Notes
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[*]
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur l’histoire de la région métropolitaine de Montréal. La recherche à l’origine du texte a été rendue possible grâce à des subventions d’équipe du Fonds québécois de recherche sur la culture et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Nous remercions grandement Caroline Durand pour son rigoureux travail dans divers dépôts d’archives et la rédaction de rapports de recherche tout aussi soignés et éclairants.
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[1]
Dans ce texte, les points cardinaux suivent l’usage montréalais qui situe l’est et l’ouest de l’île, en fonction du fleuve. Le Saint-Laurent prend sa source à l’ouest et finit son parcours à l’est. Selon cette convention, le boulevard Saint-Laurent partage l’est de l’ouest de la ville bien qu’en réalité, il divise les parties nord et sud de l’île de Montréal.
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[2]
Voir l’article de Arn Keeling, « Urban Waste Sinks as a Natural Resource : The Case of the Fraser River », Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine, XXXIV, 1 (automne 2005), p. 58-70, qui démontre bien comment, dans le cas de Vancouver, la configuration du réseau des eaux usées se superpose à celle du système de drainage.
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[3]
L’eau de la ville de Montréal est puisée à même les rapides de Lachine.
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[4]
Dieter Schott, « Urban Environmental History : What Lessons are There to Be Learnt ?», Boreal Environment Research, 9, décembre 2004, p. 523.
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[5]
Louis Lesage, Rapport sur l’agrandissement proposé de l’aqueduc de Montréal, suivi de l’historique de l’aqueduc, Montréal, J. Starque & Cie, 1873, p. 9.
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[6]
Dany Fougères, L’approvisionnement en eau à Montréal. Du privé au public, 1796-1865, Québec, Éditions du Septentrion, 2004,472 p.
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[7]
Susan M. Ross, « Steam or Water Power ? Thomas C. Keefer and the Engineers Discuss the Montreal Waterworks in 1852 », The Journal of the Society for Industrial Archaeology, volume 29, 1,2003, p. 49-64.
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[8]
Louis Lesage, Rapport sur l’agrandissement..., op. cit., p. 11.
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[9]
Ville de Montréal, Division de la gestion des documents et des archives (désormais DGDA), Rapports et dossiers du Conseil municipal, 82 – 1909, George Janin, « L’approvisionnement d’eau de Montréal », 1909, p. 2.
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[10]
Sur l’évaluation de la qualité de l’eau, voir Christopher Hamlin, A Science of Impurity, Water Analysis in Nineteenth Century Britain, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1990. L’auteur explique qu’au début du XIXe siècle, l’eau était jugée selon des observations empiriques (odeur, goût, couleur). Avec le développement des analyses chimiques et bactériologiques, la validité de celles-ci est cependant mise en cause par les scientifiques.
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[11]
Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal au tournant du siècle (1880-1914) : l’établissement de la purification de l’eau potable », M.A. (histoire), Université de Montréal, 1998, chapitre 4.
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[12]
DGDA, Rapport annuel du surintendant de l’aqueduc, 1897, p. 31.
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[13]
Christopher Hamlin, A Science of Impurity..., op. cit., p. 95. Martin V. Melosi, The Sanitary City. Urban Infrastructure in America from Colonial Times to the Present, Baltimore, London, Johns Hopkins University Press, 2000, p. 87 et 146.
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[14]
« On pense d’abord approvisionner la ville, comme entité commune..., (plutôt) que le domicile de chacun des habitants et les autres établissements non résidentiels »: Dany Fougères, L’approvisionnement en eau..., op. cit., p. 93.
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[15]
À l’époque, « le nombre de tuyaux est donc égal au nombre de branchements plutôt qu’au nombre d’abonnés »: ibid., p. 89.
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[16]
Michèle Dagenais, « Urban Governance in Montreal and Toronto in a Period of Transition », in Robert J. Morris et Richard Trainor (eds), Urban Governance : Britain and Beyond since 1750, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 86-100.
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[17]
Rapport du surintendant de l’aqueduc de Montréal, 1897, p. XXII-XXIII, cité dans Dany Fougères, L’approvisionnement en eau..., op. cit., p. 92.
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[18]
Ibid., p. 410-420.
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[19]
Ibid., p. 98.
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[20]
Charles David Jacobson, Ties that Bind. Economic and the Political Dilemmas of Urban Utility Networks, 1800-1990, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2000; Maria Kaika et Erik Swyngedouw, « Fetishizing the Modern City : The Phantasmagoria of Urban Technological Networks », International Journal of Urban and Regional Research, volume 24,1, mars 2000, p. 120-138.
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[21]
Patrick Joyce, The Rule of Freedom. Liberalism and the Modern City, Londres, Verso, 2003, en particulier le chapitre 2.
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[22]
Archives de la Ville de Pointe-Claire (désormais AVPC), pétition soumise au Conseil municipal du village de Pointe-Claire, 13 septembre 1900.
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[23]
DGDA, ArchivesdePointe-aux-Trembles, Règlementno 4concernantl’aqueduc,23juin 1906.
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[24]
Brian R. Matthews, A History of Pointe-Claire, Pointe-Claire, Brianor Ltd, 1985.
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[25]
Alfred Britain, « Les égouts de Montréal », Journal d’hygiène populaire, vol. 11, no 9 et 10, 1895, p. 290.
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[26]
Louise Pothier, « Réseaux d’eau potable et d’eaux usées : l’hygiène publique et la société montréalaise, 1642-1910 », dans Louise Pothier, (sous la direction de), L’eau, l’hygiène publique et les infrastructures, Montréal, Groupe PGV – Diffusion de l’archéologie, 1996, p. 40-43.
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[27]
Robert Gagnon, Questions d’égouts. Santé publique, infrastructures et urbanisation à Montréal au XIXe siècle, Montréal, Boréal, 2006. Pour une bonne analyse de la situation dans d’autres villes canadiennes à la même époque, voir Catherine Brace, « Public Works in the Canadian City : the Provision of Sewers in Toronto 1870-1913 », Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine, XXIII, no 2, mars 1995, p. 33-43 ; Arn Keeling, « Urban Waste Sinks... », op. cit.
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[28]
Ce qui semble avoir aussi été le cas dans la majorité des grandes villes canadiennes, comme le mentionne le survol de Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts », dans Norman R. Ball (sous la direction de), Bâtir un pays, Histoire des travaux publics au Canada, Montréal, Boréal, 1988, p. 237-261. Une ferme d’épuration, située au nord de la ville, a bel et bien existé à Montréal mais son histoire fut de courte durée : Michèle Dagenais et Caroline Durand, « Cleaning, Draining and Purifying the City : Conceptions and Uses of Water in the Montreal Region », The Canadian Historical Review, vol. 87, no 4, décembre 2006, p. 621-651.
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[29]
Dr L.-E. Fortier, « Nos égouts », Journal d’hygiène populaire, vol. 10, no 4,1893, p. 98.
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[30]
Cité dans Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts... », op. cit., p. 240.
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[31]
Alfred Britain, « Les égouts de Montréal... », op. cit., p. 290. Sur les rares débats entourant la nécessité de protéger les cours d’eau, voir Michel F. Girard, L’écologisme retrouvé. Essor et déclin de la Commission de la conservation du Canada, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994.
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[32]
Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts... », op. cit., p. 253.
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[33]
DGDA, Archives de Pointe-aux-Trembles, Règlement no 5 concernant le canal d’égouts de la rue St-Enfant-Jésus, 25 septembre 1906.
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[34]
DGDA, Archives de Pointe-aux-Trembles, Règlement no 9 pour l’approvisionnement de l’eau dans les limites de la Municipalité, 11 décembre 1911.
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[35]
Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal... », op. cit., en traite en détail.
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[36]
Sans doute ce refus s’explique-t-il aussi par la crainte des élus que la reconnaissance de la piètre qualité de l’eau nuise à l’image de Montréal. Voir Joel Tarr, « Critical Decisions in Pittsburgh. Water and Wastewater Treatment », in Joel Tarr (ed.), Devastation and Renewal. An Environmental History of Pittsburgh and its Region, Pittsburgh, Pittsburgh University Press, 2003, en particulier, p. 70-74.
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[37]
F. Clifford Smith, L’aqueduc de Montréal. Son historique pour la période comprise entre l’année 1800 et l’année 1812, avril 1913, p. 28-35; Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal... », op. cit., p. 154-161.
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[38]
F. Clifford Smith, L’aqueduc de Montréal..., op. cit., p. 56-57.
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[39]
Hubert Cantwell, History of the Montréal Water Works, Ville de Montréal, 1947, p. 23-25.
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[40]
Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 1992, p. 317-325 et Claire McNicoll, Montréal. Une société multiculturelle, Paris, Belin, p. 157-206.
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[41]
Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal Waterworks, Montréal, Service des Travaux publics, 1968, p. 20.
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[42]
AVPC, Revised Report on the Watersystem, H. W. Lea, Consulting Engineer, Montréal, February 1955, p. 7.
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[43]
Cette recommandation fut suivie car, en 1973, toutes les résidences et les entreprises de Pointe-Claire sont munies de compteurs d’eau. Communauté urbaine de Montréal, Aqueduc. Étude de l’intégration des services d’aqueduc municipaux, vol. 1, juillet 1973, p. 3-14.
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[44]
Ainsi, dans un document promotionnel qui présente les installations de l’aqueduc de Montréal en 1968, on peut lire : « Instruits par une longue expérience, les responsables de l’Aqueduc de Montréal ont renversé la marche de l’histoire : au lieu de se laisser dépasser, ils se sont mis à courir en avant des besoins. Au gré de l’occupant, l’eau saine coule aujourd’hui avec abondance dans tous les foyers. » Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal..., op. cit., p. 20.
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[45]
Ibid., p. 20.
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[46]
Ibid., p. 29.
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[47]
AVPC, Pointe-Claire. Our Town, s.d.
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[48]
AVPC, Rapport annuel de la Cité de Pointe-Claire, 1964, p. 6.
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[49]
Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal Waterworks..., op. cit., p. 33.
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[50]
DGDA, archives de la Communauté urbaine de Montréal, « Programme d’expansion d’aqueduc de la Ville de Montréal – Nouvelle prise d’eau de la Cité de Lachine – Plan Directeur de l’aqueduc », 24 août 1970, p. 3.
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[51]
AVPC, Revised Report on the Sanitary..., op. cit., p. 6.
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[52]
Sur les impacts environnementaux de la suburbanisation en Amérique du Nord et les mesures adoptées afin de les réduire voir : Adam Rome, The Bulldozer in the Countryside. Suburban Sprawl and the Rise of American Environmentalism, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2001.
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[53]
Claude Allard, Étude sur la pollution des cours d’eau de la province de Québec, Montréal, Fédération des Associations de chasse et de pêche du Québec, Comité anti-pollution, 1954.
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[54]
Lucien Piché, Rapport sur la pollution de la rivière Ottawa et de ses principaux tributaires entre Ottawa-Hull et l’île de Montréal en 1954, Montréal, Ligue Anti-pollution du Québec, Fédé-ration des Associations de chasse et de pêche du Québec – Association de la province de Québec pour la protection du poisson et du gibier, inc., 1954.
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[55]
Roger Desjardins, Les efforts du Québec pour enrayer ou prévenir la pollution de l’eau, Québec, Régie des eaux du Québec, 1966, p. 1.
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[56]
Ibid., p. 2.
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[57]
Sur le principe de la régionalisation de la gestion des eaux usées qui est largement appliqué dans les villes nord-américaines à partir de 1945 voir notamment : Martin V. Melosi, The Sanitary City..., op. cit., Joel A. Tarr, « Critical Decisions in Pittsburgh... », op. cit., p. 64-88 et Arn Keeling, The Effluent Society : Water Pollution and Environmental Politics in British Columbia, 1889-1980, thèse de Ph. D. en géographie, University of British Columbia, Vancouver, 2004,389 p.
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[58]
AVPC, Feasibility Study on Regional Sewage Treatment Plant Serving the Municipalities of Beaconsfield and Pointe Claire, Cosgrove Lanctot & Finch, Consulting Engineers, 26 juillet 1968, p. 1.
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[59]
Ibid., p. 17-18.
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[60]
Complété en 1988, cet ouvrage traitait quotidiennement, en 2001, un volume d’eaux usées de 2 750 000 m3.
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[61]
AVPC, Revised Report on the Sanitary..., op. cit., p. 7.
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[62]
DGDA, Archives de la Communauté urbaine de Montréal, « Station d’épuration des eaux usées. Informations générales », mars 1973.
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[63]
Communauté urbaine de Montréal, L’eau, richesse..., op. cit., p. i.
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[64]
Ibid., p. i.
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[65]
Parmi les autres fonctions assumées par la CUM on retrouve l’aménagement du territoire, la fourniture des services de police et de transport en commun, l’évaluation foncière et le développement économique. Elle a été abolie en janvier 2002 lors de la création de la nouvelle ville de Montréal, née de la fusion des municipalités de l’île.
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[66]
Laurent Lepage, Mario Gauthier et Patrick Champagne, « Le projet de restauration du fleuve Saint-Laurent : de l’approche technocratique à l’implication des communautés riveraines », Sociologies pratiques, 2,2002, p. 67.
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[67]
Ministère de l’Environnement du Québec, 25 ans d’assainissement des eaux usées industrielles au Québec : un bilan, Québec, Les Publications du Québec, 1999.
1Comment perçoit-on l’eau dans une région urbaine où sa présence domine ? Comment l’utilise-t-on et y donne-t-on accès ? L’abondance en eau favorise-t-elle un accès équitable des populations à celle-ci ? Le gaspillage de cette ressource est-il plus grand qu’ailleurs ? Quels autres facteurs interviennent dans la manière de gérer l’eau, sa distribution et son évacuation ? Les pages suivantes exposent les circonstances entourant le développement des réseaux de distribution et d’évacuation de l’eau dans la région métropolitaine de Montréal, à partir des dernières décennies du XIXe siècle, au moment où ont été définies les bases du système de gestion publique de l’eau. Le rapport à l’eau de la société montréalaise, et en particulier la manière de gérer cette ressource, de définir la façon d’y accéder, ainsi qu’une bonne partie de ses usages, a été conditionné par les choix posés il y a plus d’un siècle, lorsque la consommation de l’eau amorce une croissance importante, ininterrompue depuis. Sans ignorer la question des contingences techniques qui ont pesé sur les choix adoptés pour assurer la distribution et l’évacuation de l’eau, cet article analyse ce processus sous l’angle des rapports sociopolitiques.
2D’une superficie d’environ 500 km2, l’île de Montréal est divisée en son centre en deux parties, de taille à peu près égale, suivant la ligne de partage des eaux. Du côté du versant sud [1], les eaux de surface se dirigent vers le fleuve Saint-Laurent. Dans la partie correspondant au versant nord, les eaux s’écoulent du côté de la rivière des Prairies. Dans cet article, nous examinons le versant sud de l’île de Montréal à partir des cas de Montréal, principale ville sur l’île, et de deux villes de banlieue situées aux extrémités de celle-ci (figure 1) : l’une à l’ouest, Pointe-Claire, plutôt résidentielle et cossue; l’autre à l’est, PointeauxTrembles, d’abord résidentielle puis, à partir de la fin des années 1940, industrielle et ouvrière. Contrairement aux autres infrastructures urbaines, les réseaux d’eau sont intimement liés aux spécificités naturelles d’un milieu donné [2]. Bien qu’au XIXe siècle, le choix de la source d’eau potable ait fait l’objet d’un certain débat – par exemple, on a envisagé de la puiser dans les montagnes au nord de la zone urbanisée – l’option du fleuve Saint-Laurent comme principale source d’approvisionnement a rapidement été retenue. Même si elle n’est pas exempte de problèmes, elle est apparue la plus viable, notamment en raison de sa proximité, de sa qualité et de son abondance [3]. Examiner l’île de Montréal permet d’appréhender la question de l’eau en tenant compte à la fois des réseaux urbains mais aussi des problèmes qui se posent en amont (l’approvisionnement) comme en aval (les rejets) de ceux-ci [4]. L’article souhaite ainsi mettre en lumière certains des enjeux environnementaux soulevés par la gestion de l’eau.
3Des dynamiques différenciées existent selon que l’on traite de la villecentre ou des banlieues. Pour Montréal, l’enjeu consiste d’abord à relier les différentes parties de son territoire initial puis à l’étendre en consolidant, notamment, son emprise par le biais du réseau de l’eau potable. La pré-occupation pour la question des rejets et de leurs effets néfastes sur la qualité des cours d’eau est pour ainsi dire marginale avant la seconde moitié du XXe siècle. Ce qui compte, c’est d’assurer un approvisionnement en eau potable. Il faudra que le problème de la pollution des eaux devienne particulièrement aigu avant qu’il ne soit réellement débattu. Du côté de Pointe-Claire, sise en amont de Montréal, l’enjeu est de développer un service exclusif et de demeurer indépendante en assurant elle-même ce service à ses habitants. Il faut dire que la ville est bien placée pour cela, située comme elle l’est sur les bords d’un lac relativement étendu, le lac Saint-Louis. Ce qui n’empêche pas des problèmes de se poser, là aussi, en termes d’incompatibilité entre la collecte d’eau et son rejet. Du côté de Pointe-aux-Trembles, la question s’énonce différemment. Ville moins fortunée mais aussi affectée par les rejets polluants des municipalités voisines, elle va très tôt devoir s’approvisionner en eau à Montréal, ce qui la place dans une situation de dépendance et de servitude qu’elle déplore mais vis-à-vis de laquelle elle apparaît plutôt impuissante.
4Trois sous-périodes ressortent des quelque cent ans couverts par notre étude : une première où s’exprime la préoccupation initiale de l’approvisionnement en eau potable et du rejet des eaux usées, finalement réglée par la mise en place de réseaux interconnectés et l’adoption d’une fiscalité spécifique pour payer ces installations et services. Durant la seconde sous-période, à partir des années 1910, le problème de la qualité de l’eau potable et de la capacité à fournir ce service pour les petites municipalités se dessine avec plus d’acuité. Surgit aussi l’enjeu de l’harmonisation des services et de leur financement dans un contexte où les frontières entre les municipalités ont évolué. La troisième sous-période, à partir des années 1950, soulève le problème de l’expansion des réseaux et de leur coordination. Elle est également caractérisée par l’introduction de nouvelles mesures visant à limiter les rejets polluants. Tout au long de ce siècle, la difficulté à anticiper l’étendue des besoins futurs est saisissante. Jusque dans les années 1940, les experts établissent des projections qu’ils révisent régulièrement à la hausse car, à partir du moment où l’eau coule, la consommation croît sans arrêt, non seulement avec l’augmentation de la population mais aussi avec celle des usages de l’eau. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la croissance démographique se poursuit dans l’île de Montréal pour ensuite décliner à partir de la fin des années 1970. Or, en adhérant à la vision selon laquelle la région va poursuivre son expansion, les planificateurs et les gestionnaires des réseaux n’anticipent pas les impacts d’un ralentissement démographique.
Localisation des villes étudiées dans la région métropolitaine de recensement (RMR)
Localisation des villes étudiées dans la région métropolitaine de recensement (RMR)
Population de Montréal, Pointe-Claire et Pointe-aux-Trembles, 1881-1981
Population de Montréal, Pointe-Claire et Pointe-aux-Trembles, 1881-1981
1870-1910 : amener et évacuer l’eau
« PLACER L’AVENIR DE L’AQUEDUC SUR DES BASES SOLIDES ET DURABLES » [5]
5Pour l’essentiel, le système d’alimentation en eau potable de Montréal date du début du XIXe siècle. À l’origine, ce service était assuré par une entreprise privée qui avait décidé de tirer profit de l’immense bassin d’eau entourant l’île de Montréal, plus particulièrement le long de sa partie méridionale. Dans un premier temps, à partir de 1815, l’eau fut puisée dans le port de la ville au moyen de pompes, puis emmagasinée dans des citernes avant d’être vendue en divers points. En 1845, la municipalité de Montréal devint propriétaire de ce système [6] qu’elle allait s’employer à améliorer. La qualité douteuse de l’eau dans le port, qui ne cessait de se dégrader avec le temps, incita à repousser le captage plus haut dans le fleuve, dans les rapides de Lachine, situés en amont de la ville. Pendant une bonne partie de la seconde moitié du XIXe siècle, le très fort débit de ces eaux semble avoir suffi en lui-même à assurer la qualité de la ressource. Encore aujourd’hui, l’eau est captée à même ces rapides – situés à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du niveau où se trouve le fleuve dans le port de Montréal –, emmagasinée dans un canal, puis amenée à des usines de filtration et de traitement. L’eau est ensuite pompée jusqu’à des réservoirs situés sur les flancs du mont Royal et de là, elle est distribuée dans les divers secteurs de la ville [7].
6Ce système va connaître de multiples réaménagements au cours des ans, par la construction de jetées à l’entrée du canal de l’aqueduc pour y empêcher l’accumulation de glace durant l’hiver, l’approfondissement de ce canal, l’installation de pompes plus puissantes, l’ajout de réservoirs, etc. Les améliorations majeures surviennent pratiquement toutes à l’issue d’enquêtes menées pour analyser les problèmes récurrents qui se posent dans l’approvisionnement en eau de la ville. Parmi les embûches les plus aiguës se trouve la difficulté à fournir de l’eau de manière continue à cause des variations du niveau du fleuve, provoquées par les changements de saisons. Le pompage de l’eau s’avère aussi très coûteux.
7Aucun doute n’est formulé sur le caractère de la ressource, d’emblée considérée comme inépuisable. L’inquiétude est plutôt logée du côté de la capacité humaine et technique à l’exploiter pleinement. Réitérée sans cesse, cette confiance dans l’abondance de la ressource fait en sorte que la question du niveau de consommation de l’eau ne se posera pratiquement jamais, pas plus que des mesures visant à la restreindre ne seront adoptées. Lorsque débat il y aura, ce sera sur les moyens à adopter pour répondre à la demande, l’incapacité à y faire face étant considérée comme une tare, un défaut honteux à corriger sans tarder.
8Puiser l’eau dans le fleuve n’est cependant pas la seule solution considérée au XIXe siècle, d’autant que les coûts engendrés par son pompage croissent sans cesse. À partir de la fin des années 1860, surgit le projet d’approvisionner la ville en puisant dans les vastes réserves hydrographiques, situées à quelque soixante kilomètres au nord de Montréal et à une altitude telle que l’eau puisse être acheminée par gravité. Chaque fois que le projet ressurgit, il est cependant rejeté par la municipalité [8]. Au début du XXe siècle, la croissance de la population, de l’activité industrielle et de la coupe de bois conduit à l’abandon définitif du projet [9].
9En somme, plus que le problème de la qualité de l’eau [10], c’est celui de l’abondance de la ressource qui préoccupe avant tout. Ce n’est pourtant pas faute d’analyses et de recommandations formulées par les hygiénistes sur la nécessité de procéder à la filtration de l’eau dont la qualité, mesurée au moyen de tests bactériologiques à partir du tournant du XXe siècle, se dégrade d’année en année [11]. Or, même si l’on reconnaît que l’eau fournie par l’aqueduc de Montréal est de plus en plus susceptible d’être contaminée en raison de « l’augmentation des centres de pollution en amont de sa source et de l’extension des systèmes de drainage conduisant à la rivière les égouts de ces centres » [12], les autorités publiques continuent de miser sur les lieux de captage, toujours plus éloignés des sources de pollutions directes pour remédier à la situation, plutôt que de procéder à la filtration de l’eau, une pratique déjà en vigueur dans de nombreuses villes d’Europe et des États-Unis [13]. Encore à la fin des années 1900, le surintendant de l’aqueduc de Montréal demeure confiant en l’efficacité d’un système basé sur le prolongement de la conduite d’eau au milieu du fleuve pour éviter de capter l’eau polluée des rives. Il admet qu’il faudra en venir à la filtration de l’eau mais ne ressent pas l’urgence d’adopter ce procédé et ce, alors même que la courbe des décès causés par la fièvre typhoïde est en augmentation. Il faut attendre les années 1909-1910, lorsque survient une grave épidémie, pour que les autorités municipales se décident à procéder à la filtration de l’eau.
RACCORDER LA SPHÈRE PUBLIQUE À LA SPHÈRE PRIVÉE
10Lors de cette phase initiale de développement de l’aqueduc, il faut aussi trouver les moyens de distribuer l’eau à travers toute la ville et d’assurer le financement du service. Les solutions mises en avant sont révélatrices d’enjeux politiques qui vont au-delà des considérations techniques, quand bien même les discours par lesquels ils sont formulés ont tendance à les ramener à des problèmes de cet ordre. Si, aujourd’hui, le raccordement de tous les logements à un réseau d’aqueduc apparaît comme étant le plus logique, il n’en a pas toujours été ainsi. De fait, au moment où se pose la question de la distribution de l’eau dans les diverses parties de la ville, d’autres possibilités ont été envisagées et mises en application. Bien entendu, les choix posés ont toujours été tributaires des capacités techniques du moment. Mais il faut bien voir qu’ils résultent aussi de l’état des rapports politiques, du pouvoir dont disposent les autorités montréalaises pour gérer la municipalité et de la conception que se font alors les acteurs de la notion même de service public.
11Au milieu du XIXe siècle, à Montréal à tout le moins, la distribution de l’eau était assurée par des fontainiers parcourant les rues de la ville afin d’ouvrir et de fermer les sections d’alimentation [14]. Certes, comme la maîtrise de la robinetterie n’était pas encore au point, il n’était pas possible de relier les unités de logement au service d’aqueduc. Ce mode de raccordement découlait aussi de l’état des rapports politiques. À l’époque, le rôle des municipalités canadiennes consistait essentiellement à mettre en valeur le territoire et à aménager les infrastructures destinées à favoriser le développement local. Par conséquent, la question du bien-être des habitants n’apparaissait nullement comme étant de leur ressort tant que la sûreté collective n’était pas menacée. En vertu de la conception toute libérale du rôle des pouvoirs publics locaux, les élus n’envisageaient pas les problèmes sous un angle social mais bien économique. C’est une des raisons pour lesquelles il paraissait tout à fait logique de fournir de l’eau à la ville comme entité et non pas aux individus, d’où l’existence d’un raccord des maisons aux divers robinets de la ville plutôt que de chacune des unités de logement [15].
12Or, la situation politique évoluant rapidement dans les dernières décennies du XIXe siècle, la manière de concevoir la gestion des services municipaux et notamment le problème de la distribution de l’eau se transforme. Renouvellement des élites, démocratisation de la vie politique, réformes des institutions municipales, professionnalisation de la fonction publique, tous ces facteurs convergent pour favoriser un accroissement du rôle des gouvernements urbains et donner corps à la notion d’intérêt et bientôt de service public [16]. Ce qu’il importe ici de mettre au jour, c’est la nouvelle logique à la base de l’action municipale et la manière dont cela se répercute sur la question de la distribution de l’eau. C’est dans ce contexte et grâce aux récentes avancées techniques que la municipalité songe à opter pour le branchement de chaque unité de logement au service de l’eau. Si le système en vigueur est remis en question, c’est aussi parce que la municipalité voit ainsi une partie de ses revenus potentiels lui échapper :
«... cet état de choses prive d’une partie du revenu qu’elle (la municipalité) devrait recevoir par la taxe d’eau. En effet, dans la plupart des cas où existe cette disposition d’un tuyau commun à plusieurs logements, les locataires s’entendent et se cotisent ensemble afin de faire payer seulement la taxe imposée à un seul d’entre eux... Pour faire cesser cet abus et recouvrer au trésor une importante portion de son revenu, il serait nécessaire d’établir... des services et des robinets d’arrêt distincts pour chaque logement [17]. »
14Tous les logements vont dès lors être raccordés au réseau municipal de distribution de l’eau. La tarification du service est établie en fonction de la valeur foncière de chaque maison ou d’un montant fixe pour chaque logement, plutôt que du volume d’eau consommée [18]. Par ce raccord systématique et généralisé de la sphère publique à la sphère privée, la municipalité donne sens et contenu à l’idée de la responsabilité collective de l’eau puisque tous les habitants bénéficient désormais de ce service. Il en découle que tous doivent aussi en assumer les coûts. Ce raccordement permet aussi à la municipalité d’accroître son pouvoir sur les individus. Puisqu’elle fournit ce service public qui pénètre dans chacun des foyers et qu’elle se soucie de l’assurer de la meilleure manière et au coût le plus bas possible, elle s’arroge aussi le droit de réglementer la façon dont sont effectués les travaux de plomberie, à l’extérieur tout comme à l’intérieur des logements [19].
15En somme, si la mise en place du réseau public de distribution de l’eau a des conséquences pratiques immenses puisqu’elle favorise le développement des usages de l’eau et constitue un facteur central dans l’amélioration des conditions de vie, elle a aussi des retombées politiques majeures. Elle consolide l’idée d’un espace politique spécifique au niveau local, qui ne repose plus seulement sur des éléments de discours ou la volonté des élus, mais bien sur le réseau physique tout à fait concret de l’eau reliant entre eux tous les individus [20]. En même temps, ce mode de raccordement a pour effet d’individualiser les citoyens qui sont partie intégrante de cet espace politique local. Il contribue par le fait même à donner sens et vie aux normes de la gouvernance libérale, mise en place au XIXe siècle [21], basées sur une articulation particulière faisant de la collectivité non pas un groupe ou une communauté mais bien la somme des volontés individuelles.
« GARANTIR CONTRE LES DANGERS DU FEU, ENCOURAGER LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES BÂTISSES... AIDER À L’ÉTABLISSEMENT ET AU FONCTIONNEMENT DES MANUFACTURES » [22]
16Dans les villes de banlieue étudiées, le développement d’un service public de l’eau se produit de manière à peu près similaire. Il faut cependant que ces villes se constituent en corps politique avant que la question ne se pose en termes de service public. À Pointe-aux-Trembles, localité située en aval de Montréal, les premières traces de discussion entourant l’établissement d’un service collectif de distribution de l’eau datent de 1906, soit moins d’une année après la naissance de cette localité, d’abord constituée en village. La municipalité décide de faire appel à une entreprise privée pour prendre en charge l’aqueduc qui existe alors et pour assurer la distribution de l’eau sur son territoire, comme ce fut le cas à Montréal au début du XIXe siècle. Elle accorde à un entrepreneur « le droit (...) durant la période et l’espace de temps de vingt-cinq années (...) de placer et d’entretenir les tuyaux ou conduites pour transporter l’eau sous les rues, chemins, places publiques (...) aux endroits où il le jugera nécessaire et sans payer de taxes durant cette période » [23].
17Comme l’atteste cette citation, la municipalité n’a pas de vision très précise du service à assurer à ses citoyens ni même du mandat de l’entrepreneur à qui elle laisse le soin de décider des lieux où installer des conduites de même que de leur quantité. La tarification de l’eau contenue dans le texte du règlement est établie de manière aléatoire en fonction du nombre de personnes par unité de logement, de la présence d’un « water closet », d’un bain, d’une « hose » (tuyau d’arrosage), et de la présence d’animaux (cheval, vache...), etc. Ces détails indiquent assez bien à quel point les autorités publiques de cette localité – encore largement rurale – n’ont qu’une vue bien partielle du service et de la manière d’en faire usage, une vision décalée par rapport à celle que l’on trouve à Montréal à la même époque.
18À Pointe-Claire, il est aussi question d’établir un service d’aqueduc. La réflexion s’amorce à la suite d’une requête formulée par les contribuables de la localité, mais ne débouche pas. On peut penser que la localité, alors essentiellement agricole, ne dispose pas des ressources nécessaires à l’implantation d’un service requérant un financement important [24]. Il faut attendre le début des années 1910, qui voient la naissance d’une municipalité à cet endroit, pour que les démarches aboutissent.
« LE SAINT-LAURENT, UN MOYEN SIMPLE ET PEU COÛTEUX DE DISPOSER DE SES VIDANGES » [25]
19Débattu à la même époque, le problème des eaux usées ne se présente pas dans les mêmes termes. Alors que, dans le cas de l’eau potable, il s’agit de rendre accessible une ressource associée à une amélioration de la qualité de vie, dans celui des eaux usées on cherche à se débarrasser de matières non désirables. Surgit aussi la question de l’établissement du partage de la responsabilité des boues et des coûts liés à leur transformation ou à leur élimination. Déjà présentes dans les premières décennies du XIXe siècle et même avant, toutes ces questions se posent avec plus d’acuité à partir du moment où, par la mise en place du nouveau service d’aqueduc dans les années 1850, la consommation de l’eau augmente, intensifiant du même coup la pression sur le rudimentaire réseau d’élimination de l’époque. Développé par à-coups, ce réseau croît de manière plus importante à partir des années 1860, grâce à la mise en place de mesures fiscales. De fait, en 1862, le Conseil municipal oblige les propriétaires à se raccorder aux conduites d’égouts et à contribuer aux coûts des travaux encourus dans le secteur de leur résidence [26]. À la même époque, la Ville assume aussi l’aménagement de trois grands égouts collecteurs qui constitueront l’armature du système d’évacuation des eaux usées, conçu pour drainer eaux de surface et eaux usées dans le fleuve [27].
20Ainsi, la solution retenue consiste bien davantage à se débarrasser des boues en les déversant dans le fleuve qu’à tenter de les récupérer par le biais de l’exploitation de champs d’épuration [28]. À cette époque, et tout autant pour des motifs de santé publique que morale, les acteurs sont obsédés par le problème posé par la stagnation des eaux, surtout usées [29].
21Dans un discours devant la Société canadienne des ingénieurs civils, le président soutient combien il est important « de procurer de l’eau et de l’air purs, des rues propres et un excellent réseau de drainage qui emportera le plus vite possible les eaux de surface avant qu’elles deviennent stagnantes et toutes les ordures des maisons et des cours, avant qu’elles ne produisent des gaz nocifs, jusqu’à l’exutoire approprié où on les détruira comme on jugera bon » [30]. Cette hantise de la stagnation, qui s’explique par la prégnance de la théorie miasmatique encore à cette époque, est loin d’être un phénomène isolé. Elle rejoint la crainte ressentie à l’égard de la congestion, perçue comme source potentielle de désordres urbains et sociaux.
22Enfin, pourquoi chercher plus loin quand on bénéficie, grâce à la présence du fleuve Saint-Laurent, d’« un moyen simple et peu coûteux de disposer de ses vidanges. Nous pouvons nous en glorifier... La pollution d’une telle masse d’eau, par les déchets domestiques, doit être triviale » [31]. C’est une autre des raisons pour lesquelles les autorités publiques ne s’attaqueront pas avant longtemps au traitement des eaux usées rejetées dans le fleuve même si, dès 1910, certains organismes, tels la Dominion Health Conference, le préconisent [32]. Pour leur part, les hauts fonctionnaires municipaux et les autorités locales cherchent tant bien que mal à défendre tout à la fois la qualité des eaux du Saint-Laurent destinées à la consommation humaine et sa commodité comme principal déversoir des eaux polluées, faisant valoir son incroyable capacité de régénération.
23Dans les deux villes de banlieue étudiées, il n’existe pas encore de système d’évacuation des boues. Ainsi, à Pointe-aux-Trembles, il est simplement fait état de travaux de réfection et d’agrandissement d’un canal d’égout auquel les propriétaires fonciers peuvent se raccorder, en demandant au préalable la permission à la municipalité [33]. Jusqu’aux années 1910, aucune vision d’ensemble n’est donc élaborée de sorte que les habitants de la localité se débarrassent comme ils le peuvent de leurs eaux usées. Ici, sans doute comme ailleurs dans les autres petites villes de l’île de Montréal, l’idée d’une responsabilité collective face aux rejets n’a pas encore vu le jour et les autorités municipales n’ont pas de point du vue sur la question.
1910-1950 : fournir une eau de qualité, harmoniser les services offerts
« UNE EAU PURE ET UNE PROTECTION EFfiCACE CONTRE L’INCENDIE... DEUX ÉLÉMENTS ESSENTIELS POUR LA PROSPÉRITÉ D’UNE MUNICIPALITÉ » [34]
24À partir des années 1910, la question de l’approvisionnement en eau ne peut plus exclure celle de sa qualité. Si les inquiétudes liées à la quantité d’eaudisponible nedisparaissentpas, lesnombreusesaméliorationsapportées à l’aqueduc de Montréal ont porté leurs fruits. Les progrès ne sont pas aussiconcluants pour ce qui estdesaqualité. Cen’estpourtant pas fautede demandes en ce sens, non plus que d’études menées par les hygiénistes pour prouver, tests à l’appui, que l’eau du fleuve Saint-Laurent est dangereuse pour la santé [35]. Comment expliquer que, dans ce contexte, les autorités municipales aient prisautantdetemps pour répondreà cesrequêtes et procéder à la filtration de l’eau ? À ce jour, les travaux effectués sur cette question évoquent les coûts élevés engendrés par la construction d’une usine de filtration ou encore la mauvaise volonté des élus. Sans aucun doute ces raisons sont-elles fondées, mais elles ne nous semblent pas complètement satisfaisantes. Après tout, les dépenses d’amélioration de l’aqueduc continuent de croître au cours de la période et on peut penser queles élus, soucieuxdel’imagede cequiest alors lamétropoledu Canada, travaillent à mettre en valeur les atouts et le caractère moderne de la ville et desesservicespublics. Parconséquent, lafiltrationdel’eaun’aurait-ellepas dû être partie intégrante de leurs priorités ? On pourrait arguer du fait que la filtration n’est pas en soi un facteur de développement économique mais concerne plutôt la santé des citadins, et que c’est la raison pour laquelle les autoritésmunicipalesont été pluslentesà résoudreleproblème. Ildemeure que ces dernières, tout comme l’ensemble des Montréalais, pauvres comme riches, étant susceptibles d’être affectées par la mauvaise qualité de l’eau, auraient eu intérêt à procéder plus tôt à sa filtration. Or, le refus des autorités de reconnaître ce « défaut majeur » du fleuve ne serait-ilpas également lié à la représentation quasi mythique qu’ils ont de celui-ci, et à leur incapacité à reconnaître les limites du modèle de développement appliqué jusque-là, fondé sur une exploitation illimitée de la ressource ? [36]
25C’est finalement l’épidémie de fièvre typhoïde de 1909 et 1910 qui a raison des dernières réticences à l’égard de la filtration de l’eau [37]. Au début de 1910, une résolution est adoptée en ce sens, suivie du vote de crédits pour entreprendre les études nécessaires à la réalisation du projet. Toutefois, pour diverses raisons, parmi lesquelles la Première Guerre mondiale, le projet ne voit le jour qu’en 1918. Entre-temps, cependant, on va procéder à la chloration de l’eau, ce qui a pour effet de faire diminuer de manière notable le nombre de cas de fièvre typhoïde.
DANS LES VILLES DE BANLIEUE
26À partir des années 1910, l’idée de la responsabilité municipale de la gestion de l’eau est bien établie dans la majeure partie des villes de banlieue. Si la municipalité de Pointe-aux-Trembles, insatisfaite du premier contrat passé avec un entrepreneur privé en 1906, en conclut un second avec une autre firme en 1911, elle décide finalement de se porter acquéreur du système d’aqueduc en 1915. Le texte du règlement municipal s’y rapportant atteste de l’évolution survenue dans la conception de ce service public et de la vision beaucoup plus globale qu’en a la municipalité. Tout comme à Montréal auparavant, on adopte le principe d’une taxation uniforme du service de l’aqueduc, établie en fonction de la valeur des propriétés. De même, le raccordement des individus au réseau municipal de Pointe-aux-Trembles s’accompagne d’un accroissement des pouvoirs de cette dernière sur la sphère privée. Les citoyens ne peuvent désormais plus installer le type de plomberie de leur choix et doivent se conformer à un ensemble de normes pré-établies. Cependant, à peine un an après la municipalisation du service, les autorités locales de PointeauxTrembles s’avouent incapables de garantir la qualité de l’eau fournie à ses habitants, ses lieux de captage souffrant des rejets des eaux usées de Montréal. Elles doivent donc se résoudre à s’approvisionner en eau potable en se raccordant au réseau montréalais. Un contrat est passé pour la fourniture de l’eau, suivi d’un autre, une dizaine d’années plus tard, pour la vente de l’aqueduc de Pointe-aux-Trembles à Montréal. La ville-centre parvient ainsi à étendre son emprise sur la distribution de l’eau dans l’île.
27L’autre municipalité, Pointe-Claire, connaît des développements encore plus rapides et décisifs. Dès sa création en 1911, les autorités locales procèdent à des emprunts majeurs pour développer les réseaux d’eau potable et d’eaux usées. Frappante est l’importance des sommes votées et la rapidité avec laquelle les réseaux sont établis. Il faut dire qu’une partie de la population de cette localité est formée de riches villégiateurs de plus en plus enclins à s’y installer en permanence. Ces derniers exercent sûrement des pressions pour obtenir des services de qualité et disposent, en outre, des moyens financiers nécessaires pour assumer les impôts fonciers découlant de tous ces travaux. Si le projet initial de fourniture d’eau potable ne comporte aucune mention explicite sur la qualité de l’eau, la municipalité est tout de même tenue de procéder à sa filtration dès avant la fin des années 1910, en conformité avec les normes édictées par le gouvernement provincial. Les développements ultérieurs vont concerner la taxation de l’eau, également établie en fonction de la valeur des propriétés foncières, et l’adoption de mesures pour assainir certains secteurs de la ville, aux prises avec des problèmes d’inondations ou de stagnation de l’eau.
LE DÉVELOPPEMENT DE L’EMPRISE DE MONTRÉAL SUR LA GESTION DE L’EAU
28Plusieurs entreprises sont engagées dans la fourniture de l’eau dans les diverses municipalités de l’île de Montréal. Comme l’eau est disponible en quantité abondante, il ne semble pas y avoir de problèmes entre celles-ci, du moins tant qu’elles demeurent autonomes sur le plan juridique. Tel n’est pas le cas du côté des eaux usées, rejetées dans le fleuve Saint-Laurent ou la rivière des Prairies. C’est alors le problème de la contamination de l’eau et des dangers pour la santé publique qui préoccupent les divers intervenants, tandis que la pollution et ses effets sur les milieux naturels sont rarement abordés.
29C’est donc sur le terrain de la fourniture de l’eau potable que les changements sont les plus significatifs. Ils surviennent d’abord dans la foulée de l’important mouvement d’annexion des villes environnantes par la ville-centre, au cours des deux premières décennies du XXe siècle. Mais comme l’annexion à Montréal ne se traduit pas automatiquement par l’acquisition des services d’aqueduc des villes fusionnées, nombre d’entre elles continuent d’être approvisionnées par leur entreprise habituelle, principalement la Montreal Water and Power Company. Or cette dernière prélève une taxe d’eau plus élevée que celle exigée par Montréal [38]. Les populations lésées vont exercer de fortes pressions pour que la ville-centre procède à l’uniformisation du montant des taxes imposées. Celle-ci entreprend d’acquérir l’entreprise privée qui, profitant de la situation, demande le prix fort pour ses installations, de sorte que la transaction est seulement conclue à la fin des années 1920. Parallèlement, l’administration montréalaise devient propriétaire de certaines autres entreprises fournissant de l’eau aux municipalités de banlieue demeurées indépendantes ou approvisionne ces dernières en eau potable. Elle y parvient tant et si bien qu’au début des années 1940, elle dessert plusieurs de ces banlieues qui, à leur tour, assurent la distribution de l’eau sur leur propre territoire [39]. Généralement cossues et jalouses de leur autonomie, ces municipalités, telles Westmount, Mont-Royal ou encore Outremont, incapables d’entretenir elles-mêmes un aqueduc répondant aux normes fixées par le gouvernement provincial, s’en remettent donc à la ville-centre. Les autorités montréalaises sont fières d’affirmer que l’aqueduc municipal approvisionne quatorze municipalités, soit un total de 1 250 000 habitants à la fin des années 1940 (pour 390 000 personnes en 1914).
30L’emprise de Montréal sur l’île n’est toutefois pas sans limites. De fait, de nombreuses banlieues, situées plus à distance de la ville-centre, vont réussir à défendre farouchement leurs propres réseaux d’aqueduc, manifestant par là leur désir d’indépendance sur le plan politique. Pointe-Claire, de plus en plus considérée comme un bastion anglo-protestant et bourgeois, est de celles-là. À la fin des années 1940, la carte de l’île de Montréal se divise littéralement en deux parties (figure 2). À l’ouest, à partir de Dorval, toutes les municipalités s’approvisionnent en eau au moyen de leur propre aqueduc tandis qu’à l’est, hormis une petite localité, les villes sont raccordées, d’une manière ou d’une autre, à Montréal. Soit la ville-centre vend l’eau aux municipalités demeurées propriétaires de leur aqueduc, soit elle détient leurs installations et par conséquent leur facture ses services. Ces diverses configurations des réseaux d’eau potable attestent bien le fait que, aussi lourdes soient-elles, les contraintes techniques ne sont pas les seuls facteurs à peser sur les choix posés. Dans l’île de Montréal, les divisions socio-linguistiques [40] influencent grandement cette organisation, les volontés politiques d’autonomie et d’affirmation identitaire étant ainsi relayées et consolidées par la matérialité des réseaux d’eau.
1950-1980 : la difficile collaboration inter-municipale
31Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la banlieue montréalaise connaît uneimportancephased’expansionquiforcelesautoritéspubliquesà revoirla conceptiondesréseauxd’eau. Tantà Pointe-aux-Tremblesqu’à Pointe-Claire, la population est presque multipliée par trois entre 1951 et 1961. Le caractère des deux municipalités se transforme : après avoir été des villages agricoles puis des lieux de villégiature estivale, elles assument dorénavant la fonction de villes-dortoirs. Bien qu’elles s’apparentent avant tout à des espaces résidentiels monofonctionnels, ces villes comprennent aussi des zones d’activités économiques. Par exemple, à partir des années 1960, Pointe-Claire attire plusieurs entreprises pharmaceutiques, nouveau créneau de l’économie montréalaise. La croissance démographique et économique contraint les autorités municipales à augmenter la capacité de leurs ouvrages. Ainsi, à Pointe-Claire, plusieurs règlements d’emprunt sont adoptés pour permettre l’extension et l’entretien des réseaux d’aqueduc et d’égouts.
L’EAU POTABLE : ACCROISSEMENT DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE ET MAINTIEN DE LA FRAGMENTATION DES RÉSEAUX. « COURIR EN AVANT DES BESOINS » [41]
32La gestion de l’eau potable continue de nourrir les rivalités qui pré-valent entre les administrations municipales de Montréal et de Pointe-Claire. Dans l’esprit des gestionnaires de la ville de banlieue, il est essentiel que le service d’eau potable demeure indépendant de celui de Montréal afin d’en assurer la qualité et le faible coût. Cette vision est partagée par la plupart des municipalités se trouvant en amont de la ville-centre. En plus du réseau géré par la Ville de Montréal, six réseaux municipaux sont maintenus dans l’île, tous situés dans la partie ouest, la plus fragmentée sur le plan institutionnel (figure 2). La Ville de Pointe-Claire est proprié-taire d’une usine de filtration d’eau potable qui alimente en partie ou en totalité cinq municipalités voisines.
33Dans les années 1950, un exercice de planification est effectué afin de déterminer les besoins futurs [42]. L’eau de Pointe-Claire sert pour la consommation domestique – cette dernière atteignant une pointe durant la saison estivale – et la protection contre les incendies. Peu de gros consommateurs industriels sont alors présents sur le territoire de la ville. Certaines mesures de gestion de la demande sont proposées, notamment l’installation de compteurs d’eau dans toutes les résidences [43]. Les ingé-nieurs mandatés pour établir la prévision des tendances mettent en avant une approche planificatrice réactive. Leur principal objectif est de répondre à la demande en augmentant la capacité des équipements de captage, de traitement – une nouvelle usine de traitement d’eau potable est construite en 1958 et on procède, en 1967, à la mise à niveau de la première usine inaugurée en 1917 – et de distribution, sans compter qu’ils anticipent une croissance démographique très forte. En fait, les concepteurs du plan de développement de Pointe-Claire adhèrent à la même représentation d’une croissance soutenue que celle élaborée par les ingénieurs de la Ville de Montréal [44]. Qui plus est, la vision selon laquelle les habitants desservis par l’aqueduc de Montréal profitent d’une eau potable à volonté et que le Saint-Laurent constitue « une source d’exceptionnelle valeur » [45] continue à dominer le discours des ingénieurs et des gestionnaires. Bien qu’à la fin des années 1960, certaines grandes villes nord-américaines risquent de connaître des problèmes de pénurie d’eau douce en raison de l’urbanisation croissante, les ingénieurs montréalais soutiennent encore que les habitants de la région n’ont pas ce souci [46].
34Tout en maintenant son caractère de banlieue-jardin, Pointe-Claire se transforme en raison de l’accroissement démographique. L’extension urbaine atteint des terres agricoles. Dans les nouveaux lotissements résidentiels, la forme d’habitat privilégié est le pavillon entouré d’une pelouse et, idéalement, agrémenté d’une piscine. Grand consommateur d’eau, cet idéal pavillonnaire offre aux ménages qui en ont les moyens une qualité de vie incomparable. Les autorités municipales sont même fières de dire que, durant les chauds mois d’été, la consommation d’eau double : « In the garden suburb citizens pour nearly 1,000,000 gallons of water on their parched lawns in a single day. » [47] Elles prennent néanmoins soin de réprimander les consommateurs qui gaspillent la ressource en oubliant de fermer le robinet.
Carte des réseaux d’eau potable municipaux dans l’île de Montréal en 1971.
Carte des réseaux d’eau potable municipaux dans l’île de Montréal en 1971.
35Si le problème de la conservation de la ressource n’est pas au cœur de la vision des édiles de Pointe-Claire, la notion de la qualité de vie et de l’environnement les interpelle. Ainsi, lorsqu’ils décident d’aménager un parc industriel en 1955, les membres du conseil municipal désirent accueillir des industries « jugées acceptables », c’est-à-dire non polluantes. En outre, le plan d’urbanisme et le règlement d’occupation du sol contiennent des directives visant à « éviter l’érection de bâtisses inesthétiques, le bruit excessif, la fumée, les vapeurs, la vibration, l’entreposage désordonné à ciel ouvert de matériaux et tout autre inconvénient susceptible d’incommoder les citoyens » [48].
36Comme elle est desservie par les installations de Montréal, la municipalité de Pointe-aux-Trembles profite des travaux réalisés sur l’aqueduc destinés à augmenter sa capacité de distribution et d’emmagasinage. Entre 1945 et 1960, la population alimentée par l’aqueduc de Montréal augmente de 500 000 personnes [49]. Les ingénieurs du réseau procèdent aussi au renouvellement de certaines pièces d’équipement devenues désuètes. De plus, l’usine de filtration fait l’objet de travaux d’agrandissement et la capacité des stations de pompage est augmentée. Le dernier épisode de la modernisation du réseau montréalais correspond à la mise en service, en 1978, d’une deuxième usine de traitement dont la construction était prévue depuis la fin des années 1960. Au moment de la planification de cette deuxième usine, les autorités montréalaises tentent d’accroître leur emprise territoriale en établissant que la production d’eau potable « sera suffisante pour les consommations estimées de l’an 2000 » [50] et ce, à l’échelle de l’île de Montréal. Si les résistances locales, provenant en particulier des villes de l’ouest de l’île, font échec aux ambitions montréalaises, les problèmes posés par la gestion des eaux usées provoquent des changements dans les rapports entre la ville centre et la banlieue.
LES EAUX USÉES : LA CRISE DE LA POLLUTION
37À partir de la fin des années 1950, la détérioration des cours d’eau de l’archipel de Montréal par suite du rejet des eaux usées sans traitement devient un enjeu environnemental supra-local auquel sont confrontés les gestionnaires et les élus municipaux. Or ces derniers sont lents à réagir, estimant ne pas être responsables des problèmes qui affectent les milieux riverains. Les équipements rudimentaires d’assainissement des eaux usées apparaissent insuffisants pour renverser la situation [51], sans compter que la Ville de Montréal a laissé en suspens ses projets de travaux de collecte et d’épuration de ses eaux usées, entrepris dans les années 1930 puis abandonnés pour des raisons financières. Ayant fui la ville pour un milieu considéré plus salubre, les ménages suburbains se retrouvent aux prises avec un environnement dégradé [52]. La pollution des eaux du lac Saint-Louis et du fleuve Saint-Laurent atteint des niveaux inquiétants dans les années 1960. Peu à peu, toutes les activités impliquant un contact direct avec l’eau, notamment la baignade, sont interdites, sans compter que la concentration élevée de polluants (matières nutritives, matières organiques, diverses composantes chimiques) peut compromettre la qualité de la source d’alimentation en eau brute.
38Quatre principaux vecteurs contribuent à souiller les cours d’eau dans lesquels sont captées les eaux de consommation. Premièrement, les eaux usées domestiques sont évacuées sans traitement. Deuxièmement, la région de Montréal demeure fortement agricole et cette activité, en polluant d’une manière diffuse, contribue à exacerber les problèmes de détérioration de la qualité de l’eau vive. La troisième source de pollution est extra-régionale : elle provient du bassin industriel des Grands Lacs et de la rivière des Outaouais – un tributaire important pour les cours d’eau de la région montréalaise – qui transportent des contaminants toxiques et organiques. Situé en amont du lac Saint-Louis, un pôle industriel d’importance où se trouvent des entreprises manufacturières dans le secteur de la métallurgie et de la chimie est responsable des rejets polluants. Finalement, les eaux du lac Saint-Louis sont souillées par la glaise issue du creusage du canal de Beauharnois réalisé dans le cadre des travaux de la Voie maritime du Saint-Laurent. Selon l’auteur d’un rapport publié en 1955 sur la pollution des cours d’eau au Québec [53], la glaise forme des dépôts atteignant jusqu’à cinq mètres d’épaisseur qui détruisent la faune aquatique et les sources de nourriture des poissons. De plus, la suspension de glaise dans les eaux rebute les amateurs de natation et d’autres sports nautiques.
39Bien des associations expriment leur préoccupation face à la pollution des eaux vives dans la région de Montréal. C’est le cas de la Ligue antipollution du Québec, qui représente les amateurs de chasse et de pêche. Des études réalisées par des experts contribuent à détruire la croyance populaire – voire savante – selon laquelle les cours d’eau sillonnant la région métropolitaine ont la capacité de diluer les souillures de toutes origines et de s’auto-épurer [54]. Le diagnostic posé sur l’état des rivières est alarmant et interpelle au premier chef les pouvoirs publics de tous les niveaux qui, selon les auteurs des études, sont demeurés insensibles au problème.
40L’enjeu de l’assainissement des eaux usées occupe toute la scène métropolitaine durant cette dernière période. Jusque-là, les pouvoirs municipaux n’ont pas cherché à corriger les problèmes liés au rejet des eaux usées domestiques sans traitement, arguant que l’état des finances municipales ne permettait pas d’investir les colossales sommes nécessaires à l’établissement de réseaux d’égouts adéquats et de stations d’épuration performantes [55]. Au début des années 1960, une nouvelle instance relevant du gouvernement du Québec, la Régie d’épuration des eaux, pousse les élus et la population à reconnaître et à affronter le problème de la pollution [56]. La question de l’assainissement des eaux usées domestiques se trouve au cœur des stratégies de lutte contre la pollution bacté-riologique et les dirigeants de la Régie des eaux privilégient le groupement des municipalités en vue de procéder à l’implantation de stations d’épuration. Le débat sur la nécessaire collaboration inter-municipale pour combattre les problèmes de la pollution de l’eau est amorcé. Étant donné que, d’une part, les municipalités qui rejettent des souillures en amont n’en subissent pas les conséquences et que, d’autre part, il s’avère difficile d’établir la responsabilité du pollueur et de lui en faire assumer les coûts, la solution métropolitaine à la pollution doit être imposée par un palier supérieur de gouvernement [57].
41Chez les acteurs municipaux, la vision optimiste relative au développement des infrastructures pour répondre à la demande accrue fait place à une lecture plus précautionneuse des problèmes à résoudre. La pollution des eaux du lac Saint-Louis est telle que les municipalités riveraines doivent revoir leur vision du développement et assumer les coûts de la dépollution [58]. Le problème est que les eaux souillées ont tendance à rester près des rives. À Pointe-Claire, un des secteurs autrefois réservés aux villégiateurs est particulièrement affecté par ce phénomène. Avec la croissance démographique des municipalités riveraines de l’ouest de l’île, le problème de pollution des eaux de surface ne peut que s’aggraver.
42Des ingénieurs s’affairent alors à informer les autorités municipales des enjeux de la pollution en les convaincant de collaborer à un projet d’assainissement commun afin d’éviter de se voir imposer une solution venant soit des gouvernements supérieurs, soit de la Ville de Montréal. Dans l’esprit des experts techniques et des élus municipaux, la solution régionale n’inclut que deux villes, Pointe-Claire, qui ne dispose d’aucun équipement d’épuration, et sa voisine, Beaconsfield, qui a récemment érigé une station de traitement. Après avoir démontré les avantages financiers d’une solution inter-municipale, ces derniers exposent les implications urbanistiques d’une telle collaboration : le regroupement des installations d’épuration des eaux usées permettrait de libérer des terrains en vue d’y aménager un centre civique; la démolition des équipements locaux existants améliorerait l’aspect du voisinage où les valeurs foncières augmenteraient; la pollution des eaux en rive serait réduite et les activités nautiques pourraient prendre de l’expansion [59]. De tels arguments révèlent une conception bien particulière des enjeux urbains faisant du maintien des valeurs foncières et de la mise en valeur du territoire les principales préoccupations des gestionnaires des municipalités de banlieue.
43Au cours de cette troisième période, l’entrée en scène d’instances de réglementation et de financement qui relèvent des pouvoirs publics supé-rieurs, telle la Régie des eaux, change la donne. En outre, le gouvernement du Québec entreprend une réforme métropolitaine visant à améliorer la gestion des grandes agglomérations en imposant la création d’agences de services supra-municipales. Dans la région de Montréal, la Communauté urbaine de Montréal (CUM) est créée en 1970. Regroupant toutes les villes de l’île de Montréal, elle se voit imposer la tâche de concevoir un plan d’assainissement incluant un réseau d’intercepteurs et une station d’épuration des eaux usées [60].
44Dans les municipalités de l’ouest de l’île riveraines du lac Saint-Louis, une faible proportion des eaux usées domestiques et industrielles fait l’objet d’un traitement, tandis que les eaux de drainage sont acheminées dans le lac par un réseau de fossés. C’est que les experts techniques ont misé pendant longtemps sur le pouvoir présumé de dilution des cours d’eau de la région montréalaise, et en particulier du Saint-Laurent, auquel ils attribuent depuis toujours un rôle de station d’épuration spontanée [61].
45Ailleurs dans l’île de Montréal, les rares travaux d’assainissement réalisés jusqu’alors se sont révélés insuffisants pour régler les problèmes de pollution des cours d’eau. Au cours des années 1960, même si sept stations d’épuration ont été construites, celles-ci ne traitent que 2% du débit total des eaux usées [62]. En 1970, la très grande majorité des eaux usées de l’île est donc toujours déversée sans traitement. Plusieurs études réalisées par les pouvoirs publics et les experts de la CUM nouvellement constituée attestent d’ailleurs de la piètre qualité des eaux de l’archipel.
46La création de la CUM suscite l’espoir d’« accélérer les prises de décision et [de] mettre un terme aux déversements d’eaux usées non traitées dans les cours d’eau récepteurs » [63]. L’agence de services supra-municipale réalise d’emblée un plan directeur « conçu pour que toutes les eaux provenant du drainage des eaux domestiques et industrielles soient écoulées par un réseau d’intercepteurs et dirigées vers une usine unique d’épuration pour y être traitées » [64]. Or, les travaux d’assainissement des eaux entrepris par la CUM ne sont pas sans provoquer de vives tensions entre les diffé-rentes municipalités de l’île. Les termes du débat portent, d’une part, sur les modalités de financement des travaux et, d’autre part, sur la localisation des ouvrages de traitement. Les ingénieurs de la CUM estiment qu’en raison de la faible urbanisation de leur territoire, les villes de l’ouest de l’île ont tout intérêt à participer à des travaux inter-municipaux. Après plusieurs mois de discussion, la solution retenue par l’instance supramunicipale consiste à drainer toutes les eaux usées de son territoire vers le quartier montréalais de Rivière-des-Prairies, situé à l’extrémité orientale de l’île, où une station d’épuration unique est construite pour les traiter. Il s’agit de la principale réalisation de la CUM [65]. Les travaux d’envergure s’échelonnent sur plus de vingt ans et ce n’est qu’en 1988 qu’ils sont complétés lors du démarrage du traitement physico-chimique.
47Les années 1960 et 1970 représentent donc un tournant dans l’histoire de la lutte contre la pollution des cours d’eau au Québec. Plusieurs études font état de la détérioration des eaux du Saint-Laurent et des autres rivières sillonnant la région de Montréal et de la partie méridionale du Québec. Farouches défenseurs de leur autonomie, les élus des municipalités de banlieue résistent toutefois à l’implantation de dispositifs encourageant la collaboration inter-municipale. Seule l’intervention d’un palier supérieur – en l’occurrence le gouvernement du Québec – assure la concrétisation du plan métropolitain d’assainissement. Deux gestes expriment une intention claire, de la part des pouvoirs publics supérieurs, de réduire les émissions domestiques et les rejets industriels (en particulier dans le secteur des pâtes et papier et celui du raffinage de pétrole). Premièrement, en 1978, le gouvernement provincial met sur pied le programme d’assainissement des eaux du Québec afin d’épurer les eaux usées des municipalités et de protéger les usages des cours d’eau. Le gouvernement du Québec contribue au programme en assumant environ 85% des coûts des ouvrages. Deuxièmement, les revendications des mouvements environnementaux sont partiellement satisfaites par la création du ministère de l’Environnement en 1979. Déjà en 1972, l’adoption de la loi sur la qualité de l’environnement prévoyait des obligations d’équipements de traitement des eaux usées pour les établissements industriels. Le gouvernement du Québec adopte ainsi une approche réglementaire et coercitive qui force les industriels à réduire leurs émissions polluantes, en se dotant d’équipements de contrôle des pollutions ponctuelles [66]. Notons que l’introduction de mesures en vue d’assainir les eaux usées industrielles touche particulièrement le territoire de l’île de Montréal qui concentre près de la moitié des établissements industriels et manufacturiers québé-cois, et dont les rejets d’eaux usées sont jugés significatifs par rapport à leur potentiel de contamination de l’environnement [67].
48Deux conclusions se dégagent de l’examen de la gestion des eaux dans la région métropolitaine de Montréal. La première porte sur les dynamiques sociopolitiques entourant les décisions formulées. Il ressort clairement que les rapports de pouvoir dictent en bonne partie la façon dont l’eau est gérée. Disposant de peu de moyens financiers pour contrôler le développement de son territoire et de ses services, une petite ville de banlieue comme Pointe-aux-Trembles se voit forcée, dès le début du XXe siècle, de recourir aux services de la ville-centre pour assurer la distribution de l’eau potable. À l’autre extrémité de l’île de Montréal, la situation est différente. Étant donné qu’elles profitent d’un emplacement géographique plus avantageux et d’une meilleure situation financière, Pointe-Claire et ses voisines réussissent à garder leur autorité sur ce plan. En dépit des lourdes contraintes ayant pesé sur la configuration des réseaux d’eau potable et des caractéristiques de l’hydrographie dans la région, force est de constater que les solutions retenues vont contribuer à accentuer la coupure fondamentale qui divise l’île de Montréal en deux, suivant en cela les divisions socio-linguistiques. Ainsi, la partie ouest de l’île, principalement composée de banlieues cossues à majorité anglophone, parvient à maintenir son autonomie par rapport à la ville-centre et la région métropolitaine dans la gestion de l’eau potable. Cependant, dans la partie est de l’île, à majorité francophone, la situation est tout autre. Souffrant des rejets polluants déversés dans les eaux de l’archipel et constituée de petites banlieues moins fortunées, celle-ci est forcée de se raccorder à l’aqueduc montréalais et du même coup, se retrouve dans une position de plus grande subordination par rapport à la ville-centre.
49Cependant, la crise de la pollution des cours d’eau de l’archipel de Montréal qui se profile dans les années 1950 transforme en partie la situation. Les luttes de pouvoir et les dynamiques sociopolitiques se déploient encore à d’autres échelles : entre les municipalités de la région de Montréal, mais aussi entre ces dernières et les paliers supérieurs de gouvernement. Ne s’arrêtant pas aux frontières municipales, les rejets polluants ponctuels et diffus (municipaux, industriels, agricoles) forcent les autorités publiques à adopter des stratégies plus englobantes. Alors que l’idée d’une gestion partagée des réseaux d’eau potable a exacerbé les tensions entre le centre et la périphérie, l’adoption d’une solution commune pour épurer les eaux usées se déversant dans le fleuve Saint-Laurent matérialise l’interdépendance prévalant entre les municipalités par rapport au problème de la pollution. Tant à l’échelle de la ville de Montréal que de l’île, la conception des réseaux d’eau tout comme leur organisation interviennent donc dans le modelage des relations politiques. Les ouvrages de traitement de l’eau potable et des eaux usées peuvent tantôt constituer un facteur de division, tantôt un facteur de regroupement des acteurs locaux.
50La deuxième conclusion qui ressort de notre analyse des modalités de gestion des réseaux concerne les représentations de la ressource eau. Alors qu’à la fin du XIXe siècle, l’eau vive est perçue comme une ressource inépuisable par les experts (médecins, ingénieurs), les fonctionnaires et les politiciens municipaux, sa potabilité est néanmoins douteuse. Une fois réglée la question de la filtration de l’eau destinée à la consommation, on ne se préoccupe pas avant longtemps des souillures déversées sans traitement dans le fleuve Saint-Laurent. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’expansion urbaine et l’industrialisation soutenue de la région de Montréal contribuent toutefois à l’élaboration d’une nouvelle représentation des cours d’eau comme une ressource à protéger. Alors que la beauté des rives du lac Saint-Louis et du fleuve a attiré les premiers colons au XVIIe siècle et, plus tard, les villégiateurs, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, la menace que constitue le rejet des eaux usées altère les modes de vie – notamment les activités impliquant un contact direct avec l’eau – qui ont fait la renommée des milieux riverains.
51Au fil des décennies, d’autres acteurs sont aussi interpellés par la gestion de l’eau et des cours d’eau dans la région de Montréal : les armateurs et les promoteurs du port qui surveillent sans relâche le niveau du fleuve, les industriels dont les activités requièrent d’importantes quantités d’eau potable, les amateurs de pêche et de sports nautiques désireux de jouir des nombreux plans d’eau, les biologistes et les autres spécialistes de l’environnement soucieux de l’état des cours d’eau, de la faune et de la flore. Une analyse de leurs discours et de leurs pratiques par rapport à l’amélioration – ou à la dégradation – de l’environnement, et en particulier de la ressource eau, nous permettrait de dresser un portrait encore plus complet de la diversité de ses usages et des manières de la percevoir, ainsi que des compromis par rapport aux modes de gestion de la ressource qui ont pris forme.
Notes
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[*]
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur l’histoire de la région métropolitaine de Montréal. La recherche à l’origine du texte a été rendue possible grâce à des subventions d’équipe du Fonds québécois de recherche sur la culture et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Nous remercions grandement Caroline Durand pour son rigoureux travail dans divers dépôts d’archives et la rédaction de rapports de recherche tout aussi soignés et éclairants.
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[1]
Dans ce texte, les points cardinaux suivent l’usage montréalais qui situe l’est et l’ouest de l’île, en fonction du fleuve. Le Saint-Laurent prend sa source à l’ouest et finit son parcours à l’est. Selon cette convention, le boulevard Saint-Laurent partage l’est de l’ouest de la ville bien qu’en réalité, il divise les parties nord et sud de l’île de Montréal.
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[2]
Voir l’article de Arn Keeling, « Urban Waste Sinks as a Natural Resource : The Case of the Fraser River », Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine, XXXIV, 1 (automne 2005), p. 58-70, qui démontre bien comment, dans le cas de Vancouver, la configuration du réseau des eaux usées se superpose à celle du système de drainage.
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[3]
L’eau de la ville de Montréal est puisée à même les rapides de Lachine.
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[4]
Dieter Schott, « Urban Environmental History : What Lessons are There to Be Learnt ?», Boreal Environment Research, 9, décembre 2004, p. 523.
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[5]
Louis Lesage, Rapport sur l’agrandissement proposé de l’aqueduc de Montréal, suivi de l’historique de l’aqueduc, Montréal, J. Starque & Cie, 1873, p. 9.
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[6]
Dany Fougères, L’approvisionnement en eau à Montréal. Du privé au public, 1796-1865, Québec, Éditions du Septentrion, 2004,472 p.
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[7]
Susan M. Ross, « Steam or Water Power ? Thomas C. Keefer and the Engineers Discuss the Montreal Waterworks in 1852 », The Journal of the Society for Industrial Archaeology, volume 29, 1,2003, p. 49-64.
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[8]
Louis Lesage, Rapport sur l’agrandissement..., op. cit., p. 11.
-
[9]
Ville de Montréal, Division de la gestion des documents et des archives (désormais DGDA), Rapports et dossiers du Conseil municipal, 82 – 1909, George Janin, « L’approvisionnement d’eau de Montréal », 1909, p. 2.
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[10]
Sur l’évaluation de la qualité de l’eau, voir Christopher Hamlin, A Science of Impurity, Water Analysis in Nineteenth Century Britain, Berkeley, Los Angeles, University of California Press, 1990. L’auteur explique qu’au début du XIXe siècle, l’eau était jugée selon des observations empiriques (odeur, goût, couleur). Avec le développement des analyses chimiques et bactériologiques, la validité de celles-ci est cependant mise en cause par les scientifiques.
-
[11]
Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal au tournant du siècle (1880-1914) : l’établissement de la purification de l’eau potable », M.A. (histoire), Université de Montréal, 1998, chapitre 4.
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[12]
DGDA, Rapport annuel du surintendant de l’aqueduc, 1897, p. 31.
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[13]
Christopher Hamlin, A Science of Impurity..., op. cit., p. 95. Martin V. Melosi, The Sanitary City. Urban Infrastructure in America from Colonial Times to the Present, Baltimore, London, Johns Hopkins University Press, 2000, p. 87 et 146.
-
[14]
« On pense d’abord approvisionner la ville, comme entité commune..., (plutôt) que le domicile de chacun des habitants et les autres établissements non résidentiels »: Dany Fougères, L’approvisionnement en eau..., op. cit., p. 93.
-
[15]
À l’époque, « le nombre de tuyaux est donc égal au nombre de branchements plutôt qu’au nombre d’abonnés »: ibid., p. 89.
-
[16]
Michèle Dagenais, « Urban Governance in Montreal and Toronto in a Period of Transition », in Robert J. Morris et Richard Trainor (eds), Urban Governance : Britain and Beyond since 1750, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 86-100.
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[17]
Rapport du surintendant de l’aqueduc de Montréal, 1897, p. XXII-XXIII, cité dans Dany Fougères, L’approvisionnement en eau..., op. cit., p. 92.
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[18]
Ibid., p. 410-420.
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[19]
Ibid., p. 98.
-
[20]
Charles David Jacobson, Ties that Bind. Economic and the Political Dilemmas of Urban Utility Networks, 1800-1990, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2000; Maria Kaika et Erik Swyngedouw, « Fetishizing the Modern City : The Phantasmagoria of Urban Technological Networks », International Journal of Urban and Regional Research, volume 24,1, mars 2000, p. 120-138.
-
[21]
Patrick Joyce, The Rule of Freedom. Liberalism and the Modern City, Londres, Verso, 2003, en particulier le chapitre 2.
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[22]
Archives de la Ville de Pointe-Claire (désormais AVPC), pétition soumise au Conseil municipal du village de Pointe-Claire, 13 septembre 1900.
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[23]
DGDA, ArchivesdePointe-aux-Trembles, Règlementno 4concernantl’aqueduc,23juin 1906.
-
[24]
Brian R. Matthews, A History of Pointe-Claire, Pointe-Claire, Brianor Ltd, 1985.
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[25]
Alfred Britain, « Les égouts de Montréal », Journal d’hygiène populaire, vol. 11, no 9 et 10, 1895, p. 290.
-
[26]
Louise Pothier, « Réseaux d’eau potable et d’eaux usées : l’hygiène publique et la société montréalaise, 1642-1910 », dans Louise Pothier, (sous la direction de), L’eau, l’hygiène publique et les infrastructures, Montréal, Groupe PGV – Diffusion de l’archéologie, 1996, p. 40-43.
-
[27]
Robert Gagnon, Questions d’égouts. Santé publique, infrastructures et urbanisation à Montréal au XIXe siècle, Montréal, Boréal, 2006. Pour une bonne analyse de la situation dans d’autres villes canadiennes à la même époque, voir Catherine Brace, « Public Works in the Canadian City : the Provision of Sewers in Toronto 1870-1913 », Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine, XXIII, no 2, mars 1995, p. 33-43 ; Arn Keeling, « Urban Waste Sinks... », op. cit.
-
[28]
Ce qui semble avoir aussi été le cas dans la majorité des grandes villes canadiennes, comme le mentionne le survol de Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts », dans Norman R. Ball (sous la direction de), Bâtir un pays, Histoire des travaux publics au Canada, Montréal, Boréal, 1988, p. 237-261. Une ferme d’épuration, située au nord de la ville, a bel et bien existé à Montréal mais son histoire fut de courte durée : Michèle Dagenais et Caroline Durand, « Cleaning, Draining and Purifying the City : Conceptions and Uses of Water in the Montreal Region », The Canadian Historical Review, vol. 87, no 4, décembre 2006, p. 621-651.
-
[29]
Dr L.-E. Fortier, « Nos égouts », Journal d’hygiène populaire, vol. 10, no 4,1893, p. 98.
-
[30]
Cité dans Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts... », op. cit., p. 240.
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[31]
Alfred Britain, « Les égouts de Montréal... », op. cit., p. 290. Sur les rares débats entourant la nécessité de protéger les cours d’eau, voir Michel F. Girard, L’écologisme retrouvé. Essor et déclin de la Commission de la conservation du Canada, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994.
-
[32]
Douglas Baldwin, « Les réseaux d’égouts... », op. cit., p. 253.
-
[33]
DGDA, Archives de Pointe-aux-Trembles, Règlement no 5 concernant le canal d’égouts de la rue St-Enfant-Jésus, 25 septembre 1906.
-
[34]
DGDA, Archives de Pointe-aux-Trembles, Règlement no 9 pour l’approvisionnement de l’eau dans les limites de la Municipalité, 11 décembre 1911.
-
[35]
Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal... », op. cit., en traite en détail.
-
[36]
Sans doute ce refus s’explique-t-il aussi par la crainte des élus que la reconnaissance de la piètre qualité de l’eau nuise à l’image de Montréal. Voir Joel Tarr, « Critical Decisions in Pittsburgh. Water and Wastewater Treatment », in Joel Tarr (ed.), Devastation and Renewal. An Environmental History of Pittsburgh and its Region, Pittsburgh, Pittsburgh University Press, 2003, en particulier, p. 70-74.
-
[37]
F. Clifford Smith, L’aqueduc de Montréal. Son historique pour la période comprise entre l’année 1800 et l’année 1812, avril 1913, p. 28-35; Ginette Gagnon, « L’aqueduc de Montréal... », op. cit., p. 154-161.
-
[38]
F. Clifford Smith, L’aqueduc de Montréal..., op. cit., p. 56-57.
-
[39]
Hubert Cantwell, History of the Montréal Water Works, Ville de Montréal, 1947, p. 23-25.
-
[40]
Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 1992, p. 317-325 et Claire McNicoll, Montréal. Une société multiculturelle, Paris, Belin, p. 157-206.
-
[41]
Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal Waterworks, Montréal, Service des Travaux publics, 1968, p. 20.
-
[42]
AVPC, Revised Report on the Watersystem, H. W. Lea, Consulting Engineer, Montréal, February 1955, p. 7.
-
[43]
Cette recommandation fut suivie car, en 1973, toutes les résidences et les entreprises de Pointe-Claire sont munies de compteurs d’eau. Communauté urbaine de Montréal, Aqueduc. Étude de l’intégration des services d’aqueduc municipaux, vol. 1, juillet 1973, p. 3-14.
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[44]
Ainsi, dans un document promotionnel qui présente les installations de l’aqueduc de Montréal en 1968, on peut lire : « Instruits par une longue expérience, les responsables de l’Aqueduc de Montréal ont renversé la marche de l’histoire : au lieu de se laisser dépasser, ils se sont mis à courir en avant des besoins. Au gré de l’occupant, l’eau saine coule aujourd’hui avec abondance dans tous les foyers. » Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal..., op. cit., p. 20.
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[45]
Ibid., p. 20.
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[46]
Ibid., p. 29.
-
[47]
AVPC, Pointe-Claire. Our Town, s.d.
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[48]
AVPC, Rapport annuel de la Cité de Pointe-Claire, 1964, p. 6.
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[49]
Ville de Montréal, L’Aqueduc de Montréal Waterworks..., op. cit., p. 33.
-
[50]
DGDA, archives de la Communauté urbaine de Montréal, « Programme d’expansion d’aqueduc de la Ville de Montréal – Nouvelle prise d’eau de la Cité de Lachine – Plan Directeur de l’aqueduc », 24 août 1970, p. 3.
-
[51]
AVPC, Revised Report on the Sanitary..., op. cit., p. 6.
-
[52]
Sur les impacts environnementaux de la suburbanisation en Amérique du Nord et les mesures adoptées afin de les réduire voir : Adam Rome, The Bulldozer in the Countryside. Suburban Sprawl and the Rise of American Environmentalism, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2001.
-
[53]
Claude Allard, Étude sur la pollution des cours d’eau de la province de Québec, Montréal, Fédération des Associations de chasse et de pêche du Québec, Comité anti-pollution, 1954.
-
[54]
Lucien Piché, Rapport sur la pollution de la rivière Ottawa et de ses principaux tributaires entre Ottawa-Hull et l’île de Montréal en 1954, Montréal, Ligue Anti-pollution du Québec, Fédé-ration des Associations de chasse et de pêche du Québec – Association de la province de Québec pour la protection du poisson et du gibier, inc., 1954.
-
[55]
Roger Desjardins, Les efforts du Québec pour enrayer ou prévenir la pollution de l’eau, Québec, Régie des eaux du Québec, 1966, p. 1.
-
[56]
Ibid., p. 2.
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[57]
Sur le principe de la régionalisation de la gestion des eaux usées qui est largement appliqué dans les villes nord-américaines à partir de 1945 voir notamment : Martin V. Melosi, The Sanitary City..., op. cit., Joel A. Tarr, « Critical Decisions in Pittsburgh... », op. cit., p. 64-88 et Arn Keeling, The Effluent Society : Water Pollution and Environmental Politics in British Columbia, 1889-1980, thèse de Ph. D. en géographie, University of British Columbia, Vancouver, 2004,389 p.
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[58]
AVPC, Feasibility Study on Regional Sewage Treatment Plant Serving the Municipalities of Beaconsfield and Pointe Claire, Cosgrove Lanctot & Finch, Consulting Engineers, 26 juillet 1968, p. 1.
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[59]
Ibid., p. 17-18.
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[60]
Complété en 1988, cet ouvrage traitait quotidiennement, en 2001, un volume d’eaux usées de 2 750 000 m3.
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[61]
AVPC, Revised Report on the Sanitary..., op. cit., p. 7.
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[62]
DGDA, Archives de la Communauté urbaine de Montréal, « Station d’épuration des eaux usées. Informations générales », mars 1973.
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[63]
Communauté urbaine de Montréal, L’eau, richesse..., op. cit., p. i.
-
[64]
Ibid., p. i.
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[65]
Parmi les autres fonctions assumées par la CUM on retrouve l’aménagement du territoire, la fourniture des services de police et de transport en commun, l’évaluation foncière et le développement économique. Elle a été abolie en janvier 2002 lors de la création de la nouvelle ville de Montréal, née de la fusion des municipalités de l’île.
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[66]
Laurent Lepage, Mario Gauthier et Patrick Champagne, « Le projet de restauration du fleuve Saint-Laurent : de l’approche technocratique à l’implication des communautés riveraines », Sociologies pratiques, 2,2002, p. 67.
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[67]
Ministère de l’Environnement du Québec, 25 ans d’assainissement des eaux usées industrielles au Québec : un bilan, Québec, Les Publications du Québec, 1999.