Notes
-
[1]
Voir Grandcoing, 2004. Armand Fourot fut élu une première fois en 1876, réélu en 1877 et en 1881 et siégea dans le groupe de la Gauche Républicaine?: El Gammal et Plas, 2001, p. 79-81.
-
[2]
Le Limousin, janvier-octobre 1908, p. 81.
-
[3]
«?La ferme modèle : rationalisation et théorisation de l’architecture rurale?», Journées d’études des 28, 29 et 30 mai 2008 à Chaumont-sur-Loire.
-
[4]
Garric, 2001; Grandcoing, 1999.
-
[5]
Wiscart, 2001, p. 69.
-
[6]
Notamment à une époque où se développe la zootechnie?: voir en particulier Hubscher, 1999?; et Mayaud, 1997.
-
[7]
Brelot, 1992, p. 570-573. On retrouve dans le Bassin parisien un même intérêt pour l’agronomie au sein de la noblesse d’Empire, notamment chez les Berthier à Grosbois?: Lalliard, 2000.
-
[8]
Boisnard, 1989, p. 643.
-
[9]
Toulier, 2001, p. 27.
-
[10]
Goujon, 2004, p. 53. De même, dans la Somme, la noblesse possède 20?% des fermes modèles recensées à la fin du Second Empire?: Wiscard, 2001.
-
[11]
Sur le cas solognot voir Toulier, 1992?; et, pour la Haute-Vienne, Grandcoing, 1999b.
-
[12]
Postel-Vinay, 1988, p. 201.
-
[13]
L’œuvre des vicomtes de La Panouze à Saint-Rome en Lauragais en fournit un remarquable exemple. Dans les premières années de la Troisième République, le légitimiste Henri Louis César de La Panouze édifia un château et tout un village, «?défi[ant] par la mise en scène du bâti la puissance publique?»?: Thébault, 1989, p. 440.
-
[14]
Sur la méthodologie d’une possible recension, voir Bardel, 2001.
-
[15]
Toulier, 2001.
-
[16]
Il est notamment écrit?: «?On doit toujours s’y proposer la solidité, la commodité et la beauté. Quant aux ornements, on en use comme on le juge à propos, suivant la disposition des lieux et la dépense que le maître y peut et veut faire?» (p.?26).
-
[17]
Gasparin, 1854, p. 476.
-
[18]
Garric, 2001, p. 61.
-
[19]
Mayaud, 1991.
-
[20]
Mathieu de Dombasle, 1861, p. 310-311.
-
[21]
Lefour, 1861, p. 222.
-
[22]
Bailly, Bixio et Malpeyre, p. 409.
-
[23]
Larousse, t. viii, p. 253. Il est à noter que l’article est entièrement consacré à l’histoire de l’enseignement agricole en France depuis la fin du xviiie siècle.
-
[24]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lviii, 1911, p. 728.
-
[25]
Sur ce discours négatif concernant l’agriculture?: Corbin, 1975, p. 21-28 et p. 429-461.
-
[26]
Sur l’évolution des activités de la Société d’agriculture?: Chanaud, 2006.
-
[27]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lv, 1889, p. 54.
-
[28]
Ibid., t. lvi, 1891, p. 55.
-
[29]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges., t. li, 1881.
-
[30]
Ibid., t. xli, 1866, p. 31.
-
[31]
Ibid., t. XXXVI, 1860, p. 254.
-
[32]
Ibid., t. xxvi, 1849, p.?180-182.
-
[33]
Ainsi, à propos de Puycheny (com. de Séreilhac), il est écrit??: «?Les bâtiments sont vastes et bien aménagés. En cela, comme sur d’autres points, M. Peyrusson a eu le mérite d’innover et de servir d’exemple. Le plan de la grange à bétail a servi de modèle, avec quelques modifications heureuses, à des constructions qui font l’ornement de quelques unes de nos belles fermes?»?: ibid., t.?xvi, 1866, p.?24.
-
[34]
Ibid., t. xxvi, p. 84. Ce bâtiment semble avoir été d’une grande qualité d’exécution. Il est également remarquable par ses dimensions et le fait qu’il abrite sous le même toit bêtes et gens. D’une longueur de 60 m, il comprend un logement pour le jardinier, un autre pour les domestiques, une loge pour le bouvier, des granges à blé, une aire à battre de 300 m2 et il peut accueillir 48 bêtes à cornes.
-
[35]
Ibid., t. xxviii, p. 194-195. Ceci explique la taille de l’édifice : 90 m de long, 16 m de large et 5 m de haut. Le fenil devait pouvoir contenir 8?000 m3 de foin. Adossé à la chaussée de l’ancien étang, il offrait un accès direct à l’étage, selon le modèle des granges auvergnates.
-
[36]
La référence en la matière est sans doute celle de Cail à La Briche, en Indre-et-Loire?: Toulier, 2001, p.?23.
-
[37]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xlii, 1867, p. 66-67.
-
[38]
Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 126-133.
-
[39]
Grandcoing, 2000.
-
[40]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xli, 1866, p. 117.
-
[41]
Moriceau, 2002, p. 151.
-
[42]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xxxvi, 1860, p. 248.
-
[43]
Frioux, 2002.
-
[44]
Sur le personnage et sa difficile intégration locale, cf. Grandcoing, 1999a, p. 158-163.
-
[45]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xl, 1865, p. 281.
-
[46]
Ibid., t. xli, 1866, p. 113.
-
[47]
Barral, 1884, p. 322.
-
[48]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xlviii, 1880, p. 97.
-
[49]
Sur ses succès notamment dans les comices agricoles, voir Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 107-112.
-
[50]
Corbin, 1975, p. 275-276?; Danthieux, 2004.
-
[51]
Barral, 1884, p. 6 et p. viii.
-
[52]
Barral, 1884, p. 302.
-
[53]
Arch. priv. du château de Bort, Mémoire sur la propriété de Bort, sd.
-
[54]
Il écrit notamment?: «? Je n’ai pu, malgré ces dépenses, organiser mon service intérieur comme je l’eusse fait si j’avais eu mes coudées franches et si mon plan général avait été conçu d’un seul jet?».
-
[55]
Arch. priv. du château de Ligoure, Lettre de Frédéric Le Play à son fils Albert, 3 septembre 1869.
-
[56]
Ibid., lettre du 14 avril 1869.
-
[57]
Arch. priv. du château de Ligoure, Lettre du 27 février 1869.
-
[58]
Barral, 1884, p. 302.
-
[59]
Cf. Arch. priv. du château de Ligoure, «?Notice sur la terre de Ligoure?».
-
[60]
Cela est accentué par le rôle politique, local et national, que ces deux hommes jouèrent. Teisserenc de Bort fut député, sénateur et ministre, Le Play sénateur.
-
[61]
Sur ce point, voir Corbin, 1975, p. 227-240.
-
[62]
Teisserenc de Bort, 1890, p. 7.
-
[63]
Sur le personnage, voir Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 97 et suiv.
-
[64]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lvii, 1896, p. 399.
-
[65]
Il possédait des domaines aux confins de la Creuse et de la Haute-Vienne où il s’adonnait notamment à l’élevage des chevaux. Il fut très impliqué dans la défense du cheval limousin à la fin du xixe siècle. Il fut aussi vice-président de la Société historique et archéologique du Limousin, architecte des Monuments historiques. Auteur de nombreux articles sur les monuments médiévaux de la région, il fut aussi un promoteur du tourisme à la Belle Époque.
-
[66]
Justin Labuze, fils d’un médecin de Nouic, fut député de la Haute-Vienne de 1878 à 1885. Sous-secrétaire d’État aux finances de 1882 à 1885, il fit par la suite carrière en tant que Trésorier payeur général.
-
[67]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lvii, 1894, p.
-
[68]
Ibid., t. lviii, 1903, p. 296.
-
[69]
Ibid., t. lviii, 1911, p. 707.
-
[70]
Grandcoing, 2004b.
-
[71]
Id., 2007.
-
[72]
Dessalles, 1935, p. 375-376.
-
[73]
Robert, 1993, p. 220-227?; Dessalles, 1935, p. 377-379.
-
[74]
Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 188 et suiv.
1En 1908, paraît un article sur Armand Fourot et l’agriculture creusoise dans une revue culturelle animée par les élites limousines de Paris. L’auteur y salue l’œuvre agronomique de celui qui fut député du département, un des premiers introducteurs de la race charolaise dans la partie orientale du Limousin, un exemple pour tous les agriculteurs de la région et un grand bâtisseur [1].
2Il est notamment dit de lui que
« tous ses travaux firent de ses domaines d’Evaux une métairie modèle et sa ferme de Remirand est encore aujourd’hui ce que l’on fait de mieux comme ferme modèle [2]. »
4Il est précisé qu’il reconstruisit « ses fermes en pavillons rationnels et coquets ». L’article se conclut sur le caractère exemplaire de ses réalisations :
« l’importance de l’œuvre agricole de Fourot réside surtout en ce fait qu’elle servit de point de départ à la transformation complète de l’agriculture creusoise ».
6Cet éloge d’un agronome est significatif du regard que portent les hommes de la fin du xixe siècle sur le rôle assigné à l’architecture en matière d’agriculture, mais aussi sur les ambiguïtés attachées au terme de ferme modèle. En particulier, l’expression de « métairie modèle » peut surprendre, car rarement usitée. On pourrait même considérer les deux termes comme antithétiques, tant le métayage, durant une grande partie du xixe siècle, a été regardé comme un mode de faire-valoir archaïque et routinier.
L’expression invite donc le chercheur à la prudence. Qu’est-ce qui fonde le caractère exemplaire d’une exploitation agricole ? L’historien, et particulièrement celui qui travaille sur l’architecture rurale, se doit de ne pas forger de taxinomie à partir de la seule apparence des bâtiments parvenus jusqu’à nous. Récemment, des journées d’études consacrées aux fermes modèles par la Direction de l’Architecture et du Patrimoine ont ainsi montré combien il était difficile de donner une définition précise de ce type d’édifices [3]. Dès lors, la tentation est forte de considérer comme entrant dans cette catégorie les bâtiments correspondant aux normes définies par les ouvrages d’architecture et/ou d’agronomie. Pourtant, on ne saurait réduire la ferme modèle à une simple démarche architecturale. S’il est évident que les agronomes de la première moitié du xixe siècle ont vu dans le recours à l’architecture savante un moyen pour rationaliser la construction des bâtiments et répondre aux besoins spécifiques de l’activité agricole, force est de constater que peu d’architectes ce sont intéressés à ce type de réalisation, peu prestigieuse et peu rémunératrice. L’art de « bâtir aux champs » a donc surtout eu pour objet les espaces de la villégiature, châteaux, communs et, en tant qu’éléments architecturaux et paysagers de l’ensemble domanial, les « fermes ornées », qui relèvent d’une démarche d’esthétisation des campagnes [4]. Or, en matière agricole, plus que les bâtiments, ce sont les techniques, les méthodes, qui sont érigées en référence. L’architecture ne saurait donc être l’unique critère d’appréciation de la qualité agronomique d’un domaine. L’objet historique « ferme modèle » doit se construire par une approche croisée, associant le discours des contemporains, l’édifice lui-même et le contexte économique, social et culturel dans lequel ces bâtiments ont été construits.
Les établissements agricoles mentionnés
Les établissements agricoles mentionnés
Qu’est-ce qu’une ferme modèle ?
Une architecture aux multiples fonctions
7Toute l’ambiguïté sémantique de la notion de ferme modèle tient au fait que le terme renvoie aussi bien aux constructions qu’aux pratiques agricoles dont elles servent de cadre. Jean-Marie Wiscart, dans un travail sur la Somme, a ainsi montré que les grands propriétaires concourrant pour les primes d’honneur sous le Second Empire ne dissociaient pas l’un de l’autre : innovation et efficacité se manifestent d’abord dans la conception et l’aménagement des bâtiments agricoles, dont les plans accompagnent parfois les mémoires envoyés aux jurys [5]. Architecture et agriculture paraissent intimement liées. À cela plusieurs raisons.
8D’une part, les bâtiments de ferme traduisent l’introduction de la mentalité capitaliste à la campagne. Il s’agit alors de construire grand (pour que les bâtiments soient adaptés à la taille des troupeaux et des récoltes), rationnel (pour réaliser des économies d’échelle et des gains de productivité) et fonctionnel (pour répondre aux besoins de l’animal-machine [6]). D’où le caractère industriel de certaines de ces constructions, tirant de l’industrie tout ou partie de leurs matériaux – la brique et le fer notamment –, mais introduisant également dans le domaine agricole ses conceptions de l’organisation de l’espace.
9D’autre part, ces chantiers doivent témoigner du statut social de leur propriétaire, de sa capacité intellectuelle et financière à ordonnancer la nature, à embellir la campagne, à (re)façonner le bâti paysan, à moderniser le monde rural. C’est pourquoi la ferme modèle, en tant que réalisation architecturale, semble davantage le fait de la bourgeoisie que de la noblesse, cette dernière développant d’autres modes d’affirmation de son identité sociale. En Franche-Comté, on ne dénombre qu’une quinzaine de fermes modèles construites par des aristocrates, pour la plupart appartenant à la noblesse récente [7]. En Touraine, Luc Boisnard distingue deux modes distincts de gestion de la terre, selon que le propriétaire appartient à la noblesse ou à la bourgeoisie, et deux formes radicalement différentes de légitimation de l’entreprise agronomique, la noblesse se prévalant de son passé tandis que la bourgeoisie tirerait fierté d’avoir créé ex-nihilo ses domaines. Il en conclut que pour les gentilshommes ruraux prime
« le travail personnel, sans volonté de lucre, […] la participation à l’ordonnancement du monde. Un domaine bien réglé donne à l’esprit une satisfaction intense, en étroit rapport avec la Création [8]. »
11De même, en Loire-Atlantique, les propriétaires nobles qui rebâtissent leurs domaines, respectent l’organisation traditionnelle du « village » (au sens du regroupement d’un ensemble de métairies), tout en le rationalisant [9]. Car l’aristocratie ne répugne pas à moderniser et embellir les possessions ancestrales, comme le firent, par exemple, la famille d’Arenberg, l’esthétisation des domaines concourant « directement de cette idéologie du retour à la terre et de la volonté de refondation, sur des bases modernes, du pacte seigneurial traditionnel » [10].
12En effet, dans la lignée des « fermes ornées » de la fin du xviiie siècle et de la première moitié du xixe siècle, les monumentaux bâtiments ruraux participent d’une esthétisation de la résidence aux champs, ces chantiers s’inscrivant dans un projet plus global de réaménagement paysager de l’espace autour des châteaux et maisons bourgeoises de l’époque [11]. Gilles Postel-Vinay a ainsi souligné la double dimension du grand propriétaire bâtisseur, à la fois « entrepreneur agricole et nouvel évergète », semblant
Aussi, la ferme modèle peut-elle être qualifiée dans cette perspective d’utopie architecturale, dans la mesure où ses concepteurs lui assignent le double objectif de transformer le monde rural, tant dans sa dimension économique que sociale, et de traduire par son apparence même le but qui lui est assigné [13].« perpétuellement hésiter entre une austérité spartiate et fonctionnelle garantissant la possibilité d’(une) adoption universelle et la dispendieuse splendeur de constructions où s’allient le manifeste agronomique et la tradition dix-huitième de la ferme ornée [12]. »
Une difficile lisibilité architecturale
13Mais, à l’inverse, la ferme modèle peut ne pas être un objet architectural clairement identifiable. L’une des difficultés majeures est la non-concordance entre la ferme proposée comme modèle par la littérature agronomique de la seconde moitié du xixe siècle et la réalité architecturale observable sur le terrain. L’exploitation primée peut être un objet architectural banal et, inversement, des bâtiments remarquables par leur esthétique ne figurent pas dans les textes de l’époque [14]. C’est pourquoi historiens de l’art et professionnels du patrimoine ont recours à une taxinomie plus complexe, s’efforçant de rendre compte à la fois de l’insertion du projet dans une démarche esthétique et de l’horizon d’attente sur le plan économique de leur concepteur. Christine Toulier invite ainsi à distinguer la « ferme parée », la « ferme ornée », la « ferme expérimentale », la « ferme industrielle » et la « ferme-école » [15]. La ferme modèle peut donc tourner le dos à toute forme d’esthétisation et de monumentalité, dans la mesure où c’est l’exploitation qui, globalement, doit être un modèle.
14L’évolution du discours architectural a pu contribuer à cette dissociation entre le paraître et l’efficience agronomique. Le premier xixe siècle avait hérité de la pensée des physiocrates qui voulaient bâtir des « temples à l’agriculture », mais aussi du modèle italien de la ferme ornée, de la monumentalité palladienne, où il importait de se mettre en scène par l’agriculture. Les bâtiments de ferme étaient alors intégrés à la résidence champêtre, se déployant fréquemment de part et d’autre d’une avant-cour, dans un rapport architectonique particulièrement soigné. La Nouvelle maison rustique parue en 1762, par les propos tenus et la représentation idéalisée d’une « maison de campagne » en fournissent l’exemple même [16]. Près d’un siècle plus tard, le comte de Gasparin, dans son Cours d’agriculture, se fait encore l’écho d’une telle conception de l’architecture aux champs. Selon lui, l’élégance des bâtiments
« est un point qui a son importance. […] La première source d’élégance pour les bâtiments ruraux, c’est la symétrie ; elle est indispensable là comme dans l’homme lui-même, comme dans toutes ses œuvres complètes. La première chose qui nous choque, c’est le défaut de symétrie […]. Les rapports d’élévation des différents bâtiments, les rapports de hauteur des différents étages, les proportions des ouvertures, l’emploi des matériaux, peuvent augmenter ou diminuer beaucoup l’élégance sans altérer le chiffre de la dépense [17]. »
16Toutefois, à partir du règne de Louis-Philippe, l’architecture rurale rompit avec le modèle palladien et l’idée du Beau, au profit d’une démarche rationnelle et pragmatique. Le Traité des constructions rurales de Bouchard-Huzard, paru en 1842, constitue dans ce domaine une rupture en proposant une compilation de l’existant et en faisant connaître les styles et techniques régionaux. Selon Jean-Philippe Garric,
« on assiste ainsi à la disparition d’une esthétique globale des modèles agricoles, au profit de formules composites, qui résultent de choix techniques ou économiques fragmentaires [18]. »
18Cette rupture correspond aussi à la nouvelle politique instaurée par l’État en matière de progrès agricole. Sous la Monarchie de Juillet, l’accent est désormais mis sur une pédagogie de l’exemple, sur une démarche plus pragmatique, où la notion de « modèle » prend tout son sens. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’encouragement donné à la multiplication des comices et l’instauration des premiers concours agricoles [19]. Apparaît alors la ferme modèle comme institution, le gouvernement relayant les premières initiatives privées (Roville, Grand-Jouan…), en incitant à la création de seize fermes modèles, établies sur des propriétés privées, mais subventionnées par l’État. En 1848, elles sont transformées en fermes-écoles par la loi Tourret qui oblige chaque département à se doter d’un établissement d’enseignement agricole.
19La plupart des traités publiés par la suite insistent sur le nécessaire pragmatisme de la modernité agricole. Celui de Mathieu de Dombasle invite les propriétaires à tourner le dos à l’architecture savante :
« Il faut se dépouiller entièrement des idées qu’on est habitué à se former dans les villes sur les soins qu’il convient d’apporter à la grâce, à l’élégance ou à la symétrie […]. Ici il y a erreur complète dans toute application qu’on veut faire des idées de beauté ou de goût puisées dans l’architecture des édifices d’un autre genre ; le bâtiment d’exploitation le plus beau aux yeux de tout homme d’un esprit solide sera celui que trouvera tel un cultivateur qui aura égard seulement aux facilités qu’il offre dans le service auquel il est destiné [20]. »
21Le traité de Lefour explique que « les écueils à éviter sont : le luxe d’un côté, la parcimonie de l’autre, les innovations hasardées, des constructions excentriques, ou une astreinte servile aux routines locales » [21]. C’est aussi pourquoi les auteurs de la Maison rustique du xixe siècle se refusent à donner des modèles d’architecture, car
« les conditions que doivent remplir des bâtiments ruraux pour être parfaitement adaptés au service auquel on les destine sont aussi diversifiés que les habitudes, les mœurs, l’état de l’agriculture, la position topographique des pays et la nature des exploitations [22]. »
23L’insistance est désormais mise sur l’efficience technique des bâtiments, donc la fonction première est l’amélioration de l’agriculture. La ferme modèle s’inscrit dès lors dans une pédagogie de l’exemple, loin des utopies architecturales précédemment évoquées. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la définition donnée par Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire du xixe siècle. L’architecture y perd tout rôle propre, voire même est considérée comme un obstacle potentiel à la diffusion de l’innovation agronomique. Ici, le lexicographe républicain se place en adversaire de la politique du Second Empire et délégitime les entreprises privées n’ayant pour d’autre finalité que la renommée de leur propriétaire :
Cette opposition entre l’exploitation agricole moderne faisant office de modèle pour les paysans des alentours et les monumentales constructions rurales, sortes d’utopies de pierre, montre combien le risque d’anachronisme est fort à ne vouloir prendre en compte que la dimension architecturale dans la définition de la ferme modèle. Afin d’éviter cet écueil, nous avons voulu interroger les sources du xixe siècle, à partir du dépouillement systématique de la littérature agronomique concernant le département de la Haute-Vienne. Une telle démarche permet de recenser quels établissements agricoles étaient alors proposés en modèles et quelle place occupait l’architecture dans la définition de l’excellence agronomique.« Les divers établissements connus sous les noms de fermes écoles, fermes modèles, ont pour but l’enseignement professionnel de l’agriculture […]. Les grands et splendides établissements de l’État effarouchent les pauvres et ici les pauvres sont les paysans. Que les fermes modèles soient moins somptueuses, qu’elles soient modestes, si on peut s’exprimer ainsi [23]. »
Le Limousin : une région sans fermes modèles ?
24En Limousin, pays de métayage, d’élevage, de petite propriété, la notion de ferme modèle est peu présente dans la littérature agronomique de la seconde moitié du xixe siècle. Dans les colonnes de L’Agriculteur du Centre, organe de la vénérable Société d’agriculture de Limoges fondée en 1759, il n’en est presque jamais question. La question des bâtiments ruraux est surtout abordée dans un premier temps à travers l’hygiène des étables. Puis, à la fin du siècle, alors que le métayage est redéfini par certains propriétaires comme une véritable association entre « maître » et « colons », il est désormais question d’améliorer le logement des exploitants agricoles. Fait significatif, le lauréat du concours régional sur les constructions rurales organisé en 1911, l’architecte et éleveur Jules Tixier, considère que le Limousin doit améliorer son bâti rural avec « d’autant moins d’hésitation que sa prospérité agricole lui créée des obligations auxquelles il ne saurait se soustraire ». Et de souligner le contraste entre les réussites en matière d’élevage et le retard en terme de constructions :
En Limousin, il y aurait donc une agriculture sans architecture, un progrès agricole qui se serait coulé dans le bâti préexistant, sans qu’il y ait eu volonté de transcrire dans la pierre la modernité économique et technique. Il faut bien sûr ici faire la part d’un discours misérabiliste, souvent dominant dans une région marquée par la propension à l’autodénigrement [25]. Il faut également ne pas se laisser piéger par un discours condescendant, voire méprisant, à l’égard des pratiques paysannes. Toutefois, force est de constater que ces propos sont tenus par un homme qui s’adresse à ses semblables, un propriétaire éclairé soulignant les progrès de l’agriculture locale et invitant les membres d’une société regroupant exclusivement des grands propriétaires à reconstruire leurs bâtiments de ferme. Il y aurait donc là l’indice d’une singularité limousine quant au phénomène de l’architecture rurale durant la seconde moitié du xixe siècle, qui incite à s’interroger sur la nature même de la ferme modèle dans la région.« Les succès de notre belle race bovine réclament un cadre plus en rapport avec son incontestable mérite […]. En fait, un domaine se bâtit, le plus souvent, de pièces et de morceaux, il se constitue lentement par des additions successives, qui sont comme autant de soudures sur les faces du premier bâtiment. En sorte que l’ensemble conserve un aspect disparate et décousu, qui ne correspond nullement à sa destination et le rend défectueux dans ses moindres détails. Pour les domaines construits d’un seul jet, qui pourraient être l’expression d’une idée et tout au moins d’un besoin, il devrait en être autrement, mais l’accoutumance du fait acquis est telle, qu’on réédite le plus souvent sans corrections utiles, un dispositif connu, bien qu’il n’ait aucun rapport avec le mode de culture adopté et encore moins avec l’hygiène des gens et des bêtes [24]. »
Les bâtiments : un « mal nécessaire » ?
25Le dépouillement de la littérature agronomique locale permet de constituer un corpus d’exploitations remarquées par les contemporains et offertes en modèle à tous ceux qui veulent moderniser l’agriculture. La Société d’agriculture de Limoges organise depuis 1845 un concours destiné à récompenser les domaines les plus exemplaires [26]. Chaque année, un des quatre arrondissements du département de la Haute-Vienne est appelé à concourir. En général, entre dix et vingt agriculteurs ouvrent leurs champs et leurs bâtiments à la commission. Or, force est de constater que la description du bâti n’est pas ce qui retient le plus l’attention des visiteurs. Généralement, on signale que les granges et étables ont été reconstruites ou simplement réparées et qu’elles sont adaptées aux nouvelles méthodes culturales. La reconstruction ou l’agrandissement des bâtiments est ainsi souvent présenté comme une conséquence découlant de l’augmentation des rendements et de l’accroissement des cheptels et non comme un préalable à la modernisation des domaines. Ainsi, à propos du domaine du Rouzeix (com. de Couzeix) lauréat de la prime d’honneur en 1887, il est expliqué que
« les bâtiments furent bientôt insuffisants ; le propriétaire, satisfait du changement, voyant que le manque de logement arrêtait les améliorations, a construit à partir de 1883 deux granges à bétail, réparé ou reconstruit les deux granges à blé [27]. »
27De même, à Escurat (com. du Dorat), la modernisation des bâtiments est l’ultime étape d’une entreprise d’installation d’un riche bourgeois à la campagne.
C’est donc un certain pragmatisme qui semble guider les propriétaires. Il faut adapter les bâtiments, les agrandir, mais aussi, simplement les réparer. La plupart des descriptions associent la routine agricole au délabrement des édifices et, à l’inverse, la modernité culturale à la rénovation des bâtiments, au point que l’on peut se demander s’il ne s’agit pas là d’un topos de la littérature agronomique. Mais, un fait paraît certain : la plupart des entreprises privilégient l’économie et le remploi des constructions existantes. On répare plus qu’on ne construit à neuf dans le Limousin du xixe siècle et ce, même à la fin de la période. Ainsi, en 1880, la commission visita quinze exploitations dans l’arrondissement de Saint-Yrieix [29]. Partout, il n’est question que de réparations et à aucun moment n’est mentionnée une construction ex-nihilo. La description du domaine de Farsac (com. d’Eymoutiers), réaménagé par Adolphe Noualhier, semble représentative de la méthode employée par nombre de propriétaires, qualifiée de « marche prudente » par celui qui visita son exploitation : « une grange à bétail est construite presque au début de l’exploitation, mais sur un plan qui permettra de l’agrandir selon les besoins ». Les bâtiments de trois anciens domaines sont transformés en grange à blé, atelier, forge, menuiserie, bergerie et porcheries. Tous ont « été réparés ou construit sans luxe mais avec une appropriation parfaite à leur destination » [30]. Au cours d’un précédent compte rendu, il avait été signalé que l’étable de Farsac pouvait « servir de modèle », car « simple et commode, construite avec économie, elle loge trente-quatre bêtes et ne coûte que 6 000 francs » [31].« D’abord, il fallait résider et s’installer ; le château et le parc ont été construits et créés. Puis l’opération agricole fut progressivement et vivement poussée […]. Pour terminer l’œuvre, l’augmentation des récoltes et des cheptels rend indispensable l’agrandissement des bâtiments. On construit de vastes porcheries, écuries, grange et fenil pour trente-deux bêtes bovines, on agrandit une maison de colons devenue insuffisante par l’augmentation de personnel [28]. »
Simplicité, rationalité, salubrité
29L’absence de dépense inutile, le refus du luxe ou de toute forme d’ostentation, la priorité accordée au caractère fonctionnel du bâti semblent être les critères retenus par les membres de la Société d’agriculture pour attribuer le caractère d’exemplarité à certaines réalisations. Fait symptomatique, la seule grange-étable dont les plans ont été publiés, si l’on fait exception des projets de l’architecte Jules Tixier, est celle du domaine de Mascommère (com. de Château-Chervix), construite dans les années 1840. Selon le jury, elle peut servir de « modèle », car elle correspond à un ensemble de critères devant présider à l’édification de ce type de bâtiment : salubrité pour les animaux, commodité pour le service, ventilation, emmagasinage du foin, espace pour la préparation de la nourriture, cave pour les pommes de terre, récupération des fumiers et purins et, enfin, liberté pour les jeunes veaux installés dans des loges communes [32]. Il n’est donc pas question ici d’esthétique ou d’ordonnancement des bâtiments. Il s’agit de répondre aux seules contraintes de l’élevage bovin selon des principes relevant de l’économie domestique (le regroupement sous un même toit de la nourriture et des animaux), de l’agronomie (la récupération des matières fertilisantes) et de la science vétérinaire (l’hygiène des animaux).
30La plupart des comptes rendus de visite, jusque dans les années 1860, n’insistent que sur ces points et condamnent toute idée de luxe ou d’ornementation. Aussi, les descriptions sont-elles assez laconiques, les solutions architecturales adoptées ne nécessitant pas une démarche savante, mais un pragmatisme de bon aloi [33]. Tout au plus, signale-t-on les matériaux employés, lorsqu’ils sont de qualité. Ainsi, à Sannat (com. de Saint-Junien-les-Combes) le bâtiment construit par Albéric de Roffignac est décrit comme étant en pierre de taille et moellons, recouvert de tuiles courbes, les combles reposant sur un entablement de briques, le tout étant crépi [34]. De même, l’étable de Bessous (com. de Ladignac-le-Long) est signalée en 1851 pour avoir des mangeoires en zinc, des conduites d’eau en plomb et un sol en béton. Mais il s’agit là d’un établissement s’inscrivant en rupture par rapport aux pratiques agricoles limousines. Son nouveau propriétaire, Hyppolite Marret, un bijoutier parisien retiré à la campagne, avait entrepris de transformer cette ancienne forge en fabrique de fromage de gruyère, l’étang une fois asséché devant produire le foin nécessaire à l’alimentation de cinquante vaches laitières [35].
La modernité est-elle un modèle ?
31Le cas de Bessous est particulièrement significatif. Présenté comme une réalisation remarquable, il ne saurait être un modèle, dans la mesure où il implique des capitaux, des méthodes, mais aussi un mode de faire-valoir – une main-d’œuvre salariée – ne répondant pas aux caractéristiques générales de l’agriculture locale.
Les fermes industrielles
32De fait, la plupart des fermes qui se singularisent par leur modernité architecturale ne sont pas considérées comme des modèles par les membres de la Société d’agriculture. En effet, à partir du Second Empire, apparaissent dans la région des fermes que l’on peut qualifier d’industrielles, comparables à celles que l’on peut trouver ailleurs [36]. Industrielles, ces fermes le sont à plusieurs titres : parce qu’elles constituent un réinvestissement par des propriétaires bourgeois de capitaux amassés dans le cadre de l’industrie, parce qu’elles appliquent à l’agriculture les méthodes de l’industrie (gains de productivité grâce à l’usage de machines et à une architecture rationnelle, main d’œuvre salariée, rotation rapide des capitaux) et parce qu’elles n’ont d’autre finalité que la commercialisation d’un maximum de produits. Or, face à ces nouveautés, les notables limousins adoptent une attitude des plus circonspectes. En 1867, le jury met en balance deux exploitations de l’arrondissement de Saint-Yrieix pour attribuer la prime d’honneur [37]. L’une est la terre de Veyrinas (com. de Nexon) propriété de la famille Hebrard de Veyrinas, dont les bâtiments ne font l’objet d’aucune description précise, et l’autre est la réserve de Puymaury (com. de Vicq-sur-Breuilh), achetée six ans plus tôt par Jean-Jacques Halary, minotier et négociant en grains à Limoges. Les constructions neuves y sont à l’inverse longuement commentées : une grande grange-étable de 48 m de long, une porcherie avec dix loges, une cave et quatre chaudières, une fontaine alimentant un abreuvoir en béton et desservant tous les bâtiments grâce à un réseau de tuyaux et de robinets, une fosse à fumier et une fosse à terreau où est épandu le purin grâce à une pompe. En conclusion, le jury estima que
« comme organisation, comme culture, la réserve de Puymaury peut être présentée comme modèle aux propriétaires qui veulent fructueusement appliquer leurs capitaux à l’agriculture. »
34Mais ce fut Veyrinas qui fut récompensé, car il s’agissait d’une terre « fructifiée par le travail », alors que Puymaury l’était « par le capital ». En soulignant ce contraste, le jury voulait récompenser un système d’améliorations dont les investissements avaient été fournis par le revenu de la propriété elle-même. En outre, il s’agissait d’honorer « une famille rurale solidement attachée au sol », attribuant ainsi à l’entreprise de modernisation des campagnes également une dimension sociale.
35De manière plus générale, les notables limousins regardent ces fermes industrielles comme des isolats, peu susceptibles d’instiller le progrès agricole dans des campagnes profondément marquées par le poids du métayage. En effet, elles utilisent en général une main d’œuvre salariée et rompent avec les méthodes culturales les plus répandues, associant l’élevage bovin à la polyculture et prônant l’amélioration des cheptels par la sélection de la race locale, et à l’augmentation des rendements fourragers grâce à l’irrigation des prairies de fauche et l’introduction des fourrages artificiels [38]. Les bâtiments les plus modernes ou les plus spectaculaires s’insèrent donc la plupart du temps dans une démarche de rupture vis-à-vis du contexte agronomique ambiant. Or, à partir du début du Second Empire, les notables de la Société d’agriculture de Limoges tendent à privilégier un progrès agricole endogène et se montrent de plus en plus réservés à l’égard d’innovations par trop étrangères aux pratiques locales. L’évolution est très nette pour ce qui concerne l’amélioration du cheptel bovin (la sélection en race limousine pure prend désormais le pas sur les croisements), mais aussi, de façon générale, pour la plupart des pratiques agronomiques [39]. Il en résulte une certaine réserve quant à la modernité architecturale lorsqu’elle correspond à ce qu’il faut bien appeler une agriculture expérimentale.
36La ferme de Bessous, précédemment citée, entre dans ce schéma. C’est également le cas pour la réserve de Royères (com. de Bonnac-la-Côte). Ici, les bêtes à cornes sont en stabulation permanente, ce qui est exceptionnel dans la région où les prairies de fauche sont pâturées lors des regains et où les pacages de piètre qualité servent également à l’alimentation des vaches. Les bâtiments y sont remarquables en raison des conditions qu’ils offrent aux animaux. Le propriétaire,
« étendant à ce sujet ses soins bien au-delà des préoccupations habituelles, fait construire des étables où le bétail trouvera des conditions hygiéniques que réclame un régime peu conforme, il faut l’avouer, aux voies de la nature [40]. »
38L’innovation agronomique implique ici la modernité architecturale, mais, comme toute innovation, se pose aux yeux de ses détracteurs la question de sa pertinence en terme de progrès [41].
39Les descriptions concernant le Puy-Jalard (com. du Vigen), appartenant à Henry Michel, entrent dans une logique similaire. Ce commissionnaire de roulage de Limoges a établi sur ses terres un élevage de durhams reposant sur de très hauts rendements en fourrages et racines. L’ensemble est qualifié de « ferme anglaise transportée en Limousin ». Les bâtiments retiennent l’attention en ce qu’ils se singularisent des constructions locales, mais ne sont pas forcément donnés en exemple. S’ils sont remarquables, c’est parce qu’ils traduisent une autre conception de l’agriculture, fondée sur la rationalité, l’hygiène et la recherche esthétique :
Aucune description technique n’en est fournie, car c’est la rupture synonyme d’altérité qui est ici importante, une rupture témoignant du projet global d’Henry Michel : produire des durhams en Limousin, objectif peu goûté des membres de la Société d’agriculture, malgré les récompenses nationales obtenues par cet éleveur [43]. Il ne saurait donc être question d’exemplarité de la ferme de Puy-Jalard.« d’une ordonnance gracieuse et commode, [ils] donnent au paysage un air de richesse qui contraste avec les dispositions informes et l’état malpropre de la plupart de ce ceux de nos habitations [42]. »
Valmath, ou le contre-modèle
40Un site en particulier cristallise les réserves des membres de la Société d’agriculture : Valmath (com. de Saint-Laurent-les-Églises). Cette propriété a été achetée au début du Second Empire par un industriel parisien, ayant fait fortune grâce à ses multiples brevets, fils naturel d’une domestique de Limoges : Jean-Baptiste Mignon. Si ses origines familiales et le caractère récent de son patrimoine peuvent expliquer pour partie la distance que marquent à son égard les hobereaux locaux, force est de constater que le caractère extrêmement novateur de ses constructions suscite à la fois admiration et critique [44]. Dans un premier temps, on lui dénie toute qualité d’agriculteur, ne voyant en lui qu’un industriel dépensant sans compter afin de créer en Limousin un cadre de vie en harmonie avec sa fortune :
« M. Mignon, absorbé par la grande industrie qu’il dirige et les grands résultats qu’il en retire, semble s’occuper médiocrement des résultats financiers qu’il peut retirer de son agriculture. Il a occupé ses loisirs à faire construire son habitation, des serres ; à dessiner et à faire clore son parc ; à construire une vacherie monumentale, une porcherie et des services nombreux ; à créer des jardins potagers ; à aplanir des buttes, à faire terrasser et planter de larges allées, enfin toutes choses qui sont en dehors des intérêts agricoles proprement dits […]. Lorsque M. Mignon aura terminé ses travaux de luxe, quand il consacrera ses loisirs à l’agriculture, nous ne doutons pas qu’il ne devienne une des lumières [du] comice [du canton d’Ambazac] et un de ses plus fermes soutiens. »
42Mais la qualité architecturale de la vacherie est telle que le rapporteur du jury lui consacre une longue description :
« Sous un très grand vaisseau, le sous-sol est occupé par des caves à loger les légumes qui laissent peu à désirer. Deux grandes allées traversent ce bâtiment en croix. Les étables sont ainsi divisées en quatre compartiments contenant chacun douze têtes de gros bétail. Le derrière de ces étables est occupé par des box, l’un pour l’étalon ; les autres pour les jeunes sujets. L’un des compartiments renferme douze boeufs de travail, le second douze vaches laitières, le troisième douze vaches de race du pays et le quatrième, douze grandes génisses. Cette construction, très soignée dans tous les détails, n’est pas précisément un modèle à la portée de la bourse des agriculteurs limousins [45](figures 1 et 2). »
L’étable de Valmath à Saint-Laurent-les-Églises
L’étable de Valmath à Saint-Laurent-les-Églises
Le bâtiment, long d’une centaine de mètres, est un cas unique de ferme industrielle dans la région. De part et d’autre d’un vaste hall se répartissent étables, bergeries et hangars, dont une partie est élevée sur caves (Région Limousin. Service de l’inventaire général du patrimoine culturel. Philippe Rivière, 1991).L’intérieur de l’étable de Valmath, remarquable par sa charpente métallique
Le hall central constituait pour l’essentiel un espace couvert de manutention et de stockage, comparable à une cour de ferme. On distingue à l’arrière plan les grilles du parc du château ainsi que les deux statues monumentales en fonte encadrant le porche de l’étable. Carte postale, vers 1900 (Région Limousin. Service de l’inventaire général du patrimoine culturel. Philippe Rivière, 1991).44Un an plus tard, l’accent est mis sur la rationalité de l’exploitation. L’auteur du compte rendu de la visite salue
Mais les mêmes réserves sont exprimées quant à l’éventuelle exemplarité d’une telle construction. Œuvre d’un architecte de Limoges (c’est la seule fois qu’est mentionnée l’intervention d’un homme de l’art dans les colonnes du bulletin de la Société d’agriculture), elle est également présentée comme un élément dans une démarche globale d’esthétisation du paysage. La modernité agricole est ici subordonnée à l’agrément de la résidence champêtre, ce qui n’est pas la démarche préconisée par les agronomes de la Société. D’où la remarque sur le « luxe d’exécution peu usité dans nos campagnes et dont le but évident est d’établir une harmonie de bon goût entre les constructions agricoles et le château qu’elles avoisinent » [46].« des dispositions habilement concertées dans l’intérêt de l’exploitation : au centre d’une cour carrée, un vaste réservoir reçoit les eaux d’une abondante source conduite par aqueduc ; sur les côtés s’élèvent les bâtiments d’exploitation, parmi lesquels se distinguent la grange à bétail, la porcherie et une laiterie parfaitement organisée ».
Nul n’est prophète en son pays ?
45Se joue à travers les différents exemples détaillés précédemment la question de l’introduction de formes exogènes de progrès agricole. Car, pour la plupart, ces « fermes industrielles » apparaissent comme la transposition en Limousin de méthodes culturales et de modèles architecturaux venus d’ailleurs et diffusés par le biais de la littérature agronomique nationale. L’exemple de la ferme de la Gabie (com. de Verneuil-sur-Vienne) en est l’illustration même. En 1879, son constructeur, Marcellin Duvert, reçoit de l’État une médaille d’or pour sa « vacherie modèle ». Ce propriétaire de moulins à émail pour porcelaine sur la Vienne venait d’achever la construction des bâtiments de la réserve dont le plan est publié par Jean-Augustin Barral. Capables d’abriter une cinquantaine de bêtes, ils se composaient de quatre compartiments pour le gros bétail, d’emplacements spéciaux pour les jeunes bêtes, d’une pièce à part pouvant servir d’infirmerie, d’une cuisine, d’une grange, d’un manège couvert, de caves à racines, d’une fosse à fumier et d’une fosse à purin. Un chemin de fer Decauville reliait les différentes parties entre elles. L’ensemble est qualifié par Barral de « petite ferme qu’on peut considérer comme un modèle pour la contrée » [47].
46Modèle ? Rien n’est moins sûr. D’une part, il faut souligner que le bâtiment est associé à une petite exploitation, (6 ha de terres arables et 10 ha de prairies) en faire-valoir direct. D’autre part, le coût de construction (35 000 F) peut paraître prohibitif. Aussi, le rédacteur du Bulletin de la Société d’agriculture apporte-t-il un bémol au discours laudateur de l’agronome de réputation internationale.
Récompensé sur le plan national, Marcellin Duvert aurait pu connaître un destin comparable à celui d’Henry Michel qui, lui aussi, avait reçu en 1862 une médaille d’or de l’État pour ses constructions rurales. Toutefois, le propriétaire de la Gabie, en élevant des limousines et non des durhams dans sa vacherie modèle, fut également honoré localement en tant que promoteur de la race locale [49](figures 3 et 4).« M. Duvert, écrit-il, a organisé une petite exploitation où tout, aménagement, bâtiments, culture, bétail est traité avec un soin, un fini, un ordre, une propreté, un luxe enfin qui ne se trouvent guère en Limousin, qu’il faudrait chercher dans les contrées où depuis longtemps la vie rurale est en grand honneur et estime ; un bon modèle, sinon à copier exactement, mais qui servira à donner le goût des choses bien faites [48]. »
Élévation et coupe de la grange-étable de la Gabie à Verneuil-sur-Vienne
Élévation et coupe de la grange-étable de la Gabie à Verneuil-sur-Vienne
Elle est le seul bâtiment ayant fait l’objet d’une description détaillée et illustrée dans l’ouvrage de Jean-Augustin Barral publié en 1884 et rassemblant 98 monographies de domaines en Haute-Vienne (Région Limousin. Service de l’inventaire général du patrimoine culturel. Reproduction Claude Thibaudin, 1992).La grange-étable de la Gabie
La grange-étable de la Gabie
Au premier plan on remarque l’étable en forme d’abside destinée aux jeunes veaux (Région Limousin. Service de l’inventaire général du patrimoine culturel. Philippe Rivière, 1992).Les enjeux de l’exemplarité
48Aux yeux des contemporains, les véritables fermes modèles en Limousin ne sont donc pas forcément à chercher parmi les exploitations les plus modernes et/ou faisant appel à une architecture particulièrement soignée. Ce sont les domaines capables d’instiller le progrès autour d’eux par capillarité, grâce à une sage, voire prudente imitation.
Les réserves au service du métayage
49Tout particulièrement, les réserves sont appelées à jouer ce rôle. Portion de la propriété exploitée directement par le maître ou par son régisseur, elle doit servir de modèle, de moteur du progrès agricole aux métayers exploitant les autres domaines du propriétaire. Car, au moment même où apparaissent en Limousin les premières fermes industrielles, se développe aussi toute une réflexion sur le métayage. Même si celui-ci reste autant décrié pour ce qu’il est que durant les décennies précédentes, il apparaît désormais comme un cadre possible du progrès agricole et du patronage social, à une époque où monte l’angoisse de la subversion sociale [50].
50La notion de « métayage amélioré », où le propriétaire apporte capitaux et savoir, et le cultivateur sa force de travail, a désormais la préférence de beaucoup de notables limousins. Jean-Augustin Barral s’en fait l’écho lorsqu’il explique le changement de règlement quant à l’attribution de la prime d’honneur accordée par l’État.
51En 1862,
« on ne regardait guère comme susceptibles d’imprimer une impulsion favorable aux progrès de l’agriculture limousine que le système d’exploitation directe par le propriétaire aidé de maîtres-valets ou d’agents sous ses ordres incessants […]. Le propriétaire, quoique prenant part aux améliorations de ses domaines avec le concours de ses métayers, n’était pas considéré comme méritant le titre d’agriculteur. Ces idées agronomiques [étaient] purement spéculatives ; elles durent être modifiées à la lumières des faits. »
53Et de souligner que désormais
« l’exemple du Limousin contribue à démontrer que les progrès ne sont considérables en agriculture que lorsque les propriétaires s’occupent intelligemment de leurs domaines et aident les métayers ou les fermiers [51]. »
55Dans cette logique, deux établissements retiennent l’attention à la fois des agronomes nationaux et des élites locales : Bort et Ligoure.
56Bort (com. de Saint-Priest-Taurion) est qualifié par Barral de lieu où « tous les bâtiments sont appropriés à leur destination ». Mais ils ne font pas l’objet d’une description précise. Tout au plus sait-on que la réserve met au service des métayers « reproducteurs de choix, bascule, batteuse à vapeur, forge, pharmacie, laboratoire de chimie, défonceuses et semoirs Garrett ». Équipements et matériels sont ici plus importants que les bâtiments, car la notion de ferme modèle ne se comprend dans ce cas qu’à l’échelle d’un vaste ensemble domanial. « Dans la pensée de son créateur, explique-t-il, cette réserve constitue la ferme modèle qui doit servir d’exemple aux divers métayers fixés sur la propriété » [52]. Dans un texte resté inédit, sans doute un mémoire dans le cadre d’un concours, le propriétaire, Pierre Edmond Teisserenc de Bort, explique sa démarche. Ayant échoué dans sa tentative de transformer ses métairies en fermes, il décida de mettre en place un métayage amélioré où lui-même guiderait ses colons dans la voie du progrès.
Tout comme celle d’autres propriétaires, sa démarche est empirique. N’ayant pas prévu que sa réserve doublerait de superficie, ses bâtiments jouxtaient un étang qu’il fallut assécher pour agrandir la vacherie, tandis que la forte déclivité du terrain l’obligea à d’importants travaux de terrassement pour agrandir la cour. Malgré les dépenses engagées, l’ensemble ne présentait pas aux yeux du propriétaire le caractère rationnel que l’on peut attendre de ce type de réalisation [54](figures 5, 6 et 7).« Il me parut, écrit-il, que je devais avant tout faire mes preuves comme cultivateur pour gagner la confiance de mes colons et acquérir une expérience qui me manquait ; par conséquent organiser une petite réserve, sorte de ferme modèle sur laquelle je pratiquerai les meilleures méthodes, je réunirai les meilleurs instruments aratoires, les types de bétail et les reproducteurs les plus parfaits [53]. »
Façade de l’étable de Bort à Saint-Priest-Taurion
Façade de l’étable de Bort à Saint-Priest-Taurion
Bâtiment agricole le plus proche du château et faisant face à l’écurie, il bénéficie d’un décor soigné. Les plaques de concours agricoles matérialisent l’excellence du cheptel du domaine (Conservation régionale des monuments historiques, Drac Limousin, Claire Gravelat, 2009).La porcherie de Bort
Elle abrite aussi une infirmerie, plusieurs caves à tubercules, un atelier de coupage, une cuisine, une machine à vapeur. Du fait des grandes quantités de nourriture consommées par les cochons, la porcherie est le bâtiment où la mécanisation des tâches et la rationalisation de la manutention sont les plus poussées (Conservation régionale des monuments historiques, Drac Limousin, Claire Gravelat, 2009).Plan de la réserve de Bort, vers 1870
Plan de la réserve de Bort, vers 1870
Le caractère empirique de la réalisation apparaît ici clairement : étable édifiée en trois étapes successives, bergerie agrandie, contraintes du site (présence d’une mare), bâtiments construits en enfilade et non selon un plan centré. Seule la cour des communs (écuries, selleries, remises) répond à un ordonnancement logique. Arch. priv. du château de Bort (Conservation régionale des monuments historiques, Drac Limousin, Claire Gravelat, 2009).57Une démarche similaire présida à la création de la ferme de Ligoure (com. du Vigen). Cette vaste propriété, acquise en 1856 par Frédéric Le Play et patiemment agrandie par la suite, fut entièrement réaménagée par son fils Albert à partir de 1867. Une vaste réserve de 126 ha, regroupant trois anciennes métairies, fut créée, cinq domaines cultivés en colonat partiaire furent réorganisés. L’idée était de faire de la réserve, comme pour Bort, un centre de progrès agricole.
58Mais, en raison même des idées de Frédéric Le Play, cette forme particulière de ferme modèle devait aussi être un des leviers d’action du grand propriétaire sur les campagnes alentour, permettant de restaurer le patronage social des élites. Il invita ainsi son fils à agir comme les antiques familles remarquables
« par leur vertu et leur talent qui les distinguaient, selon Commines, aux temps de Charles VIII et qui subsistaient encore au siècle dernier dans beaucoup de régions non encore envahies par la corruption des villes ».
60Et de se satisfaire de l’influence acquise par son fils grâce à ses compétences d’agronome. « Sous ce rapport, continue-t-il, je vois avec plaisir que tu te fais une certaine influence agricole par la tournée qui s’est renouvelée cette année » [55]. Mais cela impliquait une démarche empreinte de pragmatisme et d’empirisme. Tout d’abord sur le plan agronomique, car seule la réussite des innovations agricoles garantit la diffusion du progrès en direction de la paysannerie, elle-même synonyme d’influence sociale.
Un même pragmatisme présida à la construction des bâtiments de la ferme. Dans une lettre à son fils, Frédéric Le Play donne ses instructions pour les constructions rurales (figures 8, 9 et 10) :« Comprends d’ailleurs », écrit ainsi Frédéric à son fils en 1869, « que tes échecs ne compromettent pas seulement ton avoir ; mais qu’ils ternissent ta réputation comme agriculteur. […] Il te reste maintenant à te conformer à la tradition et à la science agricole éprouvée, en ce qui touche les opérations de culture [56]. »
La porcherie de Ligoure, photographie, vers 1895
La porcherie de Ligoure, photographie, vers 1895
L’architecte est resté fidèle aux techniques et matériaux en usage dans la région, mais le bâtiment se singularise par l’ampleur, la régularité et la qualité de la construction (Arch. dép. Haute-Vienne, 7 num 430, prêt B. Thomas-Mouzon).Bâtiments d’une des métairies de Ligoure, photographie, vers 1895
Bâtiments d’une des métairies de Ligoure, photographie, vers 1895
Si Frédéric et Albert Le Play ont apporté beaucoup de soin à la construction des bâtiments de la réserve, en revanche, certains domaines n’ont guère été modernisés. L’excellence agricole est ici clairement l’affaire du grand propriétaire. Les métayers n’en sont que des relais (Arch. dép. Haute-Vienne, 7 num 458, prêt B. Thomas-Mouzon).« Je te conseille toujours de les faire dans l’hypothèse où elles resteraient définitives, de façon qu’elles soient de suite suffisantes. Ne mets pas ta gloire dans les bâtiments, tout en leur donnant le goût et l’harmonie qui ne coûtent rien et embellissent la matière brute [57]. »
63Cette œuvre, qualifiée de remarquable par Jean-Augustin Barral, valut à Albert Le Play la prime d’honneur accordée par l’État en 1878. Certes, comme pour Bort, il s’agissait de modèles très difficilement transposables à l’ensemble de l’agriculture limousine, tant par la taille des exploitations que par les capitaux engagés. Les constructions de la ferme de Bort coûtèrent à son propriétaire 63 000 francs [58] et celles de Ligoure 59 876 francs [59]. Mais ces exploitations, parce qu’elles incarnaient la forme la plus aboutie du métayage amélioré, ont été regardées comme un modèle global à suivre et leurs concepteurs ont été considérés comme les pères de l’agriculture limousine durant les premières décennies de la Troisième République [60]. Par contre, Marcellin Duvert, Jean-Baptiste Mignon ou Henry Michel ne firent guère d’émules en Limousin.
Un progrès agricole sans rupture architecturale ?
64Très rares sont donc les bâtiments rompant radicalement avec l’architecture vernaculaire et proposant le double pari de la monumentalité et de la modernité. En revanche, les bâtiments du modèle de Ligoure, c’est à dire assurant sans ostentation une amélioration du bâti, sont beaucoup plus nombreux. On pourrait mettre ceci sur le compte d’une éventuelle médiocrité des élites limousines, disposant de peu de moyens [61]. Pourtant, même les plus riches d’entre les châtelains de la région, à l’instar des Le Play, privilégièrent une architecture ne rompant guère avec les pratiques paysannes. Ceci s’explique par le rôle attribué à ces réserves réaménagées dans la diffusion du progrès agricole. Elles sont le lieu où sont conservés les plus beaux reproducteurs et où, par sélection, s’élaborent des souches de cheptel amélioré, où sont mis au point de nouveaux systèmes culturaux, où sont introduits en premier engrais et outillage agricole. Elles doivent donc être le point de départ du progrès dans les grands domaines limousins, les métayers adoptant progressivement les méthodes développées par leur maître dans son exploitation en faire-valoir direct.
65Ainsi, selon Edmond Teisserenc de Bort, le fils du créateur de la ferme modèle,
« tout le monde en Limousin s’est attaché à ce perfectionnement [de la race bovine]. Les exploitations directes ont donné l’exemple, les colons ont suivi, et les petits propriétaires ont emboîté le pas [62]. »
67Or, dans ce type de démarche, les bâtiments ne jouent pas un rôle essentiel, loin de là. Si la construction à neuf permet d’obvier aux plus criants défauts des exploitations (manque d’espace et de lumière, insalubrité, absence de valorisation des litières et des déjections), elle n’est pas, à proprement parler, un facteur de progrès. Au contraire même, la modernité architecturale peut constituer un frein à ce progrès en créant une frontière entre l’agriculture « savante » et l’agriculture paysanne. En outre, le progrès agricole en Limousin, essentiellement tourné vers l’élevage bovin, ne nécessitait pas de radicales transformations du système cultural et donc de l’organisation des bâtiments.
L’exemple de la propriété du Vigneau (com. de La Jonchère) le montre. Là, sans même avoir recours au système de la réserve et en conservant la plupart des bâtiments dont il avait hérité, Charles de Léobardy, en confiant au plus doué de ses métayers la tâche d’améliorer par sélection son cheptel, en aidant ses colons à développer les prairies, a été l’un des grands promoteur de la race bovine limousine [63]. Sans doute peut-on aussi déceler à travers cet exemple un autre phénomène : il n’est pas nécessaire en pays d’élevage bovin d’inscrire l’excellence agronomique dans la pierre. D’une certaine manière, en pays de céréaliculture, la taille des granges et des étables, l’ampleur et la qualité des constructions traduisent cette réussite économique et technique. En Limousin, les venteaux des portails des étables et les murs des granges, ornées des plaques glanées dans les comices et les concours agricoles, expriment cette modernité couronnée de succès. Autant que la ferme de Bort, c’est l’étable du Vigneau, aux bâtiments extrêmement communs mais recouverts de ces trophées qui, à la fin du xixe siècle, est retenue pour illustrer les succès de la race limousine.
Des préoccupations architecturales tardives
68Toutefois, dans les dernières décennies précédant la Guerre, une inflexion du discours se dessine. Les élites agricoles de la région prennent conscience du décalage existant entre les succès de l’élevage bovin limousin et la piètre qualité architecturale de nombre de fermes. Dès 1896, Jules Tixier estime qu’il « serait grand dommage que les éleveurs limousins négligent plus longtemps la technique des étables, alors que la race bovine dont ils disposent a obtenu une si grande réputation » [64]. Et de plaider pour une esthétisation des domaines :
« point de luxe, que tout soit simple et solide, de bon goût et bien en proportion, se liant harmonieusement avec la coquetterie du paysage, par un emploi judicieux des matériaux et même de leur coloration. Tout doit concourir à satisfaire l’œil, sans heurt, à côté de cette admirable palette de la nature, qui nous ravit à chaque instant par l’harmonie et le calme de ses modes expressifs. »
70Certes, l’auteur de ces lignes n’est pas qu’un agriculteur. Il s’exprime aussi en tant qu’architecte et esthète [65]. Mais, il est symptomatique qu’à la même époque, les comptes rendus des visites culturales dans les colonnes de L’Agriculteur du Centre mettent davantage en avant la modernité architecturale et technique des bâtiments. Ainsi, en 1894, furent mises à l’honneur les constructions de Justin Labuze sur sa réserve du Point-du-Jour (com. de Nouic) [66].
« Les bâtiments viennent d’être terminés ; ils sont largement traités, depuis l’habitation du colon jusqu’à la porcherie et aux poulailler. Qu’il me suffise de vous dire que la grange à bétail et à blé n’a pas moins de 100 m de long sur 18 de large et que la manutention des litières, des fourrages et des fumiers est entièrement faite par un petit chemin de fer Decauville. L’eau nécessaire au nettoyage des couloirs ou à l’entretien des animaux est amenée par deux pompes placées aux deux extrémités du couloir central. Il y a place pour cent têtes […]. Un manège met en mouvement la batteuse, les hache-paille et les coupe-racines. La bergerie occupe une surface de 160 m2 et les hangars 240. Les trous à fumier et les fosses à purin, les abreuvoirs sont soigneusement compris. En somme, rien n’a été épargné, et c’est une fort belle installation agricole [67]. »
72Une médaille d’or lui fut décernée et, neuf ans plus tard, étant hors concours, il est de nouveau récompensé par un objet d’art [68].
73Parallèlement, on met l’accent sur l’amélioration de l’habitat des métayers. En 1911, sur les six récompenses accordées dans l’arrondissement de Bellac, trois le sont pour des maisons de colons [69]. Il s’agit sans doute, au-delà de préoccupations hygiénistes, de mettre en pratique les principes du patronage social, à une époque où le métayage connaît à la fois une forme d’apogée économique (les comptabilités parvenues jusqu’à nous témoignent d’une hausse substantielle des revenus du maître et du métayer à la Belle Époque) [70], mais aussi un début de crise démographique, l’enrichissement des colons leur permettant d’accéder au statut de propriétaire au moment même où décroît la main d’œuvre rurale [71].
74La fin du xixe siècle voit donc se développer un autre rapport entre architecture et agriculture. La notion de ferme modèle, en tant qu’ensemble de bâtiments et de cultures érigé en référence pour l’ensemble d’une économie rurale, semble révolue. La modernité architecturale change de sens, du moins en Limousin. Il ne s’agit plus de témoigner à travers la conception, l’organisation et l’esthétisation des bâtiments d’une démarche globale de modernisation de l’agriculture. Il faut désormais diffuser auprès des agriculteurs ruraux le goût pour des bâtiments rationnels, fonctionnels mais aussi agréables à regarder. L’architecture rurale s’inscrit désormais moins dans une démarche prospective, elle n’est plus envisagée comme l’un des points de départ de la modernisation de l’agriculture. Elle devient le témoin de cette modernisation, elle peut même en être le fruit, lorsque l’argent gagné par l’agriculture est réinvesti dans les bâtiments. La diffusion des progrès de l’agriculture semble en effet, pour une grande part, acquise. Toutefois, la lisibilité de ces progrès dans le paysage rural reste faible. Il reste encore à combler l’écart entre l’apparence modeste des étables et l’excellence des cheptels qu’elles abritent. En 1930 encore, l’Ingénieur agricole du département de la Haute-Vienne soulignait que
Et de conclure que, même si de notables progrès avaient été faits après-guerre, il restait « beaucoup à faire pour que l’aménagement et la disposition des bâtiments de ferme soient en harmonie avec l’essor de l’élevage et de la culture » [72].« les bâtiments agricoles n’ont pas toujours évolué parallèlement à l’amélioration des méthodes culturales : ceux des métairies, en particulier, sont assez souvent vétustes et ne répondent plus qu’imparfaitement aux besoins de l’exploitation. »
Si la médiocrité générale du bâti semble incontestable, il faut toutefois nuancer ce jugement, en soulignant que les progrès agricoles de la seconde moitié du xixe siècle (amélioration des cheptels par la sélection et l’alimentation, augmentation des rendements en fourrages, racines et céréales) se sont effectués sans modifier radicalement les besoins en bâtiments. La grange-étable limousine, de plan carré ou rectangulaire, associant sous un même toit une aire à battre au centre, servant aussi de remise pour les charrettes et les instruments agricoles, et deux étables de part et d’autre, séparées de la partie centrale par des « cornadis » au dessus desquelles sont aménagés les fenils ou « barges », est restée du xviiie siècle aux années 1950, moyennant de permanentes adaptations, le module architectural de base [73]. Il faudra attendre la rupture des années 1960-1970, avec le développement de l’élevage en « plein-air intégral » et de la stabulation libre pour que naisse un autre modèle de ferme [74].
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Mots-clés éditeurs : métayage, bâtiments agricoles, élevage, fermes modèles, Limousin, architecture, progrès agricole
Date de mise en ligne : 05/10/2010
https://doi.org/10.3917/hsr.033.0049Notes
-
[1]
Voir Grandcoing, 2004. Armand Fourot fut élu une première fois en 1876, réélu en 1877 et en 1881 et siégea dans le groupe de la Gauche Républicaine?: El Gammal et Plas, 2001, p. 79-81.
-
[2]
Le Limousin, janvier-octobre 1908, p. 81.
-
[3]
«?La ferme modèle : rationalisation et théorisation de l’architecture rurale?», Journées d’études des 28, 29 et 30 mai 2008 à Chaumont-sur-Loire.
-
[4]
Garric, 2001; Grandcoing, 1999.
-
[5]
Wiscart, 2001, p. 69.
-
[6]
Notamment à une époque où se développe la zootechnie?: voir en particulier Hubscher, 1999?; et Mayaud, 1997.
-
[7]
Brelot, 1992, p. 570-573. On retrouve dans le Bassin parisien un même intérêt pour l’agronomie au sein de la noblesse d’Empire, notamment chez les Berthier à Grosbois?: Lalliard, 2000.
-
[8]
Boisnard, 1989, p. 643.
-
[9]
Toulier, 2001, p. 27.
-
[10]
Goujon, 2004, p. 53. De même, dans la Somme, la noblesse possède 20?% des fermes modèles recensées à la fin du Second Empire?: Wiscard, 2001.
-
[11]
Sur le cas solognot voir Toulier, 1992?; et, pour la Haute-Vienne, Grandcoing, 1999b.
-
[12]
Postel-Vinay, 1988, p. 201.
-
[13]
L’œuvre des vicomtes de La Panouze à Saint-Rome en Lauragais en fournit un remarquable exemple. Dans les premières années de la Troisième République, le légitimiste Henri Louis César de La Panouze édifia un château et tout un village, «?défi[ant] par la mise en scène du bâti la puissance publique?»?: Thébault, 1989, p. 440.
-
[14]
Sur la méthodologie d’une possible recension, voir Bardel, 2001.
-
[15]
Toulier, 2001.
-
[16]
Il est notamment écrit?: «?On doit toujours s’y proposer la solidité, la commodité et la beauté. Quant aux ornements, on en use comme on le juge à propos, suivant la disposition des lieux et la dépense que le maître y peut et veut faire?» (p.?26).
-
[17]
Gasparin, 1854, p. 476.
-
[18]
Garric, 2001, p. 61.
-
[19]
Mayaud, 1991.
-
[20]
Mathieu de Dombasle, 1861, p. 310-311.
-
[21]
Lefour, 1861, p. 222.
-
[22]
Bailly, Bixio et Malpeyre, p. 409.
-
[23]
Larousse, t. viii, p. 253. Il est à noter que l’article est entièrement consacré à l’histoire de l’enseignement agricole en France depuis la fin du xviiie siècle.
-
[24]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lviii, 1911, p. 728.
-
[25]
Sur ce discours négatif concernant l’agriculture?: Corbin, 1975, p. 21-28 et p. 429-461.
-
[26]
Sur l’évolution des activités de la Société d’agriculture?: Chanaud, 2006.
-
[27]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lv, 1889, p. 54.
-
[28]
Ibid., t. lvi, 1891, p. 55.
-
[29]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges., t. li, 1881.
-
[30]
Ibid., t. xli, 1866, p. 31.
-
[31]
Ibid., t. XXXVI, 1860, p. 254.
-
[32]
Ibid., t. xxvi, 1849, p.?180-182.
-
[33]
Ainsi, à propos de Puycheny (com. de Séreilhac), il est écrit??: «?Les bâtiments sont vastes et bien aménagés. En cela, comme sur d’autres points, M. Peyrusson a eu le mérite d’innover et de servir d’exemple. Le plan de la grange à bétail a servi de modèle, avec quelques modifications heureuses, à des constructions qui font l’ornement de quelques unes de nos belles fermes?»?: ibid., t.?xvi, 1866, p.?24.
-
[34]
Ibid., t. xxvi, p. 84. Ce bâtiment semble avoir été d’une grande qualité d’exécution. Il est également remarquable par ses dimensions et le fait qu’il abrite sous le même toit bêtes et gens. D’une longueur de 60 m, il comprend un logement pour le jardinier, un autre pour les domestiques, une loge pour le bouvier, des granges à blé, une aire à battre de 300 m2 et il peut accueillir 48 bêtes à cornes.
-
[35]
Ibid., t. xxviii, p. 194-195. Ceci explique la taille de l’édifice : 90 m de long, 16 m de large et 5 m de haut. Le fenil devait pouvoir contenir 8?000 m3 de foin. Adossé à la chaussée de l’ancien étang, il offrait un accès direct à l’étage, selon le modèle des granges auvergnates.
-
[36]
La référence en la matière est sans doute celle de Cail à La Briche, en Indre-et-Loire?: Toulier, 2001, p.?23.
-
[37]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xlii, 1867, p. 66-67.
-
[38]
Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 126-133.
-
[39]
Grandcoing, 2000.
-
[40]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xli, 1866, p. 117.
-
[41]
Moriceau, 2002, p. 151.
-
[42]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xxxvi, 1860, p. 248.
-
[43]
Frioux, 2002.
-
[44]
Sur le personnage et sa difficile intégration locale, cf. Grandcoing, 1999a, p. 158-163.
-
[45]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xl, 1865, p. 281.
-
[46]
Ibid., t. xli, 1866, p. 113.
-
[47]
Barral, 1884, p. 322.
-
[48]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. xlviii, 1880, p. 97.
-
[49]
Sur ses succès notamment dans les comices agricoles, voir Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 107-112.
-
[50]
Corbin, 1975, p. 275-276?; Danthieux, 2004.
-
[51]
Barral, 1884, p. 6 et p. viii.
-
[52]
Barral, 1884, p. 302.
-
[53]
Arch. priv. du château de Bort, Mémoire sur la propriété de Bort, sd.
-
[54]
Il écrit notamment?: «? Je n’ai pu, malgré ces dépenses, organiser mon service intérieur comme je l’eusse fait si j’avais eu mes coudées franches et si mon plan général avait été conçu d’un seul jet?».
-
[55]
Arch. priv. du château de Ligoure, Lettre de Frédéric Le Play à son fils Albert, 3 septembre 1869.
-
[56]
Ibid., lettre du 14 avril 1869.
-
[57]
Arch. priv. du château de Ligoure, Lettre du 27 février 1869.
-
[58]
Barral, 1884, p. 302.
-
[59]
Cf. Arch. priv. du château de Ligoure, «?Notice sur la terre de Ligoure?».
-
[60]
Cela est accentué par le rôle politique, local et national, que ces deux hommes jouèrent. Teisserenc de Bort fut député, sénateur et ministre, Le Play sénateur.
-
[61]
Sur ce point, voir Corbin, 1975, p. 227-240.
-
[62]
Teisserenc de Bort, 1890, p. 7.
-
[63]
Sur le personnage, voir Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 97 et suiv.
-
[64]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lvii, 1896, p. 399.
-
[65]
Il possédait des domaines aux confins de la Creuse et de la Haute-Vienne où il s’adonnait notamment à l’élevage des chevaux. Il fut très impliqué dans la défense du cheval limousin à la fin du xixe siècle. Il fut aussi vice-président de la Société historique et archéologique du Limousin, architecte des Monuments historiques. Auteur de nombreux articles sur les monuments médiévaux de la région, il fut aussi un promoteur du tourisme à la Belle Époque.
-
[66]
Justin Labuze, fils d’un médecin de Nouic, fut député de la Haute-Vienne de 1878 à 1885. Sous-secrétaire d’État aux finances de 1882 à 1885, il fit par la suite carrière en tant que Trésorier payeur général.
-
[67]
L’Agriculteur du Centre. Bulletin de la Société d’agriculture de Limoges, t. lvii, 1894, p.
-
[68]
Ibid., t. lviii, 1903, p. 296.
-
[69]
Ibid., t. lviii, 1911, p. 707.
-
[70]
Grandcoing, 2004b.
-
[71]
Id., 2007.
-
[72]
Dessalles, 1935, p. 375-376.
-
[73]
Robert, 1993, p. 220-227?; Dessalles, 1935, p. 377-379.
-
[74]
Danthieux et Grandcoing, 2007, p. 188 et suiv.