Notes
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[*]
Europa-Universität Viadrina, Wirtschafts- und Sozialgeschichte der Neuzeit, Frankfurt (Oder). Adresse : Bremer Strasse 28, 15234 Frankfurt (Oder), Allemagne. Courriel : <alden@ euv-frankfurt-o. de.>
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[1]
Tracy, 1986, 1988.
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[2]
Bairoch, 1970, 1988, 1989, 1993, 1995.
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[3]
Chevet et Saint-Amour, 1991.
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[4]
Dormois, 1996, p. 360. Voir aussi : Dormois, 1997, surtout p. 284-289.
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[5]
Barral, 1988 et 1998.
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[6]
Aldenhoff-Hübinger, 2000 et 2002. Broder, 1997, préfère lui aussi une comparaison France/Allemagne.
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[7]
Voir Jas, 2001.
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[8]
Pour l’historiographie agraire voir : Béaur et Schlumbohm, 2003 ; Vivier, 2004.
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[9]
O’Rourke, 1997 ; O’Rourke et Williamson, 1999. Maintenant : Torp, 2004.
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[10]
Barral, 1988, p. 54.
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[11]
Fisch, 2002, p. 276.
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[12]
Lebovics, 1988, p. 16, 17.
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[13]
Gratton, 1971, p. 28 (France) ; Wirminghaus, 1910, p. 142 (Allemagne).
-
[14]
Conrad, 1909, p. 642 (France) ; Wirminghaus, 1910, p. 142 (Allemagne). La statistique agricole allemande offre une catégorie de 10 à 50 ha, alors que la statistique agricole française s’arrête à 40 ha.
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[15]
C’est la thèse principale de Hess, 1990.
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[16]
Dans l’article 11 du traité, l’Allemagne et la France prennent « pour base de leurs relations commerciales le régime du traitement réciproque sur le pied de la nation la plus favorisée ». Cité par Poidevin, 1969, p. 87. Pour une discussion approfondie des conséquences sur le commerce français : ibid., p. 87-92.
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[17]
Quand le tarif douanier est très bas, il ne remplit pas son office protecteur, mais alimente les caisses de l’État. Cet aspect fiscal en Allemagne et en France est analysé par Meadwell, 2002.
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[18]
Webb, 1982, p. 314.
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[19]
Calculé sur le prix de 20 f les 100 kg, payé à Liverpool entre 1887 et 1890.
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[20]
Pour une vue des tarifs divers et des propositions des organisations agricoles, du gouvernement et de la commission tarifaire, voir : Golob, 1968, p. 174a.
-
[21]
Pour la liste détaillée voir : Arnauné, 1911, p. 338-339 ; Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 160-167.
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[22]
Voir l’analyse plus approfondie dans Aldenhoff, 1995.
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[23]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 156.
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[24]
Poidevin, 1969, p. 369.
-
[25]
Poidevin, 1971.
-
[26]
Liepmann, 1980, p. 383, 385.
-
[27]
Méline, 1891, p. 6.
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[28]
Pour une étude approfondie : Chun, 2003.
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[29]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 89-101.
-
[30]
Puhle, 1975 ; Ullmann, 1988, p. 85-94.
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[31]
Ullmann, 1988, p. 89-90.
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[32]
En 1901 les organisations agricoles catholiques comptaient 200 000 membres, en 1907 330 000 : ibid., p. 87.
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[33]
Voir son discours du 31 janvier 1895 à la chambre prussienne des députés. Stenographische Berichte über die Verhandlungen. Haus der Abgeordneten, 18. Legislaturperiode, ii, Session 1895, p. 223.
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[34]
Gothein, Georg, « Das Schutzzollinteresse der französischen Landwirtschaft », Frankfurter Zeitung, n° 70, 12 mars 1910, p. 1-2, cité d’après : Bundesarchiv, Berlin, Reichslandbund-Pressearchiv, n° 3659, p. 73.
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[35]
Borchardt et Meyer-Stoll, 1999-2000, surtout p. 56-59, 69-74, 79-80.
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[36]
Voir la réaction du ministre de l’Agriculture, Jean Dupuy, au Sénat : « Ces dispositions allemandes sont si draconiennes que je ne me prononce pas sur leur principe ». J. O. Sénat, séance du 7 mars 1901, p. 481. Pour le contexte : Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 195-196.
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[37]
Webb, 1982, p. 314.
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[38]
La Meunerie française, mars 1897 et mai 1912 (ndlr).
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[39]
J. O. Chambre des députés, séance du 9 juin 1900, p. 1400. Rose favorisa aussi la réforme de la bourse, inspirée du modèle allemand, pour limiter l’influence du commerce du blé.
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[40]
Ibid., séance du 7 juillet 1900, p. 1862-1867, surtout p. 1863.
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[41]
Ibid., Sénat, séance du 7 mars 1901, p. 479-485 (tout le discours), surtout : p. 479, 481, 484-485.
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[42]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 226.
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[43]
Fisch, 2002, p. 61, p. 237.
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[44]
On importa 2 millions de tonnes de blé et exporta 0,5 million de tonnes de seigle grâce aux bons d’importation : Achilles, 1993, p. 362.
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[45]
Webb, 1982, p. 324 ; Wehler, 1995, p. 653.
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[46]
Paturel, 1911, p. 396-397.
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[47]
En 1914, l’Allemagne compte 67,8 millions d’habitants et la France 39,8 millions : Fisch, 2002, p. 61, p. 88.
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[48]
O’Rourke, 1997, p. 786-787. En Grande-Bretagne, sans aucune protection, la terre perdit 41,8 % de sa valeur.
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[49]
L’argument soutenu par Dormois, 1997, p. 287, selon lequel « le déterminisme démographique n’apporte rien », me paraît peu convaincant. Par contre Broder, 1997, p. 37-43, souligne l’importance du facteur démographique.
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[50]
J. O. Chambre des députés, séance du 12 mai 1891, p. 868. Voir aussi Méline, 1891, p. 6-7, qui souligna l’interdépendance des secteurs industriel et agricole.
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[51]
O’Rourke, 1997, p. 792. Selon Vidal, 2000, p. 117-118, p. 173-74, par contre, l’effet macroéconomique aurait été négatif.
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[52]
Ferry, 1914, p. 547-548. Voir aussi Gaillard, 1989, p. 656-658 ; Mayaud, 1999, p. 110.
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[53]
Méline, 1891, p. 6.
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[54]
Les débuts de la PAC de 1950 à 1957 ont fait l’objet d’une étude de Thiemeyer, 1999.
1À la fin des années 1980 émergea une vive discussion sur les effets économiques et sociaux de la politique protectionniste agricole française. Les conséquences du protectionnisme de Jules Méline furent fortement critiquées. Cette discussion s’appuya sur les travaux de Michael Tracy et de Paul Bairoch. Tracy défendait une position libre-échangiste, attaquant toute forme de protectionnisme, lui préférant le modèle britannique [1]. L’économiste Paul Bairoch adoptait, lui, un point de vue opposé [2]. Il soulignait les bienfaits de la politique agricole protectionniste, adoptée par la majorité des pays européens continentaux. Selon lui, cette politique avait préservé le marché intérieur, et particulièrement celui de la France, en adoptant des mesures qui avaient favorisé les paysans et leur pouvoir d’achat. La crise fut alors évitée.
2 Contrairement à Bairoch, des chercheurs français ont avancé d’autres arguments économiques comme la formation des prix ou les conséquences négatives du protectionnisme sur le développement économique du pays [3]. Jean-Pierre Dormois a constaté que la politique suivie en France, contrairement à celle de l’autre côté de la Manche, avait « contribué à la stagnation de la production » sans réussir à atteindre le but prévu « de préserver le niveau de vie des agriculteurs ». La désertification actuelle du grand sud-ouest français lui semble même être la lointaine résultante de ces « freins conjugués mis à la modernisation de l’agriculture et au développement des entreprises industrielles en osmose avec leurs régions d’accueil » [4]. En revanche, Pierre Barral insistait sur l’importance des comportements-types de chaque pays européen [5]. La situation française était selon lui différente de la situation anglaise et cela expliquerait les politiques agricoles ; différentes non seulement sur le plan économique (au niveau de l’essor industriel et du déclin agricole) mais également sur le plan politique. En effet, le suffrage universel fut instauré en France en 1848 et en Angleterre en 1918, les hommes politiques ne pouvaient plus ignorer ce que la majorité des électeurs ruraux exigeait : la protection de leurs productions.
Contexte national de la politique protectionniste
3 Le protectionnisme français s’explique lorsqu’on considère que presque tous les pays européens continentaux s’étaient eux aussi engagés dans cette voie. Pourtant ces mesures résultaient de combinaisons politiques et de situations économiques différentes. Pour mieux appréhender la politique agricole française, il faut prendre pour référence plutôt que l’exemple britannique celui de l’Allemagne, qui a aussi, à cette époque, développé un mécanisme d’intervention sur le marché agricole [6]. De cette manière, on pourra observer qu’il n’y a pas de réponse simple à la question des répercussions économiques du protectionnisme. Ses effets ne peuvent être compris qu’en fonction de chaque contexte économique national. Il faut aussi tenir compte du contexte politique pour comprendre les motifs qui ont poussé les hommes politiques et les organisations agricoles les plus importantes à se déclarer pour le protectionnisme.
4La politique agricole est définie par des mesures structurelles en faveur de la modernisation de l’agriculture et des mesures purement protectionnistes. Les mesures structurelles, en France et en Allemagne, concernaient le crédit agricole, les chambres d’agriculture, la recherche et les stations agronomiques [7]. Mais le protectionnisme fut l’instrument le plus important de l’intervention de l’État ; c’est pourquoi nous lui consacrons cette étude, en analysant sa structure et ses conséquences. Cela implique également de se concentrer sur l’action de l’État et de négliger les régions, si richement analysées et décrites par de nombreux auteurs [8].
5L’argument défendu ici est que la politique agricole et les mesures protectionnistes prises en Allemagne et en France sont tout à fait comparables. Avant 1914, fut mis en œuvre un mécanisme d’intervention sur le marché agricole, un système douanier prohibitif, des subventions et des primes à l’exportation. Diverses mesures redeviendront d’actualité un demi-siècle plus tard à travers la politique agricole de la Communauté économique européenne, dont le moteur est alors la France et l’Allemagne. À la fin du xixe siècle, les revendications des organisations agricoles pour l’introduction d’un tel système dans les deux pays sont également comparables. Il faut cependant noter des différences dans la croissance démographique et les conséquences économiques qui en résultèrent. La France se rapproche plus d’un consensus républicain tandis que l’Allemagne connaît alors des conflits politiques importants.
Les points communs
La « mondialisation » du commerce agricole
6Le protectionnisme agricole fut adopté par la majorité des pays d’Europe continentale qui voulaient réagir contre la première phase de la « mondialisation » du commerce agricole [9]. Après la guerre de Sécession, presque tout le nouveau monde était cultivé. Grâce au perfectionnement des moyens de communication et de transport, entraînant une forte diminution des coûts, de grandes quantités de blé et d’autres productions furent exportées vers l’Europe et contribuèrent à la baisse des prix. Il est certain que ces importations n’étaient pas la seule explication du phénomène, mais elles y contribuèrent et accentuèrent sans doute la diminution des prix agricoles, qui était déjà amorcée à cause de la « grande dépression » qui sévit entre 1873 et 1896. De plus, la déflation alourdissait encore les dettes du secteur agricole européen, qui devait compenser cette baisse par une augmentation de la productivité. Les importations de blé, ajoutées à la déflation, donnaient donc en Europe l’impression d’une crise globale de l’agriculture.
7Il n’est donc pas étonnant qu’à la fin des années 1870, la plupart des États européens aient abandonné la voie libre-échangiste pour freiner les importations. L’Allemagne fut la première à introduire des tarifs douaniers protecteurs, suivie par le reste de l’Europe, à l’exception du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark. La France commença à modifier sa politique commerciale en 1881 et entra définitivement dans le groupe des pays protectionnistes avec le tarif de Méline en 1892.
Poids économique et politique des paysans
8 Si plusieurs pays européens avaient adopté une politique protectionniste, pourquoi comparer seulement la France et l’Allemagne ? Tout d’abord l’Allemagne et la France avaient de nombreux points communs, que ne partageaient pas forcément les autres pays. Ils étaient entrés dans un processus d’industrialisation, mais préservaient, et ce même au début du xxe siècle, un secteur agricole important, tant dans le champ politique que dans le champ économique. Avec en France environ 43 % de la population active dans le secteur agricole et en Allemagne 35 %, ces deux pays n’étaient pas les champions de l’industrialisation. En 1851, la part de la population active dans le secteur agricole n’était déjà plus que de 22 % au Royaume-Uni et au début du xxe siècle, elle s’effondrait à 9 %. Ce tableau donne une idée du poids économique, mais aussi politique, de la population agricole dans chaque pays (tableau 1).
Part de la population active agricole
Part de la population active agricole
9 Le poids politique du monde agricole était principalement dû au suffrage universel. Adopté en France en 1848 et dans l’Empire allemand entre 1867 et 1871, il donnait à l’électorat paysan un rôle considérable renforcé par le découpage des circonscriptions [10]. Comparé au Royaume-Uni, dont seulement 16 % de la population totale avait le droit de vote en 1914, la France et l’Allemagne faisaient figure d’États démocratiques, avec respectivement 29 et 21 % de votants [11]. En Allemagne, malgré la monarchie constitutionnelle, le suffrage universel avait renforcé le poids des partis et le pouvoir du parlement. Autre point commun : la nécessité d’asseoir en France le régime républicain et en Allemagne d’unifier le territoire. Ces enjeux expliquent pourquoi les dirigeants politiques cherchèrent à gagner l’appui du peuple, qui à cette époque était majoritairement rural [12].
Les structures agricoles
10À la différence de l’Espagne, on avait affaire, des deux côtés du Rhin, à une grande hétérogénéité dans la répartition de la propriété. Contrairement à une idée reçue, la terre n’était pas entièrement aux mains des grands propriétaires en Allemagne, ni uniquement aux mains des petits paysans en France (tableau 2).
Hétérogénéité des structures agricoles
Hétérogénéité des structures agricoles
11Sur 5,5 millions d’exploitations agricoles en Allemagne, 4,2 millions avaient une superficie inférieure à 5 ha contre 4 millions sur 5,7 millions en France. Les exploitations de 5 à 100 ha étaient 1,2 million en Allemagne et 1,6 million en France. Celles de plus de 100 ha ne représentaient qu’un petit pourcentage : 25 000 du côté allemand et 33 000 du côté français. Toutefois, la part des grandes exploitations, supérieures à 200 ha, était plus importante en Allemagne : 13 800 contre 10 500 en France.
12Les structures d’exploitations présentent un schéma parallèle. Les très petites exploitations inférieures à 5 ha occupaient 12,7 % de la surface cultivée en France et 15,7 % en Allemagne [13]. Les exploitations moyennes (entre 10 et 40/50 ha) occupaient environ 1/3 de la surface, soit 29 % en France et 39 % en Allemagne. Dans les petites et moyennes exploitations, qui occupaient alors plus de la moitié de la surface cultivée des deux côtés du Rhin (52 % en France et 65 % en Allemagne), l’agriculture gardait un caractère fortement paysan [14]. Seules les provinces situées au Nord-Est de la Prusse, dominées par la grande propriété foncière, faisaient figure d’exception (tableau 3).
Structures des exploitations en Prusse (1895)
Structures des exploitations en Prusse (1895)
13Cependant, cette exception doit être relativisée car les terres sableuses y étaient de moindre qualité et le profit souvent inférieur à celui des autres régions allemandes [15]. C’est pourquoi on ne peut parler de la supériorité des grandes latifundia qu’à partir d’environ mille ha. L’importance des junkers, ces « hobereaux » prussiens, résultait moins de leur poids économique que de leur force politique.
La politique commerciale et les mesures adoptées
La première phase du développement (1880-1892)
14Le protectionnisme se développa en trois phases : entre 1880 et 1892, 1892 et 1906 et entre 1906 et 1914. La première période instaura une réaction aux traités de commerce des années 1860, conclus entre la France et d’autres pays européens, et au traité de Francfort de 1871. Grâce à la clause de la nation la plus favorisée, précisée dans l’article 11 du traité de Francfort, l’Allemagne profita des traités de commerce français tout en abandonnant sa politique libre-échangiste [16]. Les tarifs douaniers sur les produits industriels et agricoles, qui entrèrent en vigueur en 1880, restaient modérés et portaient la marque du Finanzzoll [17]. Ils furent introduits par le chancelier Bismarck, qui forgea l’union tarifaire entre l’industrie et l’agriculture dans un but politique : affaiblir le parlement. Il envisagea d’accroître les contributions directes pour rendre le gouvernement plus indépendant des Länder et du Reichstag. En revanche, en 1885 et 1887 les tarifs douaniers agricoles furent considérablement augmentés (tableau 4).
Droits sur les importations de céréales en Allemagne (mark/100 kg)
Droits sur les importations de céréales en Allemagne (mark/100 kg)
15La France commença à modifier sa politique commerciale à partir de 1881 en retirant tous les produits agricoles des négociations internationales. Il fut alors possible d’introduire des droits de douane protecteurs et de les augmenter progressivement. Ils entrèrent en vigueur en 1884 pour le sucre, en 1885 pour le bétail et le blé. En 1887, ils augmentèrent et en 1889 furent complétés par les droits sur le seigle. En 1889, le niveau des droits de douane français rattrapa presque le niveau allemand (tableau 5).
Droits de douane en France et en Allemagne (1889)
Droits de douane en France et en Allemagne (1889)
16Grâce à ces mesures, les deux pays ont essayé de protéger les paysans moyens, ceux qui élèvent du bétail, en France un peu plus qu’en Allemagne. Leur efficacité fut renforcée par des lois de protection sanitaire en Allemagne comme en France. Ces tarifs sur les céréales renferment cependant une différence fondamentale. Leur montant rapporté au cours mondial des produits, atteignait en Allemagne 33 % pour le blé et 46 % pour le seigle [18]. En revanche, le tarif douanier pour le blé français représentait seulement 25 % du prix mondial [19]. Le quota extrêmement élevé pour le seigle allemand (46 %) montre la préférence des grands propriétaires fonciers en Allemagne du Nord-Est pour ce type de culture.
Le développement des deux pays (1892-1906)
17 Dans les deux pays, le mécanisme du protectionnisme est déjà assez développé au cours des années 1880. Mais ce fut seulement en 1892 – nous entrons ici dans la deuxième phase – que la France rejoignit définitivement le groupe des pays protectionnistes avec l’imposition du tarif de Méline qui introduisit des droits de douane sur les produits industriels et augmenta les tarifs douaniers sur les produits agricoles. Cette fois, grâce au président de la commission parlementaire qu’était Jules Méline, l’union entre l’industrie et l’agriculture n’échoua pas comme en 1881. En 1892, on augmenta considérablement les droits sur le bétail et la viande (entre 33 et 100 %) ; de plus, on calcula les droits au poids et non plus par tête, ce qui fut plus avantageux pour les agriculteurs qui développaient l’élevage [20].
18De nombreuses augmentations de tarifs eurent lieu jusqu’à 1903 : en 1894 pour le blé (à 7 Francs) suspendu en 1892 à cause de l’augmentation des cours ; en 1897 pour le sucre ; en 1898 et en 1903, encore une fois, pour le bétail et la viande ; en 1899 pour le vin [21]. En même temps, on introduisit certaines mesures pour soulager le marché intérieur et combattre la surproduction stimulée par la protection : les primes d’exportations directes pour le sucre en 1897, des exemptions d’impôts pour l’alcool (abolies en 1900, réintroduites en 1906) et l’interdiction de nouveaux produits comme la margarine en 1897, et la saccharine en 1902.
19 Cette nouvelle politique commerciale française força le Reich à revenir sur sa politique douanière pour conclure des traités de commerce. Le chancelier Leo von Caprivi, le successeur de Bismarck, conclut en 1892 et 1894 une série de traités pour les exportations industrielles avec des pays importants (l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Belgique, la Suisse et la Roumanie, la Serbie et la Russie). Ces accords furent en vigueur jusqu’à la fin de 1903. Ces traités se heurtèrent à l’opposition des agriculteurs car ils faisaient des concessions importantes sur les tarifs douaniers. Principalement l’abaissement des droits sur le blé et le seigle (de 5 à 3,50 marks pour 100 kg) et la conclusion du traité avec la Russie, premier exportateur mondial de seigle, furent durement critiqués. Caprivi dut dédommager les agriculteurs par des mesures non-tarifaires ; malgré cela, il fut obligé de démissionner en 1892 du poste de premier ministre de la Prusse et, deux ans plus tard, de celui de chancelier du Reich. Son échec politique était dû à la pression des conservateurs prussiens et également au mécontentement des milieux agricoles [22].
20Après sa démission, ses successeurs eurent recours aux possibilités laissées par les traités de commerce en vigueur jusqu’à la fin de 1903 pour aider l’agriculture par des mesures interventionnistes. L’énumération de ces mesures montre les points communs avec la politique française à la même époque : en 1895, on rendit plus difficiles les importations de bétail ; en 1896 les primes d’exportation pour le sucre furent augmentées, la loi sur l’imposition de l’alcool fut révisée en faveur des producteurs ; en 1897, l’importation et la production de la margarine furent réglementées et en 1900, l’importation de viande fut encadrée par une nouvelle loi sanitaire [23]. Mais ce fut seulement en 1902 que de nouveaux tarifs furent votés par le Reichstag. Ils entrèrent en vigueur en 1906, accompagnés de nouveaux traités de commerce qui remplaçaient le système de Caprivi.
21 Les débats et les mesures prises en Allemagne et en France, des années 1890 jusqu’à 1903, soulignent l’ampleur du protectionnisme au niveau international. Les organisations agricoles allemandes combattirent la politique commerciale de Caprivi en se référant au tarif de Méline. Les primes à l’exportation de 1896 en faveur du sucre allemand conduisirent la France à réagir par des primes identiques l’année suivante. La révision des tarifs douaniers, votée en décembre 1902 par le Reichstag, fut utilisée comme prétexte par les protectionnistes français qui obtinrent l’augmentation des droits en 1903 et qui voulurent « préparer le terrain à une révision douanière » générale [24].
Le ralentissement de la spirale protectionniste (1906-1914)
22Entre 1906 et 1914, les nouveaux traités de commerce allemands formèrent aussi le cadre de la politique agricole. Dans cette troisième phase, on constate un ralentissement de la spirale protectionniste aussi bien en Allemagne qu’en France. La révision douanière de 1910 en France frappa seulement les tarifs des produits industriels [25]. Cela s’explique probablement par la hausse mondiale des prix agricoles et une meilleure conjoncture.
Le résultat : un mécanisme bien rodé
23En 1913, les niveaux des tarifs douaniers sur les produits agricoles atteignaient en Allemagne 27 à 29 % et en France 27 à 31 %, en prenant pour base de calcul les prix du pays européen le plus exportateur pour chaque produit [26]. Ce niveau peut être considéré comme modéré en comparaison des tarifs de la fin des années 1920. Mais, le mécanisme qui caractérise le protectionnisme était déjà développé au moyen des tarifs douaniers, augmentés de plus en plus souvent, et de la réglementation complète du marché agricole à l’intérieur comme à l’extérieur. L’argument, dont se servit Jules Méline pour défendre l’introduction des droits de douane en 1891, illustre bien l’ampleur de la protection :
Cette politique donna naissance à des subventions à l’exportation des denrées agricoles protégées pour soulager le marché intérieur. Surtout en ce qui concerne le sucre, l’Allemagne et la France n’ont cessé de renchérir l’une sur l’autre pour ne pas perdre les débouchés anglais. Ainsi on peut voir dans cette politique agricole une sorte de préhistoire de la pac (Politique agricole commune, mais sans le c) avec son mécanisme compliqué, son règlement et sa problématique : la surproduction à l’intérieur, les subventions à l’exportation et la suppression de la concurrence étrangère.« On découvre que plus de 21 milliards de produits agricoles vont être désormais protégés […], il n’en est pas moins vrai de dire qu’après le vote de nos tarifs, il ne restera pas une seule exploitation agricole en France qui n’ait sa part de protection » [27].
Les protagonistes : les syndicats agricoles
24En Allemagne, autant qu’en France, l’État joua un rôle central. Il était plus facile pour l’État d’augmenter les droits que de réformer fondamentalement les structures de la production. Cependant, les organisations agricoles, au moins à partir de la moitié des années 1880, furent la force motrice du protectionnisme. Sur ce plan, on découvre, encore une fois, des parallèles étonnants entre la France et l’Allemagne.
La Société des agriculteurs de France
25 En France, l’idée protectionniste fut d’abord défendue presque exclusivement par la Société des agriculteurs de France (saf). Au cours des années 1880, les républicains modérés et la Société nationale d’encouragement à l’agriculture (snea) fondée par Gambetta, se montrèrent de plus en plus favorables à ce modèle pour ne pas s’aliéner l’électorat paysan [28]. La tactique de la saf fut ressentie comme une provocation par les organisations agricoles républicaines, surtout après avoir procédé à de multiples changements au sein de sa structure [29]. Elle perdit son caractère exclusif et aristocratique en facilitant le processus de la cooptation et en encourageant la fondation des syndicats agricoles coopératifs, autorisés en 1884. Elle devint alors une organisation de masse. Lors des élections de 1889, la saf montra un nouveau visage : elle fit alliance avec les milieux industriels et mena une campagne électorale avec un budget considérable et un bureau de propagande bien organisé, afin de convaincre les candidats d’adopter un programme protectionniste et former à la chambre un groupe agricole pour voter le nouveau tarif.
L’équivalent allemand : le Bund der Landwirte
26 L’organisation française s’apparente fortement à celle des Allemands : le Bund der Landwirte (BdL). Pendant les années 1880, les organisations agricoles allemandes étaient, à la différence des françaises, encore très faibles. Soutenues par Bismarck, elles n’eurent pas à lutter pour obtenir satisfaction. Ce ne fut le cas qu’après sa chute et l’instauration du gouvernement de Caprivi en 1890. Une vague populiste rurale se déchaîna alors, dirigée contre les nouveaux traités de commerce. Le BdL fut fondé dans ce contexte en 1893 et mobilisa les paysans contre la politique du chancelier Caprivi [30]. Le BdL ne fut pas seul à lutter contre les nouveaux traités, les organisations catholiques liées au Zentrum, le parti catholique conservateur, poursuivirent le même but. Très nombreuses, bien implantées dans les provinces prussiennes de l’Ouest (en Westphalie et en Rhénanie) et plus tard aussi en Bavière, elles manquèrent d’unité et d’une organisation centrale. En revanche, le BdL eut dès le début une organisation centralisée. Dirigé par les grands propriétaires fonciers (1 % des membres) et implanté à l’Est de l’Allemagne, il sut mobiliser et organiser la paysannerie. Entre 1894 et 1913, le nombre de ses membres passa de 200 000 à 330 000, dont 85 % étaient de petits paysans, 12 % des paysans moyens et 2 % des artisans [31]. Mais l’essentiel n’est pas le nombre des adhérents, les organisations catholiques en ayant à peu près autant, mais plutôt l’organisation même [32].
27Quatre points distinguaient le BdL des autres organisations agricoles allemandes de cette époque :
- de vastes campagnes de recrutement, employant des orateurs, imprimant des brochures en grand nombre, procurant des avantages matériels aux coopératives adhérentes ;
- les pressions exercées sur les candidats lors de la campagne électorale ;
- la formation au parlement d’un groupe agricole réunissant des députés de tendances diverses (Wirtschaftliche Vereinigung) ;
- la mise sur pied d’une administration de salariés dévoués au BdL.
28Plusieurs éléments montrent que la SAF fut le modèle sur lequel s’organisa le Bund der Landwirte. Un de ses fondateurs et conseillers, le grand propriétaire foncier et politicien conservateur, Karl von Riepenhausen-Crangen, collabora avec la SAF et se familiarisa avec ses méthodes :
« Je voyage chaque année une ou deux fois en France pour y observer les conditions agricoles, j’ai participé aux séances de la Société des agriculteurs de France, et j’ai l’impression qu’on aimerait coopérer avec nous » [33].
30En outre, les représentants des intérêts agricoles se rencontrèrent régulièrement lors des congrès internationaux d’agriculture, fondés par Méline en 1889. Enfin, il y eut de nombreuses mentions de la politique agricole française dans les publications du BdL qui suivaient attentivement les succès de la SAF. Les parallèles entre les procédés de la SAF et du BdL sont si nombreux que l’économiste Georg Gothein, en commentant la révision douanière française, cite les élections de 1889 et le rôle joué par la SAF, « tout comme plus tard notre BdL » [34].
Différences socio-économiques et conséquences politiques
Réglementation de la bourse et du commerce des céréales
31Entre les deux pays, il y a cependant des différences importantes qui portent sur les mesures protectionnistes et l’intervention de l’État. En Allemagne, on réglementa le commerce pour freiner les transactions sur les céréales, jugées spéculatives. Cédant à la pression des agrariens, le Reichstag vota en 1896 une loi sur la bourse qui limitait les opérations à terme et interdisait toute opération sur les céréales [35]. Malgré plusieurs tentatives en 1893, 1896 et 1898, une réglementation de la bourse échoua en France, les mesures allemandes étant qualifiées de trop « draconiennes » [36].
32 Un autre exemple signale les limites de l’influence des grands agrariens en France, à la différence de l’Allemagne. À partir de 1894, l’exportation du seigle fut facilitée pour les provinces prussiennes situées à l’est. En vue de limiter la surproduction et de stabiliser les prix, une loi fut promulguée. Elle abolissait la nécessité de prouver l’origine du seigle exporté, mélangé souvent mais pas toujours à du seigle importé (surtout pour en affiner la farine). Il était alors possible d’obtenir à l’exportation une compensation des droits de douane sous forme de « bons d’importation ». La quasi-totalité des exportations du seigle fut, à partir de ce moment, subventionnée. Ce système fut encore modifié en 1902 avec le grand tarif des douanes qui entra en vigueur en 1906. Grâce à cette réforme, les bons d’importations gagnèrent en efficacité. Ils contribuèrent à stabiliser le prix du seigle dans l’est de l’Allemagne tout en facilitant l’exportation pour concurrencer le seigle russe à meilleur marché. Sans ces bons, la surproduction de seigle dans les régions de l’Est aurait contrecarré les droits de douane et aurait mené à une baisse des prix [37]. Après 1906, ce système pesa lourd sur les finances du Reich et les critiques eurent raison de dire qu’il favorisait les grands propriétaires aux dépens des consommateurs.
33À la fin des années 1890, un débat semblable se développa au sein des agrariens français. Ils réclamèrent l’abolition du système des admissions temporaires, qui permettait aux seuls meuniers d’importer des blés étrangers sans acquitter de droits de douane à condition de les convertir en farine dans des proportions fixées et à exporter cette farine dans un délai imparti [38]. Le procédé employé fut cependant accusé de favoriser les commerçants et non les producteurs de blé. C’est pourquoi, en 1900, un groupe de députés déposa un projet de loi visant à introduire les bons d’importation selon le modèle allemand.
« Le bon d’importation a été créé en Allemagne en 1894 et il a donné des résultats absolument merveilleux […]. C’est à cela que nous voulons arriver »,
35comme le déclare Théodore François Rose, membre de l’Union républicaine et député du Pas-de-Calais [39].
36 Dès le début, ce projet fut contesté même parmi les organisations agricoles. On douta de la capacité des bons d’importation à faciliter l’exportation et donc à stabiliser le prix du blé. Méline, l’autorité absolue en matière agricole, s’y opposa parce qu’il redoutait que de grandes dépenses grèvent le budget de l’État [40]. Malgré ses objections, la chambre vota le projet de loi, ce qui montre bien l’influence du groupe de défense des intérêts agricoles. Mais le projet échoua lorsque le ministre de l’Agriculture, Jean Dupuy, réussit à convaincre le Sénat de le rejeter le 7 mars 1901 [41].
37Les débats portant sur la réforme de la bourse et l’introduction de bons d’importations et les décisions prises finalement, prouvent que l’influence des grands propriétaires fonciers fut plus restreinte en France qu’en Allemagne, où ils pouvaient compter sur l’appui des élites politiques, surtout prussiennes.
Les effets économiques du protectionnisme
Le prix du blé
38Dès le début des années 1870, le prix du blé baissa en Europe, conséquence de la dépression et de la forte déflation que connaissent les années 1873 à 1896. À partir de 1896, les prix se stabilisent et vers 1906 augmentent légèrement de nouveau (tableau 6).
Prix du blé en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne (de 1871-1875 à 1906-1910)
Prix du blé en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne (de 1871-1875 à 1906-1910)
39C’est en Grande-Bretagne que la baisse du prix fut la plus importante. En France et en Allemagne, elle fut évitée grâce aux tarifs douaniers. L’augmentation des prix après 1906 fut plus marquée en Allemagne, conséquence des nouveaux tarifs de 5,50 marks entrés en vigueur en mars 1906. Pendant toute la période, le niveau du prix du blé en chiffre absolu fut, en France comme en Allemagne, plus élevé qu’en Angleterre. Jusqu’en 1906 il le fut davantage en France, après ce fut au tour de l’Allemagne [42].
40Si l’on regarde la différence entre les prix du blé Paris/Londres d’un côté et Mannheim/Londres de l’autre, pour la période 1894-1906, on s’aperçoit néanmoins que les droits de douane furent moins efficaces en France qu’en Allemagne. Pendant cette période le tarif en vigueur en France fut de 7 francs (5,60 marks) et en Allemagne de 3,50 marks (et ce grâce aux traités de commerce de Caprivi) et de 5,50 marks à partir de 1906. Cependant, le décalage des prix français par rapport aux prix de Londres ne refléta guère ce haut niveau de protection. L’efficacité des droits allemands pour le blé, par contre, s’affirma pendant toute la période, encore plus à partir de 1907 sous le nouveau tarif élevé et la réforme du système des bons d’importation (tableau 7).
Comparaison du prix du blé Paris/Londres et Mannheim/Londres, 1894-1910 (mark/100 kg)
Comparaison du prix du blé Paris/Londres et Mannheim/Londres, 1894-1910 (mark/100 kg)
41Pourquoi les tarifs douaniers sur le blé furent-ils d’une plus grande efficacité en Allemagne qu’en France ? Considérons d’abord que la France pouvait vivre de manière quasi autonome et limiter les grandes importations lors des années de mauvaises récoltes comme en 1891/1892, 1897/1898 et 1910/1911. En outre, elle pouvait importer du blé des colonies d’Afrique du Nord. En Allemagne, par contre, les besoins en céréales ne pouvaient être couverts. Le taux annuel moyen de croissance de la population fut, entre 1860 et 1910, de 1,17 % en Allemagne et de seulement 0,16 % en France (pour toute l’Europe 0,92 %) [43]. En Allemagne, le déficit en céréales atteignait à la veille de la Première Guerre mondiale 10 % des besoins, soit 1,5 million de tonnes (blé et seigle) [44].
Le coût pour les consommateurs
42 Les droits de douane ayant été plus efficaces en Allemagne qu’en France, du moins en ce qui concerne le blé, le coût en fut plus lourd pour les consommateurs allemands. On l’a estimé à 500 millions de marks par an seulement pour les céréales jusqu’en 1906 et à 1 milliard de marks après l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs [45]. Selon des estimations contemporaines, le surplus à payer pour les consommateurs français, à travers les droits de douane pour le blé et la viande, s’éleva à 600 millions de francs (soit 480 millions de marks) par an à partir de 1903 [46]. Si l’on calcule sur cette base le coût par habitant, on s’aperçoit qu’il fut beaucoup plus lourd en Allemagne qu’en France : 14,70 marks en Allemagne seulement pour les céréales, 12 marks en France pour les céréales et la viande [47].
La productivité agricole et le prix des terres
43Le protectionnisme fut-il à l’origine d’une lente augmentation de la productivité agricole en Allemagne, où les agriculteurs furent avantagés aux dépens des consommateurs ? Si l’on compare les indices de la productivité agricole en Europe, on observe que ce ne fut point le cas (tableau 8).
Indices de la productivité agricole (1860, 1880 et 1910)
Indices de la productivité agricole (1860, 1880 et 1910)
44En Allemagne, l’augmentation de la productivité agricole fut énorme et la France appartient, elle aussi, au groupe des pays qui ont la plus forte productivité, la France et l’Allemagne étant les seuls pays protectionnistes au sein de ce groupe. On peut en conclure, que le protectionnisme n’a pas entravé l’augmentation de la productivité agricole. Mais d’où vient ce décalage entre la France et l’Allemagne ? S’agit-il d’une question de mentalité des classes rurales ? Certainement pas. Cette différence est plutôt due aux taux de croissance de la population qui diffèrent complètement.
45Le fort accroissement de la population en Allemagne ne renforçait pas seulement l’efficacité des tarifs douaniers, la demande alimentaire croissante stimulait également la productivité agricole, qui s’avéra, le Danemark mis à part, la plus forte d’Europe. La France au contraire, qui jusqu’en 1860 avait la même productivité que l’Allemagne, ne pouvait plus suivre.
46Ces évolutions différentes se manifestèrent également sur les prix de la terre. Il perdit en France 15,3 % de sa valeur réelle entre 1877 et 1912, mais gagna 8 % en Allemagne, grâce à la protection. On observe la même tendance dans l’évolution des superficies en céréales, qui augmentèrent en Allemagne de 6,3 % entre 1871 et 1911, et diminuèrent en France de 4,9 % (en Grande-Bretagne de 24,9 %) [48]. Ceci prouve que les effets économiques du protectionnisme varient selon le contexte démographique [49].
Les conséquences politiques
47 Il ne suffit pas d’opposer simplement la politique libre-échangiste britannique au protectionnisme pratiqué par la plupart des pays du continent européen. Il faut discerner au moins deux types de protectionnisme agricole.
48Celui pratiqué par l’Allemagne représente un type qu’on pourrait qualifier d’« agressif ». « Agressif » parce qu’il s’agit de défendre, dans une société en pleine industrialisation, les intérêts politiques et économiques des grands propriétaires aux dépens des consommateurs et des ouvriers. Sans droits de douane, la hausse des salaires en valeur réelle aurait été plus forte.
49En France, en revanche, le protectionnisme, appliqué dans le cadre d’une économie semi-industrielle et semi-agricole, fut « défensif ». La lenteur de la transformation industrielle et la stagnation démographique, comparée à l’Allemagne, donnèrent au protectionnisme le caractère d’une politique anti-conjoncturelle, comme le prôna Méline à plusieurs reprises. Il y vit le moyen le plus efficace pour maintenir le revenu des agriculteurs et leur pouvoir d’achat. Lors du vote du grand tarif de 1892, se rappelant le début de la crise agricole entre 1880 et 1884, il attira l’attention sur les dangers qui pesaient sur l’industrie :
« La valeur des terres diminuait tous les jours […]. Mais le mal n’est pas resté dans les campagnes, car il n’y reste jamais longtemps ; il a gagné les villes ; les agriculteurs, ayant perdu leur puissance de consommation, n’achetaient plus rien ; les industriels gardaient leurs produits » [50].
51 Des recherches économiques récentes prouvent que cet argument n’était pas sans valeur. Sans l’application des droits de douane, les salaires français auraient diminué de 3,5 à 4,5 % [51]. On peut y voir certainement la conséquence d’un coût relativement modeste pour les consommateurs, les droits de douane n’ayant pas joué le rôle escompté.
52Ainsi les républicains modérés ont pu concilier les intérêts des consommateurs et des producteurs agricoles et c’est grâce à cela que la République a fini par être acceptée du monde rural. Au contraire en Allemagne, le développement économique et les conséquences du protectionnisme menèrent à une opposition de plus en plus marquée entre le milieu rural et le milieu urbain. Cette opposition fut renforcée par les mesures prises expressément en faveur des grands domaines de l’Est, alors qu’en France, on refusa une semblable intervention (bons d’importation, législation sur la bourse).
53L’économie globale permit en France, non seulement aux républicains modérés, mais également aux socialistes, de se rapprocher des milieux ruraux. Ce fut surtout Jean Jaurès qui plaida la cause de la petite propriété foncière, alors que les sociaux-démocrates allemands s’y refusèrent. Ils hésitèrent, à cause de l’influence marxiste, mais aussi en raison de clivages sociaux insurmontables. Ils ne purent soutenir le protectionnisme à cause de ses effets économiques, ni s’attirer le soutien des campagnes traditionnellement conservatrices.
54 En France, Méline et Jules Ferry firent comme Gambetta, pour qui le sort de la République dépendait du vote des campagnes. Plus qu’en Allemagne, on s’appuya sur la légitimation démocratique : « Ne parlez pas de gros propriétaires et de grands industriels », écrivit Ferry à l’historien Marcellin Pellet en 1892, « le mouvement protectionniste actuel a ses racines dans la démocratie qui cultive la vigne, le blé. C’est pour cela qu’il a réussi » [52]. Méline donne l’exemple de l’appui démocratique lorsqu’il se vante en 1891 de n’avoir oublié aucune exploitation : « il ne restera pas une seule exploitation agricole en France qui n’ait sa part de protection » [53].
Deux pays : deux usages politiques du protectionnisme
55Retournons à la question du départ : deux nations, deux politiques agricoles ? Nous n’avons pas abordé ici la politique structurelle, par exemple à travers le crédit agricole en France ou les chambres d’agriculture en Allemagne. Nous nous sommes bornés au protectionnisme, car il fut le principal facteur de l’amélioration de la situation agricole.
56 Le protectionnisme fut la réponse de presque tous les pays européens à l’internationalisation des marchés. Les mesures prises dans les deux pays offrent un parallélisme frappant aussi bien au niveau des organisations agricoles que des gouvernements qui cherchèrent à lier agriculture et système politique. À la différence de la France, le protectionnisme agricole en Allemagne fut « agressif » et conduisit à une polarisation économique et politique de la société, le développement de l’industrialisation était plus avancé. En France, le protectionnisme fut plutôt « défensif » conservant les structures sociales et économiques existantes. Le protectionnisme fut particulièrement poussé dans les deux pays jusqu’à la Première Guerre mondiale, en France peut-être davantage qu’en Allemagne à cause de son assise démocratique. Toujours en vigueur pendant l’Entre-deux-guerres, il fut à l’origine de la fondation de la Communauté économique européenne et y a survécu longtemps dans le cadre de la PAC : la protection du marché européen et la réglementation du marché intérieur européen à travers un système de prix garantis et d’intervention [54].
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Mots-clés éditeurs : organisations agricoles, tarifs douaniers, histoire agraire comparée
Notes
-
[*]
Europa-Universität Viadrina, Wirtschafts- und Sozialgeschichte der Neuzeit, Frankfurt (Oder). Adresse : Bremer Strasse 28, 15234 Frankfurt (Oder), Allemagne. Courriel : <alden@ euv-frankfurt-o. de.>
-
[1]
Tracy, 1986, 1988.
-
[2]
Bairoch, 1970, 1988, 1989, 1993, 1995.
-
[3]
Chevet et Saint-Amour, 1991.
-
[4]
Dormois, 1996, p. 360. Voir aussi : Dormois, 1997, surtout p. 284-289.
-
[5]
Barral, 1988 et 1998.
-
[6]
Aldenhoff-Hübinger, 2000 et 2002. Broder, 1997, préfère lui aussi une comparaison France/Allemagne.
-
[7]
Voir Jas, 2001.
-
[8]
Pour l’historiographie agraire voir : Béaur et Schlumbohm, 2003 ; Vivier, 2004.
-
[9]
O’Rourke, 1997 ; O’Rourke et Williamson, 1999. Maintenant : Torp, 2004.
-
[10]
Barral, 1988, p. 54.
-
[11]
Fisch, 2002, p. 276.
-
[12]
Lebovics, 1988, p. 16, 17.
-
[13]
Gratton, 1971, p. 28 (France) ; Wirminghaus, 1910, p. 142 (Allemagne).
-
[14]
Conrad, 1909, p. 642 (France) ; Wirminghaus, 1910, p. 142 (Allemagne). La statistique agricole allemande offre une catégorie de 10 à 50 ha, alors que la statistique agricole française s’arrête à 40 ha.
-
[15]
C’est la thèse principale de Hess, 1990.
-
[16]
Dans l’article 11 du traité, l’Allemagne et la France prennent « pour base de leurs relations commerciales le régime du traitement réciproque sur le pied de la nation la plus favorisée ». Cité par Poidevin, 1969, p. 87. Pour une discussion approfondie des conséquences sur le commerce français : ibid., p. 87-92.
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[17]
Quand le tarif douanier est très bas, il ne remplit pas son office protecteur, mais alimente les caisses de l’État. Cet aspect fiscal en Allemagne et en France est analysé par Meadwell, 2002.
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[18]
Webb, 1982, p. 314.
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[19]
Calculé sur le prix de 20 f les 100 kg, payé à Liverpool entre 1887 et 1890.
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[20]
Pour une vue des tarifs divers et des propositions des organisations agricoles, du gouvernement et de la commission tarifaire, voir : Golob, 1968, p. 174a.
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[21]
Pour la liste détaillée voir : Arnauné, 1911, p. 338-339 ; Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 160-167.
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[22]
Voir l’analyse plus approfondie dans Aldenhoff, 1995.
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[23]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 156.
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[24]
Poidevin, 1969, p. 369.
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[25]
Poidevin, 1971.
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[26]
Liepmann, 1980, p. 383, 385.
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[27]
Méline, 1891, p. 6.
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[28]
Pour une étude approfondie : Chun, 2003.
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[29]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 89-101.
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[30]
Puhle, 1975 ; Ullmann, 1988, p. 85-94.
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[31]
Ullmann, 1988, p. 89-90.
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[32]
En 1901 les organisations agricoles catholiques comptaient 200 000 membres, en 1907 330 000 : ibid., p. 87.
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[33]
Voir son discours du 31 janvier 1895 à la chambre prussienne des députés. Stenographische Berichte über die Verhandlungen. Haus der Abgeordneten, 18. Legislaturperiode, ii, Session 1895, p. 223.
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[34]
Gothein, Georg, « Das Schutzzollinteresse der französischen Landwirtschaft », Frankfurter Zeitung, n° 70, 12 mars 1910, p. 1-2, cité d’après : Bundesarchiv, Berlin, Reichslandbund-Pressearchiv, n° 3659, p. 73.
-
[35]
Borchardt et Meyer-Stoll, 1999-2000, surtout p. 56-59, 69-74, 79-80.
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[36]
Voir la réaction du ministre de l’Agriculture, Jean Dupuy, au Sénat : « Ces dispositions allemandes sont si draconiennes que je ne me prononce pas sur leur principe ». J. O. Sénat, séance du 7 mars 1901, p. 481. Pour le contexte : Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 195-196.
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[37]
Webb, 1982, p. 314.
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[38]
La Meunerie française, mars 1897 et mai 1912 (ndlr).
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[39]
J. O. Chambre des députés, séance du 9 juin 1900, p. 1400. Rose favorisa aussi la réforme de la bourse, inspirée du modèle allemand, pour limiter l’influence du commerce du blé.
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[40]
Ibid., séance du 7 juillet 1900, p. 1862-1867, surtout p. 1863.
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[41]
Ibid., Sénat, séance du 7 mars 1901, p. 479-485 (tout le discours), surtout : p. 479, 481, 484-485.
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[42]
Aldenhoff-Hübinger, 2002, p. 226.
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[43]
Fisch, 2002, p. 61, p. 237.
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[44]
On importa 2 millions de tonnes de blé et exporta 0,5 million de tonnes de seigle grâce aux bons d’importation : Achilles, 1993, p. 362.
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[45]
Webb, 1982, p. 324 ; Wehler, 1995, p. 653.
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[46]
Paturel, 1911, p. 396-397.
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[47]
En 1914, l’Allemagne compte 67,8 millions d’habitants et la France 39,8 millions : Fisch, 2002, p. 61, p. 88.
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[48]
O’Rourke, 1997, p. 786-787. En Grande-Bretagne, sans aucune protection, la terre perdit 41,8 % de sa valeur.
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[49]
L’argument soutenu par Dormois, 1997, p. 287, selon lequel « le déterminisme démographique n’apporte rien », me paraît peu convaincant. Par contre Broder, 1997, p. 37-43, souligne l’importance du facteur démographique.
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[50]
J. O. Chambre des députés, séance du 12 mai 1891, p. 868. Voir aussi Méline, 1891, p. 6-7, qui souligna l’interdépendance des secteurs industriel et agricole.
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[51]
O’Rourke, 1997, p. 792. Selon Vidal, 2000, p. 117-118, p. 173-74, par contre, l’effet macroéconomique aurait été négatif.
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[52]
Ferry, 1914, p. 547-548. Voir aussi Gaillard, 1989, p. 656-658 ; Mayaud, 1999, p. 110.
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[53]
Méline, 1891, p. 6.
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[54]
Les débuts de la PAC de 1950 à 1957 ont fait l’objet d’une étude de Thiemeyer, 1999.