Notes
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[1]
Du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme au ministère de l’Équipement.
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[2]
On peut se référer aux travaux de Georges Pessis, notamment à Entreprise et cinéma, cent ans d’images, Paris, La Documentation Française, 1997, mais aussi aux recherches menées par Marion Richoux, Images du progrès dans le cinéma rural d’après-guerre, mémoire de maîtrise sous la direction de Michèle Lagny, Université de Paris III, 1995, et La production cinématographique et audiovisuelle au ministère de l’Agriculture ou les évolutions d’une institution de 1945 à nos jours, mémoire de DEA sous la direction de Michèle Lagny, Université de Paris III, 1996.
-
[3]
Le ministère de l’Équipement dispose, pour les années 1938-1966 d’un fonds d’au moins trente et un films sur des thèmes variés, dont vingt-six concernent le logement, l’architecture ou l’urbanisme (voir liste des films retenus en annexe). Les archives du Service de l’Information et de la Communication (désormais SIC), conservées au Centre des archives contemporaines (désormais CAC), versement 19790660, Art. 1 à 64 sont riches d’informations sur le contexte de production et de diffusion de ces films. D’autre part, des dossiers contenant des correspondances, des notes de services, des scenarii et des contrats sont conservés au SIC du ministère de l’Équipement (tous les courriers ou notes cités dans le présent article qui ne sont pas issus du versement aux Archives nationales sont extraits de ces dossiers). À ces sources, on peut ajouter un entretien mené auprès de Jean-Louis Theobald, conseiller technique au cabinet du ministère de la Construction de 1963 à 1966, chargé du Service de l’information, auteur du scénario du film La cité des hommes (1966) réalisé pour le ministère par Frédéric Rossif.
-
[4]
Annie Fourcaut, « Trois discours, une politique ?», Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 39-45.
-
[5]
Eric Lengereau, L’Etat et l’architecture, 1958-1981, Une politique publique ?, Paris, Picard, 2001, p. 28 et suivantes.
-
[6]
Le logement, Igor Barrère et Etienne Lalou, Faire face, 29 septembre 1961.
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[7]
Celles-ci ne seront pas étudiées dans le présent article qui vise à s’interroger sur la production d’images par le ministère. Pour des analyses prenant en compte la télévision et le cinéma, nous nous permettons de renvoyer à nos articles, « Les cités dans l’imaginaire », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 75-76 et « Sarcelles, ville rêvée, ville introuvable », Sociétés et représentations, no 17, mars 2004, p. 343-359.
-
[8]
Michèle Lagny, « Histoire, histoire culturelle, sémiologie », dans Odile Bächler, Claude Murcia, Francis Vanoye (sous la direction de), Cinéma et audiovisuel, nouvelles images, approches nouvelles, Bifi/ L’Harmattan, 2000, p. 130.
-
[9]
La lecture des films a pris en compte ces différents paramètres en suivant un découpage par séquences. Alors que le commentaire a été retranscrit, les images (lieux, personnes...) ont été recensées, avec une attention particulière à celles qui présentaient des grands ensembles, pour lesquelles cadrages, plans, mouvements de caméra ont été relevés.
-
[10]
Michèle Lagny, « Histoire, histoire culturelle... », op. cit., p. 132.
-
[11]
Sur les phénomènes d’intertextualité et d’intermédialité, voir notamment « La croisée des médias », Sociétés et représentations, no 9, avril 2000.
-
[12]
Michèle Lagny, « Films d’entreprise : gibier d’historiens », Les cahiers de l’Anatec, no 4, printemps 2002, p. 6-7.
-
[13]
Organisation du secrétariat d’État à la reconstruction et au logement, 1956, Publicifa 1956 et Annuaire du ministère de la Reconstruction et du logement, 1958, Publicifa, 1958.
-
[14]
Note d’André Guyonnet à Monsieur le Directeur de la Construction, 18 janvier 1961.
-
[15]
Lettres d’André Guyonnet à Jean-Pierre Campredon et Philippe Desjardins, 26 janvier 1961.
-
[16]
Lettre de Philippe Brunet à André Guyonnet, 8 octobre 1960.
-
[17]
Lettre de Jean Lobry à Philippe Brunet, 20 décembre 1960.
-
[18]
Diplômé de l’Ecole nationale de la France d’Outremer, il est administrateur de différentes provinces en Indochine et occupe divers postes dans l’administration française à l’étranger avant d’être commissaire à l’Aménagement du territoire et de rejoindre le cabinet du Ministre de la Construction, Jacques Maziol.
-
[19]
Lettre d’André Guyonnet au directeur du CNC, 20 décembre 1963.
-
[20]
Par exemple, Habitat défectueux (1950).
-
[21]
Cependant, à l’exception des films Les bâtisseurs de Jean Epstein (1938) et Aubervilliers (1945), ils ont été acquis à une période proche de celle de leur réalisation.
-
[22]
La SCIC, créée le 11 juin 1954, est une société privée filiale de la Caisse des dépôts et consignations qui est, à la fin des années 1950, le plus important groupe immobilier de France. Paul Landauer, La Caisse des dépôts et consignations face à la crise du logement (1953-1958), histoire d’une maîtrise d’ouvrage, thèse de doctorat, sous la direction de Danièle Voldman, Université de Paris I, 2004. Sur le District de Paris, Laurent Zylberberg, De la région de Paris à l’Ile-de-France, construction d’un espace politique, thèse de doctorat, sous la direction de Catherine Grémion, Institut d’Études Politiques de Paris, 1992.
-
[23]
Lettre d’André Guyonnet au CNC, 20 juillet 1965.
-
[24]
Lettres d’André Guyonnet à Jean-Pierre Campredon et Philippe Desjardins, 26 janvier 1961.
-
[25]
Ce film présente et fustige le développement de la ville industrielle avant d’évoquer, de façon critique à travers l’exemple de Sarcelles, l’urbanisme nouveau de l’après-guerre, et de présenter l’effort de construction que connaît la France, en montrant « qu’aujourd’hui on s’amuse à bâtir une ville comme on bâtissait autrefois une maison ». Il s’achève sur des images d’enfants et évoque la froideur de ces villes nouvelles, mais aussi le fait que ces enfants leur donneront vie.
-
[26]
Lettre de Jean-Louis Theobald à Albert Knobler, 6 novembre 1965, citée intégralement car elle permet de rendre compte des exigences du ministère et d’autres commanditaires en matière de représentations de leur politique de construction et de « propagande ».
-
[27]
Lettre d’André Guyonnet à Albert Knobler, janvier 1967.
-
[28]
Une lettre du Directeur départemental de l’Isère au Service des relations extérieures le 27 février 1962, signale que deux films ont été projetés pour le personnel de la Direction départementale. AN, CAC, Archives de l’Équipement, SIC, 19790660, art. 13.
-
[29]
Marion Richoux, La production cinématographique..., op. cit.
-
[30]
Ce camion a sillonné les départements français de 1957 à 1960, projetant gratuitement dans de nombreuses communes, à raison de trois séances par jour, des films du ministère, des Charbonnages de France, d’Électricité de France, de Gaz de France et de la Fédération nationale du bâtiment, réunis dans l’association « Campagne nationale en faveur de la construction et du logement » placée sous le patronage du ministère de la Construction. AN, CAC, Archives de l’Équipement, SIC, 19790660, art. 50.
-
[31]
Se loger (1948).
-
[32]
Ces images, comme celles étudiées par Myriam Tsikounas au sujet des bidonvilles, « sont en forte résonance avec des plans tournés précédemment non seulement par des cinéastes français (Lucien Nonguet et Georges Lacombe notamment), mais aussi par des metteurs en scène américains et soviétiques ». Myriam Tsikounas, « À l’écran, les bidonvilles... », dans Jacques Girault (sous la direction de), Ouvriers en banlieue, XIXe - XXe siècle, Paris, Éditions de l’Atelier / Éditions ouvrières, 1998, p. 267.
-
[33]
Des maisons et des hommes (1953).
-
[34]
D’autres films fonctionnent sur le même modèle, Caen relève ses ruines (1950) ou Maisons d’Alsace (1954) par exemple.
-
[35]
Sur l’habitat insalubre, voir Yankel Fijalkow, La construction des îlots insalubres de Paris, 1850-1945, Paris, L’Harmattan, 1998.
-
[36]
Dans Pantin, unité résidentielle (1956) et dans Mur en quatre heures (1958). Sur Pantin, voir Rémi Bercovitz, Rénovation urbaine et construction d’un grand ensemble : l’exemple du quartier de la place de l’église à Pantin, mémoire de maîtrise sous la direction d’Annie Fourcaut, Université de Paris I, CHS, 2005.
-
[37]
Se loger (1948).
-
[38]
Caen relève ses ruines (1950).
-
[39]
Sur l’industrialisation du bâtiment après la Seconde Guerre mondiale, voir Dominique Barjot, « Industrie du bâtiment et logements populaires après 1945 », dans Jacques Girault (sous la direction de), Ouvriers en banlieue..., op. cit., p. 218-242, et « Un âge d’or de la construction », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 72-74.
-
[40]
Bernard Marchand, « La haine de la ville, Paris et le désert français de Jean-François Gravier », L’information géographique, no 3,2001, p. 234-253. L’ouvrage de Jean-François Gravier a d’ailleurs été mis en images par le ministère dans un film réalisé en 1957 par Sidney Jezequel. Voir aussi, sur le thème de la haine de la ville, le site créé par Bernard Marchand, http :// www-ohp. univ-paris1. fr/
-
[41]
Pantin, unité résidentielle (1956).
-
[42]
Andrew Lees, Cities perceived, Urban Society in European and American Thought, 1820-1940, New York, Columbia University Press, 1985.
-
[43]
Des maisons et des hommes (1953).
-
[44]
Dans ce film de Walter Ruttmann sorti en 1927, on assiste au réveil de la ville. Machines et hommes entrent progressivement en action et tous les secteurs de la vie urbaine commencent à s’agiter. Le rythme s’accélère peu à peu, le montage devient de plus en plus rapide et le film s’achève en apothéose. Ces images témoignent d’une fascination pour une ville devenue machine et sont abondamment reprises par la suite, constituant le modèle des « symphonies urbaines ». Voir Jean-Paul Colleyn, « La ville-rythme : les symphonies urbaines », dans François Niney (sous la direction de), Visions urbaines, villes d’Europe à l’écran, Paris, Centre Georges Pompidou, (Cinéma singulier), 1994, p. 23-26; Thierry Jousse, Thierry Paquot (sous la direction de), La ville au cinéma, Paris, Les Cahiers du Cinéma, 2005, et Myriam Juan, « Le cinéma documentaire dans la rue parisienne », Sociétés et représentations, no 17, mars 2004, p. 291-314.
-
[45]
Le Corbusier, architecte du bonheur (1957).
-
[46]
Voir les travaux d’Annie Fourcaut, Bobigny, banlieue rouge, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques / Éditions ouvrières, 1986; « La cité-jardin contre le lotissement ?», Urbanisme no 309, novembre-décembre 1999, p. 22-24, et La ville en morceaux, la crise des lotissements défectueux dans l’entre-deux-guerres, Grâne, Créaphis, 2000.
-
[47]
Demain Paris (1959).
-
[48]
Des maisons et des hommes (1953).
-
[49]
Ibidem.
-
[50]
Ibidem.
-
[51]
Il s’agit d’ailleurs du premier titre du film de Frédéric Rossif La cité des hommes.
-
[52]
Françoise Choay, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Le Seuil, 1965. Pour une vue globale de l’architecture moderne en France de la fin du XIXe siècle jusqu’en 1999, on pourra se référer aux trois tomes de l’histoire de L’architecture moderne en France dirigés par Gérard Monnier aux éditions Picard.
-
[53]
Enquête logement de l’INED sur les « Désirs des Français en matière d’habitation urbaine », voir Annie Fourcaut, « Trois discours... », op. cit., p. 41.
-
[54]
Édouard d’Eudeville, « L’architecture d’Aujourd’hui », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 68-70.
-
[55]
Exagération liée au genre, la population française s’élève en fait au début du XIXe siècle à plus de 25 millions d’habitants.
-
[56]
Ces citations, comme les précédentes, sont issues de Rue neuve (1956).
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[57]
Le temps de l’urbanisme (1962).
-
[58]
Critique qui a heurté les participants au financement du film comme le montre la lettre de Jean-Louis Theobald à Albert Knobler citée supra.
-
[59]
Sur la notion de propagande, voir Christian Delporte (sous la direction de), « Propagande et communication politique dans les démocraties européennes (1945-2003) », Vingtième Siècle, Revue d’Histoire, no 80, octobre-décembre 2003 ; Fabrice d’Almeida, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », dans Mots, les langages du politique, no 69, juillet 2002, p. 137-148; Hélène Eck, « Gouvernement, opinion et information sous la IVe République, contribution à l’histoire de la communication politique », dans Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Bercker, Sophie Cœuré, Vincent Duclert, Frédéric Monier (sous la direction de), La politique et la guerre, hommage à Jean-Jacques Becker, Paris, Éditions Agnès Vienot / Noesis, 2002, p. 379-400.
1Les ministères chargés de la construction, du logement et de l’urbanisme [1] ont mené dès 1945, à l’instar d’autres ministères [2], une politique audiovisuelle importante et peu connue. Cette politique concerne leur production cinématographique propre, mais aussi l’acquisition et le soutien à la production de films documentaires [3].
2Le ministère s’interroge très tôt sur l’édification des grands ensembles, et les années 1950 sont celles d’hésitations et de tâtonnements de la part des autorités [4]. Une Commission de la vie dans les grands ensembles [5] est créée en 1957, qui souligne que « la création des grands ensembles d’habitation pose de graves problèmes de vie collective qui paraissent encore mal connus ». Lorsqu’il ouvre les travaux de cette commission, Pierre Sudreau, commissaire à la construction et à l’urbanisme pour la région parisienne, avertit qu’il faut éviter « les alignements de bâtiments sans caractère ». Devenu ministre, il exprime à plusieurs reprises ses craintes face à ce nouvel urbanisme. Ainsi, dans un entretien accordé au Figaro littéraire du 15 août 1959, il évoque « certains grands immeubles, véritables murailles de béton, longs de plusieurs centaines de mètres, hauts de plus de douze étages [qui] annihilent le côté humain de la construction ». Deux ans plus tard, il manifeste la même inquiétude à la télévision et fustige ces « immenses carcasses qui en définitive défigurent notre paysage » [6].
3Malgré ces préventions, exprimées par ses services y compris au plus haut niveau, le ministère vise, à travers sa production audiovisuelle, à présenter la réussite de sa politique de construction et la qualité des réalisations, mais également leur succès auprès de la population qui les habite.
4Ces images institutionnelles de grands ensembles s’ajoutent à celles qui furent produites à la même époque par la télévision ou le cinéma [7]. La spécificité de ces archives impose de passer par « l’analyse de l’image, de la construction du montage et de la forme d’organisation du film » [8] qui sont porteurs de sens [9]. Mais « un historien ne peut donner sens à ses films que par rapport à leurs contextes et intertextes au pluriel » [10], et il convient d’être attentif au fait que ces images sont le résultat des exigences du ministère, transposées sur pellicule par des cinéastes eux-mêmes impré-gnés d’autres images auxquelles ils empruntent, et à la façon dont ces images se répondent [11].
5De fait, ces films institutionnels sont porteurs des « traces de rêves d’organisation du monde » [12] des autorités chargées de l’urbanisme et du logement et s’insèrent dans une longue tradition de représentations de l’urbain, véhiculant des images anciennes de la ville dans lesquelles ils inscrivent les grands ensembles. Cependant, tout en vantant les réalisations de leur commanditaire, ils laissent affleurer ses craintes, phobies et obsessions. En cela, ils constituent une source précieuse et inédite pour l’historien qui envisage d’étudier et d’expliquer les choix, les orientations et les hésitations d’un ministère dont l’action marqua durablement le paysage urbain français. En effet, si les images montrent que les pouvoirs publics agissent et que les grands ensembles sont la solution à la crise du logement et de la ville, les critiques faites aux grands ensembles affleurent dans les films à partir du milieu des années 1950 et la monotonie, l’ennui, la froideur de ces nouvelles constructions apparaissent peu à peu.
6L’étude du corpus documentaire constitué par les archives du Service de l’information et de la communication permet d’éclairer les conditions de production et de diffusion des films, mais aussi d’analyser la politique de communication audiovisuelle d’un ministère essentiel et de dessiner, à travers les images, son action telle qu’il a voulu la mettre en scène, mais également ses conceptions de la ville.
La production audiovisuelle d’un ministère
UN MINISTÈRE ENGAGÉ DANS UNE POLITIQUE DE COMMUNICATION
7Le ministère de la Reconstruction et du Logement (1953-1958) dispose d’un Service des relations extérieures dirigé par un chef de service et composé d’un groupe technique, chargé de l’organisation et de la réalisation des expositions et manifestations, de la conception et de la réalisation de films, d’une cinémathèque, des reportages photographiques, de la photothèque, d’un bureau de la documentation qui, notamment, recherche et exploite les documentations françaises et étrangères, et d’un bureau de l’information qui s’occupe des relations avec la presse, la radio et le cinéma [13].
8Le ministère de la Construction, créé en 1959, conserve un Service des relations extérieures. À partir de 1966, avec la fusion des ministères de la Construction et des Travaux publics en un ministère de l’Équipement, ce service devient la Division de l’information et des relations publiques.
9Une relative continuité dans le personnel de ces services est visible. Ainsi, André Guyonnet apparaît de façon continue de 1956 à 1969, à des postes différents. Chef du bureau Information et vente en 1956, puis du bureau de l’information en 1958, il est adjoint au chargé des relations extérieures en 1959 et devient chargé des relations extérieures à partir de 1961, poste qu’il occupe jusqu’en 1966 lorsqu’il devient chef de la Division de l’information et des relations publiques. Cette stabilité du personnel permet d’envisager, au-delà des transformations des services concernés, une relative continuité de la politique de communication du ministère.
10Le Service des relations extérieures est au cœur de la politique de communication audiovisuelle du ministère, qu’il s’agisse de la production ou de l’acquisition de films. Ainsi, André Guyonnet est, entre 1960 et 1963, en relation avec Philippe Brunet, de la société de production Occident, pour ce qui concerne l’élaboration du film Le temps de l’urbanisme, recevant les esquisses de scenarii et organisant des entretiens. Il recueille auprès des autres services du ministère des informations pouvant être utilisées dans les films. Par exemple, il demande au Directeur de la Construction de « bien vouloir lui indiquer les opérations qu’il souhaiterait voir figurer » dans le film en projet [14]. Il prospecte auprès d’autres organismes pour qu’ils participent financièrement à la production des films. Dès janvier 1961, il tente de convaincre la Direction des affaires culturelles et techniques du ministère des Affaires étrangères et le Centre national du commerce extérieur de participer au financement du film Le temps de l’urbanisme [15]. Enfin, il est en relation avec le service financier du Centre national de la cinématographie pour l’établissement des contrats avec les sociétés de production.
11Le cabinet du Ministre impulse cette politique de production audiovisuelle. Ainsi, Philippe Brunet évoque un entretien qui lui a été accordé par le chargé des relations extérieures « sur les indications de Monsieur Lobry » [16]. Ce dernier, administrateur à la Préfecture de la Seine, est alors chargé de mission au cabinet de Pierre Sudreau. Le 20 décembre 1960, il écrit à Philippe Brunet pour lui annoncer que « compte tenu de l’intérêt du court métrage [...] et de sa conception, le ministère de la Construction a décidé de [lui] en confier la réalisation », l’invitant à se « mettre en rapport avec M. le chef du Service des relations extérieures afin de mettre au point ce projet ». Il envisage « d’intervenir auprès du ministère des Affaires étrangères, Direction des affaires culturelles et techniques afin de voir dans quelle proportion ce service pourrait être amené à participer à la réalisation d’un document dont la portée ne saurait lui être indiffé-rente » [17]. Jean-Louis Theobald [18], chargé des relations extérieures et de la région parisienne au cabinet du Ministre Jacques Maziol, envoie en 1964 au Service des relations extérieures un projet de scénario qui donne lieu, deux ans plus tard, au film La cité des hommes. Il intervient dans son processus d’élaboration beaucoup plus que Jean Lobry ne l’a fait pour Le temps de l’urbanisme, sans doute parce qu’il en est l’auteur.
DES CONDITIONS DE PRODUCTION VARIÉES
12La genèse des films demeure obscure : le ministère lançait-il des « appels d’offres », par exemple par l’intermédiaire du CNC ? Des maisons de production ou des réalisateurs, connaissant sa politique audiovisuelle, lui envoyaient-ils spontanément des projets ? Les deux hypothèses sont vraisemblables et ont pu coexister.
13Des études de scenarii furent réalisées par l’intermédiaire du CNC [19] mais des maisons de production ont soumis des projets au ministère, comme Philippe Brunet qui, en 1960, a présenté une esquisse de scénario sur l’architecture qu’il envisageait de produire avec l’État. Ce projet a attiré l’attention du ministère, a été retenu et la réalisation lui en a été confiée. En 1963, il proposa spontanément un autre projet, qui fut refusé.
14Tous les films conservés à la vidéothèque du ministère n’ont pas été produits directement par lui. On peut distinguer quatre cas de figure quant à la production. Il existe quelques films produits en totalité par le ministère [20], d’autres, les plus nombreux, ont été coproduits avec des maisons de production indépendantes. Les droits de certains films ont été acquis (Toulouse-le-Mirail, en 1962) sans que l’on sache toujours à quel moment [21]. Par ailleurs, d’autres organismes ont participé financièrement à la production de certains films. Ainsi, pour La cité des hommes, le ministère de la Construction finance à hauteur de 100 000 francs, tandis que la Confédération française pour l’urbanisme et l’habitation, la SCIC et le District de Paris [22] contribuent chacun à hauteur de 10 000 francs et le ministère des Affaires étrangères à hauteur de 5 000 francs [23].
PROMOUVOIR UNE POLITIQUE : LA « PROPAGANDE » D’UN MINISTÈRE ?
15Pour Le temps de l’urbanisme comme pour La cité des hommes, le terme de « propagande » est utilisé. Quand André Guyonnet tente de convaincre le ministère des Affaires étrangères et le Centre national du commerce extérieur de participer financièrement à la production du film de Roger Brunet, il souligne qu’il « pourrait être un utile moyen de propagande à l’étranger sur la qualité et la variété des réalisations françaises en matière d’urbanisme » [24]. En 1965, alors que La cité des hommes [25] vient d’être projeté devant les principaux participants au financement, Jean-Louis Theobald envoie un long courrier à Albert Knobler dans lequel il explique :
« Mon cher ami,
À la suite de la projection que nous avons faite hier soir devant les principaux participants au financement de notre film, je crois qu’il vaut mieux ne pas insister et, à la suite des nombreuses réactions que j’ai eues encore aujourd’hui, estime qu’il est préférable, en tout état de cause, de reprendre la fin du film.
Je voudrais toutefois vous adresser quelques suggestions qu’il me serait agréable de voir transposer sur le plan technique.
1 / Séquence sur Sarcelles : le passage des habitants de Sarcelles descen- dant du train s’acheminant vers leur logement dans les flaques d’eau, est d’une rare beauté cinématographique, mais peu rentable au point de vue propagande. Je crois qu’il faudrait l’écourter et supprimer la scène des femmes secouant leurs tapis à la fenêtre.
Ceci est le passage le plus déprimant pour les âmes sensibles.
2/ Fin du film : je persiste à croire que la fin du film n’a pas la note optimiste que nous sommes malgré tout obligés de donner au public.
Il conviendrait donc de filmer une réalisation à la fois moderne, vivante, et avec quelques gros premiers plans, soit des femmes, soit des enfants qui expriment la joie de vivre.
Je vous avais donné une liste de réalisations dans ce sens et suis prêt à vous accompagner pour les filmer un jour où il fera beau.
Personne ne met en doute le talent de Rossif et le vôtre, mais vous devez comprendre que ce film est destiné au grand public, pas forcément intel- lectualisé, et souvent peu au courant des réalisations en matière de cons- tructions sociales.
Ceci dit, la Caisse des Dépôts et ce ministère ont à leur actif un certain nombre de réalisations en province, notamment au sud de la Loire, qui ne revêtent pas forcément le sentiment de tristesse de Sarcelles. D’où les réactions du Délégué de la Caisse des Dépôts, des architectes, du représen- tant des H.L.M., de l’entourage du Ministre de la Construction.
Moyennant quoi, dites-moi ce que vous pouvez faire sur le plan tech- nique et voyons-nous le plus tôt possible pour envisager de modifier et de terminer cette œuvre !
Amicalement vôtre,
Jean-Louis Theobald. » [26]
17Le décalage entre une politique qui hésite sur les formes de la construction et ses représentations est inévitable dans la mesure où il ne peut être envisagé de critiquer, à l’image et à destination d’un public varié, des choix en discussion. Il convient de donner une vision positive des grands ensembles et de les présenter comme des espaces vivants, où les femmes, selon la presse les premières victimes de la « Sarcellite », et les enfants, images de la France de l’avenir, s’épanouissent.
18Les films sont en effet destinées à un public large dont nous pouvons dessiner les contours. Ils sont projetés lors de festivals ou d’expositions à un public professionnel ou profane, français et étranger. Le temps de l’urbanisme devait être diffusé à l’Exposition française de Moscou, mais n’a pas été achevé à temps, et a fait l’objet en 1963 de versions espagnoles et anglaises. La cité des hommes a été projeté au IIe Festival du film d’architecture (dont il a obtenu le grand prix) organisé à Prague en juillet 1967 dans le cadre du IXe Congrès de l’Union internationale des architectes, tandis que 160 copies du film ont été envoyées au ministère des Affaires étrangères [27]. Des séances étaient organisées par les services du ministère dont les personnels étaient le public désigné [28]. Certains films sont passés à la télévision même si, dans le cas de La cité des hommes, cette diffusion fut à l’initiative des producteurs. Enfin, un camion-cinéma sillonnait la France et projetait, à l’instar de la camionnette nationale de projection du ministère de l’Agriculture [29], les films du ministère dans les régions françaises [30].
19Les films produits par le ministère visent ainsi à promouvoir, auprès des citoyens, mais aussi des professionnels et des étrangers, l’ensemble de la politique de construction française.
Reconstruire, loger, aménager en images
20Les thèmes forts du corpus du ministère sont la Reconstruction, la crise du logement, symbolisée par les taudis, mais aussi l’aménagement de la ville et du territoire. Les grands ensembles apparaissent alors comme un choix de construction parmi d’autres, et comme le remède aux multiples problèmes qui touchent le logement et la ville, tout en se révélant le cadre idéal du développement d’une vie et d’une France moderne. Au gré des documents cependant apparaissent les premiers doutes, les premières préventions et, timidement, à partir du début des années 1960, les premières désillusions.
UN REMÈDE À LA CRISE DU LOGEMENT
21La crise du logement, le problème des mal-logés et de l’habitat défectueux sont des préoccupations récurrentes. Les commentaires s’appuient sur des animations graphiques et assènent des chiffres accablants, qui sont autant de preuves de la gravité de la situation. Ainsi, à la fin des années 1940, il manque 200 000 logements, et sur les 12,7 millions existant, seuls les deux tiers sont sains, le reste étant constitué d’habitations provisoires « mal conçues, mal situées, sans air, sans soleil et dépourvues des commodités les plus élémentaires » [31].
22Les bâtiments décatis, les hôtels garnis, mais aussi les cités d’urgences témoignent également de cette crise tandis que des images classiques d’enfants jouant sur le trottoir ou de femmes allant chercher de l’eau à une borne-fontaine [32], appuient les discours sur les mal-logés (figure 1). Il arrive que des images de chantiers, d’échafaudages, d’immeubles en construction, signes d’une solution déjà en route, accompagnent l’évocation des destructions des deux guerres [33], mais ces images positives sont plus rares.
Se loger (1948).
Se loger (1948).
23La Seconde Guerre mondiale est présentée comme la cause essentielle de la crise du logement. En 1948, le film Un aperçu de la Reconstruction, qui évoque les premières années de la Reconstruction en France, illustre un schéma narratif maintes fois repris [34]. Il débute par l’image d’un enfant qui, dans un intérieur bourgeois, construit, avec des morceaux de bois, des immeubles, qu’il joue ensuite à détruire, tandis que le commentaire souligne « cet enfant construit, comme un homme. Il a même des idées aussi étranges que ses aînés. Décidément, cet enfant est aussi fou qu’un homme. Et voilà... ». Des images de bombardements, de destructions s’enchaînent, avant que la caméra n’emprunte des routes jonchées de ruines. « Où vivent maintenant ceux qui habitaient là ? Combien faut-il reconstruire de maisons, de fermes, de cités ?» s’interroge le commentaire. Une carte de France se couvre de tâches noires qui montrent les départements sinistrés. Le travail à fournir est immense, « déminer, nettoyer, pacifier la terre, déblayer, remembrer », et reconstruire, vite, « tant de familles avaient perdu leur toit ».
24La Seconde Guerre mondiale est loin d’être la seule cause de la crise du logement et de nombreux films abordent le manque de construction et d’entretien du parc de logements après la Première Guerre mondiale. Le blocage du prix des loyers, la négligence des pouvoirs publics dans l’entre-deux-guerres, la crise des années 1930 qui met un coup d’arrêt à la prise de conscience des autorités, sont ainsi présentés comme les sources d’une situation dramatique aggravée par la croissance démographique du lendemain de la guerre, dont les taudis, « vieilles maisons qui se délabrent, mal conçues, mal situées, sans air, sans soleil et dépourvues des commodités élémentaires » [35], sont l’emblème.
25Les films donnent l’image d’un ministère confronté à une situation dramatique et ancienne qu’il doit prendre en charge sans en être responsable puisque la guerre, mais surtout l’imprévoyance des pouvoirs publics de l’entre-deux-guerres, y ont conduit. Les chiffres du manque de logements, les images de taudis ou de ruines, dont les conséquences matérielles et sociales sont énormes, puisque les taudis occasionnent des maladies comme la tuberculose, ou des pathologies sociales comme l’alcoolisme, témoignent de la gravité du problème. Les images de bombardement, tout comme les plans de ruines que l’on longe et que l’on contemple comme un désastre, sont le signe d’un drame surgi sans qu’on l’ait voulu et sans que l’on n’ait pu agir. Les nombreuses références à l’histoire urbaine de la fin du XIXe siècle et du premier XXe siècle appuient l’idée que la France d’après-guerre hérite d’une situation qu’elle doit assumer mais avec laquelle elle doit rompre.
26Les grands ensembles sont présentés comme un choix parmi d’autres pour remédier à ces problèmes. En effet, pavillonnaire, reconstruction à l’identique ou réinterprétation d’une architecture traditionnelle, les solutions aux destructions de la guerre sont nombreuses et bien représentées dans les films. Mais les grands ensembles apparaissent souvent comme le meilleur choix, justifiant les opérations en cours. À cet égard, le film Se loger (1948) est instructif. Les moyens de remédier à la crise du logement y sont présentés à travers les exemples de la rénovation des immeubles anciens ou des cités pavillonnaires fabriquées en série. En revanche, les grands ensembles sont peu évoqués dans le commentaire, tandis qu’ils sont montrés à des moments-clefs : les images sont jugées suffisamment fortes et séduisantes pour se passer de paroles. La première partie du film, qui s’interroge sur les causes de la crise du logement, s’achève sur des plans d’un sanatorium. Le commentaire souligne que les services sociaux dépensent davantage pour un tuberculeux guéri que pour une maison de cinq pièces avec tout le confort. La transition avec la seconde partie, qui évoque les solutions à la crise, montre des immeubles neufs non achevés. De même, la fin du film, qui souligne que « si le problème du logement est vaste, il est soluble et on doit le résoudre » met à l’image des grands ensembles entourés de verdure (figure 2). Les grands ensembles, dont le nom n’est pas mentionné, sont donc filmés à chaque fois qu’une solution globale est évoquée. Ils apparaissent comme le meilleur remède à la crise du logement, notamment parce que l’organisation rationnelle des chantiers ne paraît trouver sa pleine efficacité que sur les plus grands d’entre eux.
27À deux reprises [36], la partie la plus importante d’un document est consacrée à un seul chantier. Le plus souvent cependant, les images de chantiers s’insèrent dans un récit plus large. La litanie des chiffres de la construction répond à celle du manque de logements. On souligne d’abord l’importance de la tâche, « construire ou rénover cinq millions de logements », « créer en trente ans 300 000 logements par an » [37]. Puis on présente l’étendue du travail accompli. Là encore, litanie des chiffres, « un million de tonnes de gravats enlevés » en huit mois à Caen, mais aussi, plus de 3 500 bâtiments réparés, 1 400 logements nouveaux achevés ou prêts de l’être [38]. Cependant, la mention du travail réalisé est pondérée par celui qui reste à accomplir. Les mal-logés sont encore nombreux et il s’agit davantage d’un message d’espoir que d’une victoire totale.
«En résumé, si le problème du logement est vaste, il est soluble et on doit le résoudre», Se loger (1948).
«En résumé, si le problème du logement est vaste, il est soluble et on doit le résoudre», Se loger (1948).
28Les images de chantiers accompagnent l’évocation de l’œuvre accomplie. Par leur caractère inachevé, les chantiers justifient les plans de ces familles encore entassées dans des logis insalubres qui ponctuent les références à la crise du logement. Mais ils sont aussi la marque de l’œuvre en cours, surtout lorsque le montage enchaîne les images d’immeubles détruits, de déblaiements, d’édification d’un ensemble et les plans sur des immeubles achevés, abolissant le temps nécessaire à la construction et rendant palpable l’efficacité croissante du travail [39] et le passage du néant à l’édifice.
29Les grues, échafaudages, machines, ouvriers montrent la technique et les hommes à l’œuvre. Les plans d’ensemble des chantiers permettent d’en embrasser le gigantisme, et d’imaginer le nombre de personnes que l’on pourra loger dans les bâtiments achevés. Ils rendent aussi possible l’appréhension des différentes étapes de la construction. En effet, il est fréquent que sur un même plan apparaissent des immeubles achevés, d’autres en passe de l’être et un bâtiment dont on vient de poser les fondations. Ce plan d’ensemble conclut dans Mur en quatre heures (1956) une séquence qui, partant d’un plan moyen sur des ouvriers au travail sur un immeuble, permet, par un panoramique vertical, de voir progressivement cet immeuble s’ajouter à d’autres déjà construits.
30L’aspect moderne et singulier des grands ensembles dans le paysage urbain en fait le symbole de ce que la France a su édifier après-guerre. Ils se distinguent parfaitement d’un autre type d’urbanisme, leur aspect récent est immédiatement repérable, en particulier dans les images aériennes, souvent utilisées. Montés rapidement, les plans fixes de façades, de barres, de tours, en contre-plongée, de fenêtres, de toits encastrés, identifiables comme des réalisations nouvelles, témoignent du considérable effort de construction réalisé, mieux que ne pourraient le faire des images de maisons individuelles ou de reconstructions à l’identique, mieux que ne le feraient des plans sur des immeubles bas ou du petit collectif.
LA SOLUTION AUX PROBLÈMES D’URBANISME
31Au-delà du problème de la crise du logement, les grands ensembles, symboles – au moins au début – d’un urbanisme raisonné, sont l’image de la rupture avec la ville traditionnelle, radicalement condamnée. Ils apparaissent alors comme la solution à tous les problèmes urbains.
32La ville du passé est profondément pathogène dans les films du ministère qui sont à cet égard les héritiers d’un sentiment anti-urbain ancien qui trouve son aboutissement dans l’ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français, publié en 1947 [40]. Encombrée, enfumée, constituée de ruelles étroites, de constructions hétéroclites, cette ville issue de la révolution industrielle dévore les hommes et conduit à l’étouffement et à la déprime. Les hommes fuient leurs logements, dépourvus d’air, de lumière et du confort élémentaire, pour le « havre provisoire peut-être plus accueillant » que constitue le café [41].
33On retrouve ainsi, même édulcorées, les inquiétudes hygiénistes du XIXe siècle face au développement du phénomène urbain. S’il n’est pas question, dans les films du ministère, d’une ville qui engendre le crime ou la violence, en revanche, un certain nombre de thèmes proches des courants de l’anti-urbanisme français ou britannique du XIXe siècle sont perceptibles. On reconnaît les thèses développées par Edwin Chadwick qui met l’accent sur les problèmes sanitaires qu’entraîne la constitution des grandes cités, mais aussi les arguments anti-urbains de John Ruskin qui stigmatise la laideur qui émane des grandes villes, puantes et enfumées [42].
34Plusieurs documents rendent compte de cette haine de la ville. Les premières minutes du film Des maisons et des hommes [43], dont la construction est représentative des autres films, se passent dans le cadre bucolique de la vallée de la Seine. Des hommes et des femmes se baignent, pêchent, au son d’une chanson qui répète « comme il ferait bon vivre ici », rappelant l’échappée dominicale de Nogent Eldorado du dimanche de Marcel Carné (1929). Progressivement, des images de route et d’automobiles prennent le pas sur celles de la verdure et de l’eau. Le dimanche s’achève, il faut rentrer à Paris. Le montage s’accélère, tandis que la bande son s’affole, composant une symphonie urbaine frénétique dont le modèle est emprunté à Berlin, symphonie d’une grande ville [44]. Les plans se succè-dent à un rythme très rapide, soulignant l’agitation de la vie parisienne, accompagnés du bruit des klaxons, des pointeuses, des machines à écrire, des sonneries de téléphone ou des coups de sifflets d’un gendarme; le train déverse ses passagers sur le quai, des plans de demi-ensemble sur le quai d’une gare ou sur un carrefour que tentent de traverser des piétons, alternent avec de très gros plans de pieds ou de téléphones. Un taudis, un café, un escalier sombre nous mènent, avec la même frénésie sonore, à une petite pièce dans laquelle un homme dort d’un sommeil agité. Il ouvre les yeux et entend la cacophonie de la ville. La chambre laisse place à un plan aérien de la ville, puis aux nuages, tandis que les bruits agressifs sont remplacés par la mélodie d’une boîte à musique. On retrouve alors les images de la Seine et des arbres tandis qu’une voix off murmure « rêve, rêve de verdure, rêve de soleil, d’espace, d’eau, d’air pur, rêve très simple de retrouver l’évasion éphémère du dimanche. Ce rêve est le seul moyen pour des millions d’individus d’échapper à la vie quotidienne ».
35La ville apparaît comme un monstre moderne dans lequel tout bonheur est impossible et dont il faut s’échapper. Accompagnant la condamnation de la ville industrielle, les films dénoncent son expansion sous forme d’une « lèpre pavillonnaire ». Cette condamnation d’une croissance anarchique, celle des lotissements « avec leurs petites maisons en rang comme des poireaux » [45] correspond aux représentations de la banlieue de l’entre-deux-guerres qui fustigent la prolifération incontrôlée des lotissements [46]. À cette ville monstrueuse et anthropophage, les films opposent les pré-ceptes d’un urbanisme fonctionnel et rationnel et la nécessité de créer des « grands ensembles audacieux » [47]. Il s’agit de déterminer à l’avance les plans de la ville, de « répartir usines, habitations verdure dans le plus parfait équilibre » [48].
36Les grands ensembles sont presque toujours présentés comme une solution aux maux engendrés par la ville industrielle et la banlieue pavillonnaire. Les films opposent souvent les images de la ville industrielle et celles des grands ensembles. Ces passages sont montés sur le même modèle qui consiste à évoquer les taudis, le manque d’air et de lumière, avant de présenter le projet et la construction et enfin les images du grand ensemble, aéré et lumineux dans lequel il fait bon vivre en famille. Au confinement des pièces des taudis s’opposent alors les appartements spacieux des grands ensembles, au manque d’air et de lumière des ruelles dans lesquelles jouent des enfants s’opposent les espaces dégagés de ces cités nouvelles. Le passage de l’un à l’autre est rendu possible par la réflexion et la prévision symbolisées par les plans et les maquettes, et par la construction, figurée par l’image des chantiers ou l’emménagement d’une famille.
LA VILLE DU FUTUR
37Les films dessinent l’image d’une vie nouvelle, résolument moderne, promise par les grands ensembles, mais témoignent aussi des hésitations du ministère. Ils laissent transparaître craintes, doutes, voire premier désaveu vis-à-vis de ces constructions neuves et ne restent pas indifférents aux critiques qui s’élèvent, fustigeant la monotonie et la laideur des grands ensembles, et leur échec architectural et social.
38Promouvoir la politique de construction des grands ensembles consiste d’abord à présenter ces cités nouvelles comme un cadre de vie idéal offert à l’homme du second XXe siècle et ce, de l’espace clos de l’appartement jusqu’à l’espace sécurisant de la cité.
39De nombreuses images d’intérieur émaillent les documents. Les scènes dans la salle de bain sont fréquentes et les femmes sont abondamment filmées dans la cuisine, allumant les feux de la gazinière, ouvrant les placards ou les robinets de l’évier. Quant aux enfants, ils courent dans l’appartement, sautent sur leur lit, vont jouer dehors et leurs activités assurent la transition entre l’espace privé de l’appartement et l’espace public de la cité. Ce sont eux qui peuplent, à l’écran, les espaces communs, escaliers, coursives, parcs. Ils peuvent s’ébattre dans cet espace mi-clos que constitue la cité, surveillés du balcon par leur mère.
40La totalité du grand ensemble constitue le cadre d’une vie épanouie, l’appartement et les espaces verts se complétant pour offrir aux habitants la satisfaction de tous leurs besoins. Ainsi, hommes et femmes « vivent dans un cadre et un climat qui leur permettent de retrouver le sens de la vie » [49]. Les films donnent donc à voir des habitants souriants, dégagés des problèmes matériels de l’habitat. La parole ne leur est jamais donnée, sauf dans les fictions, comme si la visibilité de leur bonheur suffisait à constituer une preuve de la réussite de l’entreprise. Les sourires des couples et des enfants qui vivent dans les grands ensembles contrastent ainsi avec les visages fermés des habitants des taudis.
41Ce cadre d’une vie idéale est « conforme aux exigences de la vie moderne » [50]. Alors qu’en 1954, un cinquième des logements ne dispose pas de l’eau courante, les films insistent sur les équipements des appartements des grands ensembles. Évier, lavabo ou baignoire sont systématiquement montrés ainsi que d’autres symboles de la modernité : l’ascenseur dans Maisons d’Alsace (1954) ou les nombreux appareils ménagers qui font leur entrée dans la vie quotidienne. Les gazinières et les réfrigérateurs équipent les cuisines, le transistor ou le tourne-disque trônent dans le séjour. La musique témoigne de cette modernité. Dans le film Rue neuve (1956), la mélodie qui accompagne les images de constructions anciennes est douce et nostalgique tandis qu’un jazz entraînant surgit lorsque les grands ensembles apparaissent à l’écran.
42Si l’intérieur des appartements est conforme au présent, la ville que représentent ces « cités de l’avenir » [51] est celle du futur. À travers cette dimension futuriste, les pouvoirs publics, tout en répondant aux erreurs du passé, en gérant les urgences du présent, anticipent les besoins de l’avenir. Les grands ensembles sont l’espace urbain du futur parce qu’ils rompent totalement avec la ville du passé. Absence de rue, refus du désordre et de l’anarchie, air, lumière, espace, la cité de l’avenir est prévue et organisée pour l’homme qui doit l’habiter. Elle rassemble sur un même territoire ville et campagne, unissant l’inconciliable pour l’épanouissement de l’homme. En cela, les films puisent dans l’histoire des théories et pratiques architecturales et urbanistiques qui précèdent la construction des grands ensembles, du pré-urbanisme progressiste à l’urbanisme de l’entre-deux-guerres incarné par les membres des Congrès internationaux d’architecture moderne comme Le Corbusier, André Lurçat ou Marcel Lods [52]. L’importance donnée aux images d’enfants dans les films accentue la dimension prévisionnelle de cet urbanisme. Sans doute s’agit-il de convaincre face aux critiques et aux craintes que font naître ces nouvelles formes urbaines. Si les grands ensembles déconcertent et interrogent, c’est parce qu’ils appartiennent à l’avenir, et qu’ils constituent une anticipation du cadre de vie du futur.
43En filigrane de cette représentation élogieuse des grands ensembles pointent cependant les premiers constats de l’échec social et architectural de cette politique de construction. S’il s’agit certes de reprendre des critiques issues de la société pour mieux les dépasser, les films témoignent malgré tout des hésitations d’un ministère qui s’interroge à l’image sur ce qu’il construit. Dès 1947, les Français expriment leur préférence pour l’habitat individuel [53]. Les grands ensembles font l’objet de campagnes de dénigrement dans la presse [54] et apparaissent comme un échec architectural, urbanistique mais aussi social dès le début des années 1960. Il ne peut être question d’affirmer que les films du ministère reprennent à leur compte ces critiques radicales, mais une observation fine des documents permet de les voir émerger.
44Dès 1954, les films se font l’écho de craintes architecturales, souvent pour mieux les dépasser. Ainsi, le film Rue neuve, à l’évocation des grands ensembles, souligne « qu’on peut aimer ou ne pas aimer ce style », mais précise que « comme les donjons et les villes fortifiées qui nous enchantent ont été construites pour répondre aux nécessités de leur époque, de même ces immeubles nous sont imposés par le fait qu’en cent cinquante ans, la population de la France est passée de quinze à quarante-trois millions d’habitants [55] », ajoutant que « l’architecture moderne n’est nullement monotone ».
45La remise en cause de l’architecture des grands ensembles est parfois plus radicale. Pourtant, les accusations de « monotonie déprimante » et de « nouvelle laideur » [56] sont balayées par la référence à la banlieue pavillonnaire ou à la ville industrielle. Ainsi, après avoir évoqué le risque de monotonie engendré par les grands ensembles, Visage de la France (1954) affirme que « dans la monotonie de la banlieue, une idée se lit » tandis qu’une vue aérienne oblique d’un grand ensemble au milieu de pavillons apparaît. Il convient alors de rappeler « ce qui aurait pu être si on n’avait pas rompu avec une tradition plus que centenaire ». De même, si certaines constructions méritent leur appellation de « casernes » ou de « boîtes à sardines », les films les présentent comme une étape. Dès lors que « l’urgence est satisfaite », et même si « les besoins restent considérables », « nos architectes ont gagné le droit d’être moins strictement fonctionnels et de se préoccuper de la beauté pour elle-même ». Les films ne remettent pas en cause les choix de construction du ministère, mais celui-ci ne peut ignorer à l’écran les critiques et les hésitations qui s’affirment dans l’opinion et en son sein.
46En 1962, le constat est fait que « soutenues par l’opinion publique, les conceptions officielles en viennent à préconiser la construction de petits immeubles collectifs », et l’on reconnaît « un besoin très profond, celui d’un habitat personnalisé » [57]. La séquence de La cité des hommes consacrée à Sarcelles s’avère une critique subtile des grands ensembles [58]. La représentation donnée de cette ville est celle d’un échec. Elle « respire l’ordre, l’application, le désir de bien faire », comme si elle était l’œuvre d’un élève appliqué mais sans talent. Certes, les logements disposent tous de l’eau chaude et d’une salle de bains, « c’était le plus urgent ». Et pourtant, ce n’est pas une ville. Le soir, hommes et femmes descendent du train et marchent dans la boue, sous la pluie, pour rejoindre leur logement, et seuls, les uns derrière les autres, ils rentrent chez eux où ils demeurent isolés devant leurs postes de télévision. Le lendemain, alors que le soleil n’est pas encore levé, « les maisons restituent les hommes qui les ont saturées la nuit ». Ils font le chemin inverse à celui de la veille, toujours dans la boue, toujours seuls au milieu des autres. Pendant ce temps, les femmes, à leur fenêtre, secouent leur linge, les unes après les autres (figures 3 et 4). La séquence correspond aux images négatives véhiculées sur les grands ensembles, cités-dortoir sans âme, « machines à habiter » qui respirent la solitude et l’uniformité, bien plus qu’à cette promesse d’une vie nouvelle que défend le ministère. Là encore, pourtant, la critique est tempérée. Ces cités, dont les façades sont « toutes neuves et encore un peu froides », sont les cités de l’avenir. Certes, aujourd’hui elles dépaysent, mais elles seront demain un « cadre naturel pour tous », et ce sont les enfants, images d’un monde en devenir, qui leur donneront vie et qui édifieront « la cité des hommes ».
47Les films de la période qui s’étend de la Reconstruction à la création du ministère de l’Équipement mettent en scène, pour les promouvoir auprès de publics variés, les réalisations d’un ministère qui reconstruit la France et édifie des grands ensembles. L’analyse des documents révèle des images nuancées, qui puisent dans un imaginaire urbain ancien et laissent affleurer les tâtonnements voire la remise en cause de cette politique de construction.
48Le choix du collectif demeure assumé comme une contrainte de l’histoire, celle des taudis, des destructions de la guerre, mais aussi comme l’héritage d’une Troisième République responsable d’une situation dramatique que la France d’après-guerre doit prendre en charge. Ce choix est également assumé au prix de l’espoir que les grands ensembles constituent une étape vers une ville du futur qui n’existe pas encore, et que l’homme de l’avenir parviendra à se les approprier, devenant alors le symbole d’une France qui, anticipant l’avenir, rompt avec la Troisième République. L’œuvre de propagande visant à promouvoir une politique se fait alors témoignage sur les atermoiements et les espoirs des décideurs qui s’interrogent sur ce qu’ils construisent, et le film institutionnel apparaît comme un moyen d’appréhender la décision politique.
«Le soir la ville se gorge d’hommes. Dix minutes dans le train n’ont pas suffià lier leurs destins. Derrière les fenêtres du dortoir, les lumières éclairent le repas du soir et l’isolement devant les postes de télévision. Au matin les maisons restituent les hommes qui les ont saturées la nuit.»
«Le soir la ville se gorge d’hommes. Dix minutes dans le train n’ont pas suffià lier leurs destins. Derrière les fenêtres du dortoir, les lumières éclairent le repas du soir et l’isolement devant les postes de télévision. Au matin les maisons restituent les hommes qui les ont saturées la nuit.»
49Ces images nuancées sont celles de la propagande subtile et évolutive d’un ministère qui communique sur son action, et se distinguent d’un « bourrage de crâne » qu’il serait impossible d’imposer aux citoyens dans un pays démocratique imprégné des idéaux de la Résistance dont sont issus des ministres comme Eugène Claudius-Petit ou Pierre Sudreau [59].
Annexe : Liste des films étudiés
Notes
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[1]
Du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme au ministère de l’Équipement.
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[2]
On peut se référer aux travaux de Georges Pessis, notamment à Entreprise et cinéma, cent ans d’images, Paris, La Documentation Française, 1997, mais aussi aux recherches menées par Marion Richoux, Images du progrès dans le cinéma rural d’après-guerre, mémoire de maîtrise sous la direction de Michèle Lagny, Université de Paris III, 1995, et La production cinématographique et audiovisuelle au ministère de l’Agriculture ou les évolutions d’une institution de 1945 à nos jours, mémoire de DEA sous la direction de Michèle Lagny, Université de Paris III, 1996.
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[3]
Le ministère de l’Équipement dispose, pour les années 1938-1966 d’un fonds d’au moins trente et un films sur des thèmes variés, dont vingt-six concernent le logement, l’architecture ou l’urbanisme (voir liste des films retenus en annexe). Les archives du Service de l’Information et de la Communication (désormais SIC), conservées au Centre des archives contemporaines (désormais CAC), versement 19790660, Art. 1 à 64 sont riches d’informations sur le contexte de production et de diffusion de ces films. D’autre part, des dossiers contenant des correspondances, des notes de services, des scenarii et des contrats sont conservés au SIC du ministère de l’Équipement (tous les courriers ou notes cités dans le présent article qui ne sont pas issus du versement aux Archives nationales sont extraits de ces dossiers). À ces sources, on peut ajouter un entretien mené auprès de Jean-Louis Theobald, conseiller technique au cabinet du ministère de la Construction de 1963 à 1966, chargé du Service de l’information, auteur du scénario du film La cité des hommes (1966) réalisé pour le ministère par Frédéric Rossif.
-
[4]
Annie Fourcaut, « Trois discours, une politique ?», Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 39-45.
-
[5]
Eric Lengereau, L’Etat et l’architecture, 1958-1981, Une politique publique ?, Paris, Picard, 2001, p. 28 et suivantes.
-
[6]
Le logement, Igor Barrère et Etienne Lalou, Faire face, 29 septembre 1961.
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[7]
Celles-ci ne seront pas étudiées dans le présent article qui vise à s’interroger sur la production d’images par le ministère. Pour des analyses prenant en compte la télévision et le cinéma, nous nous permettons de renvoyer à nos articles, « Les cités dans l’imaginaire », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 75-76 et « Sarcelles, ville rêvée, ville introuvable », Sociétés et représentations, no 17, mars 2004, p. 343-359.
-
[8]
Michèle Lagny, « Histoire, histoire culturelle, sémiologie », dans Odile Bächler, Claude Murcia, Francis Vanoye (sous la direction de), Cinéma et audiovisuel, nouvelles images, approches nouvelles, Bifi/ L’Harmattan, 2000, p. 130.
-
[9]
La lecture des films a pris en compte ces différents paramètres en suivant un découpage par séquences. Alors que le commentaire a été retranscrit, les images (lieux, personnes...) ont été recensées, avec une attention particulière à celles qui présentaient des grands ensembles, pour lesquelles cadrages, plans, mouvements de caméra ont été relevés.
-
[10]
Michèle Lagny, « Histoire, histoire culturelle... », op. cit., p. 132.
-
[11]
Sur les phénomènes d’intertextualité et d’intermédialité, voir notamment « La croisée des médias », Sociétés et représentations, no 9, avril 2000.
-
[12]
Michèle Lagny, « Films d’entreprise : gibier d’historiens », Les cahiers de l’Anatec, no 4, printemps 2002, p. 6-7.
-
[13]
Organisation du secrétariat d’État à la reconstruction et au logement, 1956, Publicifa 1956 et Annuaire du ministère de la Reconstruction et du logement, 1958, Publicifa, 1958.
-
[14]
Note d’André Guyonnet à Monsieur le Directeur de la Construction, 18 janvier 1961.
-
[15]
Lettres d’André Guyonnet à Jean-Pierre Campredon et Philippe Desjardins, 26 janvier 1961.
-
[16]
Lettre de Philippe Brunet à André Guyonnet, 8 octobre 1960.
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[17]
Lettre de Jean Lobry à Philippe Brunet, 20 décembre 1960.
-
[18]
Diplômé de l’Ecole nationale de la France d’Outremer, il est administrateur de différentes provinces en Indochine et occupe divers postes dans l’administration française à l’étranger avant d’être commissaire à l’Aménagement du territoire et de rejoindre le cabinet du Ministre de la Construction, Jacques Maziol.
-
[19]
Lettre d’André Guyonnet au directeur du CNC, 20 décembre 1963.
-
[20]
Par exemple, Habitat défectueux (1950).
-
[21]
Cependant, à l’exception des films Les bâtisseurs de Jean Epstein (1938) et Aubervilliers (1945), ils ont été acquis à une période proche de celle de leur réalisation.
-
[22]
La SCIC, créée le 11 juin 1954, est une société privée filiale de la Caisse des dépôts et consignations qui est, à la fin des années 1950, le plus important groupe immobilier de France. Paul Landauer, La Caisse des dépôts et consignations face à la crise du logement (1953-1958), histoire d’une maîtrise d’ouvrage, thèse de doctorat, sous la direction de Danièle Voldman, Université de Paris I, 2004. Sur le District de Paris, Laurent Zylberberg, De la région de Paris à l’Ile-de-France, construction d’un espace politique, thèse de doctorat, sous la direction de Catherine Grémion, Institut d’Études Politiques de Paris, 1992.
-
[23]
Lettre d’André Guyonnet au CNC, 20 juillet 1965.
-
[24]
Lettres d’André Guyonnet à Jean-Pierre Campredon et Philippe Desjardins, 26 janvier 1961.
-
[25]
Ce film présente et fustige le développement de la ville industrielle avant d’évoquer, de façon critique à travers l’exemple de Sarcelles, l’urbanisme nouveau de l’après-guerre, et de présenter l’effort de construction que connaît la France, en montrant « qu’aujourd’hui on s’amuse à bâtir une ville comme on bâtissait autrefois une maison ». Il s’achève sur des images d’enfants et évoque la froideur de ces villes nouvelles, mais aussi le fait que ces enfants leur donneront vie.
-
[26]
Lettre de Jean-Louis Theobald à Albert Knobler, 6 novembre 1965, citée intégralement car elle permet de rendre compte des exigences du ministère et d’autres commanditaires en matière de représentations de leur politique de construction et de « propagande ».
-
[27]
Lettre d’André Guyonnet à Albert Knobler, janvier 1967.
-
[28]
Une lettre du Directeur départemental de l’Isère au Service des relations extérieures le 27 février 1962, signale que deux films ont été projetés pour le personnel de la Direction départementale. AN, CAC, Archives de l’Équipement, SIC, 19790660, art. 13.
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[29]
Marion Richoux, La production cinématographique..., op. cit.
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[30]
Ce camion a sillonné les départements français de 1957 à 1960, projetant gratuitement dans de nombreuses communes, à raison de trois séances par jour, des films du ministère, des Charbonnages de France, d’Électricité de France, de Gaz de France et de la Fédération nationale du bâtiment, réunis dans l’association « Campagne nationale en faveur de la construction et du logement » placée sous le patronage du ministère de la Construction. AN, CAC, Archives de l’Équipement, SIC, 19790660, art. 50.
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[31]
Se loger (1948).
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[32]
Ces images, comme celles étudiées par Myriam Tsikounas au sujet des bidonvilles, « sont en forte résonance avec des plans tournés précédemment non seulement par des cinéastes français (Lucien Nonguet et Georges Lacombe notamment), mais aussi par des metteurs en scène américains et soviétiques ». Myriam Tsikounas, « À l’écran, les bidonvilles... », dans Jacques Girault (sous la direction de), Ouvriers en banlieue, XIXe - XXe siècle, Paris, Éditions de l’Atelier / Éditions ouvrières, 1998, p. 267.
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[33]
Des maisons et des hommes (1953).
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[34]
D’autres films fonctionnent sur le même modèle, Caen relève ses ruines (1950) ou Maisons d’Alsace (1954) par exemple.
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[35]
Sur l’habitat insalubre, voir Yankel Fijalkow, La construction des îlots insalubres de Paris, 1850-1945, Paris, L’Harmattan, 1998.
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[36]
Dans Pantin, unité résidentielle (1956) et dans Mur en quatre heures (1958). Sur Pantin, voir Rémi Bercovitz, Rénovation urbaine et construction d’un grand ensemble : l’exemple du quartier de la place de l’église à Pantin, mémoire de maîtrise sous la direction d’Annie Fourcaut, Université de Paris I, CHS, 2005.
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[37]
Se loger (1948).
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[38]
Caen relève ses ruines (1950).
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[39]
Sur l’industrialisation du bâtiment après la Seconde Guerre mondiale, voir Dominique Barjot, « Industrie du bâtiment et logements populaires après 1945 », dans Jacques Girault (sous la direction de), Ouvriers en banlieue..., op. cit., p. 218-242, et « Un âge d’or de la construction », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 72-74.
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[40]
Bernard Marchand, « La haine de la ville, Paris et le désert français de Jean-François Gravier », L’information géographique, no 3,2001, p. 234-253. L’ouvrage de Jean-François Gravier a d’ailleurs été mis en images par le ministère dans un film réalisé en 1957 par Sidney Jezequel. Voir aussi, sur le thème de la haine de la ville, le site créé par Bernard Marchand, http :// www-ohp. univ-paris1. fr/
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[41]
Pantin, unité résidentielle (1956).
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[42]
Andrew Lees, Cities perceived, Urban Society in European and American Thought, 1820-1940, New York, Columbia University Press, 1985.
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[43]
Des maisons et des hommes (1953).
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[44]
Dans ce film de Walter Ruttmann sorti en 1927, on assiste au réveil de la ville. Machines et hommes entrent progressivement en action et tous les secteurs de la vie urbaine commencent à s’agiter. Le rythme s’accélère peu à peu, le montage devient de plus en plus rapide et le film s’achève en apothéose. Ces images témoignent d’une fascination pour une ville devenue machine et sont abondamment reprises par la suite, constituant le modèle des « symphonies urbaines ». Voir Jean-Paul Colleyn, « La ville-rythme : les symphonies urbaines », dans François Niney (sous la direction de), Visions urbaines, villes d’Europe à l’écran, Paris, Centre Georges Pompidou, (Cinéma singulier), 1994, p. 23-26; Thierry Jousse, Thierry Paquot (sous la direction de), La ville au cinéma, Paris, Les Cahiers du Cinéma, 2005, et Myriam Juan, « Le cinéma documentaire dans la rue parisienne », Sociétés et représentations, no 17, mars 2004, p. 291-314.
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[45]
Le Corbusier, architecte du bonheur (1957).
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[46]
Voir les travaux d’Annie Fourcaut, Bobigny, banlieue rouge, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques / Éditions ouvrières, 1986; « La cité-jardin contre le lotissement ?», Urbanisme no 309, novembre-décembre 1999, p. 22-24, et La ville en morceaux, la crise des lotissements défectueux dans l’entre-deux-guerres, Grâne, Créaphis, 2000.
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[47]
Demain Paris (1959).
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[48]
Des maisons et des hommes (1953).
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[49]
Ibidem.
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[50]
Ibidem.
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[51]
Il s’agit d’ailleurs du premier titre du film de Frédéric Rossif La cité des hommes.
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[52]
Françoise Choay, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Le Seuil, 1965. Pour une vue globale de l’architecture moderne en France de la fin du XIXe siècle jusqu’en 1999, on pourra se référer aux trois tomes de l’histoire de L’architecture moderne en France dirigés par Gérard Monnier aux éditions Picard.
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[53]
Enquête logement de l’INED sur les « Désirs des Français en matière d’habitation urbaine », voir Annie Fourcaut, « Trois discours... », op. cit., p. 41.
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[54]
Édouard d’Eudeville, « L’architecture d’Aujourd’hui », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 68-70.
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[55]
Exagération liée au genre, la population française s’élève en fait au début du XIXe siècle à plus de 25 millions d’habitants.
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[56]
Ces citations, comme les précédentes, sont issues de Rue neuve (1956).
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[57]
Le temps de l’urbanisme (1962).
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[58]
Critique qui a heurté les participants au financement du film comme le montre la lettre de Jean-Louis Theobald à Albert Knobler citée supra.
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[59]
Sur la notion de propagande, voir Christian Delporte (sous la direction de), « Propagande et communication politique dans les démocraties européennes (1945-2003) », Vingtième Siècle, Revue d’Histoire, no 80, octobre-décembre 2003 ; Fabrice d’Almeida, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », dans Mots, les langages du politique, no 69, juillet 2002, p. 137-148; Hélène Eck, « Gouvernement, opinion et information sous la IVe République, contribution à l’histoire de la communication politique », dans Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Bercker, Sophie Cœuré, Vincent Duclert, Frédéric Monier (sous la direction de), La politique et la guerre, hommage à Jean-Jacques Becker, Paris, Éditions Agnès Vienot / Noesis, 2002, p. 379-400.