [42]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [43]
    La Vie Parisienne, 21 .10.1865.
  • [44]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, op. cit., p. 394. À noter qu’il n’est jamais question dans ces divers documents d’un port de passagers.
  • [45]
    Propos rapporté par Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [46]
    Jules Lecomte, Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [47]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [48]
    Jules Lecomte, Le Monde illustré, 29.8.1863.
  • [49]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [50]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [51]
    Léo de Bernard, Le Monde illustré, 9. 12. 1865.
  • [52]
    L’Art industriel, organe général des sciences, des arts et des métiers appliqués à l’industrie, 1868. Le terme de « jupe benoîton » vient d’une pièce de Victorien Sardou, créée au Vaudeville le 4 novembre 1865, où les costumes féminins étaient quelque peu excentriques (d’après Pierre Rézeau que je remercie).
  • [53]
    Nestor Roqueplan, Le Figaro, 18.8.1865.
  • [54]
    Roger Deliencourt et Jean Chennebenoist, Deauville, son histoire, op. cit., p. 133.
  • [55]
    AN F12/6783, Acte passé devant le préfet du Calvados, 13.1 .1864. Ces constructions légères de plage, édifiés sur le domaine maritime, ne doivent pas être confondues avec l’établissement hydrothérapique, de style mauresque, édifié à l’extrémité est de la Terrasse, à proximité de l’embouchure de la Touques. Voir Didier Hébert, « L’architecture de la villégiature à Deauville sous le Second Empire », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 94-95.
  • [56]
    Le Monde illustré, 3.9.1864.
  • [57]
    Nicolas Stoskopf, Les Patrons..., op. cit., p. 144 ; 150 ans du CIC..., op. cit., p. 60-61. À noter que la Société de dépôts est créée le même jour que le Crédit lyonnais avec un capital triple de ce dernier.
  • [58]
    AD Calvados 8 E 16229, Acte de société, 24.7.1863, Me Champion.
  • [59]
    AD Calvados 8 E 16231 , Acte de société, 19.12.1863, Me Champion.
  • [60]
    Le CIC et la Société de dépôts et de comptes courants procèdent de même lors de la création de la Société lyonnaise de dépôts, de comptes courants et de crédit industriel (devenue Lyonnaise de banque), autorisée en juillet 1865, et de la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôts (devenue Société marseillaise de crédit, SMC), autorisée en novembre 1865. Voir Nicolas Stoskopf, 150 ans du CIC..., op. cit., t. 1 , p. 65 ; t. 2, p. 16 et 34. Les fondateurs ont peut-être le souci d’éviter la dénomination de « société à responsabilité limitée » et de continuer à bénéficier du relatif prestige lié à l’autorisation gouvernementale ; voir Anne Lefebvre-Teillard, La Société anonyme au XIXe siècle, PUF, 1985, p. 429, note 29, et 435.
  • [61]
    AN F12/6783, Lettre au sous-préfet de Pont-l’Évêque, décembre 1863.
  • [62]
    Propriétaire à Houlgate, il devient également administrateur de la Société de dépôts et de comptes courants ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 268-270.
  • [63]
    AN F12/6783, Procès-verbal de prise de possession des apports par la SID, 9.12.1864.
  • [64]
    AN F12/6783, Procès-verbal d’expertise du 16 avril 1864.
  • [65]
    AN MC XLVIII-935, Inventaire après décès du duc de Morny, 21 .3.1865, Me Dufour.
  • [66]
    D’après Durand de Nancy, Nouveau Guide en affaires, Paris, Garnier Frères, 1860, p. 281 ; ou Pierre Larousse, article « association », Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1867, p. 799.
  • [67]
    Souligné par nous.
  • [68]
    Pierre Larousse, article « association », op. cit., p. 799.
  • [69]
    Gustave Delahante (1816-1905), engagé dans les affaires ferroviaires et minières du centre de la France, se lie à Morny et à Donon au milieu des années 1850 et participe activement à leurs affaires bancaires et ferroviaires, notamment en Espagne et en Italie ; il est propriétaire d’une villa sur la Terrasse de Deauville et de divers autres villas ou terrains ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 128-130.
  • [70]
    Joseph Symphorien Boittelle (1813-1897), préfet de police au lendemain de l’attentat d’Orsini en 1858, administrateur, comme Delahante, de la Société de dépôts et de comptes courants présidée par Donon, est également propriétaire d’une villa sur le Terrasse de Deauville ; voir Nicolas Stoskopf, « Morny et son groupe... », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, op. cit., p. 57.
  • [71]
    Et non 35 ha, comme cela est écrit par erreur dans ibidem, p. 59.
  • [72]
    Adolphe Joanne, Itinéraire général de la France, op. cit., p. 395. Dans La Vie parisienne du 21 octobre 1865 (p. 587), l’auteur indique que les maisons à arcades de l’avenue de l’Hippodrome appartiennent à M. Delahante.
  • [73]
    AMD 1Fi 5, État des terrains de la Société immobilière de Deauville (septembre 1877), dressé par Jean-Louis Celinski.
  • [74]
    Auguste Luchet, Le Monde illustré, 13.10.1866.
  • [75]
    Auguste Vilanet, Le Figaro, 21 .8.1867.
  • [76]
    AMD, 1 Fi 4, État des terrains de la SID au 30 mars 1870 , plan dressé le 26.3.1873 par Jean-Louis Celinski, architecte.
  • [77]
    AN F12/6783, Bilan de la SID au 31 .10.1872.
  • [78]
    Il n’y a encore aucune construction à l’arrière des villas de Donon et Olliffe.
  • [79]
    AMD 1Fi 5, Plan de Jean-Louis Celinski, 1877.
  • [80]
    Lionel Duhault, « Richesse des archives... », dans Dominique Barjot et alii, Morny et l’invention de Deauville, p. 70.
  • [81]
    D’après une convocation aimablement transmise par M. Yves Aublet.
  • [82]
    Yves Aublet, Mémoire en images, op. cit., p. 18.
  • [83]
    Son écurie fut la première en France par ses gains de 1887 à 1890 ; voir Nicolas Stoskopf, Banquiers..., op. cit., p. 333-340.
  • [84]
    Ibidem, p. 162-166.
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