Couverture de RHU_037

Article de revue

Henri Sellier, Raymond Unwin et l'urbanisme

Les enjeux épistémologiques d'une traduction

Pages 125 à 148

Notes

  • [*]
    Centre de Recherche sur l’Habitat, UMR 7218 LAVUE, Institut d’urbanisme de Paris.
  • [1]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice. An introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs, with 300 illustrations, Londres, Leipsic, T. Fischer Unwin Ltd, 1909.
  • [2]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes. Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, introduction de Pierre Chabard, traduit de l’anglais par William Mooser, Gollion. Infolio éditions, 2012.
  • [3]
    Raymond Unwin, Étude pratique des plans de villes. Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, traduit de l’anglais par Henri Sellier, présentation par Jean-Pierre Frey, Marseille, Éditions Parenthèses, 2012.
  • [4]
    Catherine Didier-Fèvre http://clio-cr.clionautes.org/spip.php ?article4008
  • [5]
    Jean-Pierre Frey, « Généalogie du mot ‘‘urbanisme’’ », Urbanisme, no 304, janvier-février 1999, p. 63-71.
  • [6]
    Jean-Pierre Gaudin, Desseins de villes, ‘‘Art Urbain’’ et Urbanisme, Paris, L’Harmattan, 1991 .
  • [7]
    Georges Eugène Haussmann, Mémoires, Paris, Victor Havard éditeur, 3 vol., quatrième édition 1893.
  • [8]
    Georges Lefebvre, Service municipal. Plantations d’alignement, promenades, parcs et jardins publics, Paris, P. Vicq-Dunod, 1897.
  • [9]
    Charles Buls, Esthétique des villes, Bruxelles, impr. de Bruylant-Christophe et Cie, 1893.
  • [10]
    Anne Cormier, Extension-limites-espaces libres, les travaux de la section d’hygiène urbaine et rurale du Musée social, mémoire de fin d’études du CEA architecture urbaine, sous la direction de Jean-Louis Cohen, Paris, École d’Architecture Paris-Malaquais, 9 octobre 1987.
  • [11]
    Eugène Hénard, Études sur les transformations de Paris, Paris, impr. Motteroz, 1903-1909.
  • [12]
    Ildefonso Cerdà, Teoria general de la urbanización y aplicación de sus principios y doctrinas a la reforma y ensanche de Barcelona, Madrid, Imprenta española, 1867.
  • [13]
    Ildefonso Cerdà, La Théorie générale de l’urbanisation, présentée et adaptée par Antonio Lopez de Aberasturi [traduite par Jacques Boulet], Paris, Éditions du Seuil, 1979.
  • [14]
    Josef Stübben, Der Städtebau, Darmstadt, A. Bergsträßer, 1890.
  • [15]
    Josef Stübben, La Construction des villes, règles pratiques et esthétiques à suivre pour l’élaboration de plans de villes. Rapport présenté au Congrès international des Ingénieurs de Chicago, 1893, traduction de Ch. Buls, bourgmestre de Bruxelles, Bruxelles, E. Lyon-Claesen Éditeur, 1895.
  • [16]
    Arturo Soria y Mata, La Ciudad Lineal. Antecedentes y datos varios acerca de su construcción, Madrid, Establecmiento tipográfico Sucesores de Rivadaneyra, septembre 1894.
  • [17]
    Arturo Soria y Mata, Cité linéaire. Conception nouvelle pour l’aménagement des villes, traduit de l’espagnol par Georges Benoit-Lévy, Paris, CERA (Centre d’études et de recherches architecturales), 1979.
  • [18]
    Camillo Sitte, Der Städte-Baunach seinen künstlerischen Grundsätzen, ein Beitrag zur Lösung modernster Fragen der Architektur und monumentalen Plastik, unter besonderer Beziehung auf Wien, Vienne, C. Graeser, 1889.
  • [19]
    Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes, l’urbanisme selon ses fondements artistiques, traduit [de la 3e éd. allemande] par D. Wieczorek, préface de Françoise Choay, Paris, Édition de l’Équerre, 1980.
  • [20]
    Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes, notes et réflexions d’un architecte, traduites et complétées par Camille Martin..., Genève, Éd. Atar ; Paris, H. Laurens, [circa 1900].
  • [21]
    . Ebenezer Howard, To-Morrow, a Peaceful Path to Real Reform, Londres, Faber and Faber Ltd, 1898 ; reformulé et republié sous le titre Garden-Cities of To-morrow, Londres, Faber and Faber Ltd, 1902.
  • [22]
    Ebenezer Howard, Les Cités-jardins de demain, préface de Frédéric James Osborn, traduit par Thérèse Elzière avec le concours de Jacques Engelmann, Paris, Dunod, 1969.
  • [23]
    Ebenezer Howard, Ville-jardin de demain, traduction de L. E. Crepelet, Tientsin, the Tientsin Press, 1917.
  • [24]
    Patrick Geddes, Cities in Evolution. An Introduction to the Town-planning movement and the Study of civics, Londres, Williams & Norgate, 1915.
  • [25]
    Charles Robert Ashbee, Where the Great City stands. A Study in the new Civics, Londres, the Essex House Press, 1917.
  • [26]
    Patrick Geddes, L’Évolution des villes, une introduction au mouvement de l’urbanisme et à l’étude de l’introduction civique, traduction de Brigitte Ayramdjan, Paris, Temenos, 1994.
  • [27]
    Benjamin Seebohm Rowntree, Poverty, a study of town life, Londres, Macmillan, 1901.
  • [28]
    Raymond Unwin, Cottage plans and common sense, s. l., Fabian Society, 1908.
  • [29]
    Le Local Government Board est un département de l’administration du Royaume-Uni que la loi institue en 1871. Il remplace celui de la santé datant de 1848 et est composé de divers membres du gouvernement pour statuer sur les questions d’hygiène et de santé en relation avec les autorités locales.
  • [30]
    Anthony Sutcliffe, « La naissance de l’urbanisme officiel en Grande-Bretagne, 1900-1914 », dans Jean-Pierre Gaudin (sous la direction de), In extenso, Recherches de l’École d’Architecture Paris-Villemin, no 11 : Les Premiers urbanistes français et l’art urbain, 1900-1930, Paris, École d’Architecture Paris-Villemin, 1987, p. 21-41 , p. 21 ; voir aussi idem, « Le contexte urbanistique de l’œuvre de Henri Sellier : la transcription du modèle anglais de la cité-jardin », dans Katherine Burlen (sous la direction de), La banlieue oasis, Henri Sellier et les cités-jardins, 1900-1940, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1987, p. 67-79.
  • [31]
    . Raymond Unwin, Grundlagen des Städtebaues, eine anleitung zum entwerfen Städtebaulicher anlagen von Raymond Unwin. Aus dem Englischen übersetzt von L. Mac Lean, regierungsbaumeister A. D., Berlin, Otto Baumgärtel, 1910.
  • [32]
    Town planning in practice, an introduction to the art of designing cities and suburbs, with a new introduction and 310 illustrations, New York, The Century Co., [1932].
  • [33]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice, an introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs, New York, B. Blom, 1971 .
  • [34]
    Town planning in practice : an introduction to the art of designing cities and suburbs, avec une préface de Andres Duany et une nouvelle introduction de Walter Creese, New York, Princeton Architectural Press, 1994.
  • [35]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, Mâcon, impr. Protat frères, s.d. [1922].
  • [36]
    Sur Léon Jaussely, l’un des urbanistes les plus importants des débuts du XXe siècle, voir Laurent Delacourt, Léon Jaussely (1875-1932), un urbaniste éclectique, thèse de doctorat en « Urbanisme et architecture » sous la direction de Gilles Novarina, Institut d’Urbanisme de Grenoble, Université Pierre Mendès-France, octobre 2006.
  • [37]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 2 rue de l’Échelle, Mâcon, impr. Protat frères, 1930.
  • [38]
    La seule indication que nous ayons trouvée sur ce traducteur nous fait imaginer qu’il pourrait s’agir de William Mooser III (1893-1969), connu sous le nom William Mooser, Jr., fils et petit fils d’architecte, qui a fait des études en France, puis retourne aux États-Unis en 1923 [http://www.classicsfproperties.com/].
  • [39]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de ville, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Édition de l’Équerre, 1981 .
  • [40]
    Henri Sellier, La Pratique de l’aménagement des villes, tapuscrit multigraphié, s.d..
  • [41]
    . Ancien instituteur, Louis Boulonnois, collaborateur, homme de confiance et disciple inconditionnel d’Henri Sellier, fut secrétaire général de la Ville de Suresnes.
  • [42]
    Katherine Burlen (sous la direction de), La Banlieue Oasis. Henri Sellier et les cités-jardins 1900-1940, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1987 ; Roger-Henri Guerrrand et Christine Moissinac, Henri Sellier, urbaniste et réformateur social, Paris, La découverte, 2005 ; Henri Sellier, Une cité pour tous, présentation de Bernard Marrey, Paris, Éd. du Linteau, 1998.
  • [43]
    Gaston Bardet, Petit glossaire de l’urbaniste en six langues, Paris, Éditions Vincent, Fréal & Cie, 1948.
  • [44]
    Jean-Pierre Frey, « Quand Architectes et Architectes-Urbanistes parlent de la ville : deux définitions différentes de l’Urbanisme ? », dans Philippe Boudon (sous la direction de), Langages singuliers et partagés de l’urbain, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 45-73.
  • [45]
    René Clozier, L’Architecture, éternel livre d’images, ses lois, ses styles, son esthétique, son rôle social, son histoire. 33 gravures commentées par René Clozier, architecte diplômé du gouvernement, Paris, Henri Laurens éditeur, (1936) seconde édition 1948 ; Jacques Gréber, « Rôle social de l’urbanisme », Les Cahiers du Musée social, nº 1 , 1950, p. 3-13 ; Raymond Lopez, « Du rôle social de l’architecte », rubrique « Architecture et urbanisme » no 4, Annales de l’Institut technique du bâtiment et des travaux publics, no 97, octobre 1949, p. 3-24 ; Géo Minvielle, L’Architecte, son rôle social et professionnel, Lyon, Association provinciale des architectes français, 1931.
  • [46]
    L’École nationale d’administration municipale correspond à une filière de formation des agents administratifs municipaux qui apparaît en 1922 au sein de l’École des hautes études urbaines.
  • [47]
    Jean Claude Nicolas Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, Paris, Hachette, 1906, 2e édition 1908.
  • [48]
    Gaston Bardet, Petit glossaire..., op. cit.
  • [49]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice, [1932], op. cit., p. 72-77.
  • [50]
    Maurice Halbwachs, « La population et le tracé des voies à Paris depuis cent ans », Métron, Revue internationale de statistique, Padoue, 1925, p. 1-23 ; idem, La Population et le tracé des voies à Paris depuis un siècle, Paris, PUF, 1928 ; idem, La Politique foncière des municipalités, Paris, Librairie du Parti socialiste, 1908.
  • [51]
    . Gordon Cullen, Townscape, London, The Architectural Press, 1961 .

1L’ouvrage majeur de Sir Raymond Unwin, Town Planning in practice, an introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs [1] , vient de faire l’objet de deux nouvelles éditions en langue française, avec deux traductions différentes. L’une, déjà ancienne, reprend la première édition française des années vingt, où le texte est traduit par William Mooser [2]. L’autre, préfacée par nos soins, propose une traduction inédite due à l’un des fondateurs de l’urbanisme en France, Henri Sellier [3].

2 Les premières recensions de cette dernière parution soulignent que la plupart des questions d’urbanisme abordées par l’auteur n’ont toujours pas trouvé de solutions satisfaisantes et que, par conséquent, l’ouvrage est « d’une terrible actualité » [4]. Son approche de la planification urbaine a non seulement marqué les esprits au moment de sa rédaction à cause de l’intérêt qu’ont présenté les expériences de cités-jardins anglaises au début du XXe siècle, mais aussi, quelques années plus tard, pour faire pièce au fonctionnalisme triomphant du Mouvement moderne.

3 Le texte d’Unwin présente tout d’abord l’intérêt de concevoir un mode spécifique de planification pour fabriquer de la ville à l’écart des agglomérations existantes, avec un souci d’équilibre spatial et d’équité sociale. Mais ce point de vue pratique se double d’une conceptualisation rigoureuse qui n’est pas que le simple argumentaire des réalisations présentées. C’est à proprement parler un traité, dont les ambitions théoriques n’ont pas échappé aux principaux tenants européens de ce nouveau domaine que l’on désigne en France par le mot « urbanisme ». Aussi bien par son contenu sémantique que par le choix des mots par ses divers traducteurs, cet ouvrage d’Unwin constitue un lieu symbolique, symptomatique de la confrontation des idées dans le champ pratique et théorique de la planification urbaine. Les engouements et les controverses qu’il a suscités depuis un siècle en témoignent.

Une œuvre pionnière de la pensée urbanistique européenne

DES TEXTES FONDATEURS ET FONDAMENTAUX EN MAL DE FRANCOPHONIE

4 Le titre anglais indique d’emblée que cette littérature imagée, d’un genre nouveau, tient à la fois du Town Planning et de l’Urban Design, dont on cherche en français à agglomérer les aspects théoriques et pratiques sous le vocable « urbanisme », apparu en 1910 dans la Revue neuchâteloise de géographie [5] désignant à la fois un art et une science. Réunis au sein du Musée social, et plus particulièrement de sa Section d’Hygiène Urbaine et Rurale née en 1908 de la fusion de la section des « Missions et enquêtes » et de celle des « Relations avec les sociétés existantes traitant des questions sociales », les fondateurs français de l’urbanisme, à la fois promoteurs de la législation en la matière et initiateurs des premiers enseignements français d’urbanisme, seront en quelque sorte condamnés à chercher leurs sources d’inspiration à l’étranger, notamment outre-Manche. Le rapport entre les aspects programmatiques de la production de l’espace, plutôt du côté de ce que l’on désigne en France en termes de maîtrise d’ouvrage (et qui renvoie aux décisions politiques, à la promotion immobilière ou à une ingénierie d’ouvrages d’art), et les aspects de la mise en forme des lieux par une maîtrise d’œuvre caractérisée par les dessins d’architecture ou le tracé de plans de villes, ne cesse de poser problème. Cette opposition, exprimée par les termes « urbanisme » d’un côté, « art urbain » de l’autre [6], renvoie en fait à une organisation plus large des conditions de production de l’espace que les seules maîtrises d’ouvrage et d’œuvre. Ce mode de production implique en effet une divergence conceptuelle dans les visions ou le découpage spatial du monde. Sont ainsi en cause les compétences dont doivent être dotés les divers professionnels requis. Lorsqu’il s’agira de préciser ce que l’on entend exactement par « urbanisme », dans la perspective des enseignements prévus dès le début de la Première Guerre mondiale (qui ne prendront effet qu’en 1919) à l’École des Hautes Études Urbaines, la plupart des textes témoignant de réalisations marquantes en matière de planification urbaine, ainsi que ceux qui s’apparentent à des traités, sont majoritairement en provenance de l’étranger et posent des problèmes de traduction. Pour évaluer l’audience de ces textes, il faudrait avoir une idée de la maîtrise des langues étrangères chez les professionnels français de ce champ au cours du dernier siècle. Si l’on excepte les Mémoires du Baron Haussmann (dont la première édition complète commence en 1890) [7] et le texte de Georges Lefebvre [8], cantonné à la question des plantations, il ne reste guère que le Belge Charles Buls pour offrir un texte en français sur la question urbaine émergente [9]. Il y a bien sûr les contributions notoires d’Eugène Hénard aux réflexions menées au sein du Musée social [10] sur le large éventail des types d’actions à mener dans Paris. Mais la publication de ses textes en fascicules séparés [11] indique les difficultés rencontrées pour réunir les divers types de projets dans ce qui ferait figure de champ à la fois unifié et proprement urbain de la planification.

5 On peut s’accorder sur cinq grands précurseurs de la pensée urbanistique européenne. Les textes du premier [12], Ildefonso Cerdá, barcelonais, n’ont fait l’objet d’une traduction – partielle – en français qu’en 1979, soit 112 ans plus tard [13]. Vient ensuite l’ouvrage remarquable de l’Allemand Josef Stübben [14], jamais traduit en français ; seul un extrait fut mis à la disposition des lecteurs francophones par Charles Buls en 1895 [15]. L’Espagnol Arturo Soria y Mata livre à partir de 1882 et surtout de 1894, dans la revue La Ciudad Lineal, un ensemble de notes, articles et brochures publiés pendant près de trente ans [16] ; une traduction partielle, restée confidentielle, est due à l’initiative de Georges Benoit-Lévy, membre éminent du Musée social et principal théoricien des cités-jardins [17]. Le texte de l’Autrichien Camillo Sitte [18] est le premier à avoir eu un véritable retentissement, même s’il faut attendre 1980 et les efforts conjoints de Françoise Choay, Bernard Huet et Antoine Grumbach auprès des éditions de l’Équerre pour que ce texte fondamental soit réellement accessible [19]. Une traduction antérieure avait bien été tentée par l’architecte suisse Camille Martin, mais le texte de la quatrième de couverture de l’édition de 1980 mentionne que « En France, il est demeuré inconnu ou méconnu, en partie à cause d’une traduction défectueuse (1902) [...] » [20]. Ebenezer Howard, enfin, passe légitimement pour le véritable inspirateur des cités-jardins [21] et des travaux d’Unwin. La première traduction ayant fait découvrir ses textes au public français est le premier volume édité dans la fameuse collection « aspects de l’urbanisme », créé par René Loué chez Dunod en 1969 [22]. Notons qu’une première édition en langue française avait été publiée en Chine sous le titre Villes-jardins de demain, à Tientsin (Tianjin), en 1917, avec une traduction faite par L. E. Creplet, dont nous ne savons rien [23].

6 Espagnols, Allemands, Autrichiens et Anglais ont donc devancé les Français en la matière. Avant la fin de la Première Guerre mondiale, alors que les publications françaises se développent sensiblement à propos de la reconstruction qui s’annonce, deux textes importants en langue anglaise viennent compléter le livre d’Unwin : celui du fameux biologiste écossais Patrick Geddes [24] et celui de Charles Robert Ashbee [25]. Nous avons attendu jusqu’en 1994 pour disposer d’une traduction – au demeurant peu satisfaisante – de ce texte de Geddes [26] et nous attendons encore celle du livre d’Ashbee.

LETCHWORTH ET LES URBANITÉS ARCHITECTURALES D’UNWIN

7 Unwin n’est encore qu’un discret disciple d’Ebenezer Howard et de William Morris, mu par le souci d’améliorer le sort des classes populaires grâce à la production de logements économiques et confortables, lorsqu’il se lance dans la planification urbaine avec l’établissement, à partir de 1903, des plans de la désormais canonique cité-jardin de Letchworth. Si c’est sur l’architecture des espaces domestiques que portent au départ ses réflexions, il s’intéresse rapidement à une organisation plus vaste de l’espace qu’on serait presque tenté de qualifier d’« écologique », par le souci de tenir compte des caractéristiques du terroir qu’elle exprime. Les logements de mineurs en cité ouvrière et les équipements font partie de ses premières réalisations. Après avoir rejoint en 1887 la Sheffield Socialist Society, où il avait fait ses premières armes comme ingénieur, il s’intéresse à la réalisation de logements dans des cités ouvrières minières et métallurgiques de la région. Avec Richard Barry Parker (1867-1947), dont il épouse la sœur Éthel (1865-1949), il fonde à Buxton dans le Derbyshire, l’agence Parker & Unwin qui fonctionne de 1896 à la Première Guerre mondiale. C’est ainsi qu’il se consacre tout d’abord à la réalisation de maisons dans le style des Arts-and-Crafts societies, puis se fait remarquer en établissant le plan d’ensemble et en construisant les habitations du village de New Earswick près de York pour le compte de Joseph Rowntree (1836 – 1925), l’industriel chocolatier, quaker et philanthrope, peu après que son fils Benjamin Seebohm (1871-1954) a publié une enquête sur les conditions de vie de la classe ouvrière à York [27].

8 Ainsi démarre la carrière proprement urbanistique de Raymond Unwin. Dès 1902, il suit attentivement l’évolution de la législation en matière de planification et milite activement en faveur de la mise en place de politiques municipales de logement social [28]. La Housing Act de 1890, principale loi sur le logement sous laquelle se subsument toutes les précédentes et qui subit de multiples modifications en 1894, 1896 et 1903, offre ainsi la possibilité aux collectivités locales, après avoir obtenu l’aval du Local Government Board [29], d’établir des plans de résorption des zones d’habitat urbain insalubre, afin de démolir les immeubles défectueux ou d’en améliorer les conditions d’hygiène. Si les éléments de programme de la cité-jardin de Letchworth ont bien été fixés par les vues déjà très précises d’Howard, il restait à déterminer en détail le tracé exact des voies, le parcellaire et la physionomie des édifices. Une fois l’esquisse adoptée, deux équipes d’architectes travaillèrent d’arrache-pied en 1903 pour établir les plans rendus publics en avril 1904, qui permirent aux deux associés d’emporter le marché. L’année suivante, en 1905, ce fut au tour d’Henrietta Barnett, l’écrivain réformatrice, épouse de Samuel Augustus, de demander à ces distingués planificateurs de projeter le plan d’une autre cité dans le faubourg de Hampstead, Garden Suburb, cette fois, dans le nord-ouest de Londres. Unwin quitte Letchworth en 1906 pour résider à Hampstead, où il reste jusqu’à la fin de ses jours, dans la très belle zone résidentielle de Wyldes Farm. En 1909 est adopté le Town Planning Act, dont Unwin reste pour longtemps la figure emblématique. C’est à ce moment-là qu’il estime devoir partager son expérience avec un plus large public, ce qu’il précise dans sa courte préface de la première édition de Town Planning in Practice.

9 Il représente en tout état de cause une démarche nouvelle et une voie à suivre pour la construction du monde meilleur qu’Howard appelait de ses vœux dans son essai intitulé A peaceful Path to real Reform (Une voie pacifique vers une véritable réforme). Anthony Sudcliffe écrit que l’expression « town planning » fut inventée en 1906, apparemment par le conseiller municipal de Birmingham, John Setton Nettlefold. Trois ans plus tard, elle figure dans le titre de cette première loi britannique d’urbanisme, le Housing and Town Planning Act. Quant aux professionnels, qui vont choisir d’exercer dans ce nouveau domaine, ils adoptent progressivement l’appellation de « town planner » à partir de 1908 environ [30], c’est-à-dire au moment même où Unwin rédige son texte.

10 La maison d’édition de Thomas Fischer Unwin, fondée en 1882, réédite l’ouvrage d’Unwin deux ans après la première édition de 1909, soit en 1911 , avec une nouvelle introduction qui se justifie par la promulgation peu après la parution du livre du Town Planning Act. La préface initiale qu’Unwin rédige en juin 1909 dans sa résidence de Wyldes à Hampstead – texte d’une page dans lequel il rend hommage à ses principaux inspirateurs et collaborateurs – est systématiquement reprise dans les éditions successives, qu’elles soient en anglais, en allemand ou en français. C’est cette deuxième édition de 1911 , réimprimée en 1913 et en 1914 et objet de ce qu’on désigne comme les 5e (1917), 6e (1919), 7e éditions (1920), puis comme 8e impression en 1932, qui fait autorité pour les traductions en diverses langues au cours du XXe siècle.

11 La première traduction du texte est vers l’allemand [31], ce qui est peu surprenant étant donné les emprunts faits par Unwin à ses confrères Stübben et Sitte. Elle correspond à l’édition originale de 1909. Il existe ensuite trois publications du livre aux États-Unis. La première [32], sans date mentionnée, mais datable de 1932, fut reprise en 1971 [33]. Une dernière édition paraît en 1994 à la Princeton University de New York [34], complétée par une préface inédite d’Andres Duany – un des fondateurs du New Urbanism au début des années 1980, qui cherche à rompre avec les principes de la Charte d’Athènes et à renouer avec la composition urbaine – et une nouvelle introduction de Walter Creese. Le format est plus grand, ce qui permet à l’éditeur d’insérer les grands plans, habituellement publiés en annexe, dans les folios de texte.

Henri Sellier et les éditions françaises de l’ouvrage d’Unwin

12 Tout porte à croire que la première édition française date de 1924, bien qu’aucune date d’édition ne soit mentionnée [35]. En l’absence de dépôt légal, les conservateurs de la Bibliothèque nationale de France ont retenu la date de 1922 mentionnée à la fin de l’avertissement rédigé par Léon Jaussely [36]. L’édition considérée comme la deuxième ne comporte pas de date non plus, mais elle est répertoriée dans les fichiers de la BNF avec la mention du 19 mars 1932 [37] ; il est difficile de faire la différence entre ces deux premières éditions françaises supposées. La troisième édition reprenant la traduction de William Mooser [38], ainsi que le texte de Léon Jaussely, date de 1981 [39]. Le texte et les illustrations sont toutefois composés autrement.

13 Nous avons découvert une traduction attribuée à Sellier grâce à un tapuscrit enregistré sous la cote 40632 de la Bibliothèque du Centre de documentation de l’urbanisme (CDU) [40]. Le dépôt du document a été fait par Jean Gohier, collaborateur de Robert Auzelle. La page de titre comporte un ex-libris d’Henri Sellier indiquant son rangement : « pièce G, meuble 1, casier 3, rayons 2, sous-rayon A », sans doute à la Mairie de Suresnes plutôt qu’à son domicile, si l’on en juge par cette inscription manuscrite : « Donné par Mme Boulonnois [41] le 3/7/1959 [signature] ». Le document n’est malheureusement pas daté, mais Sellier s’appuie sur la quatrième édition de l’ouvrage d’Unwin en 1914. Par rapport à celle de William Mooser, la traduction de Sellier apparaît à la fois globalement plus sobre et plus proche des modes de pensée et des préoccupations opérationnelles des milieux urbanistiques français. C’est celle que nous avons décidé de publier à la place de celle de Mooser pour la réédition de l’ouvrage dont nous étions convenus avec les éditions Parenthèses dès 2008. Nous avons enfin découvert que le fonds dit « Sellier », qui a été déposé fin 2010 par l’Office public des HLM de la Seine à l’Institut d’Urbanisme de Paris, comporte trois exemplaires de ce même tapuscrit.

14 En nous appuyant sur la lecture des principaux textes de Sellier et sur les éléments biographiques déjà publiés [42], nous croyons pouvoir expliquer certaines divergences entre sa traduction et celle de Mooser, qui reflètent des différences de réception des textes d’Unwin. Nous faisons l’hypothèse que Sellier exprime les préoccupations de quelqu’un qui considère surtout l’urbanisme du point de vue de la maîtrise d’ouvrage, alors que Mooser se situe plus du point de vue d’une maîtrise d’œuvre de l’urbain à partir des compétences architecturales.

LA PLANIFICATION COMME OBJET GÉNÉRIQUE DE L’URBANISME

15 Ces deux traductions divergent très clairement et si Town Planner est toujours traduit par « urbaniste », les formulations et le vocabulaire peuvent être beaucoup plus hésitants et variés pour rendre compte du processus de planification qu’Unwin cherche à expliciter. Le monde anglo-saxon semble à cet égard cultiver sa différence avec le monde latin. Quelques années plus tard, Gaston Bardet indique en effet que Town planner (ou planning) se dit city planner (ou planning) en américain, la plupart des langues européennes adoptant la racine commune « urbanis- » pour désigner les professionnels [43]. Certaines expressions témoignent ainsi de réelles différences de cultures politique et urbaine. Jugeons-en tout d’abord par quelques exemples dans les têtes de chapitre.

16 On pourra légitimement considérer que, compte tenu de l’évolution rapide des mots et des maux de la ville au XXe siècle, la traduction puisse faire l’objet de reconsidérations régulières. Celle d’Henri Sellier présente l’avantage de témoigner de l’attention que l’un des principaux acteurs de la politique urbaine a porté à une instrumentalisation symbolique des concepts et des images dans la façon de faire advenir un champ spécifique d’investigation et d’en légitimer aussi bien les fondements théoriques que les réalisations pratiques. Les hésitations entre « civique » et « social » pour désigner tantôt la vie des citadins, tantôt un art au service de tous sont manifestes, et ce sont les rôles sociaux des urbanistes et des architectes qui sont ici en cause.

Texte de Raymond Unwin Traduction de William Mooser Traduction d’Henri Sellier
Town Planning in Practice, an introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs L’Étude pratique des plans de villes, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension La Pratique de l’aménagement des villes, introduction à l’art de dessiner les cités et faubourgs
Chap. I. Of civic art as the expression of civic life. De l’art public, expression de la vie sociale De l’art social, expression de la vie civique
Chap. III. Of formal and informal beauty De l’esthétique dans l’art urbain, formes régulières et irrégulières De la beauté dans la régularité et la fantaisie
Chap. IV. Of boundaries and approaches Du moyen d’entourer les villes modernes et des entrées des villes (p. 137) Des limites de la ville et de ses accès (p. 92)
Chap. VI. Of centres and enclosed places Des centres urbains et des places (p. 153) Des centres et des places fermées (p. 100)
Chap. IX. Of plots and the spacing and placing of buildings and fences Des îlots et de leur distribution parcellaire, de la réparation [sic, au lieu de séparation] des maisons sur le terrain et de la manière de les grouper. Des clôtures. (p. 273) Des emplacements des édifices, de l’espacement et de la situation des maisons et des haies. (p. 184)
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NOUVEAU PROFIL PROFESSIONNEL OU DÉBOUCHÉ NATUREL POUR LES ARCHITECTES

17 Nous avons fait valoir ailleurs [44] que la vision de la ville était sensiblement différente chez les architectes qui se disent urbanistes sans avoir suivi une formation – interdisciplinaire par définition – en urbanisme et ceux qui, souvent en rupture avec leur formation initiale d’architecte (mais aussi d’ingénieur), renoncent à construire des édifices pour se consacrer prioritairement, voire exclusivement, à l’urbanisme. La planification urbaine penche du reste parfois plutôt du côté de l’urban design, parfois du côté d’un town planning plus porté sur la programmation ou la localisation que sur les mises en ordre et en forme des opérations. La question est donc celle de la place qu’occupent, et du rôle qu’entendent jouer, les architectes dans le tracé des plans de villes.

18 Or Unwin utilise sans ambiguïté les termes de town planning et de town planner. En traduisant Town Planning in Practice par « La Pratique de l’aménagement des villes », Sellier laisse en quelque sorte plus ouverte la définition des maîtrises d’ouvrage et d’œuvre. Il parlera ainsi de « traceurs de villes » et de « tracés de villes » là où Mooser parle d’emblée de l’urbanisme comme d’un domaine tout trouvé pour l’exercice des compétences architecturales. C’est en somme la question toujours en suspens des rôles sociaux respectifs des architectes [45] et des urbanistes (voir Exemple 1).

Exemple 1

Introduction à la seconde édition

Raymond Unwin (p. XIV) William Mooser (p. XIX-XX) Henri Sellier (p. 48)
To the architect town planning specially appeals as un opportunity for finding a beautiful form of expression for the life of the community. The survey of the world’s town-planning work which these exhibitions rendered possible, seems very strongly to confirm the view which the writter vendured to express in this volume, that the crux of the matter from the aristic point of view lies in the welding together into one creation the natural formality of ordened design with the equally natural informality of the character of the site. One cannot but feel in examining the work of different schools of town planners that one or other of these component elements has been too often misunderstood. L’architecte se sent tout naturellement attiré vers l’étude des plans de villes, il y voit l’occasion d’exercer son talent, à la réalisation d’une vaste composition, il doit surtout y voir celle d’exprimer par des formes grandes et harmonieuses la vie de la collectivité. Les travaux de construction de villes mis en lumière par les expositions dont nous avons parlé, semblent confirmer l’idée que l’auteur a émise, dans le cours de ce volume, qui est que le principe essentiel dans l’expression artistique de l’art de bâtir les villes est la mise en harmonie d’un dessin régulier et ordonné avec la liberté des formes de la nature.
En examinant l’œuvre des différentes écoles d’urbanisme, on ne peut s’empêcher de constater que ce principe a souvent été négligé.
À l’architecte, le tracé des villes procure surtout l’occasion de trouver une belle forme d’expression de la vie collective. La vue d’ensemble du tracé des villes dans le monde, qu’il a été possible d’obtenir dans ces expositions, semble confirmer nettement l’idée que l’écrivain s’est permis d’émettre dans ce livre, à savoir : le principe essentiel d’un aménagement artistique consiste à harmoniser la régularité naturelle d’un dessin bien ordonné, avec l’irrégularité également naturelle du site et du paysage. En examinant les ouvrages de différentes écoles de « traceurs de villes » on ne peut manquer de remarquer que l’utilisation de l’un ou l’autre de ces deux facteurs essentiels de composition a été trop souvent mal entendue.
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Introduction à la seconde édition

19 Là où, chez Unwin, le tracé des plans de villes apparaît comme une opportunité offerte à l’architecte pour embellir le cadre urbain de la vie sociale, Mooser souligne le penchant naturel de l’architecte consistant à exercer son talent dans le dessin de vastes compositions esthétiques. Sellier propose une traduction à la fois plus fidèle et plus sensible en soulignant l’occasion offerte à l’architecte de mettre en forme de façon harmonieuse l’espace global de la cité. Ce sont bien les différences entre l’objet de la pratique urbanistique et celle de l’architecture qui sont en cause. Si l’on admet une sorte de partage des territoires selon le nouvel exercice des compétences professionnelles que les enseignements d’urbanisme inaugurent au lendemain de la Première Guerre, les architectes restent largement caractérisés par la construction des édifices alors que les urbanistes ont à charge d’introduire une cohérence dans une disposition d’ensemble de l’espace urbain par des « aménagements », de gérer l’esthétique globale des (centres)-villes grâce aux « embellissements » et de prévoir le développement planifié des « extensions ». Pour les architectes qui s’intéressent à ce type d’activité, il s’agit moins d’un simple changement d’échelle que d’une mutation profonde d’objets, de pratique et d’épistémè. Pour les autres, en particulier les fonctionnaires et techniciens municipaux que la formation à l’École des Hautes Études Urbaines (EHEU) vise par des cours du soir ou encore la formation spécifique de l’École nationale d’administration municipale (ÉNAM) [46], il s’agit d’une réorientation professionnelle d’un autre ordre. Mooser parle d’« urbanisme », bien que les doctrines en la matière soient encore plus qu’embryonnaires à la fin de la Première Guerre mondiale, alors que Sellier parle prudemment de « traceurs de villes ». Tout dépendra de la réorientation des métiers en présence au contact de cette nouvelle réalité qu’est la planification urbaine et des apports des diverses disciplines scientifiques à la formation des urbanistes (voir Exemple 2).

Vers un paysagisme de l’espace public

20 Si « Landscape gardener » (p. 119) est traduit aussi bien par Mooser que par Sellier par « paysagiste », Mooser utilise l’expression « architecte-paysagiste » (p. 107), là où Sellier utilise celle de « jardinier paysagiste » (p. 65). Le tracé global et l’aménagement des voies publiques deviennent le terrain d’un éventuel affrontement entre les tenants de la construction de logements et ceux des plantations et systèmes de parc, à l’image de ce que proposait Jean Claude Nicolas Forestier [47]. Indépendamment de ces conflits, la question porte sur la nature de l’objet sur lequel les traceurs de villes travaillent. Il s’agit que les paysagistes, comme les architectes, passent des objets toujours peu ou prou parcellisés de leurs pratiques habituelles, que sont les jardins sur leurs parcelles pour les jardiniers et les édifices conçus indépendamment les uns des autres pour les architectes, à une vision plus large pour faire des compositions harmonieuses et respectueuses des sites et de leur topographie. L’aménagement doit se faire au bénéfice de tous dans un ensemble de lieux que tend à désigner actuellement l’expression « espaces publics ». Unwin dénonce donc l’étroitesse de vue de ces professionnels pour les inciter à se hausser à une appréhension plus globale des choses (voir Exemple 2).

Exemple 2

chapitre VII : Of the arrangement of main roads (p. 288)

Raymond Unwin (p. 146) William Mooser (p. 130) Henri Sellier (p. 260)
Arrangement of main roads Des voies, promenades et plantations De la disposition des rues principales, de leur construction et de leur plantation
The gardener, like the architect, has fixed his eye too exclusively on the individual plot ; he has thouth too much of the bulbs in his own individual beds. We need to think of the street, the district, the town as a larger wholes, and find a glorius function and a worthy guidance for the decorative treatment of each plot and each house in so designing them that they shall contribute to some total effect. Le jardinier, comme l’architecte, s’occupe trop exclusivement de son terrain pa[r]ticulier : il pense trop à ses propres plates-bandes. Il faut penser à la rue, au quartier, à la ville, étudier des ensembles, chercher des directives et des moyens pour le traitement décoratif de chaque propriété et de chaque maison pour les disposer de façon que chaque unité contribue à l’effet général. Ne vaut-il pas mieux être une partie harmonieuse dans un grand et bel ensemble, plutôt qu’une unité tapageuse ou brillante parmi une multitude d’autres unités tout aussi indépendantes ? Le jardinier ainsi que l’architecte a jusqu’ici fixé trop exclusivement ses yeux sur le lopin de terrain individuel ; il a trop pensé aux bulbes des plates-bandes de chaque propriétaire. Nous devons traiter la rue, le quartier, la ville, comme un ensemble et déterminer une méthode heureuse et une direction générale favorable ; il faut pour cela que la décoration de chaque terrain et de chaque maison soit prévue de telle façon qu’elle contribue à un effet d’ensemble. N’est-ce pas une chose plus belle d’être fonction d’un grand tout que d’être seulement une unité brillante parmi une multitude d’autres unités ?
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chapitre VII : Of the arrangement of main roads (p. 288)

21 Aucune des deux traductions n’est réellement satisfaisante et nous aurions volontiers, pour mieux restituer la teneur des enjeux, proposé la traduction suivante : « Le jardinier, comme du reste l’architecte, est resté obnubilé par son pré carré ; il ne s’est jamais occupé que de ses oignons du haut de son clocher. Plutôt que de ne voir les choses qu’avec des œillères et par le petit bout de la lorgnette, ne vaudrait-il pas mieux penser aux rues, au territoire et à la ville comme à un vaste ensemble de lieux que l’on traiterait globalement ainsi avec le souci louable d’apporter une contribution générale à l’amélioration du sort de chacun, qui serait profitable à tout le monde grâce aux soins apportés à la conception de chaque maison et à l’aménagement paysager de sa parcelle de terrain. »

LES VOIES : MORPHOLOGIE PITTORESQUE OU SCHÉMA DE CIRCULATION

22 C’est par cette phrase sur la nécessité de garantir à la fois une unité harmonieuse d’ensemble de la ville et une variété de traitement au principe d’un certain pittoresque respectueux des paysages naturels qu’Unwin conclut ce chapitre VII consacré au tracé, au traitement et à la plantation des voies principales. Le plan d’urbanisme proprement dit doit en effet permettre de dessiner les grandes lignes de la ville avec le souci de tenir compte de l’importance relative des voies de circulation en fonction des différences de trafic et d’une organisation différenciée des principaux équipements qui ponctuent l’espace urbain et de la desserte circonstanciée des différents quartiers. Le souci d’Unwin est alors d’expliquer qu’il faut trouver un moyen d’éviter, d’un côté, que les opérations ponctuelles ne dévoient les principes généraux et que l’harmonie globale du plan d’urbanisme ne soit battue en brèche par les initiatives prises dans l’aménagement des quartiers et leur architecture, de l’autre, que la diversité soit réduite ou détruite par une maîtrise d’œuvre unique incapable de différencier suffisamment ses œuvres pour garantir d’heureuses variations.

23 Le chapitre VIII. Of site planning and residential roads est dans la continuité du chapitre VII. Of arrangement of main roads. Or, cet enchaînement semble avoir un peu échappé à Mooser. Traduire Of arrangement of main roads par « Des voies, promenades et plantations » escamote l’idée qu’il s’agit de statuer en premier lieu sur les voies principales avant de s’occuper des voies de desserte des différents quartiers. Passer de main roads à residential roads signifie clairement dans l’esprit d’Unwin passer du Town planning au Site planning. Mooser traduit donc un peu inconsidérément Of site planning and residential roads par « De l’aménagement des grands terrains et des rues des quartiers d’habitation », alors que Sellier propose « De la disposition des rues principales, de leur construction et de leur plantation », suivi de « De l’aménagement des sites et des voies destinées à l’habitation », ce qui correspond un peu mieux à la problématique de fond. Unwin mentionne qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre le site planning et le town planning, mais on comprend rapidement que les deux façons de tracer les plans ne vont pas s’attacher tout à fait aux mêmes objets. Les traductions françaises vont malheureusement brouiller un peu les pistes plutôt que d’éclaircir les choses. Mooser traduit site planning par « aménagement des grands terrains » et Sellier par « aménagement des sites », alors qu’on parlerait plutôt aujourd’hui de « plan de situation », de « plan local » ou de « plan partiel ». Mais l’expression anglaise n’était sans doute pas canonique en 1909. On voit figurer dans la partie anglaise du glossaire de Bardet en 1948 l’expression « site plan » avec les seules traductions suivantes : « Plan de situation (F). Lageplan (D). Plano de situación (S) (voir Exemple 3). » [48]

24 Outre que Mooser introduit abusivement le qualificatif de moderne appliqué aux villes allemandes, le fond de la question concernant le partage de territoire souhaitable entre le plan d’ensemble de la ville et les plans de situation appliqués localement aux divers quartiers pour offrir une diversité semble totalement lui échapper. Sellier en revanche, sans adopter une expression qui n’est pas encore consacrée à son époque, a repéré les véritables enjeux de la planification telle que Unwin la conçoit dès ses premières expériences, et les restitue plutôt bien dans la formu- lation adoptée. Notons également l’ambiguïté concernant la notion de « place ». L’édition anglaise met ce mot en italique, ce qui indique un emprunt au français et renvoie à cet espace particulier auquel il se réfère abondamment dans son chapitre II pour mettre en évidence un élément original des plans de ville. Il souhaite du reste en voir planifiées de nouvelles dans les extensions urbaines au même titre que dans les centres anciens et s’afflige du fait que les quartiers d’habitat visant une classe en particulier en comportent de moins en moins, comme si ces lieux de confrontation et de côtoiement que sont les places étaient négligés. « Behind it [magnificient Princes Street of Edinburgh], Georges Street and Queen Street, with numerous squares, places, gardens, and crescents, afford an exemple of stateliness of the orderly laying out of towns on generous lines. We do not find in this suburb that exclusive provision for one class of people whitch is such a marked feature of many modern suburbs » [49], écrit Unwin. Pour ce passage, aussi bien Mooser que Sellier font l’impasse sur ce que nous avons tendance à considérer comme l’une des déficiences majeures de l’urbanisme du XXe siècle : la capacité à faire des places. Ils réduisent en effet cet objet urbanistique à un simple emplacement, terrain disponible pour la construction de logements, sans se préoccuper des formalisations possibles auxquelles renvoient ces espaces anglais particuliers désignés par les termes difficilement traduisibles de square et de crescent (que Sellier traduit particulièrement maladroitement p. 103 par « rond-point »).

Exemple 3

chapitre VIII : Of site planning and residential roads

Raymond Unwin (p. 289) William Mooser (p. 245-246) Henri Sellier (p. 261)
It is only necessary to look at some of the German town plans, where the design has been carried to the extent of showing the whole of the subsidiary building roads and places, to see how the stock of ideas of a particular town planner, which may be very good in themselves, is hardly adequate to give variety and individual treatment to the many streets, places, and buildings that are required for a large town. Il suffit d’examiner quelques plans de villes modernes allemands, dans lesquels l’étude a été poussée jusqu’à tracer les moindres rues et places destinées à la construction, pour voir comment le stock des idées d’un urbaniste isolé, idées qui peuvent être en elles-mêmes excellentes, n’est pas assez étendu pour apporter une suffisante variété dans un grand plan et un cachet qui caractérise l’individualité propre à la composition de toutes les rues et places et à celles de tous les édifices que réclame une grande ville. Il suffit d’examiner quelques-uns des plans de villes allemands où le dessin a été poussé assez loin pour indiquer la totalité des rues et des places secondaires destinées à la construction, pour constater que l’ensemble des conceptions d’un dessinateur unique, quelles que soient ses qualités, est difficilement susceptible de donner de la variété et un cachet personnel aux nombreuses rues, places et édifices nécessaires à une grande ville.
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chapitre VIII : Of site planning and residential roads

COMPOSER AVEC LE PARCELLAIRE OU FAIRE DU PASSÉ TABLE RASE

25 Nous touchons là à de véritables points de doctrine mettant en cause la division du travail et la contribution de chaque professionnel de l’urbanisme à ce qui est logiquement présenté par Unwin comme une œuvre collective, au service de la collectivité. C’est à propos du caractère individuel des villes considérées, à l’instar de Marcel Poëte ou Patrick Geddes, comme des organismes vivants que la question de la forme des tracés est abordée. Unwin utilise à l’appui de sa démonstration des illustrations empruntées aux travaux de Josef Stübben et de Camillo Site.

26 L’appréhension globale de la ville suppose de statuer sur la façon de composer avec l’existant et d’articuler les tracés nouveaux avec les traces du passé. Le prolongement, la rectification et l’ouverture des voies, ainsi que la façon d’intégrer dans la planification la propriété privée et le parcellaire, sont des éléments techniques fondamentaux. Ils constituent des points de doctrine essentiels et font toujours débat entre les divers courants de la pensée urbanistique. Les options socialisantes d’Unwin, le rapprochant du reste sur ces aspects des considérations plus théoriques de Maurice Halbwachs [50], le portent à plaider en faveur d’une modernisation discrète, soucieuse de respecter le patrimoine et de mettre une touche de pittoresque dans l’architecturation du paysage urbain. Celle-ci apparaît avec beaucoup de clarté dans l’iconographie utilisée par Unwin et dont Gordon Cullen, journaliste à l’Architectural Review et dessinateur, soulignera tout l’intérêt quelques années plus tard [51] (voir Exemple 4).

Figure 1

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Figure 1

Illustration no 82 : Plan parcellaire de Cologne A. Disposition géométrique projetée ne se préoccupant pas des limites des propriétés. B. Tracé établi suivant la méthode préconisée par Camillo Sitte préservant les limites des propriétés.
Josef Stübben, Der Städtebau, Darmstadt, A. Bergsträßer, 1890.

27 Il apparaît clairement à la comparaison de ces deux traductions, qui prennent chacune quelque distance avec le sens littéral du texte original, que Mooser enfonce en quelque sorte son clou dogmatique en qualifiant de « classique » et de « néogothique » deux courants de l’urbanisme allemand sur lesquels Unwin n’évoque que leur plus ou moins grande raideur dans l’imposition de formes géométriques. Pour lui, qui est architecte, le choix est avant tout d’ordre esthétique ou formel, alors que pour Sellier, une fois les conditions de production cadrées par les institutions et leur fonctionnement juridique ou réglementaire, l’architecte reste libre de ses choix et gagne à les effectuer de façon mesurée. En traduisant « an introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs » par « introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension », Mooser s’inscrit d’emblée dans le cadre que la loi Cornudet fixe en 1919 alors que Sellier, qui propose « introduction à l’art de dessiner les cités et faubourgs », est à la fois plus proche du texte de départ et du contexte britannique du propos.

28 La question du type de formalisation est selon nous directement liée au degré de violence symbolique que l’auteur du tracé est susceptible de faire subir au terrain et aux usages qui y prennent place. Il s’agit donc moins d’une querelle d’école esthétique de pensée qu’une question d’ordre politique sur l’exercice du pouvoir dans le fonctionnement d’une planification que Unwin, comme Sellier, souhaite la plus démocratique possible. D’où la nécessité de faire un choix raisonné sur la diversité des solutions envisageables et de peser le pour et le contre, quelle que puisse être la solution retenue par les protagonistes. Là où Unwin oppose le formel à l’informel (formalism as opposed to informalism), Mooser pense formalisation et Sellier évoque plus raisonnablement l’importance relative du dessin géo- métrique ou du tracé irrégulier pour sauvegarder les caractéristiques naturelles du terrain, en jouant de façon réfléchie sur la régularité ou la symétrie des tracés. Reste que ces questions méritent des instructions préalables auxquelles les architectes peuvent être étrangers, mais que les urbanistes doivent apprendre à utiliser comme de nouveaux instruments de travail. C’est la question des civic surveys ou social surveys, enquêtes préalables dont Le Play avait été l’inspirateur pour la plupart des membres du Musée social (voir Exemple 5).

Exemple 4

chapitre III Of the individuality of towns

Raymond Unwin (p. 114) William Mooser (p. 101) Henri Sellier (p. 120)
The general character of the planning is much more like that caracteristic of the medieval town, and now being practiced by the modern school of German town planner, the geometrical planning shown in the first illustration which was common a few years ago having been largely superseded by the new school in Germany and in some other countries.
Before the architect can properly weith the arguments of both side of this and, indeed, many other questions whitch town planning raises, he must think out from himself the abstract question of formalism as opposed to informalism, and must adopt for is own guidance some theory by which he can weith the relative importance of carrying out some symmetrical design, and, on the other and, of maintaining existing characteristics of the site with which he is dealing.
Or, le caractère général, [sic] de ce tracé est assez voisin de celui qui caractérise les villes du Moyen- Â ge dont s’inspire l’école moderne des urbanistes allemands. Le type de plan géométrique de la première figure, qui était si répandu il y a quelques années, se trouve à présent supplanté par la nouvelle théorie.
Il y a donc aujourd’hui en présence deux écoles d’urbanisme : l’école classique et l’école néogothique. Pour que l’architecte puisse peser convenablement les arguments des deux écoles et puisse discuter d’autres questions ayant trait à la composition des plans de villes, il doit avant tout se créer une opinion sur l’intérêt et l’importance relative que peuvent présenter les tracés réguliers et les tracés pittoresques qui en sont représentatifs.
Le caractère général de ce mode d’aménagement ressemble beaucoup à celui des villes du Moyen-Âge et est maintenant mis en pratique par l’école allemande moderne d’urbanisme ; le type de plan géométrique indiqué dans la première gravure, utilisé il y a quelques années, a été généralement remplacé par les nouveaux procédés tant en Allemagne que dans d’autres pays.
Pour que l’architecte puisse peser convenablement les arguments pour et contre, et juger de beaucoup d’autres questions soulevées par le tracé des villes, il doit avant tout se créer une opinion sur l’importance relative du dessin géométrique ou du tracé irrégulier et prendre comme directive une doctrine qui permette à la fois de conserver quelque régularité ou symétrie à son dessin, et de sauvegarder les caractéristiques naturelles du terrain sur lequel il est appelé à travailler.
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chapitre III Of the individuality of towns

29 Unwin considère qu’il s’agit de documents établis par les autorités locales à destination de l’urbaniste et qu’ils doivent largement émaner de l’initiative des citoyens, gage d’une expression utile de la demande sociale auprès des spécialistes des tracés en vue des décisions de planification. Sellier va dans le même sens en soulignant la nécessaire acculturation des architectes (se voulant urbanistes) à ces questions – sous-entendant qu’ils y sont sinon étrangers, du moins peu familiers, et qu’il convient donc de les y former. Mooser semble au contraire partir de l’idée que, si les enquêtes ne sont pas du ressort des urbanistes, c’est eux qui devront se charger de la majeure partie de leur élaboration, la participation des citoyens apparaissant moins comme une action volontaire des membres les plus actifs de la société civile que comme étant de l’ordre d’un bénévolat dont on imagine que l’on peut se dispenser. L’initiative anglaise de ces enquêtes revient aux provinces, commanditaires et ordonnatrices légitimes de ce type d’instruction. Mooser ne dit rien d’une telle instance que nous dirions de maîtrise d’ouvrage des opérations. Quant à Sellier, il souligne simplement que ces enquêtes doivent être préalables à l’élaboration des plans.

30 En quoi les œuvres d’Unwin et l’attention qu’un Henri Sellier a bien voulu leur porter sont-elles toujours d’actualité près d’un siècle plus tard ? Force est tout d’abord de reconnaître que ce nouveau profil professionnel ne s’est toujours pas clairement affirmé ni sur le plan institutionnel (celui de la réglementation des professions), ni du point de vue de la définition des savoirs et compétences qui doivent entrer dans sa formation. Dans la traduction qu’il avait préparée de Town Planning in Practice, Henri Sellier, juriste et homme politique, avait pressenti les enjeux de l’instauration de ce champ – en même temps que la mise en place des premiers enseignements en la matière – en choisissant des mots qui ménageaient la place à l’intervention de multiples acteurs devant concourir à une œuvre collective d’intérêt général. Les premières éditions françaises de cet ouvrage faisant figure de manuel ont adopté et repris jusqu’à aujourd’hui la traduction proposée par William Mooser, dont nous avons vu qu’elle privilégiait le point de vue et le rôle de l’architecte dans la conception de la planification urbaine. Conçue comme une sorte d’architecture à grande échelle, l’urbanisme dans son versant urban design sera traversé un siècle durant par les divergences de vue doctrinales sur la place à accorder aux études préalables informées de sciences sociales, au patrimoine et aux traces du passé dans la composition urbaine, au respect de l’environnement et à une esthétique étendue au paysagisme intégrant la végétation et ce qui subsiste du monde rural dans les agglomérations. Contre l’adage du mouvement moderne suggérant de faire du passé table rase, Unwin, comme Sellier, n’ont eu de cesse d’inciter les décideurs politiques et les « traceurs de plans » à s’appuyer sur le découpage parcellaire et les tissus anciens en se défiant des effets ravageurs du développement de l’automobile. Programme repris du reste par le New urbanism aux États-Unis à partir des années 1980, mais dont les principaux traits se constituent au début du XXe siècle en France avec des personnages comme Marcel Poëte et Henri Sellier.

Exemple 5

chapitre IV Of the city survey

Raymond Unwin (p. 146) William Mooser (p. 130) Henri Sellier (p. 1 60-1 61)
City survey Recherches et enquêtes Études préalables à l’élaboration d’un plan
To make this survey hardly falls within the province of the town planner. [sic] It should be made for him, and may very largely be the result of voluntary work of the part of the citizens, and the results should form the basis of his instructions. L’enquête générale, on l’a dit, n’est pas du ressort de l’urbaniste ; elle doit, pour la plus grande partie, être faite par lui. Elle peut être l’œuvre bénévole des citoyens, et ses résultats doivent former la base des instructions ou du programme qu’on a à lui donner. L’élaboration d’études de cette nature ne rentre à vrai dire qu’indirectement dans la compétence de l’architecte urbaniste. Elles devraient seulement être faites au préalable, à son intention, et être dans une large mesure le résultat de travaux volontaires d’habitants de la cité, dont les enquêtes formeraient la base de l’étude définitive. Il faut que l’architecte ait la connaissance approfondie de ces éléments à l’interprétation desquels il doit apporter son expérience et son habileté techniques ; éclairé par eux, il doit alors procéder à son étude personnelle car aucune enquête générale ne peut dispenser le dessinateur du devoir d’étudier entièrement le site sur lequel il doit travailler.
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chapitre IV Of the city survey

Notes

  • [*]
    Centre de Recherche sur l’Habitat, UMR 7218 LAVUE, Institut d’urbanisme de Paris.
  • [1]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice. An introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs, with 300 illustrations, Londres, Leipsic, T. Fischer Unwin Ltd, 1909.
  • [2]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes. Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, introduction de Pierre Chabard, traduit de l’anglais par William Mooser, Gollion. Infolio éditions, 2012.
  • [3]
    Raymond Unwin, Étude pratique des plans de villes. Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, traduit de l’anglais par Henri Sellier, présentation par Jean-Pierre Frey, Marseille, Éditions Parenthèses, 2012.
  • [4]
    Catherine Didier-Fèvre http://clio-cr.clionautes.org/spip.php ?article4008
  • [5]
    Jean-Pierre Frey, « Généalogie du mot ‘‘urbanisme’’ », Urbanisme, no 304, janvier-février 1999, p. 63-71.
  • [6]
    Jean-Pierre Gaudin, Desseins de villes, ‘‘Art Urbain’’ et Urbanisme, Paris, L’Harmattan, 1991 .
  • [7]
    Georges Eugène Haussmann, Mémoires, Paris, Victor Havard éditeur, 3 vol., quatrième édition 1893.
  • [8]
    Georges Lefebvre, Service municipal. Plantations d’alignement, promenades, parcs et jardins publics, Paris, P. Vicq-Dunod, 1897.
  • [9]
    Charles Buls, Esthétique des villes, Bruxelles, impr. de Bruylant-Christophe et Cie, 1893.
  • [10]
    Anne Cormier, Extension-limites-espaces libres, les travaux de la section d’hygiène urbaine et rurale du Musée social, mémoire de fin d’études du CEA architecture urbaine, sous la direction de Jean-Louis Cohen, Paris, École d’Architecture Paris-Malaquais, 9 octobre 1987.
  • [11]
    Eugène Hénard, Études sur les transformations de Paris, Paris, impr. Motteroz, 1903-1909.
  • [12]
    Ildefonso Cerdà, Teoria general de la urbanización y aplicación de sus principios y doctrinas a la reforma y ensanche de Barcelona, Madrid, Imprenta española, 1867.
  • [13]
    Ildefonso Cerdà, La Théorie générale de l’urbanisation, présentée et adaptée par Antonio Lopez de Aberasturi [traduite par Jacques Boulet], Paris, Éditions du Seuil, 1979.
  • [14]
    Josef Stübben, Der Städtebau, Darmstadt, A. Bergsträßer, 1890.
  • [15]
    Josef Stübben, La Construction des villes, règles pratiques et esthétiques à suivre pour l’élaboration de plans de villes. Rapport présenté au Congrès international des Ingénieurs de Chicago, 1893, traduction de Ch. Buls, bourgmestre de Bruxelles, Bruxelles, E. Lyon-Claesen Éditeur, 1895.
  • [16]
    Arturo Soria y Mata, La Ciudad Lineal. Antecedentes y datos varios acerca de su construcción, Madrid, Establecmiento tipográfico Sucesores de Rivadaneyra, septembre 1894.
  • [17]
    Arturo Soria y Mata, Cité linéaire. Conception nouvelle pour l’aménagement des villes, traduit de l’espagnol par Georges Benoit-Lévy, Paris, CERA (Centre d’études et de recherches architecturales), 1979.
  • [18]
    Camillo Sitte, Der Städte-Baunach seinen künstlerischen Grundsätzen, ein Beitrag zur Lösung modernster Fragen der Architektur und monumentalen Plastik, unter besonderer Beziehung auf Wien, Vienne, C. Graeser, 1889.
  • [19]
    Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes, l’urbanisme selon ses fondements artistiques, traduit [de la 3e éd. allemande] par D. Wieczorek, préface de Françoise Choay, Paris, Édition de l’Équerre, 1980.
  • [20]
    Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes, notes et réflexions d’un architecte, traduites et complétées par Camille Martin..., Genève, Éd. Atar ; Paris, H. Laurens, [circa 1900].
  • [21]
    . Ebenezer Howard, To-Morrow, a Peaceful Path to Real Reform, Londres, Faber and Faber Ltd, 1898 ; reformulé et republié sous le titre Garden-Cities of To-morrow, Londres, Faber and Faber Ltd, 1902.
  • [22]
    Ebenezer Howard, Les Cités-jardins de demain, préface de Frédéric James Osborn, traduit par Thérèse Elzière avec le concours de Jacques Engelmann, Paris, Dunod, 1969.
  • [23]
    Ebenezer Howard, Ville-jardin de demain, traduction de L. E. Crepelet, Tientsin, the Tientsin Press, 1917.
  • [24]
    Patrick Geddes, Cities in Evolution. An Introduction to the Town-planning movement and the Study of civics, Londres, Williams & Norgate, 1915.
  • [25]
    Charles Robert Ashbee, Where the Great City stands. A Study in the new Civics, Londres, the Essex House Press, 1917.
  • [26]
    Patrick Geddes, L’Évolution des villes, une introduction au mouvement de l’urbanisme et à l’étude de l’introduction civique, traduction de Brigitte Ayramdjan, Paris, Temenos, 1994.
  • [27]
    Benjamin Seebohm Rowntree, Poverty, a study of town life, Londres, Macmillan, 1901.
  • [28]
    Raymond Unwin, Cottage plans and common sense, s. l., Fabian Society, 1908.
  • [29]
    Le Local Government Board est un département de l’administration du Royaume-Uni que la loi institue en 1871. Il remplace celui de la santé datant de 1848 et est composé de divers membres du gouvernement pour statuer sur les questions d’hygiène et de santé en relation avec les autorités locales.
  • [30]
    Anthony Sutcliffe, « La naissance de l’urbanisme officiel en Grande-Bretagne, 1900-1914 », dans Jean-Pierre Gaudin (sous la direction de), In extenso, Recherches de l’École d’Architecture Paris-Villemin, no 11 : Les Premiers urbanistes français et l’art urbain, 1900-1930, Paris, École d’Architecture Paris-Villemin, 1987, p. 21-41 , p. 21 ; voir aussi idem, « Le contexte urbanistique de l’œuvre de Henri Sellier : la transcription du modèle anglais de la cité-jardin », dans Katherine Burlen (sous la direction de), La banlieue oasis, Henri Sellier et les cités-jardins, 1900-1940, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1987, p. 67-79.
  • [31]
    . Raymond Unwin, Grundlagen des Städtebaues, eine anleitung zum entwerfen Städtebaulicher anlagen von Raymond Unwin. Aus dem Englischen übersetzt von L. Mac Lean, regierungsbaumeister A. D., Berlin, Otto Baumgärtel, 1910.
  • [32]
    Town planning in practice, an introduction to the art of designing cities and suburbs, with a new introduction and 310 illustrations, New York, The Century Co., [1932].
  • [33]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice, an introduction to the Art of Designing Cities and Suburbs, New York, B. Blom, 1971 .
  • [34]
    Town planning in practice : an introduction to the art of designing cities and suburbs, avec une préface de Andres Duany et une nouvelle introduction de Walter Creese, New York, Princeton Architectural Press, 1994.
  • [35]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, Mâcon, impr. Protat frères, s.d. [1922].
  • [36]
    Sur Léon Jaussely, l’un des urbanistes les plus importants des débuts du XXe siècle, voir Laurent Delacourt, Léon Jaussely (1875-1932), un urbaniste éclectique, thèse de doctorat en « Urbanisme et architecture » sous la direction de Gilles Novarina, Institut d’Urbanisme de Grenoble, Université Pierre Mendès-France, octobre 2006.
  • [37]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de villes, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 2 rue de l’Échelle, Mâcon, impr. Protat frères, 1930.
  • [38]
    La seule indication que nous ayons trouvée sur ce traducteur nous fait imaginer qu’il pourrait s’agir de William Mooser III (1893-1969), connu sous le nom William Mooser, Jr., fils et petit fils d’architecte, qui a fait des études en France, puis retourne aux États-Unis en 1923 [http://www.classicsfproperties.com/].
  • [39]
    Raymond Unwin, L’Étude pratique des plans de ville, Introduction à l’art de dessiner les plans d’aménagement et d’extension, avec deux préfaces de l’auteur et plus de 300 illustrations, traduit de l’anglais par William Mooser, traduction revue et mise au point par Léon Jaussely, Architecte en Chef du Gouvernement, Paris, Édition de l’Équerre, 1981 .
  • [40]
    Henri Sellier, La Pratique de l’aménagement des villes, tapuscrit multigraphié, s.d..
  • [41]
    . Ancien instituteur, Louis Boulonnois, collaborateur, homme de confiance et disciple inconditionnel d’Henri Sellier, fut secrétaire général de la Ville de Suresnes.
  • [42]
    Katherine Burlen (sous la direction de), La Banlieue Oasis. Henri Sellier et les cités-jardins 1900-1940, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 1987 ; Roger-Henri Guerrrand et Christine Moissinac, Henri Sellier, urbaniste et réformateur social, Paris, La découverte, 2005 ; Henri Sellier, Une cité pour tous, présentation de Bernard Marrey, Paris, Éd. du Linteau, 1998.
  • [43]
    Gaston Bardet, Petit glossaire de l’urbaniste en six langues, Paris, Éditions Vincent, Fréal & Cie, 1948.
  • [44]
    Jean-Pierre Frey, « Quand Architectes et Architectes-Urbanistes parlent de la ville : deux définitions différentes de l’Urbanisme ? », dans Philippe Boudon (sous la direction de), Langages singuliers et partagés de l’urbain, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 45-73.
  • [45]
    René Clozier, L’Architecture, éternel livre d’images, ses lois, ses styles, son esthétique, son rôle social, son histoire. 33 gravures commentées par René Clozier, architecte diplômé du gouvernement, Paris, Henri Laurens éditeur, (1936) seconde édition 1948 ; Jacques Gréber, « Rôle social de l’urbanisme », Les Cahiers du Musée social, nº 1 , 1950, p. 3-13 ; Raymond Lopez, « Du rôle social de l’architecte », rubrique « Architecture et urbanisme » no 4, Annales de l’Institut technique du bâtiment et des travaux publics, no 97, octobre 1949, p. 3-24 ; Géo Minvielle, L’Architecte, son rôle social et professionnel, Lyon, Association provinciale des architectes français, 1931.
  • [46]
    L’École nationale d’administration municipale correspond à une filière de formation des agents administratifs municipaux qui apparaît en 1922 au sein de l’École des hautes études urbaines.
  • [47]
    Jean Claude Nicolas Forestier, Grandes villes et systèmes de parcs, Paris, Hachette, 1906, 2e édition 1908.
  • [48]
    Gaston Bardet, Petit glossaire..., op. cit.
  • [49]
    Raymond Unwin, Town Planning in Practice, [1932], op. cit., p. 72-77.
  • [50]
    Maurice Halbwachs, « La population et le tracé des voies à Paris depuis cent ans », Métron, Revue internationale de statistique, Padoue, 1925, p. 1-23 ; idem, La Population et le tracé des voies à Paris depuis un siècle, Paris, PUF, 1928 ; idem, La Politique foncière des municipalités, Paris, Librairie du Parti socialiste, 1908.
  • [51]
    . Gordon Cullen, Townscape, London, The Architectural Press, 1961 .
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