Couverture de RHU_026

Article de revue

Les ateliers d'artistes et leurs voisinages

Espaces et scènes urbaines des modes bourgeoises à Paris entre 1830-1914

Pages 43 à 68

Notes

  • [1]
    Nathalie Heinich, L’élite artiste, excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.
  • [2]
    Ibidem, p. 35. Voir Jerrold Seigel, Paris bohème : culture et politique aux marges de la vie bourgeoise, 1830-1930, Paris, Gallimard, 1991 .
  • [3]
    Cesar Grana, Bohemian versus Bourgeois. French society and the French Men of Letters in the Nineteenth Century, New York, Basic Books, 1964, p. 73.
  • [4]
    Paul de Kock, La grande ville, nouveau tableau de Paris..., Paris, Les publications nouvelles, 1842, p. 340.
  • [5]
    Alain Corbin, L’avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995.
  • [6]
    Édouard Charton, « peintre », Guide pour le choix d’un état..., Paris, Hachette, 1880.
  • [7]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau, étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, Paris, Alcan, 1925, p. 55.
  • [8]
    Voir Stana Nenadic, « Romanticism and the urge to consume in the first half of the 19th Century », dans Maxine Berg et Helen Clifford (eds.), Consumers & Luxury. Consumer culture in Europe 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 208-227.
  • [9]
    Sur l’invention vestimentaire des bohèmes en réaction à la confection et à l’uniforme bourgeois, voir Philippe Perrot, Les dessus et les dessous de la bourgeoisie : une histoire du vêtement au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1981 .
  • [10]
    Colin Campbell, The Romantic Ethic and the Spirit of Modern Consumeris, Oxford, Basil Blackwell, 1987, p. 200-201 . Sur la mise en question des frontières, en réalité très poreuses, entre bourgeois et romantiques, voir John Lukacs, « The Bourgeois Interior », American Scholar, 39, 1970, p. 616-630 et Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 130-132.
  • [11]
    Paul Lacroix, Annuaire des artistes et des amateurs, Paris, Renouard, 1862.
  • [12]
    Archives de Paris (désormais AD75), Calepins du cadastre, D1 P4, rue des Saints-Pères (1862- 1876-1900) et boulevard Saint-Michel (1876-1900) et pour les rues Bonaparte, Madame et de Fleurus (1852) où se mêlent ateliers luxueux et soupentes.
  • [13]
    Ainsi Jollivet, professeur aux Beaux-Arts, a son atelier, « un des plus beaux de Paris », rue des Saints-Pères. Edmond Texier, Tableau de Paris, Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, p. 42.
  • [14]
    L’Artiste, 1858, p. 220.
  • [15]
    Annuaire Bottin-Didot, 1860. Ils sont près de 20 dans la seule rue Notre-Dame-des-Champs.
  • [16]
    Le quartier Saint-Georges et notamment les rues Frochot, Duperré, Fontaine et Chaptal, le nord du quartier de la Chaussée d’Antin, le nord du square Montholon et du quartier Rochechouart.
  • [17]
    Il héberge Ary Scheffer rue Chaptal, Sand et Chopin rue Pigalle, etc. mais aussi de très nombreuses comédiennes et courtisanes. Voir Bruno Centorame et Béatrice de Andia (sous la direction de), La nouvelle Athènes, haut lieu du romantisme, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2001 .
  • [18]
    Le nouveau conducteur de l’étranger à Paris, Paris, J. Moronval, 1838, p. 55.
  • [19]
    Philippe Burty, « L’atelier de Madame O’Connell », Gazette des Beaux-Arts, 1860-1 , p. 350-351 .
  • [20]
    Paris-Guide, Paris, A. Lacroix et Verboeckhoven et Cie, 1867, tome 2, p. 1440.
  • [21]
    Charles Gueulette, Les ateliers de peinture en 1864, visite aux artistes, Paris, Castel, 1864.
  • [22]
    À l’angle des Capucines et de la rue Saint-Augustin officient les frères Bisson et Le Gray ; boulevard des Italiens, Gueuvin, Zacharie, Disdéri et Numa Blanc ; boulevard des Capucines, Mayer et Pierson et Nadar. Les implantations d’ateliers sur l’autre rive sont des échecs ; voir AD75, D11U3/3952, faillite De Torbechet, Allain & Cie, décembre 1864, rue Saint-Dominique.
  • [23]
    L’annuaire Bottin-Didot distingue dès 1860 les peintres artisans des « artistes-peintres ».
  • [24]
    Ibidem, p. 44-45 et Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit. p. 43 ; c’est aussi le cas du sculpteur Dantan, avenue Marguerite.
  • [25]
    Gazette des Beaux-Arts, 1860-2, p. 256. Vers 1875, Gigoux, au faîte de sa carrière, s’installe 17, rue Chateaubriand. M. de Nieuwerkerke et Lehmann sont des collectionneurs majeurs des années 1860.
  • [26]
    Voir Jean Autin, « La spéculation immobilière », Les frères Pereire, Paris, Perrin, 1984, p. 186-194.
  • [27]
    AD75, Calepin du cadastre, D1P4, avenue de Villiers, 1862-1876. Je remercie Jean-Baptiste Minnaert pour ses remarques à ce sujet.
  • [28]
    Émile Zola, Nana, Paris, Fasquelle, 1899 [1880], p. 313 et Carnets d’enquêtes, Paris, Plon, 1986, p. 27-34.
  • [29]
    Idem, Nana, op. cit., p. 313-314.
  • [30]
    Tout-Paris. Annuaire de la société parisienne, 1887.
  • [31]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, Paris, Havard, 1886, p. 286-287.
  • [32]
    On trouve par exemple, au n43, l’atelier de Henner et, au n53, le peintre hongrois en vogue Munckacsy. Voir Paul Belon et Georges Price, « À travers les ateliers, Intérieurs d’artistes », Paris qui passe, Paris, Nouvelle Librairie parisienne, 1888, p. 51 .
  • [33]
    AD75, Calepin du cadastre, D1P4, boulevards Berthier (1876-1900) et Malesherbes (1876- 1900). Voir John Milner, Ateliers d’artistes. Paris, capitale des arts à la fin du XIXe siècle, Paris, Du May, 1990, p. 170-172.
  • [34]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 173-174.
  • [35]
    Le nombre des peintres passe de 600 en 1850 à plus de 4000 dans les années 1880. Malgré les effets de sources et l’extension de Paris, la démographie des artistes est sans rapport avec le développement de la population parisienne. Sur les photographes, je me permets de renvoyer à « La bourgeoisie en portrait. Albums familiaux de photographies des années 1860-1914 », Revue d’histoire du XIXe siècle, 34, 2007, p. 147-163.
  • [36]
    Ces artistes ont généralement un domicile ailleurs, à l’exception des ateliers luxueux autour des Champs-Élysées. Voir Annuaire Bottin-Didot, 1885 et Tout-Paris, annuaire de la société parisienne, 1885.
  • [37]
    Voir La Semaine des constructeurs, 29 octobre 1891 , notamment les constructions réalisées quartier des Ternes par Daniel Dupuis.
  • [38]
    Jacques Lethève, La vie quotidienne des artistes français au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1968, p. 80.
  • [39]
    AD75, Calepins du cadastre, D1P4, rue Notre-Dame-des-Champs (1876-1900). Si l’on ne retient que les ateliers avec verrières, on trouve au n73 Laurens ; au n75, Bouguereau ; au n86, quatre grands ateliers dont celui de Whistler. Les numéros 86, 105, 111 , 115, 117, 118 et 119 abritent aussi des artistes. La moyenne des loyers y est de 1 350 francs.
  • [40]
    Les loyers des ateliers dans le 14e arrondissement sont alors deux fois moins élevés que ceux de la rue Notre-Dame-des-Champs. Voir AD75, Calepins du cadastre, D1P4, rue du Maine (1876, 1900) et Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, Paris, Charpentier, 1881 , p. 182 et sq.
  • [41]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285 et sq.
  • [42]
    La rue est alors occupée par des marchands de vin et des brocanteurs.
  • [43]
    John Milner, Ateliers d’artistes..., op. cit., p. 126.
  • [44]
    « L’atelier de Carolus Duran », Le Magasin Pittoresque, 1899, p. 154.
  • [45]
    À notre connaissance, les études sur le XIXe siècle manquent. Sans exagérer le rôle des artistes, il convient de noter que la sociologie a relevé maints exemples au XXe siècle qui soulignent leur rôle de « gentrifieur » de zones de bâtis anciens et industriels, notamment dans l’est parisien (Catherine Bidou-Zachariasen et Jean-François Poltorak, « Le travail de gentrification : les transformations sociologiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, n132, 2008, p. 107-124), à Prenzlauer Berg ou à Brooklyn. Sur le rôle des artistes dans ce processus, voir David Ley, « Artist, Aestheticisation and the Field of Gentrification », Urban Studies, n40, p. 2527-2544 et Rosalyn Deutsche et Cara G. Ryan, « The Fine Art of Gentrification », October, vol. 31 , The MIT Press, 1984, p. 91 -111 . Pour les travaux de synthèse, voir N. Smith et P. Williams (eds.), Gentrification of the city, London, Allen & Unwin, 1986 et notamment Beauregard, « The chaos and complexity of gentrification », p. 35-55, qui souligne le poids des « agents culturels » dans ces processus.
  • [46]
    Voir sur le XVIIIe siècle la thèse de Charlotte Guichard, Les amateurs d’art à Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Université de Paris I, 2005, p. 431-450. Sur les années 1850, voir Jules Laurens, La légende des ateliers, Carpentras, J. Brun, 1901 , p. 180 et sq.
  • [47]
    Édouard Charton, Guide pour le choix d’un état..., Paris, Chamerot, 1842, article « Peintre ». Voir Anne Martin-Fugier, La vie d’artiste au XIXe siècle, Paris, Audibert, 2007, p. 99.
  • [48]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 139-140.
  • [49]
    Charles Simond, La vie parisienne à travers le XIXe siècle (1830-1870), Paris, Plon, 1900, p. 108.
  • [50]
    Voir Charlotte Guichard, Les amateurs d’art..., op. cit., p. 431-443.
  • [51]
    Annuaire général des collectionneurs de la France et de l’étranger, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 1892.
  • [52]
    Anglicisme qui entre dans la langue française dans les années 1840.
  • [53]
    Un portrait photographique coûte deux fois moins cher qu’une peinture en 1850 et 20 fois moins cher dès 1856. Voir Nadar, Quand j’étais photographe, Paris, Reprint Booking, 1994 [1900], p. 1174-1178.
  • [54]
    Le Moniteur de la photographie, 15 avril 1861 , p. 17.
  • [55]
    L’annuaire Le Tout-Paris intègre dans son titre les « artistes » en 1882 ; dans les années 1890, ils passent au premier plan. Jules Claretie note par exemple en mai 1880 : « tout ce qui, dans le monde parisien, a le culte des choses d’art a visité, cette après-midi, l’atelier de Prosper d’Épinay, 169, boulevard Haussmann », La vie à Paris, Paris, Havard, 1886.
  • [56]
    Guy de Maupassant, « Les amateurs d’artistes », Gil Blas, 30 juin 1885. Les archives privées le confirment : Mme Aubry cotise pour le « Cercle des arts » à partir de 1895 ; voir AN, 572AP95, Fonds Aubry-Vitet.
  • [57]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285.
  • [58]
    Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, op. cit., p. 146.
  • [59]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit., p. 43.
  • [60]
    Paul Eudel, L’hôtel Drouot et la curiosité en 1886-1887, Paris, Charpentier, 1888, p. 361 et sq.
  • [61]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285-290.
  • [62]
    BnF, Cabinet des estampes, Li243, « Peintres ». On trouve une trentaine d’invitations à visiter les ateliers.
  • [63]
    Voir Maurice Agulhon, Le Cercle dans la France bourgeoise (1810-1848). Étude d’une mutation de sociabilité, Paris, Armand Colin, 1968.
  • [64]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 145-147.
  • [65]
    « Ateliers de peintres connus », dans Paris-Parisien 1898. Ce qu’il faut voir ; ce qu’il faut savoir..., Paris, Ollendorff, 1898, p. 88-90. On y trouve la liste des ateliers à visiter avec les jours et les heures. Voir en complément Gabriel Mourey, « Some French Artists at Home », The Studio, 1896, p. 26 et sq.
  • [66]
    Voir BnF, Cabinet estampes, « L’Artiste et l’atelier de 1861 à 1899 » et notamment l’atelier « bohème » de la princesse Mathilde à Compiègne.
  • [67]
    La Semaine des constructeurs, 24 janvier 1885, p. 355. L’architecte Émile Aburtin se fait une spécialité des hôtels surplombés d’un atelier.
  • [68]
    Voir les annonces du Journal officiel des locations et des ventes à Paris, 1884-1912. Pour la seule année 1896, on dénombre près de 27 ventes d’ateliers.
  • [69]
    Jules Claretie, La vie à Paris, op. cit., « Intérieur d’artiste. Eugène Giraud ».
  • [70]
    Voir par exemple, AD75, Calepin du cadastre, D1 P/4, rue d’Assas (1900).
  • [71]
    C’est seulement à partir de 1893 que les bow-windows en maçonnerie non démontables sont autorisées.
  • [72]
    Voir par exemple AD75, D1 P4 rue Saint-Georges (1892-1900). Les ateliers sont loués à des « rentiers » ; il demeure impossible de savoir s’il s’agit d’ateliers d’amateurs ou de garçonnières.
  • [73]
    Voir Jules Laurens, La légende des ateliers, op. cit., p. 180 et sq.
  • [74]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, « Les habitations modernes », op. cit., p. 197 et sq.
  • [75]
    Paul Lacroix, Annuaire des artistes..., op. cit.
  • [76]
    Paul Eudel, L’Hôtel Drouot... en 1886-1887, op. cit., p. 361 et sq.
  • [77]
    Marie de Saverny, La femme chez elle et dans le monde, Paris, Revue de la mode, 1876, p. 76.
  • [78]
    Paris-Parisien 1898, op. cit., p. 477.
  • [79]
    Voir Lynne Thornton, Les orientalistes. Peintres voyageurs, 1828-1908, Paris, ACR, 1993.
  • [80]
    L’Artiste, er avril 1852, p. 73-74. Voir en complément : « Decamps », La Revue des Deux Mondes, 1863-1 , p. 582.
  • [81]
    AD75, D48E/47, Me Pillet et Catalogue des tableaux, dessins, armes, meubles, costumes composant l’atelier de M. Decamps. Vente à Paris, 21-23 avril 1853.
  • [82]
    Charles Gueulette, « Delamare », Les ateliers..., op. cit. Il est élu membre permanent de la Société asiatique de Paris en 1860 ; voir Journal asiatique, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 88.
  • [83]
    Voir Auguste Demmin, Guide de l’amateur de faïences et porcelaines..., Paris, Renouard, 1867, p. 601 et sq.
  • [84]
    Charles Gueulette, « Eugène Fromentin », Les ateliers..., op. cit. Les objets ont été collectés lors de la mission archéologique de 1852.
  • [85]
    Louis-Edmond Duranty, « Bric-à-brac », Le pays des arts, op. cit., p. 153. et Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 146 et sq.
  • [86]
    Paul Eudel, « Léon Gérôme », L’Hôtel Drouot... 1886-1887, op. cit. Fort de sa collection constituée lors de ses voyages au Moyen-Orient, en Turquie et en Égypte, il participe à la création des salles orientales du Musée des Arts décoratifs. Voir W.C. Morrow, Bohemian Paris of Today, London, Lippincott, 1900, p. 38-39.
  • [87]
    Il prend le sens d’objets anciens entre 1850 et 1860.
  • [88]
    Il est notable que ce soient Eugène Piot, Théophile Gautier et Gérard de Nerval qui créent en 1842 et animent Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire, la première revue largement consacrée aux antiquités.
  • [89]
    Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance, Paris, Bance, 1858, p. 296.
  • [90]
    William Duckett, « atelier », Dictionnaire de la conversation, Paris, Firmin-Didot, 1853-1858.
  • [91]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit., p. 43 et sq.
  • [92]
    Paul Eudel, « Léon Gérôme », L’Hôtel Drouot... 1886-1887, op. cit., p. 361 et sq.
  • [93]
    AD75, D11U3/212, dossiers n12920 et 12926, faillite d’Eugène Disdéri, 1856. Voir L’Illustration, 2 juin, Le Monde Illustré, 14 avril 1860, p. 27 et Jean Sagne, L’atelier du photographe, Paris, Presses de la Renaissance, 1984, p. 179-180.
  • [94]
    Nestor Roqueplan, La vie parisienne. Regain, Paris, Michel Lévy, 1869 [1857], p. 161-165.
  • [95]
    Notamment Vermeer, depuis les années 1850 et les achats des frères Pereire et Rothschild ; voir Francis Haskell, « Le goût et les historiens », dans La norme et le caprice. Redécouvertes en art, Paris, Flammarion, 1986.
  • [96]
    Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, op. cit., p. 173.
  • [97]
    C’est le cas des tableaux reproduits par Goupil de Jean-Léon Gérôme – beau-fils de Goupil –, Delaroche, Baugniet ou de Jongh. Les peintures d’intérieurs se vendent massivement : pour la seule année 1884, 296 images d’intérieurs sont reproduites, chacune à des milliers d’exemplaires. (Archives Goupil et Cie, musée Goupil, Bordeaux). Voir en complément Stephen Bann, Parallel Lines, Printmakers, Painters and Photographers in Nineteenth-Century France, New Haven, Yale University Press, 2001 .
  • [98]
    AD75, D48E3/74, vente J.G. Vibert « tableaux [et] mobilier garnissant son Hôtel », Drouot, 21-28 avril 1887. Voir en complément, Le Bulletin de l’art ancien et moderne, avril 1887, « Vente Vibert ».
  • [99]
    AD75, D11U3/187, faillite no111942 du marchand de curiosités Latapie, 58 rue de Rivoli, octobre 1854. On retrouve la même clientèle chez Recappé en 1886 qui en outre vend des peintures contemporaines. AD75, D11 U3/1222, faillite n19356 de Paul Recappé, marchand de curiosités, 9, rue Paul Louis Courier, janvier 1886.
  • [100]
    Guy de Maupassant dans Mademoiselle Fifi met en scène l’attraction qu’exerce la clientèle de peintres et d’écrivains sur le reste de la clientèle d’un antiquaire de la rue de la Chausséed’Antin, Gil Blas, 23 mars 1882.
  • [101]
    Voir Charlotte Schreiber, Confidences of a Collector of Ceramics and Antiques throughout Britain, France, Holland, Belgium, Spain, Portugal, Turkey, Austria and Germany from the Year 1869 to 1885, London/New York, John Lane, 1911 et les archives privées du collectionneur et docteur parisien Auguste-Louis Richelot (AN, AB XIX 4226, Factures 1894-1908).
  • [102]
    Annuaire Bottin-Didot, 1882.
  • [103]
    Jules Claretie, Peintres et sculpteurs contemporains, Paris, Jouaust, 1884, p. 273. Son Empereur Honorius peint en 1880 peut ainsi être considéré comme une boutique de bric-à-brac.
  • [104]
    BnF, Fonds Eugène Boban, NAF 21478. Lettres de P. Morain, peintre, 50 rue Lhomond, et en particulier la lettre du 17 mai 1888 à propos de la Mort de Sainte-Geneviève ; lettres n87 et 290, 1882, de Jean-Paul Laurens, 73 rue Notre-Dame-des-Champs à propos de L’Empereur Maximilien avant son exécution.
  • [105]
    BnF, Cabinet des estampes, Li243, Charles Forestier, « artiste-peintre et marchand de curiosités », vers 1890.
  • [106]
    Annuaire Bottin-Didot, 1910.
  • [107]
    AD75, D42E3/26, vente Decamps, 21-23 avril 1853. Voir Catalogue des tableaux, dessins, armes, meubles, ... op. cit. et Philippe Burty, Gazette des Beaux-Arts, décembre 1860, p. 317.
  • [108]
    De moins d’une dizaine de ventes par an pour les années 1850, on passe à plus de vingt pour les années 1860-1865. Voir AD75, études Ridel et Escribe (D42E) et Pillet et Chevallier (D48E).
  • [109]
    « Vente après décès d’une jeune peintre : [...] les débris d’un atelier sont comme les décors d’un théâtre ! [...] Tous les accessoires inévitables, la cuirasse, l’épée à coquille, la cotte de mailles indispensable pour peindre les guerriers du moyen âge. » Paul Eudel, L’Hôtel Drouot... en 1881 , op. cit. p. 343. On peut dénombrer près de 180 ventes entre 1890 et 1914 (voir AD75, D1E23-68, registres des ventes).

1 Appréhender le Paris du XIXe siècle à l’échelle du quartier permet de comprendre les relations nouvelles que les artistes développent avec leur public bourgeois et leur visibilité dans une ville alors en profondes mutations. La question se pose d’autant plus qu’en « régime démocratique » le statut culturel, social et économique des artistes change [1]. L’avènement des Romantiques ou, sur le plan social, des bohèmes marque le premier temps de cette mutation. « Hors hiérarchie, capable de se frotter aux extrêmes de l’échelle sociale, mais soucieux d’en éviter le milieu, incarné par le ‘‘bourgeois’’, ‘‘l’épicier’’, le ‘‘philistin’’ »  [2], ces enfants de la bourgeoisie s’affichent « hostiles aux règles bourgeoises »  [3]. Leur « communauté de marginaux choisis » se définit par la vocation et le sacrifice du confort bourgeois par amour de l’art. À Paris, écrit Paul de Kock en 1842, un artiste « fait ce qu’il veut, s’habille comme bon lui semble, travaille quand cela lui plaît, flâne tant qu’il en a l’envie »  [4].

2 Les années 1870-1880 constituent une nouvelle rupture : alors que triomphe l’amateurisme [5], la fréquentation des artistes est recherchée par toutes les strates de la bourgeoisie. En 1880, le Guide pour le choix d’un état souligne encore, comme dans sa version de 1842, le caractère « exceptionnelle par sa nature même » de « la condition de l’artiste » et les risques à fonder une carrière sur un métier dans lequel « l’inné » joue un rôle  [6]. Il ajoute cependant que « les artistes sont honorés » et « libéralement rétribués ». La bourgeoisie ne craint plus la proximité des artistes. Devenus « l’élite culturelle », ils sont un des éléments de l’élite sociale. Par un raccourci éclairant, Edmond Goblot décrit ce processus : après 1848, écrit-il, la bourgeoisie « s’aperçut que presque tout le monde des artistes et une partie du monde littéraire était en dehors d’elle [...]. Une autre élite se formait [...]. Alors les arts et les lettres devinrent à la mode »  [7]. L’attrait des artistes est d’autant plus fort qu’avec l’affadissement du modèle curial et nobiliaire dans les années 1830, la bourgeoisie est en quête de nouveaux prescripteurs du goût. Car l’argent n’octroie pas le goût, aptitude distinctive par excellence, nécessaire pour apprécier les œuvres mais aussi pour se vêtir et se meubler. La bourgeoisie est confrontée à une triple question matérielle et identitaire : choix d’un quartier, choix d’une forme d’habitat et choix de consommations. Après 1850, les artistes apparaissent comme le groupe capable d’offrir des modèles renouvelés et distinctifs, d’autant que leur propre identité sociale se définit en partie par leur culture matérielle  [8] et font de l’achat un geste d’invention et d’expression d’une sensibilité [9]. Les bohèmes élaborent ainsi une « philosophie de la récréation nécessaire à la dynamique de la consommation »  [10]. La bourgeoisie en perçoit la puissance distinctive. L’artiste devient législateur – qui détermine les règles du jeu de la mode –, prescripteur – qui influence les choix – et vecteur – qui véhicule modèles et objets.

3 Le Paris du second XIXe siècle n’est pas seulement le terrain où s’élabore un système bourgeois des modes nourri par les artistes ; il en est aussi le produit. Un espace est au cœur de ces tensions : l’atelier, espace à la fois social, architectural et commercial. L’observer, permet de comprendre comment se forge une nouvelle scène urbaine des modes, scène qui structure la vie sociale et économique d’un quartier et participe à la construction de son identité.

Les ateliers d’artistes dans la construction de la ville bourgeoise

4 L’atelier, avant tout lieu d’enseignement et de production au début du XIXe siècle, devient lentement un lieu mondain, ouvert. Émergences et reconfigurations des ateliers et des quartiers d’artistes suivent les mutations de la figure sociale de l’artiste.

ANCIENS ET NOUVEAUX QUARTIERS D’ARTISTES : DU CENTRE À LA PÉRIPHÉRIE

5 En 1861 , Lacroix publie un annuaire consacré aux 550 artistes « importants » dont la localisation dessine la géographie des quartiers d’artistes dans le nouveau Paris  [11] . Au centre, dans le Quartier Latin, les artistes sont présents dans les mansardes, en particulier rue des Saints-Pères et boulevard Saint-Michel [12]. Leurs ateliers, sans eau et exigus, n’ont rien de mondain. Il faut aller au nord du quartier pour en trouver de plus luxueux. C’est le cas des ateliers du quai Voltaire, généralement des hôtels des XVIIe et XVIIIe siècles augmentés d’une verrière ; l’atelier d’Ingres au no17 en est l’emblème dans les années 1840 comme ceux de Delacroix et de Corot aux numéros 9 et 11 . La proximité avec l’École des Beaux-Arts ouverte en 1816 explique cette polarisation [13]. Plus au sud, un groupe d’ateliers occupe aux alentours du jardin du Luxembourg les immeubles exposés au nord, en particulier dans la rue d’Assas. La présence du Musée du Luxembourg tout comme celle du vieillissant et glorieux David expliquent ce tropisme. Les ateliers du quartier, « impossibles à acclimater [aux] salons du Faubourg », ne sont cependant pas des hauts lieux de mondanités [14]. Enfin, rive gauche, émerge encore le quartier Notre-Dame-des-Champs. Périphérique, il abrite de jeunes peintres et sculpteurs qui occupent de grands ateliers de plain-pied [15].

6 L’autre pôle que met en lumière la cartographie est constitué, rive droite, par le quartier de la « Nouvelle Athènes »  [16]. La zone entre les rues Saint-Lazare, Blanche, de La Rochefoucauld et de La Tour-des-Dames, lotie dans les années 1820, devient le quartier romantique [17]. Dans les années 1830, il est encore constitué de « villas champêtres »  [18]. En le visitant en 1860, Burty confirme à la fois le grand nombre d’artistes et cette excentricité géographique qui en fait un « quartier tranquille [...] propice aux arts », sillonné par des « marchands de couleurs » et des « modèles »  [19]. L’éthique romantique plébiscite les ateliers bon marché et la vie à la frontière de la ville. Cette excentricité devient vite conquérante. Quelques comédiens et comédiennes, écrit rétrospectivement le Paris-Guide en 1867, « ont étendu les limites du quartier en construisant des hôtels [...] où leur présence attira bientôt des artistes [...] qui trouvaient là plus de calme, d’espace, de lumière. Enfin, à une époque plus récente encore, la spéculation, s’emparant des terrains inhabités au-delà de l’église Notre-Dame-de-Lorette, y construisit des maisons d’une certaine élégance »  [20]. 160 des 530 ateliers recensés par l’Annuaire des artistes sont dans ce quartier, généralement installés dans des immeubles de deux étages coiffés d’une verrière. À quelques pas des boulevards, le quartier s’affiche comme un quartier d’artistes. Bien après le temps fort du romantisme, il demeure celui des artistes d’autant que ceux-ci participent à l’industrie de l’image – dessins pour l’édition et portraits – qui se développe au sud. En 1864 encore, quand Charles Gueulette entreprend de visiter les artistes à la mode, c’est ce quartier qu’il arpente  [21] . L’implantation des nouveaux portraitistes que sont les photographes est en cela significative. Alors que les daguerréotypistes se concentraient autour du Palais-Royal, lieu de la nouveauté et des portraits à la Silhouette au XVIIIe siècle, les photographes s’installent massivement le long des boulevards, entre la Bourse et les théâtres [22].

Figure no 1

Carte des ateliers de peintres dans Paris en 1861 d’après Paul Lacroix, Annuaire des artistes et des amateurs, Paris, Renouard, 1862 et complété avec l’Annuaire Bottin-Didot du commerce de 1861 . L’auteur tient à remercier Jean-Luc Pinol pour son aide décisive dans l’élaboration des cartes.

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Nouvelle Athènes
Notre-Dame Luxembourg
des Champs

Carte des ateliers de peintres dans Paris en 1861 d’après Paul Lacroix, Annuaire des artistes et des amateurs, Paris, Renouard, 1862 et complété avec l’Annuaire Bottin-Didot du commerce de 1861 . L’auteur tient à remercier Jean-Luc Pinol pour son aide décisive dans l’élaboration des cartes.

7 À la fin des années 1850 émerge le « quartier Beaujon », à l’extrémité du quartier administratif du Faubourg du Roule [23]. La zone est encore composée de jardins et de quelques rares lotissements mais de grands ateliers comme le « splendide atelier » de Giraud, rue d’Artois, rencontrent un succès auprès du [...] monde élégant »  [24]. En 1860 , la Gazette des Beaux-Arts retrace l’histoire du quartier « que les artistes avaient choisi comme une retraite silencieuse » : « Lorsque [le peintre de marines] M. Gudin s’y transporta, il y a quelque vingt ans, tout le quartier n’était qu’un terrain vague, un désert. Depuis, [ont été] élevés les ateliers de M. de Nieuwerkerke et de M. Gigoux, et le palais Lehmann. »  [25] Les grands amateurs sont en effet très présents dans le quartier dès le début des années 1860. À mi-chemin entre artistes et bourgeois, ils apparaissent comme des habitants de transition qui entraînent les bourgeois dans leur sillage.

LES ATELIERS D’ARTISTES : UN PRODUIT IMMOBILIER VALORISANT POUR UN NOUVEAU QUARTIER BOURGEOIS. LA PLAINE MONCEAU

8 La configuration des quartiers d’artistes est profondément transformée dans les années 1870-1880. La cartographie d’un échantillon de 600 artistes – sur les plus de 4000 inscrits au Bottin-Didot – au début des années 1890 montre sans surprise un basculement vers l’Ouest et la conquête de nouveaux espaces : les quartiers de Chaillot, de l’Europe, des Batignolles et de la Plaine Monceau. À l’évidence, une partie des artistes suit sa clientèle ; la proximité fait office de publicité. Cependant, pour le quartier Monceau, il apparaît que les artistes jouent un rôle central dans la conquête de l’espace. Dans les années 1860, des artistes s’installent dans cette zone jusque-là négligée. À l’occasion de l’agrandissement de Paris, les terres du Duc d’Orléans sont partagées entre l’État et la compagnie immobilière des frères Pereire. Alors que l’on remodèle le parc sous l’égide d’Alphand, ces derniers se lancent dans une vaste entreprise de lotissements [26]. La présence de nombreux ateliers luxueux laisse penser qu’il s’agit de mettre en valeur les parcelles exposées au nord et d’attirer des artistes consacrés [27]. L’opération est un succès et le quartier devient à la fois l’emblème des arts et de la bourgeoisie du Second Empire. Zola, dans La Curée, y place l’hôtel des Saccart et c’est encore « dans ce quartier de luxe en train de pousser au milieu des terrains vagues » que Nana se fait acheter un hôtel [28]. De nombreux lots non construits sont achetés par les artistes ; larges avenues et dégagements dus au parc Monceau permettent de construire de vastes ateliers-maisons. L’hôtel-atelier acheté pour Nana n’a-t-il pas été « bâti par un jeune peintre, grisé d’un premier succès »  [29] ? En 1887, les peintres retenus par l’annuaire Le Tout-Paris sont majoritairement dans le quartier [30]. Albert Wolff qui choisit le quartier pour dresser le paysage de La capitale de l’Art le dépeint en 1886 : « C’est le vendredi qui a été adopté par la plupart des artistes pour les réceptions. Ce jour-là, l’avenue de Villiers est curieuse à voir : tout Paris y défile [...], chacun rend visite à son peintre ; dans toutes les maisons du quartier, il y a un atelier [...]. On peut mesurer le rang d’un peintre d’après le nombre de voitures qui stationnent devant son hôtel. »  [31] Toute l’avenue qui s’achève sur la maison-atelier de Sarah Bernhardt est habitée par des artistes  [32]. Boulevard Malesherbes, on trouve côte à côte les ateliers de Detaille et Meissonier ; rue Fortuny, ils se comptent par dizaines à côté de celui de Barrias ; rue Ampère, ils sont concentrés autour de celui de Flameng ; enfin, boulevard Berthier, la suite d’ateliers a son point culminant avec celui de John Singer Sargent [33]. L’originalité prêtée aux artistes s’exprime en façade à l’image du « palais d’une construction bizarre » de l’artiste le plus cher et le plus décoré, Ernest Meissonier [34].

Figure no 2

Carte d’un échantillon de 600 ateliers dans Paris en 1893 d’après l’ Annuaire Bottin-Didot du commerce de 1893.

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Plaine Monceau
Nouvelle Athènes
Notre-Dame
des champs

Carte d’un échantillon de 600 ateliers dans Paris en 1893 d’après l’ Annuaire Bottin-Didot du commerce de 1893.

9 Pour que la géographie des ateliers soit complète, il convient d’ajouter la myriade de copistes et de portraitistes qui cherchent à capter une clientèle de proximité dans un contexte de forte concurrence [35]. Le phénomène est manifeste dans les nouveaux quartiers résidentiels de La Muette, d’Auteuil ou autour des Champs-Élysées [36]. À partir des années 1880, et dans l’ensemble des quartiers parisiens, les ateliers d’artistes sont des éléments de mise en valeur des programmes immobiliers au point que quelques architectes se spécialisent dans la construction d’immeubles cossus, coiffés d’un atelier qui valorise au mieux l’espace des combles, extensible depuis 1884 [37].

LES ARTISTES GENTRIFIEURS : L’EXEMPLE DU QUARTIER NOTRE-DAME-DES-CHAMPS

10 Dans les années 1880 , les « marchés aux modèles », indices de l’existence de quartiers d’artistes, se tiennent place Pigalle et à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue de la Grande-Chaumière [38]. Ce dernier quartier, Notre-Dame-des-Champs, déjà identifié dans les années 1860, connaît une profonde métamorphose qui a toute l’apparence d’un processus de gentrification. Avant les années 1870, il est occupé par quelques sculpteurs dont les ateliers de plain-pied s’apparentent à des fabriques. Après, les peintres s’y installent en nombre, en particulier entre la rue de Vaugirard et le boulevard Montparnasse, autour de l’Église de Notre-Dame-des-Champs et dans le triangle constitué par la rue de la Grande-Chaumière, le boulevard Montparnasse et la rue d’Assas [39]. Les « rapins », qui louaient des ateliers à 500 francs, vont plus au sud, chassés par le renchérissement des loyers – 1 200 pour « un atelier décent », 1 800 pour un bel atelier [40]. Certains artistes jouent de cette excentricité géographique pour se distinguer : « l’atelier le plus curieux de Paris, écrit Albert Wolff, est celui de Carolus Duran. Presque tous les autres peintres habitent le quartier Monceau ; c’était pour Carolus une raison de plus d’aller [...] passage Stanislas ; ce n’est pas à deux pas »  [41] . C’est aussi le cas du peintre Bastien-Lepage qui installe un somptueux atelier dans la modeste rue des Fourneaux  [42]. Quelques artistes participent directement à la spéculation immobilière dans cette zone à l’instar d’Auguste Toulmouche, portraitiste à la mode et promoteur d’un ensemble d’ateliers dans le quartier [43]. Jusque dans les années 1890, la bourgeoisie n’est que très faiblement implantée dans ce quartier qui nécessite qu’on « quitte Paris » pour s’y rendre  [44]. C’est entre 1900 et 1910 , et alors qu’il est identifié comme un quartier d’artistes, que la bourgeoisie s’y installe. Les artistes apparaissent bien ici comme les protagonistes d’une gentrification d’un tissu urbain existant [45]. Par eux, la bourgeoisie se réinvente, dans les quartiers de la Plaine Monceau et de Notre-Dame-des-Champs, une géographie urbaine en dehors des polarités héritées du XVIIIe siècle.

Visites à l’atelier : nouveau modèle d’architecture et de sociabilité

11 La constitution de quartiers où cohabitent artistes et bourgeois ne suffit pas à attester d’échanges, ni à en définir la nature. C’est l’émergence des ateliers comme scène mondaine et urbaine qui en fait de nouveaux creusets des modes.

12 Sous la monarchie de Juillet, les ateliers sont avant tout fréquentés par des artistes et des amateurs [46]. Les visites bourgeoises en famille apparaissent improbables tant l’atelier est considéré comme une « école de mauvaises mœurs »  [47]. Edmond Goblot note : « les jeunes filles [...] devaient s’en tenir aux fleurs et aux paysages. Comment pénétrer dans l’atelier d’un peintre ou d’un sculpteur ? Le modèle vivant ? Quelle horreur ! »  [48] Même les ateliers des peintres consacrés par l’Académie comme Delaroche ou Vernet sont des « sanctuaires », réservés à un « petit nombre d’élus »  [49]. Le retrait du monde et le choix du public sont des signes d’exigence artistique qui reconduisent la sociabilité des ateliers du XVIIIe siècle [50].

13 La mutation se situe dans les années 1850-1860. D’une part, le nombre des amateurs croît vertigineusement pour arriver à plus de 4000 recensés à Paris dans les années 1890 [51] ; d’autre part, la demande de portraits gagne toutes les strates de la bourgeoisie. Les milliers d’ateliers de photographes, peintres et sculpteurs s’ouvrent à la clientèle.

LA VISITE AU PHOTOGRAPHE

14 Les ateliers de photographes – déjà plus de 200 en 1855 – sont parmi les premiers à s’ouvrir largement au public. Les photographes sont moins intimidants que les peintres, moins chers, et leurs ateliers, situés sur les boulevards dédiés au shopping [52], permettent aux badauds de circuler librement comme dans les grands magasins [53]. Frappés de discrédit car assimilés à des industriels, les photographes, souvent d’anciens bohèmes, se mettent en scène comme des artistes, s’agitant, habillés des vêtements de l’artiste inspiré. Le décor lui-même doit dissimuler l’extraction industrielle de leur activité. Nadar possède ainsi sur le boulevard un atelier où « la pourpre et l’or se mêlent, où les plantes exotiques croissent comme en pleine terre dans les fentes d’un rocher d’où jaillit une onde pure »  [54]. Les ateliers de photographe tiennent à la fois du salon bourgeois, du palais industriel et de l’atelier du peintre dont ils tentent de conserver le prestige. Dès les années 1850, l’atelier du photographe familiarise ainsi la bourgeoisie avec l’atelier d’artiste.

Figure no 3

Salon de réception chez Eugène Disdéri, boulevard des Italiens.

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Salon de réception chez Eugène Disdéri, boulevard des Italiens.


Gravure extraite de l’Illustration, 1860. Collection particulière.

L’ATELIER DU PEINTRE : NOUVELLE SCÈNE DE LA VIE BOURGEOISE

15 La fréquentation des ateliers de peintres suit celle des ateliers de photographes. Si les peintres prennent une place nouvelle dans le « Tout-Paris » de la monarchie de Juillet, ce n’est que dans les années 1860-1870 qu’ils deviennent des figures incontournables des mondanités bourgeoises et leurs ateliers les scènes urbaines des modes. Les guides de savoir-vivre comme les annuaires mondains les intègrent après 1880 et les chroniques mondaines relatent chaque semaine leur vie [55]. Après « les amateurs de tableaux » apparaissent les « amateurs d’artistes »  [56] et le peintre, à la recherche de clients, « a son jour où son atelier se transforme en salon »  [57]. Dorénavant, les ateliers proposent un espace de réception  [58]. Le sculpteur Dantan fait aménager un « second atelier [...] où les belles dames qui viennent chez le maître savent où poser un pied chaussé d’une bottine de satin »  [59]. Chez Camille Bernier, quai d’Orsay, l’atelier s’agrandit à l’aide de cloisons amovibles pour devenir salon [60].

16 Dans le courant des années 1880, une large frange de la bourgeoisie se mêle à ces mondanités. Le phénomène est attesté jusque dans les ateliers les plus en vue : « le jeudi matin [...], il y a chez Carolus Duran réception ouverte [...] ; la foule entre, salue le maître de la maison, et elle se répand dans l’atelier ; un domestique ouvre la porte, mais il ne nomme pas les visiteurs ». Les « familles arrivent empressées ; [...] avec les mères, les jeunes filles viennent, palpitantes d’émotion de pénétrer pour la première fois chez un artiste en renom »  [61]. La visite à l’atelier devient une sortie familiale. Les plus de 4000 peintres en concurrence distribuent largement des invitations pour leurs jours de réception ou leurs vernissages  [62].

17 D’autre part, si la bourgeoisie visite ces ateliers, c’est pour accéder à une sociabilité ouverte, souci constant tout au long du siècle, et pour se forger un goût comme elle le fait au musée [63]. Tôt, Edmond Goblot a analysé ce phénomène : « vers l’avant-dernière décade du siècle [...] l’art est venu à la mode [...]. Les murs des salons se couvrent de peintures [...]. En pénétrant dans la vie bourgeoise, le goût artistique [...] tombe sous l’empire de la mode [...] qui ne souffre pas les jugements personnels. Le résultat [...] est qu’on demande à l’art de ne pas être accessible à tous, [...] d’être fermé au vulgaire, ouvert aux seuls initiés. La bourgeoisie est venue à l’art pour s’en faire une barrière. Mais s’il est barrière, il faudra aussi qu’il soit niveau [...]. À ce compte, l’esthétique bourgeoise ne peut s’accommoder d’une autre originalité que celle dont tout le monde s’avise en même temps, à l’intérieur de la classe »  [64]. À l’échelle urbaine, l’atelier est un des lieux où se fabrique une distinction à la fois puissante et collective. À la fin du siècle, quantité de guides recommandent la visite des « ateliers de peintres connus » où s’apprennent les modes [65]. La bourgeoisie y découvre, en un seul séjour, à apprécier œuvres, vêtements, bibelots et architecture.

VIVRE BOURGEOISEMENT EN ATELIER

18 Ce phénomène trouve sa traduction dans les espaces privés bourgeois. L’atelier, espace ouvert éclairé par une verrière, devient un modèle d’aménagement [66]. Il s’agit, en singeant ce modèle architectural, de capter, ensemble, le goût des peintres et leur sociabilité. Autour de 1870, des bourgeois se lancent dans l’aménagement d’atelier. Les exemples sont nombreux dans le quartier Notre-Dame-des-Champs. C’est le cas de Charles Lauth, conseiller municipal et directeur de la Manufacture de Sèvres qui fait surélever son hôtel particulier rue d’Assas pour y installer un atelier qui fait office de salon et de galerie [67]. Dans le même temps, les maisons-ateliers « aménagées en habitation » sont recherchées  [68]. Dans une ville uniformisée par les règles d’urbanisme, elles sont des formes originales. Le rachat en 1881 de l’atelier d’Eugène Giraud rue d’Artois par la baronne de Rothschild nourrit ce goût  [69]. L’atelier d’artiste devient atelier d’amateur, salle de billard ou jardin d’hiver  [70]. Le nouveau règlement de voirie de 1884 favorise la reproduction de ces formes architecturales dans la mesure où les combles peuvent dorénavant être surélevées si elles sont comprises dans un arc de cercle et les bow-windows sont autorisées aux étages nobles  [71] . Entre serres et ateliers, ces espaces sont bien souvent dédiés aux arts, à un moment où l’amateurisme conquiert toute la bourgeoisie.

Figure no 4

Hôtel à l’angle des rues Vaugirard et d’Assas surélevé d’un atelier par Émile Aubertin pour Charles Lauth.

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Hôtel à l’angle des rues Vaugirard et d’Assas surélevé d’un atelier par Émile Aubertin pour Charles Lauth.

La Semaine des constructeurs, 24 janvier 1885, p. 355.
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Figure no 5

Modèle d’installation d’ateliers dans les combles publié par Henry Havard, « L’art dans la maison. Des galeries de tableaux et des cabinets de curiosités », l’Illustration du 3 mars 1 883, p. 1 34. Bourgeoise posant dans son atelier d’amateur, quartier des Ternes, vers 1885.

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Modèle d’installation d’ateliers dans les combles publié par Henry Havard, « L’art dans la maison. Des galeries de tableaux et des cabinets de curiosités », l’Illustration du 3 mars 1 883, p. 1 34. Bourgeoise posant dans son atelier d’amateur, quartier des Ternes, vers 1885.

Collection Manuel Charpy.

19 Les ateliers nouvellement construits, dans la vague immobilière des années 1885-1895, ne sont cependant pas tous occupés par des artistes amateurs. Nombre d’entre eux sont transformés en studios, voire en garçonnières, refuges des relations clandestines [72]. À la fin du siècle, le vaudeville consacre ce nouvel espace. Si le phénomène reste marginal, il pointe un des aspects qui fascine dans l’atelier : espace fortement sexué – espace masculin sans épouse ni enfant –, c’est un monde de fantasmes fait de modèles féminins et de libertés de mœurs réfugiées au-dessus des appartements familiaux bourgeois [73].

Quartiers d’artistes et ateliers : nouvelles scènes urbaines des modes

20 Fréquenter les ateliers, c’est aussi pour la bourgeoisie chercher des modèles de consommation distinctifs, loin de l’uniformité des intérieurs « où tous les perroquets de la création semblent avoir éparpillé leurs plumes », tout en conjurant les fautes de goût  [74]. Pour cela, la bourgeoisie fait des ateliers des lieux d’apprentissages et bien vite de commerce.

LE SINGULIER DÉSORDRE PITTORESQUE DES ATELIERS : MODÈLES DE CONSOMMATION ET D’AMEUBLEMENT

21 Ce qui fascine d’abord dans les ateliers, c’est la profusion des objets. Dans les années 1860, près d’un collectionneur sur sept est un artiste – peintre ou sculpteur [75]. Tous les peintres ont en effet leur genre de collection. Dans les années 1880, Paul Eudel définit un atelier d’artistes d’abord comme un lieu où sont agencées des « collections de bibelots », « des armures et des meubles gothiques » comme dans « un magasin de bric-à-brac »  [76]. Les artistes participent ainsi à diffuser le goût de la collection privée. Au-delà, le désordre des ateliers, aux antipodes de la bonne économie domestique, séduit la bourgeoisie qui croit y décrypter la capacité innée des artistes à agencer objets et meubles. En 1876, la bourgeoise Revue de la Mode condamne cette vogue, attestant par là de son succès : « Dans un vaste salon, largement éclairé, se trouvent réunies toutes les choses possibles et impossibles destinées à témoigner d’un goût artistique poussé au suprême degré. [Madame a] un piano à queue toujours ouvert [...], sa fille sans doute peint, car voici dans un coin un chevalet, une boîte à couleurs [...]. Toute cette mise en scène a pour but de prouver que les maîtres du logis ont des [...] talents d’amateurs. »  [77] Malgré les condamnations, le caractère romanesque de ces « fouillis pittoresques » semble irrésistible. Organiser l’éclectisme des objets accumulés dans les appartements relève d’un art. « À moins d’avoir un goût sûr et personnel, écrit le guide Ollendorf, le mieux est de se fier aux conseils des tapissiers-décorateurs [...]. À moins qu’on ne préfère les conseils d’artistes amis. »  [78] Dans les intérieurs bourgeois, des pinceaux, un chevalet et quelques bibelots figurent un atelier tout en endiguant la menace du désordre.

DE LA TOILE AU SALON BOURGEOIS : LE COMMERCE DE LA COULEUR LOCALE

22 Au-delà de l’agencement, c’est toute une culture matérielle que la bourgeoisie apprend dans les ateliers. À la recherche d’objets qui anoblissent et désireuse d’échapper aux produits de l’industrie, elle y trouve des objets désignés par la sensibilité artiste et promus par l’image. Dans les années 1850, alors que les intérieurs bourgeois n’ont guère adopté que les chinoiseries d’imitation, les artistes accumulent déjà des objets orientaux authentiques  [79]. Dumas décrit en 1852 l’atelier du peintre Decamps : l’« inventeur de l’Orient, a coquettement pendu à ses quatre murailles, ses joyaux des grands jours, fournis par les quatre parties du monde. [...] Ce tomahaw canadien et ce couteau à scalper viennent d’Amérique [...]. Ces flèches et ce cric sont indiens [...]. Ce sabre recourbé a été trempé à Damas »  [80]. À leur côté pullulent des « porcelaines du Japon, des figurines égyptiennes, des poignards turcs, [...] des peaux de tigre, de lion ». Cet exotisme tous azimuts fascine. Si l’atelier de Decamps est réservé aux proches, la foule se presse en 1853 à Drouot pour acheter son bric-à-brac exotique [81]. Le peintre Théodore Delamare installé 27 rue des Jeûneurs dans les années 1850 joue, lui, de son rôle de prescripteur. « Peintre ethnographe », il s’attache à recréer des « intérieurs chinois » sans avoir jamais quitté l’Europe [82]. Dans le même temps, il peint des poteries « chinoises » et les vend [83]. L’atelier est espace de collection, d’évasion et de commerce. Les ateliers orientalisant sont partout dans les années 1850-1860 : celui de Labbé, quartier Beaujon, garni d’objets envoyés par sa famille depuis Blidah ; celui de Fromentin, place Pigalle, d’objets collectés en Algérie [84] ou encore celui de Landelle, quai Voltaire, d’objets marocains. Les ateliers apparaissent comme des espaces hors de la ville où la rêverie vers les lointains peut se développer sans entrave tant le visiteur y « éprouve comme un sentiment de calme et de séparation d’avec le dehors »  [85].

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Figure no 6

Ateliers et collections d’objets exotiques. Atelier de John Singer Sargent, 41 , boulevard Berthier, vers 1883, collection particulière, et petit salon d’attente dans la nouvelle maison Nadar, rue d’Anjou, ouverte en 1872. On notera la collection de babouches, de peaux de bêtes, d’armes, de momies et d’animaux empaillés.

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Ateliers et collections d’objets exotiques. Atelier de John Singer Sargent, 41 , boulevard Berthier, vers 1883, collection particulière, et petit salon d’attente dans la nouvelle maison Nadar, rue d’Anjou, ouverte en 1872. On notera la collection de babouches, de peaux de bêtes, d’armes, de momies et d’animaux empaillés.

BnF, Cabinet des Estampes, photographies de l’intérieur de Nadar rue d’Anjou.

23 La génération de peintres suivante joue un rôle considérable dans la diffusion de cette culture. Eudel s’arrête longuement en 1887 sur ces ateliers où règne la curiosité, en particulier sur celui du peintre Gérôme, scrupuleux archéologue. Derrière la banale façade de son hôtel, les « Mille et une nuits ». « Quel charmant intérieur ! écrit-il. C’est le même soin dans les détails [...] que dans ses tableaux. Pour arranger et décorer de la sorte une maison, il ne suffit pas d’être un peintre d’érudition, il faut être encore le plus habile et le plus raffiné des amateurs, [...] je suis transporté loin de Paris. »  [86] En visite dans les ateliers, la bourgeoisie se familiarise avec ces curiosités exotiques échappées de la peinture et apprend à les mettre en scène dans les intérieurs.

Figure no 7

Atelier aux allures de magasin d’antiquités : l’atelier du peintre Jollivet, rue des Saints-Pères, à quelques pas de l’école des Beaux-Arts.

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Atelier aux allures de magasin d’antiquités : l’atelier du peintre Jollivet, rue des Saints-Pères, à quelques pas de l’école des Beaux-Arts.

Gravure extraite d’Edmond Texier, Tableau de Paris, tome 2, Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, p. 44.

LA FABRIQUE DE L’HISTOIRE : DES OBJETS D’ATELIER AUX ANTIQUITÉS D’APPARTEMENT

24 Une autre mode s’enracine et se déploie à partir et autour des ateliers : celle des antiquités [87]. L’origine de cette mode n’est pas unique tant elle répond aux attentes culturelles de la bourgeoisie mais là encore, les artistes jouent un rôle essentiel  [88]. Évoquant les années 1830 , Viollet-le-Duc note : « les artistes ont cherché à donner à leurs travaux historiques un cachet de vérité, ce qu’on appelait, il y a vingt ans, la couleur locale. [...] Le public est devenu bientôt exigeant [et] s’est mis à siffler sans miséricorde les anachronismes »  [89]. La peinture historique qui s’invente alors est nourrie de documents. Ce bric-à-brac historicisant est déjà dans les années 1850 un poncif : « l’atelier d’un peintre d’histoire [contient] de vieilles armures, de vieux costumes, des plâtres, une bibliothèque quelquefois »  [90]. Dans les ateliers, les objets passent d’objets d’étude à objets de décoration. Edmond Texier, qui s’attache plus à décrire l’atelier de Giraud que ses peintures note que les meubles « appartiennent à la fin du XVe siècle [...]. On peut d’ailleurs lire la date précise sur un almanach du temps. [...] Les sièges sont [couverts] en drap rouge, comme Lucas de Leyde en met dans la chambrette de la Vierge ». Même chose chez Jollivet, près de l’École des Beaux-Arts où « armures splendides, bahuts renaissance, lustre flamand » semblent sortir des nouveaux magasins d’antiquités des quais [91]. Chez Gérôme, les objets sont des copies « empruntées à Cluny »  [92]. Les photographes, soucieux de faire oublier le caractère contemporain de leur art, accumulent les antiquités. Chez Disdéri, la façade de verre, de fonte et d’acier, ouvre sur des salons remplis d’antiquités, l’une des « plus attrayantes curiosités de Paris »  [93]. À la fin des années 1860, alors que la bourgeoisie découvre le vertige d’accumuler des antiquités dans ses appartements, le dandy Nestor Roqueplan résume le phénomène : « tout à coup, une génération d’artistes, inspirée par des révélations littéraires, se mit en quête des débris du temps passé. Panneaux de boiseries sculptées, fragments de bas-reliefs, vieux brocarts, damas séculaires, tout ce qui leur tombait sous la main, en voyage, dans une auberge [...] venait par le roulage orner un coin d’atelier [...]. Mais ce goût [...] a passé de l’atelier du peintre dans le salon de la femme à la mode [et les] objets, qui n’étaient pour le peintre qu’un sujet d’étude, un modèle de forme, firent partie de l’ameublement usuel »  [94].

25 Être un homme de bon goût, c’est dorénavant savoir accumuler avec science et art des objets anciens.

DE LA TOILE AUX VITRINES : LES OBJETS D’ATELIER DANS LE MARCHÉ

26 Si peintres et photographes jouent un rôle central dans la diffusion des modes, c’est d’abord parce qu’ils manipulent des images. De très nombreux ateliers ressemblent ainsi à des peintures hollandaises du XVIIe siècle, peintures d’intérieur par excellence, alors en vogue [95]. Lustre en cuivre, tapis ottomans, faïences de Delft, mandoline au mur : les ateliers proposent une mise en objets de ces peintures. Dès lors, ces objets peuvent entrer dans les intérieurs. Duranty peut ainsi noter : « nous connaissons des peintres qui ont chez eux pour 30000 francs de bibelots [...]. Costumes, meubles, tapisseries, armes, ils les peignent dans leurs tableaux, et séduisent par là l’œil des amateurs. Sans leurs bibelots, ils ne feraient pas le quart de ce qu’ils font d’affaires »  [96]. Les tableaux deviennent catalogues de vente, d’autant qu’ils circulent intensément par la gravure, la lithographie puis la photographie [97]. Cas exemplaire, celui du peintre Jehan Georges Vibert. Ayant pour tuteur le marchand d’estampes Goupil, ses peintures sont vite reproduites. Descriptives, elles se veulent des reconstitutions de scènes historiques où se mêlent potiches chinoises, tapis ottomans, costumes bretons, service d’argenterie, petits meubles du XVIIIe siècle... En 1887, la bourgeoisie se presse pour acheter ce qu’elle a déjà vu en reproductions lors de la vente qu’il organise de ses objets d’atelier [98]. Le paradoxe de Wilde qui veut que la vie imite l’art est ici à l’œuvre.

27 Les images ne suffisent cependant pas à faire les modes. Jusqu’ici, nous avons inféré que les modes passaient des ateliers aux intérieurs bourgeois par contamination visuelle. Or, les circulations des objets dans l’espace urbain peuvent être retracées et c’est d’autant plus vrai que ces clients sont attentifs aux modalités et lieux d’acquisition. Autour des ateliers se développent ainsi des quartiers marchands où se vendent les objets promus par les peintres. Les associations entre peintres et marchands sont fréquentes. Si les peintres et sculpteurs font le voyage vers l’Orient, ce sont les marchands de curiosités qui alimentent leurs collections. Pour exemple, en 1858, le très prospère marchand Latapie installé rue de Rivoli possède une « belle clientèle composée d’artistes »  [99]. Après 1860, de nombreux antiquaires et marchands de curiosités s’installent ainsi à proximité des artistes, cherchant à capter leur prestige et leur clientèle [100]. Lorsque les amateurs parcourent la ville à la recherche d’objets singuliers, les quartiers d’artistes s’imposent [101]. C’est par exemple le cas des rues Laffitte, Taitbout, de Provence et de Chaptal, rues peuplées d’artistes où se concentrent les antiquaires [102]. C’est tout aussi manifeste dans le quartier autour des Beaux-Arts où les antiquaires se massent le long des quais. L’association entre artistes et antiquaires débouche sur la création de nouveaux espaces de publicité et de commerce. Pour exemple, l’antiquaire et marchand de curiosités Eugène Boban entretient des relations continues avec le portraitiste Pierre Morain et le peintre d’histoire Jean-Paul Laurens, membre de l’Institut, réputé pour ses tableaux qui fourmillent d’objets anciens [103]. Boban leur fournit des objets pour meubler leurs tableaux, en retour il bénéficie de leur publicité [104]. Au sein d’un même quartier, commerces des peintres et des antiquaires se nourrissent mutuellement.

Figure no 8

Publicité du marchand Jallais, antiquaire fournisseur de costumes et bibelots pour peintres et lui-même ancien peintre et graveur. 20 rue de Bruxelles, à quelques pas de la place de Clichy.

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Publicité du marchand Jallais, antiquaire fournisseur de costumes et bibelots pour peintres et lui-même ancien peintre et graveur. 20 rue de Bruxelles, à quelques pas de la place de Clichy.

BHVP, collection actualité/antiquaires.

28 À partir des années 1890, on trouve de fait plusieurs peintres qui se présentent comme marchands de curiosités [105]. Entre 1900 et 1910, de très nombreux peintres deviennent marchands. Un des cas les plus emblématiques est celui du peintre Lucas-Moréno qui vend des « tableaux anciens, des antiquités [et] des curiosités » dans son atelier-boutique 52, rue Laffitte. Vers 1910, le succès de son commerce le conduit à s’installer définitivement comme marchand d’antiquités, rue de Provence [106].

29 Un autre espace marchand fait encore passer ces objets d’ateliers dans la bourgeoisie : les ventes aux enchères. L’hôtel Drouot, installé en 1852 à deux pas de la bourse, se construit comme une nouvelle centralité dans les modes bourgeoises et engendre un quartier d’antiquaires. Les ventes d’objets d’atelier y connaissent un large succès, à l’instar de la vente du peintre orientaliste Decamps en 1853. Cette dernière est annoncée à grand renfort de publicité, relayée dans la presse mondaine et artistique et, après une semaine d’exposition, rencontre un succès considérable [107]. Pour la période 1850-1865, le nombre de ces ventes ne cesse de croître, relayée par des chroniques qui tiennent de la rubrique nécrologique, de la chronique mondaine et du catalogue d’ameublement tout à la fois [108]. Dans les dernières décennies du siècle, le nombre des ventes de ces « débris d’atelier » n’augmente pas mais leur succès va croissant ; commerçants, dentistes, médecins, militaires et rentiers s’y pressent pour acheter objets de grand prix comme menus bibelots [109]. À côté de Drouot, nouvelle bourse du goût, de nombreuses ventes se tiennent in situ, dans les ateliers. Le cadre confère aux objets un cachet d’authenticité. Ces ventes, largement médiatisées, renforcent la visibilité des quartiers d’artistes.

30 Arpenter les quartiers d’artistes, visiter les ateliers et acheter des bibelots se trouvent réunis en un seul mouvement.

31 Par le biais des ateliers, la bourgeoisie invente des manières d’habiter la ville, à l’échelle des quartiers comme des appartements, mais aussi des manières de consommer. Le quartier d’artistes n’est alors plus uniquement un espace professionnel, mais un espace culturel et marchand, défini par le bâti autant que par les objets qui y circulent. En achetant dans les ateliers ou les commerces alentour, la bourgeoisie pense être à la source du goût. En s’inventant de nouveaux prescripteurs dans ses propres marges culturelles et géographiques – plus que sociales – et en s’écartant ainsi du modèle curial et nobiliaire, la bourgeoisie trouve dans le quartier d’artiste une « barrière » et un « niveau ». S’élabore ainsi dans la ville du XIXe siècle, des scènes où la bourgeoisie trouve la nécessaire et permanente nouveauté qui construit une identité sociale et caractérise, en règne démocratique, le système des modes.


Date de mise en ligne : 01/06/2010.

https://doi.org/10.3917/rhu.026.0043

Notes

  • [1]
    Nathalie Heinich, L’élite artiste, excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.
  • [2]
    Ibidem, p. 35. Voir Jerrold Seigel, Paris bohème : culture et politique aux marges de la vie bourgeoise, 1830-1930, Paris, Gallimard, 1991 .
  • [3]
    Cesar Grana, Bohemian versus Bourgeois. French society and the French Men of Letters in the Nineteenth Century, New York, Basic Books, 1964, p. 73.
  • [4]
    Paul de Kock, La grande ville, nouveau tableau de Paris..., Paris, Les publications nouvelles, 1842, p. 340.
  • [5]
    Alain Corbin, L’avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995.
  • [6]
    Édouard Charton, « peintre », Guide pour le choix d’un état..., Paris, Hachette, 1880.
  • [7]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau, étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, Paris, Alcan, 1925, p. 55.
  • [8]
    Voir Stana Nenadic, « Romanticism and the urge to consume in the first half of the 19th Century », dans Maxine Berg et Helen Clifford (eds.), Consumers & Luxury. Consumer culture in Europe 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 208-227.
  • [9]
    Sur l’invention vestimentaire des bohèmes en réaction à la confection et à l’uniforme bourgeois, voir Philippe Perrot, Les dessus et les dessous de la bourgeoisie : une histoire du vêtement au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1981 .
  • [10]
    Colin Campbell, The Romantic Ethic and the Spirit of Modern Consumeris, Oxford, Basil Blackwell, 1987, p. 200-201 . Sur la mise en question des frontières, en réalité très poreuses, entre bourgeois et romantiques, voir John Lukacs, « The Bourgeois Interior », American Scholar, 39, 1970, p. 616-630 et Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 130-132.
  • [11]
    Paul Lacroix, Annuaire des artistes et des amateurs, Paris, Renouard, 1862.
  • [12]
    Archives de Paris (désormais AD75), Calepins du cadastre, D1 P4, rue des Saints-Pères (1862- 1876-1900) et boulevard Saint-Michel (1876-1900) et pour les rues Bonaparte, Madame et de Fleurus (1852) où se mêlent ateliers luxueux et soupentes.
  • [13]
    Ainsi Jollivet, professeur aux Beaux-Arts, a son atelier, « un des plus beaux de Paris », rue des Saints-Pères. Edmond Texier, Tableau de Paris, Paris, Paulin et Le Chevalier, 1853, p. 42.
  • [14]
    L’Artiste, 1858, p. 220.
  • [15]
    Annuaire Bottin-Didot, 1860. Ils sont près de 20 dans la seule rue Notre-Dame-des-Champs.
  • [16]
    Le quartier Saint-Georges et notamment les rues Frochot, Duperré, Fontaine et Chaptal, le nord du quartier de la Chaussée d’Antin, le nord du square Montholon et du quartier Rochechouart.
  • [17]
    Il héberge Ary Scheffer rue Chaptal, Sand et Chopin rue Pigalle, etc. mais aussi de très nombreuses comédiennes et courtisanes. Voir Bruno Centorame et Béatrice de Andia (sous la direction de), La nouvelle Athènes, haut lieu du romantisme, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2001 .
  • [18]
    Le nouveau conducteur de l’étranger à Paris, Paris, J. Moronval, 1838, p. 55.
  • [19]
    Philippe Burty, « L’atelier de Madame O’Connell », Gazette des Beaux-Arts, 1860-1 , p. 350-351 .
  • [20]
    Paris-Guide, Paris, A. Lacroix et Verboeckhoven et Cie, 1867, tome 2, p. 1440.
  • [21]
    Charles Gueulette, Les ateliers de peinture en 1864, visite aux artistes, Paris, Castel, 1864.
  • [22]
    À l’angle des Capucines et de la rue Saint-Augustin officient les frères Bisson et Le Gray ; boulevard des Italiens, Gueuvin, Zacharie, Disdéri et Numa Blanc ; boulevard des Capucines, Mayer et Pierson et Nadar. Les implantations d’ateliers sur l’autre rive sont des échecs ; voir AD75, D11U3/3952, faillite De Torbechet, Allain & Cie, décembre 1864, rue Saint-Dominique.
  • [23]
    L’annuaire Bottin-Didot distingue dès 1860 les peintres artisans des « artistes-peintres ».
  • [24]
    Ibidem, p. 44-45 et Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit. p. 43 ; c’est aussi le cas du sculpteur Dantan, avenue Marguerite.
  • [25]
    Gazette des Beaux-Arts, 1860-2, p. 256. Vers 1875, Gigoux, au faîte de sa carrière, s’installe 17, rue Chateaubriand. M. de Nieuwerkerke et Lehmann sont des collectionneurs majeurs des années 1860.
  • [26]
    Voir Jean Autin, « La spéculation immobilière », Les frères Pereire, Paris, Perrin, 1984, p. 186-194.
  • [27]
    AD75, Calepin du cadastre, D1P4, avenue de Villiers, 1862-1876. Je remercie Jean-Baptiste Minnaert pour ses remarques à ce sujet.
  • [28]
    Émile Zola, Nana, Paris, Fasquelle, 1899 [1880], p. 313 et Carnets d’enquêtes, Paris, Plon, 1986, p. 27-34.
  • [29]
    Idem, Nana, op. cit., p. 313-314.
  • [30]
    Tout-Paris. Annuaire de la société parisienne, 1887.
  • [31]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, Paris, Havard, 1886, p. 286-287.
  • [32]
    On trouve par exemple, au n43, l’atelier de Henner et, au n53, le peintre hongrois en vogue Munckacsy. Voir Paul Belon et Georges Price, « À travers les ateliers, Intérieurs d’artistes », Paris qui passe, Paris, Nouvelle Librairie parisienne, 1888, p. 51 .
  • [33]
    AD75, Calepin du cadastre, D1P4, boulevards Berthier (1876-1900) et Malesherbes (1876- 1900). Voir John Milner, Ateliers d’artistes. Paris, capitale des arts à la fin du XIXe siècle, Paris, Du May, 1990, p. 170-172.
  • [34]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 173-174.
  • [35]
    Le nombre des peintres passe de 600 en 1850 à plus de 4000 dans les années 1880. Malgré les effets de sources et l’extension de Paris, la démographie des artistes est sans rapport avec le développement de la population parisienne. Sur les photographes, je me permets de renvoyer à « La bourgeoisie en portrait. Albums familiaux de photographies des années 1860-1914 », Revue d’histoire du XIXe siècle, 34, 2007, p. 147-163.
  • [36]
    Ces artistes ont généralement un domicile ailleurs, à l’exception des ateliers luxueux autour des Champs-Élysées. Voir Annuaire Bottin-Didot, 1885 et Tout-Paris, annuaire de la société parisienne, 1885.
  • [37]
    Voir La Semaine des constructeurs, 29 octobre 1891 , notamment les constructions réalisées quartier des Ternes par Daniel Dupuis.
  • [38]
    Jacques Lethève, La vie quotidienne des artistes français au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1968, p. 80.
  • [39]
    AD75, Calepins du cadastre, D1P4, rue Notre-Dame-des-Champs (1876-1900). Si l’on ne retient que les ateliers avec verrières, on trouve au n73 Laurens ; au n75, Bouguereau ; au n86, quatre grands ateliers dont celui de Whistler. Les numéros 86, 105, 111 , 115, 117, 118 et 119 abritent aussi des artistes. La moyenne des loyers y est de 1 350 francs.
  • [40]
    Les loyers des ateliers dans le 14e arrondissement sont alors deux fois moins élevés que ceux de la rue Notre-Dame-des-Champs. Voir AD75, Calepins du cadastre, D1P4, rue du Maine (1876, 1900) et Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, Paris, Charpentier, 1881 , p. 182 et sq.
  • [41]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285 et sq.
  • [42]
    La rue est alors occupée par des marchands de vin et des brocanteurs.
  • [43]
    John Milner, Ateliers d’artistes..., op. cit., p. 126.
  • [44]
    « L’atelier de Carolus Duran », Le Magasin Pittoresque, 1899, p. 154.
  • [45]
    À notre connaissance, les études sur le XIXe siècle manquent. Sans exagérer le rôle des artistes, il convient de noter que la sociologie a relevé maints exemples au XXe siècle qui soulignent leur rôle de « gentrifieur » de zones de bâtis anciens et industriels, notamment dans l’est parisien (Catherine Bidou-Zachariasen et Jean-François Poltorak, « Le travail de gentrification : les transformations sociologiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, n132, 2008, p. 107-124), à Prenzlauer Berg ou à Brooklyn. Sur le rôle des artistes dans ce processus, voir David Ley, « Artist, Aestheticisation and the Field of Gentrification », Urban Studies, n40, p. 2527-2544 et Rosalyn Deutsche et Cara G. Ryan, « The Fine Art of Gentrification », October, vol. 31 , The MIT Press, 1984, p. 91 -111 . Pour les travaux de synthèse, voir N. Smith et P. Williams (eds.), Gentrification of the city, London, Allen & Unwin, 1986 et notamment Beauregard, « The chaos and complexity of gentrification », p. 35-55, qui souligne le poids des « agents culturels » dans ces processus.
  • [46]
    Voir sur le XVIIIe siècle la thèse de Charlotte Guichard, Les amateurs d’art à Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Université de Paris I, 2005, p. 431-450. Sur les années 1850, voir Jules Laurens, La légende des ateliers, Carpentras, J. Brun, 1901 , p. 180 et sq.
  • [47]
    Édouard Charton, Guide pour le choix d’un état..., Paris, Chamerot, 1842, article « Peintre ». Voir Anne Martin-Fugier, La vie d’artiste au XIXe siècle, Paris, Audibert, 2007, p. 99.
  • [48]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 139-140.
  • [49]
    Charles Simond, La vie parisienne à travers le XIXe siècle (1830-1870), Paris, Plon, 1900, p. 108.
  • [50]
    Voir Charlotte Guichard, Les amateurs d’art..., op. cit., p. 431-443.
  • [51]
    Annuaire général des collectionneurs de la France et de l’étranger, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 1892.
  • [52]
    Anglicisme qui entre dans la langue française dans les années 1840.
  • [53]
    Un portrait photographique coûte deux fois moins cher qu’une peinture en 1850 et 20 fois moins cher dès 1856. Voir Nadar, Quand j’étais photographe, Paris, Reprint Booking, 1994 [1900], p. 1174-1178.
  • [54]
    Le Moniteur de la photographie, 15 avril 1861 , p. 17.
  • [55]
    L’annuaire Le Tout-Paris intègre dans son titre les « artistes » en 1882 ; dans les années 1890, ils passent au premier plan. Jules Claretie note par exemple en mai 1880 : « tout ce qui, dans le monde parisien, a le culte des choses d’art a visité, cette après-midi, l’atelier de Prosper d’Épinay, 169, boulevard Haussmann », La vie à Paris, Paris, Havard, 1886.
  • [56]
    Guy de Maupassant, « Les amateurs d’artistes », Gil Blas, 30 juin 1885. Les archives privées le confirment : Mme Aubry cotise pour le « Cercle des arts » à partir de 1895 ; voir AN, 572AP95, Fonds Aubry-Vitet.
  • [57]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285.
  • [58]
    Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, op. cit., p. 146.
  • [59]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit., p. 43.
  • [60]
    Paul Eudel, L’hôtel Drouot et la curiosité en 1886-1887, Paris, Charpentier, 1888, p. 361 et sq.
  • [61]
    Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 285-290.
  • [62]
    BnF, Cabinet des estampes, Li243, « Peintres ». On trouve une trentaine d’invitations à visiter les ateliers.
  • [63]
    Voir Maurice Agulhon, Le Cercle dans la France bourgeoise (1810-1848). Étude d’une mutation de sociabilité, Paris, Armand Colin, 1968.
  • [64]
    Edmond Goblot, La barrière et le niveau..., op. cit., p. 145-147.
  • [65]
    « Ateliers de peintres connus », dans Paris-Parisien 1898. Ce qu’il faut voir ; ce qu’il faut savoir..., Paris, Ollendorff, 1898, p. 88-90. On y trouve la liste des ateliers à visiter avec les jours et les heures. Voir en complément Gabriel Mourey, « Some French Artists at Home », The Studio, 1896, p. 26 et sq.
  • [66]
    Voir BnF, Cabinet estampes, « L’Artiste et l’atelier de 1861 à 1899 » et notamment l’atelier « bohème » de la princesse Mathilde à Compiègne.
  • [67]
    La Semaine des constructeurs, 24 janvier 1885, p. 355. L’architecte Émile Aburtin se fait une spécialité des hôtels surplombés d’un atelier.
  • [68]
    Voir les annonces du Journal officiel des locations et des ventes à Paris, 1884-1912. Pour la seule année 1896, on dénombre près de 27 ventes d’ateliers.
  • [69]
    Jules Claretie, La vie à Paris, op. cit., « Intérieur d’artiste. Eugène Giraud ».
  • [70]
    Voir par exemple, AD75, Calepin du cadastre, D1 P/4, rue d’Assas (1900).
  • [71]
    C’est seulement à partir de 1893 que les bow-windows en maçonnerie non démontables sont autorisées.
  • [72]
    Voir par exemple AD75, D1 P4 rue Saint-Georges (1892-1900). Les ateliers sont loués à des « rentiers » ; il demeure impossible de savoir s’il s’agit d’ateliers d’amateurs ou de garçonnières.
  • [73]
    Voir Jules Laurens, La légende des ateliers, op. cit., p. 180 et sq.
  • [74]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, « Les habitations modernes », op. cit., p. 197 et sq.
  • [75]
    Paul Lacroix, Annuaire des artistes..., op. cit.
  • [76]
    Paul Eudel, L’Hôtel Drouot... en 1886-1887, op. cit., p. 361 et sq.
  • [77]
    Marie de Saverny, La femme chez elle et dans le monde, Paris, Revue de la mode, 1876, p. 76.
  • [78]
    Paris-Parisien 1898, op. cit., p. 477.
  • [79]
    Voir Lynne Thornton, Les orientalistes. Peintres voyageurs, 1828-1908, Paris, ACR, 1993.
  • [80]
    L’Artiste, er avril 1852, p. 73-74. Voir en complément : « Decamps », La Revue des Deux Mondes, 1863-1 , p. 582.
  • [81]
    AD75, D48E/47, Me Pillet et Catalogue des tableaux, dessins, armes, meubles, costumes composant l’atelier de M. Decamps. Vente à Paris, 21-23 avril 1853.
  • [82]
    Charles Gueulette, « Delamare », Les ateliers..., op. cit. Il est élu membre permanent de la Société asiatique de Paris en 1860 ; voir Journal asiatique, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 88.
  • [83]
    Voir Auguste Demmin, Guide de l’amateur de faïences et porcelaines..., Paris, Renouard, 1867, p. 601 et sq.
  • [84]
    Charles Gueulette, « Eugène Fromentin », Les ateliers..., op. cit. Les objets ont été collectés lors de la mission archéologique de 1852.
  • [85]
    Louis-Edmond Duranty, « Bric-à-brac », Le pays des arts, op. cit., p. 153. et Albert Wolff, La capitale de l’Art, op. cit., p. 146 et sq.
  • [86]
    Paul Eudel, « Léon Gérôme », L’Hôtel Drouot... 1886-1887, op. cit. Fort de sa collection constituée lors de ses voyages au Moyen-Orient, en Turquie et en Égypte, il participe à la création des salles orientales du Musée des Arts décoratifs. Voir W.C. Morrow, Bohemian Paris of Today, London, Lippincott, 1900, p. 38-39.
  • [87]
    Il prend le sens d’objets anciens entre 1850 et 1860.
  • [88]
    Il est notable que ce soient Eugène Piot, Théophile Gautier et Gérard de Nerval qui créent en 1842 et animent Le Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire, la première revue largement consacrée aux antiquités.
  • [89]
    Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance, Paris, Bance, 1858, p. 296.
  • [90]
    William Duckett, « atelier », Dictionnaire de la conversation, Paris, Firmin-Didot, 1853-1858.
  • [91]
    Edmond Texier, Tableau de Paris, op. cit., p. 43 et sq.
  • [92]
    Paul Eudel, « Léon Gérôme », L’Hôtel Drouot... 1886-1887, op. cit., p. 361 et sq.
  • [93]
    AD75, D11U3/212, dossiers n12920 et 12926, faillite d’Eugène Disdéri, 1856. Voir L’Illustration, 2 juin, Le Monde Illustré, 14 avril 1860, p. 27 et Jean Sagne, L’atelier du photographe, Paris, Presses de la Renaissance, 1984, p. 179-180.
  • [94]
    Nestor Roqueplan, La vie parisienne. Regain, Paris, Michel Lévy, 1869 [1857], p. 161-165.
  • [95]
    Notamment Vermeer, depuis les années 1850 et les achats des frères Pereire et Rothschild ; voir Francis Haskell, « Le goût et les historiens », dans La norme et le caprice. Redécouvertes en art, Paris, Flammarion, 1986.
  • [96]
    Louis-Edmond Duranty, Le pays des arts, op. cit., p. 173.
  • [97]
    C’est le cas des tableaux reproduits par Goupil de Jean-Léon Gérôme – beau-fils de Goupil –, Delaroche, Baugniet ou de Jongh. Les peintures d’intérieurs se vendent massivement : pour la seule année 1884, 296 images d’intérieurs sont reproduites, chacune à des milliers d’exemplaires. (Archives Goupil et Cie, musée Goupil, Bordeaux). Voir en complément Stephen Bann, Parallel Lines, Printmakers, Painters and Photographers in Nineteenth-Century France, New Haven, Yale University Press, 2001 .
  • [98]
    AD75, D48E3/74, vente J.G. Vibert « tableaux [et] mobilier garnissant son Hôtel », Drouot, 21-28 avril 1887. Voir en complément, Le Bulletin de l’art ancien et moderne, avril 1887, « Vente Vibert ».
  • [99]
    AD75, D11U3/187, faillite no111942 du marchand de curiosités Latapie, 58 rue de Rivoli, octobre 1854. On retrouve la même clientèle chez Recappé en 1886 qui en outre vend des peintures contemporaines. AD75, D11 U3/1222, faillite n19356 de Paul Recappé, marchand de curiosités, 9, rue Paul Louis Courier, janvier 1886.
  • [100]
    Guy de Maupassant dans Mademoiselle Fifi met en scène l’attraction qu’exerce la clientèle de peintres et d’écrivains sur le reste de la clientèle d’un antiquaire de la rue de la Chausséed’Antin, Gil Blas, 23 mars 1882.
  • [101]
    Voir Charlotte Schreiber, Confidences of a Collector of Ceramics and Antiques throughout Britain, France, Holland, Belgium, Spain, Portugal, Turkey, Austria and Germany from the Year 1869 to 1885, London/New York, John Lane, 1911 et les archives privées du collectionneur et docteur parisien Auguste-Louis Richelot (AN, AB XIX 4226, Factures 1894-1908).
  • [102]
    Annuaire Bottin-Didot, 1882.
  • [103]
    Jules Claretie, Peintres et sculpteurs contemporains, Paris, Jouaust, 1884, p. 273. Son Empereur Honorius peint en 1880 peut ainsi être considéré comme une boutique de bric-à-brac.
  • [104]
    BnF, Fonds Eugène Boban, NAF 21478. Lettres de P. Morain, peintre, 50 rue Lhomond, et en particulier la lettre du 17 mai 1888 à propos de la Mort de Sainte-Geneviève ; lettres n87 et 290, 1882, de Jean-Paul Laurens, 73 rue Notre-Dame-des-Champs à propos de L’Empereur Maximilien avant son exécution.
  • [105]
    BnF, Cabinet des estampes, Li243, Charles Forestier, « artiste-peintre et marchand de curiosités », vers 1890.
  • [106]
    Annuaire Bottin-Didot, 1910.
  • [107]
    AD75, D42E3/26, vente Decamps, 21-23 avril 1853. Voir Catalogue des tableaux, dessins, armes, meubles, ... op. cit. et Philippe Burty, Gazette des Beaux-Arts, décembre 1860, p. 317.
  • [108]
    De moins d’une dizaine de ventes par an pour les années 1850, on passe à plus de vingt pour les années 1860-1865. Voir AD75, études Ridel et Escribe (D42E) et Pillet et Chevallier (D48E).
  • [109]
    « Vente après décès d’une jeune peintre : [...] les débris d’un atelier sont comme les décors d’un théâtre ! [...] Tous les accessoires inévitables, la cuirasse, l’épée à coquille, la cotte de mailles indispensable pour peindre les guerriers du moyen âge. » Paul Eudel, L’Hôtel Drouot... en 1881 , op. cit. p. 343. On peut dénombrer près de 180 ventes entre 1890 et 1914 (voir AD75, D1E23-68, registres des ventes).
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