Couverture de HES_151

Article de revue

Introduction. De l’histoire économique à l’histoire culturelle : pour une approche plurielle du crédit dans la France du XIXe siècle

Pages 5 à 12

Notes

  • [1]
    Je remercie Laurent Bihl pour sa relecture critique et ses suggestions.
  • [2]
    Il poursuit par un jugement moralisateur : « et vivre du crédit, c’est presque toujours en abuser », Revue des Deux Mondes, période initiale, t. 21, 1848, p. 1094. En réalité, l’auteur de la chronique est le fondateur de la revue, François Buloz, mais Victor de Mars, secrétaire de rédaction puis directeur-gérant, signe officiellement les articles.
  • [3]
    À tous les niveaux judiciaires se rencontrent des affaires de créances impayées et des litiges portant sur les dettes. Voir Jean-Claude Farcy, Guide des archives judiciaires et pénitentiaires, 1800-1958, Paris, CNRS Éditions, 1992, disponible sur le site https://criminocorpus.org.
  • [4]
    Sur l’activité financière des notaires, voir Philip T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal, Des marchés sans prix. Une économie politique du crédit à Paris, 1660-1870, Paris, Éditions de l’EHESS, 2001, G. Postel-Vinay, La Terre et l’argent : L’Agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
  • [5]
    Les dettes contractées constituent une forte contrainte dans la vie de Martin Nadaud. Lorsque la somme conséquente de 10 000 francs est atteinte, il va avec son père emprunter 400 francs. Découverte de l’usure : le prêteur retient d’emblée la somme de 40 francs pour un prêt de quatre mois. Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, Duboueix, 1895. Voir aussi Alain Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, t. 1 [1975], Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1998, p. 163-173.
  • [6]
    Alphonse Esquiros, « Le Mont-de-Piété », Revue de Paris, année 1843, t. 18, p. 98-102 ; Yannick Marec, Le Clou rouennais : Du Mont-de-piété au Crédit municipal, contribution à l’histoire de la pauvreté en province, Rouen, Éditions du P’tit Normand, 1983.
  • [7]
    Bernadette Angleraud, Les Boulangers lyonnais aux XIXe et XXe siècles, Paris, Éditions Christian, 1998.
  • [8]
    À Belleville, entre 1869 et 1910, les litiges portés devant la justice de paix à propos de la fourniture d’aliments et de marchandises passent de 17 à 23 % du total des dossiers. En 1910, si l’on ajoute les traites non remboursées, ce sont 30 % des activités de cette justice de proximité qui concernent les dettes, sans même compter les affaires liées paiement des loyers (le tiers du total). Voir Gérard Jacquemet, « Belleville ouvrier à la Belle Époque », Le Mouvement social, n° 118, janvier-mars 1982, p. 67.
  • [9]
    Henri Leyret, En plein faubourg : notations d’un mastroquet sur les mœurs ouvrières, 1895, préfacé par Alain Faure, Paris, Nuits rouges, 2000.
  • [10]
    Michel Lescure, « Pour une histoire sociale du crédit. L’exemple du logement en Europe au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 23, 2001, p. 165.
  • [11]
    La bibliographie canonique étant bien connue, nous nous permettons de ne pas la détailler.
  • [12]
    Témoin de cet intérêt transdisciplinaire, les dossiers thématiques de revues scientifiques non économiques : « Vivre et faire vivre à crédit : agents économiques ordinaires et institutions financières dans les situations d’endettement », Sociétés contemporaines, n° 76, 2009/4 ; « Consommer à crédit en Europe au XXe siècle », Entreprises et histoire, n° 59, 2010/2 ; « Le crédit », Romantisme, 2011/1 ; « Crédit à la consommation, une histoire qui dure », Revue française de socio-économie, n° 9, 2012/1 ; « Histoire du crédit (XVIIIe-XXe siècles), Annales. Histoire, sciences sociales, 2012/4 ; enfin, « Lien de crédit, lien de confiance », séminaire de l’École doctorale coordonné par Anaïs Albert et Maud Ternon, Hypothèses, 2013/1.
  • [13]
    Laurence Fontaine, L’Économie morale : pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.
  • [14]
    Id., « Relations de crédit et surendettement en France : XVIIe-XVIIIe siècles », Laurence Fontaine, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal et Paul Servais (dir.), Des personnes aux institutions. Réseaux et culture du crédit du XVIe au XXe siècle en Europe, Louvain, Bruylant Academia, 1997, p. 216. Alain Corbin fait la même constatation dans le Limousin du XIXe siècle : « le débiteur se trouve dans un curieux état de sujétion vis-à-vis de son créancier » qui ne manque pas de lui rendre visite à l’heure du repas avec sa famille et consomme ses provisions. Cf. Alain Corbin, op. cit., p. 167.
  • [15]
    Laurence Fontaine, « Espaces, usages et dynamiques de la dette dans les hautes vallées dauphinoises (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales. Histoire, sciences sociales, 49-6, 1994, p. 1375-1391.
  • [16]
    Gilles Laferte, « Théoriser le crédit de face-à-face : un système d’information dans une économie de l’obligation », Entreprises et histoire, 2010/2, n° 59, p. 57-67.
  • [17]
    Claire Zalc et Claire Lemercier, « Pour une nouvelle approche de la relation de crédit en histoire contemporaine », Annales. Histoire et Sciences sociales, 2012/4, p. 979-1009, ici p. 982.
  • [18]
    Ibid., p. 1002.
  • [19]
    Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe. Une histoire sociale et culturelle du cycle de vie des objets dans les classes populaires parisiennes (des années 1880 aux années 1920), thèse soutenue à l’Université Paris 1, 2014, t. 1, p. 332, Id., « Le crédit à la consommation des classes populaires à la Belle Époque », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 4/2012, p. 1049-1082.
  • [20]
    Claire Zalc et Claire Lemercier, op. cit., p. 1009.
  • [21]
    Signalons la thèse de Patrice Baubeau, Les « cathédrales de papier » ou la foi dans le crédit. Naissance et subversion du système de l’escompte en France. Fin XVIIIe-premier XXe siècle, Université Paris X-Nanterre, 2004. La thèse de Viera Rebolledo-Dhuin, La librairie et le crédit. Réseaux et métiers du livre à Paris (1830-1870), soutenue à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en 2011, s’intéresse aux réseaux de financement et au crédit des libraires.
  • [22]
    En particulier Lendol Calder, Financing the American Dream, A Cultural History of Consumer Credit, Princeton, Princeton University Press, 1999.
  • [23]
    Certains juristes, ayant affaire au surendettement devant les tribunaux, se sont très tôt intéressés à la question. Ainsi Luc Bihl, « Le surendettement : apparition d’un fléau social », Michel Gardaz (dir.), Le Surendettement des particuliers, Paris, Anthropos, 1997, p. 1-7 ; id., Histoire du mouvement consommateur, Paris, Aubier Montaigne, 1984.
  • [24]
    Outre le numéro d’Entreprises et histoire déjà cité, Sabine Effosse, Le Crédit à la consommation en France, 1947-1965. De la stigmatisation à la réglementation, Paris, IGPDE, 2014, et Alain Chatriot, « Protéger le consommateur contre lui-même », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 91, 2006/3, p. 95-109.
  • [25]
    Nous renvoyons ici à la thèse récemment soutenue d’Anaïs Albert, déjà citée, en particulier les chapitres 4 et 6 du tome 1. Voir aussi son article, « Le crédit à la consommation des classes populaires à la Belle Époque », op. cit.
  • [26]
    Jean Andréau, Gérard Béaur et Jean-Yves Grenier, La Dette publique dans l’histoire, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006.
  • [27]
    « Dette, démocratie, citoyenneté. Histoire politique des dettes publiques », 24 juin 2013, Sciences Po. Outre-Manche, c’est la précocité de la naissance du crédit public et la « révolution financière » anglaise qui suscitent la réflexion. Voir Carl Wennerlind, Casualties of Credit : The English Financial Revolution, 1620-1720, Cambridge MA, Harvard University Press, 2011.
  • [28]
    Outre le numéro spécial de Romantisme, Alexandre Péraud, Le Crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier, 2012 ; Jean-Michel Rey, Le Temps du crédit, Paris, Desclée De Brouwer, 2002 ; id., Histoires d’escrocs : t. 1 : La vengeance par le crédit ou Monte-Cristo, Paris, Édition de l’Olivier, 2014. Plus généralement, Alexandre Péraud (dir.), La comédie (in) humaine de l’argent, Paris, Le Bord de l’eau, 2013 ; Francesco Spandri (dir.), La littérature au prisme de l’économie. Argent et roman en France au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Christophe Reffait, La Bourse dans le roman du second XIXe siècle, Discours romanesque et imaginaire social de la spéculation, Paris, Honoré Champion, 2007 ; François Vatin et Nicole Edelman (dir.), Économie et littérature en France (1815-1848), Paris, Le Manuscrit, 2007.
  • [29]
    Anaïs Albert et Mathilde Rossigneux-Méheust, « Une question économique dominée par des enjeux moraux », Histoire, économie et société, 2013/3, p. 3-12.
  • [30]
    Jean Bouvier, « Pour une analyse sociale de la monnaie et du crédit : XIXe-XXe siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 24, n° 4, 1974, p. 813-826.
  • [31]
    Idem, p. 824.
  • [32]
    Depuis les années 1980, la notion de « représentations sociales », bien définie par les psychologues sociaux, associée à celle d’« imaginaire social », initialement formulée par Cornelius Castoriadis, est très utilisée par les historiens qui la préfèrent aux « mentalités ».
  • [33]
    Si les deux premiers termes ont leur équivalent français, « neuroéconomie » et « économie comportementale », le dernier ne renvoie pas à l’économie de la culture ou économie culturelle qui désigne en français l’économie du secteur culturel. Pour une première approche, Esther-Mirjam Sent, « Behavioral Economics : How Psychology Made its (Limited) Way Back Into Economics », History of Political Economy, 36/4, 2004, p. 735- 760 ; Christian Schmidt, « What neuroeconomics does really mean ? », Revue d’économie politique, 2008/1, vol. 118, p. 7-34 ; Jean Tirole, « Rationalité, psychologie et économie », Revue Française d’Économie, 2013/2, vol. XXVIII, p. 9-33 ; Luigi Guiso, Paola Sapienza, Luigi Zingales, « Does Culture Affect Economic outcomes ? », Journal of Economic Perspectives, 2006/2, vol. 20, p. 23-48.
  • [34]
    On songe bien entendu à l’ouvrage pionnier de Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, paru en 1904-1905.
  • [35]
    Les formulations « gagner » ou « perdre » de l’argent », d’ailleurs, ne sont pas neutres.
  • [36]
    Viviana A. Zelizer, « Monétisation et vie sociale », numéro spécial « Philosophies de l’argent », Le Portique, 2007/19, p. 2-11 ; id., The Social Meaning of Money, New York, Basic Books, 1994.
  • [37]
    Jean-Pierre Hirsch, « Retour sur l’ancien esprit du capitalisme », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 23, 2001, p. 87-104 ; id., Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.
  • [38]
    Les actes ont été publiés dans Annales des Mines – Réalités industrielles, 1/2009.
  • [39]
    David Todd, L’identité économique de la France. Libre-échange et protectionnisme (1814-1851), Paris, Grasset, 2008 ; Frank Trentmann, Free Trade Nation. Commerce, Consumption and Civil Society in Modern Britain, Oxford, Oxford University Press, 2008.
  • [40]
    Nicolas Delalande, Les Batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011.
  • [41]
    Philippe Hamon, L’Or des peintres. L’image de l’argent du XVe au XVIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; André Gueslin, Mythologies de l’argent. Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine (XIXe-XXe siècles), Paris, Economica, 2007 ; Alya Aglan, Olivier Feiertag, Yannick Marec (dir.), Les Français et l’argent : Entre fantasmes et réalités, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • [42]
    Jacques Le Goff, La Bourse et la vie. Économie et religion au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1986.
  • [43]
    Craig Muldrew, The Economy of Obligation : The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, New York, St. Martin’s Press, 1998 ; Margot C. Finn, The Character of Credit : Personal Debt in English Culture, 1740 – 1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Par ailleurs, Carl Wennerlind insiste non seulement sur les aspects financiers mais aussi sur les représentations et la « culture du crédit » ayant contribué à la révolution financière anglaise. Signalons enfin la thèse récente de l’américaine Erika Vause consacrée à la prison pour dettes en France au XIXe siècle, In the Red and in the Black : Bankruptcy, Debt Imprisonment, and the Culture of Credit in Post-Revolutionary France (University of Chicago, 2012).
  • [44]
    Les quatre articles regroupés ici sont issus d’une journée d’étude pluridisciplinaire organisée par ISOR/Centre de Recherches en histoire du XIXe siècle, le 11 février 2013, à l’Université Paris 1.
  • [45]
    Adolphe Willette, 1913.
  • [46]
    Dans sa thèse, Anaïs Albert met d’ailleurs l’accent sur les efforts déployés par Dufayel pour inverser les représentations bourgeoises sur le crédit à la consommation destiné aux milieux populaires, le présentant comme une solution à la question sociale.
  • [47]
    A. Péraud, Le Crédit, op. cit.

1 Le 14 mars 1848, Victor de Mars écrit dans la « Chronique de la quinzaine » : « Les sociétés modernes ne peuvent plus vivre sans crédit ». S’il fait précisément allusion à l’ampleur de la dette laissée par la monarchie de Juillet [2], sa remarque conforte ce qu’observe régulièrement l’historien du XIXe siècle. Dans les archives judiciaires [3] ou notariales [4], dans les autobiographies ouvrières, les dettes et le crédit sont omniprésents. On les trouve dans les campagnes, où l’usure est d’après les contemporains un véritable fléau [5], dans les villes, où le mont-de-piété, en prêtant sur gage aux plus pauvres, joue également le rôle de banquier du petit commerce [6], où les épiciers et marchands de vin tiennent l’ardoise de leurs habitués, et les boulangers se transforment parfois en petits prêteurs [7]. Les sources judiciaires en témoignent, de nombreux petits commerçants n’arrivent jamais à se faire rembourser et sont mis en difficulté [8]. En 1895, au journaliste Henri Leyret qui décide d’ouvrir un bistrot à Belleville afin d’observer incognito les « mœurs ouvrières », des âmes bien intentionnées recommandent de refuser les délais de paiement pour éviter la faillite [9].

2 Pourtant, délaissant ces pratiques populaires enregistrées dans les archives lorsqu’il y a défaillance surtout, l’histoire du crédit au XIXe siècle s’est longtemps « placée dans une stricte perspective économique [10] », récit d’une modernisation, du passage de l’« informel » et du personnel au « formel » et à l’impersonnel. Plus macro que micro-économiques, qu’elles s’inscrivent dans une histoire bancaire ou qu’elles s’interrogent sur la pratique notariale, les études se sont surtout concentrées sur l’organisation du crédit, ses principaux acteurs, sa diffusion et son rôle dans la croissance économique. En bref, une histoire économique, du point de vue des créanciers institutionnels essentiellement [11].

3 Depuis une dizaine d’années cependant, et surtout depuis 2007, le thème a fait l’objet d’une réflexion nouvelle. L’actualité économique mondiale y est pour beaucoup : microcrédit, crise financière, subprimes, dette publique et risques de banqueroute d’États européens, comment les chercheurs auraient-ils pu échapper au crédit ? Loin d’être un simple effet de mode, cet intérêt partagé par les historiens, les sociologues, les anthropologues ou les littéraires [12], s’est traduit par un renouvellement des perspectives et une diversification des points de vue. Le crédit et la dette, qui en forme le revers, sont désormais au cœur d’une interrogation non seulement économique, mais aussi sociale, culturelle et politique.

4 Du côté des historiens français, les modernistes ont initié ce renouvellement historiographique en faisant de l’endettement un observatoire privilégié des sociétés des Temps modernes. Loin d’être des espaces figés et peu monétarisés, il apparaît désormais que les campagnes ont été, dès l’époque moderne au moins, ouvertes aux flux monétaires, et que les créances y circulaient largement. Moins surprenant, le Paris du XVIIIe siècle est également traversé par les microcircuits financiers : le prêt sur gage est animé par de nombreux acteurs qui fournissent les liquidités faisant défaut et répondent au besoin de crédit permanent de la population [13].

5 L’interaction entre le créancier et son débiteur, privilégiée dans cette optique, dépasse la seule dimension financière. Laurence Fontaine a montré que le crédit « n’entre pas tant dans un marché de l’argent où l’on vendrait et achèterait du temps que dans un marché des obligations sociales et du pouvoir sur les hommes [14] ». Dans les hautes vallées alpines, grâce aux dettes paysannes qui sont loin d’être systématiquement remboursées, les créanciers contrôlent la main-d’œuvre et ont accès aux récoltes et aux alpages, leur permettant parfois d’approvisionner leurs boutiques urbaines [15]. Le prêt doit s’analyser dans la relation d’obligation qu’il génère et ne pas se réduire à ses aspects purement financiers. Dans cette relation de face-à-face qui n’est en rien une relation de confiance entre égaux, se nouent des dépendances. La créance non remboursée génère une dette qui pourra être acquittée sur un autre terrain : le travail, les terres, les produits [16].

6 Récusant l’idée que la relation d’interconnaissance soit le propre des sociétés anciennes, Claire Zalc et Claire Lemercier, qui ont animé entre 2006 et 2010 un séminaire sur la « relation de crédit », invitent à se méfier « du prisme évolutionniste [17] ». Leur article historiographique et méthodologique met l’accent sur la persistance des liens de crédit personnels, persistance qui ne serait pas une simple survivance mais l’expression d’un éventail de formes de crédit plus complémentaires que concurrentes. Par ailleurs, la situation d’endettement reste souvent personnalisée, même dans le cas de prêts bancaires que l’on pourrait qualifier de « formels [18] ». Anaïs Albert a bien analysé, s’agissant du système de vente à crédit destiné aux ouvriers pratiqué par les magasins Dufayel à la Belle Époque, le mélange entre le personnel et le formalisé, le face-à-face et la « mise à distance à la fois sociale et administrative [19] ».

7 Parallèlement à son « tournant relationnel [20] », l’histoire du crédit s’est enrichie d’investigations inédites. Longtemps délaissé au profit des aspects bancaire, immobilier, notarial et plus récemment commercial [21], le crédit à la consommation fait désormais l’objet d’une attention particulière. Si les historiens anglo-saxons ont exploré depuis longtemps ce champ, faisant même de la consommation à crédit une spécificité et un constituant de l’identité américaine depuis l’entre-deux-guerres [22], la consommation et ses voies d’accès avaient moins suscité l’intérêt des historiens français [23]. Le chantier est désormais bien ouvert, et si les Trente Glorieuses sont logiquement privilégiées [24], la Belle Époque apparaît comme la période où l’ouvrier accède à la consommation en accédant au crédit [25]. Signalons enfin de nouvelles recherches consacrées au crédit public [26], et le récent programme soutenu par Nicolas Delalande à Sciences Po, autour d’une histoire sociale, politique et intellectuelle des dettes publiques entre 1860 et 1945, avec notamment une journée d’étude organisée en juin 2013 [27].

8 Le crédit doit être appréhendé dans sa dimension économique, sociale et politique, mais aussi culturelle. On le sait, l’argent et les dettes occupent une place centrale dans le roman du XIXe siècle. En mobilisant les techniques financières et commerciales comme ressorts dramatiques, les écrivains, eux-mêmes souvent en difficulté financière, mettent en scène les représentations sociales de l’économie tout autant qu’ils contribuent à les façonner [28]. Ces représentations jouent un rôle essentiel dans la vie économique. La dénonciation morale de la consommation [29], par exemple, a entravé le développement du crédit à la consommation.

9 Les pratiques de crédit ne sont pas détachées des réalités psychologiques et culturelles, affirmait déjà l’historien spécialiste du Crédit Lyonnais Jean Bouvier.

10

La connaissance de l’état social, donc de l’état mental, n’est-elle pas un élément d’explication des pratiques monétaires et bancaires ? Pour comprendre non seulement les mécanismes, mais surtout le degré d’utilisation, le degré de pénétration dans le corps social, l’aire sociale d’extension, les appels et les refus face aux choses de monnaie et crédit, les attentes et les tabous, ne faut-il pas considérer, en même temps que tout ce qui relève de l’offre économique de monnaie, ce qui relève aussi de la demande sociale de monnaie [30] ?

11 L’environnement familial, social, professionnel, religieux, détermine un univers mental qui définit un cadre des possibles. La relation de prêt est délimitée par ce qui est psychologiquement admissible et socialement convenu, du moins lorsque le contractant agit hors la panique du dénuement ou la passion du jeu. Représentations sociales et liens de crédit entretiennent d’étroites relations. Que l’on puisse convertir la dette financière en obligation de travail, qu’elle transforme le débiteur en obligé, relève de la convention sociale. Réalités économiques et représentations sociales s’influencent réciproquement. Le « complexe socio-psychologique [31] », que nous appellerions plutôt aujourd’hui les représentations sociales [32], joue donc un rôle essentiel dans les comportements et la diffusion des pratiques économiques.

12 Ces interactions font d’ailleurs l’objet d’importantes recherches en économie. « Neuroeconomics », « behavioral economics » et « cultural economics [33] » aboutissent au constat que les spécificités psychologiques et culturelles expliquent les « déviations » observées par rapport aux décisions rationnelles de l’homme économique, cet être qui semble abstrait de toute attache sociale et historique. Homo œconomicus est d’abord un être vivant, pourvu d’une psychologie particulière, dans une société spécifique, dans un moment historique donné. Sa rationalité économique participe aussi d’une économie de groupe : il agit en fonction de valeurs et de croyances partagées, ses décisions sont influencées par le regard des autres, regard qui est le fruit d’un héritage culturel et social commun, interprété en fonction des caractéristiques psychologiques qui lui sont propres. Psychologie et valeurs socio-culturelles donnent de la chair à l’homme économique et influent sur ses attitudes [34]. Des expériences en laboratoire ont clairement montré que l’usage fait de l’argent dépend de la manière dont on l’a obtenu, rejoignant en cela les conclusions des sociologues [35]. On n’affecte pas l’argent « sale » et l’argent gagné « honnêtement » aux mêmes dépenses. L’argent n’est pas neutre, ni psychologiquement, ni socialement. Il y a l’argent du jeu, les gains imprévus, et les salaires résultant d’un travail, d’un effort [36].

13 Or, si les historiens français ont bien exploré l’imaginaire politique depuis les années 1980, ils se sont curieusement moins attachés aux liens entre représentations sociales, usages et politiques économiques. Il y a plus de dix ans, relevant la distance parfois sensible entre pratiques et discours, Jean-Pierre Hirsch leur suggérait d’ailleurs d’investir le terrain des représentations de l’économie [37]. En 2007, l’Association française des historiens économistes a ainsi consacré un colloque à « L’outillage mental des acteurs de l’économie [38] ». Cependant, pour saisir les interactions entre représentations sociales et pratiques, prendre en compte les seuls acteurs (industriels, commerçants ou banquiers) ne suffit pas, d’autant que la notion d’acteur économique se discute. Comment isoler les acteurs des spectateurs ? La ménagère qui achète son pain participe tout autant de l’économie que le boulanger qui l’a pétri ou le meunier qui a produit la farine. L’adoption du libre-échange en Angleterre et la victoire du protectionnisme en France au XIXe siècle débordent l’histoire des politiques douanières. Dans les deux pays, ce sont de véritables constructions intellectuelles et sociales qui ont donné naissance à une « culture économique » nationale [39]. Pour comprendre les décisions et les discours des milieux d’affaires, les politiques douanières, et même l’histoire de l’impôt [40], l’apport des représentations et de l’imaginaire social est indispensable : la société est dans son ensemble engagée dans les pratiques économiques, la monnaie circule de mains en mains et n’exclut personne.

14 Les représentations sociales de l’argent ont été bien étudiées, grâce aux représentations figurées notamment [41]. En revanche, si l’on excepte les médiévistes confrontés aux images et aux ouvrages théologiques [42], l’imaginaire du crédit a peu intéressé les historiens français, contrairement à leurs homologues anglo-saxons [43]. Les contemporains du XIXe siècle ont pourtant abondamment discouru en la matière.

15 À la croisée du renouvellement des recherches sur le crédit et de l’histoire des représentations économiques, l’enjeu de ce dossier [44] est de contribuer à une histoire culturelle du crédit dans la France du XIXe siècle. Plusieurs approches ont été combinées : analyser des situations de crédit concrètes, examiner les textes et les mots, dans les débats parlementaires et la production textuelle foisonnante sur le sujet, se concentrer enfin sur les images satiriques. Pratiques, langage écrit et oral, image figurée, telles ont été les sources classiques choisies pour dessiner des représentations du crédit. L’article indéfini et le pluriel s’imposent : nous proposons plus une esquisse qu’une fresque achevée, et les représentations du crédit nous sont apparues plus discordantes que consensuelles.

16 La scène dépend en effet du point de vue adopté. Si l’on examine le crédit de l’extérieur, comme un contrat entre deux parties stipulant que l’une accorde une somme monétaire à l’autre (directement ou non) moyennant la promesse d’une indemnisation financière, les représentations sont positives et témoignent parfois même d’un véritable enthousiasme. Simon Hupfel montre les espérances suscitées par la Caisse de prêts des canuts lyonnais, instaurée après la révolte de 1831. S’émanciper de la dépendance des fabricants dans le système d’avances existant, fonder une banque d’investissement garantissant leur autonomie : l’établissement de crédit est vu comme un outil de libération économique. La même idée est développée et accentuée dans les nombreux écrits publiés après la révolution de Février 1848. Le crédit devient même un outil d’émancipation économique et sociale, le pilier d’une organisation du travail vraiment démocratique, l’instrument d’une véritable réforme sociale. Éloge du crédit quand on examine sa fonction économique : c’est un moteur économique qui assure production et distribution des richesses. Plus généralement, il constitue le lien qui assure la cohésion sociale et politique. En 1814-1818, le crédit public est perçu comme le soubassement du régime représentatif et le reflet de la « moralité » publique, c’est-à-dire de la fidélité aux engagements passés.

17 En revanche, si l’on se place à l’intérieur de la relation contractuelle, les représentations sont tout autres. Les images satiriques, dont Laurent Bihl souligne la difficulté à représenter le crédit autrement que par la dette, en mettent en scène le danger et révèlent l’obsession collective à laquelle il donne forme. La relation de crédit, et donc la dette, font courir un risque non seulement financier mais aussi personnel et intime, et constituent une forme d’intrusion. Les canuts lyonnais sont ainsi très sourcilleux quant à la recherche des garanties de solvabilité des administrateurs de la caisse : aucune considération sur la moralité ne doit être fournie, seulement des éléments matériels : l’adresse, le nombre de métiers. Dans l’image satirique, la rupture de la relation, marquée par la venue de l’huissier, est métaphoriquement représentée comme un viol de l’intime, comme une dépossession de soi. En témoignent le cliché du remboursement en nature des femmes et l’acerbe « Non non monsieur l’huissier, on ne saisit pas les enfants [45] ». L’endettement menace l’intégrité physique et psychique, mais nul jugement moral dans ces images, si ce n’est à l’encontre du propriétaire ou de l’huissier dont on dénonce l’indécence ou l’abus intrinsèquement corrélé au pouvoir financier. Si le débiteur dépossédé de tout paraît fragile, le créancier, lui, n’inspire que réprobation, position bien contradictoire quand on songe aux vertus attribuées au crédit. Une nuance cependant, le « rentier public », qui apporte ses capitaux au gouvernement, et qui, au contraire, estime être une victime quand le ministre Villèle cherche à rendre obligatoire la conversion des rentes en 1824. La situation est différente néanmoins : le rentier n’est pas dans une relation de face-à-face avec ses débiteurs, les « contribuables », dont la parole n’est alors guère entendue.

18 Figure paroxystique du créancier, l’usurier incarne le stéréotype prégnant dans l’imaginaire social du crédit. Paradoxalement, alors que dans les textes de 1848, le « crédit » s’oppose à « l’usure » comme le bon crédit face au crédit dévoyé, il n’y a pas d’image du bon créancier. Élisabeth Jolivet-Roche montre la persistance dans les débats parlementaires de l’image traditionnelle de l’usurier, contribuant à parasiter de jugements moraux les débats sur le taux de l’intérêt et à freiner la reconnaissance du banquier comme un honnête professionnel du crédit. L’usurier, personnage infâme qui guette sa proie et se nourrit des misères humaines, tel un charognard, n’a pas d’utilité sociale, il ne produit rien. Au contraire il incite aux vices et détruit la société. Les représentations sociales évoluent cependant en même temps que le développement économique s’accélère et que les besoins en capitaux sont plus impérieux : les arguments moraux s’estompent à partir du milieu du siècle au profit de considérations sociales et économiques, témoignant d’une intériorisation du rôle essentiel désormais joué par le banquier.

19 Entre crédit miraculeux, usurier rapace et dette niant l’humain, on le constate, les représentations sociales du champ du crédit sont apparemment contradictoires. L’imaginaire se partage entre un éloge du crédit qui est perçu métaphoriquement comme le fluide vital circulant dans la société, un outil de réforme sociale et d’émancipation même, et une dénonciation des effets désastreux de l’endettement quand le débiteur ne peut s’acquitter de ses obligations. Les contributions n’abordent pas de front l’image du débiteur, mais la dénonciation de la dette des pauvres par les bourgeois est bien connue [46]. Lutter contre l’endettement populaire, symptôme d’imprévoyance et indice d’une moralité douteuse, est d’ailleurs l’une des motivations ayant présidé à l’instauration des caisses d’épargne en 1818. En la matière, il y a une caractérisation sociale des représentations du crédit, qu’il conviendrait d’approfondir en mettant l’accent sur les représentations populaires peu explorées. La littérature complexifie encore le tableau. Si la vision mortifère du crédit l’emporte dans le roman, par nécessité artistique pour partie, ce dernier forge également l’identité sociale des débiteurs. À côté du miséreux du mont-de-piété, figure le débiteur balzacien pour qui l’endettement est une posture, un choix existentiel et même esthétique, comme une rébellion face à l’éthique bourgeoise du remboursement [47]. Difficile à cerner dans le kaléidoscope des discours pluriels et des imaginaires sous-jacents esquissé dans ce dossier, le crédit donne ainsi à lire les tiraillements économiques, sociaux et culturels de la société du XIXe siècle.

Notes

  • [1]
    Je remercie Laurent Bihl pour sa relecture critique et ses suggestions.
  • [2]
    Il poursuit par un jugement moralisateur : « et vivre du crédit, c’est presque toujours en abuser », Revue des Deux Mondes, période initiale, t. 21, 1848, p. 1094. En réalité, l’auteur de la chronique est le fondateur de la revue, François Buloz, mais Victor de Mars, secrétaire de rédaction puis directeur-gérant, signe officiellement les articles.
  • [3]
    À tous les niveaux judiciaires se rencontrent des affaires de créances impayées et des litiges portant sur les dettes. Voir Jean-Claude Farcy, Guide des archives judiciaires et pénitentiaires, 1800-1958, Paris, CNRS Éditions, 1992, disponible sur le site https://criminocorpus.org.
  • [4]
    Sur l’activité financière des notaires, voir Philip T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal, Des marchés sans prix. Une économie politique du crédit à Paris, 1660-1870, Paris, Éditions de l’EHESS, 2001, G. Postel-Vinay, La Terre et l’argent : L’Agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
  • [5]
    Les dettes contractées constituent une forte contrainte dans la vie de Martin Nadaud. Lorsque la somme conséquente de 10 000 francs est atteinte, il va avec son père emprunter 400 francs. Découverte de l’usure : le prêteur retient d’emblée la somme de 40 francs pour un prêt de quatre mois. Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, Duboueix, 1895. Voir aussi Alain Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, t. 1 [1975], Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1998, p. 163-173.
  • [6]
    Alphonse Esquiros, « Le Mont-de-Piété », Revue de Paris, année 1843, t. 18, p. 98-102 ; Yannick Marec, Le Clou rouennais : Du Mont-de-piété au Crédit municipal, contribution à l’histoire de la pauvreté en province, Rouen, Éditions du P’tit Normand, 1983.
  • [7]
    Bernadette Angleraud, Les Boulangers lyonnais aux XIXe et XXe siècles, Paris, Éditions Christian, 1998.
  • [8]
    À Belleville, entre 1869 et 1910, les litiges portés devant la justice de paix à propos de la fourniture d’aliments et de marchandises passent de 17 à 23 % du total des dossiers. En 1910, si l’on ajoute les traites non remboursées, ce sont 30 % des activités de cette justice de proximité qui concernent les dettes, sans même compter les affaires liées paiement des loyers (le tiers du total). Voir Gérard Jacquemet, « Belleville ouvrier à la Belle Époque », Le Mouvement social, n° 118, janvier-mars 1982, p. 67.
  • [9]
    Henri Leyret, En plein faubourg : notations d’un mastroquet sur les mœurs ouvrières, 1895, préfacé par Alain Faure, Paris, Nuits rouges, 2000.
  • [10]
    Michel Lescure, « Pour une histoire sociale du crédit. L’exemple du logement en Europe au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 23, 2001, p. 165.
  • [11]
    La bibliographie canonique étant bien connue, nous nous permettons de ne pas la détailler.
  • [12]
    Témoin de cet intérêt transdisciplinaire, les dossiers thématiques de revues scientifiques non économiques : « Vivre et faire vivre à crédit : agents économiques ordinaires et institutions financières dans les situations d’endettement », Sociétés contemporaines, n° 76, 2009/4 ; « Consommer à crédit en Europe au XXe siècle », Entreprises et histoire, n° 59, 2010/2 ; « Le crédit », Romantisme, 2011/1 ; « Crédit à la consommation, une histoire qui dure », Revue française de socio-économie, n° 9, 2012/1 ; « Histoire du crédit (XVIIIe-XXe siècles), Annales. Histoire, sciences sociales, 2012/4 ; enfin, « Lien de crédit, lien de confiance », séminaire de l’École doctorale coordonné par Anaïs Albert et Maud Ternon, Hypothèses, 2013/1.
  • [13]
    Laurence Fontaine, L’Économie morale : pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.
  • [14]
    Id., « Relations de crédit et surendettement en France : XVIIe-XVIIIe siècles », Laurence Fontaine, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal et Paul Servais (dir.), Des personnes aux institutions. Réseaux et culture du crédit du XVIe au XXe siècle en Europe, Louvain, Bruylant Academia, 1997, p. 216. Alain Corbin fait la même constatation dans le Limousin du XIXe siècle : « le débiteur se trouve dans un curieux état de sujétion vis-à-vis de son créancier » qui ne manque pas de lui rendre visite à l’heure du repas avec sa famille et consomme ses provisions. Cf. Alain Corbin, op. cit., p. 167.
  • [15]
    Laurence Fontaine, « Espaces, usages et dynamiques de la dette dans les hautes vallées dauphinoises (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales. Histoire, sciences sociales, 49-6, 1994, p. 1375-1391.
  • [16]
    Gilles Laferte, « Théoriser le crédit de face-à-face : un système d’information dans une économie de l’obligation », Entreprises et histoire, 2010/2, n° 59, p. 57-67.
  • [17]
    Claire Zalc et Claire Lemercier, « Pour une nouvelle approche de la relation de crédit en histoire contemporaine », Annales. Histoire et Sciences sociales, 2012/4, p. 979-1009, ici p. 982.
  • [18]
    Ibid., p. 1002.
  • [19]
    Anaïs Albert, Consommation de masse et consommation de classe. Une histoire sociale et culturelle du cycle de vie des objets dans les classes populaires parisiennes (des années 1880 aux années 1920), thèse soutenue à l’Université Paris 1, 2014, t. 1, p. 332, Id., « Le crédit à la consommation des classes populaires à la Belle Époque », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 4/2012, p. 1049-1082.
  • [20]
    Claire Zalc et Claire Lemercier, op. cit., p. 1009.
  • [21]
    Signalons la thèse de Patrice Baubeau, Les « cathédrales de papier » ou la foi dans le crédit. Naissance et subversion du système de l’escompte en France. Fin XVIIIe-premier XXe siècle, Université Paris X-Nanterre, 2004. La thèse de Viera Rebolledo-Dhuin, La librairie et le crédit. Réseaux et métiers du livre à Paris (1830-1870), soutenue à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en 2011, s’intéresse aux réseaux de financement et au crédit des libraires.
  • [22]
    En particulier Lendol Calder, Financing the American Dream, A Cultural History of Consumer Credit, Princeton, Princeton University Press, 1999.
  • [23]
    Certains juristes, ayant affaire au surendettement devant les tribunaux, se sont très tôt intéressés à la question. Ainsi Luc Bihl, « Le surendettement : apparition d’un fléau social », Michel Gardaz (dir.), Le Surendettement des particuliers, Paris, Anthropos, 1997, p. 1-7 ; id., Histoire du mouvement consommateur, Paris, Aubier Montaigne, 1984.
  • [24]
    Outre le numéro d’Entreprises et histoire déjà cité, Sabine Effosse, Le Crédit à la consommation en France, 1947-1965. De la stigmatisation à la réglementation, Paris, IGPDE, 2014, et Alain Chatriot, « Protéger le consommateur contre lui-même », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 91, 2006/3, p. 95-109.
  • [25]
    Nous renvoyons ici à la thèse récemment soutenue d’Anaïs Albert, déjà citée, en particulier les chapitres 4 et 6 du tome 1. Voir aussi son article, « Le crédit à la consommation des classes populaires à la Belle Époque », op. cit.
  • [26]
    Jean Andréau, Gérard Béaur et Jean-Yves Grenier, La Dette publique dans l’histoire, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006.
  • [27]
    « Dette, démocratie, citoyenneté. Histoire politique des dettes publiques », 24 juin 2013, Sciences Po. Outre-Manche, c’est la précocité de la naissance du crédit public et la « révolution financière » anglaise qui suscitent la réflexion. Voir Carl Wennerlind, Casualties of Credit : The English Financial Revolution, 1620-1720, Cambridge MA, Harvard University Press, 2011.
  • [28]
    Outre le numéro spécial de Romantisme, Alexandre Péraud, Le Crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier, 2012 ; Jean-Michel Rey, Le Temps du crédit, Paris, Desclée De Brouwer, 2002 ; id., Histoires d’escrocs : t. 1 : La vengeance par le crédit ou Monte-Cristo, Paris, Édition de l’Olivier, 2014. Plus généralement, Alexandre Péraud (dir.), La comédie (in) humaine de l’argent, Paris, Le Bord de l’eau, 2013 ; Francesco Spandri (dir.), La littérature au prisme de l’économie. Argent et roman en France au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Christophe Reffait, La Bourse dans le roman du second XIXe siècle, Discours romanesque et imaginaire social de la spéculation, Paris, Honoré Champion, 2007 ; François Vatin et Nicole Edelman (dir.), Économie et littérature en France (1815-1848), Paris, Le Manuscrit, 2007.
  • [29]
    Anaïs Albert et Mathilde Rossigneux-Méheust, « Une question économique dominée par des enjeux moraux », Histoire, économie et société, 2013/3, p. 3-12.
  • [30]
    Jean Bouvier, « Pour une analyse sociale de la monnaie et du crédit : XIXe-XXe siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 24, n° 4, 1974, p. 813-826.
  • [31]
    Idem, p. 824.
  • [32]
    Depuis les années 1980, la notion de « représentations sociales », bien définie par les psychologues sociaux, associée à celle d’« imaginaire social », initialement formulée par Cornelius Castoriadis, est très utilisée par les historiens qui la préfèrent aux « mentalités ».
  • [33]
    Si les deux premiers termes ont leur équivalent français, « neuroéconomie » et « économie comportementale », le dernier ne renvoie pas à l’économie de la culture ou économie culturelle qui désigne en français l’économie du secteur culturel. Pour une première approche, Esther-Mirjam Sent, « Behavioral Economics : How Psychology Made its (Limited) Way Back Into Economics », History of Political Economy, 36/4, 2004, p. 735- 760 ; Christian Schmidt, « What neuroeconomics does really mean ? », Revue d’économie politique, 2008/1, vol. 118, p. 7-34 ; Jean Tirole, « Rationalité, psychologie et économie », Revue Française d’Économie, 2013/2, vol. XXVIII, p. 9-33 ; Luigi Guiso, Paola Sapienza, Luigi Zingales, « Does Culture Affect Economic outcomes ? », Journal of Economic Perspectives, 2006/2, vol. 20, p. 23-48.
  • [34]
    On songe bien entendu à l’ouvrage pionnier de Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, paru en 1904-1905.
  • [35]
    Les formulations « gagner » ou « perdre » de l’argent », d’ailleurs, ne sont pas neutres.
  • [36]
    Viviana A. Zelizer, « Monétisation et vie sociale », numéro spécial « Philosophies de l’argent », Le Portique, 2007/19, p. 2-11 ; id., The Social Meaning of Money, New York, Basic Books, 1994.
  • [37]
    Jean-Pierre Hirsch, « Retour sur l’ancien esprit du capitalisme », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 23, 2001, p. 87-104 ; id., Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.
  • [38]
    Les actes ont été publiés dans Annales des Mines – Réalités industrielles, 1/2009.
  • [39]
    David Todd, L’identité économique de la France. Libre-échange et protectionnisme (1814-1851), Paris, Grasset, 2008 ; Frank Trentmann, Free Trade Nation. Commerce, Consumption and Civil Society in Modern Britain, Oxford, Oxford University Press, 2008.
  • [40]
    Nicolas Delalande, Les Batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011.
  • [41]
    Philippe Hamon, L’Or des peintres. L’image de l’argent du XVe au XVIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; André Gueslin, Mythologies de l’argent. Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine (XIXe-XXe siècles), Paris, Economica, 2007 ; Alya Aglan, Olivier Feiertag, Yannick Marec (dir.), Les Français et l’argent : Entre fantasmes et réalités, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • [42]
    Jacques Le Goff, La Bourse et la vie. Économie et religion au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1986.
  • [43]
    Craig Muldrew, The Economy of Obligation : The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, New York, St. Martin’s Press, 1998 ; Margot C. Finn, The Character of Credit : Personal Debt in English Culture, 1740 – 1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Par ailleurs, Carl Wennerlind insiste non seulement sur les aspects financiers mais aussi sur les représentations et la « culture du crédit » ayant contribué à la révolution financière anglaise. Signalons enfin la thèse récente de l’américaine Erika Vause consacrée à la prison pour dettes en France au XIXe siècle, In the Red and in the Black : Bankruptcy, Debt Imprisonment, and the Culture of Credit in Post-Revolutionary France (University of Chicago, 2012).
  • [44]
    Les quatre articles regroupés ici sont issus d’une journée d’étude pluridisciplinaire organisée par ISOR/Centre de Recherches en histoire du XIXe siècle, le 11 février 2013, à l’Université Paris 1.
  • [45]
    Adolphe Willette, 1913.
  • [46]
    Dans sa thèse, Anaïs Albert met d’ailleurs l’accent sur les efforts déployés par Dufayel pour inverser les représentations bourgeoises sur le crédit à la consommation destiné aux milieux populaires, le présentant comme une solution à la question sociale.
  • [47]
    A. Péraud, Le Crédit, op. cit.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions