Notes
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[1]
C. Chaline et J. Dubois-Maury, La ville et ses dangers, Paris, 1994.
-
[2]
A. Farge, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1979.
-
[3]
N. Cabusat et A. Merlin, Recherches sur la délinquance à Lille, 1721-1750, Mémoire de maîtrise sous la direction de P. Deyon, Lille 3,1972. M. Lebert-Fallou, La délinquance à Lille, 1750-1789, Mémoire de maîtrise, Lille 3,1969.
-
[4]
Les écouages lillois se trouvent soit dans des registres, lacunaires, soit dans des dossiers. Pour les premiers, voir Archives municipales de Lille, 10 797,10 798,10 799 et 10 800 pour les années 1718-1726,1726-1738,1754- 1761 et 1770-1776. Les autres registres d’écouages ne donnent que des comptes. Les dossiers d’écouages sont beaucoup plus continus : A. M. Lille, 10 941 à 1 0 948 couvrent les années 1713 à 1790, avec une interruption en 1737-1738, et de 1745 à 1754. Il y a peu d’écarts entre les dossiers et les registres. Les écouages douaisiens se trouvent mélangés dans les procès criminels : Archives municipales de Douai, dossiers FF 550 à 582, de 1700 à 1790. Les dossiers semblent très incomplets dans la première moitié du siècle.
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[5]
Les échevins lillois, comme pour tout ce qui concerne leurs prérogatives judiciaires sont très attentifs à ce que cette règle soit respectée. En 1776, ils tancent sévèrement un curé qui a enterré sans les prévenir un jeune garçon mort d’une crise d’éthylisme. Le curé explique qu’il ne connaissait pas les lois françaises, venant d’une cure proche, mais relevant des Pays-Bas. Il promet volontiers de ne plus recommencer. Voir A. M. Lille, Registre 10 800, fo 203, du 17 octobre 1776, Maurice Prouvez.
-
[6]
P. Guignet, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle : pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre à la frontière franco-belge, Paris, 1990.
-
[7]
Notons que la conquête française de 1667-1668 n’a rien changé à cette procédure, ni aux pouvoirs judiciaires des échevinages. La seule nouveauté a été l’obligation de l’appel au parlement de Douai pour toutes sentences portant une peine afflictive.
-
[8]
A. M. Lille, 10 800, fo 190v.
-
[9]
Quand le cadavre se trouve sur la voie publique, les échevins le font déposer dans une maison ou un cabaret, ou un bâtiment public proches, où les médecins opèrent.
-
[10]
Les écouages du début du siècle sont beaucoup plus sommaires, surtout quand la personne est décédée de ses blessures dans un hôpital. On n’a alors que le témoignage du personnel hospitalier, qui ne dit rien des circonstances de l’accident.
-
[11]
É videmment, des cadavres peuvent disparaître et échapper aux échevins, mais ce genre de chose est tout de même assez rare. La fiabilité des données, au moins à Lille, est à peu près garantie par la concordance des dossiers et des registres. Excepté le creux des années 1737-1739, qui sont incomplètes, et le « trou » des années 1745-1753. À Douai, la fiabilité est moins sûre, car il n’y a que des dossiers, qui peuvent être incomplets.
-
[12]
Au XVIIIe siècle, la population lilloise varie autour de 55-60 000 habitants, la population douaisienne autour de 15-20 000. Il y a en moyenne 11,8 accidents par an à Lille et 1 par an à Douai. Ces chiffres sont évidemment très approximatifs, et il est possible que le faible taux douaisien provienne des lacunes de la source. Mais on peut aussi avancer l’hypothèse raisonnable d’une dangerosité de la ville qui augmenterait avec la taille de sa population. Ce qui pourrait expliquer les préoccupations de sécurité plus fortes dans les grandes villes et capitales.
-
[13]
La Scarpe est un affluent de l’Escaut, la Deûle ne traverse pas exactement Lille, mais la longe, puis rejoint la Lys qui est également un affluent de l’Escaut.
-
[14]
A.M. Lille, registre 10 797, fo 17v., 3 juin 1718. On dit souvent « étouffé » pour noyé ou asphyxié dans les écouages.
-
[15]
A.M. Lille, dossier 10944, écouage de François Amé Joseph Thierry, 12 novembre 1762. Déposition de Léonard Joseph Thiery, aubergiste, qui découvre son fils de 2 ans noyé dans une cuvelle de linge dans la cour : « le déclarant, ne sachant ce qu’il faisoit, parce qu’il avoit perdu la tête, porta cet enfant, qui était sans aucun mouvement, sur les genoux de sa femme, en lui disant, est-ce ainsi que tu as soin de tes enfants... »
-
[16]
A.M. Lille, 10 798, fo 40. Du 19 février 1728.
-
[17]
A.M. Douai, FF 562 bis.
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[18]
A.M. Douai, FF 569.
-
[19]
Voir Sabine Barles, La ville délétère, Médecins et ingénieurs dans l’espace urbain, XVIIIe - XIXe siècle, Paris, 1999.
-
[20]
Il y a une exception unique dans les écouages lillois : une meunière happée par les engrenages de son moulin (registre 10 797, fo 215v.). Certaines noyades de batelières ou de blanchisseuses pourraient éventuellement aussi être considérées comme des accidents de travail, mais bien difficiles à distinguer des autres noyades.
-
[21]
Les écouages douaisiens ne relèvent pas systématiquement ce type d’accident.
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[22]
A.M. Douai, FF 559, É couage de François Paix, âgé de 8 ans, le 7 juin 1747.
-
[23]
A.M. Lille, dossier 10 943, É couage de Julien Chalumeau, dit La douceur, soldat du bataillon de Rennes des milices de Bretagne, âgé de 21 ans, le 30 juillet 1744.
-
[24]
Restent quelques accidents (20 à Lille, 8 à Douai) impossibles à ranger dans une rubrique particulière, tant ils relèvent du hasard et sont particuliers. Ainsi quelques malchanceux reçoivent-ils sur la tête des tuiles, des pots de fleurs qui tombent des toits et appuis de fenêtre. Deux canonniers lillois sont victimes de leur canon qui explose. Chacun de ces accidents est en soi intéressant, mais trop singulier, pour une étude globale.
-
[25]
J. Delumeau, Rassurer et protéger, le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989.
-
[26]
J.-C. Chesnais, Les morts violentes en France depuis 1826, Cahiers de l’INED, no 75,1976, explique, pp. 493-494, que l’accident de travail n’émerge que dans les années 1839-1840 de l’accident industriel.
-
[27]
On ne trouve qu’une seule exception à cette règle de non-intervention, à Lille, le 7 juillet 1734, à la suite du décès de Marie-Joseph Plies, 36 ans, tombée dans un puits de cave, rue dauphine, le Lieutenant-Prévôt ordonne : « que ladite maison sera visitée par nos experts jurez, pour ledit puich être mis hors de danger aux frais et dépens du propriétaire », A.M. Lille, 10 798, fo 192.
-
[28]
É voqués, entre autres, dans J. Delumeau et Y. Lequin, Les malheurs des temps. Histoire des fléaux et des calamités en France, Paris, 1987.
-
[29]
A.M. Lille, Aff. gén., carton 704, d. 8; Archives départementales du Nord, C 892, d. 4.
-
[30]
Pour une vue détaillée, de la question, voir C. Clémens-Denys, Sûreté publique et sécurité personnelle dans les villes de la frontière entre les Pays-Bas et la France au XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Arras, 1998, pp. 520-545.
-
[31]
J’emploie le mot noyé dans le même sens que les textes du XVIIIe siècle, c’est-à-dire quelqu’un qui est tombé à l’eau, mais n’est pas encore forcément mort.
-
[32]
A.M. Lille, Dossier 10 944, écouage du 29 juin 1762.
-
[33]
Plusieurs exemplaires à la Bibliothèque nationale de France, et aux A.M. Lille, Aff. gén., cartons 1276 et 1280.
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[34]
A.M. Lille, Aff. gén., carton 1276, d. 4.
-
[35]
Ibidem.
1Des risques urbains, il a déjà été souvent question [1], sous les aspects opposés du collectif et de l’individuel. Du collectif relèvent les descriptions passées et présentes des dommages à la ville que provoque la fureur de la nature ou de l’homme : tremblements de terre, incendies dévastateurs, émeutes, pillages. S’y ajoutent, pour les temps anciens, les épidémies foudroyantes et, pour des temps plus rapprochés, les risques industriels. D’un autre côté, le risque individuel encouru par le citadin a surtout été mesuré à l’aune de la délinquance et de la violence des sociétés urbaines. Par une étrange myopie, nos peurs urbaines contemporaines se focalisent sur ce dernier aspect : le parking mal éclairé devient le lieu de tous les fantasmes de l’angoisse alors que les risques de mourir dans un banal accident de voiture sont mille fois plus nombreux. Entre la peur, toujours irrationnelle, et le risque, quantifié, l’écart reste peu franchissable. La peur s’investit plus facilement du côté des catastrophes dévastatrices ou de la criminalité individuelle, toutes deux plutôt exceptionnelles; tandis que l’accident appartient au domaine du quotidien, du banal, et par là même s’intègre sans difficultés à nos existences, en dépit de sa dangerosité bien plus forte. Les accidents domestiques tuent beaucoup plus d’enfants que les monstres pédophiles. Pourtant, ces derniers, en mobilisant l’horreur, génèrent des peurs considérables, et une demande de sécurité très exigeante adressée aux pouvoirs publics; tandis que les tueurs ordinaires, bouteilles de produits caustiques et chauffages mal réglés n’effraient personne, en dépit des avertissements réitérés des mêmes pouvoirs publics. Même mortel, même répété, l’accident ne sort guère du domaine du risque banal intériorisé, accepté, d’où son faible pouvoir anxiogène, peut-être au fond nécessaire à l’équilibre psychologique de la vie quotidienne.
2D’hier à aujourd’hui, cet écart entre la peur du risque exceptionnel et la banalisation du risque accidentel ne semble pas avoir changé, même si la nature des catastrophes et des crimes urbains ne sont plus les mêmes. Pour autant que l’historien puisse en juger, il y a là une intéressante constante du passé au présent. Et un déséquilibre historiographique révé-lateur. Pour l’Ancien Régime tout au moins, la mort a été longuement scrutée, mesurée, réfléchie. La démographie historique ne nous laisse plus beaucoup à apprendre sur les mesures de la mort. Les crises de mortalité ont été analysées en profondeur. Le triomphe de la mort sur la vie dans les villes, l’incapacité de leurs populations à se renouveler par leur propre mouvement naturel, l’hécatombe des enfants abandonnés font désormais partie des connaissances historiques de base. De même que les attitudes devant la mort, depuis le triomphalisme pédagogique de la mort baroque jusqu’aux débuts timides de l’effacement du mort au XVIIIe siècle. Enfin, l’étude des archives judiciaires a dévoilé la violence urbaine, de l’homicide à l’exécution capitale.
3Dans ce dossier historique pourtant très ouvert, la mort accidentelle apparaît peu. Tout au plus est signalée, rapidement, la vulnérabilité particulière des enfants aux accidents quotidiens, dans le registre de la forte mortalité infantile et juvénile. Ou encore, dans les études urbaines, les difficultés des cheminements des piétons au cœur de circulations intenses dans un bâti mal adapté. Plus précisément, le travail d’Arlette Farge sur la rue parisienne au XVIIIe siècle [2] a montré combien la vie était fragile, au quotidien, pour les habitants de la ville.
4Mais la mort accidentelle n’est jamais prise en compte pour elle-même alors qu’elle tient une place considérable dans l’éventail varié des morts violentes. Loin sans doute derrière les morts naturelles, avec les maladies, mais nettement devant les morts criminelles. É bauchons une première mesure, approximative, mais révélatrice. Les études sur la criminalité lilloise dénombrent 33 homicides de 1720 à 1759, soit moins d’un homicide pour deux ans [3]. Pour la même période (avec une interruption de dix ans), au moins 655 accidents mortels se sont produits; et il y a en moyenne 11 de ces accidents par an. Le risque de mort accidentelle est donc bien plus élevé que le risque de mort criminelle. Encore faut-il, pour l’évaluer, disposer de sources précises.
Les écouages lillois et douaisiens [4]
5Quand une mort ne paraît pas naturelle, les juges procèdent à la levée du cadavre pour déterminer si une information judiciaire doit être ouverte ou non. Dans la châtellenie de Lille, cette procédure, qui s’appelle l’écouage, obéit à des règles strictes qu’il est possible de reconstituer grâce à la conservation des dossiers [5].
6En cas de décès suspect ou accidentel, le prévôt à Lille, ou le bailli à Douai, sont avertis, par les proches, les voisins, le médecin ou le curé qui ont assisté le mourant ou trouvé le cadavre. Bien souvent les gens ne s’adressent pas directement aux prévôt et bailli, mais aux sergents de police, qui sont en permanence présents à l’hôtel de ville, et préviennent à leur tour leurs supérieurs.
7Le prévôt lillois et le bailli douaisien sont des officiers, à l’origine chargés de représenter le prince, c’est-à-dire le comte de Flandre auprès de la commune bourgeoise. Celle-ci est dirigée par un échevinage, qui est à la fois responsable administratif de la ville et juge pour tout délit commis dans ses murs et en banlieue. Le cumul des pouvoirs administratifset judiciaires, le poids de la tradition, et la cooptation dans l’oligarchie bourgeoise font de ces grands échevinages des anciens Pays-Bas des patriciats puissants dont le poids contraste avec l’affaiblissement des pouvoirs municipaux dans les villes françaises [6]. Les relations entre échevins, d’une part, prévôt et bailli, d’autre part, ne sont donc pas toujours faciles, mais dans les procédures judiciaires, le partage des attributions fonctionne bien. Le prévôt ou bailli est chargé de la « semonce », c’est-à-dire d’avertir le tribunal scabinal de tout désordre, crime ou délit. S’il le juge nécessaire, il demande l’ouverture d’une information. C’est ensuite lui qui prononcera le réquisitoire, à partir duquel les échevins rendront leur sentence [7]. Dans la procédure d’écouage, c’est à la requête du prévôt ou bailli que les échevins se déplacent. Quatre échevins lillois, deux à Douai, assistés d’un greffier, d’un ou deux sergents de ville, du médecin et du chirurgien jurés de laville se rendent alors sur les lieux. Là, ils observent le cadavre, notent la position du corps, inventorient sommairement ses blessures, décrivent ses vêtements. Les lieux sont précisément indiqués, tout comme les éléments matériels retrouvés près du corps, et qui peuvent expliquer le décès. Ensuite, les magistrats s’informent sommairement des circonstances du décès auprès des personnes présentes. À Lille, cet interrogatoire se fait sur place, en présence du cadavre, tandis qu’à Douai, jusqu’en 1789, le cadavre est d’abord transféré à l’hôtel de ville, après avoir été scellé du sceau de la ville sur le front. Les témoins sont ensuite entendus à l’hôtel de ville. Mais excepté cette différence de lieu, ces interrogatoires sont tout à fait semblables à Lille et à Douai.
8La procédure est sommaire, et les juges n’interrogent que les témoins qui leur semblent indispensables, ceux qui ont été témoins de l’accident mortel ou du moins qui ont côtoyé le cadavre, et ceux qui peuvent l’identifier. Ainsi dans les nombreuses noyades, ce sont les bateliers qui ont repêché le corps qui sont interrogés. Dans les cas d’accidents domestiques, ce sont les voisins et parents qui témoignent. Ces témoins sont peu nombreux : de un à trois au maximum. Puis viennent les témoins, d’ailleurs le plus souvent un seul témoin qui identifie formellement le cadavre, en assurant de bien le connaître. Si le cadavre est inconnu, ce qui se présente très rarement, le corps est exposé pendant quelques jours dans une salle ouverte de l’hôtel de ville, et un parent vient généralement le reconnaître le lendemain ou le surlendemain. Une seule fois, à Lille, le cadavre retiré de l’eau après un long séjour était tellement décomposé que les échevins ont préféré le faire enterrer de suite, mais ses vêtements et effets personnels ont été exposés dans le même but [8]. Il est intéressant de noter que les témoins de l’identification sont rarement les parents les plus proches du mort, mais le plus souvent des voisins ou des parents un peu éloignés. Les militaires sont reconnus par leurs camarades de régiment, les étrangers à la ville par leurs aubergistes.
9Les échevins demandent alors aux médecins de déterminer les causes de la mort. Une autopsie est donc réalisée, à l’hôtel de ville à Douai, sur les lieux même du décès à Lille [9]. Ces médecins prêtent serment et rédigent un compte rendu, toujours conservé dans les archives. L’autopsie est relativement sommaire, car dans la plupart des cas la cause de la mort est évidente. D’où l’emploi de formules stéréotypées : ainsi pour les noyés, les doigts crochus, la peau lessivée, l’eau dans le corps sont des preuves suffisantes, surtout si l’examen externe du corps ne décèle aucune trace de violence. Quand la mort résulte d’une forte plaie au crâne, les médecins disent qu’elle a été provoquée par une chute ou un coup violent, sans se compromettre beaucoup. D’une manière générale, ces autopsies orientent l’interprétation des décès vers l’accident beaucoup plus que vers l’homicide.
10Après les témoignages et l’autopsie, le prévôt ou bailli donne permission d’inhumer, et décide s’il y a lieu ou non d’informer dans le cadre d’une procédure criminelle. Dans ce dernier cas, l’écouage sera la première pièce versée au dossier. Sinon, le procès-verbal est enregistré sans suite. Cette procédure ne prend guère de temps. Entre le décès et la permission d’inhumer, une demi-journée suffit le plus souvent à Lille. À Douai, les témoins sont entendus au plus tard le lendemain de la constatation du décès.
11Pendant tout le XVIIIe siècle, cette procédure d’écouage ne connaît aucun changement. Tout au plus voit-on apparaître à Lille des procèsverbaux plus détaillés et des dépositions plus circonstanciées dans la deuxième moitié du siècle [10]. À Douai en 1790, le transfert du cadavre scellé à l’hôtel de ville disparaît, et l’écouage se fait désormais sur les lieux de l’accident. À Lille, la Révolution ne change en rien la procédure, les écouages de 1790-1791 ne se distinguant des précédents que par les titres d’officiers municipaux à la place d’échevins, et de procureur de la commune à la place de prévôt.
Types d’accidents : les dangers quotidiens de la vie urbaine
12Grâce à cette tradition de l’écouage dans la châtellenie de Lille, nous disposons d’une vue d’ensemble relativement fiable [11] sur les morts accidentelles à Lille et Douai au XVIIIe siècle. Les écouages lillois de 1713 à 1791 livrent des renseignements précieux sur 1 0 15 morts violentes ou subites, dont 758 sont, d’après ce qu’indiquent les témoignages et les rapports des médecins, des accidents. Dans les 257 autres morts se trouvent des suicides évidents (par pendaison le plus souvent, rarement par arme à feu), des morts naturelles, mais subites (infarctus entre autres), de nombreux cadavres de nouveau-nés jetés à la rivière, déposés dans le coin d’un cimetière ou abandonnés dans la rue, et des morts présentant des blessures suspectes qui annoncent l’homicide. Tout ceci ne pouvant être considéré comme accidentel. Pour Douai, on n’a relevé que les écouages pour mort accidentelle, qui s’élèvent à 96 morts, de 1700 à 1790 [12].
13Parmi les risques urbains, la noyade tient une place énorme : plus de la moitié des décès accidentels, exactement 62,5% (431 ) des écouages sur accidents à Lille et 58,3% (51 ) à Douai, sont des noyades. En moyenne, sur toute la période, cela signifie concrètement, entre 4 et 10 noyés par an à Lille.
14L’environnement urbain d’Ancien Régime joue un rôle important dans ce risque qui n’a plus la même acuité aujourd’hui. Il rappelle que l’eau n’était jamais très loin dans les villes, surtout dans les Pays-Bas au réseau fluvial dense. Non seulement Lille et Douai sont traversées par des rivières importantes, la Deûle et la Scarpe [13], mais de très nombreuses « rivierettes » et canaux irriguent tout l’espace urbain. Ces cours d’eau serpentent dans la ville, à l’air libre ou sous les bâtiments, ce qui permet à de nombreuses maisons d’avoir un accès à la rivière par un soupirail de cave et explique aussi la présence de nombreux puits dans les cours intérieures ou les caves. De plus, parce que ces villes sont aussi des places militaires de première grandeur, elles sont entourées de fossés entretenus avec soin par les ingénieurs, ce qui ajoute à l’élément liquide dans l’espace urbain.
15Les dépositions des témoins lors des écouages permettent de comprendre comment ces noyades se produisent. Plusieurs cas de figure se rencontrent régulièrement. La noyade par imprudence concerne quasi exclusivement les jeunes gens. Par petits groupes, les garçons et les hommes jeunes se baignent dans les fossés et les rivières dès qu’il fait un peu chaud. À Douai, cela concerne 10 des 56 noyés, parmi lesquels de nombreux écoliers étrangers, car la ville était un centre d’enseignement renommé. Beaucoup de ces baigneurs imprudents sont aussi des militaires, tentés par la fraîcheur des fossés, après des heures d’exercice sur l’esplanade. Ce type de noyade est aisément repérable, car les cadavres sont nus, et toujours masculins. Une véritable imprudence des baigneurs est en cause, car nombre de ces jeunes gens qui se jettent à l’eau ne savent pas bien nager, et même si les fossés et les canaux ne sont pas très profonds, un courant ou un creux peuvent les surprendre. Souvent le baigneur en difficulté est secouru par ses camarades, ou par un passant sachant nager, mais dans l’eau fangeuse, on perd très vite trace de celui qui a coulé au fond, et il faut requérir l’aide de bateliers qui sondent la rivière avec des bâtons et des crochets, pour sortir finalement de l’eau un cadavre. Quelques noyés lillois de ce genre sont probablement aussi des fraudeurs, qui traversent les remparts par les fossés pour éviter les contrôles.
16Malgré tous ces accidents, il ne vient à l’esprit de personne, au XVIIIe siècle, d’enseigner la natation. Ceux qui savent nager l’ont sans doute appris par eux-mêmes, mais le temps n’est pas encore aux piscines. D’ailleurs, les sociétés d’Ancien Régime admettent pour les jeunes gens et les soldats des conduites à risque qui seraient très mal vues de la part d’autres groupes sociaux.
17Les accidents de patinage produisent un autre type de noyade très proche des premiers. Le XVIIIe siècle a connu quelques hivers rigoureux où fossés et canaux étaient pris par la glace. Les enfants et les jeunes gens ne résistaient pas au plaisir de patiner, dans une région où c’était un divertissement traditionnel. Avec le risque que l’on devine : par endroits, la glace trop mince se cassait et le patineur plongeait dans l’eau glacée. La mort était alors d’autant plus assurée que le danger rendait les secours très difficiles.
18D’autres noyades sont encore plus tragiquement banales. En descendant les quelques marches qui mènent à la rivière, et qu’on appelle ici un « puisoir », pour prendre de l’eau, ou laver quelques ustensiles de cuisine, des femmes glissent et tombent à l’eau. Cela arrive aussi à plusieurs reprises à des ouvriers teinturiers en rinçant du fil.
19De même, se noient des enfants qui jouent au bord du canal, surtout les plus jeunes, qui échappent quelque temps à la surveillance de leurs parents. Ceux-ci commencent par constater la disparition de leurs enfants, les cherchent chez les voisins, chez des parents, un peu partout dans la ville. L’enfant ne réapparaissant pas, et l’inquiétude grandissant, les parents rendent leur recherche publique, en s’adressant aux crieurs municipaux, qui publient la disparition. Souvent, dans les jours qui suivent, le corps réapparaît, et un parent vient identifier l’enfant disparu. Les familles des bateliers, des meuniers et des blanchisseurs paient un lourd tribut à cette proximité professionnelle de l’eau. Toutefois, les noyades dans les canaux et les rivières ne sont pas l’accident qui, proportionnellement, touche le plus les enfants. Les victimes les plus nombreuses sont des adultes.
20Parmi les nombreux noyés retrouvés au matin, dérivant dans le courant, beaucoup ont été victimes d’un environnement urbain peu sûr. Sortant la nuit d’un cabaret, souvent un peu (voire complètement) ivres, les citadins tentent de regagner leur domicile dans l’obscurité totale ou un faible éclairage. Les canaux, rarement entourés de barrières ou de garde-fous, sont invisibles. Il arrive même que des gens ratent un pont et se dirigent droit dans l’eau. Le canal de jonction entre la haute et la basse-Deûle, qui traverse l’esplanade à Lille, semble particulièrement traître pour ceux qui s’y promènent le soir. Même en plein jour, certains passages sont dangereux : les chemins des remparts, glissants et boueux, surplombant les fossés; par endroits, dans la banlieue ou les terrains de fortification, une simple planche tient lieu de pont. Enfin les barrières des ponts ne sont pas toujours très solides.
21L’accident banal suffit donc à expliquer la plupart de ces noyades, mais une autre dimension est possible. En effet, les dépositions des témoins évoquent souvent la folie passagère ou des signes de dépression des victimes. Or la folie est la seule excuse admise, juridiquement et religieusement, au suicide sous l’Ancien Régime. Le même type de discours se retrouve dans les écouages des suicides évidents, c’est-à-dire des pendus. Mais dans ce cas, les juges ne se laissaient pas toujours convaincre. Le suicide par noyade présentait donc l’extrême avantage de laisser un doute, car, en l’absence de témoins lors de l’immersion, il est impossible de distinguer si la noyade est volontaire ou involontaire. De ce fait, le suicide par noyade n’est jamais poursuivi par la justice scabinale, alors qu’il y a encore quelques procès aux suicidés à Lille et à Douai au XVIIIe siècle. Le noyé échappait donc aux rigueurs de la loi, son corps était inhumé normalement, et sa famille ne subissait ni honte ni préjudices. Ce sont là des choses qui peuvent compter, même pour un désespéré, et cela peut expliquer aussi l’insistance des témoins à évoquer les signes de dérangement mental de la victime.
22On retrouve ce même problème de la noyade-suicide dans le cas des noyades à l’intérieur des maisons (43 à Lille, 5 à Douai), qui s’apparentent davantage à un accident domestique qu’à un accident sur la voie publique. Il y a peut-être quelques véritables accidents dans ces noyés, souvent des femmes, que l’on retire des puits, des caves ou des cours. Mais là encore, les excuses de folies fréquemment alléguées par l’entourage trahissent le suicide dans de nombreux cas. Dans cette catégorie de noyades « domestiques », des enfants très jeunes sont particulièrement touchés. Les échevins découvrent en effet, régulièrement, dans les maisons, des petits cadavres la tête plongée dans des « cuvelles », cuveaux et baquets remplis d’eau, de linge mis à tremper. Le récit des parents et voisins en ce cas est toujours le même : l’enfant a profité d’un moment d’inattention de sa mère, et malgré tous les soins qu’on lui a immédiatement prodigués, il a été impossible de le ramener à la vie. Ce genre de mort fait évidemment penser à l’infanticide, mais il semble que ce soupçon n’effleure guère les échevins. Il serait de toute façon impossible à prouver, et ce genre d’accident est souvent dénoncé encore de nos jours, car les adultes ont tendance à oublier qu’un jeune enfant peut se noyer dans 20 cm d’eau. Dans les écouages, bien souvent, les parents, ou les voisins en leur nom, témoignent d’une grande douleur, aux accents émouvants, mais celle-ci s’exprime aussi par des formules stéréotypées dont la sincérité est bien difficile à juger. Ainsi lorsque les voisines du boulanger Delebecq évoquent la mort de sa fille de 27 mois : « que lesdits Delbecq et sa femme aiant hier sur le soir appris le malheur arrivé à leur petite fille estoient sortis si épouvantés qu’on ne savoit point les remettre, que ledit enfant avoit été mis sur une chaise percée près de ladite cuvelle sans qu’on s’en fut aperçue où elle avoit été étouffée, et que c’estoit un pur malheur au grand regret de ses père et mère [14] ». Par contre, la responsabilité des mères dans le décès de ces jeunes enfants est clairement mise en cause par leurs époux, qui évacuent peut-être de cette manière un trop plein de souffrance [15].
23Proportionnellement aux noyades, les autres risques d’accidents en ville sont nettement moins nombreux. Même en additionnant les accidents du travail, de la circulation et les accidents domestiques, on n’atteint pas les chiffres impressionnants des noyades. Toutefois, ces accidents sont aussi révélateurs des dangers de la ville au XVIIIe siècle. Habitué aux descriptions pittoresques de Paris par Louis-Sébastien Mercier, ou Restif de la Bretonne, à leurs récits de piétons angoissés par la circulation effrénée des véhicules dans la capitale, l’historien de la ville pourrait croire que l’accident de circulation est le risque le plus fréquent pour le citadin. Certes, la taille de la ville joue certainement beaucoup, mais les écouages lillois et douaisiens montrent que ce danger, quoique réel, n’est pas premier. La circulation tue 45 personnes à Lille de 1713 à 1791, soit près de 6% des décès accidentels, et 12 personnes à Douai de 1700 à 1790, soit 12,5 % du total. La description de ces accidents, très rapide, quand elle existe, ne permet pas toujours de comprendre ce qui s’est passé, mais deux sortes de causes peuvent être dégagées.
24D’une part, les accidents provoqués par le comportement des chevaux, soit qu’ils s’effrayent pour diverses raisons, soit qu’ils échappent à un conducteur ou à un cavalier peu expérimenté. D’autre part, les accidents liés au manque d’attention des passants dans un environnement intrinsè-quement dangereux.
25Car la manœuvre des cochers est souvent délicate dans des rues en pente, en descente des ponts par exemple, ou dans des rétrécissements de la voie, aux portes de ville ou dans toute rue sinueuse. Un véhicule lourdement chargé, et des chevaux, même obéissants, ne se manœuvrent pas facilement. L’arrêt immédiat n’est pas toujours possible, lorsqu’un passant distrait ou un enfant imprudent coupe la route au cocher. Même lorsque le conducteur est prudent, il ne peut toujours empêcher ces accidents liés à un bâti urbain dangereux et à ce problème technique. De plus, les piétons considèrent que la rue leur appartient autant qu’aux voitures, et les enfants en font leur terrain de jeu naturel. Aussi les cochers signa-lent-ils le danger en avertissant simplement de la voix : « gare, gare. » Et il semble que la plupart des gens sachent s’écarter à temps. Sauf deux caté-gories d’âge particulièrement désignées pour ces accidents : les jeunes enfants, trop absorbés dans leurs jeux, ou inconscients du danger; et les vieillards qui n’entendent plus bien ou n’ont plus l’agilité nécessaire pour se mettre à l’abri rapidement. Cette distribution particulière des victimes d’accidents de circulation est très nette, surtout pour les enfants : à Lille, 54,7 % des victimes d’accidents de circulation et à Douai, 58,3 % ont moins de 18 ans. La plupart des récits montrent pourtant que les conducteurs sont conscients du danger. Une voisine, témoin de la mort de Jacques Joseph Debaix, âgé de 3 ans, affirme «... d’avoir vu que le chartier aiant trouvé au milieu de la rue plusieurs enfants qui jouaient ensemble, avoit arresté et fait retirer lesdits enfants et après qu’ils furent éloignez de sa charrette, elle a veu lesdits enfants étant trois ou quatre aller le long de ladite charrette et étant à l’endroit de la roue du derrière, elle a vu que ledit Jaques Joseph Debaix est tombé sous ladite roue de derrière qui lui a passé au travers du corps et est mort sur le champ, sans pouvoir dire s’il n’y a point été poussé par ses camarades, tous enfants du même âge, mais le chartier ne l’a point vu et on n’a point eu le temps de crier arreste... [16] » On est là bien loin des comportements irresponsables des riches en carrosses dénoncés par les auteurs parisiens, mais il reste certain que la rue urbaine est un espace particulièrement risqué pour les enfants au XVIIIe siècle.
26Plus dangereux que la rue, et pourtant moins souvent évoqués, les accidents de travail tuent au moins 79 personnes à Lille de 1700 à 1791 et 20 à Douai de 1700 à 1790. Pour une immense majorité, il s’agit d’accidents dans la construction de bâtiments. Les couvreurs en particulier paient un lourd tribut à leurs conditions de travail, sans aucune sécurité. 31 des 79 victimes lilloises sont des couvreurs, qui tombent des toits sur lesquels ils étaient en train de travailler. Les charpentiers aussi font des chutes mortelles, les maçons tombent d’échafaudages peu solides, qui s’effondrent ou sont ensevelis sous la chute d’un mur, ou d’une voûte. Parfois l’accident touche plusieurs personnes, comme à Douai, le 24 mai 1754. On travaillait alors à la construction des casernes dites d’Esquerchin, un chantier important par l’ampleur des bâtiments. À cause du grand vent, les fermes de la charpente qui avaient été posées la veille tombent d’une hauteur de quatre étages, et blessent sept ouvriers. Deux maçons, Pierre Macquart et Pierre Lefebvre sont tués sur le coup, Ignace Macquart, frère du premier est conduit à l’hôpital où il décède de ses blessures. Les quatre autres sont plus légèrement atteints [17].
27En dehors des métiers du bâtiment, les métiers qui utilisent du feu provoquent les accidents que l’on imagine. Thomas Armand, un ouvrier brasseur, périt brûlé dans la bière bouillante qui a débordé d’une chaudière défectueuse, le 15 décembre 1717 à Douai [18]. Les vidangeurs de fosses sceptiques succombent aux émanations des gaz toxiques, le fameux méphitisme que dénoncent les médecins de l’époque [19]. Plusieurs accidents se produisent aussi lors du déchargement de matériaux lourds, comme les troncs d’arbres. La ville crée donc aussi un environnement à risques pour ceux qui y travaillent. Excepté quelques jeunes apprentis âgés de 12 à 17 ans, ces décès concernent toujours des hommes adultes. C’est, par la nature des choses, le seul cas de victimes exclusivement masculines, les métiers féminins, en ces temps préindustriels, étant nettement moins dangereux [20].
28La ville est donc dangereuse dans ses rues, ses rivières et par ses travaux, mais plus encore à l’intérieur des maisons. Les accidents domestiques sont nombreux à Lille, avec 139 décès, soit 18,3 % des accidents [21]. La plupart de ces accidents sont des chutes ou des brûlures. Les chutes sont souvent des défenestrations : en se penchant trop par la fenêtre, la victime tombe sur la rue, ou sur le pavé d’une cour intérieure. Cela arrive aux enfants très jeunes ou imprudents, comme ce petit garçon qui, au dire de sa grande sœur, s’est avancé sur le rebord de la fenêtre pour tenter d’attraper un nid [22]. Mais aussi aux adultes, sous l’influence de l’alcool, comme ce soldat qui, d’après ses camarades de chambrée, « probablement aura tombé en pissant par la fenêtre [23] ». Le suicide n’est évidemment pas exclu de ces défenestrations, mais les explications données par les témoins reposent plus souvent sur des causes accidentelles très convaincantes.
29Par ailleurs, la verticalité et l’étroitesse des maisons urbaines obligent à y utiliser des escaliers particulièrement raides et dangereux. Les personnes âgées y font souvent des chutes mortelles, qui expliquent en partie la surmortalité des vieillards dans ce type d’accidents. De plus les caves et les greniers sont souvent accessibles par des trappes que l’on oublie parfois de fermer. Il n’est pas impossible, évidemment, que ces oublis soient volontaires ou même que les chutes dans les escaliers soient provoquées, pour se débarrasser peut-être d’un vieillard inutile. Mais l’idée ne semble pas effleurer les échevins, qui n’informent jamais, en ce cas, vers une procédure criminelle, tant l’enquête serait difficile. D’ailleurs, l’idée du « géronticide » semble nettement moins répandue que celle de l’infanticide, car les discours justificatifs des voisins sur les parents ne se retrouvent pas en cette occasion.
30Alors que les grands incendies urbains provoquent peu de morts, la plupart des gens ayant eu le temps de quitter leur maison, les décès accidentels par brûlures relevés dans les écouages sont relativement nombreux. Ils produisent des récits atroces et des descriptions insoutenables, même à trois siècles de distance. Les victimes en sont parfois des adultes, des vieilles femmes qui s’évanouissent et tombent dans le feu, ou qui sont asphyxiées dans leur cave enfumée par un incendie; mais ces accidents tragiques touchent surtout de très jeunes enfants. Des bébés meurent de brûlures horribles, à la suite d’un enchaînement de faits toujours semblable selon les récits des parents et voisins. L’enfant était dans son berceau, ou sur une petite chaise. Sa mère a placé à proximité une chaufferette, c’est-à-dire une petite caisse de bois, contenant un récipient de métal rempli de braises, pour qu’il ne prenne pas froid, puis s’est absentée pour une course rapide, ou pour vaquer aux soins du ménage. L’enfant est retrouvé brûlé, les vêtements et linges en feu, sans doute par communication avec une braise de la chaufferette. Les voisins développent alors le même argumentaire de déculpabilisation des parents déjà vu dans les noyades des petits enfants. Le soupçon d’infanticide est donc présent en ce cas, et soulève un problème de mentalité. Il est révoltant, à nos yeux, d’imaginer seulement que l’on puisse faire mourir son enfant d’une manière aussi atroce. Et, toute considération morale sur l’infanticide mise à part, la noyade semblerait moins horrible. Or il n’est pas évident qu’aux yeux des hommes et des femmes du XVIIIe siècle, la mort dans l’eau soit plus douce que dans le feu. Nous y reviendrons. Quoiqu’il en soit, ces morts par brûlures, peut-être purement accidentelles, étaient aussi liées aux conditions d’habitation de l’époque. Les maisons étaient difficiles à chauffer, et les bébés ont besoin de chaleur. La chaufferette si dangereuse était aussi un moyen de chauffage efficace, plus commode et sûrement moins cher que d’allumer un grand feu dans la cheminée, dont de nombreux logements étaient d’ailleurs dépourvus [24].
Réactions populaires et administratives : de la peur à la sécurisation ?
31L’idée d’une responsabilité des autorités face aux dangers de la vie urbaine grandit nettement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, sans doute proportionnellement au recul du fatalisme religieux, dans ce domaine comme dans d’autres [25]. Dans le grand mouvement de développement des fonctions policières, c’est-à-dire d’administration urbaine, la prévention des accidents trouve sa place naturelle. Le fait le plus nouveau n’est plus tant l’édiction de règlements de police, même si leur augmentation et leur précision croissante font sens, que la mise en place de moyens concrets d’application. Les magistrats lillois et douaisiens, en charge de la police urbaine, n’échappent pas à ce grand mouvement, mais leurs volontés réformatrices ne s’appliquent pas de manière égale à tous les types d’accidents que nous avons recensés.
32En fait, les municipalités vont concentrer leurs efforts sur les noyades et les accidents de circulation, mais les accidents domestiques et les accidents du travail n’arrêtent pas encore leur intervention [26]. Cette lacune se comprend parfaitement dans le contexte du temps. Ce qui se passe dans les maisons, dans les familles et dans les ateliers est encore très peu accessible à la puissance publique au XVIIIe siècle. Chacun est maître chez soi, et dans les villes du Nord, les vieux privilèges de bourgeoisie s’associent au plus moderne individualisme pour empêcher les représentants de la police de contrôler ou d’améliorer la sécurité du cadre de vie ou de travail [27]. Quand le danger ne présentait pas de caractère grave pour l’ensemble de la ville, les échevins n’intervenaient pas. Le décalage, par exemple, entre les nombreuses mesures prises à l’échelle de la ville pour éviter les incendies au XVIIIe siècle [28] et l’absence totale de mesures pour diminuer le nombre des victimes de brûlures dans les maisons s’explique ainsi.
33En ce qui concerne la prévention des accidents de circulation, elle relève, à Lille et à Douai au XVIIIe siècle, d’un arsenal législatif urbain bien connu. Comme dans toutes les grandes villes, les autorités urbaines ont multiplié les règlements non seulement pour protéger les piétons, mais aussi pour débarrasser la rue de tout ce qui pouvait faire obstacle à une circulation fluide. Aussi trouve-t-on de nombreuses ordonnances scabinales interdisant de laisser conduire des voitures ou des chevaux par des personnes trop jeunes ou trop inexpérimentées, de nombreux règlements sur les cochers de fiacre, sur l’équipement des voitures, comme l’obligation d’y apposer des lanternes la nuit. Plusieurs textes insistent aussi sur l’obligation qu’ont les parents de veiller sur leurs enfants, et donc de ne pas les laisser jouer dans la rue. Mais la solution du trottoir, qui permet de séparer les circulations des piétons et des véhicules, n’apparaît que tardivement. Le premier trottoir lillois est décidé en 1784, et construit en 1787, autour de la nouvelle salle de spectacle, pour garantir les piétons de l’afflux des voitures [29]. Mais la plupart des rues sont encore trop étroites et trop sinueuses pour généraliser cette solution.
34Contre les accidents de circulation, les autorités urbaines sont relativement impuissantes, mais ces accidents ne sont pas, numériquement au moins, un problème majeur, et il est probable aussi que dans ce domaine, les mécanismes traditionnels de réparation judiciaire entre parents des victimes et responsables des accidents aient fonctionné sans difficulté. Par contre, face à l’hécatombe des décès par noyades au XVIIIe siècle, on comprend que les autorités urbaines aient tenté une approche plus efficace.
35Ces efforts se partagent selon les deux versants classiques de l’intervention administrative : la prévention et les secours. Dans le volet de la prévention des noyades, il y a quelques améliorations ponctuelles : réfection ou ajouts de garde-fous et de ponts plus commodes, mais le plus important est la généralisation et l’amélioration de l’éclairage public. Il n’est pas possible ici de détailler les étapes de cette importante transformation des villes au XVIIIe siècle [30], mais Lille et Douai passent de quelques pauvres lanternes au début du siècle à une centaine de réverbères au début des années 1770. Cet éclairage urbain semblerait à nos yeux encore bien restreint, mais un réverbère bien placé, sur un pont, ou le long d’un canal, pouvait éviter nombre d’accidents.
36Mais c’est surtout sur le plan des « secours aux noyés » [31] que les villes vont développer des stratégies vraiment nouvelles. Pour cela, il fallait d’abord changer les mentalités. En effet, jusqu’aux années 1760, les gens qui repêchent des noyés se contentent de les déposer sur la berge et de prévenir les échevins. Quand ceux-ci arrivent sur place, ils trouvent le plus souvent le cadavre allongé « pieds dans l’eau ». Dans certains cas, le corps a même été complètement sorti de l’eau, puis de nouveau partiellement immergé, car on croit qu’il est interdit de toucher aux noyés avant la venue de la justice. C’est ce que fait encore, en 1762, Joseph Darras, qui retire d’un puits le corps de son neveu, et explique : « et comme ledit Jean-Baptiste Darras n’a donné aucun signe de vie, que d’ailleurs le déclarant craignoit d’être poursuivi de la justice pour l’avoir retiré de l’eau, il le remit dans le même puits où il l’avoit trouvé [32] ». Même les bateliers qui hissent les noyés à bord de leurs bateaux, leur laissent les pieds dans l’eau. Cette habitude curieuse, sans doute liée à des traditions judiciaires anciennes, a pour effet d’empêcher les premiers secours.
37Les échevins, et aussi les intendants, vont donc s’attaquer à détruire cet usage. Pour cela, à partir des années 1750-1770 de longues ordonnances municipales et de nombreuses brochures diffusent dans le public les nouvelles méthodes des « secours aux noyés ». Certaines de ces brochures proviennent de Paris, tels les travaux de l’apothicaire Pia, ou ce texte intitulé Le cri de l’humanité en faveur des personnes noyées ou moyens faciles pour les rappeler à la vie [33]. Ainsi, la première ordonnance scabinale lilloise qui indique comment secourir les noyés, édictée le 7 juillet 1755 [34] reprend-elle un avis publié à Paris en 1740. Après des récits miraculeux de noyés ramenés à la vie contre toute apparence, ces textes expliquent le détail des soins : placer le noyé près d’un feu, l’envelopper de couvertures chaudes, ou mieux, le mettre dans un lit de cendres chaudes, lui insuffler de la fumée de tabac par les orifices du corps, au moyen d’une pipe ou d’une « seringue fumigatoire » et si rien ne marche, appeler un chirurgien pour faire une saignée ou ouvrir la trachée. Il est vivement déconseillé de pendre le corps par les pieds ou de le « boureller dans un tonneau », vieux remèdes qui ne sont plus de mode alors. Les textes insistent surtout sur le fait que l’absence de réaction du corps ne doit pas décourager les sauveteurs, qu’il faut persévérer, et entreprendre les secours même si la victime est restée longtemps immergée. Pour stimuler le zèle des sauveteurs, les textes prévoient des récompenses substantielles en argent, et les comptes montrent que ces sommes ont été effectivement payées, et même augmentées par des gratifications royales.
38Peu à peu, il semble donc que ces secours deviennent effectifs et que la vieille prévention à l’égard des noyés disparaisse. Dans les écouages en effet, les échevins et les médecins notent la présence du corps dans la chambre d’un cabaret, et les preuves des tentatives faites pour le ramener, inutilement en ce cas, à la vie. Les noyés laissés sur le bord de la rive deviennent moins nombreux à partir des années 1760, et à la fin des années 1770, les secours semblent systématiques, sauf dans les cas évidents (comme le séjour du noyé pendant plusieurs jours dans l’eau) où il n’y a plus rien à tenter.
39Ces secours s’organisent même plus rationnellement par la mise à disposition du public de boîtes de première urgence, contenant le matériel nécessaire pour ranimer les noyés. Une de ces boites est achetée au spé-cialiste parisien, le sieur Pia, le 8 octobre 1777 par les échevins lillois [35]. L’apothicaire Decroix l’utilise avec célérité et discernement chaque fois qu’il est appelé au secours. Le dernier dossier d’écouages lillois de la période conserve les procès-verbaux de cinq sauvetages réussis, dont celui d’Henri-Joseph Delerue, âgé de 5 ans, tombé d’un bateau le 29 août 1790, vers 15 heures. Un pêcheur réussit à le sortir de l’eau et l’enfant est ramené chez ses parents, sans mouvement, froid, le pouls très faible. L’apothicaire Decroix arrive avec la boîte des secours, et soigne l’enfant, en le faisant frotter de « la chemise de laine » de la boîte, et en lui faisant respirer de « l’alcali fluor ». L’enfant revient à lui, mais, fiévreux, doit encore être soigné toute la nuit. Le lendemain matin, il est rétabli.
40Les secours aux noyés ne sont donc pas restés uniquement des ordonnances théoriques, mais ont été appliqués sérieusement. Ces tentatives méritent d’être rapportées, car elles participent d’un souci plus large d’amélioration de la sécurité urbaine, même si les chiffres trahissent leur insuffisance à endiguer un phénomène croissant : on relève environ 4 ou 5 noyés lillois par an dans les années 1713-1769, pour 8 à 1 0 dans les années 1770-1791. Les efforts des autorités urbaines ont aussi entraîné, ou au moins accompagné, un changement de mentalité face à la noyade, moins facile à dater, mais décelable au travers des récits des témoins. Au début du siècle ceux-ci sont à la fois impuissants, indifférents ou franchement épouvantés quand quelqu’un tombe à l’eau. La peur de l’eau paraît même bien plus forte que celle du feu, car si on n’hésite pas à se précipiter dans une maison en flammes pour sauver ses habitants, on laisse les gens se noyer dans des canaux bien peu profonds. Par contre, surtout dans les dernières décennies du siècle, les témoignages de sauveteurs courageux se multiplient. Quand une personne se noie, il se trouve bien souvent, dans les environs, un homme qui se jette à l’eau spontanément, pour se porter à son secours. L’espoir de la récompense a pu jouer, mais ces hommes savent bien nager, et ne montrent plus cette peur insidieuse de l’eau qui paralysait les gens au début du siècle. Il y a là, peut-être, une de ces peurs obscures qui commencent à se dénouer.
41La procédure minutieuse des écouages lillois et douaisiens au XVIIIe siècle témoigne des formes multiples de l’accident en ville, et de la banalité du risque quotidien pour le citadin. Alors que l’époque s’apaise avec le recul des grandes catastrophes – épidémies, incendies et guerres, qui épargnent la région après 1715 –, la mort accidentelle paraît beaucoup plus présente. L’environnement et le mode de vie urbains semblent même se caractériser par une dangerosité particulière, où s’accumulent les facteurs de risque : omniprésence de l’eau, insécurité des maisons, inadaptation des rues à la circulation. Ces conditions de vie dangereuses en ville n’ont rien de nouveau par rapport aux siècles précédents, mais les autorités urbaines du XVIIIe siècle en prennent une conscience accrue et tentent d’y remédier. Les obstacles techniques sont encore nombreux, le manque de moyens efficaces patent, mais les mentalités changent. Le grand effort entrepris dans la lutte contre la noyade, même s’il ne permet pas de diminuer ce fléau aux causes complexes, montre la mobilisation des autorités, corps de ville et intendants réunis. Par son caractère consensuel et innovateur, cet effort rejoint l’autre grande amélioration de la ville à la même époque que fut l’installation d’un éclairage public. Les « secours aux noyés » et, secondairement, les mesures de régulation de la circulation dans les rues, participent à l’idée d’une intervention publique accrue face aux risques quotidiens, et donc à ce grand mouvement d’amé-lioration de la sécurité de l’espace urbain, qui caractérise le développement des polices au XVIIIe siècle.
Notes
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[1]
C. Chaline et J. Dubois-Maury, La ville et ses dangers, Paris, 1994.
-
[2]
A. Farge, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1979.
-
[3]
N. Cabusat et A. Merlin, Recherches sur la délinquance à Lille, 1721-1750, Mémoire de maîtrise sous la direction de P. Deyon, Lille 3,1972. M. Lebert-Fallou, La délinquance à Lille, 1750-1789, Mémoire de maîtrise, Lille 3,1969.
-
[4]
Les écouages lillois se trouvent soit dans des registres, lacunaires, soit dans des dossiers. Pour les premiers, voir Archives municipales de Lille, 10 797,10 798,10 799 et 10 800 pour les années 1718-1726,1726-1738,1754- 1761 et 1770-1776. Les autres registres d’écouages ne donnent que des comptes. Les dossiers d’écouages sont beaucoup plus continus : A. M. Lille, 10 941 à 1 0 948 couvrent les années 1713 à 1790, avec une interruption en 1737-1738, et de 1745 à 1754. Il y a peu d’écarts entre les dossiers et les registres. Les écouages douaisiens se trouvent mélangés dans les procès criminels : Archives municipales de Douai, dossiers FF 550 à 582, de 1700 à 1790. Les dossiers semblent très incomplets dans la première moitié du siècle.
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[5]
Les échevins lillois, comme pour tout ce qui concerne leurs prérogatives judiciaires sont très attentifs à ce que cette règle soit respectée. En 1776, ils tancent sévèrement un curé qui a enterré sans les prévenir un jeune garçon mort d’une crise d’éthylisme. Le curé explique qu’il ne connaissait pas les lois françaises, venant d’une cure proche, mais relevant des Pays-Bas. Il promet volontiers de ne plus recommencer. Voir A. M. Lille, Registre 10 800, fo 203, du 17 octobre 1776, Maurice Prouvez.
-
[6]
P. Guignet, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle : pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre à la frontière franco-belge, Paris, 1990.
-
[7]
Notons que la conquête française de 1667-1668 n’a rien changé à cette procédure, ni aux pouvoirs judiciaires des échevinages. La seule nouveauté a été l’obligation de l’appel au parlement de Douai pour toutes sentences portant une peine afflictive.
-
[8]
A. M. Lille, 10 800, fo 190v.
-
[9]
Quand le cadavre se trouve sur la voie publique, les échevins le font déposer dans une maison ou un cabaret, ou un bâtiment public proches, où les médecins opèrent.
-
[10]
Les écouages du début du siècle sont beaucoup plus sommaires, surtout quand la personne est décédée de ses blessures dans un hôpital. On n’a alors que le témoignage du personnel hospitalier, qui ne dit rien des circonstances de l’accident.
-
[11]
É videmment, des cadavres peuvent disparaître et échapper aux échevins, mais ce genre de chose est tout de même assez rare. La fiabilité des données, au moins à Lille, est à peu près garantie par la concordance des dossiers et des registres. Excepté le creux des années 1737-1739, qui sont incomplètes, et le « trou » des années 1745-1753. À Douai, la fiabilité est moins sûre, car il n’y a que des dossiers, qui peuvent être incomplets.
-
[12]
Au XVIIIe siècle, la population lilloise varie autour de 55-60 000 habitants, la population douaisienne autour de 15-20 000. Il y a en moyenne 11,8 accidents par an à Lille et 1 par an à Douai. Ces chiffres sont évidemment très approximatifs, et il est possible que le faible taux douaisien provienne des lacunes de la source. Mais on peut aussi avancer l’hypothèse raisonnable d’une dangerosité de la ville qui augmenterait avec la taille de sa population. Ce qui pourrait expliquer les préoccupations de sécurité plus fortes dans les grandes villes et capitales.
-
[13]
La Scarpe est un affluent de l’Escaut, la Deûle ne traverse pas exactement Lille, mais la longe, puis rejoint la Lys qui est également un affluent de l’Escaut.
-
[14]
A.M. Lille, registre 10 797, fo 17v., 3 juin 1718. On dit souvent « étouffé » pour noyé ou asphyxié dans les écouages.
-
[15]
A.M. Lille, dossier 10944, écouage de François Amé Joseph Thierry, 12 novembre 1762. Déposition de Léonard Joseph Thiery, aubergiste, qui découvre son fils de 2 ans noyé dans une cuvelle de linge dans la cour : « le déclarant, ne sachant ce qu’il faisoit, parce qu’il avoit perdu la tête, porta cet enfant, qui était sans aucun mouvement, sur les genoux de sa femme, en lui disant, est-ce ainsi que tu as soin de tes enfants... »
-
[16]
A.M. Lille, 10 798, fo 40. Du 19 février 1728.
-
[17]
A.M. Douai, FF 562 bis.
-
[18]
A.M. Douai, FF 569.
-
[19]
Voir Sabine Barles, La ville délétère, Médecins et ingénieurs dans l’espace urbain, XVIIIe - XIXe siècle, Paris, 1999.
-
[20]
Il y a une exception unique dans les écouages lillois : une meunière happée par les engrenages de son moulin (registre 10 797, fo 215v.). Certaines noyades de batelières ou de blanchisseuses pourraient éventuellement aussi être considérées comme des accidents de travail, mais bien difficiles à distinguer des autres noyades.
-
[21]
Les écouages douaisiens ne relèvent pas systématiquement ce type d’accident.
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[22]
A.M. Douai, FF 559, É couage de François Paix, âgé de 8 ans, le 7 juin 1747.
-
[23]
A.M. Lille, dossier 10 943, É couage de Julien Chalumeau, dit La douceur, soldat du bataillon de Rennes des milices de Bretagne, âgé de 21 ans, le 30 juillet 1744.
-
[24]
Restent quelques accidents (20 à Lille, 8 à Douai) impossibles à ranger dans une rubrique particulière, tant ils relèvent du hasard et sont particuliers. Ainsi quelques malchanceux reçoivent-ils sur la tête des tuiles, des pots de fleurs qui tombent des toits et appuis de fenêtre. Deux canonniers lillois sont victimes de leur canon qui explose. Chacun de ces accidents est en soi intéressant, mais trop singulier, pour une étude globale.
-
[25]
J. Delumeau, Rassurer et protéger, le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, 1989.
-
[26]
J.-C. Chesnais, Les morts violentes en France depuis 1826, Cahiers de l’INED, no 75,1976, explique, pp. 493-494, que l’accident de travail n’émerge que dans les années 1839-1840 de l’accident industriel.
-
[27]
On ne trouve qu’une seule exception à cette règle de non-intervention, à Lille, le 7 juillet 1734, à la suite du décès de Marie-Joseph Plies, 36 ans, tombée dans un puits de cave, rue dauphine, le Lieutenant-Prévôt ordonne : « que ladite maison sera visitée par nos experts jurez, pour ledit puich être mis hors de danger aux frais et dépens du propriétaire », A.M. Lille, 10 798, fo 192.
-
[28]
É voqués, entre autres, dans J. Delumeau et Y. Lequin, Les malheurs des temps. Histoire des fléaux et des calamités en France, Paris, 1987.
-
[29]
A.M. Lille, Aff. gén., carton 704, d. 8; Archives départementales du Nord, C 892, d. 4.
-
[30]
Pour une vue détaillée, de la question, voir C. Clémens-Denys, Sûreté publique et sécurité personnelle dans les villes de la frontière entre les Pays-Bas et la France au XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Arras, 1998, pp. 520-545.
-
[31]
J’emploie le mot noyé dans le même sens que les textes du XVIIIe siècle, c’est-à-dire quelqu’un qui est tombé à l’eau, mais n’est pas encore forcément mort.
-
[32]
A.M. Lille, Dossier 10 944, écouage du 29 juin 1762.
-
[33]
Plusieurs exemplaires à la Bibliothèque nationale de France, et aux A.M. Lille, Aff. gén., cartons 1276 et 1280.
-
[34]
A.M. Lille, Aff. gén., carton 1276, d. 4.
-
[35]
Ibidem.