Notes
-
[1]
Projet d’une consolidation successive et à terme de la dette non inscrite, et d’une caisse d’amortissement propre à fonder un crédit à perpétuité, après l’extinction de la dette ; par M. le Mis de F****, Paris, J. G. Dentu, 1815, p. 17.
-
[2]
Natacha Coquery, Tenir boutique à Paris au XVIIIe siècle : luxe et demi-luxe, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011.
-
[3]
Laurence Fontaine, L’Économie morale : Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.
-
[4]
Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot : Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 2008, p. 152.
-
[5]
Leur histoire est bien connue, chaque grande banque ou établissement de crédit ayant trouvé son historien. Pour une vue générale sur la période, Bertrand Gille, La banque et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959.
-
[6]
Avec 34 titres, ce sont les années les plus prolixes : en 5 ans, on publie davantage sur le sujet qu’entre 1819 et 1830. Entre 1800 et 1813, les ouvrages, bien moins nombreux, traitent surtout de l’usure et de la légitimité du prêt à intérêt.
-
[7]
57 titres dans le catalogue de la Bibliothèque nationale sont consacrés au crédit en 1848, 50 en 1849, 54 en 1850.
-
[8]
Pour un aperçu de l’évolution de la recherche historique sur le sujet, nous nous permettons de renvoyer à l’introduction de ce dossier thématique, ainsi qu’à Claire Zalc et Claire Lemercier, « Pour une nouvelle approche de la relation de crédit en histoire contemporaine », Annales. Histoire et Sciences sociales, 2012/4, p. 979-1009.
-
[9]
Olivier Chaïbi, « Entre crédit public et crédit mutuel : un aperçu des théories du crédit au XIXe siècle », Romantisme, n° 151, 2011/1, p. 53-66.
-
[10]
Comme l’argent, le crédit est un ressort important du roman. Voir Alexandre Péraud, Le Crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier, 2012 ; Jean-Michel Rey, Le Temps du crédit, Paris, Desclée De Brouwer, 2002 ; id., Histoires d’escrocs : t. 1 : La vengeance par le crédit ou Monte-Cristo, Paris, Édition de l’Olivier, 2013 ; Romantisme, n° 151, 2011/1, numéro spécial consacré au crédit.
-
[11]
François Crouzet, « Les conséquences économiques de la Révolution française. Réflexions sur un débat », Revue économique », 1989, vol. 40, n° 6, p. 1193.
-
[12]
Francis Démier, La France de la Restauration (1814-1830) : l’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, 2012, p. 74.
-
[13]
Zheng Kanc, « Chapitre 4. L’État constructeur du marché financier », Pierre-Cyrille Hautcoeur (dir.), Le Marché financier français au XIXe siècle, vol. 1, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 159-194.
-
[14]
Louis-Jean-Baptiste Depoix.
-
[15]
Zacharie Galland.
-
[16]
Jean Andréau, Gérard Béaur et Jean-Yves Grenier, La Dette publique dans l’histoire, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006, Marie-Laure Legay La Banqueroute de l’État royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française, Paris, Éd. de l’EHESS, 2011.
-
[17]
« Vous devez avoir pour principe que la guerre doit nourrir la guerre » conseille-t-il au maréchal Soult en le nommant le 14 juillet 1810 général en chef de l’armée du Midi en Espagne. Cité par Pierre Branda, « Les finances et le budget de la France napoléonienne. La guerre a-t-elle payé la guerre ? » Revue du souvenir napoléonien, n° 457, janvier-février 2005, p. 25. Tant que l’Empire a été victorieux, ses campagnes lui ont permis d’entretenir les troupes et de rentrer dans ses frais.
-
[18]
Jean Gabillard, « Le financement des guerres napoléoniennes et la conjoncture du Premier Empire », Revue économique, t. IV, n° 4, juillet 1953, p. 560.
-
[19]
Duc de Lévis, Considérations morales sur les finances, Paris, A.-A. Renouard, 1816, p. 43.
-
[20]
Marquis de Saisseval, Des bases du crédit public, du budget de 1815, et plus particulièrement du mode adopté pour le paiement de l’arriéré, Paris, Impr. de Le Normant, s.d., p. 3.
-
[21]
Vital Roux, Analyse historique de l’établissement du crédit public en France, Paris, Bossange, 1824, p. 15.
-
[22]
Philippe Bezès, Florence Descamps, Sébastien Kott, Lucile Tallineau, L’Invention de la gestion des finances publiques : Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010.
-
[23]
Baron de Jumilhac, Réflexion sur l’état des finances, sur le budget de 1816 et sur les moyens les plus propres à fonder le crédit public, Paris, Impr. De Leblanc, 1816, p. 4.
-
[24]
Michel Bruguière, La première Restauration et son budget, Paris, Librairie Droz, 1969.
-
[25]
Duc de Lévis, op. cit., p. 4.
-
[26]
Laffon-de-Ladébat, Des finances de la France, ou des Budgets de 1816 et des années suivantes..., Paris, impr. de A. Bailleul, 1816, p. 2.
-
[27]
Duc de Lévis, De l’état du crédit public en France au commencement de 1819, Paris, Pélicier, 1819, p. 7.
-
[28]
Sous l’Ancien Régime, le développement des privilèges et l’essor du crédit public sont allés de pair. L’insécurité juridique face à l’État se traduisant par des taux d’intérêt élevés pour la monarchie, celle-ci a emprunté par l’intermédiaire des corps qui inspiraient davantage confiance. Voir David D. Bien, « Les offices, les corps et le crédit d’État : l’utilisation des privilèges sous l’Ancien Régime », Annales. Économies, Sociétés, Civilisation, 1988/3, p. 379-404.
-
[29]
Félix Ponteil, Les Institutions de la France de 1814 à 1870, Paris, PUF, 1966, p. 50 ; Alya Aglan, Michel Margairaz et Philippe Verheyde (dir.), 1816 ou la genèse de la Foi publique : la fondation de la Caisse des dépôts et consignations, Genève, Droz, 2006, et en particulier, Francis Démier, « La Caisse d’amortissement dans les débats politiques de la monarchie constitutionnelle (de 1814 aux lendemains de 1830) », p. 95-119.
-
[30]
Mémoires de G.-J. Ouvrard : sur sa vie et ses diverses opérations financières, Paris, Moutardier libraire, 1827, p. 12. Émile de Girardin mentionne la lettre d’un certain Cabarrus ayant écrit à Lamartine le 8 mars 1848 : « N’oublions pas que l’impôt tue et que la dette vivifie : empruntons donc courageusement et ne regrettons pas d’enrichir nos prêteurs », La Presse, n° 4324, 13 mars 1848.
-
[31]
Girardin affirme que « c’est l’Emprunt, judicieusement compris, qui libérera la France ! » Plutôt que l’emprunt à court terme, plutôt que la dette flottante, « la dette perpétuelle est une force précieuse », « le balai qui peut nettoyer la place, le solde qui peut liquider le passif », La Presse, n° 4324, 13 mars 1848.
-
[32]
Ainsi, le propriétaire vigneron rémois Louis Dessain, dans son Projet pour la libération de la dette publique, Paris, Imp. de Ballard, 1815, a-t-il trouvé la solution pour « éteindre une dette énorme », « sans remboursement, sans augmentation de charges annuelles, sans aliénation de forêts royales » : il s’agit d’ouvrir un emprunt de deux milliards. Zacharie Galland propose, quant à lui, de faire appel au don « volontaire » des Français, mais en détaillant précisément ses modalités, son montant, et sa perception... Vœu d’un Français pour parvenir à payer la dette arriérée de l’État, sans augmentation d’impôts, Paris, L. Beaupré, 1814.
-
[33]
Jean-Marie Froust, Les Emprunts causent la ruine des États, Paris, Favre, 1815, p. 12.
-
[34]
Né en 1758, cet avocat entre en politique à la Révolution et participe activement au 18 Brumaire. Il devient spécialiste des questions financières et est élu député du Cantal en 1815, réélu en 1816 et 1819, et siège à gauche.
-
[35]
Charles Ganilh, Réflexions sur le budget de 1814, Paris, Déterville, 1814, p. 5.
-
[36]
Id., Dictionnaire analytique d’économie politique, article « Dette publique », Paris, Ladvocat, 1826, p. 203.
-
[37]
Il s’agit d’échanger 140 millions de rentes à 5 % contre 112 millions à 3 % avec un titre coté à 75 francs, les porteurs de rente à 5 % ayant le choix entre cet échange ou le remboursement au pair.
-
[38]
Intérêts contradictoires qui ne recouvrent pas une division simple entre aristocrates favorables à la conversion car désireux d’être indemnisés, et bourgeois libéraux porteurs de rentes et hostiles au projet. Bon nombre d’aristocrates – et de Pairs de France — sont de gros porteurs de rente (ainsi Chateaubriand). À l’inverse, les libéraux dénoncent largement une amputation des revenus des rentiers pour indemniser les aristocrates, mais d’autres, comme le banquier Laffitte, y voient le moyen de diminuer les taux d’intérêt pour le commerce et l’industrie.
-
[39]
Le remboursement est un devoir, « rien n’étant plus moral dans un gouvernement que de faire le bien de la masse des gouvernés » ; « tout débiteur a droit de se liquider » résume un « manufacturier », Réflexions d’un manufacturier sur quelques principes de crédit public, et sur le projet de remboursement, Paris, 1824, p. 32-33.
-
[40]
Le débat sur la conversion des rentes est tangent à notre sujet et nous entraînerait trop loin. Voir Christian Rietsch, « Le Milliard des émigrés et la création de la rente 3 % », dans Georges Gallais-Hamenno (dir.), Le marché financier français au XIXe siècle, vol. 2, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 209-227, et F. Démier, « La Caisse d’amortissement... », op. cit., p. 105-113. Un récit très vivant sous la plume de Jean Bouvier, Rothschild : histoire d’un capitalisme familial, Paris, Éditions Complexe, 1992, p. 82-88.
-
[41]
C. Ganilh, Dictionnaire..., op. cit., p. 205.
-
[42]
Ibid., p. 212.
-
[43]
Par exemple Laffon-de-Ladébat, op. cit. ; M. le Mis de F***, Projet d’une consolidation..., op. cit. ; anonyme, Du crédit et de la dette publique, ou encore un projet de réduction des rentes 5 pour 100, Orléans, Impr. de Danicourt-Huet, 1830.
-
[44]
La fondation des caisses d’épargne en 1818 est très significativement associée au crédit public : placés en rentes à 5 %, les dépôts sont rémunérés par la dette publique. Cf. Carole Christen-Lécuyer, Histoire sociale et culturelle des caisses d’épargne en France (1818-1881), Paris, Économica, 2004.
-
[45]
F. Démier, « La Caisse... », op. cit., p. 103.
-
[46]
Villèle, Archives parlementaires imprimées, 4 mars 1824, cité par F. Démier, « La Caisse... », op. cit., p. 103.
-
[47]
Pour une rapide analyse des aspects financiers et bancaires de la crise, P.-C. Hautcœur (dir.), Le Marché financier..., op. cit., p. 255-270, et Nicolas Stoskopf, « La fondation du comptoir national d’escompte de Paris, banque révolutionnaire (1848) », Histoire, économie et société, 2002/3, p. 395-401.
-
[48]
Nous avons intégralement dépouillé ce périodique pour l’année 1848.
-
[49]
Ainsi, l’auteur anonyme de L’Organisation du crédit foncier, écrit-il : « Le moment est venu pour tout citoyen qui a du cœur, du patriotisme et l’amour de ses frères, d’apporter au pays le tribut de son intelligence et le résultat de ses méditations. » (Paris, Imp. de P. Dupont, 1848, p. 1).
-
[50]
Émile de Girardin, La Presse, n° 4561, 21 décembre 1848.
-
[51]
Fondateur en 1836 de La Presse, premier quotidien meilleur marché grâce à la publicité, journaliste et député sous la Monarchie de Juillet député, Émile de Girardin est arrêté après sa participation aux journées de Juin, ce qui entraîne la suspension du périodique jusqu’en août.
-
[52]
Christophe Reffait insiste également sur cette emphase dans son « Avant-propos » au numéro de Romantisme consacré au crédit (n° 151, 2011/1, p. 3).
-
[53]
Au contraire, la littérature met en scène la « spirale mortifère du crédit ». Cf. Alexandre Péraud, « “La panacée universelle, le crédit !” (César Birotteau). Quelques exemples d’inscription narrative du crédit dans la littérature du premier XIXe siècle », Romantisme, 2011/1 (n° 151), p. 52.
-
[54]
Charles Coquelin, « Du crédit et des banques dans l’industrie », Revue des deux mondes, tome 31, 1842, p. 778.
-
[55]
Le Crédit retrouvé ; par un pauvre, Paris, Lecoffre, 1849, p. 10.
-
[56]
Ibid., p. 104.
-
[57]
É. de Girardin, La Presse, n° 4392, 22 mai 1848.
-
[58]
Id., La Presse, n° 4556, 16 décembre 1848.
-
[59]
Le Crédit retrouvé, op. cit., p. 93.
-
[60]
É. de Girardin, La Presse, n° 4434, 15 août 1848.
-
[61]
André Cochut, « Situation financière de la France », Revue des deux mondes, période initiale, t. 22, 1840. André Cochut est l’un des spécialistes d’économie de la revue depuis 1836. Il dirigera le mont-de-piété de Paris entre 1870 et 1885.
-
[62]
É. de Girardin, La Presse, n° 4300, 25 février 1848.
-
[63]
Id., La Presse, n° 4317, 7 mars 1848.
-
[64]
Id., La Presse, n° 4319, 9 mars 1848.
-
[65]
Id., La Presse, n° 4321, 11 mars 1848.
-
[66]
La représentation de la société par l’image du corps remonte à l’Antiquité. On songe à la Fable d’Esope, « L’estomac et les pieds » dont La Fontaine s’est inspiré, ou celle racontée par Menenius Agrippa assimilant la révolte des plébéiens contre les patriciens à l’émeute des parties du corps contre l’estomac. Cette traduction se renouvelle au Moyen Âge avec le christianisme, et à l’époque moderne avec la réflexion sur l’État et la politique. Émanant d’historiens, de linguistes ou de philosophes, la bibliographie sur le sujet est abondante. On consultera notamment Judith Schlanger, Les métaphores de l’organisme [1971], Paris, Éditions L’Harmattan, 1995.
-
[67]
Gianluca Briguglia, « Langages politiques, modèles et métaphores corporelles. Propositions historiographiques », L’Atelier du Centre de recherches historiques. Revue électronique du CRH, n° 1, 2008.
-
[68]
Bijleveld (avocat), De l’organisation du travail par un meilleur système de crédit, Paris, Guillaumin, 1848. p. 7 ; Signoret, Conseil aux électeurs... ou Projet d’organisation qui résout complètement la grande question sociale, ordre, confiance, travail, crédit..., Paris, chez l’auteur, 1849, affirme aussi que les « capitaux circulants » sont « l’âme et vie du corps social » (p. 50).
-
[69]
Bijleveld, op. cit., p. 8.
-
[70]
Ludovic Desmedt, « Money in the “Body Politick” : The Analysis of Trade and Circulation in the Writings of Seventeenth-Century Political Arithmeticians », History of Political Economy, 37/1 (2005), p. 79-100. Il est développé par les physiocrates au XVIIIe siècle (Quesnay était d’ailleurs médecin) et est très courant chez les Anglais à l’époque victorienne. Jean-Claude Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 ; Timothy L. Alborn, « Economic man, economic machine : images of circulation in the Victorian money market », Philip Mirowski (dir.), Natural images in economic thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 173-196.
-
[71]
Louis-Joseph Bouvéry, Causes de la misère et moyens pour la détruire, abolition de l’ignorance, de l’usure, de l’expropriation, de la faillite, de la prise de corps pour dettes..., Lyon, impr. de Dumoulin et Ronet, 1848, p. 17.
-
[72]
Ce liquide vital n’est pas toujours sanguin. L’eau joue parfois ce rôle : le crédit s’insère alors dans l’imaginaire de la nature. Dans ce champ métaphorique, on note des références à la fécondation et la fertilité. Le crédit, « symbole de la faculté reproductive de la nature » d’après L. Fontarive, Révolution sociale. Bases du crédit positif. Institutions de garantisme. Organisation du travail, des armées industrielles ; colonisation, Paris, Librairie phalanstérienne, 1848, p. 16. Girardin affirme aussi que le crédit « est au travail, ce que la semence est au sillon », La Presse, n° 4347, 6 avril 1848.
-
[73]
Les métaphores alimentaires s’associent logiquement à l’image organique. Le crédit, on l’a vu, est « l’aliment du travail ». « C’est du pain. La mort du crédit, c’est la faim, c’est la misère », M. J. de Lasteyrie, séance du 6 juin 1848 à l’Assemblée nationale constituante, retranscrite dans La Presse, n° 4408, 7 juin 1848.
-
[74]
Ce comptoir parisien est l’ancêtre de la BNP. Cf. Nicolas Stoskopf, op. cit., p. 395-411.
-
[75]
A. Bacqueville, « propriétaire aux Batignolles », Moyen proposé pour la crise financière, Paris, impr. de Hennuyer, p. 2.
-
[76]
J.-C. Lambert, Catéchisme du crédit foncier, Paris, Comon, 1849, p. 8.
-
[77]
Depouilly, De la Nécessité absolue de ramener le numéraire dans la circulation, d’établir le crédit sur de larges bases et des moyens d’y parvenir, s.l.n.d. (1848).
-
[78]
George Lakoff, Johnson Mark, Metaphors We Live By, Chicago, University of Chicago Press, 1980.
-
[79]
Frédéric Bastiat, « chapitre XXII. Métaphores », Sophismes économiques, première série (1845), consulté sur http://bastiat.org/fr/metaphores.html le 10 mars 2014.
-
[80]
Catherie Resche, « La métaphore en langue spécialisée, entre médiation et contradiction : étude d’une mutation métaphorique en anglais économique », ASp. la revue du GERAS, n° 35-36, 2002, p. 103-119.
-
[81]
Nous avons relevé les métaphores industrielles qui soulignaient la puissance énergétique du crédit, mais la représentation dominante de la société, dans les textes consultés, est celle d’un écosystème naturel et non d’une machine.
-
[82]
Frank Boers, « “No Pain, No Gain” in a Free Market Rhetoric : A Test for Cognitive Semantics ? », Metaphor and Symbol, 4, 1997, p. 231-241 ; Donald McCloskey, « Metaphors Economists Live by », Social Research, vol. 62, n° 2 (summer 1995), p. 215-237.
-
[83]
Francesca Rigotti montre par exemple comment le champ métaphorique de l’organisme dans le discours nazi, conduit à évoquer la menace des parasites sociaux et la nécessité de s’en débarrasser. Les métaphores architecturales de la destruction et de la reconstruction permettent aux marxistes d’envisager sans peine la formation d’une nouvelle société. F. Rigotti, « La théorie politique et ses métaphores », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 68, n° 3, 1990, p. 548-564.
-
[84]
Bijleveld, op. cit., p. 9.
-
[85]
Ibid., p. 11.
-
[86]
François-Marie Dumons, Organisation du travail. Crédit foncier, agricole et industriel. Société universelle ou commanditaire. Recouvrements par l’État. Assurances générales terrestres et sur la vie. Éducation populaire, Paris, impr. de P. Faye, p. 7.
-
[87]
Lambert, op. cit., p. 46.
-
[88]
Ibid., p. 50
-
[89]
Dans un discours prononcé le 10 octobre 1848, Léon Faucher rejette l’idée d’un papier-monnaie fondée sur la terre, idée fondée sur l’illusion de la pérennité de sa valeur : celle-ci est conventionnelle et ne vaut que par la valeur du travail.
-
[90]
Outre les projets évoqués dans les brochures, les Archives nationales conservent des dossiers de projets (cotes F/12/6826 et F/12/6829).
-
[91]
Bacqueville, op. cit., p. 3.
-
[92]
Lambert, op. cit., p. 46.
-
[93]
À la différence du crédit hypothécaire obtenu grâce aux biens patrimoniaux mis en gage, les créances peuvent être échangées et transmises. Sur les projets du siècle des Lumières, Jean-Claude Perrot, « Aléas d’une innovation : les banques foncières au XVIIIe siècle », Une histoire intellectuelle, op. cit., p. 195-215.
-
[94]
Lambert, op. cit., p. 35.
-
[95]
Notamment Le Crédit retrouvé, op. cit.
-
[96]
Conseil aux électeurs, programme des futurs représentants à l’Assemblée législative, ou Projet d’organisation qui résout complètement la grande question sociale, ordre, confiance, travail, crédit... par Signoret, commissionnaire en marchandises, Paris, chez l’auteur, 1849 ; H. B. Dasseville, Organisation du travail, de l’industrie et du crédit, seul moyen de sauvegarder les intérêts généraux des patrons et des travailleurs..., Paris, 1848, veut créer des magasins généraux de dépôts.
-
[97]
Le poids et les effets de l’usure rurale sont en réalité difficiles à estimer. S’il est facile d’attribuer son manque de visibilité à la dissimulation des prêteurs, la réalité est complexe. Laurence Fontaine a montré que dans les vallées dauphinoises au XVIIIe siècle, la dette fonde l’appartenance à la communauté. Les taux sont élevés mais beaucoup de dettes ne sont jamais remboursées : les créanciers ne font pas toujours de bonnes affaires. Cf. Laurence Fontaine, « Espaces, usages et dynamiques de la dette dans les hautes vallées dauphinoises (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 49, n° 6, 1994, p. 1375-1391 ; Alain Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1998, p. 163-171 ; Frédéric Chauvaud, « L’usure au XIXe siècle : le fléau des campagnes », Études rurales, 1984/95-96, p. 293-313 ; et André Gueslin, « Usure et usuriers dans les campagnes françaises du XIXe siècle », Cahier des Annales de Normandie, n° 24, 1992, p. 135-144. Plus généralement, Gilles Postel-Vinay, La Terre et l’Argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début du XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
-
[98]
Breton, op. cit., p. 49. L’ouvrage de ce défenseur du crédit agricole, est modifié et réédité quatre fois.
-
[99]
André Gueslin, Les Origines du Crédit agricole (1840-1914), Nancy, Annales de l’Est, 1978. Les premières caisses de crédit agricole voient le jour à la fin des années 1880.
-
[100]
M. L. Lechevalier, Moyen de rétablir et développer le crédit agricole, industriel et commercial, Paris, impr. de Schneider, 1848, p. 3.
-
[101]
Les fondateurs de la Caisse des prêts des canuts de Lyon ne veulent pas qu’elle soit perçue comme une institution de secours mais comme une caisse d’investissement.
-
[102]
Andrea Lanza, « Démocratie et propriété chez les premiers socialistes républicains français : les enjeux politiques de l’organisation du crédit », Histoire, économie et société, 2011/3, 30e année, p. 81-94.
-
[103]
De février 1849 à avril 1849, date de sa liquidation, la Banque du Peuple reçoit plus de 13000 adhésions individuelles et celles d’une cinquantaine d’associations de production. Olivier Chaïbi, Proudhon et la « banque du peuple », Paris, Connaissances et savoirs, 2010 ; Cyrille Ferraton, David Vallat, « Une approche politique du crédit populaire : Pierre-Joseph Proudhon et le crédit mutuel », Cahiers d’économie politique/Papers in Political Economy, 2011/1 (n° 60), p. 45-65, Nathalie Ferreira, « Crédit et monnaie sociale chez P. J. Proudhon (1809-1865), Revue de philosophie économique, 2011/1, vol. 12, p. 91-116.
-
[104]
L. Fontarive, op. cit., p. 16.
-
[105]
Idem., p. 17.
-
[106]
A. Cochut, « Situation financière... », op. cit., p. 80.
« Le crédit existe dans la nature des choses comme une mine d’or est renfermée dans le sol qui l’a produite [1] . »
1 Dans les siècles passés, rien ne semble s’acheter au comptant. Ainsi, les boutiquiers parisiens du XVIIIe siècle [2] vendent à tempérament aux privilégiés et ont d’ailleurs beaucoup de mal à se faire payer, car il y a presque indécence à aller réclamer son dû. Sous l’Ancien Régime les dettes personnelles sont constitutives des relations sociales à tel point que le véritable misérable n’est pas celui qui est endetté, mais celui à qui l’on refuse tout crédit [3]. Au XIXe siècle, la société rurale, du moins celle de Louis-François Pinagot, est encore « ordonnée par le jeu de l’échange et de la dette [4] », et les usuriers y sévissent. Dans les villes, boulangers, épiciers ou marchands de vin tiennent l’ardoise de leurs habitués qui les paient fort épisodiquement, certains commerçants se transformant même en petits prêteurs.
2 La nouveauté du XIXe siècle réside sans doute dans la publicité accrue dont le crédit fait l’objet. Dès la première moitié du siècle, les écrits sur le sujet se multiplient, sous la plume de « spécialistes » de l’économie certes, mais aussi d’hommes politiques, de juristes, de manufacturiers ou de simples citoyens. En prise avec les préoccupations du moment, ces textes s’insèrent dans les questions d’actualité, politiques, économiques ou sociales. Parler de crédit au XIXe siècle, c’est parler d’échanges et de monnaie, mais aussi de morale, de santé, de démocratie même.
3 Un décompte du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France fournit une estimation certes imparfaite mais néanmoins significative de l’importance des brochures et ouvrages consacrés au sujet. Deux temps forts se détachent dans le demi-siècle qui précède la fondation des grandes banques [5] : les années 1814-1818 et 1848-1850. Entre 1814 et 1818, le nombre de publications connaît un pic [6], le « crédit public » ayant alors la faveur des auteurs. Par la suite, l’intérêt diminue, à l’exception des années 1824-1825 où la question de la conversion des rentes et de l’indemnisation des émigrés provoque de vifs débats. Dans les années 1840, le thème prend de l’ampleur en se diversifiant avec des titres consacrés au crédit commercial, industriel, personnel ou foncier, mais la révolution de Février 1848 surtout déclenche une nouvelle vague d’écrits [7]. Le contexte économique et financier est alors désastreux, et chacun prend sa plume pour trouver une solution à la « crise de crédit » qui affecte le pays. Le nombre de contributions témoigne de l’ampleur des difficultés mais aussi de la légitimité que chacun ressent à s’exprimer. Si, sous la Restauration, de nombreux auteurs sont relativement connus, jouant ou ayant joué un rôle dans la vie politique ou financière, en 1848, des anonymes, de simples « citoyens », comme ils se qualifient eux-mêmes, n’hésitent pas à contribuer au débat public. L’objet de cet article n’est pas de retracer l’histoire du crédit [8] ni d’en décrypter les « théories » économiques [9], mais de mettre en évidence l’univers discursif, les « lieux communs » et les représentations qui sous-tendent ces écrits. Nous faisons l’hypothèse qu’ils sont ancrés dans un imaginaire qu’ils diffusent d’ailleurs, et que, tout autant que le roman [10] ou l’image satirique, ils témoignent des représentations sociales de l’époque. Pour les mettre au jour, nous privilégierons logiquement les premières années de la Restauration, et les débuts de la Seconde République.
Du crédit public au début de la Restauration
4 Le problème crucial, au début de la Restauration, est le rétablissement des finances, le règlement des dettes héritées et le paiement des indemnités dues aux vainqueurs. La Révolution a, d’une certaine manière, apuré les comptes de l’Ancien Régime, avec l’hyperinflation des assignats et la banqueroute dite des 2/3 en 1797 [11], mais les guerres de l’Empire ont coûté cher : le passif s’élève à 759 millions de francs, l’équivalent d’une année de contributions fiscales [12]. Louis XVIII, héritant d’une dette publique significative, sans compter la sienne d’ailleurs, charge le baron Louis de régler le sort de l’arriéré. En effet, dans une volonté de conciliation et de pacification, l’article 70 de la Charte du 4 juin 1814 reconnaît la légitimité des engagements passés. Après les Cent-Jours cependant, l’état des finances s’aggrave : signé le 20 novembre 1815, le second Traité de Paris impose des conditions très dures à la France. Réduite à ses frontières de 1790, elle doit verser 700 millions de francs aux Alliés et entretenir les 150 000 soldats devant occuper une partie du territoire d’ici là. Il faut donc beaucoup emprunter, auprès des grandes banques européennes principalement [13], mais dès la fin de l’année 1818 le duc de Richelieu obtient la libération anticipée du territoire.
Crédit public, moralité et gouvernement représentatif
5 Ainsi, dans les premières années de la Restauration, la question de la dette publique et du crédit d’État est-elle au cœur de la vie politique. Bon nombre de brochures sont rédigées afin d’influer sur les débats parlementaires consacrés au budget, à la légitimité des réclamations des fournisseurs de Napoléon, aux moyens possibles de financer les indemnités dues aux vainqueurs et notamment à l’aliénation des bois de la Couronne. Les auteurs sont parfois connus, ayant joué un rôle dans les institutions financières sous l’Ancien Régime, comme Dufresne Saint-Léon, attaché à Necker et nommé directeur général de la liquidation de la dette publique en 1789. André-Daniel Laffon-de-Ladebat est le fils d’un armateur bordelais. Abolitionniste, il s’engage dans les associations philanthropiques et s’investit dans l’établissement des caisses d’épargne. Le Baron de Jumilhac, diplomate avant la Révolution, est un élu ultra de la Chambre introuvable. Vital Roux, né en 1766, juriste et négociant lyonnais, a été nommé régent de la Banque de France en 1806. C’est une voix que l’on écoute. D’autres, rentier [14] ou architecte [15], sont éloignés de la politique ou des grandes affaires mais tiennent néanmoins à donner leur opinion. La transparence nouvelle dont l’élaboration et le vote du budget font l’objet, permet d’instaurer un débat public.
6 Les écrits de la période nous renvoient tous à une réflexion sur le « bon gouvernement », aux rapports entre moralité et finances, au sens et à l’utilité de la dette pour les États. C’est à la fois à la monarchie absolue et à l’Empire que le régime représentatif nouveau doit s’opposer, tant sur le plan financier que politique. La mémoire du passé est vive et les pratiques anciennes servent de repoussoir. La discrétion, le secret et l’arbitraire régnaient sous l’Ancien Régime, rappelle-t-on, la Couronne ayant l’habitude de pas honorer ses engagements envers les créanciers, d’altérer sa monnaie, et n’hésitant pas devant les banqueroutes [16]. Quant à Napoléon, qui a financé ses conquêtes par le prélèvement sur les territoires occupés [17] et par l’impôt, il a eu recours au « crédit imposé » quand les caisses étaient vides, en remettant à plus tard le paiement de ses fournisseurs [18]. Mais il était par principe hostile à l’emprunt d’État, sans doute conscient de la faiblesse de son crédit personnel. Comme l’écrit le duc de Lévis, appelé à la chambre des Pairs après avoir été député de la noblesse aux États Généraux, « celui qui pouvait tout prendre ne pouvait rien emprunter [19] ». Le problème majeur du « crédit public » est en effet simple : « on hésite à prêter même à quelqu’un de riche et de loyal si l’on pense qu’il a quelque pouvoir qui peut lui donner la facilité de ne pas payer ses dettes [20] ». Vital Roux le résume en ces termes quelques années plus tard : « l’existence du crédit est incompatible avec le pouvoir absolu [21] ». Il est indissociable du régime représentatif et du contrôle parlementaire qui commence à s’affirmer sur les finances publiques [22].
7 Or, en 1814, le « crédit national » est tombé « en défaveur » parce que les ministres ont depuis un siècle agi « comme le particulier dérangé et immoral, qui s’inquiète fort peu de ses dettes, encore moins de ses créanciers, et n’est point effrayé de les voir augmenter pourvu qu’elles lui procurent de nouvelles ressources [23] ». Pour inspirer la confiance, la nouvelle monarchie doit être respectueuse de ses créanciers y compris de ceux des régimes déchus. Le premier gage de « bonne foi » du gouvernement doit donc être le paiement de l’arriéré. Une fois le principe admis, les débats interviendront surtout sur les modalités de ce paiement [24].
8 Tous les auteurs s’accordent à souligner que la « bonne foi éprouvée et la confiance qu’elle inspire » sont la seule base du crédit public [25], qui ne peut donc exister si les gouvernements ne sont pas loyaux. Ce dernier « doit reposer sur l’ordre, la fidélité et la justice [26] ». Ces « principes sont immuables. C’est [...] la morale appliquée aux finances. Ne promettre que ce qu’on peut tenir, tenir ce qu’on a promis, voilà tout le secret [27] ». Derrière leurs divergences politiques, les auteurs, ultras ou libéraux, partagent une même fascination pour le crédit public, émanation d’un régime représentatif « moral » car contraignant les gouvernements à être fidèles aux engagements de la Nation.
Au-delà des principes, comment honorer ses dettes ?
9 Si la loi protège les prêteurs des débiteurs malhonnêtes, comment s’assurer que les gouvernements tiendront leurs engagements ? L’enjeu des débats parlementaires est double. Quels gages concrets donner aux créanciers potentiels pour les inciter à apporter leurs capitaux [28] ? Par quel mécanisme l’État réussira-t-il à s’acquitter de ses obligations ? Réponse à ces deux questions cruciales, la technique de l’amortissement vient opportunément au secours du crédit public, permettant aux gouvernements d’emprunter tout en remboursant.
10 Le 28 avril 1816, sous la Chambre introuvable, une nouvelle Caisse d’amortissement est créée, fondée sur le principe des intérêts composés appliqué en Angleterre au XVIIIe siècle. Pour tout nouvel emprunt, le gouvernement attribue annuellement à la caisse une somme qui doit servir à racheter des rentes publiques sur le marché, soit pour les annuler et libérer l’État, soit pour les conserver, en toucher les intérêts et accroître ainsi son capital et ses possibilités de rachat. En Angleterre où le système fonctionne, 1 % du capital de la dette est utilisé pour son remboursement. La caisse d’amortissement, « inviolable, libre et indépendante du gouvernement », est placée sous le contrôle de la Chambre, donc de la Nation : ainsi pourra-t-on avoir confiance. Dotée au départ du produit de la vente de bois domaniaux et d’une allocation annuelle fixe [29], elle doit libérer progressivement l’État de ses dettes.
11 Cependant, qu’est-ce qu’honorer ses dettes ? Lorsque les emprunts sont lancés, les créanciers reçoivent, en échange du capital versé, la promesse de recevoir une rente annuelle. Pour la plus grosse partie d’entre eux, les emprunts sont perpétuels, le remboursement n’étant pas exigible mais laissé à l’initiative du gouvernement. Autrement dit, tenir ses engagements, pour l’État, consiste à verser chaque année le montant des arrérages et non rembourser le capital initial. Dans ce contexte, la caisse d’amortissement garantit surtout aux rentiers qu’ils pourront revendre leur créance et récupérer ainsi leur capital quand ils le souhaitent. Chaque jour, en effet, elle achète des titres qui n’ont pas trouvé d’acheteurs, garantissant ainsi la liquidité indispensable au marché des rentes publiques.
12 L’exaltation du crédit public est donc confortée par la technique de l’amortissement qui semble en être la condition de possibilité. On comprend mieux, dès lors, que l’ampleur de la dette, qui constitue le revers de l’emprunt, ne soit pas source majeure d’inquiétude, alors même que les contemporains ont encore en mémoire la déroute financière de la monarchie d’Ancien Régime et ses conséquences. Bien plus, l’endettement semble aussi avoir des effets bénéfiques.
Les vertus de l’endettement
13 Les auteurs sont favorables à l’emprunt parce qu’il est le signe de la moralité du régime constitutionnel, mais aussi, affirment-ils, parce que la dette vaut mieux que l’impôt [30]. Le principe semble largement admis alors même que le déficit augmente sous les monarchies censitaires et qu’au lendemain de la révolution de Février 1848, le gouvernement, au bord de la faillite, est contraint de créer de nouveaux impôts pour honorer ses échéances. Exigible à date fixée, la dette flottante fait peur, et la solution préconisée pour y faire face consiste non à la rembourser mais à la consolider, autrement dit à la convertir en emprunt perpétuel. Libérer l’État des obligations à court terme en l’endettant à perpétuité [31] ! Opposant l’impôt à l’emprunt, ses défenseurs semblent oublier que son remboursement ne peut se faire que par l’imposition des contribuables [32], ou plutôt, les impôts nécessaires au versement des rentes annuelles semblent négligeables par rapport à ceux qu’il aurait fallu lever pour réunir le capital emprunté. C’est par ce tour de passe-passe que la dette s’oppose à l’impôt.
14 Des voix s’efforcent néanmoins d’alerter le gouvernement et les Français. Le négociant Jean-Marie Froust dénonce en 1816 la spirale de l’endettement et condamne les engagements perpétuels : « Jamais les dépenses n’accroissent plus sensiblement dans un État que lorsqu’il a été obligé d’emprunter ». Il est convaincu que les emprunts « causent tôt ou tard le renouvellement de ces désastreuses circonstances qui ont jeté les gouvernements dans des secousses violentes [...] qui les ont presque tous impérieusement forcés de faire banqueroute [33] ». Charles Ganilh [34] est une autre de ces voix : « depuis un demi-siècle pour la sixième fois nous voyons la dette publique dépasser tous les moyens de l’acquitter [35] ». Le phénomène n’est pas propre à la France. La dette anglaise, par exemple, n’a cessé de s’accroître alors même que le pays est « celui qui s’est occupé avec le plus de soin du remboursement », insiste-t-il quelques années plus tard, concluant que « toute dette publique est de sa nature inextinguible [36] ». Le contexte économique et financier semble lui donner raison : depuis 1824, la Caisse a cessé de racheter les rentes, leur cours ayant atteint le pair grâce aux engagements bien tenus de l’État. Soutenu par le banquier Laffitte, qui trouve aussi dans l’opération un intérêt financier, Villèle propose alors une conversion obligatoire des rentes, puisqu’il est moins coûteux d’émettre de nouveaux emprunts à un taux inférieur afin de rembourser les anciens, que de racheter les rentes à un cours supérieur au pair ou de continuer à verser les mêmes arrérages [37]. L’objectif paraissant être aussi d’indemniser les émigrés « spoliés » par la Révolution, le projet déclenche un violent conflit politique, et est rejeté en 1824 par les Pairs. Les intérêts matériels [38] sont les principaux enjeux de ce débat qui met en évidence le poids politique et social du rentier, qui ne cesse de crier à la banqueroute déguisée, face au contribuable qui se fait alors peu entendre. L’État affirme ainsi son droit à alléger ses dettes [39] mais Villèle doit se contenter d’une conversion facultative en 1825 [40].
15 Malgré ses propos alarmistes, Ganilh souligne un « étrange phénomène » : l’énormité de la dette, « qui devrait avoir une si funeste influence sur la fortune des peuples [...], n’en a aucune, et peut-être leur a été plus favorable que contraire [41] ». Tout en illustrant la spirale de l’endettement qui guette les gouvernements, la référence britannique en minimise aussi les dangers et met en évidence ce paradoxe : ni la progression de la dette, ni celle de l’impôt, n’ont entravé ou paralysé la progression des richesses. C’est ce mystère qu’il essaie d’éclaircir, en invoquant le travail supplémentaire que doivent fournir les contribuables pour s’acquitter de l’impôt, et en reprenant l’argument classique selon lequel l’emprunt public n’absorbe « pas autre chose que des économies sans emploi [42] ». La preuve par le contraire : si le gouvernement ponctionnait des capitaux employés ailleurs, les travaux alimentés par ces capitaux cesseraient et la richesse diminuerait. Les arrérages versés stimulent la consommation, la production et favorisent le travail ouvrier. Alors qu’elle augmente et ne peut s’éteindre, la dette génère une circulation des capitaux qui est source de prospérité et d’enrichissement pour la Nation.
16 Élément central de la construction politique du régime représentatif, la dette de l’État est pour de nombreux auteurs [43] un moteur essentiel à la vie économique de la nouvelle société issue de la Révolution [44]. Au-delà des divergences politiques, le consensus sur les vertus du crédit public, né dans les années 1814-1818, survit donc aux difficultés de la Caisse d’amortissement [45]. Plus généralement, une vraie « religion du crédit [46] » apparaît alors, qui connaît sans doute son apogée en 1848.
1848 ou les « mystères du crédit »
17 Alors que les effets de la crise économique de 1846 et 1847 se font encore sentir dans le pays, la révolution de Février déclenche une violente crise financière et une paralysie du système de crédit [47]. Les incertitudes politiques et sociales détruisent la confiance retrouvée. Plus personne n’accorde foi aux titres, billets de banque ou effets de commerce, chacun essaie de céder ses papiers contre des espèces en or ou en argent. Les créanciers veulent récupérer leurs avoirs, les épargnants affluent dans les caisses d’épargne pour retirer leurs dépôts. Les caisses de commerce et d’escompte, dont la plus ancienne a été fondée en 1837 par Jacques Laffitte, sont obligées de suspendre leurs paiements. Le blocage du système et la pénurie monétaire paralysent les échanges, le commerce et l’industrie. Les faillites se multiplient et le chômage s’aggrave fortement. Pour éviter l’effondrement financier, le gouvernement est obligé début mars d’ajourner le remboursement des bons du Trésor, d’augmenter de 45 % les impôts, de décréter le cours forcé du billet de banque, et de limiter le montant des retraits des caisses d’épargne.
18 La gravité de la situation justifie la place centrale du crédit dans la presse et les textes imprimés. Nous l’avons souligné, jamais autant de brochures, essais, pamphlets ou poésies ne lui ont été consacrés. Dans La Presse [48], les mentions de crédit public, commercial, foncier, ou d’escompte, enregistrent un pic statistique. Si le suffrage universel semble légitimer l’intervention de chacun dans le débat [49], peu de représentants des milieux populaires chez les auteurs. Parmi ceux qui se présentent ou sont connus : un « commissionnaire en marchandises », un « propriétaire aux Batignolles », assisté de trois entrepreneurs, Bouvéry, un chef d’atelier de la Croix-Rousse, le directeur des Petites affiches de la Gironde, un « citoyen », des avocats, un imprimeur de Grenoble, le président du Tribunal civil de Dijon, ou des propriétaires-exploitants se qualifiant de « cultivateurs ». Venus d’horizons différents, tous partagent un même enthousiasme pour le crédit et s’expriment dans un langage métaphorique magnifiant ses vertus avant de développer leurs propositions.
La foi dans le Crédit Tout puissant
Crédit ! C’est le nom du sphinx moderne.
Crédit ! C’est le mot de l’énigme sociale.
Crédit ! C’est la loi nouvelle du monde nouveau.
Crédit ! C’est le lien de solidarité des peuples entre eux [50].
20 Le lyrisme d’Émile de Girardin [51] témoigne du pouvoir que l’on accorde au crédit en 1848. Principe d’organisation, moteur et lien social, loin d’être un simple outil technique et financier, c’est une puissance supérieure, un être hybride doté d’une « force prométhéenne [52] » sur lequel repose la société, qui lui donne vie et la maintient unie. Une grande ferveur se dégage de ce « poème » laudatif voire épique [53]. Il y a un « mystère du crédit » que l’économiste Charles Coquelin compare au mystère des langues : « Le Peuple qui crée les langues et qui les forme ne les comprend pas, du moins ne sait-il pas se rendre compte des lois qui les gouvernent [54]. » Il en est de même pour le crédit dont on saisit mal les principes de fonctionnement. Son absence lui ayant paradoxalement conféré une visibilité, il semble doté d’une puissance « magique ».
21 Il y a mystère, magie, miracle même, car il ne peut exister sans la confiance et relève d’un véritable acte de foi. Ainsi, les métaphores religieuses imprègnent-elles ces discours. Un certain Lambert publie en 1849 un Catéchisme du crédit foncier. « Un pauvre », dédiant son ouvrage à son abbé, rédige une véritable prière. « Crédit ! Qu’est-ce donc ? C’est la confiance, et qu’est-ce que la confiance ? C’est la FOI [55] ! » Et de s’émerveiller devant « ce fait surnaturel qui est la circulation, le Crédit, c’est-à-dire la foi [56] ».
22 En 1848, la « religion du crédit » est plus que jamais célébrée. Véritable « rédempteur du peuple [57] », le crédit est le nouveau messie. Partout, lit-on, il faut le faire réapparaître, renaître, ressusciter. « Fasse le ciel, maintenant, que la résurrection du crédit et la reprise du travail viennent marquer le terme définitif de cette effroyable crise que nous subissons depuis près de dix mois [58] ! » Dans ce contexte, ceux qui se battent pour le faire renaître mènent une véritable « croisade [59] ».
23 Cette ferveur quasi-religieuse étonne si l’on songe aux siècles de condamnation du prêt à intérêt, mais le paradoxe n’est qu’apparent. L’apologie se double, souvent dans les mêmes textes, d’une condamnation de l’usure. Pour prolonger l’analogie, l’usure est au crédit ce que le diable, qui n’est jamais qu’un ange déchu, est à Dieu ; et l’on ne saurait condamner Dieu parce que le diable existe. Comme il l’emportera sur le Mal, le crédit sauvera le peuple de l’usure. Les taux d’intérêt excessifs sont dénoncés, non le principe.
24 Difficile à cerner, le crédit se définit donc moins conceptuellement que métaphoriquement, par des images religieuses mais aussi militaires et industrielles. C’est « le champ de bataille de toutes les victoires pacifiques ». En permettant de produire en abondance, il « a vaincu la guerre, le bon marché a détrôné la gloire [60] ». Vision conquérante ambiguë : d’un côté, il contribue à pacifier les sociétés en substituant l’intérêt marchand à l’ambition militaire, mais de l’autre, il est à l’origine du pouvoir :
Le seul conquérant possible, au XIXe siècle, c’est le financier qui, nonchalamment accoudé sur son bureau et caressant de l’œil son livre de caisse, décrète la paix ou la guerre : c’est sur un mot d’ordre transmis aux courtiers, ses valeureux aides-de-camp, que les arsenaux s’animent, que les armées s’ébranlent, et que des peuples succombent [61].
26 Les analogies industrielles et énergétiques vont dans le même sens. Le crédit est au travail, affirme Émile de Girardin, ce que le combustible est à la machine à vapeur [62] ; il est aux sociétés industrielles ce qu’est la force motrice dans une usine [63]. Autre image, celle de « deux roues d’engrenage dont l’une fait mouvoir l’autre [64] ». Le crédit est au capital ce que le cours d’eau est au bras de l’homme et la vapeur à la rivière [65] : célébration de la modernité industrielle et de la puissance financière vont de pair. Très évocatrices, ces analogies éclairent cependant moins son rôle que les métaphores organiques.
La circulation du crédit : quand les métaphores organiques croisent les théories hygiénistes
27 La représentation organique de la société forme le postulat nécessaire pour comprendre la puissance attribuée au crédit. La société est perçue comme un corps vivant dont les organes, complémentaires et interdépendants, ont chacun une fonction essentielle. Cette vision est très répandue. Ainsi, les rédacteurs du prospectus de L’Artisan, journal de la classe ouvrière, paru le 22 septembre 1830, écrivaient-ils, fiers de leur participation aux Trois Glorieuses : « nous sommes maintenant la partie principale de cette société, l’estomac, qui répand la vie dans les classes supérieures revenues à leurs véritables fonctions de serviteurs ».
28 Traditionnelle [66], la métaphore a intégré les nouvelles connaissances physiologiques [67], en particulier les découvertes de William Harvey au XVIIe siècle sur la circulation sanguine. L’image s’est enrichie : un « fluide vital » parcourt le corps afin de lui fournir ce dont il a besoin. Véritable lien social, le flux vital est formé par le capital qui doit avoir « la propriété d’un fluide, afin qu’il puisse partout s’introduire comme aliment du travail [68] ». Lorsqu’il est en quantité suffisante et s’écoule bien, le corps social est en bonne santé : le capital est distribué aux différents organes qui l’utilisent pour produire des richesses qui vont à leur tour entrer dans la circulation et se diffuser. Quel est dès lors le rôle du crédit dans le flux ? Pour le dire vite, via les billets de banque, les effets de commerce, ou encore les rentes publiques, il pallie le manque chronique de numéraire et diffuse le capital en l’absence de monnaie réelle. « Le crédit ne crée donc pas du capital, ou de la monnaie, il accélère leur circulation. » Il agit comme une monnaie « fictive », comme une « promesse de monnaie [69] ».
29 Dans cette représentation, le crédit est à la fois ce qui s’écoule et le moteur qui accélère le débit. Grâce à ses billets se transmettant d’organe en organe, il régule les flux. Le thème de la circulation vitale est ancien [70] mais il s’est enrichi des idées hygiénistes. Comme l’eau et l’air dans les logements et dans la ville, la monnaie et le crédit ne doivent pas rester immobiles mais circuler. La richesse inerte est de « l’eau croupie [71] », elle est malsaine, porteuse de maladies. Seul ce qui est en mouvement est sain : il ne doit y avoir ni obstruction, ni engorgement, ni stagnation [72], ce qui, justement, s’est produit en 1848. Le crédit fait défaut et entraîne une atonie des échanges, le numéraire réel ou fictif n’alimente [73] plus les organes du travail, la société s’affaiblit et dépérit. Les faillites, actes de décès de l’entreprise, se multiplient. La vitalité de la société est menacée par la crise.
30 Comment l’expliquer ? La métaphore de l’organisme conduit à penser en termes pathologiques et médicaux les difficultés économiques. L’imaginaire biologique sous-tend les interprétations. Pour certains, « libéraux », la crise s’explique seulement par la peur de l’avenir née de la révolution. Le corps retrouvera de lui-même son équilibre, la circulation renaîtra naturellement une fois la confiance restaurée. Il faut donc rassurer politiquement et encourager, les solutions ne pouvant consister en des mesures coercitives. Créer des institutions de prêt parallèles pour remédier aux insuffisances momentanées fera disparaître les incertitudes. Le gouvernement s’oriente d’ailleurs dans cette direction, le nouveau ministre des finances Louis Garnier-Pagès signant dès le 7 mars un premier décret afin de créer des comptoirs d’escompte à Paris et dans toutes les villes qui le souhaiteraient [74].
31 Pour d’autres, l’analyse est différente : il y a dysfonctionnement. Les coupables sont les « accapareurs [75] » ayant gardé leur stock de numéraire chez eux après les journées de Février, et donc interrompu la circulation du numéraire. Certains ont seulement pris peur, mais d’autres sont de purs spéculateurs qui attendent la baisse des prix pour acheter rentes, actions ou propriétés. Cette interprétation, qui témoigne de la persistance de représentations d’Ancien Régime, rend le monopole des riches responsable de la crise économique et de la misère. L’équilibre et l’harmonie sociale sont détruits car l’un des organes, « l’aristocratie financière [76] », s’est arrogé un pouvoir au détriment des autres, a détourné à son profit le fluide vital, et l’empêche de s’écouler. Cette interprétation, « de gauche », conduit à des solutions volontaristes voire autoritaires car la société et le pays sont en danger. L’impôt pour faire sortir les capitaux qui se cachent et les remettre en circulation [77], la nationalisation, en faisant de l’État le seul intermédiaire entre le capital et le travail, ou la diffusion du crédit dans la société.
32 Ce qu’ont bien montré les linguistes se vérifie ici : les métaphores ne sont pas de simples illustrations pédagogiques destinées à faciliter la compréhension des abstractions [78]. Dans les années 1840, Bastiat s’était insurgé contre leur emploi parfois abusif. Évoquer « l’invasion » des produits anglais contribuait à ses yeux à déformer la réalité du commerce international en suggérant qu’en la matière il y avait des vainqueurs et des vaincus :
Quelle similitude est-il possible d’établir entre un vaisseau de guerre qui vient vomir sur nos villes le fer, le feu et la dévastation, — et un navire marchand qui vient nous offrir de troquer librement, volontairement, des produits contre des produits [79] ?
34 En substituant une image à une réalité ou une pratique, les métaphores contribuent en effet à transférer un « horizon de sens » dans le domaine qu’elles qualifient et modifient sa perception. Elles guident le raisonnement et d’une certaine manière, elles le délimitent [80]. Les représentations du crédit orientent l’interprétation de la crise et les remèdes à y apporter. Présenter la société comme un organisme naturel suggère implicitement qu’elle peut se réguler d’elle-même, sauf quand elle est attaquée par des parasites – les « accapareurs » — contre lesquels il faut lutter. Si le corps social s’apparente à une machine [81], il est susceptible de se dérégler et l’on doit intervenir pour le réparer. L’imaginaire oriente donc la pensée [82] et l’on glisse sans peine du descriptif au prescriptif [83].
Le crédit, la terre et la propriété
35 Compte tenu du champ métaphorique, la solution à la crise de crédit consiste logiquement à augmenter le débit du fluide, à injecter de nouvelles valeurs dans les échanges pour pallier l’insuffisance du numéraire. Or, en 1848, la méfiance envers le papier-monnaie est grande : la banqueroute de Law et les assignats, ces « grands désastres [84] », ont marqué les esprits. Tout en s’émerveillant devant la confiance qui suffit au crédit pour prospérer, les auteurs en refusent les aléas et lui cherchent des garanties. Il ne leur semble pas raisonnable de parier sur l’avenir : « il doit toujours avoir pour base des valeurs réelles, et se contenter de les faire concourir à la circulation [85] ».
36 On se tourne naturellement vers le sol. Dans une société majoritairement rurale ayant associé jusque-là la capacité politique à l’importance du patrimoine foncier, la valeur symbolique de la terre est forte, d’autant que le prix des terrains, en ville comme à la campagne, augmente régulièrement. Tout converge donc pour voir en la terre le socle inébranlable du crédit. C’est un gage « indestructible », « au lieu de ces valeurs mobilières, plus ou moins éventuelles, qui servent de garantie aux billets de banque ordinaire et autres valeurs de crédit [86] ». « Faire reposer le crédit sur la valeur immobilière, n’est-ce pas le rendre impérissable, comme la chose sur laquelle il est fondé [87] ? »« Si les émeutiers ou les cosaques passent sur le champ hypothéqué, ils n’enlèveront jamais que la terre qui restera attachée à leurs souliers [88] ». Le caractère éternel de la terre est transmissible : la pérennité physique du sol devient le signe de la pérennité de sa valeur [89].
37 Pour de nombreux auteurs, les banques territoriales ou foncières constituent le remède à la crise [90] : elles mettront en mouvement les richesses du sol et transformeront le capital fixe en capital circulant. « Moyen de donner la vie à ce qui est matière [91] », le procédé relève de l’alchimie. La terre deviendra « monnaie circulante tout en ne perdant rien de sa fécondité productive [92] ». Fondement du système, la propriété foncière donnera ainsi naissance à de nouvelles productions. En permettant aux propriétaires d’obtenir un prêt gagé sur leurs terres, et corollaire indispensable, en laissant circuler ces « billets [93] » comme de la monnaie, on résoudra la pénurie de numéraire, on diffusera le crédit dans les campagnes mais aussi dans les villes, car « la terre, les immeubles et les établissements industriels [94] » seront aussi appelés à servir de garantie. Suivant le même raisonnement, certains auteurs défendent les comptoirs d’escompte [95], d’autres les banques de dépôts grâce auxquelles les fabricants obtiendront des prêts gagés sur la valeur des marchandises [96], mais, dans leurs nombreuses variantes, la majorité des propositions repose sur le sol.
38 Les avocats de ces banques foncières leur trouvent d’ailleurs un deuxième atout : fonder un véritable système de prêts pour l’agriculture. Par manque de capitaux, de nombreux paysans sont en effet contraints de se tourner vers les usuriers [97]. La dénonciation de leur cupidité est un lieu commun, mais d’après F. Breton, « cultivateur », les pratiques usuraires résultent surtout d’un manque de crédit dans les campagnes. Contrairement à beaucoup d’autres, il ne condamne pas ces prêteurs sans appel. « L’usure produit trop souvent de grands maux, mais souvent aussi le capital obtenu par un emprunt peut sauver de la ruine une exploitation [98]. » Pour mettre fin aux abus, il convient de mettre le crédit à la portée de tous et non de punir plus sévèrement, mais les banques foncières ne constituent pas selon lui la solution. Privées ou contrôlées par l’État, elles sont en effet destinées non à ceux qui exploitent la terre mais à ceux qui la possèdent. Séparant nettement crédits foncier et agricole, Breton milite pour la création de véritables banques agricoles, accordant des avances aux cultivateurs après examen des résultats passés, moyennant des garanties sur les récoltes à venir. Pourtant, si le Crédit Foncier, reposant sur les prêts hypothécaires, est créé en 1852, il faut attendre longtemps avant qu’un crédit vraiment agricole ne soit instauré [99], le poids culturel et économique de la propriété foncière expliquant largement ce retard.
« Organiser le crédit, c’est organiser le travail [100] »
39 Là où les auteurs « libéraux » cherchent surtout des remèdes pour résoudre le manque de numéraire et de crédit, en particulier grâce à la mobilisation du sol, d’autres, « socialistes », veulent réformer la société. La métaphore organique suggère non seulement la complémentarité mais aussi la solidarité entre les organes, et le thème circulatoire implique que l’accès au crédit — sa démocratisation — soit perçu comme une diffusion dans le corps social, comme une redistribution dans les ateliers ou les exploitations agricoles. Moteur économique de la société, le crédit est à leurs yeux l’instrument essentiel de la réforme du travail. On ne songe guère, en revanche, à l’emprunt des petites gens pour sortir d’une mauvaise passe. Pour ceux qui n’ont rien, ou si peu, il y a le prêt sur gages au mont-de-piété, qui relève d’ailleurs de la bienfaisance. Démocratiser le crédit signifie en 1848 le rendre accessible aux travailleurs qui n’ont pas ou peu de garanties [101]. Sa nature est économique et sa finalité sociale : il contribue à augmenter la production et à mieux redistribuer la propriété afin d’empêcher son monopole. En favorisant la circulation du numéraire, il agit comme un outil de redistribution et acquiert une dimension politique. Il devient la clef de voûte de l’organisation du travail qui est à l’ordre du jour chez les ouvriers parisiens. Ces débats ne sont pas nouveaux [102] mais la révolution de Février, l’acuité de la question sociale et le développement des associations ouvrières de production mettent la question au premier plan. La réforme doit permettre de remplacer le gage matériel par la solidarité, principe du crédit mutuel. C’est l’idée centrale de la Banque d’échange fondée par Proudhon, dont l’objectif est d’instaurer la gratuité du crédit [103].
40 Cependant, les propositions sont souvent moins radicales. Le fouriériste Fontarive, par exemple, ne rejette pas le principe de l’intérêt mais il dénonce le monopole de l’aristocratie financière qui a créé un « échafaudage artificiel ». Il faut refonder le crédit et non le supprimer. « Le crédit n’a occasionné tant de désastres, que parce qu’il était faussement organisé ; son immense pyramide ne reposait que sur la pointe [104]. » Artifice/nature, vrai/faux, ces oppositions structurent sa démonstration. En renversant l’aristocratie financière, en détruisant son monopole financier, on peut donc « répartir équitablement le crédit » dans le pays. Il n’est pas mauvais en lui-même, ce sont « les charlatans du crédit » qui l’ont dévoyé et dénaturé en l’accaparant, en en faisant bénéficier uniquement le commerce, en créant des « ulcères », des « inflammations » sanguines : les villes. Les métaphores médicales servent à décrire le monopole, et l’image de l’organisme s’applique non seulement à la société mais aussi au territoire. Le territoire est un corps vivant dont l’harmonie est à promouvoir : le numéraire doit circuler librement partout. De même qu’il faut combattre le monopole des riches, il faut lutter contre l’accaparement géographique du crédit, et pour cela, mobiliser le sol « qui doit se multiplier de lui-même [105] ». On le constate, les enjeux économiques, politiques et sociaux de la réforme du crédit diffèrent selon les auteurs, mais les représentations métaphoriques se rejoignent.
41 Plusieurs conclusions se dégagent de nos deux éclairages. D’une part, le crédit est un sujet « plastique ». Les contours de cette question essentielle, qui occupe hommes politiques, acteurs économiques ou simples citoyens, ne sont pas d’emblée définis mais épousent les grands enjeux du moment. Centré sur la question du crédit public sous la Restauration, alors que les débats politiques et constitutionnels sont prioritaires, le thème a acquis une dimension essentiellement économique et financière en 1848. La priorité est alors de restaurer la confiance et de résoudre la crise du crédit qui paralyse la production et les échanges. Qu’il soit foncier, hypothécaire, immobilier ou commercial, ses déclinations sont essentiellement économiques. Le crédit est conçu comme un outil au service de la production et du commerce mais il s’imprègne aussi de l’ambiance démocratique et sociale : la démocratisation de la société et l’organisation du travail reposent sur la réforme du crédit. En 1848, le crédit est de tous les débats. Chacun trouve en lui en la solution aux problèmes du moment, politiques, économiques ou même sociaux, véritable « panacée universelle », pour reprendre la célèbre formule de César Birotteau.
42 Par ailleurs, pour penser et dire le crédit, le recours aux analogies et métaphores est constant. Les images et comparaisons utilisées conditionnent la réflexion et orientent le raisonnement. L’imaginaire du crédit se déploie autour d’une représentation organique de la société dans laquelle le crédit participe du flux vital. Ces images semblent largement partagées et s’adaptent facilement aux sensibilités politiques. Pour adopter une division schématique, la médecine économique des libéraux est simple, il s’agit de rendre liquides les richesses : convertir en capitaux circulants les capitaux fixes, transformer la richesse immobile en instruments de crédit. L’industrialisation de l’économie s’accélère, mais la terre demeure aux yeux de beaucoup la meilleure des garanties, le gage éternel. Pour les socialistes, la médecine sociale est simple également : il faut diffuser le crédit dans tous les organes sociaux, le laisser s’écouler partout, dans les fermes, dans les ateliers, en ville ou à la campagne. Opposition à nuancer, nous l’avons vu, la médecine sociale passant pour certains par la mobilisation du sol.
43 La plasticité du thème et le langage métaphorique expliquent, enfin, que le crédit fasse l’objet de discours apparemment contradictoires. Dans le même temps, on peut exalter le crédit public mais dénoncer l’ampleur de la dette publique, affirmer que le crédit c’est la confiance mais vouloir lui donner un gage impérissable et condamner les créanciers apeurés. Contradictions compréhensibles sans doute : en matière de crédit, soulignait André Cochut, « le mal est tellement mêlé au bien, que l’enthousiasme des uns est aussi excusable que les violentes récriminations des autres [106] ».
Notes
-
[1]
Projet d’une consolidation successive et à terme de la dette non inscrite, et d’une caisse d’amortissement propre à fonder un crédit à perpétuité, après l’extinction de la dette ; par M. le Mis de F****, Paris, J. G. Dentu, 1815, p. 17.
-
[2]
Natacha Coquery, Tenir boutique à Paris au XVIIIe siècle : luxe et demi-luxe, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011.
-
[3]
Laurence Fontaine, L’Économie morale : Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, 2008.
-
[4]
Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot : Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 2008, p. 152.
-
[5]
Leur histoire est bien connue, chaque grande banque ou établissement de crédit ayant trouvé son historien. Pour une vue générale sur la période, Bertrand Gille, La banque et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959.
-
[6]
Avec 34 titres, ce sont les années les plus prolixes : en 5 ans, on publie davantage sur le sujet qu’entre 1819 et 1830. Entre 1800 et 1813, les ouvrages, bien moins nombreux, traitent surtout de l’usure et de la légitimité du prêt à intérêt.
-
[7]
57 titres dans le catalogue de la Bibliothèque nationale sont consacrés au crédit en 1848, 50 en 1849, 54 en 1850.
-
[8]
Pour un aperçu de l’évolution de la recherche historique sur le sujet, nous nous permettons de renvoyer à l’introduction de ce dossier thématique, ainsi qu’à Claire Zalc et Claire Lemercier, « Pour une nouvelle approche de la relation de crédit en histoire contemporaine », Annales. Histoire et Sciences sociales, 2012/4, p. 979-1009.
-
[9]
Olivier Chaïbi, « Entre crédit public et crédit mutuel : un aperçu des théories du crédit au XIXe siècle », Romantisme, n° 151, 2011/1, p. 53-66.
-
[10]
Comme l’argent, le crédit est un ressort important du roman. Voir Alexandre Péraud, Le Crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier, 2012 ; Jean-Michel Rey, Le Temps du crédit, Paris, Desclée De Brouwer, 2002 ; id., Histoires d’escrocs : t. 1 : La vengeance par le crédit ou Monte-Cristo, Paris, Édition de l’Olivier, 2013 ; Romantisme, n° 151, 2011/1, numéro spécial consacré au crédit.
-
[11]
François Crouzet, « Les conséquences économiques de la Révolution française. Réflexions sur un débat », Revue économique », 1989, vol. 40, n° 6, p. 1193.
-
[12]
Francis Démier, La France de la Restauration (1814-1830) : l’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, 2012, p. 74.
-
[13]
Zheng Kanc, « Chapitre 4. L’État constructeur du marché financier », Pierre-Cyrille Hautcoeur (dir.), Le Marché financier français au XIXe siècle, vol. 1, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 159-194.
-
[14]
Louis-Jean-Baptiste Depoix.
-
[15]
Zacharie Galland.
-
[16]
Jean Andréau, Gérard Béaur et Jean-Yves Grenier, La Dette publique dans l’histoire, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006, Marie-Laure Legay La Banqueroute de l’État royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française, Paris, Éd. de l’EHESS, 2011.
-
[17]
« Vous devez avoir pour principe que la guerre doit nourrir la guerre » conseille-t-il au maréchal Soult en le nommant le 14 juillet 1810 général en chef de l’armée du Midi en Espagne. Cité par Pierre Branda, « Les finances et le budget de la France napoléonienne. La guerre a-t-elle payé la guerre ? » Revue du souvenir napoléonien, n° 457, janvier-février 2005, p. 25. Tant que l’Empire a été victorieux, ses campagnes lui ont permis d’entretenir les troupes et de rentrer dans ses frais.
-
[18]
Jean Gabillard, « Le financement des guerres napoléoniennes et la conjoncture du Premier Empire », Revue économique, t. IV, n° 4, juillet 1953, p. 560.
-
[19]
Duc de Lévis, Considérations morales sur les finances, Paris, A.-A. Renouard, 1816, p. 43.
-
[20]
Marquis de Saisseval, Des bases du crédit public, du budget de 1815, et plus particulièrement du mode adopté pour le paiement de l’arriéré, Paris, Impr. de Le Normant, s.d., p. 3.
-
[21]
Vital Roux, Analyse historique de l’établissement du crédit public en France, Paris, Bossange, 1824, p. 15.
-
[22]
Philippe Bezès, Florence Descamps, Sébastien Kott, Lucile Tallineau, L’Invention de la gestion des finances publiques : Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2010.
-
[23]
Baron de Jumilhac, Réflexion sur l’état des finances, sur le budget de 1816 et sur les moyens les plus propres à fonder le crédit public, Paris, Impr. De Leblanc, 1816, p. 4.
-
[24]
Michel Bruguière, La première Restauration et son budget, Paris, Librairie Droz, 1969.
-
[25]
Duc de Lévis, op. cit., p. 4.
-
[26]
Laffon-de-Ladébat, Des finances de la France, ou des Budgets de 1816 et des années suivantes..., Paris, impr. de A. Bailleul, 1816, p. 2.
-
[27]
Duc de Lévis, De l’état du crédit public en France au commencement de 1819, Paris, Pélicier, 1819, p. 7.
-
[28]
Sous l’Ancien Régime, le développement des privilèges et l’essor du crédit public sont allés de pair. L’insécurité juridique face à l’État se traduisant par des taux d’intérêt élevés pour la monarchie, celle-ci a emprunté par l’intermédiaire des corps qui inspiraient davantage confiance. Voir David D. Bien, « Les offices, les corps et le crédit d’État : l’utilisation des privilèges sous l’Ancien Régime », Annales. Économies, Sociétés, Civilisation, 1988/3, p. 379-404.
-
[29]
Félix Ponteil, Les Institutions de la France de 1814 à 1870, Paris, PUF, 1966, p. 50 ; Alya Aglan, Michel Margairaz et Philippe Verheyde (dir.), 1816 ou la genèse de la Foi publique : la fondation de la Caisse des dépôts et consignations, Genève, Droz, 2006, et en particulier, Francis Démier, « La Caisse d’amortissement dans les débats politiques de la monarchie constitutionnelle (de 1814 aux lendemains de 1830) », p. 95-119.
-
[30]
Mémoires de G.-J. Ouvrard : sur sa vie et ses diverses opérations financières, Paris, Moutardier libraire, 1827, p. 12. Émile de Girardin mentionne la lettre d’un certain Cabarrus ayant écrit à Lamartine le 8 mars 1848 : « N’oublions pas que l’impôt tue et que la dette vivifie : empruntons donc courageusement et ne regrettons pas d’enrichir nos prêteurs », La Presse, n° 4324, 13 mars 1848.
-
[31]
Girardin affirme que « c’est l’Emprunt, judicieusement compris, qui libérera la France ! » Plutôt que l’emprunt à court terme, plutôt que la dette flottante, « la dette perpétuelle est une force précieuse », « le balai qui peut nettoyer la place, le solde qui peut liquider le passif », La Presse, n° 4324, 13 mars 1848.
-
[32]
Ainsi, le propriétaire vigneron rémois Louis Dessain, dans son Projet pour la libération de la dette publique, Paris, Imp. de Ballard, 1815, a-t-il trouvé la solution pour « éteindre une dette énorme », « sans remboursement, sans augmentation de charges annuelles, sans aliénation de forêts royales » : il s’agit d’ouvrir un emprunt de deux milliards. Zacharie Galland propose, quant à lui, de faire appel au don « volontaire » des Français, mais en détaillant précisément ses modalités, son montant, et sa perception... Vœu d’un Français pour parvenir à payer la dette arriérée de l’État, sans augmentation d’impôts, Paris, L. Beaupré, 1814.
-
[33]
Jean-Marie Froust, Les Emprunts causent la ruine des États, Paris, Favre, 1815, p. 12.
-
[34]
Né en 1758, cet avocat entre en politique à la Révolution et participe activement au 18 Brumaire. Il devient spécialiste des questions financières et est élu député du Cantal en 1815, réélu en 1816 et 1819, et siège à gauche.
-
[35]
Charles Ganilh, Réflexions sur le budget de 1814, Paris, Déterville, 1814, p. 5.
-
[36]
Id., Dictionnaire analytique d’économie politique, article « Dette publique », Paris, Ladvocat, 1826, p. 203.
-
[37]
Il s’agit d’échanger 140 millions de rentes à 5 % contre 112 millions à 3 % avec un titre coté à 75 francs, les porteurs de rente à 5 % ayant le choix entre cet échange ou le remboursement au pair.
-
[38]
Intérêts contradictoires qui ne recouvrent pas une division simple entre aristocrates favorables à la conversion car désireux d’être indemnisés, et bourgeois libéraux porteurs de rentes et hostiles au projet. Bon nombre d’aristocrates – et de Pairs de France — sont de gros porteurs de rente (ainsi Chateaubriand). À l’inverse, les libéraux dénoncent largement une amputation des revenus des rentiers pour indemniser les aristocrates, mais d’autres, comme le banquier Laffitte, y voient le moyen de diminuer les taux d’intérêt pour le commerce et l’industrie.
-
[39]
Le remboursement est un devoir, « rien n’étant plus moral dans un gouvernement que de faire le bien de la masse des gouvernés » ; « tout débiteur a droit de se liquider » résume un « manufacturier », Réflexions d’un manufacturier sur quelques principes de crédit public, et sur le projet de remboursement, Paris, 1824, p. 32-33.
-
[40]
Le débat sur la conversion des rentes est tangent à notre sujet et nous entraînerait trop loin. Voir Christian Rietsch, « Le Milliard des émigrés et la création de la rente 3 % », dans Georges Gallais-Hamenno (dir.), Le marché financier français au XIXe siècle, vol. 2, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 209-227, et F. Démier, « La Caisse d’amortissement... », op. cit., p. 105-113. Un récit très vivant sous la plume de Jean Bouvier, Rothschild : histoire d’un capitalisme familial, Paris, Éditions Complexe, 1992, p. 82-88.
-
[41]
C. Ganilh, Dictionnaire..., op. cit., p. 205.
-
[42]
Ibid., p. 212.
-
[43]
Par exemple Laffon-de-Ladébat, op. cit. ; M. le Mis de F***, Projet d’une consolidation..., op. cit. ; anonyme, Du crédit et de la dette publique, ou encore un projet de réduction des rentes 5 pour 100, Orléans, Impr. de Danicourt-Huet, 1830.
-
[44]
La fondation des caisses d’épargne en 1818 est très significativement associée au crédit public : placés en rentes à 5 %, les dépôts sont rémunérés par la dette publique. Cf. Carole Christen-Lécuyer, Histoire sociale et culturelle des caisses d’épargne en France (1818-1881), Paris, Économica, 2004.
-
[45]
F. Démier, « La Caisse... », op. cit., p. 103.
-
[46]
Villèle, Archives parlementaires imprimées, 4 mars 1824, cité par F. Démier, « La Caisse... », op. cit., p. 103.
-
[47]
Pour une rapide analyse des aspects financiers et bancaires de la crise, P.-C. Hautcœur (dir.), Le Marché financier..., op. cit., p. 255-270, et Nicolas Stoskopf, « La fondation du comptoir national d’escompte de Paris, banque révolutionnaire (1848) », Histoire, économie et société, 2002/3, p. 395-401.
-
[48]
Nous avons intégralement dépouillé ce périodique pour l’année 1848.
-
[49]
Ainsi, l’auteur anonyme de L’Organisation du crédit foncier, écrit-il : « Le moment est venu pour tout citoyen qui a du cœur, du patriotisme et l’amour de ses frères, d’apporter au pays le tribut de son intelligence et le résultat de ses méditations. » (Paris, Imp. de P. Dupont, 1848, p. 1).
-
[50]
Émile de Girardin, La Presse, n° 4561, 21 décembre 1848.
-
[51]
Fondateur en 1836 de La Presse, premier quotidien meilleur marché grâce à la publicité, journaliste et député sous la Monarchie de Juillet député, Émile de Girardin est arrêté après sa participation aux journées de Juin, ce qui entraîne la suspension du périodique jusqu’en août.
-
[52]
Christophe Reffait insiste également sur cette emphase dans son « Avant-propos » au numéro de Romantisme consacré au crédit (n° 151, 2011/1, p. 3).
-
[53]
Au contraire, la littérature met en scène la « spirale mortifère du crédit ». Cf. Alexandre Péraud, « “La panacée universelle, le crédit !” (César Birotteau). Quelques exemples d’inscription narrative du crédit dans la littérature du premier XIXe siècle », Romantisme, 2011/1 (n° 151), p. 52.
-
[54]
Charles Coquelin, « Du crédit et des banques dans l’industrie », Revue des deux mondes, tome 31, 1842, p. 778.
-
[55]
Le Crédit retrouvé ; par un pauvre, Paris, Lecoffre, 1849, p. 10.
-
[56]
Ibid., p. 104.
-
[57]
É. de Girardin, La Presse, n° 4392, 22 mai 1848.
-
[58]
Id., La Presse, n° 4556, 16 décembre 1848.
-
[59]
Le Crédit retrouvé, op. cit., p. 93.
-
[60]
É. de Girardin, La Presse, n° 4434, 15 août 1848.
-
[61]
André Cochut, « Situation financière de la France », Revue des deux mondes, période initiale, t. 22, 1840. André Cochut est l’un des spécialistes d’économie de la revue depuis 1836. Il dirigera le mont-de-piété de Paris entre 1870 et 1885.
-
[62]
É. de Girardin, La Presse, n° 4300, 25 février 1848.
-
[63]
Id., La Presse, n° 4317, 7 mars 1848.
-
[64]
Id., La Presse, n° 4319, 9 mars 1848.
-
[65]
Id., La Presse, n° 4321, 11 mars 1848.
-
[66]
La représentation de la société par l’image du corps remonte à l’Antiquité. On songe à la Fable d’Esope, « L’estomac et les pieds » dont La Fontaine s’est inspiré, ou celle racontée par Menenius Agrippa assimilant la révolte des plébéiens contre les patriciens à l’émeute des parties du corps contre l’estomac. Cette traduction se renouvelle au Moyen Âge avec le christianisme, et à l’époque moderne avec la réflexion sur l’État et la politique. Émanant d’historiens, de linguistes ou de philosophes, la bibliographie sur le sujet est abondante. On consultera notamment Judith Schlanger, Les métaphores de l’organisme [1971], Paris, Éditions L’Harmattan, 1995.
-
[67]
Gianluca Briguglia, « Langages politiques, modèles et métaphores corporelles. Propositions historiographiques », L’Atelier du Centre de recherches historiques. Revue électronique du CRH, n° 1, 2008.
-
[68]
Bijleveld (avocat), De l’organisation du travail par un meilleur système de crédit, Paris, Guillaumin, 1848. p. 7 ; Signoret, Conseil aux électeurs... ou Projet d’organisation qui résout complètement la grande question sociale, ordre, confiance, travail, crédit..., Paris, chez l’auteur, 1849, affirme aussi que les « capitaux circulants » sont « l’âme et vie du corps social » (p. 50).
-
[69]
Bijleveld, op. cit., p. 8.
-
[70]
Ludovic Desmedt, « Money in the “Body Politick” : The Analysis of Trade and Circulation in the Writings of Seventeenth-Century Political Arithmeticians », History of Political Economy, 37/1 (2005), p. 79-100. Il est développé par les physiocrates au XVIIIe siècle (Quesnay était d’ailleurs médecin) et est très courant chez les Anglais à l’époque victorienne. Jean-Claude Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 ; Timothy L. Alborn, « Economic man, economic machine : images of circulation in the Victorian money market », Philip Mirowski (dir.), Natural images in economic thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 173-196.
-
[71]
Louis-Joseph Bouvéry, Causes de la misère et moyens pour la détruire, abolition de l’ignorance, de l’usure, de l’expropriation, de la faillite, de la prise de corps pour dettes..., Lyon, impr. de Dumoulin et Ronet, 1848, p. 17.
-
[72]
Ce liquide vital n’est pas toujours sanguin. L’eau joue parfois ce rôle : le crédit s’insère alors dans l’imaginaire de la nature. Dans ce champ métaphorique, on note des références à la fécondation et la fertilité. Le crédit, « symbole de la faculté reproductive de la nature » d’après L. Fontarive, Révolution sociale. Bases du crédit positif. Institutions de garantisme. Organisation du travail, des armées industrielles ; colonisation, Paris, Librairie phalanstérienne, 1848, p. 16. Girardin affirme aussi que le crédit « est au travail, ce que la semence est au sillon », La Presse, n° 4347, 6 avril 1848.
-
[73]
Les métaphores alimentaires s’associent logiquement à l’image organique. Le crédit, on l’a vu, est « l’aliment du travail ». « C’est du pain. La mort du crédit, c’est la faim, c’est la misère », M. J. de Lasteyrie, séance du 6 juin 1848 à l’Assemblée nationale constituante, retranscrite dans La Presse, n° 4408, 7 juin 1848.
-
[74]
Ce comptoir parisien est l’ancêtre de la BNP. Cf. Nicolas Stoskopf, op. cit., p. 395-411.
-
[75]
A. Bacqueville, « propriétaire aux Batignolles », Moyen proposé pour la crise financière, Paris, impr. de Hennuyer, p. 2.
-
[76]
J.-C. Lambert, Catéchisme du crédit foncier, Paris, Comon, 1849, p. 8.
-
[77]
Depouilly, De la Nécessité absolue de ramener le numéraire dans la circulation, d’établir le crédit sur de larges bases et des moyens d’y parvenir, s.l.n.d. (1848).
-
[78]
George Lakoff, Johnson Mark, Metaphors We Live By, Chicago, University of Chicago Press, 1980.
-
[79]
Frédéric Bastiat, « chapitre XXII. Métaphores », Sophismes économiques, première série (1845), consulté sur http://bastiat.org/fr/metaphores.html le 10 mars 2014.
-
[80]
Catherie Resche, « La métaphore en langue spécialisée, entre médiation et contradiction : étude d’une mutation métaphorique en anglais économique », ASp. la revue du GERAS, n° 35-36, 2002, p. 103-119.
-
[81]
Nous avons relevé les métaphores industrielles qui soulignaient la puissance énergétique du crédit, mais la représentation dominante de la société, dans les textes consultés, est celle d’un écosystème naturel et non d’une machine.
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[82]
Frank Boers, « “No Pain, No Gain” in a Free Market Rhetoric : A Test for Cognitive Semantics ? », Metaphor and Symbol, 4, 1997, p. 231-241 ; Donald McCloskey, « Metaphors Economists Live by », Social Research, vol. 62, n° 2 (summer 1995), p. 215-237.
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[83]
Francesca Rigotti montre par exemple comment le champ métaphorique de l’organisme dans le discours nazi, conduit à évoquer la menace des parasites sociaux et la nécessité de s’en débarrasser. Les métaphores architecturales de la destruction et de la reconstruction permettent aux marxistes d’envisager sans peine la formation d’une nouvelle société. F. Rigotti, « La théorie politique et ses métaphores », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 68, n° 3, 1990, p. 548-564.
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[84]
Bijleveld, op. cit., p. 9.
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[85]
Ibid., p. 11.
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[86]
François-Marie Dumons, Organisation du travail. Crédit foncier, agricole et industriel. Société universelle ou commanditaire. Recouvrements par l’État. Assurances générales terrestres et sur la vie. Éducation populaire, Paris, impr. de P. Faye, p. 7.
-
[87]
Lambert, op. cit., p. 46.
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[88]
Ibid., p. 50
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[89]
Dans un discours prononcé le 10 octobre 1848, Léon Faucher rejette l’idée d’un papier-monnaie fondée sur la terre, idée fondée sur l’illusion de la pérennité de sa valeur : celle-ci est conventionnelle et ne vaut que par la valeur du travail.
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[90]
Outre les projets évoqués dans les brochures, les Archives nationales conservent des dossiers de projets (cotes F/12/6826 et F/12/6829).
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[91]
Bacqueville, op. cit., p. 3.
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[92]
Lambert, op. cit., p. 46.
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[93]
À la différence du crédit hypothécaire obtenu grâce aux biens patrimoniaux mis en gage, les créances peuvent être échangées et transmises. Sur les projets du siècle des Lumières, Jean-Claude Perrot, « Aléas d’une innovation : les banques foncières au XVIIIe siècle », Une histoire intellectuelle, op. cit., p. 195-215.
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[94]
Lambert, op. cit., p. 35.
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[95]
Notamment Le Crédit retrouvé, op. cit.
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[96]
Conseil aux électeurs, programme des futurs représentants à l’Assemblée législative, ou Projet d’organisation qui résout complètement la grande question sociale, ordre, confiance, travail, crédit... par Signoret, commissionnaire en marchandises, Paris, chez l’auteur, 1849 ; H. B. Dasseville, Organisation du travail, de l’industrie et du crédit, seul moyen de sauvegarder les intérêts généraux des patrons et des travailleurs..., Paris, 1848, veut créer des magasins généraux de dépôts.
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[97]
Le poids et les effets de l’usure rurale sont en réalité difficiles à estimer. S’il est facile d’attribuer son manque de visibilité à la dissimulation des prêteurs, la réalité est complexe. Laurence Fontaine a montré que dans les vallées dauphinoises au XVIIIe siècle, la dette fonde l’appartenance à la communauté. Les taux sont élevés mais beaucoup de dettes ne sont jamais remboursées : les créanciers ne font pas toujours de bonnes affaires. Cf. Laurence Fontaine, « Espaces, usages et dynamiques de la dette dans les hautes vallées dauphinoises (XVIIe-XVIIIe siècles) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 49, n° 6, 1994, p. 1375-1391 ; Alain Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1998, p. 163-171 ; Frédéric Chauvaud, « L’usure au XIXe siècle : le fléau des campagnes », Études rurales, 1984/95-96, p. 293-313 ; et André Gueslin, « Usure et usuriers dans les campagnes françaises du XIXe siècle », Cahier des Annales de Normandie, n° 24, 1992, p. 135-144. Plus généralement, Gilles Postel-Vinay, La Terre et l’Argent. L’agriculture et le crédit en France du XVIIIe au début du XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
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[98]
Breton, op. cit., p. 49. L’ouvrage de ce défenseur du crédit agricole, est modifié et réédité quatre fois.
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[99]
André Gueslin, Les Origines du Crédit agricole (1840-1914), Nancy, Annales de l’Est, 1978. Les premières caisses de crédit agricole voient le jour à la fin des années 1880.
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[100]
M. L. Lechevalier, Moyen de rétablir et développer le crédit agricole, industriel et commercial, Paris, impr. de Schneider, 1848, p. 3.
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[101]
Les fondateurs de la Caisse des prêts des canuts de Lyon ne veulent pas qu’elle soit perçue comme une institution de secours mais comme une caisse d’investissement.
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[102]
Andrea Lanza, « Démocratie et propriété chez les premiers socialistes républicains français : les enjeux politiques de l’organisation du crédit », Histoire, économie et société, 2011/3, 30e année, p. 81-94.
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[103]
De février 1849 à avril 1849, date de sa liquidation, la Banque du Peuple reçoit plus de 13000 adhésions individuelles et celles d’une cinquantaine d’associations de production. Olivier Chaïbi, Proudhon et la « banque du peuple », Paris, Connaissances et savoirs, 2010 ; Cyrille Ferraton, David Vallat, « Une approche politique du crédit populaire : Pierre-Joseph Proudhon et le crédit mutuel », Cahiers d’économie politique/Papers in Political Economy, 2011/1 (n° 60), p. 45-65, Nathalie Ferreira, « Crédit et monnaie sociale chez P. J. Proudhon (1809-1865), Revue de philosophie économique, 2011/1, vol. 12, p. 91-116.
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[104]
L. Fontarive, op. cit., p. 16.
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[105]
Idem., p. 17.
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[106]
A. Cochut, « Situation financière... », op. cit., p. 80.