Couverture de RHU_010

Article de revue

Ville et terre-patrie : les Sept contre Thèbes d'Eschyle

Pages 9 à 25

Notes

  • [1]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, Paris, Les Belles Lettres, texte établi et traduit par Paul Mazon, en particulier vers 585 et vers 16.
  • [2]
    Hérodote, VII, 9.
  • [3]
    Voir en particulier le traitement très réaliste qu’en donne Victor Davis Hanson dans Le modèle occidental de la guerre, Paris, Belles Lettres, 1990 (éd. orig. 1989), notamment « L’hoplite et sa phalange : la guerre dans une société agraire », p. 55-70, complété par The Others Greeks : The Family Farm and the Agrarian Roots of Western Civilization, New York, The Free Press, 1995, p. 249. Sur les différentes stratégies de défense de la cité, axées sur le territoire ou sur la ville, la bibliographie est très abondante : il faut partir d’Yvon Garlan, Recherches de poliorcétique grecque, Paris, de Boccard, 1974 et d’Edouard Will, « Le territoire, le ville et la poliorcétique grecque », Revue Historique, 253,1975, p. 297-318. Christel Mü ller en a dressé un bilan historiographique dans « La défense du territoire civique : stratégies et organisation spatiale », dans Francis Prost (édité par), Armées et sociétés en Grèce classique, Paris, Errance, 1999, p. 16-33.
  • [4]
    On pense évidemment à Troie, mais Thucydide rapporte aussi pour le Ve siècle des prises de villes qui n’ont pas été précédées de guerres territoriales : ainsi Platées, II, 1,1-6. Sur la datation des fortifications urbaines : Frederick Elliot Winter, Greek Fortifications, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1971, qui discute d’Athènes p. 63-64 et p. 108; Jean-Pierre Adam, L’architecture militaire grecque, Paris, Picard, 1982; Anthony Snodgrass, « The historical significance of fortification in Archaic Greece », dans Pierre Leriche et Henri Tréziny (édité par), La fortification dans l’histoire du monde grec, Actes du colloque international de Valbonne, décembre 1982, Paris, Ed. du CNRS, 1986.
  • [5]
    Nicole Loraux, Les Enfants d’Athéna, Paris, La Découverte, 1981, p. 42, n. 34, souligne le rôle de l’espace urbain dans la symbolique de l’autochtonie, qui est centrale dans la pensée de la patris/ matris. Le dossier des rapports ville/territoire dans la polis est énorme. Quelques ouvrages permettent de distinguer les thématiques essentielles de l’historiographie contemporaine : celui de François de Polignac, La naissance de la cité grecque, Paris, La Découverte, 1984, rééd. 1995, qui souligne les interactions nombreuses entre la ville et le territoire, tout en renvoyant Athènes avec sa centralité acropolitaine dans la marginalité de l’exceptionnel (not. p. 102-105). Les dynamiques des rapports ville/territoire ont depuis été particulièrement explorées dans les mondes coloniaux et dans les mondes archaïques : voir, par exemple, Ian Morris, « The early polis as city and state », dans John Rich et Andrew Wallace-Hadrill (édité par), City and Country in the Ancient World, Londres, Routledge, 1991, p. 24-57 et Emanuele Greco, « La cité et le territoire », dans Giovanni Pugliese Carratelli (sous la direction de), Grecs en Occident, Milan, Bompiani, 1996, p. 233-242. Les études du Centre de recherche sur la polis de Copenhague réaffirment en revanche la place centrale de la ville : Mogens Herman Hansen, Polis et Cité-Etat, Paris, Belles Lettres, 2001, (éd. orig. 1998) p. 79-124 et M. H. Hansen (édité par), The Polis as an Urban Centre and as a Political Community, Symposium August 29-31,1996, Acts of the Copenhagen Polis Centre, vol. 4, Copenhagen, Munksgaard, 1997, notamment p. 17-25. Les différences entre mondes coloniaux et monde de Grèce propre ont cependant été, en matière d’occupation de l’espace et non de souveraineté, éclairées par Emanuele Greco et Dieter Mertens, « L’urbanisme dans la Grande Grèce », dans Giovanni Pugliese Carratelli (sous la direction de), Grecs en Occident, op. cit., p. 243-262.
  • [6]
    Sur la présentation de cette tétralogie, G. O. Hutchinson (édité par), Aeschylus, Septem contra Thebas, avec introduction et commentaire, Oxford, Clarendon Press, 1985, p. XVII-XXX.
  • [7]
    Albert Schachter, « The Theban Wars », Phoenix, 21,1967, p. 1-10. Les fouilles ont confirmé la destruction de la Cadmée, l’acropole thébaine, vers 1270, un peu avant la guerre de Troie.
  • [8]
    Reginald Pepys Winnington-Ingram, Studies in Aeschylus, Cambridge-London, Cambridge University Press, 1983, chap. 2 : « Septem contra Thebas », p.16-54 qui reprend ces différentes interprétations historicistes. Sur les difficultés que rencontre l’historien pour travailler à partir d’une tragédie grecque, prise comme « source », voir en dernier lieu Pierre Vidal-Naquet, Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique, Paris, Les Belles Lettres, 2002, notamment p. 9-51.
  • [9]
    Une quarantaine de fois Thèbes est désignée comme une ?? ???, trois fois comme ?? ???? ?? ???. Mais il faudrait ajouter à ces occurrences toutes celles qui désignent les habitants de la cité comme des ???????. Quatre fois la ville apparaît comme une ? ??? ou les gens de la ville comme des ? ????, dont une fois sous la forme ? ??? ???????? (v. 531 ).
  • [10]
    Sur le traitement des légendes thébaines, voir Francis Vian, Les Origines de Thèbes. Cadmos et les Spartes, Paris, 1963, et la thèse de doctorat, inédite, de Karine Mackowiak, Du Mythe et de l’histoire, La fondation thébaine de Kadmos, Strasbourg, juin 2001,2 vol. plus 1 vol. d’annexes, sous la direction de Françoise Dunand, Université Marc Bloch, Faculté des sciences historiques, histoire des religions.
  • [11]
    Howard Don Cameron, Studies on the Seven Against Thebes of Aeschylus, La Haye-Paris, Mouton, 1971, pour la connexion du mythe des Spartes et celui de la famille des Labdacides.
  • [12]
    Froma Zeitlin a développé l’idée de Thèbes comme un « négatif » d’Athènes dans « Thebes : Theater of Self and Society in Athenian Drama », dans John J. Winkler et Froma I. Zeitlin (édité par), Nothing to do with Dionysos ? Athenian Drama in its Social Context, Princeton, Princeton University Press, 1990, p. 130-167, p. 131 et 144-150.
  • [13]
    Thèbes désignée comme cité, terre, maison « paternelle » ( ?????? ?? ????? ? ) aux vers 582, 585,640,648,669,877 ; comme terre-mère ( ?? ??? ) aux vers 16,416,584.
  • [14]
    Pour ces indications de mise en scène voir Liana Lupas et Zoe Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes d’Eschyle, Paris-Bucarest, Les Belles Lettres-Editura Academiei, 1981, p. 5.
  • [15]
    L’attaque est portée contre les murs de Thèbes ( ?????? : racine ????-, v. 89,284,290), devant ses portes ( ?? ??? : v. 30,33,56,58,126,160,165,213,249,376,377,395,408,423,451,457,460, 462,476,486,500,502,525,527,538,557,570,615,631,714,797,799,956, sur les tours ( ?? ???? : v. 22,30,33,168,184,216,234,251,295,314,426,467,469,629,634,763,797,823,901 ) et aux créneaux ( ? ?? ????? : v. 30,158).
  • [16]
    Sarantis Symeonoglou, The Topography of Thebes from the Bronze Age to Modern Times, Princeton, Princeton University Press, 1985, fig. 2.13 p. 61 ; fig. 3.5 p. 106 et fig. 3.6 p. 115.
  • [17]
    Les murs de la Cadmée, même à l’époque classique, pouvaient servir d’abri pour toute la population thébaine. Les grands murs, englobant une aire de 328 ha, devaient permettre le refuge de quelque 100 000 personnes alors que Thèbes pourrait au maximum, dit-on, avoir atteint 25 000 personnes. Ces murs immenses sont peut-être liés à l’organisation en district dans le cadre du koinon béotien (S. Symeonoglou, The Topography, op. cit., p. 117 et suivantes.)
  • [18]
    S. Syméonoglou, The Topography, op. cit., p. 10 et site 53, p. 257.
  • [19]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, vers 191 et 221.
  • [20]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 232 : ???ñ ? ??? ?? ???? ???? ?? ???; v. 201 : ? ????.
  • [21]
    L. Lupas et Z. Petre, Commentaire, op. cit., p. 9-12, pointent les emplois de ? ?????? (v. 30 et 158) pour les créneaux, de ???????? (v. 32) pour la muraille, ou de ?? ??? (v. 32) pour la terrasse où se tiennent les défenseurs de la tour, termes qui s’appliquent couramment aux vaisseaux. Voir aussi pour cette métaphore de la cité comme navire, M. H. Hansen, Polis, op. cit., p. 80 et no 227, p. 247. Il est vrai que dans les Sept contre Thèbes, cette métaphore du vaisseau qui concerne d’abord la ville assiégée s’étend progressivement à la famille des Labdacides (William G. Thalmann, Dramatic Art in Aeschylus Seven Against Thebes, New Haven-Londres, Yale University Press, 1978, p. 34-38 et Jean Alaux, introduction à Eschyle, Sept contre Thèbes, Paris, Belles Lettres, 1997, p. 22 et commentaire au vers 690).
  • [22]
    Hérodote, VII, 143.
  • [23]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 1-3.
  • [24]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 71-72 et v. 247 : « la cité gémit du fond de son sol » ( ??? ??? ?? ????? ?? ??? ).
  • [25]
    L’interprétation traditionnelle (G. O. Hutchinson, Aeschylus, op. cit., p. XXXIII; Eschyle, Les Sept contre Thèbes, Paris, Belles Lettres, coll. C.U.F., notice de Paul Mazon, p. 106-107) voit en Étéocle l’illustration d’un juste combat, animé des valeurs patriotiques, en arguant notamment du fait qu’Eschyle développerait ici la version d’Hellanicos sur la guerre des deux frères. W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 20 et suivantes, montre au contraire que c’est un mécanisme de guerre où Étéocle et Polynice sont également impliqués et également (ir)responsables qui intéresse Eschyle.
  • [26]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 14-16.
  • [27]
    Au vers 28 les Argiens sont désignés comme des Achéens, terme de l’épopée pour désigner les Grecs assiégeant Troie. Le combat d’Hector était décrit comme un combat pour la défense (? ?? ??????) de la patris, dite patrê : Iliade, XII, 243 ; XV, 496; XXIV, 500.
  • [28]
    Louis Robert, É tudes épigraphiques et philologiques, Paris, Champion, 1938, p. 296-316, et Georges Daux, « Sur quelques inscriptions », Revue des Etudes Grecques, 84,1971, p. 350-383 : « Le serment des éphèbes athéniens », p. 370-383. Le débat sur le type de guerre, défensive ou offensive, que préconise le serment, est ouvert par Plutarque, Alcibiade, XV, 7-8.
  • [29]
    Sur le contexte des poèmes de Tyrtée, Bruno Gentili et Carolus Prato, Poetarum elegiacorum. Testimonia et Fragmenta, pars 1, Leipzig, Teubner, 1988, p. 6-19. Contrairement à ce contexte de conquête, le fragment 10.2 (West), cité par Lycurgue Contre Léocrate, 107, décrit bien une guerre pour la défense d’un certain style de vie attaché au pouvoir sur un lieu.
  • [30]
    Hérodote, VIII, 57,6.
  • [31]
    Hérodote, VIII, 61,3.
  • [32]
    Voir W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 20 et Jean Alaux, introduction à Eschyle, Sept contre Thèbes, op. cit., p. 25.
  • [33]
    Voir Eschyle, Sept contre Thèbes, vers 582 ( ?? ??? ????? ? ), v. 640 ( ????? ? ?? ), v. 648 ( ????? ? ?? ????? ); et le sol paternel au vers 668 ( ????? ? ??? ? ). C’est Amphiaraos, le devin argien, qui évoque au vers 585, comme cause du combat de Polynice, la ?????? ?? ????.
  • [34]
    Sur ce thème, voir la passionnante étude de Lucien Febvre, Honneur et Patrie. Une enquête sur le sentiment d’honneur et l’attachement à la patrie, Paris, Perrin, 1996, coll. Pocket, 2001.
  • [35]
    Jean Alaux, Sept contre Thèbes, op. cit., p. 70, n. 78, soutient l’authenticité du passage après Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros. Essai sur la scène centrale des Sept contre Thèbes », dans Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, tome II, Paris, La Découverte, 1986, p. 115-147, en part. p. 128, qui en signale la cohérence avec le reste de l’œuvre. Contra : W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 147.
  • [36]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 877 et 914.
  • [37]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 711.
  • [38]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 170 : ? ?????? ?? ??????. Les Argiens parlent un dialecte dorien distinct de l’éolien des Thébains. Sur la faute de Polynice, l’introduction d’une armée étrangère contre sa ville, voir Sept contre Thèbes, v. 1019.
  • [39]
    Sur la langue comme critère d’appartenance collective, voir Hérodote I, 58 et VIII, 144; et plus ancien, Solon fr. 30,1-4, Gentili-Prato = Athenaion Politeia XII, 4.
  • [40]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 16,416.
  • [41]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 584.
  • [42]
    Notamment dans l’épilogue lorsque le héraut distingue les deux frères en fonction de leur attitude face aux sanctuaires ou aux dieux patrôoi (v. 1010 et 1018). Mais les dieux sont aussi dits de la race ? ??????? ou ????????? (vers 582 et 640).
  • [43]
    Apollon peut aussi désigner le Pythien, lui qui est à l’origine des malheurs des Labdacides.
  • [44]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 584
  • [45]
    Les pedionomoi, vers 271 ; les polissouchoi, poliouchoi ou poliachoi, vers 69,109,187,271, 312,822. Marcel Detienne, Apollon, le couteau à la main, Paris, 1998, part. p. 110-111. Irad Malkin, « Land ownership, Territorial Possession, Hero Cults, and Scholarly Theory », dans Ralph M. Rosen et Joseph Farnell (édité par), Nomodeiktes, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1993, p. 225-234, part. p. 231 ; et Irad Malkin, La Méditerranée spartiate, Paris, Les Belles Lettres, 1999 (éd. orig. 1994), p. 156 : « Après sa mort, le fondateur devenait le polissouchos, ou poliouchos, polis et ekhein. Le terme reflète le caractère local, policentrique, du culte du héros dans la Grèce archaïque, par opposition au caractère littéraire et panhellénique du héros de l’épopée. » Sur les dieux en général dans la polis : Susan E. Alcock et Robin Osborne (édité par), Placing the Gods, Oxford, Clarendon Press, 1996.
  • [46]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 136.
  • [47]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 140.
  • [48]
    Parmi les dieux c’est Zeus seul qui est désigné comme patêr : Hésiode, Théogonie, notamment vers 453-486. Sur l’asymétrie père/mère, voir les pages éclairantes d’Alice Pechriggl, Corps transfigurés. Stratifications de l’imaginaire des sexes/genres, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 2000, I, p. 169-270.
  • [49]
    Cadmou polis : v. 74,120,1075.
  • [50]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 582,640,648,668,711,877,914,946.
  • [51]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 653-719. Sur ce rôle de l’atê ancestrale, voir Froma I. Zeitlin, Under the Sign of the Shield : Semiotics and Aeschylus’ Seven Against Thebes, Rome, éd. dell’Ateneo, p. 17-22. Pour la compréhension de cette césure du texte et du personnage d’Étéocle, voir P. Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., passim.
  • [52]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 724 : ?????? ?????? ?.
  • [53]
    Le Messager décrit l’armée argienne conduite par Polynice comme menée par Arès : vers 39-68. F. I. Zeitlin voit également en Polynice Dionysos, exclu par Penthée de sa cité : « Thebes », art. cit., p. 136-137.
  • [54]
    Sur ce thème de la terre qui nourrit ( ??? ?? ) ou enfante ( ????? ), voir Eschyle, Choéphores, v. 127-128; Suppliantes, v. 250; Sept contre Thèbes, v. 413,416,474; Sophocle, Antigone, v. 332-340; Œdipe à Colone, v. 687-693 ; Euripide, Troyennes, v. 799; Suppliantes, v. 365 ; Phéniciennes, v. 280-282; Médée, v. 1332; Hélène, v. 87-88; Folie d’Héraclès, v. 793-794; Héraclides, v. 826-827 et 1405.
  • [55]
    Pour la description de la chôra des Thébains, John M. Fossey, Topography and population of Ancient Boiotia, vol. 1, Chicago, Ares Publishers, 1988 qui dessine ses limites p. 132, et y repère une quinzaine de sites p. 199.
  • [56]
    Voir la description que fait le chœur du sol thébain aux vers 304-311. Cette fonction maternelle de la terre permet certes de se passer des femmes de la cité, comme le recommande Étéocle. L’opposition du féminin et du masculin peut ainsi permettre de décrypter une pièce où la terre représente le féminin de ceux qui entendent se passer des femmes (Polynice et les Spartes) et Jocaste, la mère du genos œdipien, le féminin de ceux qui n’ont pas su, ou pu, s’en passer. Voir Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 138-147.
  • [57]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 412-413 et 473.
  • [58]
    Pour ces localisations voir S. Symeonoglou, The Topography, op. cit., p. 11 et site 273 p. 285.
  • [59]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 477 : ? ???? ? ??????? ????? ??? ?????. Thème qui sera repris et développé chez Euripide à travers le sacrifice de Ménécée, fils de Créon, dans les Phéniciennes, v. 936-941.
  • [60]
    Quelques sources considèrent les Spartes comme les ancêtres de tout le peuple thébain alors que les autres en font les ancêtres d’une seule partie des Thébains. Dans les Sept contre Thèbes, Eschyle associe les deux versions. Voir H. D. Cameron, Studies, op. cit., p. 18 n. 3.
  • [61]
    H. D. Cameron, Studies, op. cit., p. 95 : « The defenders of Thebes have the Earth as their mother not only in a patriotioc but also in a thoroughly litteral sense »; voir aussi le développement sur le thème de la gérotrophia ( ?????????? ????????? ?????????? ) p. 90-92. Du même, « The dept to Earth in the Seven against Thebes », Transactions of the American Philological Association, 95,1964, p. 1-8.
  • [62]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 244 : « Arès se repaît du sang des mortels », voir Iliade, V, 289.
  • [63]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 74-75. Sur l’eleutheria comme ensouchée en terre, voir Emile Benveniste, Vocabulaire des institutions indo-européennes, I. Economie, parenté, société, Paris, 1969, p. 324; sur l’eleutheria solonienne, fr. 30,1-4, Gentili-Prato = Athenaion Politeia XII, 4; Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 74-75.
  • [64]
    Nicole Loraux dans La voix endeuillée, Paris, Gallimard, 1999, a montré comment la tragédie apportait une dimension émotionnelle à la cité, souvent négligée par les historiens. Sur l’importance du lien de philia : Sept contre Thèbes, v. 107,173,419 et 902.
  • [65]
    Jocaste, É picaste chez Homère, devient le personnage central des Phéniciennes d’Euripide. Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 141, commente le vers 752-753 des Sept en montrant la fusion à Thèbes, et ici à propos de Polynice, de l’image de la terre et celle de Jocaste, voir aussi Sept contre Thèbes, vers 927-933.
  • [66]
    Nicole Loraux, « Pourquoi les mères grecques imitent, à ce qu’on dit, la terre ? », Nouvelle Revue de Psychanalyse, 45,1992, p. 161-172. Pour la mise en perspective de cette métaphore dans la pensée grecque voir Jean-Baptiste Bonnard, La Représentation du père dans la cité. Contribution à l’étude de l’imaginaire dans la Grèce archaïque et classique, thèse de doctorat de l’Université de Paris 1 –, Panthéon-Sorbonne (1998), Paris, chap. 3 : « La métaphore du sillon », à paraître aux Publications de la Sorbonne.
  • [67]
    Claudine Leduc, « Comment la donner en mariage » dans George Duby et Michelle Perrot, Histoire des femmes en Occident, vol. 1 : Pauline Schmitt Pantel (sous la direction de), L’Antiquité, Paris, Perrin, 2002 (1re éd. fr. Plon, 1991 ), p. 309-382, a apporté une contribution décisive à la compréhension de la fonction sociale et politique du mariage grec.
  • [68]
    Voir Homère, Odyssée, V, 42 pour la formule qui se répète tout au long de l’Odyssée.
  • [69]
    F. I. Zeitlin, « Thebes », art. cit., p. 166.
  • [70]
    Voir Jean Alaux, introduction à Eschyle, Les Sept contre Thèbes, op. cit., p. 28, n. 57 et le renvoi à Gregory Nagy, Le Meilleur des Achéens, Paris, Ed. du Seuil, 1994 (éd. orig. 1979), p. 344-347 pour l’étymologie du nom de la déesse.
  • [71]
    Sur le thème du lien familial dans la tragédie, voir le chapitre consacré à Etéocle et Polynice par Jean Alaux, Le liège et le filet. Filiation et lien familial dans la tragédie athénienne du Ve siècle av. J.-C., Paris, 1995, p. 73-111.
  • [72]
    Il n’y a pas lieu de prendre les personnages de la tragédie pour des personnes ou des caractères psychologiques réalistes (voir les mises en garde de P. Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 121 ), mais de voir, qu’à travers eux, c’est une mise en scène des émotions réelles qui est proposée.
  • [73]
    Notamment Lysias, Epitaphios, 17, mais les expressions se trouvent chez tous les orateurs : Nicole Loraux, L’Invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, Mouton, 1981.
  • [74]
    Hérodote, I, 150,2; 169,2; II, 115,7 ; 143,2; III, 36,12; 36,16; 75,6; 140,26; IV, 11,18; V, 91,14; VI, 76,9; 79,3 ; 109,27 ; 122,4; 124,3 ; 126; 128,3 ; 135,10; VII, 141,8; VIII, 57,6; 61,3 ; 79,14.
  • [75]
    Thucydide VII, 69,2, traduction de Denis Roussel, Paris, Gallimard, 2000, très légèrement modifiée.
  • [76]
    Ce que fait en revanche Platon dans la République, III, 414 e et le Ménéxène, 239 a. En revanche, il faut rappeler que c’est dans cette première moitié du Ve siècle que le mythe de la naissance autochtone du seul Erichthonios devient le mythe de la naissance autochtone de tous les Athéniens : Victor J. Rosivach, « Autochthony and the Athenians », Classical Quaterly, n.s., vol. 37, no 2,1987, p. 297-301.
  • [77]
    Hérodote, VII, 142-143 : certes le parti de Thémistocle l’emporte, mais il a fallu convaincre une partie des Athéniens, les plus réputés, qui désiraient défendre l’espace sacré et légendaire de la cité. Sur les deux façons de penser l’autochtonie, thébaine ou athénienne : Marcel Detienne, Comment être autochtone, Paris, Editions du Seuil, 2003.

1Dans la tragédie attique des Sept contre Thèbes qui raconte une attaque et une défense de ville, Polynice, l’assaillant thébain, est accusé de porter la guerre contre la terre patrie (patris gaia), tandis qu’Étéocle, son défenseur, proclame qu’il va porter secours à la terre maternelle (gê mêtêr)[1]. Comment la terre ( ou gaia), en sa version paternelle ou maternelle, peut-elle servir à justifier un combat urbain ? Au-delà de la réalité d’une perception physique de la terre dans les rues, les cours ou jardins, et même les sols de beaucoup d’habitations, au-delà également de la constatation qu’in fine, lorsque les autres stratégies ont été épuisées, c’est toujours la ville qui est le dernier bastion à défendre et cela même au nom du territoire dans son entier, il y a tout de même dans ce récit de guerre de siège une formulation paradoxale qui mérite, me semble-t-il, qu’on s’y arrête.

2La guerre est décrite, sous la plume d’Hérodote au milieu du Ve siècle, et dans l’intention de distinguer la pratique grecque de celle des Barbares, comme une défense du territoire réalisée par des citoyens lourdement armés, postés non pas nécessairement aux frontières mais en tout cas dans un espace non urbain [2]. Cette stratégie hoplitique dite traditionnelle est censée illustrer la guerre des citoyens-soldats soucieux de défendre leurs biens, sous-entendu localisés dans la campagne [3]. Tout à l’opposé et la même époque, en privilégiant le thème de la guerre de siège, la tragédie témoigne de la pertinence de ce type de combat pour penser non seulement la guerre mais aussi la cité, la polis. À l’époque classique et avant que ne se développent les techniques spécifiques de la poliorcétique, les villes ont été l’enjeu d’âpres combats sans qu’il soit nécessaire de penser que la ville ait été alors défendue parce que la campagne ne l’avait pas suffisamment été [4]. Les historiens ont toujours souligné que la cité grecque ( ?? ??? ) était constituée à la fois d’une ville ( ? ??? ) et d’un territoire ( ?? ?? ), l’un et l’autre étant bien distingués physiquement. Or ce qui frappe dans la mise en scène que fait Eschyle du combat des deux frères thébains c’est au contraire la superposition de ces deux réalités géographiques : la ville suffit pour dire la terre-patrie, autrement dit la terre-patrie se trouve entièrement englobée dans l’espace urbain. La tragédie des Sept invite donc à penser que la ville (astu) est investie de significations symboliques manifestement fondamentales pour que se pense et se vive la cité (polis), et qui semblent justifier, du moins c’est l’hypothèse que je fais, que l’espace urbain puisse, dans des circonstances de danger exceptionnelles, se formuler comme espace de la patrie (patris) entière [5]. Le problème reste de circonscrire ces circonstances exceptionnelles : il s’agit ici de la polis thébaine telle que la tragédie attique la met en scène. Thèbes est-elle une anomalie ou son cas peut-il éclairer le fonctionnement de la cité grecque ?

L’exception thébaine

3La pièce d’Eschyle, Les Sept contre Thèbes, aurait été jouée devant le public athénien en 467, et aurait constitué la troisième pièce d’une tétralogie qui avait pour sujet l’histoire de Laïos et de sa descendance, Œdipe, puis Étéocle et Polynice, à Thèbes [6]. On ne peut évidemment faire de ce texte le reflet d’une réalité – la guerre menée par les Argiens contre la ville de Thèbes – qui, selon la tradition relatée dans le poème épique la Thébaïde, aurait précédé la guerre de Troie de deux générations, soit dans la seconde moitié du deuxième millénaire avant notre ère dans la Thèbes mycénienne [7]. On ne peut non plus réduire la pièce au contexte de sa représentation et aux débats qui animent alors Athènes, et voir ainsi en Étéocle, ou Cimon, ou Périclès, ou Thémistocle, chacun à un titre artisan des fortifications athéniennes du Ve siècle [8]. Pour ma part, je ne tenterai pas de faire coller au texte une réalité historique précise, mais chercherai plutôt à le comprendre comme illustrant une réflexion plus générale, il est vrai athénienne et datée de la première moitié du Ve siècle, sur la place que tiennent et la terre et la ville dans l’imaginaire de la polis. La guerre permet alors de révéler les relations qui sont considérées comme essentielles dans la cité.

4Ce qui rend malheureusement l’exemple pris par Eschyle particulièrement terrible et tragique, et donc tout à fait singulier, c’est qu’il s’agit non pas de n’importe quelle ville mais de Thèbes, appelée d’ailleurs dans la pièce seulement la cité (polis), la cité de Cadmos (Cadmou polis), ou la ville (astu)[9]. La ville est née dans la violence commise par un homme, Cadmos le fondateur, à l’égard d’un dieu, Arès, lorsque le premier a dépossédé le second de sa terre par le meurtre du dragon gardien du lieu. Cette violence s’est attachée à la première génération des Thébains, les Spartoi, c’est à dire les Semés, nés de cette terre-là et des dents du dragon d’Arès. Aussitôt surgis du sol, les Spartoi, en dignes fils de leur père Arès, dieu du désordre guerrier, se sont en effet entretués et ce sont les rescapés de ce premier crime confraternel qui ont donné naissance à la noblesse thébaine devenue l’alliée au trône des descendants de Cadmos [10]. Eschyle associe cette violence fondatrice à celle qui frappe la dynastie des Labdacides, issue de Cadmos et d’Harmonie, la fille d’Arès : cette violence accompagne Œdipe de la naissance à la mort et est transmise par Œdipe lui-même à ses propres fils, Étéocle et Polynice, sous la forme de malédictions. Ce sont eux qui devant la septième porte réitè-rent le drame originel des Spartes [11]. Thèbes, cité exceptionnelle par sa violente fondation, permet à Eschyle de mettre en scène non des faits mais des émotions. Comment peut-on conduire sans faillir une guerre, non seulement fratricide, mais qui met en péril sa propre ville dans son entier ? Si Thèbes est un « anti-modèle » ce n’est pas qu’elle soit impensable pour les Athéniens mais qu’elle représente ce que les Athéniens voulaient voir mis à l’écart, leur refus, leur cauchemar de cité, une cité toujours tragique [12]. Est-ce un hasard si Thèbes, la cité maudite par excellence, est également celle qui permet la mise en scène de la métamorphose de l’espace urbain en « terre », qui plus est en « terre paternelle » et en « terre-mère » [13] ? La question suggère que la négativité de Thèbes est également liée à la façon dont Étéocle et Polynice décrivent leur lien à cette cité, qu’ils ramènent à une appartenance biologique spatialement circonscrite, et mon hypothèse est que cette mise en scène d’une villeterrepatrie renvoie les Athéniens auditeurs au lien qu’ils peuvent entretenir avec leur propre cité.

La Thèbes d’Eschyle : une ville sans territoire, enracinée en terre

5Dans la pièce d’Eschyle l’espace scénique renvoie toujours à la ville qui est l’espace effectivement concerné par la guerre. Différents types de mises en scène suggèrent qu’Étéocle apparaît sur l’agora devant un plan surélevé distinct qui devait supporter les autels des dieux interpellés par le chœur des femmes thébaines [14]. L’espace visible est celui des femmes et du chef resté d’abord à l’intérieur pour donner ses ordres, et l’espace sans cesse rappelé par tous les protagonistes (Étéocle, le Messager, le chœur des Thébaines) est celui des défenseurs de la ville postés aux endroits straté-giques de la muraille : terrasses des tours, créneaux, portes [15]. Pour les spectateurs athéniens cette évocation devait correspondre à ce qu’ils connaissaient de la cité de Cadmos et de ses murs que l’archéologie a en partie reconstitués [16]. La ville de Thèbes, aujourd’hui très peu visible car couverte par la ville moderne, est située sur un éperon qui prend le nom de Cadmée et correspond à l’époque mycénienne à la zone de peuplement urbain dans son entier. C’est à l’époque archaïque (VIIIe -VIe siècles) que l’habitat déborde hors les murs (qui ne sont plus très imposants) et que l’éperon de la Cadmée est considéré comme l’acropole (la ville haute). Les fortifications autour de la ville-acropole sont assurées pour la première fois à l’époque mycénienne : deux palais successifs y furent établis, puis détruits, le premier vers 1350 et le second vers 1240. À l’époque des Sept contre Thèbes les murs de la Cadmée suivent à peu près la ligne de fortification mycénienne, peut-être élargie au nord. C’est un mur qui a été maintes fois réparé, qui a perdu de sa monumentalité mycénienne, et qui englobe une superficie de 25 hectares environ, permettant, disent les archéologues, d’abriter une population de 7 500 à 10 000 personnes. On sait aussi qu’à l’époque classique la ville est entourée par un deuxième anneau de fortification, celui dit de la grande Thèbes. Ce mur englobe une surface 12 fois plus vaste que la Cadmée, beaucoup trop importante pour la population thébaine de l’époque. Son utilité est donc encore mal comprise. Construit au milieu du Ve siècle et donc probablement après la représentation des Sept, puis détruit en 335, il n’a jamais été reconstruit [17]. La mention à plusieurs reprises par Eschyle de la source de Dirkê et des eaux de l’Isménos renvoie à la ville proprement dite, l’éperon de la Cadmée, dans ses limites « naturelles », occidentale et orientale. En effet la source de Dirkê, localisée par la tradition, a été identifiée par les archéologues au sud-ouest de la ville, au pied de la porte dite de Dirkê, au lieu-dit Paraporti [18]. Quant à l’Isménos, il s’agit d’une rivière qui coule à l’est de la ville, au-delà d’un petit vallon, le val de la Strophia, bordant la Cadmée à l’est.

6En dehors des murailles et de ces brèves notations géographiques, la ville est évoquée plus particulièrement par le chœur des Thébaines. Celles-ci, avant de rejoindre Étéocle sur l’agora, ont, dit Eschyle, parcouru les rues (dromoi) de la ville [19]. Ces femmes affolées et hurlantes sont renvoyées par Étéocle, dans une tirade misogyne bien connue, à leurs maisons et au silence qui est assigné aux personnes de leur sexe [20]. La réalité est encore une fois celle de l’espace urbain.

7En guerre, la ville est semblable à un navire qui affronte la haute mer, ses murailles se métamorphosant en carène protectrice contre les vagues qui l’assaillent depuis une plaine-territoire devenue mer ennemie [21]. De ce point de vue la Thèbes d’Eschyle fait bien sûr écho à l’expérience athé-nienne de 480 lorsque Thémistocle avait interprété l’oracle delphique comme injonction à installer les Athéniens défenseurs de la polis dans les coques des trières destinées à vaincre les Perses sur mer [22], sauf qu’ici, et la différence est de taille, Eschyle reste dans le domaine de la métaphore. La cité-navire des Thébains permet de penser l’unité de la communauté solidaire derrière la coque d’un seul et unique navire piloté par un roitimonier [23]. Surtout cette ville, malgré la métaphore maritime, reste totalement enracinée en terre [24].

La guerre thébaine au cœur de la tradition patriotique

8Ce qui rend la guerre d’Étéocle si juste et noble, assurent la plupart des commentateurs, c’est qu’il adopte la posture du défenseur de la terre civique [25]. Il convient, dit-il, de « porter secours » (arêgein) à la « cité » (polis), aux « autels des dieux du pays » (theôn enchôriôn bômoisi), aux « fils » (teknois) et à « la terre maternelle » (gê mêtri)[26]. Étéocle est ainsi explicitement situé par Eschyle dans une tradition initiée par l’Hector homérique, celle de la défense de la cité, dans sa version surtout spatiale où la ville s’accommode d’être défendue au nom de la terre [27]. Derrière Étéocle se profile le citoyen-soldat du Ve siècle, tel qu’on l’imagine en grande partie à la lecture du serment des éphèbes athéniens. Dans ce texte conservé sous la forme d’une inscription du dernier tiers du IVe siècle, les jeunes jurent de combattre pour la défense (amunô) de ce qui est prescrit par les dieux et par les hommes. Même si l’éphèbe jure de ne pas laisser sa patris amoindrie « mais plus grande et plus forte », c’est bien la défense de la cité, c’est-à-dire du pays et de ses lois – et ce dernier point tranche largement avec les propos d’Étéocle – qui est le programme du citoyen-soldat [28]. L’examen des autres sources laisse penser que les Grecs n’avaient pas nécessairement toujours associé guerre de défense de l’espace civique et guerre patriotique. Ainsi Tyrtée, poète convoqué par les orateurs du IVe siècle désireux de solliciter la fibre patriotique de leurs concitoyens, décrit davantage une façon de combattre qu’un type de guerre : le bon combattant, l’aner agathos, doit lutter (marnamai) pour la patris en restant ferme (menein) et solidaire, et on sait que bon nombre de ses poèmes ont servi à exhorter les troupes spartiates pour la conquête de la Messénie [29]. Quant à Hérodote, il fait intervenir l’expression du combat pour la patris à propos de la bataille de Salamine en 480 [30]. Le verbe naumachêseiô qu’il emploie alors, comme le marnamai de Tyrtée, n’indique pas qu’il s’agit de défendre une terre à soi, il renvoie au combat, à la lutte, ici sur mer. C’est la mention de patris qui, en revanche renvoie au lieu, la cité de l’Attique, dont les alliés de Thémistocle soulignent qu’elle n’existe plus du jour où Athènes a été abandonnée aux Perses. Thémistocle, on le sait, rétorque que tant qu’il existe des Athéniens, en l’occurrence sur des navires, Athènes existe. La guerre pour la patris est interprétée comme guerre de défense de la communauté humaine et non de l’espace civique [31].

9Si la guerre d’Étéocle se présente comme une juste guerre en vertu de son caractère défensif centré autour du lieu défendu, une ville en terre, celle de Polynice paraît inacceptable, non pas en vertu de l’injustice de sa cause – thème qu’Eschyle n’aborde pas car il ne l’intéresse pas [32], mais en vertu du fait qu’en attaquant la ville décrite plus haut, lui aussi prétend combattre pour sa patris, ce qui sape en quelque sorte la légitimité de celle d’Étéocle [33]. Tous deux mènent un combat opposé au nom d’une même cause [34]. Antigone qui clôt la pièce dans un monologue à l’authenticité douteuse [35], estime que la maison paternelle (domos patrôos) était l’enjeu commun des deux frères qui n’ont finalement gagné, par leur mort, qu’une part du tombeau paternel (taphos patrôos) [36]. Étéocle avouait avoir été prévenu par des songes « prémonitoires » qu’il faudrait en venir au partage du patrimoine (patrôôn chrêmatôn) pourtant toujours refusé [37]. Ce qui joue nettement en défaveur de Polynice dans les jugements rendus par la postérité est le fait qu’il ait armé des étrangers contre Thèbes. Lui-même devenu gendre d’Adraste, le roi d’Argos, ne peut-il prétendre au trône argien ? Le caractère étranger des alliés de Polynice est souligné par le chœur à propos de la langue qu’ils emploient, dialecte différent du thébain [38]. Le conflit s’exacerbe donc autour des notions d’identité, d’appartenance, ressenties d’autant plus fortement qu’elles semblent indépassables : on ne parle qu’une langue, on a un seul père et une seule mère; de même doit-on n’avoir qu’une seule cité [39].

Les deux genres de la patris

10Ainsi, malgré les orientations guerrières opposées de Polynice et Étéocle, les deux personnages sont à égalité sur le plan de la sollicitation de la métaphore patriotique. Pour les deux la terre est celle des pères mais est aussi mère [40], particulièrement nourricière [41]. Les deux genres, masculin et féminin, servent à dire, ensemble, la cité. Lorsque le chœur évoque les divinités qui doivent protéger la ville, on y trouve des déesses et des dieux, soulignant également la conjonction des deux genres lorsqu’il s’agit de sauver la polis[42].

11Les femmes désespérées qui constituent le chœur en appellent à Zeus, Pallas Athéna, Poséidon, Arès, Aphrodite, Apollon Lycien, et Artémis, soit, après Zeus le souverain, des couples divins qui parlent de Thèbes et sa fondation (Arès/Aphrodite), de celle d’Athènes (Athéna/Poséidon) même si Athéna, dite aussi Onka, reçoit une épiclèse probablement phénicienne qui pourrait rattacher son culte à l’histoire de Thèbes, et d’Argos (Apollon Lycien évoqué avec sa sœur Artémis qui protège particulièrement un certain combattant de l’armée d’Adraste, Parthénopée) [43]. Nulle mention de Déméter, de Dionysos, ou d’Apollon Isménios, qui sont des divinités dont le culte est particulièrement attesté dans la cité. C’est bien l’origine de Thèbes, son identité civique, qui est en jeu et non telle pratique cultuelle de la ville. Les dieux thébains sont désignés comme les dieux de la race, du genos, terme qui renvoie à la centralité du sang, de la filiation, mais aussi comme des dieux enchôrioi, terme qui renvoie à l’enracinement plutôt qu’à une localisation sur le territoire [44]. Même les « dieux des campagnes » (pedionomoi, hapax construit sur pedion, la plaine) sont moins des dieux de la campagne que des représentations, dans le discours, des notions de terre, de fertilité et surtout d’appartenance à la terre. L’adjectif polissouchoi rappelle l’épiclèse cultuelle donnée à l’oikiste défunt devenu archégète dans la cité coloniale. Ce héros politique est alors enterré au centre de la ville et manifeste à la fois l’unité et la centralité de la nouvelle polis[45]. Les dieux, comme le fondateur d’une nouvelle cité, tiennent la cité, l’accrochent au territoire en un endroit précis, le centre civique pour le héros, et ici également l’agora où se dressent leurs statues.

12Les dieux de la fondation que le chœur invoque lorsque la cité est en danger sont particulièrement, à Thèbes, Arès et Cypris-Aphrodite. Arès est désigné comme un kêdestês, un parent, terme qui rappelle que la cité remonte à celui-là qui fut le premier possesseur de la terre [46]. Cypris est désignée comme la mère (promatôr) : elle est épouse d’Arès et mère d’Harmonie [47]. Du côté de l’origine du genos, des dieux donc, l’une mère, l’autre parent, comme si, contrairement à mêtêr, le vocable de patêr ne convenait qu’aux hommes, pas aux dieux. Ces dieux sont cependant conjointement associés à une fondation qui ressemble bien à un mariage entre la terre et les hommes [48].

13Si, pour dire l’origine, masculin et féminin s’épaulent mutuellement, lorsque la cité devient « ancestrale » ( ????? ? ), c’est bien du côté de la patra, ou patrê, la lignée patrilinéaire, qu’il faut chercher. La cité est désignée dans les Sept contre Thèbes comme Cadmou polis, cité de Cadmos, le fondateur politique, et est rattachée au genos d’Œdipe [49]. L’hé-ritage des pères c’est le « palais », la « maison des rois », le « patrimoine » [50], et le pouvoir que sa possession confère. Particulièrement à Thèbes, cet héritage est également celui d’une malédiction, l’ara paternelle, qui double l’égarement ou la faute ancestrale, l’atê, ainsi que le réalise Étéocle lorsqu’il apprend que son frère l’attend pour un combat singulier devant la septième porte [51]. Attachée aux pères donc, l’Erinye, celle de Laios, tué par son fils ou d’Œdipe maltraité par les siens [52], mais aussi celle d’Arès. Avec Polynice c’est Arès, traître au pacte conclu lors du mariage de Cadmos et d’Harmonie, qui vient ravager la ville de Cadmos comme pour venger le meurtre du dragon [53]. Derrière la malédiction ancestrale, il y a donc encore la terre, cet espace possédé qui se dit au féminin, hê gê ou gaia, qui est l’enjeu du combat au même titre que le patrimoine : les coursiers haletants des Argiens inondent la terre de leur écume, prêts à fertiliser d’une nouvelle race le sol de Thèbes. Le torrent ennemi qui déferle sur la plaine renvoie à l’image, souvent convoquée dans les tragédies attiques, de la cité constituée de la conjonction d’une terreet de l’eau des rivières ou des fleuves, car cette eau fertilise et engendre richesses pour les hommes et parfois les hommes eux-mêmes, qui se disent ainsi légitimes occupants du sol de la cité [54].

La fertilité thébaine et le poids de la métaphore maternelle

14La plaine thébaine, le pedion, évoque à la fois la fertilité bien connue de la chôra de Thèbes et autre chose que la réalité géographique de son territoire. Celui-ci est difficile à circonscrire à cause des multiples conflits qui ont opposé Thèbes et ses voisines et ainsi déplacé ses frontières, néanmoins la chôra historique des Thébains est associée à la plaine aonienne qui s’étend au nord de la ville, et qui devait plus ou moins être limitée par les monts Phagas, le Ptoion, le Sagmatas et le mont Soros. Au sud, la limite de la chôra a pu se situer sur la ligne de collines qui sépare la plaine de Thèbes de celle de l’Asopos, plus au sud, voire, sur l’Asopos lui-même [55]. Ce pedion, avec sa dimension de fertilité, est sollicité pour dire la maternité et la fonction nourricière de la terre de la cité [56]. À Thèbes, ce thème renvoie précisément au mythe de l’autochtonie des Spartes, ces guerriers gegeneis, c’est à dire nés du sol (Spartoi). Eschyle cite les deux «fils du Sillon épargnés par Arès », Mélanippe, désigné comme un « vrai enfant de la terre thébaine » (enchôrios) et Mégareus [57]. Or ce mythe, qui enracine très concrètement les hommes destinés à gouverner la cité dans les lieux qui légitiment leur pouvoir, se localise lui aussi dans l’espace urbain ou sur sa limite. Euripide assimile la source d’Arès à la source de Dirkê, au pied sud-ouest de la ville, alors que Pausanias penche plutôt pour l’Isménos, voire, ce n’est pas clair, pour la Strophia, au pied de la porte Elektra, soit au sud-est de la Cadmée [58]. La terre, instrumentalisée, emprunte au pedion sa fertilité, et contrairement à l’étendue de la chôra, se réfère au soubassement de la ville, à son ancrage.

15Au vers 477, Eschyle met en évidence l’intérêt d’une telle fonction maternelle accordée au lieu où s’exerce le pouvoir. Mégareus est envoyé se battre à la porte Néiste pour, s’il meurt, combler en vrai Sparte la terre de sa tropheia, cette dette de nourriture que tout enfant doit à ses parents [59]. Cependant, dès le prologue, Étéocle brouille les données de l’histoire thébaine en faisant comme si tous les citoyens, défenseurs aujourd’hui de la ville, étaient des descendants des Spartes, directement issus de la terre thébaine [60]. L’enjeu de ce mythe d’une naissance collective de la terre est de créer un lien moral entre les citoyens et le territoire de la cité : pour preuve la dette qui les lie désormais à cette terre. Le lien au sol n’est plus réservé à une aristocratie de « bien nés » mais partagé entre tous les habitants du territoire qui acquièrent la même identité « génétique » (de genos), pouvant leur suggérer d’ailleurs d’avoir autant de légitimité à posséder cette terre qu’un roi [61]. Mégareus qui, en vrai Sparte, entend payer sa dette à la terre maternelle, est un modèle pour tous les citoyens dont le sang versé sur le champ de bataille est aussi conçu comme une libation pour Arès, une offrande à ce premier possesseur de la terre [62]. Et pour comprendre cet élargissement de la notion de dette de certains Gegeneis à la communauté des citoyens, il faut songer à la signification de la liberté, eleutheria, pour les Athéniens. Dans les Sept, la terre libre (eleutheria) et la cité de Cadmos font couple (zugoisi). La liberté dans la terre c’est l’appartenance de la cité-lignée de Cadmos à cette terre, et à nulle autre, et réciproquement, comme si la cité elle-même avait surgi, libre, comme une pousse de son sol et en était la seule légitime occupante [63].

16S’agit-il donc seulement d’une dette morale ? L’exigence du combat pour la terre-mère tire son efficacité de la sollicitation des affects de chacun des citoyens, interpellé sur leurs fils (tekna) et les sentiments qu’ils peuvent éprouver pour une aimée (philtatê)[64]. La logique de la réciprocité du don (la vie donnée) impose le sacrifice de sa vie dans la mesure où la terre est conçue comme origine et réceptacle des fils : comme elle appartient aux fils devenus rois, ils lui appartiennent, elle qui est la source de leur légitimité royale. L’impossibilité de contourner l’obligation du don/contre-don lorsque la cité ne peut se penser autrement que comme un genos enraciné dans un lieu lui-même maternel, lieu de l’élaboration de l’identité individuelle et collective, transforme le lien du don en aliénation et la liberté eleutheria en immobilisme : c’est la totalité de l’individu dans son existence qui est redevable à l’espace où il vit, voilà sans doute le caractère tragique de la maternité de la terre dans Les Sept contre Thèbes, rendu plus tragique encore par le procédé d’individualisation des fonctions collectives.

17Car, comme le pouvoir s’incarnait dans une lignée patrilinéaire, la terre originelle, terre d’Arès, se double à Thèbes de la figure de Jocaste désignée comme la mère des deux frères [65]. Dans la tragédie, il est facile pour une femme de se métamorphoser en terre. Les exemples abondent (ailleurs aussi) d’une mise en parallèle du mariage, ou de la sexualité, avec l’agriculture, l’homme-laboureur « travaillant » sur la femme-champ [66]. Il s’agit, outre la fertilité/maternité, de développer l’idée de possession par les épousailles notamment dans leur dimension sexuelle. Le mariage avec le gendre était une pratique courante pour la noblesse de l’épopée, le futur roi épousant celle qui donnait accès au patrimoine de son père ou du roi défunt [67]. Dans ce schéma l’épouse est l’incarnation du territoire possédé. Cherchant à rentrer dans sa patris gaia, sa terre patrie, car tel est son destin maintes fois répété aux auditeurs [68], ce n’est pas en retrouvant le sol de son île, au chant 13, qu’Ulysse est arrivé au terme de son aventure. Il faut encore, non seulement qu’il rentre en ville, dans son palais, mais surtout qu’il reconquière Pénélope dans son lit. Et ce lit est justement une souche d’olivier enracinée et indéracinable, comme le souligne Ulysse pour Pénélope lorsqu’elle feint, pour le confondre, d’avoir déplacé le lit conjugal (chant 23). La possession de la femme-champ permet d’obtenir, parce que c’est une reine, la souveraineté territoriale qui s’étend hors des limites du lit, de la chambre, ou du palais, sur les campagnes alentour [69]. À Thèbes c’est le rôle d’Harmonie, fille d’Arès, de transmettre la souveraineté sur un territoire, certes une première fois conquis par le meurtre du dragon, mais cette fois accordé pacifiquement par le mariage [70]. Jocaste, en étant de la lignée des Spartes (par son aïeul Echion), remplit aussi cette fonction, ce qui n’empêche que l’histoire des Labdacides soit aussi celle d’un héritage des pères : Cadmos, Polydoros, Laïos, Œdipe. Le corps de Jocaste est ici métonymie de la terre, dans sa chair labourée par le roi, et du territoire, dans la souveraineté légitimée par son appartenance à la terre.

Le sens athénien de l’exception thébaine

18Alors, l’exception thébaine – mythe des Spartoi, genos maudit – ferait-elle écran pour les Athéniens ? La tragédie les enverrait-elle dans un monde imaginaire et impensable ? La tragédie en traitant de la polis comme si elle était un oikos et plus précisément un genos, pense les liens sur le mode socio-biologique de la naissance et de la filiation [71]. Le pouvoir y est une affaire de fils et de pères : le héros est prince, fils de roi, ou roi. Le palais, lieu où s’exerce le pouvoir, est dans la ville, l’acropole. Que ce pouvoir s’exerce aussi sur l’agora, comme on le constate pour l’Étéocle des Sept, est le signe du glissement possible de la figure du prince-roi à celle du citoyen. La ville est alors non le lieu sur lequel s’exerce le pouvoir mais le lieu à partir duquel le pouvoir s’exerce, le lieu dans lequel il peut trouver une légitimité, en tyrannie comme en démocratie. Si bien qu’il me semble que le cadre de la tyrannie, celui dont use la tragédie et bien qu’honni par les Athéniens, n’est pas un décor exotique ni le symptôme d’un souci historicisant des auteurs qui inscrivent leurs histoires dans un passé lointain, mais bien le lieu, imaginé, où l’on peut penser l’exercice du pouvoir de façon individuelle. Le citoyen peut, grâce à la tragédie, se prendre pour un tyran, c’est-à-dire un monarque, celui qui exerce seul le pouvoir. Le citoyen est ainsi amené à réfléchir sur la légitimité de ses propres décisions, même prises collectivement, et peut-être surtout, plus qu’à réfléchir, à vivre, le temps de la représentation, les émotions du tyran ou de celui qui s’y oppose dans la même solitude [72].

19L’expression de patris, ou de terre-mère (gê mêtêr), était utilisée à l’époque classique, hors de la tragédie, pour désigner la polis. Certes ce sont surtout les orateurs du IVe siècle, qui, dans les textes en prose, employaient ces termes [73], mais déjà avant eux, Hérodote, contemporain d’Eschyle. L’expression, il est vrai, oscille alors entre une signification de lignage patrilinéaire (c’est plutôt le sens du mot patra ou patrê) et le lieu d’enracinement de ce lignage, qui devient par extension la cité dans sa définition géographique [74]. Chez Thucydide, le doute domine sur la pertinence de l’invocation de la rhétorique patriotique pour stimuler les combattants citoyens, même si son efficacité peut être exceptionnellement notée. Le stratège athénien Nicias, en pleine déroute devant Syracuse, se mit, dit Thucydide, à exhorter chacun des triérarques avec ces mots « que l’on peut dire dans des circonstances aussi graves, quand on ne craint pas de rabâcher des lieux communs (archaiologein) au sujet des femmes, des enfants et des dieux paternels (theous patrôous), car ces appels, que l’on fait entendre à tout propos et en termes presque identiques, paraissent malgré tout utiles dans les moments d’angoisse » [75]. La fonction du discours patriotique est émotionnelle et correspond, me semble-t-il, à la performance que réalise la tragédie à chaque représentation : faire ressentir, grâce au cadre monarchique notamment, le lien à la cité comme un lien familial. L’usage de la métaphore du lignage (patra-patrê) pour parler de la communauté est effectivement bien plus compréhensible lorsque le pouvoir se concentre au sein d’un seul lignage, comme dans le cas des dynasties de la tragédie. Le genos royal permet d’amplifier, et de rendre individuelles, les émotions réclamées par la cité de façon collective et beaucoup plus métaphorique. Chaque citoyen est appelé à vivre son lien à la cité comme un lien à sa propre famille, sans pour autant qu’il soit à chaque fois nécessaire d’en tirer comme conséquence que tous les citoyens sont des frères [76].

20Thèbes, cité de la violence, trouve dans l’image de la ville encerclée par ses murs et de ce fait privée de chôra, une représentation idéale pour penser l’enracinement du genos et par extension de l’ensemble des citoyens, concitoyens de Cadmos. La terre patrie ou mêtêr paraît moins renvoyer à la campagne connue, même fertile, qu’à une fonction politique dont les aspects terrifiants se déploient à Thèbes grâce à la conjonction d’Arès et d’Apollon. Cité des pères et cité de la mère, ces deux appartenances indissociables construisent une communauté liée par le sang du genos et la légitimité sociale d’un héritage patrilinéaire, et par l’aliénation à une terre fertile et sanguinaire, celle d’Arès, qui donne des enfants pour en recevoir ensuite la vie. La Thèbes d’Eschyle donne ainsi une version tragique et exécrable de l’enracinement à une terre-mère qui ne produit un genos que pour en réclamer le sang en retour, version d’une politique refermée sur ses pères et son ancrage territorial, à l’image d’un genos incestueux, mais version qui renvoie les Athéniens à leur propre façon de vivre l’attachement à leur cité, toujours tentés qu’ils puissent être de se refermer sur eux-mêmes et sur l’Acropole [77].


Date de mise en ligne : 01/12/2008.

https://doi.org/10.3917/rhu.010.0009

Notes

  • [1]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, Paris, Les Belles Lettres, texte établi et traduit par Paul Mazon, en particulier vers 585 et vers 16.
  • [2]
    Hérodote, VII, 9.
  • [3]
    Voir en particulier le traitement très réaliste qu’en donne Victor Davis Hanson dans Le modèle occidental de la guerre, Paris, Belles Lettres, 1990 (éd. orig. 1989), notamment « L’hoplite et sa phalange : la guerre dans une société agraire », p. 55-70, complété par The Others Greeks : The Family Farm and the Agrarian Roots of Western Civilization, New York, The Free Press, 1995, p. 249. Sur les différentes stratégies de défense de la cité, axées sur le territoire ou sur la ville, la bibliographie est très abondante : il faut partir d’Yvon Garlan, Recherches de poliorcétique grecque, Paris, de Boccard, 1974 et d’Edouard Will, « Le territoire, le ville et la poliorcétique grecque », Revue Historique, 253,1975, p. 297-318. Christel Mü ller en a dressé un bilan historiographique dans « La défense du territoire civique : stratégies et organisation spatiale », dans Francis Prost (édité par), Armées et sociétés en Grèce classique, Paris, Errance, 1999, p. 16-33.
  • [4]
    On pense évidemment à Troie, mais Thucydide rapporte aussi pour le Ve siècle des prises de villes qui n’ont pas été précédées de guerres territoriales : ainsi Platées, II, 1,1-6. Sur la datation des fortifications urbaines : Frederick Elliot Winter, Greek Fortifications, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1971, qui discute d’Athènes p. 63-64 et p. 108; Jean-Pierre Adam, L’architecture militaire grecque, Paris, Picard, 1982; Anthony Snodgrass, « The historical significance of fortification in Archaic Greece », dans Pierre Leriche et Henri Tréziny (édité par), La fortification dans l’histoire du monde grec, Actes du colloque international de Valbonne, décembre 1982, Paris, Ed. du CNRS, 1986.
  • [5]
    Nicole Loraux, Les Enfants d’Athéna, Paris, La Découverte, 1981, p. 42, n. 34, souligne le rôle de l’espace urbain dans la symbolique de l’autochtonie, qui est centrale dans la pensée de la patris/ matris. Le dossier des rapports ville/territoire dans la polis est énorme. Quelques ouvrages permettent de distinguer les thématiques essentielles de l’historiographie contemporaine : celui de François de Polignac, La naissance de la cité grecque, Paris, La Découverte, 1984, rééd. 1995, qui souligne les interactions nombreuses entre la ville et le territoire, tout en renvoyant Athènes avec sa centralité acropolitaine dans la marginalité de l’exceptionnel (not. p. 102-105). Les dynamiques des rapports ville/territoire ont depuis été particulièrement explorées dans les mondes coloniaux et dans les mondes archaïques : voir, par exemple, Ian Morris, « The early polis as city and state », dans John Rich et Andrew Wallace-Hadrill (édité par), City and Country in the Ancient World, Londres, Routledge, 1991, p. 24-57 et Emanuele Greco, « La cité et le territoire », dans Giovanni Pugliese Carratelli (sous la direction de), Grecs en Occident, Milan, Bompiani, 1996, p. 233-242. Les études du Centre de recherche sur la polis de Copenhague réaffirment en revanche la place centrale de la ville : Mogens Herman Hansen, Polis et Cité-Etat, Paris, Belles Lettres, 2001, (éd. orig. 1998) p. 79-124 et M. H. Hansen (édité par), The Polis as an Urban Centre and as a Political Community, Symposium August 29-31,1996, Acts of the Copenhagen Polis Centre, vol. 4, Copenhagen, Munksgaard, 1997, notamment p. 17-25. Les différences entre mondes coloniaux et monde de Grèce propre ont cependant été, en matière d’occupation de l’espace et non de souveraineté, éclairées par Emanuele Greco et Dieter Mertens, « L’urbanisme dans la Grande Grèce », dans Giovanni Pugliese Carratelli (sous la direction de), Grecs en Occident, op. cit., p. 243-262.
  • [6]
    Sur la présentation de cette tétralogie, G. O. Hutchinson (édité par), Aeschylus, Septem contra Thebas, avec introduction et commentaire, Oxford, Clarendon Press, 1985, p. XVII-XXX.
  • [7]
    Albert Schachter, « The Theban Wars », Phoenix, 21,1967, p. 1-10. Les fouilles ont confirmé la destruction de la Cadmée, l’acropole thébaine, vers 1270, un peu avant la guerre de Troie.
  • [8]
    Reginald Pepys Winnington-Ingram, Studies in Aeschylus, Cambridge-London, Cambridge University Press, 1983, chap. 2 : « Septem contra Thebas », p.16-54 qui reprend ces différentes interprétations historicistes. Sur les difficultés que rencontre l’historien pour travailler à partir d’une tragédie grecque, prise comme « source », voir en dernier lieu Pierre Vidal-Naquet, Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique, Paris, Les Belles Lettres, 2002, notamment p. 9-51.
  • [9]
    Une quarantaine de fois Thèbes est désignée comme une ?? ???, trois fois comme ?? ???? ?? ???. Mais il faudrait ajouter à ces occurrences toutes celles qui désignent les habitants de la cité comme des ???????. Quatre fois la ville apparaît comme une ? ??? ou les gens de la ville comme des ? ????, dont une fois sous la forme ? ??? ???????? (v. 531 ).
  • [10]
    Sur le traitement des légendes thébaines, voir Francis Vian, Les Origines de Thèbes. Cadmos et les Spartes, Paris, 1963, et la thèse de doctorat, inédite, de Karine Mackowiak, Du Mythe et de l’histoire, La fondation thébaine de Kadmos, Strasbourg, juin 2001,2 vol. plus 1 vol. d’annexes, sous la direction de Françoise Dunand, Université Marc Bloch, Faculté des sciences historiques, histoire des religions.
  • [11]
    Howard Don Cameron, Studies on the Seven Against Thebes of Aeschylus, La Haye-Paris, Mouton, 1971, pour la connexion du mythe des Spartes et celui de la famille des Labdacides.
  • [12]
    Froma Zeitlin a développé l’idée de Thèbes comme un « négatif » d’Athènes dans « Thebes : Theater of Self and Society in Athenian Drama », dans John J. Winkler et Froma I. Zeitlin (édité par), Nothing to do with Dionysos ? Athenian Drama in its Social Context, Princeton, Princeton University Press, 1990, p. 130-167, p. 131 et 144-150.
  • [13]
    Thèbes désignée comme cité, terre, maison « paternelle » ( ?????? ?? ????? ? ) aux vers 582, 585,640,648,669,877 ; comme terre-mère ( ?? ??? ) aux vers 16,416,584.
  • [14]
    Pour ces indications de mise en scène voir Liana Lupas et Zoe Petre, Commentaire aux Sept contre Thèbes d’Eschyle, Paris-Bucarest, Les Belles Lettres-Editura Academiei, 1981, p. 5.
  • [15]
    L’attaque est portée contre les murs de Thèbes ( ?????? : racine ????-, v. 89,284,290), devant ses portes ( ?? ??? : v. 30,33,56,58,126,160,165,213,249,376,377,395,408,423,451,457,460, 462,476,486,500,502,525,527,538,557,570,615,631,714,797,799,956, sur les tours ( ?? ???? : v. 22,30,33,168,184,216,234,251,295,314,426,467,469,629,634,763,797,823,901 ) et aux créneaux ( ? ?? ????? : v. 30,158).
  • [16]
    Sarantis Symeonoglou, The Topography of Thebes from the Bronze Age to Modern Times, Princeton, Princeton University Press, 1985, fig. 2.13 p. 61 ; fig. 3.5 p. 106 et fig. 3.6 p. 115.
  • [17]
    Les murs de la Cadmée, même à l’époque classique, pouvaient servir d’abri pour toute la population thébaine. Les grands murs, englobant une aire de 328 ha, devaient permettre le refuge de quelque 100 000 personnes alors que Thèbes pourrait au maximum, dit-on, avoir atteint 25 000 personnes. Ces murs immenses sont peut-être liés à l’organisation en district dans le cadre du koinon béotien (S. Symeonoglou, The Topography, op. cit., p. 117 et suivantes.)
  • [18]
    S. Syméonoglou, The Topography, op. cit., p. 10 et site 53, p. 257.
  • [19]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, vers 191 et 221.
  • [20]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 232 : ???ñ ? ??? ?? ???? ???? ?? ???; v. 201 : ? ????.
  • [21]
    L. Lupas et Z. Petre, Commentaire, op. cit., p. 9-12, pointent les emplois de ? ?????? (v. 30 et 158) pour les créneaux, de ???????? (v. 32) pour la muraille, ou de ?? ??? (v. 32) pour la terrasse où se tiennent les défenseurs de la tour, termes qui s’appliquent couramment aux vaisseaux. Voir aussi pour cette métaphore de la cité comme navire, M. H. Hansen, Polis, op. cit., p. 80 et no 227, p. 247. Il est vrai que dans les Sept contre Thèbes, cette métaphore du vaisseau qui concerne d’abord la ville assiégée s’étend progressivement à la famille des Labdacides (William G. Thalmann, Dramatic Art in Aeschylus Seven Against Thebes, New Haven-Londres, Yale University Press, 1978, p. 34-38 et Jean Alaux, introduction à Eschyle, Sept contre Thèbes, Paris, Belles Lettres, 1997, p. 22 et commentaire au vers 690).
  • [22]
    Hérodote, VII, 143.
  • [23]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 1-3.
  • [24]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 71-72 et v. 247 : « la cité gémit du fond de son sol » ( ??? ??? ?? ????? ?? ??? ).
  • [25]
    L’interprétation traditionnelle (G. O. Hutchinson, Aeschylus, op. cit., p. XXXIII; Eschyle, Les Sept contre Thèbes, Paris, Belles Lettres, coll. C.U.F., notice de Paul Mazon, p. 106-107) voit en Étéocle l’illustration d’un juste combat, animé des valeurs patriotiques, en arguant notamment du fait qu’Eschyle développerait ici la version d’Hellanicos sur la guerre des deux frères. W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 20 et suivantes, montre au contraire que c’est un mécanisme de guerre où Étéocle et Polynice sont également impliqués et également (ir)responsables qui intéresse Eschyle.
  • [26]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 14-16.
  • [27]
    Au vers 28 les Argiens sont désignés comme des Achéens, terme de l’épopée pour désigner les Grecs assiégeant Troie. Le combat d’Hector était décrit comme un combat pour la défense (? ?? ??????) de la patris, dite patrê : Iliade, XII, 243 ; XV, 496; XXIV, 500.
  • [28]
    Louis Robert, É tudes épigraphiques et philologiques, Paris, Champion, 1938, p. 296-316, et Georges Daux, « Sur quelques inscriptions », Revue des Etudes Grecques, 84,1971, p. 350-383 : « Le serment des éphèbes athéniens », p. 370-383. Le débat sur le type de guerre, défensive ou offensive, que préconise le serment, est ouvert par Plutarque, Alcibiade, XV, 7-8.
  • [29]
    Sur le contexte des poèmes de Tyrtée, Bruno Gentili et Carolus Prato, Poetarum elegiacorum. Testimonia et Fragmenta, pars 1, Leipzig, Teubner, 1988, p. 6-19. Contrairement à ce contexte de conquête, le fragment 10.2 (West), cité par Lycurgue Contre Léocrate, 107, décrit bien une guerre pour la défense d’un certain style de vie attaché au pouvoir sur un lieu.
  • [30]
    Hérodote, VIII, 57,6.
  • [31]
    Hérodote, VIII, 61,3.
  • [32]
    Voir W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 20 et Jean Alaux, introduction à Eschyle, Sept contre Thèbes, op. cit., p. 25.
  • [33]
    Voir Eschyle, Sept contre Thèbes, vers 582 ( ?? ??? ????? ? ), v. 640 ( ????? ? ?? ), v. 648 ( ????? ? ?? ????? ); et le sol paternel au vers 668 ( ????? ? ??? ? ). C’est Amphiaraos, le devin argien, qui évoque au vers 585, comme cause du combat de Polynice, la ?????? ?? ????.
  • [34]
    Sur ce thème, voir la passionnante étude de Lucien Febvre, Honneur et Patrie. Une enquête sur le sentiment d’honneur et l’attachement à la patrie, Paris, Perrin, 1996, coll. Pocket, 2001.
  • [35]
    Jean Alaux, Sept contre Thèbes, op. cit., p. 70, n. 78, soutient l’authenticité du passage après Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros. Essai sur la scène centrale des Sept contre Thèbes », dans Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, tome II, Paris, La Découverte, 1986, p. 115-147, en part. p. 128, qui en signale la cohérence avec le reste de l’œuvre. Contra : W. G. Thalmann, Dramatic Art, op. cit., p. 147.
  • [36]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 877 et 914.
  • [37]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 711.
  • [38]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 170 : ? ?????? ?? ??????. Les Argiens parlent un dialecte dorien distinct de l’éolien des Thébains. Sur la faute de Polynice, l’introduction d’une armée étrangère contre sa ville, voir Sept contre Thèbes, v. 1019.
  • [39]
    Sur la langue comme critère d’appartenance collective, voir Hérodote I, 58 et VIII, 144; et plus ancien, Solon fr. 30,1-4, Gentili-Prato = Athenaion Politeia XII, 4.
  • [40]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 16,416.
  • [41]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 584.
  • [42]
    Notamment dans l’épilogue lorsque le héraut distingue les deux frères en fonction de leur attitude face aux sanctuaires ou aux dieux patrôoi (v. 1010 et 1018). Mais les dieux sont aussi dits de la race ? ??????? ou ????????? (vers 582 et 640).
  • [43]
    Apollon peut aussi désigner le Pythien, lui qui est à l’origine des malheurs des Labdacides.
  • [44]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 584
  • [45]
    Les pedionomoi, vers 271 ; les polissouchoi, poliouchoi ou poliachoi, vers 69,109,187,271, 312,822. Marcel Detienne, Apollon, le couteau à la main, Paris, 1998, part. p. 110-111. Irad Malkin, « Land ownership, Territorial Possession, Hero Cults, and Scholarly Theory », dans Ralph M. Rosen et Joseph Farnell (édité par), Nomodeiktes, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1993, p. 225-234, part. p. 231 ; et Irad Malkin, La Méditerranée spartiate, Paris, Les Belles Lettres, 1999 (éd. orig. 1994), p. 156 : « Après sa mort, le fondateur devenait le polissouchos, ou poliouchos, polis et ekhein. Le terme reflète le caractère local, policentrique, du culte du héros dans la Grèce archaïque, par opposition au caractère littéraire et panhellénique du héros de l’épopée. » Sur les dieux en général dans la polis : Susan E. Alcock et Robin Osborne (édité par), Placing the Gods, Oxford, Clarendon Press, 1996.
  • [46]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 136.
  • [47]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 140.
  • [48]
    Parmi les dieux c’est Zeus seul qui est désigné comme patêr : Hésiode, Théogonie, notamment vers 453-486. Sur l’asymétrie père/mère, voir les pages éclairantes d’Alice Pechriggl, Corps transfigurés. Stratifications de l’imaginaire des sexes/genres, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 2000, I, p. 169-270.
  • [49]
    Cadmou polis : v. 74,120,1075.
  • [50]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 582,640,648,668,711,877,914,946.
  • [51]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 653-719. Sur ce rôle de l’atê ancestrale, voir Froma I. Zeitlin, Under the Sign of the Shield : Semiotics and Aeschylus’ Seven Against Thebes, Rome, éd. dell’Ateneo, p. 17-22. Pour la compréhension de cette césure du texte et du personnage d’Étéocle, voir P. Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., passim.
  • [52]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 724 : ?????? ?????? ?.
  • [53]
    Le Messager décrit l’armée argienne conduite par Polynice comme menée par Arès : vers 39-68. F. I. Zeitlin voit également en Polynice Dionysos, exclu par Penthée de sa cité : « Thebes », art. cit., p. 136-137.
  • [54]
    Sur ce thème de la terre qui nourrit ( ??? ?? ) ou enfante ( ????? ), voir Eschyle, Choéphores, v. 127-128; Suppliantes, v. 250; Sept contre Thèbes, v. 413,416,474; Sophocle, Antigone, v. 332-340; Œdipe à Colone, v. 687-693 ; Euripide, Troyennes, v. 799; Suppliantes, v. 365 ; Phéniciennes, v. 280-282; Médée, v. 1332; Hélène, v. 87-88; Folie d’Héraclès, v. 793-794; Héraclides, v. 826-827 et 1405.
  • [55]
    Pour la description de la chôra des Thébains, John M. Fossey, Topography and population of Ancient Boiotia, vol. 1, Chicago, Ares Publishers, 1988 qui dessine ses limites p. 132, et y repère une quinzaine de sites p. 199.
  • [56]
    Voir la description que fait le chœur du sol thébain aux vers 304-311. Cette fonction maternelle de la terre permet certes de se passer des femmes de la cité, comme le recommande Étéocle. L’opposition du féminin et du masculin peut ainsi permettre de décrypter une pièce où la terre représente le féminin de ceux qui entendent se passer des femmes (Polynice et les Spartes) et Jocaste, la mère du genos œdipien, le féminin de ceux qui n’ont pas su, ou pu, s’en passer. Voir Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 138-147.
  • [57]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 412-413 et 473.
  • [58]
    Pour ces localisations voir S. Symeonoglou, The Topography, op. cit., p. 11 et site 273 p. 285.
  • [59]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 477 : ? ???? ? ??????? ????? ??? ?????. Thème qui sera repris et développé chez Euripide à travers le sacrifice de Ménécée, fils de Créon, dans les Phéniciennes, v. 936-941.
  • [60]
    Quelques sources considèrent les Spartes comme les ancêtres de tout le peuple thébain alors que les autres en font les ancêtres d’une seule partie des Thébains. Dans les Sept contre Thèbes, Eschyle associe les deux versions. Voir H. D. Cameron, Studies, op. cit., p. 18 n. 3.
  • [61]
    H. D. Cameron, Studies, op. cit., p. 95 : « The defenders of Thebes have the Earth as their mother not only in a patriotioc but also in a thoroughly litteral sense »; voir aussi le développement sur le thème de la gérotrophia ( ?????????? ????????? ?????????? ) p. 90-92. Du même, « The dept to Earth in the Seven against Thebes », Transactions of the American Philological Association, 95,1964, p. 1-8.
  • [62]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 244 : « Arès se repaît du sang des mortels », voir Iliade, V, 289.
  • [63]
    Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 74-75. Sur l’eleutheria comme ensouchée en terre, voir Emile Benveniste, Vocabulaire des institutions indo-européennes, I. Economie, parenté, société, Paris, 1969, p. 324; sur l’eleutheria solonienne, fr. 30,1-4, Gentili-Prato = Athenaion Politeia XII, 4; Eschyle, Sept contre Thèbes, v. 74-75.
  • [64]
    Nicole Loraux dans La voix endeuillée, Paris, Gallimard, 1999, a montré comment la tragédie apportait une dimension émotionnelle à la cité, souvent négligée par les historiens. Sur l’importance du lien de philia : Sept contre Thèbes, v. 107,173,419 et 902.
  • [65]
    Jocaste, É picaste chez Homère, devient le personnage central des Phéniciennes d’Euripide. Pierre Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 141, commente le vers 752-753 des Sept en montrant la fusion à Thèbes, et ici à propos de Polynice, de l’image de la terre et celle de Jocaste, voir aussi Sept contre Thèbes, vers 927-933.
  • [66]
    Nicole Loraux, « Pourquoi les mères grecques imitent, à ce qu’on dit, la terre ? », Nouvelle Revue de Psychanalyse, 45,1992, p. 161-172. Pour la mise en perspective de cette métaphore dans la pensée grecque voir Jean-Baptiste Bonnard, La Représentation du père dans la cité. Contribution à l’étude de l’imaginaire dans la Grèce archaïque et classique, thèse de doctorat de l’Université de Paris 1 –, Panthéon-Sorbonne (1998), Paris, chap. 3 : « La métaphore du sillon », à paraître aux Publications de la Sorbonne.
  • [67]
    Claudine Leduc, « Comment la donner en mariage » dans George Duby et Michelle Perrot, Histoire des femmes en Occident, vol. 1 : Pauline Schmitt Pantel (sous la direction de), L’Antiquité, Paris, Perrin, 2002 (1re éd. fr. Plon, 1991 ), p. 309-382, a apporté une contribution décisive à la compréhension de la fonction sociale et politique du mariage grec.
  • [68]
    Voir Homère, Odyssée, V, 42 pour la formule qui se répète tout au long de l’Odyssée.
  • [69]
    F. I. Zeitlin, « Thebes », art. cit., p. 166.
  • [70]
    Voir Jean Alaux, introduction à Eschyle, Les Sept contre Thèbes, op. cit., p. 28, n. 57 et le renvoi à Gregory Nagy, Le Meilleur des Achéens, Paris, Ed. du Seuil, 1994 (éd. orig. 1979), p. 344-347 pour l’étymologie du nom de la déesse.
  • [71]
    Sur le thème du lien familial dans la tragédie, voir le chapitre consacré à Etéocle et Polynice par Jean Alaux, Le liège et le filet. Filiation et lien familial dans la tragédie athénienne du Ve siècle av. J.-C., Paris, 1995, p. 73-111.
  • [72]
    Il n’y a pas lieu de prendre les personnages de la tragédie pour des personnes ou des caractères psychologiques réalistes (voir les mises en garde de P. Vidal-Naquet, « Les boucliers des héros », art. cit., p. 121 ), mais de voir, qu’à travers eux, c’est une mise en scène des émotions réelles qui est proposée.
  • [73]
    Notamment Lysias, Epitaphios, 17, mais les expressions se trouvent chez tous les orateurs : Nicole Loraux, L’Invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, Mouton, 1981.
  • [74]
    Hérodote, I, 150,2; 169,2; II, 115,7 ; 143,2; III, 36,12; 36,16; 75,6; 140,26; IV, 11,18; V, 91,14; VI, 76,9; 79,3 ; 109,27 ; 122,4; 124,3 ; 126; 128,3 ; 135,10; VII, 141,8; VIII, 57,6; 61,3 ; 79,14.
  • [75]
    Thucydide VII, 69,2, traduction de Denis Roussel, Paris, Gallimard, 2000, très légèrement modifiée.
  • [76]
    Ce que fait en revanche Platon dans la République, III, 414 e et le Ménéxène, 239 a. En revanche, il faut rappeler que c’est dans cette première moitié du Ve siècle que le mythe de la naissance autochtone du seul Erichthonios devient le mythe de la naissance autochtone de tous les Athéniens : Victor J. Rosivach, « Autochthony and the Athenians », Classical Quaterly, n.s., vol. 37, no 2,1987, p. 297-301.
  • [77]
    Hérodote, VII, 142-143 : certes le parti de Thémistocle l’emporte, mais il a fallu convaincre une partie des Athéniens, les plus réputés, qui désiraient défendre l’espace sacré et légendaire de la cité. Sur les deux façons de penser l’autochtonie, thébaine ou athénienne : Marcel Detienne, Comment être autochtone, Paris, Editions du Seuil, 2003.
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