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Article de revue

Le feu, la ville et le roi : l'incendie de la ville de Bourges en 1252

Pages 105 à 134

Notes

  • [1]
    Gérard Sivéry, L’économie du royaume de France au siècle de Saint Louis (vers 1180-vers 1315), Lille, 1984, p. 315.
  • [2]
    Journal d’un bourgeois de Paris, Paris, 1854, p. 196.
  • [3]
    Georges Duby (sous la direction de), Histoire de la France urbaine, t. 2 : La ville médiévale, Paris, 1980, p. 388.
  • [4]
    Pierre Salies, « Le grand incendie de Toulouse », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 30 (1964), p. 132-133, répertorie les sinistres de 1242,1257,1297,1303,1357,1400, 1408,1429 et 1442.
  • [5]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry, Bourges, 1689, I, p. 58.
  • [6]
    Gaspard Thaumas de La Thaumassière, Histoire, op. cit., I, p. 59-60, (23 juin 1252,1259,1353, 9 mai 1407,1463,8 mai 1467 ou 1468,22 juillet 1487); Louis Raynal, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Paris, 1844-1847, réédition, Paris, 1999, III, p. 106 et 157-161 (23 juin 1252,8 mai 1467 ou 1468,22 juillet 1487); Alphonse Buhot de Kersers, Histoire statistique monumentale du département du Cher, Bourges, 1883, p. 210 (1338); Hyppolite Boyer, « Histoire des corporations et confréries de la ville de Bourges », Mémoires de la Société Historique du Cher, 4e série, p. 23-44 (1909-1940), (1353) et « Splendeur et décadence du commerce à Bourges », Revue du Berry, 1864, p. 264-270 (22 juillet 1487).
  • [7]
    Ce sinistre a donné lieu à une étude collective, 1487 : la vieille ville en flammes. Cinquième centenaire du grand incendie de Bourges, Bourges, 1987, sous la direction de Philippe Goldman, qui évoque « Un précédent méconnu, l’incendie de 1252 » aux pages 5-7.
  • [8]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., II, p. 75.
  • [9]
    L’enquête n’est pas datée, mais elle fut nécessairement diligentée avant que ne surviennent la maladie puis le décès de la reine en novembre 1252, c’est-à-dire au plus tard dans les quatre mois qui suivirent le sinistre, ce dont témoigne une charte donnée en novembre de la même année faisant mention d’un furnum seu recensione domum. AD Cher, 8 G 955.
  • [10]
    Fille du roi Alphonse VIII de Castille et d’Aliénor d’Angleterre, Blanche née en 1188 épousa en 1200 Louis fils aîné et héritier de Philippe Auguste. À la mort prématurée de son époux, le roi Louis VIII, Blanche de Castille se vit confier le « bail et tutelle » de son fils de douze ans, le futur saint Louis, du royaume et de ses autres enfants jusqu’à ce que l’héritier du trône parvienne « à l’âge légal ». Elle exerça alors une première fois la fonction de « garde et tutelle », que les historiens ont appelé « régence » d’un terme qui n’apparaîtra qu’au XIVe siècle, fonction qu’elle assuma de nouveau entre le 25 août 1248, date du départ de Louis IX pour la croisade, et le 26 novembre 1252, date de sa propre mort. Sur cette question de la régence comme sur la personnalité de la reine, se reporter aux études suivantes : É lie Berger, Histoire de Blanche de Castille, Thèse Lettres, Paris, 1895; Gérard Sivéry, « L’équipe gouvernementale, Blanche de Castille et la succession de Louis VIII en 1226 », L’information historique, 1979, p. 203-211 ; Jacques Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996.
  • [11]
    La reine avait aussi consigne de poursuivre l’œuvre de reformatio regni, entamée par son fils à la veille de son départ pour la Terre sainte, en recueillant sous forme d’enquêtes les plaintes et doléances des administrés du domaine royal.
  • [12]
    Archives Nationales, J 626, no 147 ; une copie manuscrite de l’original se trouve aux AD du Cher, F, collection Charles Barbarin, 3 F 11. Le document renferme de nombreuses informations tant sur l’incendie lui-même (les zones sinistrées et leur poids démographique, l’ampleur des dégâts immobiliers, la capacité à reconstruire) que sur la ville de Bourges au milieu du XIIIe siècle (l’habitat, la répartition de la propriété immobilière et foncière, la diversité sociologique et professionnelle, les origines géographiques, la gamme des noms et des prénoms). Nous envisageons, dans un prochain article, d’éditer l’enquête et d’ouvrir le champ de nos réflexions à l’étude de la société et de l’onomastique.
  • [13]
    La reine, adoptant la procédure en usage dans les enquêtes de réformation du royaume, confia les charges d’enquêteurs « auditeurs » à des Frères mendiants, des franciscains, installés à Bourges depuis 1238 précisément dans le secteur de la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard qui fut épargnée par les flammes lors de l’incendie. Sur le rôle des franciscains dans l’entourage royal : Jacques Le Goff, Saint Louis, op. cit. Sur l’installation des Mendiants à Bourges : Guy Devailly, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe. É tude politique, religieuse, sociale et économique, Thèse d’É tat, Paris-La Haye, 1973, p. 480-481 et 554; Danielle Magnan, Olivier Ruffier, Archéologie urbaine à Bourges, Enclos des Jacobins, 1980; Antoine Gevry, Abrégé de l’histoire du couvent des Frères Prêcheurs de la ville de Bourges en Berry, écrit en 1696, publié par l’abbé Menu, Bourges, 1877.
  • [14]
    La mise en place chronologique et topographique du cadre paroissial berruyer n’est pas précisément connue. Seule certitude, la division en une quinzaine de paroisses se fit entre 1100 et 1250, et sans doute essentiellement entre 1150 et 1200. L’église Saint-Médard, sous le patronage de l’abbaye Saint-Sulpice, apparaît en tant que paroisse en 1163, l’église Saint-Pierre-le-Guillard, possession de l’abbaye Saint-Hippolyte, en 1164, et celle de Saint-Pierre-le-Marché, construite en 1157 et relevant de l’abbaye Saint-Ambroix, est attestée en 1216. L’abbaye Saint-Ambroix devint centre paroissial sans doute dans les mêmes années que les paroisses limitrophes de Saint-Pierre-le-Guillard et de Saint-Médard, c’est-à -dire vers 1160-1165, mais n’apparaît en tant que telle qu’avec l’enquête de 1252. L’église Sainte-Croix, sinistrée mais recensée dans la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard, n’a semble-t-il pas encore acquis cette reconnaissance. Philippe Goldman, « Notes sur l’origine des paroisses de Bourges », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, 112 (1992), p. 3-17 ; Jacques Troadec, Bourges. Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Paris, 1996, p. 47-49. Les limites paroissiales que nous adoptons ont été définies à partir des limites de l’époque moderne et selon la méthode régressive pour l’étude : 1487, la vieille ville en flammes..., op. cit.
  • [15]
    Le terme latin domus désigne-t-il ici l’édifice (unité de construction) ou le logement (unité fonctionnelle d’habitation, en principe, monofamiliale) ? Rien ne l’indique. Mais on observe que nombreux sont ceux qui perdent des patrimoines composés de plusieurs « maisons », deux, trois, quatre et même plus.
  • [16]
    Le terme estagium, « étage », ne signifie pas obligatoirement habitation au-dessus du sol mais parfois petite maison individuelle, domuncula, ou logement sommaire, camera, dans un immeuble de rapport. C’est l’habitation du menu peuple dans les quartiers périphériques. La formulation n’est pas exceptionnelle à Bourges où nous avons relevé dans la paroisse Saint-Ambroix la présence d’unun estagium et de tertiam estagiosa : AD Cher, 12 H 25,1278; 12 H 146; 32,1282, et dans la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard celle de duobus parvis estagiis : AD Cher, 8 G 1897. Le terme est aussi utilisé à Paris. Raymond Cazelles, « Le Parisien au temps de saint Louis », dans Septième centenaire de la mort de Saint Louis. Actes des colloques de Royaumont et de Paris, 21-27 mai 1970, Paris, 1976, p. 102.
  • [17]
    Le rassemblement, sous le terme spécifique d’hospitium, d’un aussi grand nombre de logements interroge. Est-ce pour faire court, comme cela arrivait dans ce type d’enquête, ou pour distinguer un type de logement qui, soit par son statut d’appartenance, soit par son type de bâti, était différent des précédents ? La question reste posée.
  • [18]
    « In mense julii fuit magnus ignis in Tholosa... ubi secundum estimationem communem exepta media parte dictorum molendinorum 1147 hospitia penitus sunt combusta... » H. Dom., 145, cité par Pierre Salies, « Le grand incendie... », art. cit., p. 132-133.
  • [19]
    1487, La vieille ville en flammes..., op. cit., p. 25.
  • [20]
    Georges Duby (sous la direction de), Histoire de la France urbaine, op. cit., t. 2, p. 191.
  • [21]
    Elle fut intégrée au domaine capétien en 1101 sous le règne de Philippe Ier.
  • [22]
    Ferdinand Lot, Recherches sur la population (et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine), Paris, 1950, t. II, p. 73-74 et 78.
  • [23]
    Désormais on ne parla plus de cité, civitatis, mais de ville, villae, et les habitants libres des « bourgs » enfermés dans l’enceinte dite « de Philippe-Auguste » furent confondus sous le nom de cives avec les habitants libres de l’ancienne cité, dont ils partagèrent les privilèges de bourgeoisie en étant parfois désignés sous le nom commun de burgenses et homines Bituris manentes. Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions municipales de Bourges au Moyen Âge », Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, 47 (1936-1937), p. 32.
  • [24]
    La circonscription paroissiale restera d’ailleurs en concurrence avec la « cité » et avec les différents « bourgs », jusqu’à ce que soit mise en place la division par quartiers, un siècle plus tard, en 1356. Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions... », art. cit., p. 44.
  • [25]
    Ont été dépouillées dans le fonds des Archives départementales du Cher, les chartes des séries G et H couvrant le XIIIe siècle, et retenues les seules conventions (ventes, échanges, donations, fondations, testaments, accords, reconnaissances de cens) faisant apparaître un ou plusieurs édifices, soit un total de 103 chartes entre 1205 et 1299.
  • [26]
    Viennent ensuite : les coordonnées hydrographiques (7/10), marchandes (4/5), royales (3/3), topographiques (2/2) et un seul repère monumental, les arènes antiques (1 /1).
  • [27]
    « Fouages » par répartition proportionnelle aux fortunes (revenus et patrimoines). Conformément à une ordonnance de saint Louis datant du milieu du XIIIe siècle, le dénombrement des biens immobiliers devait procéder selon l’ordre topographique des paroisses. Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, 1723-1848, I, p. 291-293, cité par Jean Favier, Finance et fiscalité au bas Moyen Âge, Paris, 1971, p. 193-194.
  • [28]
    « Festages » par maisons. Le « festage » de 1363-1364 à Tours donne le nombre de faîtes dans chacune des onze paroisses de la ville. Bernard Chevalier, Tours, ville royale (1356-1520). Origine et développement d’une capitale à la fin du Moyen Âge, Paris, 1975, cité par Jean Coste, « L’institution paroissiale à la fin du Moyen  ge », Mélanges de l’É cole française de Rome, Moyen Âge et Temps Moderne, 96 (1984,1), p. 313.
  • [29]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60.
  • [30]
    Voir page 19, note 77.
  • [31]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60; Hiver, Journal de Jehan Glaumeau, Bourges, 1867, p. 91 ; Louis Raynal, Histoire du Berry, op. cit., III, p. 106 et 157-161 ; Hyppolite Boyer, « Histoire des corporations... », art. cit.
  • [32]
    En effet, la reine n’ayant pas réagi assez promptement à cette situation d’urgence, le mouvement prit de l’ampleur et les Pastoureaux purent, en toute impunité, ravager Orléans et mettre Bourges au pillage au début de l’été 1251.
  • [33]
    Voir l’ouvrage de Pierre Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l’histoire des variations climatiques de 1000 à 1425 d’après les sources narratives de l’Europe occidentale, Paris, 1987, et plus précisément le tableau X p. 779 et le diagramme 9 avec son commentaire p. 786-787.
  • [34]
    En 1353 « la moitié de la ville ayant été embrasée, un grand vent qui s’éleva, porta la flamme sur l’autre moitié qui fut aussi consumée »; en 1487 « le feu se prit durant Vêpres en la maison d’un menuisier... Il alloit sautant sur les toits des maisons, et embrasa presque en un instant la plus grande partie de la ville... »; en 1540 « vigile de saint Pierre, lorsque l’on faisoit quelques feux de joye, le vent porta quelques étincelles au même faubourg d’Auron... »; Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60.
  • [35]
    Jean Chaumeau, Histoire de Berry, Lyon, 1566, p. 152.
  • [36]
    Cette mitoyenneté apparaît de façon plus explicite encore dans le censier de Saint-É tiennedeBourges de 1283-1290 où, sur 19 jouxtes relevées, 7 d’entre elles sont traduites par l’expression « qui se tient ». AD Cher, 8 G 966,1283-1290.
  • [37]
    AD Cher, 8 G 31, octobre 1247.
  • [38]
    AD Cher, 14 G 13, janvier 1237 ; 8 G 955, novembre 1252; 8 G 19,1262; 8 G 1835, novembre 1289.
  • [39]
    Michel Pastoureau souligne cette omniprésence du bois «... objet de transactions de toutes natures, travaillé par de multiples artisans, présent partout, en tous lieux, en toutes circonstances... »; Michel Pastoureau, « Introduction à la symbolique médiévale du bois », dans J.-L. Biget, J. Boissière, J.-C. Hervé (éditeurs), Le bois et la ville du Moyen Âge au XXe siècle, Colloque organisé à Saint-Cloud les 18 et 19 novembre 1988, É cole Normale Supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, 1991, p. 254.
  • [40]
    AD Cher, 7 G 327, juin 1257. Sur cette utilisation : Philippe Lardin, « La place du bois dans les fortifications à la fin du Moyen  ge en Normandie orientale », dans Les enceintes urbaines ( XIIIe - XVIe siècle), 121e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Nice, 26-31 octobre 1996, Paris, 1999, p. 181-195.
  • [41]
    Jean Chaumeau, Histoire..., op. cit., p. 152.
  • [42]
    D. Claude, Topographie und Verfassung der Stä dte Bourges und Poitiers bis in das XI. Jahrundert, Historische Studien, t. 380, Lubeck-Hambourg, 1960.
  • [43]
    Mis en évidence par Olivier Ruffier lors de la fouille de sauvetage du collège Littré en 1987.
  • [44]
    Dans la France septentrionale et jusqu’à la fin du Moyen Âge les bardeaux constituèrent, avec le chaume, le matériau de prédilection pour la couverture, car le millier de bardeaux coûtait deux fois moins cher que le millier d’ardoises ou de tuiles, pour une capacité de recouvrement sensiblement comparable. M. de Bouard, « Note sur les matériaux de couverture utilisés en Normandie au Moyen  ge », Annales de Normandie, 15 (1965,3), p. 428.
  • [45]
    Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen, XIIe -XVIIIe siècles », Archéologie médiévale, 23 (1993), p. 190-191.
  • [46]
    AD Cher, H 1225, février 1226.
  • [47]
    Sur l’importance du bois dans l’architecture voir : J.-L. Biget, J. Boissière, J.-C. Hervé éditeurs, Le bois et la ville..., op. cit.; Le bois dans l’architecture. Actes du colloque de la Direction du patrimoine, Rouen, novembre 1993, Paris, 1995; Anne Prache, « Le bois dans l’architecture médiévale », Les Dossiers d’archéologie, 219 (déc. 1996), p. 54-62.
  • [48]
    AD Cher, 8 G 1874,1294.
  • [49]
    Dans ce cas précis, la mixité des matériaux renvoie à la technique spécifique du pan de bois qui se distingue de la construction sur simple ossature, non seulement par l’assemblage complexe et indéformable du carpentage, mais parce que celui-ci est isolé du sol par de la maçonnerie (les « sablières », sorte de dés de pierre, ou le « solier » soubassement maçonné) sur laquelle reposent les poteaux corniers, évitant ainsi qu’ils soient victimes de l’humidité et du pourrissement. À Rouen, une campagne systématique de datation entreprise par le centre d’archéologie médiévale de la ville a permis de démontrer la présence dés le XIIIe siècle (1210, 1240,1275) de plusieurs maisons à pan de bois. Consulter : L. Leboutet, « Datation par dendrochronologie d’une maison ancienne à Rouen », Annales de Normandie, 1982,2, p. 305-311. Pour le Val de Loire, une échelle de datation a été constituée. Voir : J.R. Plicher, « A 700 years dating chronology for northern France », British Archeological Reports, Oxford International Series, Application of tree-ring studies, current research in dendrochronology and related subjects, 333 (1987), p. 127-139.
  • [50]
    Benjamin Saint-Jean-Vitus, Maurice Seiller, « La construction de bois », dans Yves Esquieu, Jean Marie Pesez (sous la direction de), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, 1998, p. 78. Sur les maisons à pan de bois du Berry : Bernard Toulier, « La maison à pan de bois aux XVe et XVIe siècles dans quelques villes du Val-de-Loire et du Berry », Le bois et la ville, du Moyen Âge au XXe siècle, op. cit., p. 203-222; Les maisons en pan de bois de Bourges, Cher, textes d’Annie Chazelle, collection Images du Patrimoine, no 162, L’Inventaire, Orléans, 1997 ; Annie Chazelle, « Une maison en pan de bois... », art. cit., p. 87-92.
  • [51]
    À Rouen, Bernard Gauthiez a proposé de relier le développement de ce type constructif « bois-pierre », à partir de la deuxième moitié du XIIIe siècle, à l’autorité de la Commune, cette dernière luttant contre la construction en pierre susceptible d’opposer des limites matérielles pérennes à son pouvoir pour prôner la construction « bois-pierre » présentant l’avantage d’offrir, à côté d’un niveau économique non destructible (la cave en sous-sol et le cellier de pierre en rez-de-chaussée), un niveau résidentiel destructible (la salle en bois à l’étage), fragile et peu cher donc plus commodément soumis à la peine de l’« abattis de maison » (ou à son rachat) prévue dans les É tablissements de Rouen. Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 143.
  • [52]
    AD Cher, 8 H 59, mai 1282.
  • [53]
    AD Cher, 14 G 17, juillet 1269.
  • [54]
    Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 132.
  • [55]
    Christian Sapin, « Surprenante découverte d’une maison romane à Bourges », Archeologia, 75 (octobre 1974), p. 75.
  • [56]
    Ph. Labbe, « Chronicon Rotomagense », Nova bibliotheca manuscriptorum, Paris, 1657, cité par Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 132.
  • [57]
    AD Cher, 12 H 28,1299.
  • [58]
    Robert Gauchery, « Vieilles maisons », dans Congrès archéologique de France, XCIVe session, Bourges, 1931, Paris, 1932, p. 130-131.
  • [59]
    Expression utilisée dans les Lettres de Charles VIII données le 24 septembre 1487 pour encourager les habitants de Bourges à reconstruire. Bibliothèque Nationale, manuscrit no 20 580, p. 25 et copie AD Cher, 2 F 592.
  • [60]
    AD Cher, 7 G 308,1274.
  • [61]
    AD Cher, 8 G 19,1262, février 1263 ; 7 G 405,1270.
  • [62]
    On ne disposera d’eau abondante et sous pression qu’à l’extrême fin de l’époque moderne.
  • [63]
    La durée du sinistre fait partie des inconnues, tout comme l’heure à laquelle il s’est déclaré. Ce dernier détail n’est pas sans importance car un incendie déclaré la nuit, surprenant les gens dans leur sommeil, paniquant la population et rendant la lutte extrêmement difficile, se révélait particulièrement redoutable.
  • [64]
    Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 196.
  • [65]
    Patrimoine que l’enquête ne mentionne pas, tant dans les paroisses incendiées que dans celles épargnées.
  • [66]
    Quels étaient les critères qui présidaient à l’enregistrement en tant que « non potest », nous l’ignorons.
  • [67]
    26 déclarants pour 54 maisons ne donnent pas lieu à une estimation de reconstruction. Les déclarants étaient-ils indécis, en attente d’une expertise ou bien en désaccord avec celle-ci au moment de l’enquête ? Nous ne saurions le dire. On remarque simplement que parmi ces déclarants, 19 appartiennent à la paroisse Saint-Médard et que 7 sont des femmes.
  • [68]
    À titre d’exemple, lors de la reconstruction de Saint-Amand, l’approvisionnement en bois de charpente entre août 1424 et mai 1425 nécessita l’abattage de 1287 chênes de quatre ans, 660 de trois ans, 367 de deux ans, tandis que 190 petits arbres fournissaient le bois blanc. Henri Platelle, « La reconstruction d’une ville... », art. cit., p. 244.
  • [69]
    Guy Devailly, Le Berry..., op. cit., p. 553.
  • [70]
    Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions... », art. cit., p. 43.
  • [71]
    À Toulouse, à la suite du grand incendie de 1360, des sociétés de ce type se constituèrent. Voir Pierre Salies : « Le grand incendie de Toulouse... », art. cit., p. 133.
  • [72]
    AD Cher, 8 G 31, octobre 1247.
  • [73]
    AD Cher, 8 G 355, juillet 1253.
  • [74]
    À titre de comparaison, les chartes retenues se répartissent sur le siècle de la façon suivante : décennie 1200-1209 : 3 chartes; 1210-1219 : 7 ; 1220-1229 : 8; 1230-1239 : 21 ; 1240-1249 : 7 ; 1250-1259 : 22; 1260-1269 : 12; 1270-1279 : 10; 1280-1289 : 11 ; 1290-1299 : 7.
  • [75]
    AD Cher, 8 G 1869, août 1260; 7 G 308,1274; 12 H 32,1282.
  • [76]
    Sur les 14 « places » restantes on en compte 2 dans la nouvelle ville, 8 dans la cité et 4 sans localisation. La répartition globale laisse donc apparaître trois fois plus de « places » dans la nouvelle ville (24) que dans la cité (8).
  • [77]
    Dans cette hypothèse, le document rapportant les résultats de l’enquête serait incomplet et les ravages de l’incendie plus étendus. Aux indices concernant la paroisse Saint-Fulgent, on peut ajouter la mention de dégâts provoqués par le feu relevée dans une charte de 1253 concernant l’église Saint-Jean-des-Champs. 1487 : la vieille ville en flammes, op. cit., p. 6.
  • [78]
    Olivier Ruffier, Michel Philippe, Pascal Joyeux, « L’îlot Cujas à Bourges : archéologie et histoire d’un espace urbain », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, 128 (décembre 1996), p. 21.
  • [79]
    La brève présentation des paroisses sinistrées en 1252 a fait apparaître le patronage de trois abbayes importantes à l’ouest et au nord de Bourges : Saint-Hippolyte-sur-Saint-Pierre-le-Guillard, Saint-Sulpice-sur-Saint-Médard et Saint-Ambroix-sur-Saint-Pierre-le-Marché. Ce patronage organisait le partage de l’autorité spirituelle et économique des grands établissements monastiques sur les quartiers neufs de cette partie de la ville.
  • [80]
    Ce bilan, en l’absence de documents d’archives et de travaux historiques complémentaires sur la topographie des bourgs et des paroisses de la nouvelle ville au XIIIe siècle, tente, à partir des données de l’enquête et des chartes retenues, d’évaluer l’état de développement des paroisses considérées au moment de l’incendie (ampleur des dégâts et nombre des déclarants) et leur faculté de redressement (nombre de postest et de non potest, patrimoines importants et familiaux, activité immobilière). Consciente que les résultats présentés sont à mettre au conditionnel, nous renvoyons le lecteur à nos travaux ultérieurs qui tenteront d’étayer et d’éprouver ces premières conclusions.
  • [81]
    Précisons que ces « regroupements familiaux » ont été constitués à partir des liens de parenté explicites puis élargis à l’usage des patronymes identiques. Ils ne réunissent donc pas uniquement des « familles » par le sang et l’alliance mais des ensembles patronymiques plus larges.
  • [82]
    AD Cher, vente, 14 G 214,1257 ; cens, 8 G 1869,1260; cens, 8 G 1674,1260; cens, 7 H 16 no 19,1263 ; donation, 12 H 32,1282; cens, 8 G 1897,1282; donation, 8 G 1869,1293 ; vente, 8 G 1674,1294; testament, 7 G 576,1298.
  • [83]
    AD Cher, échange, 8 G 1817,1252; vente, 8 G 1609,1256; 8 G 1829,1256; vente, 8 G 1874, 1265 ; donation, 8 G 355,1279; cens, 8 G 1609,1286; cens, 8 G 1835,1289; vente, 8 G 1817,1289.
  • [84]
    AD Cher, vente, 8 G 355,1252; échange, 12 H 25 no 3,1278; vente, 12 H 29 no 1,1282; vente, 12 H 25,1288.
  • [85]
    AD Cher, cens, 8 G 955,1252; 8 G 955,1259; testament, 7 G 573,1272; vente, 8 G 955,1276; testament, 12 H 41,1296; fondation, 12 H 28,1299.
  • [86]
    AD Cher, testament, 7 G 325,1282; testament, 7 G 576,1285.
  • [87]
    Les coupables furent emprisonnés. À son retour, en 1254, le roi accepte de libérer les bourgeois incarcérés mais exige que les habitants répondent sur leurs biens de l’amende infligée à la ville et ordonne une enquête. Guy Devailly, Le Berry..., op. cit., p. 466; É mile Chénon, Les jours de Berry au Parlement de Paris de 1255 à 1328, Paris, 1919, t. 1, p. 2 et 9; Louis Raynal, Histoire du Berry, op. cit., 2, p. 329; Claude Beugnot, Les Olim ou registres des arrêts rendus par la cour du roi sous les règnes de saint Louis, Paris, 1839-1848, t. 1, p. 436, no XII.
  • [88]
    Seules quelques mesures furent prises. Il semblerait qu’« En 1254, fut institué à Paris le guetbourgeois, assuré par divers corps de métier... Le tocsin alertait les habitants désignés qui devaient combattre l’incendie et faire la part du feu »; René Crumois, « Les incendies », Encyclopdia Universalis, t. 11, p. 1041. Voir l’édition critique de l’Ordonnance sur le guet-bourgeois de Paris de 1254 et les réserves de M. Garsonnin, Le guet et les compagnies du guet d’Orléans. É tude historique précédée de notes sur le guet de Paris, Orléans, 1898, p. 11-18 et 123-128. On sait aussi que les « É tablissements de Saint Louis » condamnaient les incendiaires à avoir les yeux crevés.
  • [89]
    Cette façon de procéder apparaît en tout état de cause après 1383, date du rétablissement de la gabelle. Dans Jean-Claude Hocquet, Le roi, le marchand et le sel, Actes de la table ronde L’impôt du sel en Europe. XIIIe -XVIIIe siècle, Saline Royale d’Arc-et-Senans, 23-25 septembre 1986, Lille, 1987, voir les contributions de Bernard Chevalier, « Aux origines de la ferme. Les villes et le monopole d’approvisionnement des greniers à sel (fin XIVe – milieu XVIe siècle) », p. 133-149, et de Jean-Claude Hocquet, « Le roi, le marchand et le sel », op. cit., p. 349.
  • [90]
    Archives Communales de Bourges, série CC, impositions foraines, liasse 129; série CC, procès de la ville avec les fermiers des aides, liasse 132.
  • [91]
    BN, manuscrit no 20580, p. 25 ; copie : AD Cher, 2 F 592.
  • [92]
    Bernard Chevalier, « Aux origines de la ferme... », art. cit.
  • [93]
    Maurice Bastide, « Un exemple de reconstruction... », art. cit., p. 12. De même en 1533, à la suite d’une requête de la population de Montargis demandant la prolongation des affranchissements obtenus après l’incendie du 15 juillet 1526, François Ier diligente une enquête auprès du bailli pour juger de l’opportunité de « continuer lesditz affranchissemens et octroy jusques à aultre temps de dix ans, dedans lequel ils ont intencion et bon vouloir parachever ladite réédification » et demande qu’en soit informé son grand Conseil. Henri Stein, « Procès-verbal d’enquête sur l’incendie de Montargis du 15 juillet 1525 », Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 8 (1890), p. 111-112.
  • [94]
    En remplacement du prieuré Notre-Dame de la Comtale, lieu de réunion des édiles et dépôt des archives de la ville, détruit dans le brasier. Jacquet de Porsigny, maître d’œuvre, reçu commande en 1488 et livra en 1489 le nouvel hôtel d’échevinage de style gothique flamboyant, dans lequel « s’affirmait sans équivoque la volonté de la bonne bourgeoisie berruyère, alors au faîte de sa richesse et de sa puissance, de se faire respecter... », É mile Mesle, Histoire de Bourges, Roanne, 1988, p. 143, et l’introduction de Jean-Yves Ribault dans l’opuscule présentant le Musée Estève-Hôtel des É chevins.

Introduction

1« Chaque génération d’hommes a son lot d’épreuves et de joies. L’histoire se doit de les décrire [1]. » Or, parmi les épreuves qu’ont endurées les hommes du Moyen Âge, les incendies urbains, par leur violence et l’ampleur de leurs répercussions sur le devenir des villes et de leurs sociétés, s’imposent comme des événements majeurs du fait urbain.

2Les chroniques et les journaux qui nous ont conservé la mémoire de ces tragiques combustions au cours desquelles « la plus grand’part de la ville a esté mise à feu » [2] rapportent avec effroi l’anéantissement de plusieurs paroisses de Rouen en 1212, la disparition de Toulouse consumée quinze jours durant en mai 1463 et la destruction de Troyes en 1524. Ils dé-nombrent aussi ces embrasements moins étendus mais dramatiquement récurrents qui enflammèrent Rouen à six reprises entre 1200 et 1225 [3] et Toulouse à neuf reprises entre 1242 et 1442 [4]. Récurrence alarmante mais largement sous-évaluée puisqu’une majorité d’incendies et de départs de feu n’apparaissent pas dans nos sources, soit parce qu’ils n’ont pas suscité de traces écrites (chroniques, dédommagements, enquêtes, procès...), soit parce que leurs archives elles-mêmes ont disparu dans les flammes d’incendies postérieurs.

3Or, selon Thaumas de la Thaumassière « il y a peu de villes dans le Royaume qui ayent si souvent été affligées de feu, et ruinées par les incendies que celle de Bourges » [5]. De fait, si l’on s’en tient aux trois derniers siècles du Moyen Âge, ce sont pas moins de huit combustions qui ravagè-rent obstinément la ville, depuis la catastrophe du 23 juin 1252, les sinistres de 1259, de 1338 et 1353, de 1407,1463 et 1467 [6] jusqu’à l’incendie dévastateur du 22 juillet 1487 [7] qui fut sans doute le plus violent et le plus destructeur de tous, puisqu’il a anéanti plus d’un tiers de la ville, la quasi-totalité de ses quartiers industrieux et l’essentiel des archives municipales.

4L’incendie de 1252, premier embrasement berruyer à être documenté, nous offre l’opportunité de mesurer précisément l’impact de ce terrible fléau urbain. Après avoir souligné le rôle aggravant de l’environnement, nous tenterons d’évaluer l’ampleur des dégâts, d’apprécier la durée de la reconstruction et d’évoquer, en conclusion, la gestion royale des grands sinistres urbains à partir du XVe siècle.

Le feu

5Le 23 juin 1252 la ville de Bourges s’embrasait. Quelques jours plus tard son archevêque, Philippe Berruyer, visitant « comme primat la province de Bordeaux... reçut les tristes nouvelles du déplorable incendie » [8] qui avait affligé la ville. Est-ce l’archevêque – il était alors membre du Conseil royal – qui fit avertir promptement la régente ou bien est-ce la ville de Bourges qui prit l’initiative de faire porter la nouvelle de son malheur jusqu’à elle ? L’information dut être suffisamment sérieuse pour que la reine Blanche de Castille – en charge du royaume – diligentât de toute urgence une enquête [9] afin de prendre la mesure du désastre. On se souvient que le 12 juin 1248, quelques semaines avant son départ pour la croisade, saint Louis avait confié à sa mère [10] la garde du royaume en son absence et le plein pouvoir d’en traiter les affaires. Incomba dès lors à la reine, la gestion des finances, du domaine et des villes ainsi que la résolution des situations d’urgence avec mission de sauvegarder « le profit commun ». C’est donc en son nom que sont diligentées la plupart des enquêtes [11] qui, en l’absence du roi, sont portées devant le Parlement et les juridictions royales, et il en est ainsi pour l’enquête de 1252.

6L’enquête [12], transcrite sur un rouleau de parchemin de 120 cm de long et 15,5 cm de large composé de trois feuillets de format irrégulier reliés entre eux par un lien, compte 189 lignes d’une écriture régulière mais peu soignée à l’encre noire. Rédigée en latin, elle est ponctuée de nombreuses abréviations, de rares ajouts entre les lignes et de quelques ratures. Les item n’occasionnent pas de renvoi à la ligne et la droite du texte ne comporte ni justification ni marge. Le document est bref, sec et laconique, peut-être même tronqué car il ne comporte aucune formule finale, ni souscription, ni lieu, ni date. Après un court préambule mentionnant la décision de la reine et l’objet de l’information (inquisitio facta de mandato domine regine super combustione ville bituricensis), énonçant les titres et qualités des enquêteurs (per manum nostram et gardiani et magistri fratrum minorum bituricensium)[13], et la présence de témoins (Capellanus parochie Sancti Medardi Bituricensis et Benedictus Artaudi et Gilbertus Torti parrochiani dicte parrochie juramento prestito corporali dixerunt) eux mêmes sinistrés dans la paroisse Saint-Médard, l’enquête reçoit les doléances des personnes ayant à déplorer la perte d’un ou plusieurs biens immobiliers dans l’incendie, suivant quatre sections correspondant aux quatre paroisses sinistrées : Saint-Médard, Saint-Pierre-le-Marché, Saint-Pierre-le-Guillard et Saint-Ambroix [14]. Elle énumère pour chaque paroisse les noms des sinistrés, parfois leurs qualités et leur situation de famille, toujours leurs pertes immobilières en type et en nombre ainsi que leur capacité (potest) ou leur incapacité (non potest) à reconstruire. Au total, ce sont 249 déclarants qui se présentent devant les enquêteurs pour déplorer la perte de 459 maisons (domus)[15], de 13 logements (estagia)[16] et de 16 chesaux (casale), déclarations détaillées que les enquêteurs complètent d’autorité par 600 « habitations [17] » (hospitia) à raison de 300 dans la paroisse de Saint-Pierre-le-Marché et de 300 dans celle de Saint-Ambroix. Les pertes s’élèvent donc à 1 088 « logements » de types divers sans compter cinq bâtiments cultuels, les églises de Saint-Médard, Saint-Pierre-le-Marché, Sainte-Croix et Saint-Ambroix, auxquelles il faut ajouter une chapelle. Si l’on compare ces dégâts à ceux occasionnés par des combustions particulièrement destructrices comme celle de Toulouse en 1297 où 1 174 maisons disparurent dans les flammes [18], si l’on se souvient qu’à Bourges l’incendie de la Madeleine, en 1487, consuma entre 1 000 et 2 000 habitations et une douzaine d’églises [19], une constatation s’impose : l’embrasement de 1252 fut un sinistre de première grandeur. 1 088 « logements » qui peuvent abriter trois personnes par foyer « fumant », et c’est le chiffre global de plus de trois mille Berruyers victimes de l’embrasement qui s’impose à nous, ce qui dit la part de douleurs dans une ville qui comptait entre 10 000 et 15 000 habitants en ce milieu du XIIIe siècle [20]. Au regard de ces chiffres, nous comprenons mieux pourquoi la reine Blanche de Castille, garante du « bien commun », dépêcha en toute hâte ses enquêteurs auprès des sinistrés.

7À la date de l’incendie, Bourges, troisième ville du domaine royal [21] derrière Paris et Orléans, connaît une vive expansion. Sa puissante enceinte, érigée entre 1160 et 1190, a porté la superficie intra muros à 115 hectares [22] faisant entrer dans les droits de la cité [23] un vaste espace autour du castrum comprenant les bourgs et les abbayes de Saint-Ambroix, Saint-Fulgent et Saint-Ursin, encourageant la colonisation des nouveaux quartiers, dynamisant l’expansion démographique et précipitant le découpage paroissial qui terminait tout juste de se mettre en place au milieu du XIIIe siècle.

TABLEAU NO1

DÉ CLARANTS ET É DIFICES RECENSÉ S DANS L’ENQUÊ TE DE 1252

TABLEAU NO
TABLEAU NO 1 : DÉ CLARANTS ET É DIfiCES RECENSÉ S DANS L’ENQUÊ TE DE 1252 Paroisses Saint-Mé dard Saint-Pierre-le-Marché Saint-Pierre-le-Guillard Saint-Ambroix Total :4 paroisses Déclarants 85 79 34 51 249 dt. déclarants 83 76 32 44 227 pour des maisons Logements privés 201 448,5 55 386,5 1 088 dt. Domus 187 144,5 52 75,5 459 Estagia 13 13 Casale 1 4 3 11 16 Hospitia 300 300 600 É glises 1 2 1 1 5

DÉ CLARANTS ET É DIFICES RECENSÉ S DANS L’ENQUÊ TE DE 1252

8On note d’ailleurs qu’en raison de son inscription récente, le cadre paroissial n’est pas entré dans les usages berruyers [24]. C’est ainsi que les tabellions l’emploient encore rarement (8 paroisses mentionnées, sur les 15 en place, à 17 reprises seulement) pour situer l’objet d’une transaction [25], préférant recourir aux vocables identifiant la voirie (33 noms de rues à 55 reprises), à ceux renvoyant aux enceintes, aux tours et aux portes (10 sites distincts à 21 reprises) et aux dédicaces des édifices religieux (8 édifices différents à 18 reprises) [26]. Le recours au cadre paroissial pour structurer l’enquête, selon les normes utilisées pour organiser les recensions fiscales en vue d’asseoir l’assiette des « fouages » [27] ou des « festages » [28], laisse donc deviner, derrière le recensement des sinistrés et des sinistres, un objectif de nature fiscale et l’implication du Trésor dans la procédure. S’agissait-il de réévaluer les disponibilités de la ville de Bourges, de réviser sa part lors de prochaines tailles, de lui allouer quelques revenus fiscaux dans l’intérêt de la reconstruction ? Rien ne le dit. Mais l’ampleur du sinistre et l’importance de la ville sur l’échiquier royal permettent de l’envisager.

9Si l’on considère les données de l’enquête, circonscrites aux quatre paroisses de Saint-Médard, Saint-Pierre-le-Marché, Saint-Pierre-le-Guillard et Saint-Ambroix, le sinistre ravagea un large quart nord-ouest de la ville neuve entre enceinte antique et enceinte médiévale. Si l’on suit la tradition qui rapporte qu’« à la veille de Saint Jean Baptiste la ville fut affligée par un feu si horrible, qu’il ne laissa de reste que l’église cathédrale et une seule maison » [29] la ville tout entière fut détruite. Doit on déduire de ce catastrophisme peu réaliste qu’en prenant en compte quatre paroisses, sur les quinze que comptait la ville à cette date, l’enquête nous est parvenue incomplète ? Nous ne saurions le dire, mais certains indices laissent présumer que le feu ait pu porter la désolation au-delà des seuls secteurs recensés, et toucher d’autres paroisses de la ville neuve [30]. Or, si ces nouveaux quartiers présentaient un maillage encore lâche et une physionomie rurale, ils accueillaient néanmoins une importante infrastructure industrielle, l’essentielle de l’activité économique et une abondante population, comme en témoignent les chiffres élevés de déclarants et de domus produits par l’enquête elle-même.

10Au demeurant, cette localisation périphérique, loin d’être singulière, fut par la suite celle de tous les sinistres majeurs [31]. À dix reprises, en effet, au cours des XIVe, XVe et XVIe siècles, la nouvelle ville s’embrasa et les flammes ravagèrent obstinément sept paroisses sur les dix qu’elle comptait, alors qu’un seul incendie, débordant des faubourgs, affecta la cité à la fin du XVe siècle, n’endommageant que deux paroisses sur cinq. Cette localisation périphérique récurrente n’est vraisemblablement pas fortuite et on aimerait pouvoir apprécier sa portée.

11L’origine précise de l’incendie n’estpas mentionnée dans le préambule de l’enquête et aucun déclarant ne l’évoque. É tait-elle criminelle, liée à un acte de malveillance privée, ou peut-être à l’occupation de la ville par les Pastoureaux en 1251 ? Rien ne nous permet d’en juger, mais cette hypothèse pourrait expliquer l’empressement mis par la reine – qui avait quelque responsabilité dans la gestion trop tardive de cette embarrassante affaire [32] – à s’inquiéter du sort des Berruyers. É tait-elle accidentelle, due à un éclat de la foudre, à une imprudence professionnelle, à un incident domestique ou à un dérapage festif, c’est fort probable car c’est là qu’il faut chercher l’origine de la plupart des combustions dévastatrices que connut le Moyen Âge.

12Quand, au mépris de la prudence et de la vigilance, l’incendie s’était déclaré, il prenait fréquemment un tour dramatique, car les facteurs qui l’alimentaient, l’attisaient et le propageaient étaient trop nombreux et trop diffus pour être rapidement circonscrits. Un contexte climatique défavorable, avec périodes de sécheresse et/ou épisodes venteux, s’avérait particulièrement redoutable car il rendait tout départ de feu incontrôlable. Or au printemps 1252, et la coïncidence n’est sans doute pas fortuite, l’Europe du Nord-Ouest sortait d’un demi-siècle d’aridité et d’une décennie exceptionnellement sèche [33]. Quant aux vents d’ouest qui balayaient réguliè-rement la ville de Bourges, ils constituaient un redoutable agent de contagion que Thaumas de la Thaumassière implique dans trois sinistres calamiteux, l’embrasement de 1353, celui de la Madeleine, enfin l’incendie du 24 juin 1540 [34]. Jean Chaumeau, écrivant au XVIe siècle, insiste lui aussi sur ce contexte hostile quand il rapporte comment, le jour de la fête de la Madeleine « un grand et horrible feu... se print... et encore qu’on fit grande diligence à l’esteindre, il faisoit néantmointz si grand vent que la flamme voloit en plusieurs et divers lieux, tellement que tel secouroit un autre qui à son retour trouvoit sa maison bruslée » [35]. Aucune information comparable pour l’incendie de 1252. L’enquête montre simplement que les dégâts furent plus importants dans les paroisses situées au nord que dans celles situées à l’ouest. Maigre indice qui permet de proposer l’hypothèse selon laquelle le feu, épargnant la partie sud de la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard, ainsi que son église paroissiale et le couvent des Frères mineurs, se déclara dans sa partie nord puis, poussé par un vent soufflant sud-ouest/nord-est, se propagea en direction du nord de la ville, balayant la paroisse limitrophe de Saint-Médard dans sa partie la plus septentrionale, ravageant totalement celle de Saint-Pierre-le-Marché située sur la ligne de marche rapide du feu, pour finir sa course dans les marais après avoir consumé la paroisse Saint-Ambroix tout au nord de la ville.

TABLEAU NO2

LOCALISATION ET PÉ RIODICITÉ DES INCENDIES DANS LES PAROISSES DE LA NOUVELLE VILLE ET DANS LES PAROISSES DE LA CITÉ (XIIIe SIÈCLE – PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIe SIÈCLE)

TABLEAU NO
TABLEAU NO 2 : LOCALISATION ET PÉ RIODICITÉ DES INCENDIES DANS LES PAROISSES DE LA NOUVELLE VILLE ET DANS LES PAROISSES DE LA CITÉ (XIIIe SIÈCLE – PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIe SIÈCLE) Paroisses XIIIe XIVe XVe XVIe Paroisses de la nouvelle ville Saint-Pierre-le- 1252 1538 1540 Guillard et le faubourg d’Auron Saint-Médard 1252 1487 Ste-Croix 1252 1487 Saint-Pierre-le- 1252 Marché Saint-Ambroix 1252 Saint-Bonnet et 1353 1467 1508 1545 1556 place Gordaine Saint-Jean-des- 1467 1487 1552 1554 Champs et quartier Bourbonnoux Saint-Ursin Paroisses de la cité N.D. de Montermoyen Saint-Hippolyte Saint-Outrillet N.D. du 1467 1487 Fourchaud ? Saint-Pierre-le- 1467 1487 Puellier ?

LOCALISATION ET PÉ RIODICITÉ DES INCENDIES DANS LES PAROISSES DE LA NOUVELLE VILLE ET DANS LES PAROISSES DE LA CITÉ (XIIIe SIÈCLE – PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIe SIÈCLE)

La ville

13Mais la ville elle-même constituait un puissant facteur de risque. Premier élément préjudiciable, la densité du bâti qui rapprochait dangereusement les toitures des maisons de part et d’autre des ruelles et ajointait de plus en plus souvent les édifices entre eux. À preuve, les immeubles recensés dans les 103 chartes constituant notre corpus dont 88 présentent un ou plusieurs confronts bâtis, parmi lesquels 54 s’élèvent entre deux parcelles bâties latérales et, dans cette configuration impliquant trois bâtiments adjacents, 46 se situent en bordure d’une voie de circulation. À preuve encore, les termes introduisant ces jouxtes qui attestent de la contiguïté sans cesse croissante du bâti. En effet, alors qu’au début du siècle, le terme domum employé seul (41 mentions entre 1205 et 1289) indique les confronts de maisons voisines mais non attenantes, on voit apparaître à partir de 1220 le terme inter (12 mentions entre 1220 et 1276) pour désigner les jouxtes concentrées en intérieur d’îlot, puis, en 1244, le terme iuxta (27 mentions entre 1244 et 1296) pour qualifier les mitoyennetés matériellement contiguës [36]. La ville avait donc atteint au milieu du XIIIe siècle, et singulièrement le long des voies de circulation, un seuil de densité suffisamment élevé pour déterminer la construction des édifices en ordre continu avec cette redoutable conséquence de précipiter la course des flammes. Cas de figure qu’illustre parfaitement un acte de 1247 révélant qu’une maison fut consumpta en raison d’un incendia igne pervenente ab alia domo[37] alors qu’elle était située d’un coté domum que fuit quondam Hugonis de Varziaco et de l’autre iuxta domum.

14Face à cette densité croissante du bâti, il semble que les nombreux fours construits en pleine ville aient été maintenus isolés. Ainsi, les fours des chapitres de la cathédrale (1262) et de Saint-Fulgent (1289) étaient-ils tenus à l’écart des constructions environnantes et le four de Saint-Ursin, dans le bourg très habité du même nom, était-il jouxté en 1237 par une maison et plus prudemment par une vigne. Mais il arrivait qu’aucun isolement ne soit garanti. C’est le cas du four de Rodolphe le Grand construit place du marché, détruit par l’incendie et recensé lors de l’enquête parmi les decem et octo domos de son propriétaire, qui apparaît dans un acte de novembre 1252 [38] furnum seu recensione domum jouxté par deux « places », deux parcelles incendiées et ruinées elles aussi, mais vraisemblablement occupées avant le sinistre par des constructions si ce n’est par des maisons d’habitation. Or, l’importance des matériaux inflammables dans la ville aurait dû inciter à plus de prudence. Le bois surtout qui, comme dans toutes les villes du nord-ouest de l’Europe, était omniprésent [39]. On le rencontrait aux portes de la ville, aux ponts, pontons, remparts et palissades iuxta fossata turris... usque ad barbacanam ligneam[40]. Il s’amoncelait en grandes quantités sur les chantiers, dans les réserves des fours et des ateliers, et il n’est pas étonnant qu’en 1487 le feu « se print en la maison d’un poure menuisier en la rue Saint-Sulpice... » [41]. S’y ajoutaient les réserves domestiques de bûches et de fagots, le mobilier, la majorité des ustensiles ménagers et professionnels ainsi que la structure et la couverture de la plupart des habitations.

15L’enquête ne donne pas le descriptif des biens sinistrés. Et l’emploi par les enquêteurs du terme générique domus comme de celui, plus collectif encore, d’hospitium pour recenser les habitations des déclarants, prive l’historien de précieuses informations sur la nature du bâti. Exceptionnellement, peut-être à la demande des déclarants eux-mêmes, le document décrit plus précisément tredecim estagia, et novem edificamenta dans la paroisse Saint-Médard, tres magnas domos dans la paroisse Saint-Pierre-le-Marché et quindecim domos tam lapideas quam ligneas dans celle de Saint-Ambroix, mais cela reste maigre.

16Pour autant, plusieurs indices vont dans le sens d’une grande majorité de maisons construites entièrement en bois ou majoritairement en bois, ce qui expliquerait du même coup qu’il y ait eut autant d’édifices sinistrés. La tradition tout d’abord, qui suppose Bourges construite d’un grand nombre de maisons de bois et de torchis [42]; l’archéologie ensuite, qui a mis en évidence la présence de vestiges [43]; les chartes dont les données, quoique peu abondantes, autorisent l’analyse; la localisation de ces maisons enfin, dans une zone populaire de la ville constituée d’anciens faubourgs, de quartiers neufs rapidement lotis et de zones de précarité où l’on devait recourir de préférence à ce procédé moins onéreux.

17Le bois le plus souvent utilisé était le chêne, essence qui provenait des forêts de hautes futaies entourant la ville, au nord, au nord-ouest et au sud. Ce bois d’œuvre de qualité constituait la totalité du bâtiment dans les édifices en parois de planches, et jusqu’à 70 % du bâti dans les édifices dits « à ossature de bois », construits sur une armature de poteaux corniers montant de fonds jusqu’au niveau du comble, soutenant des parois constituées d’un clayonnage revêtu de torchis. Il entrait aussi dans la charpente, dans la toiture sous forme de bardeaux [44] en alternative au chaume, dans la réalisation des planchers, des cloisons, des huisseries, des portes et des escaliers. Ces maisons de bois s’apparentaient, pour la plupart, au type dit « de colonisation » [45] construit dans le cadre de lotissements puis reproduit par imitation. Elles présentaient un volume simple, une largeur de l’ordre de 3-4 mètres, un pignon et un seul étage. Un certain nombre d’entre-elles pouvaient être des « maisons doubles » comme ces duas domos contiguas du bourg Saint-Ambroix [46]. Toutes, enfin, étaient assorties de jardins, potagers ou vergers qui, entre autres fonctions, délimitaient des bandes coupe-feu à travers la matière densément boisée de la ville. Car malgré le danger potentiel qu’il repré-sentait, le bois, loin d’être délaissé, était massivement utilisé dans la construction [47]. Les raisons sont connues. Le maître d’œuvre, charpentier de métier, tirait parti des techniques de construction de plus en plus performantes et de la meilleure structuration de sa corporation pour imposer son art sur le marché. L’usager, de son côté, était demandeur, car il appréciait les qualités thermiques du bois, ses grandes possibilités de manipulation facilitant la construction rapide d’appentis et le remaniement des édifices en cas de besoin, son approvisionnement aisé et, bien sûr, son prix attractif.

18Certaines habitations, edificio seu bastimentum lignameum et lapideum[48], quoique largement construites en bois, disposaient d’un sous-sol, d’un soubassement [49] ou d’un mur latéral maçonné. Il est d’ailleurs probable qu’au cours du XIIIe siècle ces parties maçonnées aient pris de plus en plus d’importance, car l’option s’avérait prudente. Quelques bâtiments adoptaient la mixité horizontale, superposant une cave maçonnée en sous-sol, un épais solier [50] de pierre en rez-de-chaussée et une structure de bois en étage. Ce parti permettait à l’espace résidentiel – les salles à l’étage – d’être en bois pour ses qualités thermiques, esthé-tiques et symboliques plus adaptées, et à l’espace professionnel – la cave de stockage en sous-sol, une partie de l’atelier ou de la boutique en rezdechaussée – d’être construit en maçonnerie pour sa résistance à l’eau, à l’humidité, aux dégradations mais aussi aux flammes [51]. D’autres maisons privilégiaient la mixité verticale et disposaient de murs latéraux maçonnés de moellons à mortier de chaux, parfois sur toute leur hauteur, parfois mitoyens entre deux édifices, murus per medium[52], offrant dès lors une meilleure résistance à la compression mais avant tout à la propagation des incendies en remplissant le rôle de murs pare-feu. Les maisons de bois pouvaient, elles aussi, profiter de ces avantages quand, comme celles de Pierre Mataud, domo lapidea iuxta alias domos ligneas et domibus ligneis iuxta dictum domum lapideam[53], elles s’élevaient « contre » ou mieux encore « entre » des maisons de pierre.

19Car la ville n’était pas uniformément construite de maisons de bois ou de bois flanqué de pierre, et les mentions de bâtiments maçonnés, domum petrina, ou érigés en pierre, domum lapideam, en attestent. Aux huit mentions de maisons en pierre et aux dix-sept mentions d’éléments architecturaux maçonnés que nous avons pu relever, tant dans l’enquête que dans les chartes, s’ajoutent sept vestiges archéologiques provenant de maisons des XIIe et XIIIe siècles, dont six sont encore en élévation dans les rues de Bourges. Et ce total de 32 constructions en pierre (15 maisons et 17 éléments architecturaux) sous-estime très certainement la réalité que l’on peut évaluer, comme à Rouen à la même époque [54], à une centaine de maisons. Il est certain que ces maisons de pierre se rencontraient majoritairement dans la cité, ce qui explique sans doute que les départs de feu y aient été moins dangereux et les catastrophes bien souvent évitées.

20On perçoit à Bourges comme à Rouen, dans les années 1150-1160, un épanouissement de la construction en pierre [55]. Mais alors qu’à Rouen comme dans de nombreuses villes du royaume cette demande s’essouffle à l’approche du milieu du XIIIe siècle, on constate qu’à Bourges les mentions d’habitations en pierre augmentent très nettement pendant la deuxième partie du XIIIe siècle (5 seulement avant 1252,11 entre 1252 et 1279,9 entre 1280 et 1299). Le sinistre est probablement à l’origine de cette évolution discordante. Pour une part, en ayant fait disparaître de nombreux documents du début du siècle altérant les statistiques. Pour une part plus grande encore, en ayant dicté aux riches Berruyers, alarmés et prévoyants, de préférer à la mode du bois la sécurité du bâti de pierre. Bâti de pierre dont ils escomptaient, au prix fort, la sauvegarde de leurs biens dans l’implacable fournaise qui consumait tout « à l’exception des maisons de pierre, que le feu ne put dévorer » [56]. C’est donc très vraisemblablement un réflexe sécuritaire qui, longtemps après l’incendie de 1252, contribua à maintenir à Bourges une forte demande de construction en pierre, si possible à couverture de tuile comme en témoigne cette parvulam cameram cooperta de tegulam[57] du bourg Saint-Ursin, alors que partout ailleurs l’usage de la pierre reculait largement devant l’offensive du bois. Et c’est ce même réflexe, consécutif au désastre de la Madeleine, qui provoqua l’édification sur la façade côté jardin de certaines maisons, de petites annexes de pierres destinées à recevoir les objets précieux qu’il fallait abandonner devant le péril [58].

21Au lendemain de l’incendie, devant les maisons « brulees et rasees jusque en terre » [59] dont ils ne demeuraient que les sols calcinées (superficie arsus[60] ) et les murs effondrés (platea muralia[61] ) le découragement et le sentiment d’impuissance étaient vifs. L’importance des ruines s’explique, certes, par l’effet de la combustion mais aussi par les séquelles de la lutte contre les flammes. Car le seul remède efficace pour empêcher leur progression [62] était de « faire la part du feu », autrement dit d’abattre à la hâte les bâtiments incendiés et les édifices avoisinants, de manière à créer un vide interrompant la marche directe du feu. Dans ces conditions, quelques heures [63] à peine étaient nécessaires pour dévaster les 1 088 logements recensées dans l’enquête et pour provoquer la ruine de plusieurs milliers de Berruyers. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, on rapportait qu’à Troyes, au terme du grand embrasement de 1524 « il y avoit plus de trois mille personnes et aultres qui estoient fort riches qui sont devenuz pauvres... » [64].

22L’enquête permet d’ailleurs de constater que si l’infortune était géné-rale, elle était très inégale. La situation d’un déclarant ayant perdu une ou plusieurs maisons (amisit duas domos), mais en position de reconstruire (et potest), n’avait rien à voir avec celle d’un sinistré déplorant la perte de « sa » propre maison (amisit domum suam) et se trouvant dans l’incapacité de la reconstruire (nec reaedificare potest). Et parmi ces sinistrés gravement affectés, l’épreuve n’était pas nécessairement comparable. Pour celui dont la domum suam, la « résidence principale », venait compléter un patrimoine plus large, non sinistré [65] et inoccupé, la perte était corrigée et le problème du relogement ne se posait pas. En revanche pour celui dont elle constituait l’unique domicile et le seul bien, la faillite était sans appel et le dénuement absolu.

23Le décompte des sinistres tel qu’il apparaît dans l’enquête s’avère suffisamment précis pour nous permettre d’apprécier la répartition topographique des dégâts, la composition des patrimoines et les possibilités de reconstruction reconnues aux déclarants. Sur l’ensemble des 249 sinistrés, 85 (34%) sont dénombrés dans la paroisse Saint-Médard, 79 (32%) dans celle de Saint-Pierre-le-Marché, 51 (20 %) dans celle de Saint-Ambroix et 34 (14 %) dans celle de Saint-Pierre-le-Guillard. Les sinistrés déclarent 491 édifices au total, dont 459 maisons, que les enquêteurs répartissent ainsi : 201 édifices (41 %) dont 187 maisons dans la paroisse Saint-Médard, 148,5 édifices (30 %) dont 144,5 maisons et 300 habitations dans la paroisse Saint-Pierre-le-Marché, 86,5 édifices (18 %) dont 75,5 maisons et 300 habitations dans la paroisse Saint-Ambroix, et 55 édifices (11 %) dont 52 maisons dans la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard. Si l’on s’en tient aux seules maisons, il est manifeste que Saint-Médard fut la paroisse la plus dévastée (41 % des maisons sinistrées et 34% des déclarants), suivie de près par Saint-Pierre-le-Marché (respectivement 30 % et 32 %), alors que Saint-Ambroix (18 % et 20 %) et Saint-Pierre-le-Guillard (11 % et 14 %) furent beaucoup moins endommagées par les flammes.

24Ils sont 119 sinistrés, soit 48% des déclarants, à revendiquer la perte d’une seule maison – et pour 13 % d’entre eux la perte de leur « propre » maison –, 44 soit 18 % la perte de 1,5 à 2,5 maisons, 34 soit 14 % la perte de 3 à 5 maisons et 7 soit 3% la perte de 6 à 10 maisons. Les très gros patrimoines sont rares, un déclarant dans la paroisse Saint-Médard pour 13 « étages », un autre dans la paroisse Saint-Ambroix pour 15 maisons et un dernier dans la paroisse Saint-Pierre-le-Marché pour 18 maisons. On note la présence de 38 femmes (15 % des déclarants) parmi lesquelles on compte 22 veuves. Les femmes représentent 25 % des sinistrés et 17 % des maisons dans la paroisse Saint-Pierre-le-Marché, 18 % et 13 % dans celle de Saint-Ambroix, 14 % et 11 % dans celle de Saint-Médard, enfin 3% et 2% dans celle de Saint-Pierre-le-Guillard.

25L’enquête distribue ces 249 sinistrés en trois catégories : les non potest dans l’impossibilité de reconstruire [66] qui représentent 167 déclarants (67 %), les potest à même de reconstruire, soit 54 déclarants (22 %) et les individus qui ne se prononcent pas [67] au nombre de 28 (11 %). En chiffres absolus et pour les seuls déclarants de maisons, on compte plus de 50 non potest dans les paroisses Saint-Pierre-le-Marché (53) et Saint-Médard (51 ) et autour de 25 dans les paroisses Saint-Pierre-le-Guillard (26) et Saint-Ambroix (23). Proportionnellement, ils représentent entre 45% et 76% des déclarants au sein des quatre paroisses. Saint-Pierre-le-Guillard est la paroisse où ils sont les plus présents avec 76 % des anthroponymes, devant les paroisses Saint-Pierre-le-Marché, Saint-Médard, et enfin Saint-Ambroix avec 67%, 60 % et 45%. Ils sont 91, soit 37 %, à ne pas pouvoir reconstruire une maison, pourcentage qui confirme la fragilité de ces modestes déclarants, 33 soit 13 % parmi ceux qui déclarent de 1,5 à 2,5 maisons, puis 25 soit 10 % et 3 soit 1% parmi ceux qui déclarent de 3 à 5 maisons et de 6 à 10 maisons. 25 femmes sur 38 sont non potest, et on remarque que 14 d’entre-elles sont enregistrées dans la paroisse Saint-Pierre-le-Marché.

26Au bilan, parmi les habitations sinistrées dont on connaît le devenir, les deux tiers (soit 299 maisons) sont déclarées non reconstructibles, et partant condamnées à demeurer à l’état de ruines vacantes et abandonnées pendant plusieurs mois sinon plusieurs années. La paroisse Saint-Médard en rassemble le plus grand nombre (27% du total et 61 % de la paroisse), suivie par Saint-Pierre-le-Marché (19 % et 58 %), Saint-Ambroix (10 % et 55 %) et enfin Saint-Pierre-le-Guillard (9% et 78 %).

27Le nombre important des maisons non reconstructibles, plus encore que le décompte global des édifices privés et religieux sinistrés, témoigne de la virulence de l’incendie et laisse imaginer la gravité du traumatisme réactionnel qui frappa les Berruyers et singulièrement les 167 sinistrés non potest.

28Et pourtant, la population faisant preuve de courage et mobilisant ses ressources, s’engagea presque aussitôt dans un effort de reconstruction soutenu et prolongé. Si l’urgence était de réédifier les bâtiments incendiés ou endommagés, le coût d’une telle campagne de reconstruction dépassait de loin les possibilités financières des populations sinistrées et pouvait, en s’ajoutant aux destructions industrielles et artisanales, freiner l’essor économique de la ville pendant plusieurs années. L’enquête de 1252 avait-elle pour finalité la mise à disposition de matériaux de construction pour réduire le montant des dépenses et/ou l’octroi d’un privilège fiscal consenti pour mener à bien l’entreprise ? Rien ne l’indique, mais cela est fort possible.

29Sur l’ensemble des frais engagés, le bois constituait sans aucun doute le poste le plus lourd en raison des pratiques architecturales qui en absorbaient d’énormes quantités [68]. Or il se trouve qu’en 1252, cette demande exceptionnelle en bois d’œuvre et de charpente coïncida avec le ralentissement des défrichements en Berry, amorcé dès 1240, dans le but de préserver les superficies boisées [69]. Il est alors possible que l’enquête ait eu pour finalité l’octroi aux sinistrés d’un don de bois provenant des forêts royales, comme cela sera le cas en 1357, quand les religieux de Saint-Ambroix obtinrent l’accès gratuit à la forêt du roi pour y prélever le bois en grume nécessaire à la reconstruction de leurs bâtiments incendiés [70].

30La première possibilité d’économie se trouvait dans la récupération. Après que les particuliers aient dégagé les rues des décombres et des gravats qui les obstruaient, chacun déblayant « en son droit soy » c’est-à-dire devant et autour de sa propre maison, on pouvait constater que tout n’était pas calciné. Subsistait çà et là des structures de bâtiments, certes très endommagées et condamnées à la démolition, mais offrant l’opportunité de récupérer vieux bois et pierres encore utilisables en quantité non négligeable. Des sociétés de revente de matériaux de récupération, rachetant ces bâtiments voués à la destruction, devaient probablement organiser le marché [71]. Mais tous les sinistrés n’étaient pas en situation de tirer quelque sous de leur ruine. C’est le cas d’Etienne Roux paroissien de Saint-Médard qui, en raison sans doute de l’état de délabrement extrême de sa maison, se plaint de ne pouvoir ni réédifier nisi venderet.

31Dans l’urgence, on élevait des baraques constituées d’une armature de bois avec lattis et torchis, constructions précaires qui permettaient l’utilisation des bois de récupération de qualité médiocre. On entamait la restauration des immeubles qui pouvaient l’être, à l’exemple de cette maison incendiée durant l’année 1247 dont le propriétaire chiffre les dépenses engagées, magnas expensas fecisset in dicta domo, reficiendi et melioramentibus[72], à 60 sous parisis. Certains, ne détenant pas les fonds nécessaires pour engager de grands travaux, mais disposant par ailleurs d’un immeuble agricole ou d’une terre en franc-alleu, se résignaient à aliéner ce bien-fonds pour se procurer les deniers indispensables à l’édification voire à l’achat d’une nouvelle maison. C’est la solution qu’adopte Geoffroy de Troselle quand en juillet 1253 il vend, pour 55 livres tournois, quatre arpents de pré en franc-alleu sur les bords de l’Yèvre [73]. Pour d’autres il fallait faire des choix, comme cette veuve de la paroisse Saint-Ambroix qui unam potest mais unam non potest, ou s’armer de patience comme Benoit Artaud de la paroisse Saint-Médard qui se trouvait dans l’impossibilité de reconstruire nisi medietatem. Car ils étaient peu nombreux ceux qui disposaient, comme Laurent le Tort, un certain Auforet, Rodolphe de Germigny et les frères Chaucers de la paroisse Saint-Pierre-le-Marché, de ressources suffisantes et disponibles pour procéder diligemment (jam edificant) à la reconstruction de leurs habitations. Tous cependant devaient compter avec la main d’œuvre, numériquement et techniquement insuffisante face à la saturation des commandes et donc fort chère. Car il n’est pas douteux que de telles catastrophes avaient une résonance économique et technique positive sur les professions du bâtiment et de l’aménagement domestique.

32Sur les échanges immobiliers aussi, puisque la documentation révèle qu’avec un volume de 22 transactions la décennie de l’incendie totalise l’activité immobilière la plus importante du siècle [74]. Entre janvier 1250 et juin 1252, au sortir d’une phase en retrait, on devine qu’une reprise s’amorce avec trois transactions; malgré le sinistre et la désaffection d’une fraction de la population berruyère sous le choc, le marché immobilier résiste et enregistre quatre transactions avant la fin de l’année 1255; puis, entre 1255 et 1259, sous l’impact du nécessaire réajustement immobilier consécutif à la destruction d’une partie du parc bâti, le volume des transactions atteint le chiffre remarquable de 15 opérations. Cette hausse exceptionnelle met en évidence l’intensité et la célérité de la campagne de relogement engagée par la population. Quant aux trois décennies suivantes, entre 1260 et 1289, elles s’inscrivent dans une phase d’échanges soutenus et stables avec 12,10 et 11 transactions chacune. La stabilisation du marché à la baisse, avec une activité immobilière réduite à 7 transactions, n’intervient qu’avec la dernière décennie du siècle. Indiscutablement, le redressement s’est prolongé au-delà d’une génération.

33La durée trentenaire de cette phase de réajustement du parc immobilier est confirmée par la présence, dans les différents quartiers de la ville, de très nombreuses « places » (platea, platea aedificandi, fundus seu platea[75] ), ces parcelles bâties consumées dans le brasier, puis demeurées à l’état de ruines. Les chartes, qui ne mentionnent que six « places » pendant la première moitié du siècle, en comptent six fois plus entre la date de l’incendie et l’année 1290. Ces 36 terrains en ruines se concentrent essentiellement dans les paroisses Saint-Pierre-le-Guillard (7), Saint-Pierre-le-Marché (5) et en grand nombre dans la paroisse Saint-Fulgent (10) [76] (paroisse de la nouvelle ville limitrophe de celle de Saint-Pierre-le-Guillard) ce qui laisse supposer qu’elle fut, elle aussi, touchée par la catastrophe [77]. Les deux dernières mentions de « place », relevées en 1294, attestent que les stigmates du sinistre ne disparurent du paysage urbain qu’à l’extrême fin du XIIIe siècle. Indubitablement, la présence durable des séquelles de l’incendie et la ténacité des efforts pour les effacer témoignent de l’ampleur des dégâts et de l’intensité de la catastrophe. À titre de comparaison, le tragique embrasement de 1487 fut suivi d’une période de reconstruction d’une durée équivalente, comme en témoigne la place du Noyer où, 25 ans après le drame, seuls deux bâtiments sur cinq en moyenne avaient été réédifiés [78].

34Dans cet effort de restructuration, le rôle des établissements religieux [79] fut très inégal. Les chartes de la décennie 1250-1259 montrent clairement que certains d’entre eux ont été actifs, à l’exemple de l’abbaye Saint-Hyppolite, patronne de Saint-Pierre-le-Guillard (8 chartes) et du chapitre de Saint-É tienne (7 chartes), alors que d’autres, telles l’abbaye Saint-Ambroix, patronne de Saint-Pierre-le-Marché (1 charte) et l’abbaye Saint-Sulpice (sans activité jusqu’à la fin du XIIIe siècle), restèrent en retrait. On a tout lieu de penser – l’indigence de la documentation ne permettant pas de le vérifier – que les établissements religieux les plus entreprenants considérèrent qu’ils avaient là une opportunité d’accélérer et d’amplifier le mouvement de constitution de leurs censives, tant à l’intérieur qu’à l’exté-rieur des paroisses incendiées. Il est probable qu’en prévision de la forte demande de relogement ils participèrent à des programmes de lotissement et qu’ils baillèrent les places des maisons endommagées à des conditions – en remise ou en durée – favorables aux preneurs, à charge pour ceux-ci de procéder aux travaux de reconstruction.

35Au terme de cette étude peut-on estimer les répercussions du sinistre sur l’évolution des paroisses incendiées ? Peut-on tirer un bilan de la catastrophe [80] ? La paroisse Saint-Pierre-le-Guillard ayant été en grande partie épargnée par le sinistre, les données qu’elle propose à l’analyse s’avèrent peu représentatives. Elle totalise en effet les dénombrements les plus faibles, tant pour les édifices et les maisons sinistrés que pour les déclarants, les potest et les non potest. Seuls faits saillants, les trois regroupements familiaux [81] comptant 6 déclarants et 12 maisons, la proportion élevée de maison en propre (24 % des édifices) et celle, plus notable, des individus non potest (76 % des déclarants) notamment pour une seule maison (47 %). L’analyse documentaire, quant à elle, montre qu’avec 9 transactions (4 entre 1252 et 1279 et 5 entre 1280 et 1299) [82] Saint-Pierre-le-Guillard enregistre, dans les décennies qui suivirent l’incendie, le mouvement immobilier le plus actif de la ville. Cette activité trouve probablement son origine dans le fait que la paroisse, menant de front la rénovation de son parc bâti incendié et la négociation de son parc immobilier épargné, fut en mesure de répondre, plus largement que les paroisses totalement sinistrées, à l’importante demande de logements périphériques.

36On note que la paroisse Saint-Fulgent, vraisemblablement pour partie incendiée, affiche dans la deuxième moitié du siècle une activité immobilière comparable (5 et 3 transactions) [83]. Il semble donc qu’en assurant conjointement la réhabilitation et la réalisation de leur parc immobilier, les deux paroisses voisines aient pu satisfaire aux exigences de relogement de nombreux sinistrés et dynamiser ainsi leur marché. Dynamisme dont elles bénéficièrent jusqu’à devenir au siècle suivant les plus importantes paroisses de la ville.

37Exception faite du nombre de chesaux (7) le plus élevé des quatre paroisses, qui renvoie à un environnement encore majoritairement rural, la paroisse Saint-Ambroix comptabilise peu de déclarants, d’édifices et de maisons, soulignant qu’elle était probablement une des moins développée de la ville. La présence d’une population économiquement faible se devine à la médiocrité des patrimoines, à la pauvreté des deux familles de la paroisse regroupant péniblement cinq personnes et sept maisons, et à la mention d’« étages » relevée dans les chartes. Seul patrimoine conséquent, celui de l’abbé de Saint-Ambroix qui déclare 15 maisons tam lapideas quam ligneas et mentionne, information isolée, leur valeur marchande globale dépassant 200 livres parisis. Si la présence de 300 hospitia sinistrés laisse supposer que la paroisse fut intégralement endommagée par les flammes, la proportion exceptionnellement élevée de déclarants potest atteste que l’incendie fut peu dévastateur. Au résultat, Saint-Ambroix, paroisse défavorisée, est paradoxalement la seule à afficher une répartition équitable des potest (21 % et 41 %) et des non potest (23 % et 45 %), ce qui lui vaut de réinvestir rapidement le marché immobilier – les quatre transactions entre 1252 et 1299 [84] en sont l’indice – et probablement d’effacer sans trop de difficultés les traces du sinistre.

TABLEAU NO3

LES É DIfiCES SINISTRÉ S, RECONSTRUCTIBLES ET NON RECONSTRUCTIBLES

TABLEAU NO
TABLEAU NO 3 : LES É DIfiCES SINISTRÉ S, RECONSTRUCTIBLES ET NON RECONSTRUCTIBLES (t. = sur 491 logements; p. = sur paroisse) Saint- Saint-Pierre- Saint-Pierre- Saint-Médard le-Marché le-Guillard Ambroix É difices détruits 201 41 % t. 148,5 30 % t. 55 11 % t. 86,5 18 % t. Domus 171 35 % t. 141,5 29 % t. 39 8 % t. 74,5 15 % t. dont suam domum 16 9 % 3 2 % 13 33 % 1 1 % Total domus 187 38 % t. 144,5 29 % t. 52 11 % t. 75,5 15 % t. Estagia 13 3 % t. Casale 1 4 3 11 2 % t. É difices non désignés 42 20 % p. 7 5 % p. 4 7 % p. 5 6 % p. É difices désignés 145 72 % p. 137,5 93 % p. 52 95 % p. 70,5 82 % p. Domus potest 23 11 % p. 51 34 % p. 9 16 % p. 23 27 % p. Domus non potest 122 61 % p. 86,5 58 % p. 43 78 % p. 47,5 55 % p. É cart domus 99 35,5 34 24,5 potest/non potest

LES É DIfiCES SINISTRÉ S, RECONSTRUCTIBLES ET NON RECONSTRUCTIBLES

TABLEAU NO4

DÉ CLARANTS SINISTRÉ S POUR DES DOMUS ET POSSIBILITÉ S DE RECONSTRUIRE OU DE NE PAS RECONSTRUIRE

TABLEAU NO
TABLEAU NO 4 : DÉ CLARANTS SINISTRÉ S POUR DES DOMUS ET POSSIBILITÉ S DE RECONSTRUIRE OU DE NE PAS RECONSTRUIRE Saint- Saint-Pierre- Saint-Pierre- Saint-Médard le-Marché le-Guillard Ambroix Déclarants 85 34 % t. 79 32 % t. 34 14 % t. 51 20 % t. sinistrés total Déclarants 20 25 % p. 7 10 % p. 1 3 % – – non désignés Déclarants désignés 63 74 % p. 69 87 % p. 31 91 % p. 44 86 % p. Déclarants potest 12 14 % p. 16 20 % p. 5 15 % p. 21 41 % p. Déclarants non potest 51 60 % p. 53 67 % p. 26 76 % p. 23 45 % p. É cart 39 37 21 2 potest/non potest

DÉ CLARANTS SINISTRÉ S POUR DES DOMUS ET POSSIBILITÉ S DE RECONSTRUIRE OU DE NE PAS RECONSTRUIRE

TABLEAU NO5

DÉ CLARANTS DÉ SIGNÉ S POUR DES DOMUS ET AMPLEUR DES PATRIMOINES

TABLEAU NO
TABLEAU NO 5 : DÉ CLARANTS DÉ SIGNÉ S POUR DES DOMUS ET AMPLEUR DES PATRIMOINES Saint-Mé dard Saint-Pierre-le-Marché Saint-Pierre-le-Guillard Saint-Ambroix Décla- potest non potest non potest non potest non rants potest potest potest potest désignés 1 maison 35 7 28 38 6 32 19 3 16 27 12 15 41 % 8 % 33 % 48 % 6 % 41 % 56 % 15 % 47 % 52 % 23 % 29 % 1,5 à 2,5 13 2 11 16 3 13 4 1 3 11 5 6 maisons 15 % 2 % 13 % 20 % 4 % 16 % 12 % 3 % 9 % 21 % 10 % 12 % 3 à 5 12 2 10 10 3 7 8 1 7 4 3 1 maisons 14 % 2 % 12 % 13 % 4 % 9 % 24 % 3 % 21 % 8 % 6 % 2 % 6 à 10 2 1 1 4 3 1 – – – 1 – 1 maisons 2 % 5 % 2 % 11 à 18 1 – 1 1 1 – – – – 1 1 – maisons

DÉ CLARANTS DÉ SIGNÉ S POUR DES DOMUS ET AMPLEUR DES PATRIMOINES

38Très différente, la paroisse Saint-Pierre-le-Marché présente des zones densément construites et habitées et des zones encore rurales. Elle répertorie un grand nombre de propriétaires, d’édifices, de maisons – dont tres domos magnas – et quelques chesaux sinistrés. Elle enregistre un grand nombre de potest (16 soit 20 %) et de non potest (53 soit 67%) ainsi que de nombreux déclarants (39%) recensés pour la perte de patrimoines consé-quents, dont le plus important de tous comptant 18 maisons reconstructibles. On y relève la présence de six familles regroupant 17 individus et 30,5 maisons, et celle de 23% de femmes disposant de 17 % du patrimoine. Si l’on en croit les enquêteurs qui le consignent formellement, amisit totam parrochiam sancti Petri de Foro cum ecclesia et hospitibus fere trecenti, la paroisse fut presque entièrement ravagée par les flammes. Pour autant, la présence de paroissiens en mesure de reconstruire dans les semaines qui suivirent le sinistre, la mention de quatre transactions entre 1252 et 1279 puis de deux autres à l’extrême fin du siècle [85], confirment que la reconstruction fut rapidement assurée. Il semble donc qu’au moment de l’incendie Saint-Pierre-le-Marché, dans le faubourg de la draperie, était une paroisse démographiquement et économiquement prospère, ce qui lui permit, quoique gravement sinistrée, de procéder rapidement à son redressement.

39La paroisse Saint-Médard affichait, elle aussi, à la vieille de l’incendie une grande vitalité démographique. Totalisant le nombre d’édifices et de maisons le plus élevé et le nombre de chesaux le plus bas, on peut supposer que la densité de l’habitat y était importante. Mais si la paroisse était peuplée, sa population n’apparaît pas en mesure de surmonter un sinistre généralisé. Les dépositions des déclarants sont révélatrices puisqu’on relève non seulement le taux de potest le plus faible (14 %), mais une proportion de non potest significative (60 %) qui doit être revue à la hausse pour tenir compte de la part très importante de déclarants non désignés (25 %). Quant à la présence d’un patrimoine important, son ampleur et sa nature (13 « étages ») confirment la fragilité économique d’une partie de la population. Seul paramètre susceptible de relancer à moyen terme la prospérité de la paroisse, le fort environnement familial constitué de 8 familles regroupant 23 individus et 68 maisons, même si pour plus de la moitié (14 personnes et 40 maisons) ce patrimoine familial est déclaré non potest. Ajoutons que la paroisse Saint-Médard est totalement absente du mouvement immobilier jusqu’en 1279 et n’affiche que deux transactions [86] entre 1280 et 1299. Il semble donc qu’en ravageant très largement la paroisse, l’incendie dut stopper net un développement évident mais fragile.

TABLEAU NO6

REGROUPEMENTS FAMILIAUX ET PATRIMOINES

TABLEAU NO
TABLEAU NO 6 : REGROUPEMENTS FAMILIAUX ET PATRIMOINES Saint-Médard Saint-Pierre-le-Marché Saint-Pierre-le-Guillard Saint-Ambroix Regroupements 8 6 3 2 Nombre de déclarants 23 17 6 5 Déclarants potest 3 5 1 2 Déclarants non potest 14 12 5 3 Maisons du patrimoine 68 30,5 12 7

REGROUPEMENTS FAMILIAUX ET PATRIMOINES

Conclusion : le roi

40Quand, au lendemain du 23 juin 1252, la reine Blanche diligenta une enquête auprès des Berruyers affligés, elle répondait certes à l’émotion générale, témoignait sa compassion aux nombreuses victimes du sinistre, mais servait avant tout l’intérêt du royaume. Redevable de la gestion fiscale, la reine n’ignorait pas, en effet, que les aides récemment obtenues de la ville de Bourges (en 1248 pour la croisade et en 1250 pour la rançon du roi) avaient été arrachées à une bourgeoisie récalcitrante et exaspérée. Dès lors, la procédure d’enquête ordonnée sans délai et plus encore son objectif implicite – le secours matériel et/ou financier – revêtaient une portée politique claire : assurer la population de la munificence royale aux fins de raffermir les sentiments monarchiques des Berruyers malmenés par l’affaire des Pastoureaux et l’insupportable pression fiscale. La gestion du sinistre confirme donc la finesse politique de Blanche de Castille, qui sut répondre à un état de catastrophe majeure par un geste inhabituel de bienveillance à même de sauvegarder, comme sa charge le lui imposait, « le profit commun » et les intérêts de la couronne en Berry. Elle souligne enfin la clairvoyance de la reine qui pose avec cette enquête un premier jalon sur la voie qui conduira à la gestion royale de la reconstruction des villes incendiées par la grâce des libéralités fiscales.

41Un jalon seulement, car la reine Blanche s’éteignit le 26 novembre 1252 et l’enquête d’intérêt public qu’elle avait initiée n’eut pas de suite. Hormis, peut-être, une explosion d’agressivité populaire qui, quelques mois après l’embrasement, prit pour cible le palais archiépiscopal alors que s’y trouvaient l’archevêque Philippe Berruyer et le légat pontifical Aubert [87]. Si les insurgés étaient aussi les sinistrés, ce qui est fort probable, on peut voir dans cette émeute populaire la réclamation violente des mesures d’aides à la reconstruction que la procédure d’enquête de 1252 avait fait espérer et qui se faisaient trop attendre. Cette tentative avortée de gestion royale d’un sinistre fut-elle reprise et précisée sous le règne de Louis IX ? Nous n’en avons pas connaissance [88]. Il fallut ensuite attendre le règne de Charles VII, le retour de la paix et la période de redressement du royaume pour voir les autorités royales réagir de nouveau devant de tels drames, jusqu’à prendre en charge une partie de la reconstruction.

42En effet, à partir du XVe siècle, reprenant le principe des subsides destinés à assurer le rétablissement des enceintes endommagées par fait de guerre, le souverain choisira d’octroyer aux villes gravement sinistrées des compensations fiscales, voire même, en vertu d’une délégation du droit régalien, le droit de lever l’impôt en prélevant les taxes sur le monopole du sel [89].

43Soutien fiscal dans l’intérêt public, les bénéfices de l’impôt sont expressément consentis à la ville bénéficiaire dans l’unique intention d’effacer les séquelles de l’incendie et de reconstituer son patrimoine. C’est ainsi qu’au lendemain du sinistre de la Madeleine, lorsque la ville de Bourges reçoit par trois fois une aide fiscale pour mener à bien son effort de reconstruction, Charles VIII mentionne dans le détail l’affectation de ces différents subsides. Par lettres patentes du 25 août 1487, il consent aux bourgeois, manants et habitants de la ville et faubourgs de Bourges qu’« ils et chacun d’eulx soient francs quites et exems de tous huitiemes, quatriemes, impositions, emprunts et autres subventions et aides... » [90] afin de les encourager à rebâtir et restaurer leurs maisons et édifices. Puis, le 24 septembre de la même année, le souverain octroie aux édiles de la ville la somme de 5 deniers sur chaque minot de sel vendu et distribué dans les greniers et chambres à sel du royaume de France, et ce pendant quatre années, avec pour objectif de financer « la reffection du portal de sainct Privé, ponts leveis, tours, boullevars, hostel de ville, prisons, places, rues et marchés publiques et des onze esglises, l’ostel dieu de sainct Julien et autres plusieurs chosez du corps de ladicte ville qui ont esté tellement destruictes, brulées et razées jusques en terre, sera besoing et conviendra faire plusieurs grans fraiz... ausquelles les dicts bourgeoys... et habitans d’eulx mesmes ne sauroyent et leur seroit impossible fournir avances et satisfaire; et après ce que avons esté deuement... certiffiez de leurs pertes... » [91]. Enfin, trois ans plus tard, il complète ces premières mesures par d’autres lettres patentes, plus précisément destinées à inviter les habitants à effacer au plus vite les ruines qui dégradent encore la ville.

44Soutien fiscal à titre gracieux, les clauses et la durée d’une éventuelle prorogation du monopole sont directement fonction du degré d’avancement des travaux projetés [92]. C’est ainsi qu’en 1485, alors qu’elle est engagée dans sa campagne de reconstruction depuis plus de vingt ans, la ville de Toulouse est autoritairement privée par le roi Charles VIII des avantages fiscaux (ici l’exemption des tailles) qu’elle avait obtenue du père de ce dernier à la suite du désastre de 1463, au motif qu’« au moyen duquel affranchissement ladite ville s’est très fort repopulée et lesdits édifices qui ainsi furent brullez, remis en nature et valeur, tellement qu’elle est de présent très bien bastie, repopulée et très fort opulant en tous biens » [93].

45Inutile de préciser que ces suppressions de monopole provoquaient toujours de vives protestations de la part des édiles, en l’occurrence des capitouls affirmant haut et fort que « lesdits édifices qui ainsi furent brullez et détruits n’estoient encore redifiez, mais grant partie d’iceulx en ruynes en ladite ville fort dépopulée ». Car l’impôt exceptionnel de reconstruction était une manne d’autant plus appréciée que la distribution de ses bénéfices, pour peu qu’ils participent à la campagne de réhabilitation urbaine, était laissée à l’entière latitude des magistrats municipaux. L’exemple en est fourni par les échevins de la ville de Bourges qui, en vertu des lettres patentes du roi Charles VIII, recueillirent plus de 23 000 livres tournois en faveur de la reconstruction de leur ville et les investirent, pour l’essentiel, dans la construction d’un superbe hôstel de ville, l’actuel hôtel des Echevins [94], laissant les particuliers compter sur leurs propres deniers pour effacer les cicatrices du terrible incendie de la Madeleine.

46On peut alors se demander si, dans le cadre des campagnes de reconstruction « indemnisées » par la fiscalité royale, certains magistrats dispensateurs n’étaient pas tentés de détourner une partie des recettes affectées à la réhabilitation des bâtiments, publics et privés, endommagés et d’en spolier les quartiers populaires sinistrés pour les engager dans une politique de modernisation et d’embellissement des quartiers cossus de la ville, dont le patriciat urbain était le premier, sinon le seul, à profiter. Indélicate répartition de la faveur royale faite aux cités incendiées, que le souverain tolérait sans doute, car – de même que la reine Blanche de Castille l’avait espéré des suites de l’enquête d’utilité publique de 1252 – il y voyait le moyen de s’attacher la reconnaissance des riches bourgeois, la fidélité et la docilité des édiles et l’occasion d’affirmer avec magnanimité son autorité sur les villes du royaume.

É tendue supposée du sinistre de 1252

figure im7
É tendue supposée du sinistre de 1252

É tendue supposée du sinistre de 1252

Notes

  • [1]
    Gérard Sivéry, L’économie du royaume de France au siècle de Saint Louis (vers 1180-vers 1315), Lille, 1984, p. 315.
  • [2]
    Journal d’un bourgeois de Paris, Paris, 1854, p. 196.
  • [3]
    Georges Duby (sous la direction de), Histoire de la France urbaine, t. 2 : La ville médiévale, Paris, 1980, p. 388.
  • [4]
    Pierre Salies, « Le grand incendie de Toulouse », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 30 (1964), p. 132-133, répertorie les sinistres de 1242,1257,1297,1303,1357,1400, 1408,1429 et 1442.
  • [5]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry, Bourges, 1689, I, p. 58.
  • [6]
    Gaspard Thaumas de La Thaumassière, Histoire, op. cit., I, p. 59-60, (23 juin 1252,1259,1353, 9 mai 1407,1463,8 mai 1467 ou 1468,22 juillet 1487); Louis Raynal, Histoire du Berry depuis les temps les plus anciens jusqu’en 1789, Bourges, Paris, 1844-1847, réédition, Paris, 1999, III, p. 106 et 157-161 (23 juin 1252,8 mai 1467 ou 1468,22 juillet 1487); Alphonse Buhot de Kersers, Histoire statistique monumentale du département du Cher, Bourges, 1883, p. 210 (1338); Hyppolite Boyer, « Histoire des corporations et confréries de la ville de Bourges », Mémoires de la Société Historique du Cher, 4e série, p. 23-44 (1909-1940), (1353) et « Splendeur et décadence du commerce à Bourges », Revue du Berry, 1864, p. 264-270 (22 juillet 1487).
  • [7]
    Ce sinistre a donné lieu à une étude collective, 1487 : la vieille ville en flammes. Cinquième centenaire du grand incendie de Bourges, Bourges, 1987, sous la direction de Philippe Goldman, qui évoque « Un précédent méconnu, l’incendie de 1252 » aux pages 5-7.
  • [8]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., II, p. 75.
  • [9]
    L’enquête n’est pas datée, mais elle fut nécessairement diligentée avant que ne surviennent la maladie puis le décès de la reine en novembre 1252, c’est-à-dire au plus tard dans les quatre mois qui suivirent le sinistre, ce dont témoigne une charte donnée en novembre de la même année faisant mention d’un furnum seu recensione domum. AD Cher, 8 G 955.
  • [10]
    Fille du roi Alphonse VIII de Castille et d’Aliénor d’Angleterre, Blanche née en 1188 épousa en 1200 Louis fils aîné et héritier de Philippe Auguste. À la mort prématurée de son époux, le roi Louis VIII, Blanche de Castille se vit confier le « bail et tutelle » de son fils de douze ans, le futur saint Louis, du royaume et de ses autres enfants jusqu’à ce que l’héritier du trône parvienne « à l’âge légal ». Elle exerça alors une première fois la fonction de « garde et tutelle », que les historiens ont appelé « régence » d’un terme qui n’apparaîtra qu’au XIVe siècle, fonction qu’elle assuma de nouveau entre le 25 août 1248, date du départ de Louis IX pour la croisade, et le 26 novembre 1252, date de sa propre mort. Sur cette question de la régence comme sur la personnalité de la reine, se reporter aux études suivantes : É lie Berger, Histoire de Blanche de Castille, Thèse Lettres, Paris, 1895; Gérard Sivéry, « L’équipe gouvernementale, Blanche de Castille et la succession de Louis VIII en 1226 », L’information historique, 1979, p. 203-211 ; Jacques Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996.
  • [11]
    La reine avait aussi consigne de poursuivre l’œuvre de reformatio regni, entamée par son fils à la veille de son départ pour la Terre sainte, en recueillant sous forme d’enquêtes les plaintes et doléances des administrés du domaine royal.
  • [12]
    Archives Nationales, J 626, no 147 ; une copie manuscrite de l’original se trouve aux AD du Cher, F, collection Charles Barbarin, 3 F 11. Le document renferme de nombreuses informations tant sur l’incendie lui-même (les zones sinistrées et leur poids démographique, l’ampleur des dégâts immobiliers, la capacité à reconstruire) que sur la ville de Bourges au milieu du XIIIe siècle (l’habitat, la répartition de la propriété immobilière et foncière, la diversité sociologique et professionnelle, les origines géographiques, la gamme des noms et des prénoms). Nous envisageons, dans un prochain article, d’éditer l’enquête et d’ouvrir le champ de nos réflexions à l’étude de la société et de l’onomastique.
  • [13]
    La reine, adoptant la procédure en usage dans les enquêtes de réformation du royaume, confia les charges d’enquêteurs « auditeurs » à des Frères mendiants, des franciscains, installés à Bourges depuis 1238 précisément dans le secteur de la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard qui fut épargnée par les flammes lors de l’incendie. Sur le rôle des franciscains dans l’entourage royal : Jacques Le Goff, Saint Louis, op. cit. Sur l’installation des Mendiants à Bourges : Guy Devailly, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe. É tude politique, religieuse, sociale et économique, Thèse d’É tat, Paris-La Haye, 1973, p. 480-481 et 554; Danielle Magnan, Olivier Ruffier, Archéologie urbaine à Bourges, Enclos des Jacobins, 1980; Antoine Gevry, Abrégé de l’histoire du couvent des Frères Prêcheurs de la ville de Bourges en Berry, écrit en 1696, publié par l’abbé Menu, Bourges, 1877.
  • [14]
    La mise en place chronologique et topographique du cadre paroissial berruyer n’est pas précisément connue. Seule certitude, la division en une quinzaine de paroisses se fit entre 1100 et 1250, et sans doute essentiellement entre 1150 et 1200. L’église Saint-Médard, sous le patronage de l’abbaye Saint-Sulpice, apparaît en tant que paroisse en 1163, l’église Saint-Pierre-le-Guillard, possession de l’abbaye Saint-Hippolyte, en 1164, et celle de Saint-Pierre-le-Marché, construite en 1157 et relevant de l’abbaye Saint-Ambroix, est attestée en 1216. L’abbaye Saint-Ambroix devint centre paroissial sans doute dans les mêmes années que les paroisses limitrophes de Saint-Pierre-le-Guillard et de Saint-Médard, c’est-à -dire vers 1160-1165, mais n’apparaît en tant que telle qu’avec l’enquête de 1252. L’église Sainte-Croix, sinistrée mais recensée dans la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard, n’a semble-t-il pas encore acquis cette reconnaissance. Philippe Goldman, « Notes sur l’origine des paroisses de Bourges », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, 112 (1992), p. 3-17 ; Jacques Troadec, Bourges. Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Paris, 1996, p. 47-49. Les limites paroissiales que nous adoptons ont été définies à partir des limites de l’époque moderne et selon la méthode régressive pour l’étude : 1487, la vieille ville en flammes..., op. cit.
  • [15]
    Le terme latin domus désigne-t-il ici l’édifice (unité de construction) ou le logement (unité fonctionnelle d’habitation, en principe, monofamiliale) ? Rien ne l’indique. Mais on observe que nombreux sont ceux qui perdent des patrimoines composés de plusieurs « maisons », deux, trois, quatre et même plus.
  • [16]
    Le terme estagium, « étage », ne signifie pas obligatoirement habitation au-dessus du sol mais parfois petite maison individuelle, domuncula, ou logement sommaire, camera, dans un immeuble de rapport. C’est l’habitation du menu peuple dans les quartiers périphériques. La formulation n’est pas exceptionnelle à Bourges où nous avons relevé dans la paroisse Saint-Ambroix la présence d’unun estagium et de tertiam estagiosa : AD Cher, 12 H 25,1278; 12 H 146; 32,1282, et dans la paroisse Saint-Pierre-le-Guillard celle de duobus parvis estagiis : AD Cher, 8 G 1897. Le terme est aussi utilisé à Paris. Raymond Cazelles, « Le Parisien au temps de saint Louis », dans Septième centenaire de la mort de Saint Louis. Actes des colloques de Royaumont et de Paris, 21-27 mai 1970, Paris, 1976, p. 102.
  • [17]
    Le rassemblement, sous le terme spécifique d’hospitium, d’un aussi grand nombre de logements interroge. Est-ce pour faire court, comme cela arrivait dans ce type d’enquête, ou pour distinguer un type de logement qui, soit par son statut d’appartenance, soit par son type de bâti, était différent des précédents ? La question reste posée.
  • [18]
    « In mense julii fuit magnus ignis in Tholosa... ubi secundum estimationem communem exepta media parte dictorum molendinorum 1147 hospitia penitus sunt combusta... » H. Dom., 145, cité par Pierre Salies, « Le grand incendie... », art. cit., p. 132-133.
  • [19]
    1487, La vieille ville en flammes..., op. cit., p. 25.
  • [20]
    Georges Duby (sous la direction de), Histoire de la France urbaine, op. cit., t. 2, p. 191.
  • [21]
    Elle fut intégrée au domaine capétien en 1101 sous le règne de Philippe Ier.
  • [22]
    Ferdinand Lot, Recherches sur la population (et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine), Paris, 1950, t. II, p. 73-74 et 78.
  • [23]
    Désormais on ne parla plus de cité, civitatis, mais de ville, villae, et les habitants libres des « bourgs » enfermés dans l’enceinte dite « de Philippe-Auguste » furent confondus sous le nom de cives avec les habitants libres de l’ancienne cité, dont ils partagèrent les privilèges de bourgeoisie en étant parfois désignés sous le nom commun de burgenses et homines Bituris manentes. Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions municipales de Bourges au Moyen Âge », Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, 47 (1936-1937), p. 32.
  • [24]
    La circonscription paroissiale restera d’ailleurs en concurrence avec la « cité » et avec les différents « bourgs », jusqu’à ce que soit mise en place la division par quartiers, un siècle plus tard, en 1356. Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions... », art. cit., p. 44.
  • [25]
    Ont été dépouillées dans le fonds des Archives départementales du Cher, les chartes des séries G et H couvrant le XIIIe siècle, et retenues les seules conventions (ventes, échanges, donations, fondations, testaments, accords, reconnaissances de cens) faisant apparaître un ou plusieurs édifices, soit un total de 103 chartes entre 1205 et 1299.
  • [26]
    Viennent ensuite : les coordonnées hydrographiques (7/10), marchandes (4/5), royales (3/3), topographiques (2/2) et un seul repère monumental, les arènes antiques (1 /1).
  • [27]
    « Fouages » par répartition proportionnelle aux fortunes (revenus et patrimoines). Conformément à une ordonnance de saint Louis datant du milieu du XIIIe siècle, le dénombrement des biens immobiliers devait procéder selon l’ordre topographique des paroisses. Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, 1723-1848, I, p. 291-293, cité par Jean Favier, Finance et fiscalité au bas Moyen Âge, Paris, 1971, p. 193-194.
  • [28]
    « Festages » par maisons. Le « festage » de 1363-1364 à Tours donne le nombre de faîtes dans chacune des onze paroisses de la ville. Bernard Chevalier, Tours, ville royale (1356-1520). Origine et développement d’une capitale à la fin du Moyen Âge, Paris, 1975, cité par Jean Coste, « L’institution paroissiale à la fin du Moyen  ge », Mélanges de l’É cole française de Rome, Moyen Âge et Temps Moderne, 96 (1984,1), p. 313.
  • [29]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60.
  • [30]
    Voir page 19, note 77.
  • [31]
    Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60; Hiver, Journal de Jehan Glaumeau, Bourges, 1867, p. 91 ; Louis Raynal, Histoire du Berry, op. cit., III, p. 106 et 157-161 ; Hyppolite Boyer, « Histoire des corporations... », art. cit.
  • [32]
    En effet, la reine n’ayant pas réagi assez promptement à cette situation d’urgence, le mouvement prit de l’ampleur et les Pastoureaux purent, en toute impunité, ravager Orléans et mettre Bourges au pillage au début de l’été 1251.
  • [33]
    Voir l’ouvrage de Pierre Alexandre, Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l’histoire des variations climatiques de 1000 à 1425 d’après les sources narratives de l’Europe occidentale, Paris, 1987, et plus précisément le tableau X p. 779 et le diagramme 9 avec son commentaire p. 786-787.
  • [34]
    En 1353 « la moitié de la ville ayant été embrasée, un grand vent qui s’éleva, porta la flamme sur l’autre moitié qui fut aussi consumée »; en 1487 « le feu se prit durant Vêpres en la maison d’un menuisier... Il alloit sautant sur les toits des maisons, et embrasa presque en un instant la plus grande partie de la ville... »; en 1540 « vigile de saint Pierre, lorsque l’on faisoit quelques feux de joye, le vent porta quelques étincelles au même faubourg d’Auron... »; Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire..., op. cit., I, p. 59-60.
  • [35]
    Jean Chaumeau, Histoire de Berry, Lyon, 1566, p. 152.
  • [36]
    Cette mitoyenneté apparaît de façon plus explicite encore dans le censier de Saint-É tiennedeBourges de 1283-1290 où, sur 19 jouxtes relevées, 7 d’entre elles sont traduites par l’expression « qui se tient ». AD Cher, 8 G 966,1283-1290.
  • [37]
    AD Cher, 8 G 31, octobre 1247.
  • [38]
    AD Cher, 14 G 13, janvier 1237 ; 8 G 955, novembre 1252; 8 G 19,1262; 8 G 1835, novembre 1289.
  • [39]
    Michel Pastoureau souligne cette omniprésence du bois «... objet de transactions de toutes natures, travaillé par de multiples artisans, présent partout, en tous lieux, en toutes circonstances... »; Michel Pastoureau, « Introduction à la symbolique médiévale du bois », dans J.-L. Biget, J. Boissière, J.-C. Hervé (éditeurs), Le bois et la ville du Moyen Âge au XXe siècle, Colloque organisé à Saint-Cloud les 18 et 19 novembre 1988, É cole Normale Supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, 1991, p. 254.
  • [40]
    AD Cher, 7 G 327, juin 1257. Sur cette utilisation : Philippe Lardin, « La place du bois dans les fortifications à la fin du Moyen  ge en Normandie orientale », dans Les enceintes urbaines ( XIIIe - XVIe siècle), 121e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Nice, 26-31 octobre 1996, Paris, 1999, p. 181-195.
  • [41]
    Jean Chaumeau, Histoire..., op. cit., p. 152.
  • [42]
    D. Claude, Topographie und Verfassung der Stä dte Bourges und Poitiers bis in das XI. Jahrundert, Historische Studien, t. 380, Lubeck-Hambourg, 1960.
  • [43]
    Mis en évidence par Olivier Ruffier lors de la fouille de sauvetage du collège Littré en 1987.
  • [44]
    Dans la France septentrionale et jusqu’à la fin du Moyen Âge les bardeaux constituèrent, avec le chaume, le matériau de prédilection pour la couverture, car le millier de bardeaux coûtait deux fois moins cher que le millier d’ardoises ou de tuiles, pour une capacité de recouvrement sensiblement comparable. M. de Bouard, « Note sur les matériaux de couverture utilisés en Normandie au Moyen  ge », Annales de Normandie, 15 (1965,3), p. 428.
  • [45]
    Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen, XIIe -XVIIIe siècles », Archéologie médiévale, 23 (1993), p. 190-191.
  • [46]
    AD Cher, H 1225, février 1226.
  • [47]
    Sur l’importance du bois dans l’architecture voir : J.-L. Biget, J. Boissière, J.-C. Hervé éditeurs, Le bois et la ville..., op. cit.; Le bois dans l’architecture. Actes du colloque de la Direction du patrimoine, Rouen, novembre 1993, Paris, 1995; Anne Prache, « Le bois dans l’architecture médiévale », Les Dossiers d’archéologie, 219 (déc. 1996), p. 54-62.
  • [48]
    AD Cher, 8 G 1874,1294.
  • [49]
    Dans ce cas précis, la mixité des matériaux renvoie à la technique spécifique du pan de bois qui se distingue de la construction sur simple ossature, non seulement par l’assemblage complexe et indéformable du carpentage, mais parce que celui-ci est isolé du sol par de la maçonnerie (les « sablières », sorte de dés de pierre, ou le « solier » soubassement maçonné) sur laquelle reposent les poteaux corniers, évitant ainsi qu’ils soient victimes de l’humidité et du pourrissement. À Rouen, une campagne systématique de datation entreprise par le centre d’archéologie médiévale de la ville a permis de démontrer la présence dés le XIIIe siècle (1210, 1240,1275) de plusieurs maisons à pan de bois. Consulter : L. Leboutet, « Datation par dendrochronologie d’une maison ancienne à Rouen », Annales de Normandie, 1982,2, p. 305-311. Pour le Val de Loire, une échelle de datation a été constituée. Voir : J.R. Plicher, « A 700 years dating chronology for northern France », British Archeological Reports, Oxford International Series, Application of tree-ring studies, current research in dendrochronology and related subjects, 333 (1987), p. 127-139.
  • [50]
    Benjamin Saint-Jean-Vitus, Maurice Seiller, « La construction de bois », dans Yves Esquieu, Jean Marie Pesez (sous la direction de), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, 1998, p. 78. Sur les maisons à pan de bois du Berry : Bernard Toulier, « La maison à pan de bois aux XVe et XVIe siècles dans quelques villes du Val-de-Loire et du Berry », Le bois et la ville, du Moyen Âge au XXe siècle, op. cit., p. 203-222; Les maisons en pan de bois de Bourges, Cher, textes d’Annie Chazelle, collection Images du Patrimoine, no 162, L’Inventaire, Orléans, 1997 ; Annie Chazelle, « Une maison en pan de bois... », art. cit., p. 87-92.
  • [51]
    À Rouen, Bernard Gauthiez a proposé de relier le développement de ce type constructif « bois-pierre », à partir de la deuxième moitié du XIIIe siècle, à l’autorité de la Commune, cette dernière luttant contre la construction en pierre susceptible d’opposer des limites matérielles pérennes à son pouvoir pour prôner la construction « bois-pierre » présentant l’avantage d’offrir, à côté d’un niveau économique non destructible (la cave en sous-sol et le cellier de pierre en rez-de-chaussée), un niveau résidentiel destructible (la salle en bois à l’étage), fragile et peu cher donc plus commodément soumis à la peine de l’« abattis de maison » (ou à son rachat) prévue dans les É tablissements de Rouen. Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 143.
  • [52]
    AD Cher, 8 H 59, mai 1282.
  • [53]
    AD Cher, 14 G 17, juillet 1269.
  • [54]
    Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 132.
  • [55]
    Christian Sapin, « Surprenante découverte d’une maison romane à Bourges », Archeologia, 75 (octobre 1974), p. 75.
  • [56]
    Ph. Labbe, « Chronicon Rotomagense », Nova bibliotheca manuscriptorum, Paris, 1657, cité par Bernard Gauthiez, « Les maisons de Rouen... », art. cit., p. 132.
  • [57]
    AD Cher, 12 H 28,1299.
  • [58]
    Robert Gauchery, « Vieilles maisons », dans Congrès archéologique de France, XCIVe session, Bourges, 1931, Paris, 1932, p. 130-131.
  • [59]
    Expression utilisée dans les Lettres de Charles VIII données le 24 septembre 1487 pour encourager les habitants de Bourges à reconstruire. Bibliothèque Nationale, manuscrit no 20 580, p. 25 et copie AD Cher, 2 F 592.
  • [60]
    AD Cher, 7 G 308,1274.
  • [61]
    AD Cher, 8 G 19,1262, février 1263 ; 7 G 405,1270.
  • [62]
    On ne disposera d’eau abondante et sous pression qu’à l’extrême fin de l’époque moderne.
  • [63]
    La durée du sinistre fait partie des inconnues, tout comme l’heure à laquelle il s’est déclaré. Ce dernier détail n’est pas sans importance car un incendie déclaré la nuit, surprenant les gens dans leur sommeil, paniquant la population et rendant la lutte extrêmement difficile, se révélait particulièrement redoutable.
  • [64]
    Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 196.
  • [65]
    Patrimoine que l’enquête ne mentionne pas, tant dans les paroisses incendiées que dans celles épargnées.
  • [66]
    Quels étaient les critères qui présidaient à l’enregistrement en tant que « non potest », nous l’ignorons.
  • [67]
    26 déclarants pour 54 maisons ne donnent pas lieu à une estimation de reconstruction. Les déclarants étaient-ils indécis, en attente d’une expertise ou bien en désaccord avec celle-ci au moment de l’enquête ? Nous ne saurions le dire. On remarque simplement que parmi ces déclarants, 19 appartiennent à la paroisse Saint-Médard et que 7 sont des femmes.
  • [68]
    À titre d’exemple, lors de la reconstruction de Saint-Amand, l’approvisionnement en bois de charpente entre août 1424 et mai 1425 nécessita l’abattage de 1287 chênes de quatre ans, 660 de trois ans, 367 de deux ans, tandis que 190 petits arbres fournissaient le bois blanc. Henri Platelle, « La reconstruction d’une ville... », art. cit., p. 244.
  • [69]
    Guy Devailly, Le Berry..., op. cit., p. 553.
  • [70]
    Renée Monjardet, « Recherches sur les institutions... », art. cit., p. 43.
  • [71]
    À Toulouse, à la suite du grand incendie de 1360, des sociétés de ce type se constituèrent. Voir Pierre Salies : « Le grand incendie de Toulouse... », art. cit., p. 133.
  • [72]
    AD Cher, 8 G 31, octobre 1247.
  • [73]
    AD Cher, 8 G 355, juillet 1253.
  • [74]
    À titre de comparaison, les chartes retenues se répartissent sur le siècle de la façon suivante : décennie 1200-1209 : 3 chartes; 1210-1219 : 7 ; 1220-1229 : 8; 1230-1239 : 21 ; 1240-1249 : 7 ; 1250-1259 : 22; 1260-1269 : 12; 1270-1279 : 10; 1280-1289 : 11 ; 1290-1299 : 7.
  • [75]
    AD Cher, 8 G 1869, août 1260; 7 G 308,1274; 12 H 32,1282.
  • [76]
    Sur les 14 « places » restantes on en compte 2 dans la nouvelle ville, 8 dans la cité et 4 sans localisation. La répartition globale laisse donc apparaître trois fois plus de « places » dans la nouvelle ville (24) que dans la cité (8).
  • [77]
    Dans cette hypothèse, le document rapportant les résultats de l’enquête serait incomplet et les ravages de l’incendie plus étendus. Aux indices concernant la paroisse Saint-Fulgent, on peut ajouter la mention de dégâts provoqués par le feu relevée dans une charte de 1253 concernant l’église Saint-Jean-des-Champs. 1487 : la vieille ville en flammes, op. cit., p. 6.
  • [78]
    Olivier Ruffier, Michel Philippe, Pascal Joyeux, « L’îlot Cujas à Bourges : archéologie et histoire d’un espace urbain », Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, 128 (décembre 1996), p. 21.
  • [79]
    La brève présentation des paroisses sinistrées en 1252 a fait apparaître le patronage de trois abbayes importantes à l’ouest et au nord de Bourges : Saint-Hippolyte-sur-Saint-Pierre-le-Guillard, Saint-Sulpice-sur-Saint-Médard et Saint-Ambroix-sur-Saint-Pierre-le-Marché. Ce patronage organisait le partage de l’autorité spirituelle et économique des grands établissements monastiques sur les quartiers neufs de cette partie de la ville.
  • [80]
    Ce bilan, en l’absence de documents d’archives et de travaux historiques complémentaires sur la topographie des bourgs et des paroisses de la nouvelle ville au XIIIe siècle, tente, à partir des données de l’enquête et des chartes retenues, d’évaluer l’état de développement des paroisses considérées au moment de l’incendie (ampleur des dégâts et nombre des déclarants) et leur faculté de redressement (nombre de postest et de non potest, patrimoines importants et familiaux, activité immobilière). Consciente que les résultats présentés sont à mettre au conditionnel, nous renvoyons le lecteur à nos travaux ultérieurs qui tenteront d’étayer et d’éprouver ces premières conclusions.
  • [81]
    Précisons que ces « regroupements familiaux » ont été constitués à partir des liens de parenté explicites puis élargis à l’usage des patronymes identiques. Ils ne réunissent donc pas uniquement des « familles » par le sang et l’alliance mais des ensembles patronymiques plus larges.
  • [82]
    AD Cher, vente, 14 G 214,1257 ; cens, 8 G 1869,1260; cens, 8 G 1674,1260; cens, 7 H 16 no 19,1263 ; donation, 12 H 32,1282; cens, 8 G 1897,1282; donation, 8 G 1869,1293 ; vente, 8 G 1674,1294; testament, 7 G 576,1298.
  • [83]
    AD Cher, échange, 8 G 1817,1252; vente, 8 G 1609,1256; 8 G 1829,1256; vente, 8 G 1874, 1265 ; donation, 8 G 355,1279; cens, 8 G 1609,1286; cens, 8 G 1835,1289; vente, 8 G 1817,1289.
  • [84]
    AD Cher, vente, 8 G 355,1252; échange, 12 H 25 no 3,1278; vente, 12 H 29 no 1,1282; vente, 12 H 25,1288.
  • [85]
    AD Cher, cens, 8 G 955,1252; 8 G 955,1259; testament, 7 G 573,1272; vente, 8 G 955,1276; testament, 12 H 41,1296; fondation, 12 H 28,1299.
  • [86]
    AD Cher, testament, 7 G 325,1282; testament, 7 G 576,1285.
  • [87]
    Les coupables furent emprisonnés. À son retour, en 1254, le roi accepte de libérer les bourgeois incarcérés mais exige que les habitants répondent sur leurs biens de l’amende infligée à la ville et ordonne une enquête. Guy Devailly, Le Berry..., op. cit., p. 466; É mile Chénon, Les jours de Berry au Parlement de Paris de 1255 à 1328, Paris, 1919, t. 1, p. 2 et 9; Louis Raynal, Histoire du Berry, op. cit., 2, p. 329; Claude Beugnot, Les Olim ou registres des arrêts rendus par la cour du roi sous les règnes de saint Louis, Paris, 1839-1848, t. 1, p. 436, no XII.
  • [88]
    Seules quelques mesures furent prises. Il semblerait qu’« En 1254, fut institué à Paris le guetbourgeois, assuré par divers corps de métier... Le tocsin alertait les habitants désignés qui devaient combattre l’incendie et faire la part du feu »; René Crumois, « Les incendies », Encyclopdia Universalis, t. 11, p. 1041. Voir l’édition critique de l’Ordonnance sur le guet-bourgeois de Paris de 1254 et les réserves de M. Garsonnin, Le guet et les compagnies du guet d’Orléans. É tude historique précédée de notes sur le guet de Paris, Orléans, 1898, p. 11-18 et 123-128. On sait aussi que les « É tablissements de Saint Louis » condamnaient les incendiaires à avoir les yeux crevés.
  • [89]
    Cette façon de procéder apparaît en tout état de cause après 1383, date du rétablissement de la gabelle. Dans Jean-Claude Hocquet, Le roi, le marchand et le sel, Actes de la table ronde L’impôt du sel en Europe. XIIIe -XVIIIe siècle, Saline Royale d’Arc-et-Senans, 23-25 septembre 1986, Lille, 1987, voir les contributions de Bernard Chevalier, « Aux origines de la ferme. Les villes et le monopole d’approvisionnement des greniers à sel (fin XIVe – milieu XVIe siècle) », p. 133-149, et de Jean-Claude Hocquet, « Le roi, le marchand et le sel », op. cit., p. 349.
  • [90]
    Archives Communales de Bourges, série CC, impositions foraines, liasse 129; série CC, procès de la ville avec les fermiers des aides, liasse 132.
  • [91]
    BN, manuscrit no 20580, p. 25 ; copie : AD Cher, 2 F 592.
  • [92]
    Bernard Chevalier, « Aux origines de la ferme... », art. cit.
  • [93]
    Maurice Bastide, « Un exemple de reconstruction... », art. cit., p. 12. De même en 1533, à la suite d’une requête de la population de Montargis demandant la prolongation des affranchissements obtenus après l’incendie du 15 juillet 1526, François Ier diligente une enquête auprès du bailli pour juger de l’opportunité de « continuer lesditz affranchissemens et octroy jusques à aultre temps de dix ans, dedans lequel ils ont intencion et bon vouloir parachever ladite réédification » et demande qu’en soit informé son grand Conseil. Henri Stein, « Procès-verbal d’enquête sur l’incendie de Montargis du 15 juillet 1525 », Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 8 (1890), p. 111-112.
  • [94]
    En remplacement du prieuré Notre-Dame de la Comtale, lieu de réunion des édiles et dépôt des archives de la ville, détruit dans le brasier. Jacquet de Porsigny, maître d’œuvre, reçu commande en 1488 et livra en 1489 le nouvel hôtel d’échevinage de style gothique flamboyant, dans lequel « s’affirmait sans équivoque la volonté de la bonne bourgeoisie berruyère, alors au faîte de sa richesse et de sa puissance, de se faire respecter... », É mile Mesle, Histoire de Bourges, Roanne, 1988, p. 143, et l’introduction de Jean-Yves Ribault dans l’opuscule présentant le Musée Estève-Hôtel des É chevins.
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