Notes
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[1]
Par « domestiques », on entend des travailleurs non qualifiés ou recrutés pour exécuter tout ce que leur maître leur commande. Nous avons donc exclu de cette étude la main-d’œuvre dite spécialisée. Les mots « engagé » et « domestique » sont employés ici comme synonymes. Précisons en outre que les dimensions du sujet évoluent. Durant les premières décennies du XVIIe siècle, le Canada recourt presque exclusivement à des engagés immigrants, faute d’une main-d’œuvre locale suffisante ; dès les années 1670-1680, en revanche, ils sont progressivement remplacés par une main-d’œuvre née au Canada. Cet article s’intéresse exclusivement aux domestiques recrutés au Canada : voir Arnaud Bessière, La domesticité dans la colonie laurentienne au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle (1640-1710), thèse en cotutelle de doctorat en histoire, multigr., Université Paris IV-Sorbonne et UQAM, 2007, p. 225. L’auteur tient à remercier Jean-Pierre Poussou, Valérie D’Amour et Cécile Bessière pour leurs commentaires, et Jeff Dungen pour son aide dans la traduction anglaise.
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[2]
Jean-Pierre Gutton, Domestiques et Serviteurs dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Aubier Montaigne, 1981.
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[3]
Pour le XVIIe siècle, voir Arnaud Bessière, La domesticité… ; pour le XVIIIe siècle, voir Sylvie Dépatie, « La famille et le marché de la main-d’œuvre dans les campagnes montréalaises en 1765 », dans Gérard Béaur, Christian Dessureault et Joseph Goy (dir.), Familles, Terre, Marchés. Logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (XVIIe-XXe siècles), Rennes, PUR, 2004, p. 251-260 ; Francine Barry, « Familles et domesticité féminine au milieu du XVIIIe siècle », dans Nadia Fahmy-Eid et Micheline Dumont, Maîtresses de maison, maîtresses d’école, Montréal, Boréal Express, 1983, p. 223-235.
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[4]
Voir à cet égard les observations de Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3 : La seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663. 2 : la société, Montréal, Fides, 1983, p. 60-65 ; ou celles plus récentes de Gervais Carpin, Le Réseau du Canada. Étude du mode migratoire de la France vers la Nouvelle-France (1628-1662), Sillery-Paris, Septentrion et Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, p. 301-307.
-
[5]
Jean-Pierre Poussou, « Salaires », dans Lucien Bély (dir.), Dictionnaire de l’Ancien régime : royaume de France, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2002, p. 1118.
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[6]
Nous avons couvert plus précisément la période 1640-1710. Avant 1640, l’activité locale de recrutement est pour ainsi dire insignifiante, l’essentiel de la main-d’œuvre provenant de la métropole : voir note 1.
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[7]
Le salaire de 12 domestiques est inconnu, soit parce que le notaire omet de le mentionner, soit parce que le contrat notarié est trop endommagé, soit enfin parce que le salaire n’est convenu entre les parties contractantes qu’après la signature du contrat.
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[8]
Tous ceux rétribués en billets ont été intégrés dans la catégorie des domestiques rémunérés en livres. Si, dans la plupart des cas, la valeur de ces bons billets solvables est connue, on ignore par contre en quoi ils ont été réellement échangés mais le fait que ce mode de paiement soit couramment associé aux espèces plaide en faveur d’un échange en numéraire. Sur la question des billets, voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France… , t. 3, p. 287-290. Par ailleurs, on ne sait pas précisément si tous les domestiques payés en livres uniquement étaient concrètement rémunérés en argent sonnant. En effet, on a relevé seulement 60 domestiques clairement rétribués en livres argent monnaie et 138 formellement payés en livres tournois. Tous les autres touchent un salaire en livres sans aucune autre indication. Il est possible que ces sommes aient été converties en marchandises plutôt qu’en argent sonnant car, rappelle Louise Dechêne, « la rareté de la monnaie métallique est générale à l’époque, mais plus accentuée dans les colonies ». Faute d’indices, on ne peut toutefois confirmer cette hypothèse. On a donc considéré qu’ils étaient tous payés en numéraire. Sur la question de la pénurie monétaire dans la colonie, voir Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, Paris, Plon, 1974, p. 133.
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[9]
Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec (BAnQ-Q), contrat du 4 mai 1687, greffe Rageot.
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[10]
Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal (BAnQ-M), contrats du 1er février 1684, greffe Maugue.
-
[11]
Notons que 83 % des domestiques engagés pour quelques mois, et payés en nature, doivent se nourrir à leurs propres frais ou en déduction de leur salaire. À l’inverse, à peine 9 % des domestiques recrutés un an et plus, et rétribués en nature, ne sont pas entretenus par leur employeur.
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[12]
Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 237.
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[13]
On parle ici de livres tournois du Canada (l.t.) dont Louise Dechêne précise qu’elles circulent pour 133 1/3 de leur valeur de France : voir Habitants et marchands… , p. 131.
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[14]
Sorte de bonnet utilisé à la campagne et en mer.
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[15]
C’est le cas de 173 domestiques parmi les 243 rétribués en espèces et marchandises. Pour les autres, le montant indiqué dans leur contrat englobe le prix de la ou des marchandises en question.
-
[16]
BAnQ-M, contrat du 8 février 1688, greffe Adhémar.
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[17]
Sur la question de l’assistance mutuelle dans la colonie, voir notamment l’étude de Robert-Lionel Seguin, La civilisation traditionnelle de l’ « habitant » aux XVIIe et XVIIIe siècles, Montréal, Fides, 1967, p. 260.
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[18]
D’après nos recherches, plus de 85 % des domestiques recrutés à la Rochelle pour le Canada étaient nourris par leur employeur : voir Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 237.
-
[19]
Si on se rapporte littéralement aux libellés des contrats en tenant compte uniquement de la clause sur le gîte, on constate que 27 % des domestiques (341 individus) n’avaient pas à s’en inquiéter. À l’exception de sept domestiques (dont cinq saisonniers), tous étaient également nourris à la charge de leur maître.
-
[20]
Tous les enfants placés par leurs parents, qui recevaient au terme de leur engagement des vêtements neufs, parfois une génisse, ou encore quelques livres, ont été inclus dans ce total.
-
[21]
Rappelons à cet égard que « plus de la moitié des enfants issus de pionniers au Canada sont nés entre 1670 et 1685, soit au cours des quinze ans qui ont suivi la décennie marquée par l’arrivée du plus grand nombre de pionnières » : voir Hubert Charbonneau et alii, Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au XVIIe siècle, Paris-Montréal, PUF et PUM, 1987, p. 83.
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[22]
Sur les 340 mineurs identifiés entre 1640 et 1710, 214 sont payés seulement en nature et 71 sont rémunérés uniquement en espèces. Parmi les 55 domestiques restants, 49 touchent un salaire en livres et en marchandises, trois en livres ou marchandises et un dernier en livres et services. On ignore le salaire de deux domestiques seulement. Soulignons que les mineurs payés en espèces sont, en moyenne, un peu plus âgés (14,5 ans) que ceux rémunérés en nature (10 ans). L’âge a peut-être joué dans le choix du mode de paiement mais cette information n’est pas systématiquement précisée dans les contrats. Elle est indiquée dans 60 % des cas pour les mineurs payés en argent monnaie et plus de quatre fois sur cinq pour les enfants rétribués en nature.
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[23]
Parmi les 340 mineurs mis en service par leurs parents 91 % étaient entretenus par leur employeur. Généralement, ceux qui n’étaient pas pris en charge par leur maître touchaient un salaire en espèces au fur et à mesure de leur service ce qui leur permettait probablement de subvenir à leurs besoins.
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[24]
Notons que celle des engagés immigrants est sauf exception de trois ans, d’où le nom de « trente-six mois », que les historiens utilisent pour les désigner.
-
[25]
BAnQ-Q, contrat du 18 janvier 1673, greffe Rageot.
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[26]
Le fait de répartir cette somme suivant le nombre de domestiques engagés peut être discutable puisqu’on ignore, à vrai dire, si le règlement était partagé équitablement entre les intéressés une fois leur service terminé. Cette opération a toutefois le mérite de donner au moins une idée du salaire que chacun d’entre eux était logiquement en droit de réclamer. Une trentaine de contrats de ce type ont été relevés. Il s’agit souvent d’engagements saisonniers.
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[27]
BAnQ-Q, contrat du 16 novembre 1684, greffe Duquet de La Chesnaye.
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[28]
Par exemple, Jean Beaumont est engagé cinq mois par Louis Petureau pour couper du bois, à raison de 25 sols pour chaque corde de bois (une corde vaut environ 4 stères). On ne sait toutefois combien de cordes Jean Beaumont a réalisées durant ces cinq mois de service. On ne peut donc estimer le salaire total qu’il a touché à la fin de son temps pas plus que son salaire mensuel (BAnQ-Q, contrat du 12 novembre 1684, greffe Rageot).
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[29]
Pierre Mureau, volontaire, accepte de travailler pour Étienne Blanchon, et d’aller défricher sur l’habitation de ce dernier deux arpents de terre à raison de 23 l.t. par arpent, soit 46 l.t. pour le tout (BAnQ-Q, contrat du 9 décembre 1666, greffe Rageot). Le notaire ne précise toutefois pas l’échéance de son contrat mais, si on se fie aux autres marchés de défrichement, tout porte à croire que Pierre Mureau a terminé sa besogne en moins d’une année. À titre de comparaison, Pierre Chamarre a été engagé pour quatre mois au service de René Réaume pour aller lui défricher deux arpents sur ses terres (BAnQ-Q, contrat du 23 décembre 1674, greffe Becquet).
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[30]
Nous avons pu calculer le revenu mensuel de 15 domestiques payés en livres et marchandises, ces dernières étant incluses dans le salaire initial, mais aussi de 20 serviteurs rétribués en monnaie ou marchandises, et enfin de 6 travailleurs rémunérés en nature uniquement, mais dont le prix des marchandises était clairement spécifié dans leur contrat. Ces ajouts portent à 271 le nombre total de salaires mensuels connus.
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[31]
Cette moyenne est calculée sur la base de 414 salaires soit : 345 rémunérations en monnaie uniquement ; 33 salaires en livres et marchandises, ces dernières étant incluses dans le montant initial ; 25 rétributions en livres ou marchandises ; 7 autres en billets ou marchandises ; et enfin 4 salaires en nature uniquement, dont le prix des articles fournis par l’employeur est spécifié dans le contrat.
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[32]
Selon nos recherches, leur salaire annuel moyen s’élèverait à 69 l.t. : voir A. Bessière, La domesticité… , p. 239.
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[33]
Louise Dechêne estime que le coût total d’un engagé français est de 475 l.t. ; ce montant inclus le salaire de l’engagé (environ 75 l.t. par an pendant trois ans), sa nourriture (60 l.t. par an) et le prix de son passage (60 l.t.) : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 63-64.
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[34]
Ces 60 l.t. valent pour l’aller et le retour : voir Gervais Carpin, Le réseau… , p. 189.
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[35]
Gervais Carpin souligne cependant que « les conditions étaient suffisamment intéressantes pour inciter plus d’un [engagé] à tenter le voyage » : voir Gervais Carpin, Le réseau… , p. 304.
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[36]
Dans plus de la moitié des cas, on a affaire à des mineurs mis en service par leurs parents. La plupart de ces jeunes sont rétribués en nature uniquement, ou en livres et marchandises.
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[37]
Ces moyennes cachent quelques exceptions. Par exemple, Jean-François Vandale, 14 ans, a été placé par sa mère, pour deux ans, chez François Hazeur, marchand bourgeois de Québec, en échange de 80 l.t. par année (BAnQ-Q, contrat du 11 juin 1700, greffe Chambalon). Inversement, Louis Coutansin, 18 ans, a été engagé pour six ans au service de Claude Charron, également marchand de Québec, pour 45 l.t. par année (BAnQ-Q, contrat du 30 octobre 1684, greffe Rageot). Dans les deux cas, la durée du contrat et la date de l’engagement nous semblent davantage justifier l’écart entre les salaires que l’âge des domestiques.
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[38]
Nous utilisons ici la même méthode que Marcel Trudel a appliquée en étudiant les salaires des engagés immigrants : voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3, p. 62.
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[39]
En utilisant le même critère de sélection, nous n’aurions retenu que 11 années pour l’étude des gages mensuels, toutes catégories de paiement confondus, soit seulement une de plus (1674) que dans le premier tableau.
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[40]
Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 224.
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[41]
Notons que la moyenne des salaires entre 1660 et 1669 est de 80 l.t. 10 s alors qu’elle est de 105 l.t. 10 s pour l’ensemble des années 1670. Précisons toutefois que nous avons relevé 79 salaires entre 1670 et 1679 alors qu’on en dénombre 19 seulement pour la décennie précédente. Cet écart pourrait donc justifier la différence entre ces deux moyennes dont la première, surtout, est à considérer avec réserve.
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[42]
Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 330-338.
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[43]
Nous ne nous expliquons pas en revanche l’augmentation de la moyenne des salaires calculée pour l’année 1688 et l’écart entre cette dernière et celle évaluée pour l’année 1689.
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[44]
Précisons que l’on compte 171 salaires pour Québec, 51 pour Montréal et seulement 8 pour Trois-Rivières. Les résultats obtenus sur la base de l’ensemble des salaires toutes catégories de paiement confondues sont identiques.
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[45]
À Montréal, ce constat apparaît d’autant plus ironique qu’avant 1655, souligne Louise Dechêne, « il vient des engagés, mais il n’y a pas de maîtres ». Rappelons que ces engagés ont été recrutés par la Société Notre-Dame de Montréal afin d’assurer la survie du poste et le dessein missionnaire qu’elle s’était fixé : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 52-53.
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[46]
En 1681, le gouvernement de Québec concentre 60 % de la population totale : voir Hubert Charbonneau, Yolande Lavoie et Jacques Legaré, « Le recensement nominatif du Canada en 1681 », Histoire sociale-Social History, vol. 3, n° 6 (1970), p. 79-81.
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[47]
Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3, p. 64.
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[48]
Sur les 340 mineurs mis en service par leurs parents 87 n’avaient pas 10 ans et étaient généralement rétribués en nature. Sur l’infirmité de certains domestiques, voir par exemple le contrat du 8 mars 1669 (BAnQ-Q, greffe Becquet) ; ces serviteurs perçoivent un salaire, en livres ou marchandises le plus souvent, bien en dessous de la moyenne générale. Dans les cas extrêmes, « si l’engagé devient inapte à servir, le maître obtient une annulation du contrat » : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 65.
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[49]
Le domestique peut, par exemple, être cédé à un autre employeur quand le maître n’a plus besoin de son employé, ou lorsque celui-ci devient une charge trop lourde à supporter. Plutôt que de lui donner son congé, le maître peut ainsi chercher à récupérer une partie des frais qu’il avait engagés en recrutant son serviteur. Louise Dechêne note également que « l’engagé est parfois cédé en même temps que la terre sur laquelle il travaille. L’acheteur rembourse au vendeur une partie des frais initiaux, acquitte immédiatement les dettes de l’engagé envers le premier maître, le cas échéant, qu’il déduira ensuite de ses gages pour le temps qui reste à courir ». Enfin, certains domestiques sont quelquefois mis au service d’une autre personne pour éteindre une dette de leur maître. Notons que les minutes notariales canadiennes ne constituent que la partie émergente de ces transactions. Les employeurs ont probablement mis leurs propres domestiques à la disposition de leur entourage sans que ces arrangements aient laissé de traces dans les archives : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 66 et Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 274-278.
1 En France, les domestiques ont déjà fait l’objet de quelques travaux importants à commencer par un ouvrage de Jean-Pierre Gutton [2]. Au Canada, en revanche, en dépit de leur importance, les historiens se sont peu intéressés à ce groupe particulier. En effet, par son labeur, cette main-d’œuvre salariée a contribué au développement des terres et seigneuries au Canada et, plus globalement, à l’implantation française dans la vallée du Saint-Laurent au XVIIe siècle [3]. Si l’étude de la domesticité a peu suscité l’intérêt des historiens – hormis le volet migratoire dans le cas des engagés immigrants communément appelés les « trente-six mois » – que dire de celle touchant spécifiquement le salaire de ces travailleurs ? Exception faite de quelques recherches sur les gages des engagés français, tout particulièrement ceux de La Rochelle [4], force est de constater qu’aucune analyse portant sur les salaires des domestiques recrutés spécifiquement au Canada n’a été réalisée jusqu’à ce jour. Certes, souligne Jean-Pierre Poussou, « les salaires sont un des domaines difficiles de l’histoire de l’Ancien Régime. D’une part, pendant longtemps les sources sont très éparses et il n’est pas possible de constituer des séries […]. D’autre part, beaucoup de travaux et d’activités sont rémunérés en nature, ce qui ne permet pas le plus souvent de les évaluer » [5]. Si cette dernière remarque vaut aussi pour les salaires canadiens, la première au contraire ne prévaut pas réellement pour la colonie du fait de l’excellente conservation des minutes notariales canadiennes. Aussi, sur la base de 1 207 engagements relevés dans cette source et contractés au XVIIe siècle [6], cet article examine-t-il les gages des domestiques recrutés dans la vallée du Saint-Laurent. Nous observerons tout d’abord les modalités de ces gages, puis leur évolution dans le temps ; nous procéderons ensuite à l’analyse de ces salaires en faisant part des problèmes méthodologiques rencontrés et en insistant sur les facteurs susceptibles de justifier les disparités observées. Précisons avant de commencer que, dans la mesure où les gages offerts par les employeurs ne sont pas nécessairement identiques lorsque plusieurs domestiques sont recrutés par un même contrat, cette étude est organisée non pas en fonction des contrats, mais plutôt en fonction des domestiques. Les 1 207 contrats d’engagement ont ainsi permis d’en identifier 1 311 au total.
Modalités des paiements des domestiques
2 Le salaire des domestiques identifiés dans les contrats canadiens est connu dans 99 % des cas [7]. Avant d’estimer la valeur de ces gages, il importe de distinguer au préalable les modalités de paiements (tab. 1). Au regard du tableau, il apparaît que la moitié des domestiques recrutés dans la colonie sont payés en espèces, et que le quart perçoit un salaire uniquement en nature [8]. Précisons que lorsque l’engagement est de longue durée, le règlement en nature se traduit généralement par l’entretien alimentaire et vestimentaire du domestique qui, à l’occasion, reçoit quelques minots de blé, un habit neuf complet, ou encore une taure pleine à la fin de son service. On a affaire ici, dans la majorité des cas, à des mineurs mis en service par leurs parents : 340 ont été identifiés au total. Si 80 % d’entre eux reçoivent quelques marchandises au terme de leur engagement, certains de ces produits pouvaient aussi être versés directement à leur famille [9]. Mis à part ces mineurs, les domestiques engagés pour le restant de leurs jours, treize en tout, ne touchent également que leur entretien en échange de leurs services [10]. Si le contrat n’est signé que pour quelques mois, l’employé ne perçoit habituellement que des marchandises, du blé surtout, ou des pelleteries dans certains cas, et il doit veiller lui-même à son propre entretien [11]. Ce premier constat tranche avec celui des engagés immigrants car ces derniers sont, sauf exceptions, rémunérés en numéraire [12]. Déduction faite de ces 973 domestiques, rétribués uniquement en espèces ou en nature, il reste encore à vérifier les caractéristiques salariales de 326 individus.
3 Parmi eux, le plus gros contingent touche un salaire en livres [13] et en marchandises. Ces articles se réduisent souvent, lorsqu’ils sont spécifiés dans les contrats, à une ou deux paires de souliers français ou sauvages, mais ils peuvent aussi renvoyer à toutes sortes de vêtements (chapeau, chemises, capot, culotte, tapabord [14], bas, etc.), ou à de simples pièces de tissus. Le blé, le tabac, l’alcool, les peaux de castors ou d’orignaux, ou encore quelques bovidés, telle la vache laitière ou la taure prête à vêler, servent également de moyen de paiement, et viennent s’ajouter à plusieurs règlements en espèces. Habituellement, la valeur de tous ces produits n’est pas comprise dans le montant initial des salaires, ce qui rend ardue l’évaluation globale des rétributions de chacun de ces domestiques [15]. Nous reviendrons sur ce problème plus loin. Cette forme de paiement permettait certainement aux employeurs de récupérer quelques deniers sur les gages de leurs employés, en gonflant simplement la valeur des produits qu’ils promettaient de leur fournir. Dans le cas des marchands, en particulier, le gain était non négligeable puisqu’ils fournissaient au prix du marché des marchandises achetées beaucoup moins cher. Ceci étant dit, le paiement en nature témoigne avant tout d’un problème récurrent dans la colonie : celui du manque de numéraire, pénurie qu’il fallait bien compenser par autre chose, telles des marchandises, des hardes, des bestiaux, ou tout mélange d’options, incluant celles qui viennent d’être énumérées.
Modalités de paiements selon le nombre de domestiques et de contrats
Modalités de paiements selon le nombre de domestiques et de contrats
4 Exception faite de ce groupe, une cinquantaine de domestiques dont les salaires étaient payés en livres/billets ou marchandises, en règle générale en argent ou hardes au prix du marchand, ont également été trouvés. On ignore en revanche si le choix du règlement revenait à l’employé ou au maître.
5 Enfin, signalons qu’en plus de toucher un salaire en livres, certains domestiques – 25 précisément – ont pu bénéficier à leur tour des services de leur employeur respectif, voire de certains privilèges. Par exemple, quand Guillaume Dumoyon s’engage pour un an chez Pierre Cardinal, habitant de Lachine, en échange de 129 l.t., son maître promet d’ensemencer pour lui au printemps suivant, « environ 4 arpents de terre en blé froment à Lachisne là où il lui indiquera à la charge audit Dumoyon de fournir des semences et de rendre 5 jours de son travail pour chaque journée de charrue qu’il fera lorsqu’il ensemencera les 4 arpents avec 4 bœufs » [16]. Ces échanges de bons procédés étaient certainement une bonne façon pour le maître de réduire le salaire de son employé et probablement la meilleure alternative sur laquelle se rabattaient tous ceux qui n’avaient pas les moyens de s’offrir les services d’un domestique [17].
6 Selon les contrats, les employeurs avaient la charge ou non de nourrir leurs domestiques en plus de leur verser un salaire. Toutefois, comparativement à ceux recrutés à La Rochelle [18], les domestiques canadiens étaient proportionnellement moins nombreux à bénéficier de cet avantage. En effet, à peine 58 % d’entre eux, soit 754 engagés exactement, étaient nourris à la charge du maître ce qui suppose, attendu les conditions coloniales, qu’ils étaient également logés par l’employeur, même si la clause du gîte n’est pas indiquée de manière explicite dans tous les contrats [19]. Inversement, 557 domestiques devaient se nourrir à leurs propres frais ou en déduction de leur salaire, mais 60 % d’entre eux n’étaient en fait engagés que pour quelques mois. Enfin, 20.5 % étaient entretenus de hardes, et 11 % ne payaient aucune dépense pour le blanchissage de leur linge. En combinant les besoins les plus élémentaires (nourriture, logement et habillement), on observe qu’un domestique sur cinq était pris en charge complètement par son maître durant toute la durée de son contrat. Mis à part une trentaine de cas, seuls les enfants placés par leurs parents chez un employeur pendant plusieurs années pouvaient bénéficier d’un tel traitement.
7 On sait qu’environ 44 % des domestiques étaient rémunérés au fur et à mesure de leur service et de leurs besoins. Près du quart n’étaient rétribués qu’au terme de leur contrat [20]. Cent vingt-six domestiques payés annuellement ou mensuellement ont aussi été identifiés. On peut supposer qu’ils touchaient tous leur salaire à la fin de chaque année ou de chaque mois que durait leur engagement, mais cette hypothèse ne peut être confirmée que pour treize travailleurs seulement. Outre ces trois groupes, près de 70 domestiques recevaient leurs gages suivant les clauses stipulées dans leur contrat. Quelques-uns étaient payés tous les trois mois, d’autres chaque semaine ou à la fin de chaque journée de travail. La plupart obtenaient cependant une partie de leur solde, souvent la moitié, dès leur entrée en fonction ou durant leur service, habituellement à une date fixée par les deux parties contractantes, et percevaient le surplus à la fin de leur engagement. Finalement, au terme de cet inventaire, il reste 181 domestiques pour lesquels on ignore la fréquence des paiements. Parmi eux, une soixantaine sont rémunérés en fonction de la tâche, c’est-à-dire selon le nombre de cordes de bois qu’ils avaient à couper, ou suivant la quantité d’arpents qu’ils avaient à défricher, mais leur contrat ne précise pas s’ils étaient rétribués au fur et à mesure de leur travail, ou seulement après que leur besogne avait été complètement terminée.
Évolution dans le temps des modalités de paiements
8 Avant de passer à l’analyse de ces salaires, il convient d’observer l’évolution dans le temps des modalités de paiements (tab. 2). Nous avons vu que près de la moitié des domestiques recrutés dans la colonie étaient payés en espèces. Cette méthode de paiement a été préférée à toutes les autres jusqu’à la fin des années 1690. Cependant, un changement de tendance s’est amorcé dès le début des années 1680 : à compter de cette période, les employeurs rémunèrent de plus en plus leurs domestiques uniquement en nature, à tel point qu’entre 1701 et 1710, cette forme de rémunération devient le mode de règlement le plus fréquemment utilisé. Pour comprendre ce changement, il faut regarder de plus près les caractéristiques de la main-d’œuvre locale. En fait, ce sont les enfants des pionniers que les maîtres tendent à recruter de plus en plus à partir des années 1680 et, surtout, des années 1690 [21]. À preuve, sur les 385 contrats d’engagement relevés entre 1691 et 1710, plus de la moitié concernent des mineurs, natifs de la colonie, mis en service par leurs parents. Or, ces jeunes enfants ou adolescents sont le plus souvent payés en nature. Il s’agit d’une main-d’œuvre bon marché que l’offre des immigrants peut difficilement concurrencer. Sur les 340 mineurs clairement identifiés dans la période étudiée, 80 % touchent un salaire totalement ou partiellement en nature [22]. Parmi eux, 20 % ne pouvaient prétendre à aucun gage, mis à part leur entretien [23]. Les autres étaient pris en charge par leur maître et obtenaient, au terme de leur contrat, quelques vêtements neufs et, une fois sur quatre, une vache à lait ou une génisse. Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi les règlements en nature ont augmenté de manière constante dès le début des années 1680.
Analyse des salaires et explications des disparités
9 La durée des contrats canadiens varie de quelques mois seulement à plusieurs années consécutives [24]. Pour procéder à l’analyse des salaires et mieux rendre compte de leurs disparités, il faut donc distinguer les domestiques « saisonniers », d’une part, et ceux recrutés pour une période minimale d’un an, d’autre part. Afin de comparer leur salaire avec ceux des engagés immigrants dont la plupart sont rétribués en espèces, il faut aussi isoler les travailleurs rémunérés en livres uniquement et calculer les gages mensuels ou annuels de chacun d’entre eux, à moins bien sûr qu’ils ne soient clairement spécifiés dans leur convention. En effet, tous les salaires ne sont pas automatiquement consignés dans les contrats sur une base mensuelle ou annuelle. Le montant indiqué peut parfois renvoyer à la somme totale des gages perçus par le domestique pour toute la durée de son engagement. Par exemple, quand Louis Lefebvre recrute Manuel Rodrigues en 1673 pour quatre mois, l’employeur propose de lui verser 60 l.t. en échange de ses services, soit 15 l.t. par mois [25]. Ces calculs élémentaires sont également nécessaires lorsque plusieurs domestiques sont engagés par un même contrat et que le notaire signale seulement le coût global de l’engagement plutôt que le salaire individuel de chaque employé. Dans ces conditions, il a fallu non seulement partager la somme totale mentionnée dans le contrat suivant le nombre de domestiques engagés, mais aussi diviser le résultat de cette opération par le nombre de mois ou d’années que durait l’engagement [26]. Ces ajustements sont particulièrement délicats lorsqu’il est question des salariés payés à la tâche. Par exemple, le 16 novembre 1684, Nicolas Marion, marchand de Québec, engage François Lavergne pour aller bûcher sur sa terre, dans un délai de quatre mois, 100 cordes de bois à raison de 20 sols par corde. S’il respectait parfaitement la commande de son maître, Lavergne était donc assuré d’empocher une somme de 100 l.t. à la fin de son contrat, soit un salaire mensuel de 25 l.t. [27].
Évolution des modalités de paiements entre 1640 et 1710
Évolution des modalités de paiements entre 1640 et 1710
10 Présentation faite de la méthodologie, penchons-nous à présent sur les résultats de la recherche en commençant par la répartition des salaires mensuels et annuels (tab. 3 et 4).
11 On peut tout d’abord identifier 477 serviteurs engagés dans la colonie pour quelques mois seulement. La majorité, près de 65 %, touche un salaire en espèces et les gages mensuels de 230 d’entre eux ont pu être déterminés. Par contre, il a été impossible d’établir le revenu mensuel de 77 individus. Dans certains cas, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’engagements payés à la tâche, des informations manquaient pour calculer la somme globale allouée à chaque domestique, opération préalable et essentielle pour évaluer ensuite leurs gages mensuels [28]. Dans d’autres cas, même si on savait que l’engagement était réalisé dans le cours d’une année et que le salaire global du domestique était connu, on ignorait en revanche le nombre de mois durant lesquels l’employé allait rester exactement au service de son maître. On ne pouvait, par conséquent, espérer déterminer le salaire mensuel de l’intéressé [29]. Malgré ces quelques exceptions, les 230 salaires mensuels relevés ou calculés donnent tout de même une bonne idée de leur diversité. Ils varient en effet de moins de 5 l.t. à plus de 45 l.t. par mois mais, dans 96 % des cas, le revenu mensuel de ces domestiques n’excède pas les 30 l.t. La moyenne de ces mensualités est de 17 l.t. 15 s, et le résultat est identique en la calculant sur la base de tous les salaires dont la valeur mensuelle est spécifiée ou mesurable [30].
12 En ce qui concerne les domestiques recrutés pour au moins une année (834 individus), il ressort que le plus gros contingent, 345 serviteurs exactement, touche uniquement un salaire en espèces (tab. 4). La fourchette des gages relevés varie de 5 à plus de 150 l.t. par année, et la moyenne de ces 345 salaires est de 93 l.t. 15 s Elle est en revanche un peu plus faible, soit de 90 l.t. 5 s, en tenant compte de tous les salaires dont le montant annuel est spécifié ou a pu être calculé [31]. Environ la moitié des domestiques gagne donc un revenu inférieur à ces moyennes mais, dans l’ensemble, ces premiers résultats tendraient à démontrer que la main-d’œuvre locale est mieux rémunérée que les engagés rochelais recrutés en qualité de domestique [32]. Or, même si les salaires des travailleurs locaux sont plus élevés que ceux des immigrants, la main-d’œuvre cana- dienne ne coûte pas réellement plus cher aux maîtres puisqu’ils n’ont pas eu à débourser les frais de passage de leurs employés [33]. Contrairement à ces derniers, en plus de verser un salaire à l’engagé immigrant, de le nourrir et de l’héberger, le maître doit également couvrir les coûts de la traversée du recruté évalués à 60 l.t. au minimum [34]. Ces dépenses additionnelles, inhérentes à l’embauche des immigrants, expliquent d’ailleurs que les engagements rochelais aient été plus longs que ceux contractés dans la colonie et, parallèlement, que les salaires aient été moindres [35], car il fallait bien que les employeurs amortissent ces charges pour rentabiliser leur investissement.
Répartition des domestiques recrutés dans la colonie laurentienne selon le salaire mensuel
Répartition des domestiques recrutés dans la colonie laurentienne selon le salaire mensuel
Répartition des domestiques recrutés dans la colonie laurentienne selon le salaire annuel
Répartition des domestiques recrutés dans la colonie laurentienne selon le salaire annuel
13 À partir de ces observations, il reste maintenant à comprendre les disparités dans les gages versés aux domestiques. On peut d’abord tenter de vérifier si le sexe et l’âge des serviteurs sont des éléments de variation dans les salaires. Pour les employés saisonniers, en particulier, la recherche tourne court car tous les individus concernés sont des hommes, à une exception près, et l’âge des travailleurs n’est que trop rarement précisé dans les contrats pour en tirer quelques conclusions que ce soit. Les résultats sont en revanche plus satisfaisants pour tous les domestiques recrutés le temps d’une année au moins. Commençons par l’âge des intéressés. On ne connaît cette information que pour 70 individus seulement parmi les 345 serviteurs rétribués en espèces uniquement [36]. Les âges relevés dans leur contrat varient de 8 à 24 ans. Le salaire moyen chez les 15 ans et moins (28 domestiques) est de 46 l.t. par année alors qu’il est de 81 l.t. 15 s chez les plus de 15 ans (42 serviteurs) [37]. On peut donc en déduire que l’âge des domestiques a eu une incidence dans la détermination de leur salaire, même si cette donnée n’est spécifiée que dans 20 % des cas. Le constat est identique en ce qui concerne le sexe des domestiques (tab. 5). Les résultats démontrent clairement que les hommes sont mieux rémunérés que les femmes, les gages des serviteurs masculins étant, en moyenne, et à peu de choses près, deux fois plus élevés que ceux versés aux servantes. Parmi les 50 femmes payées en espèces, 20 ont touché des gages supérieurs à la moyenne des salaires féminins évaluée à 54 l.t. 10 s Généralement il s’agit de veuves ou de femmes mariées engagées conjointement ou non avec leur mari au service d’un même employeur. Sur les 30 servantes dont les salaires sont inférieurs à 55 l.t. par année, 25 sont des jeunes filles mises en service par leurs parents. Par conséquent, l’expérience de conduire une maison justifierait ici les écarts entre les salaires observés parmi les servantes rétribuées en espèces. Le salaire moyen chez les hommes, payés uniquement en livres, est estimé à 100 l.t. 10 s, et un peu moins si l’on considère l’ensemble des salaires dont la valeur est spécifiée. Sur les 295 individus concernés, 137 ne gagnaient pas 100 l.t. par année. Parmi eux, 20 % sont des jeunes placés par leurs parents. La proportion de cette catégorie de domestiques n’est par contre que de 3 % à peine parmi ceux dont les salaires atteignent les 100 l.t. et plus par année. Les différences entre les gages de ces domestiques pourraient donc se justifier ici, en partie seulement, par la présence de jeunes garçons mis en service par leurs parents.
14 Outre l’âge et le sexe des domestiques, la nature et la durée des contrats peuvent également justifier les écarts entre les salaires. L’analyse des travailleurs saisonniers payés spécifiquement à la tâche démontre que plus un domestique a d’arpents à défricher, ou de cordes de bois à couper, plus son revenu global est élevé. Cependant, elle n’aide pas nécessairement à comprendre les différences dans les mensualités, car la durée de ces marchés s’allonge généralement à mesure que la tâche de travail réclamée par l’employeur augmente. Quel que soit le type de contrat, la durée de l’engagement n’explique pas ici les disparités dans les salaires mensuels, parce que les domestiques recrutés huit ou neuf mois peuvent très bien percevoir des mensualités égales ou supérieures à celles des travailleurs embauchés pour une période de moins longue durée, et inversement. Il semble toutefois en être autrement pour les domestiques recrutés un an au moins. En répartissant les gages annuels perçus par les 834 salariés locaux suivant la durée de leur contrat (tab. 6), on observe que la plupart des personnes rétribuées en espèces – 60 % environ – ne sont engagées que pour une année seulement. En outre, plus la durée de l’engagement est longue, moins les salaires annuels sont élevés et plus la proportion des règlements en nature augmente. Cette tendance se justifie en grande partie par la nature même du groupe des domestiques composé de plus en plus d’enfants natifs du pays, ainsi qu’on l’a observé précédemment.
Moyenne des salaires annuels suivant le sexe des domestiques
Moyenne des salaires annuels suivant le sexe des domestiques
15 La conjoncture économique peut-elle expliquer les disparités dans les salaires ? Pour le savoir, il faut observer l’évolution de la moyenne des salaires dans le temps (tab. 7 et 8). Afin de procéder à l’exercice, et pour que les résultats soient significatifs, la moyenne de chaque année doit toutefois être calculée sur la base d’un nombre minimum de salaires par année (dix au moins) [38]. Or, on ne relève aucun salaire certaines années. On ne dispose finalement que de dix années pour lesquelles les salaires mensuels connus sont assez nombreux ; quant aux domestiques recrutés un an au moins, neuf années seulement ont été retenues. En ce qui concerne spécifiquement les gages des travailleurs saisonniers, les moyennes obtenues pour chacune des dix années sont dans l’ensemble à peu près semblables et se rapprochent sensiblement de la moyenne générale (17 l.t. 15 s), excepté pour les années 1671, 1672, 1673 et 1684 où elles sont tantôt inférieures tantôt supérieures à la normale. Pour ce qui est des salaires annuels, les moyennes calculées pour chacune des neuf années retenues se distinguent toutes de la moyenne générale (93 l.t. 15 s), sauf pour l’année 1680. Le salaire annuel moyen est en effet largement dépassé dans les années 1674, 1678, 1688 et 1696. Au contraire, les gages offerts aux domestiques en 1670, 1682, 1684 et 1686 sont nettement en dessous de la moyenne. Le caractère disparate des rémunérations relevées pour chacune de ces années et surtout le nombre restreint d’années observées limitent l’analyse et ne permettent pas vraiment de dégager les grandes tendances de l’évolution des salaires. Pour essayer de résoudre ce problème, nous avons choisi de prendre en considération l’ensemble des salaires dont la valeur était spécifiée dans les contrats, peu importe le mode de paiement. On a toutefois procédé à cet exercice pour les gages annuels seulement car les résultats obtenus à partir des salaires mensuels se différenciaient peu du tableau 7 [39]. On dispose cette fois de 17 années dont les salaires connus sont suffisants (10 par année au minimum) pour procéder à l’examen de leur évolution (tab. 9). Là encore, mis à part l’année 1680, les moyennes calculées pour chacune de ces années se différencient de la moyenne générale évaluée, rappelons-le, à 90 l.t. 5 s, toutes catégories de paiement confondues. Le salaire moyen est dépassé durant la période 1671-1674, ainsi que pour les années 1678, 1683, 1688, 1701 et 1703. Au contraire, les gages offerts aux domestiques en 1670, 1682, 1684, 1686, 1687, 1689 et 1696 sont inférieurs à la moyenne. Globalement, ces résultats tendraient à démontrer que les employeurs ont eu plus de difficultés à recruter leur personnel au cours des années 1670 et 1700 que durant les années 1680. Toutefois, on ne voit pas comment la main-d’œuvre locale aurait pu manquer à ce point d’une décennie à l’autre d’autant qu’elle augmente à mesure que la population s’accroît [40]. Notons tout de même que les années 1670 constituent une phase transitoire qui pourrait, à elle seule, justifier les salaires élevés observés pour cette décennie. En effet, la main-d’œuvre locale n’est probablement pas encore tout à fait suffisante pour compenser la baisse de l’émigration vers le Canada qui s’amorce justement à partir de cette période. Cette situation a peut-être favorisé une diminution de l’offre de travailleurs dans la colonie et engendré une hausse du coût de la main-d’œuvre locale [41].
Répartition des contrats selon le salaire et la durée de l’engagement
Répartition des contrats selon le salaire et la durée de l’engagement
16 Les crises économiques qui secouèrent le pays paraissent aussi avoir eu un impact sur les salaires. On sait, grâce aux travaux de Louise Dechêne, que les prix du blé ont quadruplé entre 1685 et 1692 [42]. Cette crise majeure, la plus forte que la colonie ait connue depuis ses débuts, semble se répercuter sur les gages en 1686 et 1687 seulement, puisque le coût de la main-d’œuvre tend à diminuer [43]. De la même manière, le pays traverse à nouveau une phase difficile en 1696 ; malgré un court répit, elle s’amplifie de plus belle entre 1698 et 1701, car le prix du froment passe du simple au double dans l’intervalle de ces deux années. Contrairement à la crise précédente, cette période coïncide avec une augmentation des salaires, tendance qui semble d’ailleurs se prolonger par la suite, bien que le nombre de gages relevés pour chaque année comprise entre 1700 et 1710 soit peu élevé. Seulement 52 salaires ont été identifiés entre 1700 et 1710. La moyenne est de 106 l.t. 10 s pour cette décennie, alors qu’elle a été évaluée à 85 l.t. entre 1690 et 1699, sur la base de 65 salaires.
Évolution de la moyenne des salaires mensuels, en livres uniquement, selon l’année du recrutement
Évolution de la moyenne des salaires mensuels, en livres uniquement, selon l’année du recrutement
Évolution de la moyenne des salaires annuels des domestiques recrutés un an au moins, en livres uniquement, selon l’année du recrutement*
Évolution de la moyenne des salaires annuels des domestiques recrutés un an au moins, en livres uniquement, selon l’année du recrutement*
* Notons qu’on ne dispose d’aucun salaire pour 1644-1648, 1651-1653, 1658-1661, 1663-1665. Nous
avons éliminé toutes les autres années qui ne comptaient pas au moins dix salaires.
17 Enfin, au même titre que la conjoncture économique, le lieu du recrutement paraît également expliquer les écarts entre les salaires. En calculant la moyenne des gages mensuels et annuels selon que l’engagement a été contracté à Québec, Trois-Rivières ou Montréal, on constate effectivement que le salaire mensuel et annuel moyen des domestiques est plus élevé à Montréal et Trois-Rivières qu’à Québec (tab. 10 et 11) [44]. Même si ces moyennes cachent quelques exceptions, il en ressort tout de même que plus le lieu de recrutement est d’installation récente, plus les salaires sont élevés. En somme, la demande de travailleurs semble avoir été plus forte par rapport à l’offre à Montréal et à Trois-Rivières [45]. À Québec, au contraire, les employeurs eurent apparemment moins de difficultés à recruter leurs domestiques ce qui tendrait à confirmer que la réserve de main-d’œuvre, à l’image de la population, était plus abondante dans le gouvernement de Québec, que dans celui de Montréal ou de Trois-Rivières [46]. Le constat apparaît d’autant plus logique que Québec est le lieu d’arrivée des immigrants. Le nombre de salaires n’est malheureusement pas suffisant pour observer l’évolution dans le temps de leur moyenne selon le lieu du recrutement. Signalons néanmoins que les gages annuels relevés à Montréal, entre 1667 et 1710, se situent souvent au-dessus de la barre des 100 l.t. par année, quelle que soit l’époque étudiée. En revanche, ceux trouvés pour Québec sont beaucoup plus diversifiés, mais aussi plus nombreux, et leur évolution dans le temps concorde assez bien avec celle observée pour l’ensemble des salaires.
Évolution de la moyenne des salaires annuels – dont la valeur est spécifiée – des domestiques recrutés un an au moins selon l’année du recrutement
Évolution de la moyenne des salaires annuels – dont la valeur est spécifiée – des domestiques recrutés un an au moins selon l’année du recrutement
Moyenne des salaires mensuels suivant le lieu de recrutement
Moyenne des salaires mensuels suivant le lieu de recrutement
Moyenne des salaires annuels suivant le lieu de recrutement
Moyenne des salaires annuels suivant le lieu de recrutement
18 Dans l’ensemble, plusieurs facteurs peuvent expliquer les différences entre les salaires de la main-d’œuvre locale : la durée des contrats, le lieu du recrutement, la conjoncture économique, ou bien encore les caractéristiques physiques de la main-d’œuvre engagée. Bien entendu, au même titre que pour les engagés immigrants, « le marchandage peut aussi bousculer bien des barèmes » [47]. Une infirmité quelconque ou une faible constitution physique, évidente chez nombre de mineurs placés par leurs parents, ont aussi sûrement joué dans le choix et le montant des paiements [48]. Néanmoins, même s’il convient de les mentionner, ces éléments ne sont pas aussi simples à identifier dans les contrats et, contrairement aux cas qui viennent d’être exposés, il demeure difficile de mesurer leur impact sur les salaires des domestiques.
19 Au terme de cette analyse, il ressort que la part des domestiques rémunérés en nature, ou partiellement en nature, est loin d’être négligeable, et tend même à augmenter à mesure que l’on avance dans le temps. Cette évolution se justifie, en grande partie, par la composition même du groupe des domestiques constitué, de plus en plus, de mineurs natifs du pays, une main-d’œuvre bon marché que l’offre issue de l’immigration peut difficilement concurrencer, et qui témoigne de la consolidation de la colonie laurentienne. Si nous considérons les règlements en espèces, nous pouvons aussi constater que le salaire annuel moyen des domestiques canadiens était un peu plus élevé que celui des engagés immigrants recrutés comme serviteurs. Cependant, les maîtres n’avaient pas eu à débourser les frais de passage pour leurs employés puisqu’ils étaient déjà sur place. Par conséquent, ils ne coûtaient pas vraiment plus cher que les « trente-six mois » et, à partir du moment où la main-d’œuvre locale suffisait à la demande, les maîtres n’avaient plus à recourir aux services des immigrants. Outre ces aspects, nous avons vu également que les salaires des domestiques canadiens étaient assez disparates. L’explication de ces écarts tient à une combinaison de facteurs, tous aussi importants les uns que les autres, mais agissant à divers degrés selon les cas. Ainsi, les caractéristiques physiques de la main-d’œuvre, la durée de l’engagement, mais aussi la conjoncture économique et le lieu du recrutement sont les éléments qui eurent le plus d’incidences dans la détermination des salaires des domestiques. Enfin, en plus de leurs gages, environ 60 % des domestiques étaient nourris aux frais de l’employeur, constat qui les différencie ici des travailleurs immigrants puisque la plupart d’entre eux étaient entretenus par leur maître. Quelles que soient cependant les dissemblances, un point commun rassemble les domestiques canadiens et les engagés immigrants : tous étaient l’objet de diverses transactions, et qu’ils aient été recrutés dans la colonie ou en métropole, leur premier maître n’était bien souvent pas le dernier [49].
Notes
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[1]
Par « domestiques », on entend des travailleurs non qualifiés ou recrutés pour exécuter tout ce que leur maître leur commande. Nous avons donc exclu de cette étude la main-d’œuvre dite spécialisée. Les mots « engagé » et « domestique » sont employés ici comme synonymes. Précisons en outre que les dimensions du sujet évoluent. Durant les premières décennies du XVIIe siècle, le Canada recourt presque exclusivement à des engagés immigrants, faute d’une main-d’œuvre locale suffisante ; dès les années 1670-1680, en revanche, ils sont progressivement remplacés par une main-d’œuvre née au Canada. Cet article s’intéresse exclusivement aux domestiques recrutés au Canada : voir Arnaud Bessière, La domesticité dans la colonie laurentienne au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle (1640-1710), thèse en cotutelle de doctorat en histoire, multigr., Université Paris IV-Sorbonne et UQAM, 2007, p. 225. L’auteur tient à remercier Jean-Pierre Poussou, Valérie D’Amour et Cécile Bessière pour leurs commentaires, et Jeff Dungen pour son aide dans la traduction anglaise.
-
[2]
Jean-Pierre Gutton, Domestiques et Serviteurs dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Aubier Montaigne, 1981.
-
[3]
Pour le XVIIe siècle, voir Arnaud Bessière, La domesticité… ; pour le XVIIIe siècle, voir Sylvie Dépatie, « La famille et le marché de la main-d’œuvre dans les campagnes montréalaises en 1765 », dans Gérard Béaur, Christian Dessureault et Joseph Goy (dir.), Familles, Terre, Marchés. Logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (XVIIe-XXe siècles), Rennes, PUR, 2004, p. 251-260 ; Francine Barry, « Familles et domesticité féminine au milieu du XVIIIe siècle », dans Nadia Fahmy-Eid et Micheline Dumont, Maîtresses de maison, maîtresses d’école, Montréal, Boréal Express, 1983, p. 223-235.
-
[4]
Voir à cet égard les observations de Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3 : La seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663. 2 : la société, Montréal, Fides, 1983, p. 60-65 ; ou celles plus récentes de Gervais Carpin, Le Réseau du Canada. Étude du mode migratoire de la France vers la Nouvelle-France (1628-1662), Sillery-Paris, Septentrion et Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, p. 301-307.
-
[5]
Jean-Pierre Poussou, « Salaires », dans Lucien Bély (dir.), Dictionnaire de l’Ancien régime : royaume de France, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2002, p. 1118.
-
[6]
Nous avons couvert plus précisément la période 1640-1710. Avant 1640, l’activité locale de recrutement est pour ainsi dire insignifiante, l’essentiel de la main-d’œuvre provenant de la métropole : voir note 1.
-
[7]
Le salaire de 12 domestiques est inconnu, soit parce que le notaire omet de le mentionner, soit parce que le contrat notarié est trop endommagé, soit enfin parce que le salaire n’est convenu entre les parties contractantes qu’après la signature du contrat.
-
[8]
Tous ceux rétribués en billets ont été intégrés dans la catégorie des domestiques rémunérés en livres. Si, dans la plupart des cas, la valeur de ces bons billets solvables est connue, on ignore par contre en quoi ils ont été réellement échangés mais le fait que ce mode de paiement soit couramment associé aux espèces plaide en faveur d’un échange en numéraire. Sur la question des billets, voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France… , t. 3, p. 287-290. Par ailleurs, on ne sait pas précisément si tous les domestiques payés en livres uniquement étaient concrètement rémunérés en argent sonnant. En effet, on a relevé seulement 60 domestiques clairement rétribués en livres argent monnaie et 138 formellement payés en livres tournois. Tous les autres touchent un salaire en livres sans aucune autre indication. Il est possible que ces sommes aient été converties en marchandises plutôt qu’en argent sonnant car, rappelle Louise Dechêne, « la rareté de la monnaie métallique est générale à l’époque, mais plus accentuée dans les colonies ». Faute d’indices, on ne peut toutefois confirmer cette hypothèse. On a donc considéré qu’ils étaient tous payés en numéraire. Sur la question de la pénurie monétaire dans la colonie, voir Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, Paris, Plon, 1974, p. 133.
-
[9]
Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec (BAnQ-Q), contrat du 4 mai 1687, greffe Rageot.
-
[10]
Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal (BAnQ-M), contrats du 1er février 1684, greffe Maugue.
-
[11]
Notons que 83 % des domestiques engagés pour quelques mois, et payés en nature, doivent se nourrir à leurs propres frais ou en déduction de leur salaire. À l’inverse, à peine 9 % des domestiques recrutés un an et plus, et rétribués en nature, ne sont pas entretenus par leur employeur.
-
[12]
Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 237.
-
[13]
On parle ici de livres tournois du Canada (l.t.) dont Louise Dechêne précise qu’elles circulent pour 133 1/3 de leur valeur de France : voir Habitants et marchands… , p. 131.
-
[14]
Sorte de bonnet utilisé à la campagne et en mer.
-
[15]
C’est le cas de 173 domestiques parmi les 243 rétribués en espèces et marchandises. Pour les autres, le montant indiqué dans leur contrat englobe le prix de la ou des marchandises en question.
-
[16]
BAnQ-M, contrat du 8 février 1688, greffe Adhémar.
-
[17]
Sur la question de l’assistance mutuelle dans la colonie, voir notamment l’étude de Robert-Lionel Seguin, La civilisation traditionnelle de l’ « habitant » aux XVIIe et XVIIIe siècles, Montréal, Fides, 1967, p. 260.
-
[18]
D’après nos recherches, plus de 85 % des domestiques recrutés à la Rochelle pour le Canada étaient nourris par leur employeur : voir Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 237.
-
[19]
Si on se rapporte littéralement aux libellés des contrats en tenant compte uniquement de la clause sur le gîte, on constate que 27 % des domestiques (341 individus) n’avaient pas à s’en inquiéter. À l’exception de sept domestiques (dont cinq saisonniers), tous étaient également nourris à la charge de leur maître.
-
[20]
Tous les enfants placés par leurs parents, qui recevaient au terme de leur engagement des vêtements neufs, parfois une génisse, ou encore quelques livres, ont été inclus dans ce total.
-
[21]
Rappelons à cet égard que « plus de la moitié des enfants issus de pionniers au Canada sont nés entre 1670 et 1685, soit au cours des quinze ans qui ont suivi la décennie marquée par l’arrivée du plus grand nombre de pionnières » : voir Hubert Charbonneau et alii, Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au XVIIe siècle, Paris-Montréal, PUF et PUM, 1987, p. 83.
-
[22]
Sur les 340 mineurs identifiés entre 1640 et 1710, 214 sont payés seulement en nature et 71 sont rémunérés uniquement en espèces. Parmi les 55 domestiques restants, 49 touchent un salaire en livres et en marchandises, trois en livres ou marchandises et un dernier en livres et services. On ignore le salaire de deux domestiques seulement. Soulignons que les mineurs payés en espèces sont, en moyenne, un peu plus âgés (14,5 ans) que ceux rémunérés en nature (10 ans). L’âge a peut-être joué dans le choix du mode de paiement mais cette information n’est pas systématiquement précisée dans les contrats. Elle est indiquée dans 60 % des cas pour les mineurs payés en argent monnaie et plus de quatre fois sur cinq pour les enfants rétribués en nature.
-
[23]
Parmi les 340 mineurs mis en service par leurs parents 91 % étaient entretenus par leur employeur. Généralement, ceux qui n’étaient pas pris en charge par leur maître touchaient un salaire en espèces au fur et à mesure de leur service ce qui leur permettait probablement de subvenir à leurs besoins.
-
[24]
Notons que celle des engagés immigrants est sauf exception de trois ans, d’où le nom de « trente-six mois », que les historiens utilisent pour les désigner.
-
[25]
BAnQ-Q, contrat du 18 janvier 1673, greffe Rageot.
-
[26]
Le fait de répartir cette somme suivant le nombre de domestiques engagés peut être discutable puisqu’on ignore, à vrai dire, si le règlement était partagé équitablement entre les intéressés une fois leur service terminé. Cette opération a toutefois le mérite de donner au moins une idée du salaire que chacun d’entre eux était logiquement en droit de réclamer. Une trentaine de contrats de ce type ont été relevés. Il s’agit souvent d’engagements saisonniers.
-
[27]
BAnQ-Q, contrat du 16 novembre 1684, greffe Duquet de La Chesnaye.
-
[28]
Par exemple, Jean Beaumont est engagé cinq mois par Louis Petureau pour couper du bois, à raison de 25 sols pour chaque corde de bois (une corde vaut environ 4 stères). On ne sait toutefois combien de cordes Jean Beaumont a réalisées durant ces cinq mois de service. On ne peut donc estimer le salaire total qu’il a touché à la fin de son temps pas plus que son salaire mensuel (BAnQ-Q, contrat du 12 novembre 1684, greffe Rageot).
-
[29]
Pierre Mureau, volontaire, accepte de travailler pour Étienne Blanchon, et d’aller défricher sur l’habitation de ce dernier deux arpents de terre à raison de 23 l.t. par arpent, soit 46 l.t. pour le tout (BAnQ-Q, contrat du 9 décembre 1666, greffe Rageot). Le notaire ne précise toutefois pas l’échéance de son contrat mais, si on se fie aux autres marchés de défrichement, tout porte à croire que Pierre Mureau a terminé sa besogne en moins d’une année. À titre de comparaison, Pierre Chamarre a été engagé pour quatre mois au service de René Réaume pour aller lui défricher deux arpents sur ses terres (BAnQ-Q, contrat du 23 décembre 1674, greffe Becquet).
-
[30]
Nous avons pu calculer le revenu mensuel de 15 domestiques payés en livres et marchandises, ces dernières étant incluses dans le salaire initial, mais aussi de 20 serviteurs rétribués en monnaie ou marchandises, et enfin de 6 travailleurs rémunérés en nature uniquement, mais dont le prix des marchandises était clairement spécifié dans leur contrat. Ces ajouts portent à 271 le nombre total de salaires mensuels connus.
-
[31]
Cette moyenne est calculée sur la base de 414 salaires soit : 345 rémunérations en monnaie uniquement ; 33 salaires en livres et marchandises, ces dernières étant incluses dans le montant initial ; 25 rétributions en livres ou marchandises ; 7 autres en billets ou marchandises ; et enfin 4 salaires en nature uniquement, dont le prix des articles fournis par l’employeur est spécifié dans le contrat.
-
[32]
Selon nos recherches, leur salaire annuel moyen s’élèverait à 69 l.t. : voir A. Bessière, La domesticité… , p. 239.
-
[33]
Louise Dechêne estime que le coût total d’un engagé français est de 475 l.t. ; ce montant inclus le salaire de l’engagé (environ 75 l.t. par an pendant trois ans), sa nourriture (60 l.t. par an) et le prix de son passage (60 l.t.) : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 63-64.
-
[34]
Ces 60 l.t. valent pour l’aller et le retour : voir Gervais Carpin, Le réseau… , p. 189.
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[35]
Gervais Carpin souligne cependant que « les conditions étaient suffisamment intéressantes pour inciter plus d’un [engagé] à tenter le voyage » : voir Gervais Carpin, Le réseau… , p. 304.
-
[36]
Dans plus de la moitié des cas, on a affaire à des mineurs mis en service par leurs parents. La plupart de ces jeunes sont rétribués en nature uniquement, ou en livres et marchandises.
-
[37]
Ces moyennes cachent quelques exceptions. Par exemple, Jean-François Vandale, 14 ans, a été placé par sa mère, pour deux ans, chez François Hazeur, marchand bourgeois de Québec, en échange de 80 l.t. par année (BAnQ-Q, contrat du 11 juin 1700, greffe Chambalon). Inversement, Louis Coutansin, 18 ans, a été engagé pour six ans au service de Claude Charron, également marchand de Québec, pour 45 l.t. par année (BAnQ-Q, contrat du 30 octobre 1684, greffe Rageot). Dans les deux cas, la durée du contrat et la date de l’engagement nous semblent davantage justifier l’écart entre les salaires que l’âge des domestiques.
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[38]
Nous utilisons ici la même méthode que Marcel Trudel a appliquée en étudiant les salaires des engagés immigrants : voir Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3, p. 62.
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[39]
En utilisant le même critère de sélection, nous n’aurions retenu que 11 années pour l’étude des gages mensuels, toutes catégories de paiement confondus, soit seulement une de plus (1674) que dans le premier tableau.
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[40]
Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 224.
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[41]
Notons que la moyenne des salaires entre 1660 et 1669 est de 80 l.t. 10 s alors qu’elle est de 105 l.t. 10 s pour l’ensemble des années 1670. Précisons toutefois que nous avons relevé 79 salaires entre 1670 et 1679 alors qu’on en dénombre 19 seulement pour la décennie précédente. Cet écart pourrait donc justifier la différence entre ces deux moyennes dont la première, surtout, est à considérer avec réserve.
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[42]
Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 330-338.
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[43]
Nous ne nous expliquons pas en revanche l’augmentation de la moyenne des salaires calculée pour l’année 1688 et l’écart entre cette dernière et celle évaluée pour l’année 1689.
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[44]
Précisons que l’on compte 171 salaires pour Québec, 51 pour Montréal et seulement 8 pour Trois-Rivières. Les résultats obtenus sur la base de l’ensemble des salaires toutes catégories de paiement confondues sont identiques.
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[45]
À Montréal, ce constat apparaît d’autant plus ironique qu’avant 1655, souligne Louise Dechêne, « il vient des engagés, mais il n’y a pas de maîtres ». Rappelons que ces engagés ont été recrutés par la Société Notre-Dame de Montréal afin d’assurer la survie du poste et le dessein missionnaire qu’elle s’était fixé : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 52-53.
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[46]
En 1681, le gouvernement de Québec concentre 60 % de la population totale : voir Hubert Charbonneau, Yolande Lavoie et Jacques Legaré, « Le recensement nominatif du Canada en 1681 », Histoire sociale-Social History, vol. 3, n° 6 (1970), p. 79-81.
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[47]
Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, t. 3, p. 64.
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[48]
Sur les 340 mineurs mis en service par leurs parents 87 n’avaient pas 10 ans et étaient généralement rétribués en nature. Sur l’infirmité de certains domestiques, voir par exemple le contrat du 8 mars 1669 (BAnQ-Q, greffe Becquet) ; ces serviteurs perçoivent un salaire, en livres ou marchandises le plus souvent, bien en dessous de la moyenne générale. Dans les cas extrêmes, « si l’engagé devient inapte à servir, le maître obtient une annulation du contrat » : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 65.
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[49]
Le domestique peut, par exemple, être cédé à un autre employeur quand le maître n’a plus besoin de son employé, ou lorsque celui-ci devient une charge trop lourde à supporter. Plutôt que de lui donner son congé, le maître peut ainsi chercher à récupérer une partie des frais qu’il avait engagés en recrutant son serviteur. Louise Dechêne note également que « l’engagé est parfois cédé en même temps que la terre sur laquelle il travaille. L’acheteur rembourse au vendeur une partie des frais initiaux, acquitte immédiatement les dettes de l’engagé envers le premier maître, le cas échéant, qu’il déduira ensuite de ses gages pour le temps qui reste à courir ». Enfin, certains domestiques sont quelquefois mis au service d’une autre personne pour éteindre une dette de leur maître. Notons que les minutes notariales canadiennes ne constituent que la partie émergente de ces transactions. Les employeurs ont probablement mis leurs propres domestiques à la disposition de leur entourage sans que ces arrangements aient laissé de traces dans les archives : voir Louise Dechêne, Habitants et marchands… , p. 66 et Arnaud Bessière, La domesticité… , p. 274-278.