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Article de revue

L'autonomisation d'une discipline. La création de l'agrégation de science politique en 1971

Pages 95 à 116

Notes

  • [1]
    Cette rupture avec ce que Loïc Blondiaux nomme « une vision positiviste du progrès scientifique » reste à établir pour la « science juridique » ; le dossier présent s’intègre pleinement à cet objectif déjà clairement investi pour ce qui est de la science politique par les promoteurs de son histoire sociale et intellectuelle.
  • [2]
    Cf. l’ouvrage en guise de synthèse de nombreux travaux et recherches menés dans les années quatre-vingt, Favre, 1989 ; pour la période postérieure à 1945, Favre, 1985, plus spécifiquement 37 et suiv.
  • [3]
    Dammame, 1982 ; François, 1996.
  • [4]
    Voir l’article fondateur en guise de plaidoyer et à titre programmatique, utile, également, pour les nombreuses références auxquelles il renvoie, Blondiaux (à paraître) ; pour la science politique suisse cf. Gottraux, Schorderet, Voutat (à paraître).
  • [5]
    L’on a souhaité, pour cette étude, écarter le biais que pose la reconstruction par les protagonistes de leur investissement au cours d’entretiens ; le but de la recherche n’étant pas d’interroger la signification du regard porté et présenté à autrui par les principaux acteurs sur leur participation à ces événements ; Loïc Blondiaux a pu brièvement évoquer la faible importance que prennent les enjeux de la construction et la place de la science politique dans le récit des principaux fondateurs encore vivants, ibid.
  • [6]
    L’étude se présente comme un état transitoire de la recherche, qui méritera de plus amples développements mais dont on considère qu’ils ne sauraient invalider radicalement les principaux éléments proposés en l’espèce. L’on pense, notamment, au travail à mener sur les identités des principaux protagonistes.
  • [7]
    Voir pour une synthèse d’une des branches les plus dynamiques de la science politique contemporaine, Muller, Surel, 1998, ainsi que le n° spécial consacré aux « approches cognitives des politiques publiques » dont les deux auteurs précités en sont parmi les principaux promoteurs, Revue Française de Science Politique, 2000. Faut-il préciser, en l’espèce, les limites d’un tel emprunt : d’une part la mesure étudiée ne définit qu’une décision isolée qui ne fonde pas un véritable « programme d’action de l’État », d’autre part, ne peut, selon nous, lui être imputée une « matrice cognitive » spécifique. Sur les limites du recours systématique au « référentiel » cf. Chevallier, 1997b, 5-6.
  • [8]
    Leca, 1982, 653-677.
  • [9]
    Tunc, 1957, 71-78.
  • [10]
    Pour une relativisation de la domination des juristes dans la science politique française des années 1950-1960, cf. le point de vue défendu par Georges Lavau (1989, 133).
  • [11]
    Eisenmann, 1954.
  • [12]
    D’où jusqu’aux années 1980 (et parfois après), par un feedback étonnant, certains politistes-juristes, pour tenter d’échapper au pur formalisme du droit constitutionnel tout en continuant de rejeter l’utilisation de grilles d’analyses sociologiques alors développées par leurs collègues sociologues français (que ce soit l’individualisme méthodologique, la sociologie institutionnelle, constructiviste et/ou critique) vont alors recourir à un pis-aller : s’en tenir à une stricte présentation du structuro-fonctionnalisme et du systémisme américain développé dans les années 1960 et 1970. Le refus de toute grille sociologique pour l’analyse institutionnelle eût été une position épistémologique semble-t-il plus cohérente.
  • [13]
    Sur ce « passage à un positivisme techniciste » chez les administrativistes et pour le rappel de la nécessité d’une inscription du droit public au sein des sciences sociales : Chevallier, 1997a, 690 et 699.
  • [14]
    Cf. « l’évolution » des travaux de Gabriel Le Bras à l’approche plus formelle de Jean Gaudemet. Sur cette distance en forme d’ignorance, cf. Soubiran-Paillet, 1997, 141-163.
  • [15]
    Pierre Favre (1981, 89) note ainsi que « la science politique au sens étroit du terme y est peu présente ».
  • [16]
    Sur trois temps de la géographie électorale française, qui correspondent aussi selon ces auteurs, à trois modes d’interprétation et de réception du Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried, l’on renvoie à Blondiaux, Veitl, 1999.
  • [17]
    Publié en 1957, pour un aperçu, cf. Favre, 1981, ibid. , ainsi que Favre 1985, 37-41 ; plus spécifiquement, sur les modalités de diffusion de la technique des sondages d’opinion dans la science politique, qui permettent d’observer en arrière plan les enjeux sous-jacents et le cadre général des mutations de la discipline à partir du pôle IEP-FNSP, cf. Blondiaux, 1998, plus spécifiquement 452-481.
  • [18]
    Cette « science politique » se résume en fait jusqu’à l’après-guerre, au droit politique entendue comme théorie générale de l’État, et restreinte à une analyse historique et à l’étude du fonctionnement des institutions de la IIIème République, cf. Favre, 1989, ibid., 91-97. Si des professeurs de la faculté de droit assurent également des cours à l’École libre des sciences politiques, il ne s’agit que d’un simple changement de site et n’aboutit à aucune modification substantielle de l’approche envisagée. Le constitutionnaliste et historien du droit Adhémar Esmein enseigne ainsi de 1901 à 1913 l’histoire parlementaire et législative de la France depuis 1789 à l’École libre des sciences politiques, cf. Favre, 1989, ibid., 192-199.
  • [19]
    Insistant sur les limites de ce « foisonnement », François Goguel note ainsi que l’un des inconvénients « les plus évidents – dont on ne doit pas sous-estimer la portée – c’est que ceux qui se sentent vocation de politistes ne peuvent envisager de faire leur carrière uniquement comme tels », cf. Goguel, 1965, 91. Voir les nombreuses contributions au sein de ce numéro spécial en forme d’état des lieux.
  • [20]
    Cf. le numéro spécial cité.
  • [21]
    Surel, 1997, 155.
  • [22]
    Padioleau, 1982, 25, cité in Muller, Surel 1998, 57.
  • [23]
    S’ajoutent le marché du système national de la recherche dans les sciences sociales (demande d’État), le marché des biens culturels généraux, ainsi que le marché politique en tant que tel : Leca, 1982.
  • [24]
    Assemblée générale extraordinaire, séance du 30 septembre 1967, Bulletin du syndicat autonome du personnel enseignant des facultés de droit et de sciences économiques de l’État, 1967, 19 ; 1968, 50. [noté dorénavant BSA].
  • [25]
    Archives Sc. Po., Fonds François Goguel, FG13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, Commission pour l’organisation et le développement de la science politique en France, rapports-correspondances, document de synthèse février 1969.
  • [26]
    Elle se compose de MM. François Goguel (président), Maurice Duverger (droit), Marcel Merle (droit), Albert Mabileau (droit), Jean-Louis Quermonne (droit), Raymond Boudon (sociologie), François Bourricaud (sociologie), Georges Dupeux (histoire), René Rémond (histoire), Serge Hurtig et Jean Touchard (FNSP).
  • [27]
    Quatre réunions se sont tenues, les 9 et 19 décembre 1968, 18 et 25 janvier 1969.
  • [28]
    Séance du 10 février 1969.
  • [29]
    Lors des entretiens organisés le mois suivant par l’AFSP qui fête ses vingt ans d’existence, le débat sur l’état de la science politique en France qui prolonge ses premières interrogations, s’oriente sur ces questions de méthodes d’enquête et de collectes des matériaux, cf. AFSP, 1969, « L’État de la science politique en France », Entretiens du Samedi, mars, 10, cité par Blondiaux, 1998, 452, note.
  • [30]
    Lettre de François Goguel, 24 novembre 1969, archives Sc. Po., FG 13, Relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP, projet d’agrégation de science politique.
  • [31]
    Archives Sc. Po., ibid.
  • [32]
    Lettre d’Edgar Faure du 20 juin 1969.
  • [33]
    Sur cette distinction, cf. Favre, 1992, plus spécifiquement 6-10.
  • [34]
    Kington, 1984.
  • [35]
    Edgar Faure est reçu agrégé des facultés de droit, section de droit romain et histoire du droit en 1961. Aimant à se qualifier de « plus vieil agrégé de droit de France », il prolonge la liste des personnalités politiques qui, après un revers électoral, sont soucieuses d’embrasser la carrière universitaire, tels Pierre Mendès-France, ou Léo Hamon. Avec Georges Vedel, ce dernier l’avait encouragé à passer l’agrégation de droit public ou d’économie politique lui déconseillant « l’histoire du droit où il risquait d’être accueilli en intrus », ne suivant pas ces conseils, il fut reçu premier dans la section historique ; sur ces itinéraires, cf. Hamon, 1991, 394-396.
  • [36]
    Pour une présentation analytique de ces différents concepts l’on renvoie à Muller, Surel, 1998, 73 et suiv., et 143 et suiv.
  • [37]
    La loi d’orientation consacre les deux premiers principes : l’idéal de cogestion des universités par les étudiants et les professeurs, inauguré durant les mois de mai-juin à Paris et en province avec la création d’assemblées transitoires de gestion puis paritaires se substituant aux anciens « assemblées et conseils des facultés » réservés au corps enseignant, disparaît une fois la réappropriation des revendications et la canalisation des réformes par les autorités politiques. Ce processus de « normalisation » conduit les représentants des anciens « comités de grève » de nombreuses facultés à se désengager du processus de concertation, jugé dorénavant formel, dès décembre 1968.
  • [38]
    M. Duverger, A. Philip, cf. « La politique dans l’université », Le Monde, 5 septembre 1968, 8. Ces positions ne vont pas sans réaction, cf. le débat entre Edgar Faure et Georges Vedel, relaté par la presse: « "Il est naturel que les étudiants s’intéressent à la politique" écrit M. Edgar Faure à M. Georges Vedel », Le Monde, 10 août 1968, 12, ainsi que « Comme vous je pense qu’il est naturel et souhaitable que les étudiants s’intéressent à la politique répond M. Georges Vedel à M. Edgar Faure », ibid, 11-12 août 1968, 6. Sur l’ensemble de ces questions : Milet, 2000, 444-477.
  • [39]
    André Philip insiste sur la nécessité de « donner partout un enseignement politique et économique de base, permettant de former des citoyens responsables » (Le Monde, 5 septembre 1968, 8).
  • [40]
    Colin, « Les institutions sont tombées en poussière », Le Monde, 19 juin 1968, 11.
  • [41]
    Voir les lettres publiées pour servir au dossier : Paul Lagarde, Robert Kovar, Philippe Bloc, tous trois professeurs et maîtres de conférences agrégés à la faculté de droit et de sciences économiques de Nancy, « Maintenir un concours national sur épreuves… » ; Philippe Bern, Roger Schwartzenberg, assistants à la faculté de droit et de sciences économiques de Paris « …En le réformant » ; C. Chaumont, professeur à la faculté de droit de Nancy, « Supprimer cette consécration a priori… » ; Michel Beaud, « …qui paralyse les facultés », Le Monde, 11 juillet 1968, 18.
  • [42]
    Ces revendications participent aussi au courant politics, qui recouvre outre « des variations de l’état d’esprit national, des alternances parlementaires », « des campagnes de pression des groupes d’intérêts », tel que l’énonce Kington, cité in Muller, Surel,.1998, 73.
  • [43]
    Une trentaine d’agrégatifs sur 112 candidats qui ont signé le 15 mai la liste du concours, décident de boycotter le concours d’agrégation pour la section droit public et science politique ouvert en 1968, soutenus dans leur action par le PAN (mouvement Panthéon-Assas-Nanterre, ex-comité de grève-étudiant de la Faculté de droit de Paris), devant l’échec des revendications initiales d’une refonte globale du recours, une grande majorité de candidats à la rentrée universitaire de 1968 se positionnent en faveur d’une simple rénovation ; cf. « Agrégation de droit public, des candidats demandent le report du concours, Le Monde, 7 septembre 1968, 8, ainsi que « Controverse à propos de l’agrégation de droit public », Le Monde, 11 septembre 1968, 10.
  • [44]
    Le Monde, 11 juillet 1968, 10. Cette prise de position est secondée par un texte en des termes analogues signé par 43 agrégés de sciences économiques.
  • [45]
    Sur l’ensemble de ces questions et sur la gestion de la crise au sein des faculté de droit, cf. Milet, 2000, 446-449 et 461-462.
  • [46]
    Le projet de réforme reprend l’essentiel des propositions faites par le syndicat autonome des facultés de droit : suppression de l’épreuve écrite remplacée par une discussion sur travaux, spécialisation accrue mais avec conservation de la division en quatre sections (droit privé et sciences criminelles, histoire du droit, droit public et sciences politiques, sciences économiques), réduction des « leçons orales » et enfin modernisation de la section historique de « droit romain, histoire du droit » qui est transformée en « Histoire des institutions et des faits économiques et sociaux ».
  • [47]
    « Correspondance », Le Monde, 5 septembre 1968, 8.
  • [48]
    Wilson, 1983, 220-254.
  • [49]
    François Goguel écrit au nouveau ministre pour lui rendre compte de la mission impartie par son prédécesseur et lui indiquer les résultats, lettre non datée (mars 1970 ?), archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants, 1970-1981.
  • [50]
    Le président Pompidou a nommé Jacques Chaban-Delmas à Matignon (juillet 1969).
  • [51]
    Dans l’avant-projet, le ministère nomme le président qui propose ensuite trois membres qui proposent à leur tour trois autres membres, d’aucuns y décèlent un « risque d’arbitraire ». Le projet initial de l’AFSP tenait mieux compte de la nécessité d’une représentation diversifiée à vocation paritaire en optant pour la présence de deux professeurs de lettres-sciences humaines et deux directeurs d’études ou de recherches FNSP ou professeurs dans un IEP aux côtés des deux professeurs issus des facultés de droit. L’avant-projet restreint cette pluridisciplinarité.
  • [52]
    Rapport concernant le projet de création d’une agrégation de science politique, 10 février 1970, archives Sc. Po., FG9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [53]
    Cette situation va être modifiée après 1968. Au moment des discussions, cette modification n’est pas encore perceptible. Il est resté réservé face au mouvement étudiant, sans toutefois recourir à une opposition systématique tel qu’il a pu apparaître dans sa branche des facultés de Lettres.
  • [54]
    Un juriste note ainsi que « sur la plupart des points de fond, le syndicat autonome s’oppose radicalement au SNESUP, dont les conceptions « anti-élitistes » traduisent d’ailleurs surtout les vues d’assistants ambitieux, ayant en général échoué à l’agrégation, ce qui leur semble une qualification pour obtenir une « chaire » (ou quelque chose d’équivalent) par une autre voie, et de maîtres-assistants », in Correspondance du 31 janvier 1970, archives Sc. Po., FG13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique.
  • [55]
    Les notes manuscrites prises par François Goguel sur le déroulé des réunions montrent que la question est directement abordée par la commission : deux risques opposés sont soulevés : la nomination du président par le ministre pouvant être sujette à caution ; l’élection du président pouvant à l’inverse susciter des querelles entre facultés et entre syndicats, ibid.
  • [56]
    Communiqué reproduit dans Le Figaro du 21-22 mars 1970, 7, et Le Monde du 27 mars 1970, 9.
  • [57]
    Publié dans Le Monde, 5-6 avril 1970, 10.
  • [58]
    Lettre du 22 mars 1970 adressée par le secrétaire général du syndicat autonome au ministre, cf. Conseil syndical du 30 mai 1970, BSA, 20-21-22 (années 1968-1969-1970), 1970, 118. Il constate avec regret le manque de réaction des autorités.
  • [59]
    Dans sa réunion du 22 février 1969, le Conseil syndical avait rappelé déjà la motion votée par l’Assemblée générale des 13 et 14 septembre 1968 en faveur des réformes sur les fonctions, recrutement et voie longue des maîtres-assistants, arch. du rectorat de Paris, Fonds Boulet-Sautel, 22 février 1969, document A.64.
  • [60]
    La section locale du SNE-Sup de l’Université d’Aix-Marseille fait savoir qu’une « fraction non négligeable » de ses membres est en « désaccord total » avec cette position rendue publique émanant de son syndicat.
  • [61]
    Percent parfois, au détour des réflexions, des réflexes corporatifs : un juriste publiciste considère ainsi que ces nouveaux agrégés de science politique devraient de manière privilégiée enseigner dans les IEP, ce qui revient à accorder aux juristes le monopole de cet enseignement dans les universités de sciences juridiques et sociales ; de même, un Conseiller d’État souhaite que les anciens élèves de l’ENA, quels que soient leurs diplômes, puissent être admis à concourir. Pour saugrenue qu’une telle proposition puisse apparaître, la logique de déviation de l’ENA, de formation d’une élite administrative vers l’élite politique, alors même qu’aucun enseignement de « science politique » n’avait, jusqu’à une période récente, été instaurée dans le concours d’entrée, démontre l’isolement et la faible légitimité de la discipline dans certains champs (journalistique, administratif, politique). Une telle proposition (largement remaniée), eût pu contribuer, sous cet angle, à modifier ce rapport distant. La « science politique et administrative » a été intégrée parmi les options possibles de la cinquième épreuve du concours externe de l’ENA, cf. décret du 13 octobre 1999, JO, 14 octobre 1999, 15335-15336.
  • [62]
    L’on précise bien que cette opposition reste transversale, elle ne recoupe pas le choix en faveur ou à l’encontre de l’instauration du concours. Outre l’enjeu de la professionnalisation, d’autres facteurs expliquent le ralliement de sociologues et de chercheurs au projet : sur les diverses contraintes cf. plus loin.
  • [63]
    Cette dénomination s’appuie sur les différentes « cultures » des universitaires définies par Burton Clark, cité, de manière critique, par Pierre Bourdieu.
  • [64]
    Cette affirmation demande à être étayée ; le corpus utilisé (les correspondances adressées, les participants au processus de réforme) n’offre qu’un cadre restreint à l’analyse, celui des acteurs les plus impliqués. Seule une étude plus systématique pourra permettre de confirmer ou d’infirmer cette lecture.
  • [65]
    Cf. les correspondances de Jean Imbert, Guillaume Matringe, Charles Morazé, Jean-Marie Mayeur. Ce dernier note toutefois, ce qui étaye le clivage noté plus haut, qu’il aurait préféré le choix d’une liste d’aptitude, considérant que ce système « favorise le travail de recherche », arch. cit., correspondance 23 novembre 1969.
  • [66]
    Rapport concernant le projet de création d’une agrégation de science politique, 10 février 1970, archives Sc. Po.; cf. aussi le compte rendu des travaux de la commission Goguel, in BSA, n° 20-21 et 22 (années 1968-1969-1970), 1970, 94-95.
  • [67]
    Les épreuves sont allégées.
  • [68]
    FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, document de synthèse de la « commission AFSP », février 1969, 3.
  • [69]
    Arch. cit., Rapport concernant la création… 10 février 1970.
  • [70]
    FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, lettre de Jacques Lautman à François Goguel, 30 janvier 1970. Il précise « Cependant nos sections des facultés de Droit sont moins hostiles que ne l’avaient été celles des facultés des Lettres et de sciences devant des propos avancés, il y a un an à peu près, par un membre du Cabinet d’Edgar Faure… ».
  • [71]
    Dans son rapport au ministre François Goguel précise qu’un tel système a été rapidement abandonné au cours des discussions. D’une part des candidats sérieux pourraient renoncer compte tenu des risques afférents à la possibilité d’être reçus sans pour autant obtenir de poste, d’autre part, un tel système serait susceptible de susciter des candidatures opportunistes venant de journalistes et de personnalités politiques soucieux d’obtenir un simple titre pour le prestige sans intention d’épouser la carrière universitaire.
  • [72]
    Arrêté du 9 juillet 1971 portant modification de l’arrêté du 31 mars 1969 relatif à la réglementation du concours d’agrégation de droit et de sciences économiques, Journal officiel, septembre 1971, 9557, modif. 9875.
  • [73]
    Cf. la lettre de Serge Hurtig à Jean-Claude Casanova, 7 juillet 1980, archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [74]
    Article 3 de l’avant-projet.
  • [75]
    Bien plus la logique de l’avant-projet, qui dispense de cette sélection par le jury les titulaires d’un troisième cycle ayant reçu l’équivalence avec la thèse complémentaire (article 4 de l’avant-projet), aboutit même à des absurdités : comme le fait remarquer un correspondant à François Goguel, un titulaire d’une thèse d’histoire de l’art pourrait ainsi de droit être admis à concourir alors même qu’un politiste titulaire d’une thèse de 3ème cycle « mention études politiques » devrait se soumettre à présélection…
  • [76]
    Les reçus au concours d’agrégation sont nommés « maîtres de conférence agrégés » avant la titularisation définitive comme « professeurs agrégés ».
  • [77]
    Cette nécessité a pu même être énoncée par les tenants de l’histoire politique, René Rémond notait ainsi en 1965, que « de l’intelligence historique, la science politique peut attendre d’abord la confirmation de sa réaction initiale et spontanée contre une vue trop formelle, trop exclusivement juridisante des phénomènes politiques », cf. Remond, 1965, 51.
  • [78]
    Il poursuit : « la science politique est trop différente du droit – et souvent trop contestée par lui – pour qu’une telle procédure donne des résultats valables », archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [79]
    Lettre d’un professeur de droit, membre de l’AFSP à François Goguel, 22 novembre 1969, archives Sc. Po., FG 13 , relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, correspondances. À l’étape de nos recherches, il n’est pas possible de caractériser cet investissement de juristes dans la science politique ; au regard de la position universitaire et disciplinaire des principaux intervenants et intéressés au processus de création d’une agrégation spécialisée, il semble que l’hypothèse d’une voie de sortie pour des juristes « dominés » soit invalidée. L’on suit sur ce point les remarques de Bastien François qui s’appuie notamment sur le nombre de postes ouverts à l’agrégation de droit public pour mettre en doute la validité de l’analyse bourdieusienne menée par Pierre Favre qui ferait de cet investissement politiste un choix stratégique de nouveaux « entrants » face à un « champ saturé », cf. François, 1996, 112 ; Favre, 1985, 38.
  • [80]
    Résolution sur l’agrégation, BSA, 1967, 19 ; 1968, 50.
  • [81]
    BSA, 1970, 101.
  • [82]
    Je souligne. Est symptomatique à cet égard la retranscription effectuée au sein du Bulletin du Syndicat autonome sur l’avant-projet ministériel créant une « agrégation de sciences politiques » retranscrite au pluriel, Conseil syndical, 7 mars 1970, BSA, 1970, 101.
  • [83]
    Sur ces contraintes de procédure et des règles formelles sur la prise de décision, cf. Muller, Surel, 1998, 106 et suiv.
  • [84]
    L’historien des idées, Jean Touchard, rédacteur du (nouvel et dernier) avant-projet écrit ainsi à François Goguel afin de lui soumettre en préalable le texte : il lui explique qu’il n’est « pas toujours parfaitement à l’aise dans les formules juridiques » rédigeant « pour la première fois de [sa] vie », « un texte de cette nature », archives Sc. Po., FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, correspondances.
  • [85]
    Lettre du 21 janvier 1971 de Gerges Vedel à Jean Touchard, archives Sc. Po.
  • [86]
    Cf. la note de François Goguel du 9 février 1971 ; une note rédigée par François d’Arcy, communiquée à François Goguel et étayée par Jean-Louis Quermonne, ibid.
  • [87]
    L’opposition à la réforme provient de la crainte d’une domination du pôle juridique. Un correspondant, judicieusement, entrevoit l’impossibilité d’une tendance à la création de poste dans les facultés de Lettres (forte des dissensions avec le ministère concernant l’expérience pilote de Vincennes, de l’inintérêt d’un concours pour des docteurs es lettres dont le titre donne déjà accès à un poste de maîtres de conférence) ainsi que dans les IEP (satisfaits généralement du système des vacataires), en conséquence il se positionne en faveur d’un contingentement de postes « réservés aux docteurs d’État es lettres spécialisés en science politique, qui semble conforme à la vocation sociologique de la science politique », correspondance du 25 novembre 1969, in archives Sc. Po., FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier : AFSP : projet d’agrégation de science politique.
  • [88]
    Il ne s’agit pas de négliger l’existence et l’importance du pôle sociologique (organisé principalement autour de la FNSP et de l’IEP de Paris) avant cette date, qui a largement œuvré à l’édification de la discipline depuis l’après-guerre [Blondiaux, 1998, 452 et suiv.], mais d’insister sur la redéfinition globale de la science politique française comme une "science sociale du politique" à part entière, qu’impliquait, à terme, une telle réforme. La "sociologie politique" ne sera bientôt plus seulement sectorielle (quels qu’en soient par ailleurs les types d’approches et d’écoles, cf. Favre, 1981), en tant que simple sous-branche disciplinaire, mais substantielle à la discipline.
  • [89]
    Ce mouvement est pleinement consacré dans les années 1990 : sur le versant pédagogique de cette transformation qui s’observe de manière concomitante dans les travaux de recherches, cf. Neveu, 1998.
  • [90]
    Sur ces points cf. Favre, 1989, 144.
  • [91]
    Entre d’une part les IEP et les « facultés » de droit, entre « facultés » d’autre part.
  • [92]
    Cf. le rapport sur le premier concours.
  • [93]
    Outre la voie « sociologique » il existe rapidement pour la spécialisation deux voies concurrentes au concours d’agrégation : la voie « longue » instaurée depuis 1973 et un recrutement exceptionnel également réservé aux maîtres-assistants organisé par le décret du 9 août 1979. Albert Mabileau constate que sur les huit emplois créés entre 1976 et 1982, cinq l’ont été par ces voies contre seulement 3 par la voie de l’agrégation, cf. correspondance du 15 septembre 1980, archives Sc. Po., FG 9.
  • [94]
    Cf. Favre, Legavre, 1998.
  • [95]
    Le regard porté sur la science politique dans un compte rendu journalistique du dernier Congrès de l’AFSP tenu à Rennes en septembre 1999 démontre la persistance d’une méconnaissance profonde de la discipline par les journalistes, déjà relevée au début des années 1980 par Jean Leca, cf. Weil, « La science politique face à la fascination du bio-pouvoir », Le Monde, 19 octobre 1999, 21 ; l’auteur, qui appelle à un « supplément d’âme », développe une critique de la dérive sociologique supposée de la discipline par opposition aux vertus des questionnements plus philosophiques et « normatifs » d’outre-Atlantique. La thèse défendue, le recours pour le moins inattendu aux propos de certains intervenants, ce qui participe de la confusion, la surévaluation enfin d’une problématique résiduelle (faire face à « l’offensive de fanatiques du biopouvoir » ?) ont provoqué une vive réaction notamment au sein de la jeune génération d’enseignants chercheurs. En guise de réponse à cette appréciation, cf. Neveu, « Une science politique imaginaire », Le Monde, 26 octobre 1999, 16.
  • [96]
    Je remercie vivement MM. Frédéric Audren, Loïc Blondiaux et Jean-Louis Halpérin pour leurs commentaires d’une première version de ce texte qui m’ont permis de préciser certains aspects du rapport de la science politique à l’histoire du droit et à son versant sociologique. Je reste naturellement seul responsable du texte final.

1La connaissance des modalités pratiques de la fabrication d’une discipline poursuit trois finalités distinctes mais concomitantes. Selon une lecture externe, elle sert tout d’abord pour une histoire de l’enseignement supérieur ; elle permet également de présenter les enjeux intellectuels et scientifiques autour desquels la recomposition disciplinaire se structure et s’organise (interroger la validité de l’hypothèse d’une « rupture épistémologique ») et renseigne incidemment sur les changements des champs sociaux, intellectuel et politique. Comprise enfin pour elle-même, non comme l’écriture d’un récit glorieux, mais comme le dévoilement des réalités sociales et cognitives qui la sous-tendent inévitablement, cette introspection œuvre à repenser les conditions de production des catégories acquises [1]. Les principaux jalons de l’histoire substantielle des « naissances de la science politique » [2] ont été posés par un certain nombre de travaux pionniers, des sites et enjeux socio-politiques ont déjà pu être établis [3] ; mais il reste encore à définir concrètement les modalités du développement de la science politique en France pour la période la plus récente, depuis 1945.

2Participant de ces trois finalités, l’étude présente s’en tiendra à l’un des objets autour desquels une « histoire sociale et intellectuelle de la discipline » peut prétendre se fonder [4], celui de l’analyse des conditions et du processus d’autonomisation de la science politique. Comme on le précisera, les choix en faveur, et lors de la création d’une nouvelle agrégation conditionnent directement et durablement l’évolution de la discipline. Il s’agit de reconstituer précisément et concrètement, les modalités de la genèse et de la réalisation de l’action publique, d’observer les acteurs investis et impliqués dans le changement institutionnel. L’on s’est appuyé directement sur les sources écrites inédites disponibles [5] (les archives François Goguel récemment ouvertes, les bulletins du syndicat autonome, ainsi que la documentation fournie par la presse). Le choix de s’en tenir aux sources écrites et à une périodicité courte (autour des bornes 1967-1973, comprises de manière ouverte) procède directement de l’objectif réduit imparti : la mise à jour du contexte et des étapes de la création d’un concours spécifique [6].

3À partir des outils fournis par l’analyse des politiques publiques [7], l’on s’attachera à définir les facteurs et les conditions de l’émergence de l’idée de la création de l’agrégation de science politique ; la présentation des modalités du processus décisionnel permettra ensuite de dévoiler les principaux enjeux soulevés par les différents acteurs et de montrer dans quelle mesure les équivoques originaires renseignent aussi sur la nature des interrogations présentes tenant au développement et à la place de la discipline au sein du champ intellectuel.

I – À l’origine : la double impulsion du champ universitaire et l’ouverture d’une « fenêtre d’opportunité »

4Au milieu des années soixante, la situation de la science politique se caractérise par une prétention à la « spécialisation et à l’identité » à partir de la formation progressive de groupes de spécialistes par sous-disciplines [8]. Ce mouvement d’autonomisation s’appuie sur les ramifications originaires, celle de l’École libre des sciences politiques d’un côté (sociologie électorale, comportement politique, communication principalement), celle des facultés de droit (institutions politiques, histoires des idées et forces politiques) de l’autre. La discipline avait connu dans l’immédiat après-guerre une phase cruciale d’institutionnalisation avec la création d’une association de spécialistes (AFSP) en 1949 dotée bientôt de sa revue (RFSP, 1951), puis de cours spécialisés en « science politique » introduite dans le cursus juridique par la réforme des programmes des facultés de droit en 1954. Celle-ci est l’occasion d’âpres luttes entre le pôle des branches juridiques traditionnelles (droit privé, droit romain et histoire des anciens droits) et les partisans d’une refondation disciplinaire à la fois thématique (renforcer l’étude des faits sociaux du présent) et méthodologique. Un jeune professeur de droit en poste à la faculté de droit de Grenoble, André Tunc, rédige un brûlot au titre sans équivoque : « sortir du néolithique » [9]. La question de l’autonomisation disciplinaire est, pour l’heure, soulevée essentiellement par les économistes. Le relatif effacement des questions politiques de l’École française de sociologie contribue par ailleurs largement à laisser le champ libre aux juristes [10]. Il n’est alors guère surprenant de voir dans le cadre des rapports de l’UNESCO, le rédacteur du rapport sur le droit [11], le théoricien et administrativiste Charles Eisenmann, apparaître également comme l’un des principaux collaborateurs de la brochure consacrée à La science politique contemporaine en France, publiée en 1950. Après-guerre, les juristes-politistes développent ainsi une « sociologie » politique autonome indépendante et globalement exclusive de toute référence à la sociologie générale [12]. L’interprétation la plus communément retenue est celle de la continuité entre cette approche des juristes politistes des années 1950 (MM. Burdeau, Duverger, Prélot, Vedel) et celle des principaux maîtres des années 1920, dont certains avaient pu se définir comme « juriste sociologue » (Léon Duguit). Selon cette lecture, même si la discipline naissante du droit public n’était pas pensée à l’origine sans sociologie, elle n’en visait pas moins déjà son autonomie (en ce sens, l’analyse de Jean Leca). Il semble toutefois nécessaire d’insister sur la rupture. Car les maîtres du droit public au tournant du siècle exprimaient la volonté de ramener la sociologie au droit en tant que sous-discipline fondamentale, ce que n’ont pas vu (ou suivi) les générations d’après-guerre. Les continuateurs ont conservé l’idée d’une science politique instrumentalisée au service du droit constitutionnel pour sa « plus fructueuse étude » (Georges Burdeau) en rompant de manière radicale avec l’approche sociologique, là où des juristes tels Léon Duguit ou Maurice Hauriou avaient pu s’appuyer et faire référence aux travaux de leurs collègues sociologues (respectivement Durkheim et Tarde) [13]. Ce glissement « posititiviste » continu opéré après-guerre, perceptible également chez les historiens du droit se pensant « sociologues du juridique » [14], contribue à entretenir la nature iconoclaste de la discipline que consacre la variété de ses représentants.

5L’autre pôle s’organise après 1945 autour de l’Institut d’Études Politiques de Paris (IEP) et de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) qui constituent un double prolongement d’enseignement et de recherches de l’ancienne École libre des sciences politiques ; s’y ajoute la création progressive d’instituts calqués sur le modèle parisien en province. L’enseignement de la science politique dans les IEP y reste marginal jusqu’au milieu des années cinquante, fort de l’objectif imparti de former aux sciences politiques (droit, histoire générale, économie, relation internationale, etc.) en relation directe avec le programme des concours administratifs [15]. Si l’approche sociologique est effective depuis 1945 (géographie électorale emmenée par François Goguel [16], les travaux sur l’opinion publique de Jean Stoetzel, sur les attitudes politiques en référence à la psychologie sociale anglo-saxonne), l’année 1956 est une année tournante cruciale : elle marque en effet la création d’un troisième cycle d’Études politiques de la FNSP ; elle définit surtout les prémices de la refondation future de la sociologie électorale avec l’intrusion de la technique de l’enquête par sondage. Cette introduction s’effectue dans le cadre de la première d’une longue série de publications directement inspirées du modèle d’études anglo-saxonnes, analysant selon des méthodes et des angles variés les dernières élections législatives en date [17]. La création du CEVIPOF (Centre d’étude de la vie politique française) en 1960, laboratoire de recherche rattaché à la FNSP, contribue à la professionnalisation et à la scientifisation de la discipline.

6Toutefois, la place de ce second pôle, si l’on se réfère à l’ensemble du champ universitaire et à l’enseignement proprement dit, reste marginal ; de fait, les principaux ouvrages et manuels généraux de la discipline émanent dans leur très grande majorité d’enseignants des facultés de droit. À la fin des années soixante, les spécialistes de la discipline se retrouvent donc à la fois chez les publicistes agrégés « de droit public et de science politique » [18] (depuis la spécialisation entre sous-branches juridiques survenue en 1896), les chercheurs de la FNSP, des sociologues et historiens intéressés au politique issus des facultés des Lettres (des docteurs es lettres admis sur une liste d’aptitude, puis recrutés notamment dans les Instituts d’Études Politiques).

7Cette dispersion pèse sur le devenir d’une discipline qui n’arrive pas à créer une dynamique de création de cours spécialisés susceptibles d’assurer sa pérennité comme discipline autonome institutionnalisée [19]. La création d’une agrégation spécialisée de science politique résulte alors de la combinaison de ces interrogations sur la place de la discipline au sein du champ universitaire [20] et de l’ouverture de conditions favorables.

La phase de problématisation : sur le « retard » de la science politique française

8C’est dans un contexte sceptique et désabusé que s’inscrit la phase de problématisation à l’origine de l’activation du processus décisionnel devant aboutir à la création d’un nouveau concours d’agrégation. Selon Yves Surel qui s’appuie sur la grille d’analyse séquentielle des politiques publiques établie par Jones, cette phase initiale se caractérise par « la perception d’événements, la définition de situations vécues comme problématiques, l’agrégation d’intérêts, l’organisation et la représentation des acteurs auprès des autorités publiques, en vue d’apporter une solution aux problèmes ainsi formulés » [21]. Cette cristallisation et cette mobilisation d’acteurs visent ainsi à répondre à l’apparition d’un « problème », perçu comme tel à raison de la vision de « l’écart entre ce qui est, ce qui pourrait ou ce qui devrait être [22] ». En l’espèce, cette construction d’un « problème » qui a trait à la discipline intervient à l’automne 1967. La mise à jour d’une situation « anormale » procède de deux sous-champs universitaires, internes et externes, du champ intellectuel, qui correspondent respectivement dans la typologie organisationnelle des domaines de recherche établie par Jean Leca aux marchés, national (« le jugement des pairs ») et international, de la discipline [23]. Le diagnostic qui a conduit à la création d’un concours d’agrégation est ainsi directement imputable au champ universitaire lui-même ; il ne résulte ni d’une sollicitation du champ social (« les biens culturels »), ni d’une demande des acteurs publics. Le « problème » qui caractérise la discipline à la fin de l’année 1967 et au début de l’année 1968 aux yeux des enseignants et chercheurs français est celui du « retard de la science politique française ». L’« élément déclencheur » résulte du constat établi par les participants au Congrès de l’Association internationale de science politique en septembre 1967. La naissance du « problème » provient ainsi d’une confrontation directe avec la production internationale. Ce constat « alarmant » se révèle particulièrement apte à provoquer la réaction et la mobilisation des principaux acteurs concernés puisqu’il ne définit pas qu’une simple situation préoccupante (tel l’isolement disciplinaire, ou un déficit de recherches et de production sur tel ou tel objet) mais fonde d’une part un diagnostic radical et global, et se situe sur une échelle de niveau (le « retard » par rapport à) d’autre part. Lors de l’assemblée générale tenue par le syndicat autonome du personnel enseignant des facultés de droit et de sciences économiques qui, particulièrement représentatif, regroupe encore à cette date la quasi- intégralité des enseignants agrégés des facultés de droit, le doyen Georges Vedel, constitutionnaliste et politiste, rend compte à la fois des interrogations sur la création d’une section de science politique au sein du Comité consultatif ainsi que de celles ayant trait au recrutement des économistes et des politistes [24]. La mise sur agenda est dès lors effective : un rapport de conjoncture établi par le CNRS au printemps 1968 étaye et réaffirme l’importance du « retard ». En novembre 1968, le Conseil de l’Association française de science politique se saisit à son tour du « problème ». Examinant les « problèmes généraux » posés par la situation de la discipline, il entérine la définition d’une « situation préoccupante », concédant « le retard alarmant » de la science politique française [25].

9S’enclenche alors le processus de problématisation qui, de la localisation d’un « problème », aboutit à la formulation d’objectifs et de solutions nécessitant de recourir à l’intervention des autorités publiques (l’appel à l’État). Le Conseil de l’AFSP décide la création d’une commission ad hoc constituée de membres de l’association devant représenter les principales disciplines, activités et institutions (facultés de Droit, des Lettres, Instituts d’Études Politiques et Fondation nationale de la science politique) [26]. Celle-ci, présidée par François Goguel, président de l’AFSP, établit à la suite de ses diverses réunions [27] une note de synthèse proposée pour accord au Conseil [28] de l’AFSP en février 1969.

10Cette note se présente comme la principale source de la formulation de la problématisation. La commission œuvre tout d’abord à définir les causes du retard. Le fondement doit être vu dans la carence de la professionnalisation et dans le manque de technicité de la production de la discipline [29]. Un tri et une sélection s’opèrent ; il s’agit de hiérarchiser les questions à traiter, les remèdes à envisager, afin de résoudre les problèmes immédiats et de travailler dans un même temps pour le long terme. Il apparaît dès lors que la réforme des enseignements, celle des structures et des formes de la représentation des membres de la discipline n’interviennent qu’au second plan. Quelle est la source première du déficit de professionnalisation ? Elle réside dans le manque de structuration du corps professionnel, dans la nécessité d’accroître le potentiel d’attrait à l’égard des étudiants les plus brillants. Se profile ainsi la définition d’une solution : accroître l’autonomie de la discipline avec pour instrument le recours à la création d’un mode de recrutement prestigieux et spécifique. On est ainsi passé d’un problème, celui du « retard », à la structuration d’un objectif : la mise en place des conditions optimum de recrutement des enseignants de la discipline permettant de « faire reconnaître à la science politique dans l’université française une place autonome » [30]. L’on reviendra précisément sur les modalités de la note de synthèse, peut-on d’ores et déjà en noter la substance que résume son intitulé : Sur la « création éventuelle d’un concours de recrutement à l’enseignement supérieur de science politique » [31].

11Une fois le projet approuvé par le Conseil de l’AFSP débute la mise sur agenda institutionnel qui consiste en la sollicitation des acteurs publics et en la réappropriation du projet selon le prisme institutionnel et par l’appareil politico-administratif. Le ministre de l’Éducation nationale, Edgar Faure, accorde une audience le 12 mars 1969 aux principaux porte-parole de l’association (MM François Goguel, Georges Vedel et Jean Touchard, respectivement président, vice-président et secrétaire de l’association). Sur la base de la note de synthèse et en collaboration avec le rapporteur de la commission ad hoc, M. Jean Touchard, les services du ministère établissent un avant-projet d’arrêté (août 1969). Dans un même temps, une mission ministérielle est confiée à François Goguel [32] : constituer un groupe de travail et procéder à une consultation des « milieux intéressés » en vue d’établir un rapport officiel sur la question. Afin de « s’ériger en porte-parole légitime », les acteurs à l’origine de la problématisation recherchent alors des alliances permettant à la fois d’apparaître comme, et d’être suffisamment représentatifs, et d’agréger les intérêts pour promouvoir le projet. François Goguel réunit ainsi dans un groupe de travail (24 octobre 1969, 15 janvier 1970), outre plusieurs membres de la commission initiale de l’AFSP, les représentants des principales organisations intéressées au projet (syndicat autonome des facultés de droit, syndicat national de l’Enseignement supérieur, syndicat générale de l’Éducation nationale et enfin, association des docteurs en science politique). Dès novembre 1969 il communique par ailleurs aux membres de l’AFSP les deux documents préparatoires (le projet AFSP/l’avant-projet de règlement établi par les services du ministère). La problématisation s’est concrétisée.

12Cependant, cette logique endogène propre au champ universitaire se révèle insuffisante pour prendre la mesure de la construction de la décision. Si « l’émergence de » l’idée de la création d’une agrégation spécialisée résulte en priorité, comme on a pu le voir, des effets du champ universitaire, « l’émergence dans » [33] l’agenda institutionnel est plus spécifiquement tributaire de la situation du champ politique.

Le poids du moment 68 : l’ouverture d’une « fenêtre d’opportunité »

13L’accueil favorable au printemps 1969 réservé par le ministre de l’Éducation nationale à la proposition de création d’un concours spécialisé de science politique s’inscrit dans un contexte particulier directement consécutif au mouvement et à la crise de mai 1968. Celle-ci contribue en effet à fonder une large « fenêtre d’opportunité », que le politologue J. Kington définit comme l’ouverture de conditions exceptionnelles propices à la mise en œuvre de réformes significatives et à l’instauration de changements profonds impulsés par l’État [34]. Pour ce qui nous intéresse, la fronde étudiante mue rapidement en mouvement social et politique, aboutit à la fois à un changement de Gouvernement le 10 juillet 1968 (au sein duquel Edgar Faure, fin manœuvrier de la IVème République habitué aux fonctions ministérielles et agrégé des facultés de droit [35] obtient un « blanc seing » pour réformer les universités), à un nouveau cycle électoral consécutif à la dissolution et à la sortie d’une chambre « introuvable » à forte majorité, ainsi qu’à un mouvement d’opinion en faveur de réformes sociales (permettant aussi de mettre un terme à « l’agitation »). Les « mécanismes de crise » confèrent au nouveau ministre de l’Éducation nationale un « mandat » qui l’autorise à transformer radicalement le système traditionnel des facultés. Le 12 novembre 1968 est votée une loi d’orientation qui confère à l’entité « université », restée jusqu’alors purement formelle, un véritable statut, celui d’établissement public « jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière ». Les nouvelles universités pluridisciplinaires sont appelées à se « reconstruire » selon un processus de rattachement volontaire sur la base d’unités d’enseignement et de recherche (UER) avant mars 1969 ; dans les faits, les premiers statuts d’universités sont approuvés avec un an de retard en avril 1970. Cette « fenêtre » ouverte par la crise de mai 1968 découle ainsi de la conjugaison de trois courants qui obéissent en temps ordinaires à des temporalités distinctes, ceux des « problèmes », des policies (le processus institutionnalisé de la problématisation), et du politique (« political stream ») [36].

14Il ressort par conséquent que le projet d’instauration d’un concours spécialisé de recrutement à l’Enseignement supérieur de la science politique, perçue comme une science « carrefour », s’intègre alors parfaitement aux yeux du ministre dans la politique entreprise (et établie concrètement par la loi d’orientation) qui vise à rompre avec « l’ordre des facultés » afin d’instaurer des structures universitaires « pluridisciplinaires ». De même, le projet prolonge également les interrogations et les débats menés (auxquels on pu prendre part certains de ses protagonistes) durant l’été et l’automne 1968 sur les transformations rendues nécessaires des modes d’enseignement et de recrutement au sein de l’Enseignement supérieur.

15Car les premières revendications étudiantes, structurées autour de trois principes fondamentaux, autonomie – libertés politiques et syndicales – cogestion [37], ont obligé les autorités à prendre en compte les aspirations en faveur d’une introduction de la politique dans les universités. Pour le ministre, il ne s’agit pas de consacrer une quelconque politisation mais de répondre aux attentes légitimes d’une formation citoyenne à travers la possibilité pour les étudiants d’organiser des réunions, des conférences et des discussions sur le modèle des parlotes d’avant-guerre ou des exposés politiques existant aux États-Unis, comme viennent le rappeler publiquement des universitaires [38]. De manière concomitante la question de la consécration des libertés syndicales et politiques porte aussi en elle celle de la formation « politique » des étudiants dans l’université. Fort de son expérience, le ministre de l’Éducation, Edgar Faure, donne pour exemple le cursus juridique ; dans une déclaration officieuse, après avoir reçu une délégation du SNE-Sup, il affirme qu’il est envisagé de généraliser dans l’université la formation politique « telle qu’elle est déjà donnée dans les facultés de droit ». Il est suivi avec d’autant plus de facilité par certains professeurs de ces facultés, réceptifs aux aspirations étudiantes (le juriste-politiste Maurice Duverger, l’économiste André Philip), que ce progrès politique s’accompagne aussi d’un redéploiement des disciplines à leur profit [39]. En fait, pour le mouvement étudiant, l’éducation politique constitue aussi la première marche pour la contestation.

16La refondation intégrale du système universitaire ainsi revendiquée passe aussi par une remise en cause de ses modes de recrutement. Le maintien de la spécificité d’un concours d’agrégation du supérieur pour les cursus juridiques et économiques « sous une forme traditionnelle » alors même que l’ensemble du système universitaire se réforme (il est un temps envisagé, en tout cas formulé, de supprimer les agrégations du secondaire), est vécu par la gauche étudiante comme une provocation. Reprenant les principales propositions d’une commission créée par le comité de grève de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, un jeune agrégé de droit public, Jean-Pierre Colin se positionne pour la suppression du concours d’agrégation [40]. Un débat public s’instaure [41], la pression [42] s’organise : de jeunes candidats, « grévistes » au concours, fondent un comité de liaison des candidats à l’agrégation de droit public et de science politique afin d’en obtenir l’ajournement [43] et bientôt mu en un Comité pour la réforme du recrutement des professeurs de droit public et de science politique. Dix-huit agrégés de droit public en soutien aux agrégatifs publient un manifeste pour une rénovation du mode de recrutement [44]. Même si la « fenêtre » s’est vite refermée après la canalisation rendue effective par la loi d’orientation, des modifications partielles surviennent : un toilettage du concours pour les facultés de droit et des sciences économiques est obtenu [45]. Au moment même où le pouvoir politique est saisi du « problème » touchant la science politique, il est ainsi mis en place un nouveau régime d’agrégation du supérieur [46] (6 avril 1969). Le fait que la principale fronde contre le régime d’agrégation émanât des publicistes, n’est de surcroît pas incident. Ces revendications, sans y correspondre intégralement, rencontrent celles en faveur de l’autonomisation de la science politique comme en atteste le nombre des « politistes » parmi les signataires de l’appel. De fait, la conjugaison des préoccupations « politiques » (la politique comme matière à enseigner) et de revendications en faveur des réformes du recrutement des professeurs d’université a abouti dès septembre 1968 à l’émergence d’interrogations spécifiques dans l’espace public. Une lettre publiée dans les pages du journal Le Monde pose clairement la question : « À quand une agrégation de science politique ? » [47].

17Se définit aussi déjà l’enjeu crucial qui est au cœur de la création d’un concours spécialisé et tel qu’il va pouvoir apparaître au cours de la formulation du processus décisionnel, celui du rapport de la science politique avec la discipline juridique.

II – Sur les modalités de la rupture juridique : convergences de vue et équivoques

Les modalités du processus décisionnel et la mise à jour des enjeux

18La décision est donc impulsée par des acteurs « privés », extérieurs à l’appareil politico-administratif soucieux de solliciter de la part des autorités publiques une réponse au problème. La revendication est directement structurée par l’AFSP. Les contacts institutionnels établis entre l’association et les autorités, son engagement dans le processus officiel de prise de décision, tendent à l’intégrer au type néo-corporatiste au sein de la typologie interactionniste des groupes d’intérêt définie par Frank L. Wilson [48]. Le modèle de co-élaboration et de participation directe à l’élaboration du texte réglementaire est un leitmotiv des décisions concernant l’Enseignement Supérieur au risque, en cas d’imposition d’une décision sans concertation préalable, que celle-ci ne soit, effectivement, jamais mise en œuvre. Cette phase de formalisation de la décision est concrétisée par un nouveau rapport rédigé par François Goguel qui établit la synthèse des données fournies par la consultation et issues des discussions menées avec les syndicats au sein de la Commission. Ce rapport, doté de l’aval légitimant de la consultation officielle [49], est remis au nouveau ministre de l’Éducation Olivier Guichard qui a remplacé Edgar Faure. En butte à l’hostilité des acteurs concernés, ce dernier n’a pas repris le portefeuille au sein du Gouvernement [50] nommé après l’élection présidentielle de 1969. Le nouveau ministre poursuit la réforme, soucieux comme son prédécesseur de se doter d’une ressource politique.

19Sur le fond, la note de synthèse rédigée par François Goguel pour le groupe de travail de l’AFSP, devenue préparatoire, fait de l’interdisciplinarité la clef de voûte de la réforme envisagée : son principe est consacré à la fois pour les candidatures à travers la volonté d’organiser une ouverture la plus large possible (permettant aux docteurs d’État, mais aussi de troisième cycle, ainsi qu’à toute personnalité jugée apte par le jury, de concourir) et pour la composition du jury (à partir d’une recherche évidente d’équilibre entre les disciplines d’origine et les institutions). Cette ligne « ouverte » aboutit au choix d’une proposition en faveur d’une formule originale. Sous une dénomination inédite, le Concours de Recrutement pour l’Enseignement supérieur de Science politique (CRESSP) conjugue en effet les modalités des deux types de recrutement existant ; il est ainsi proposé de créer un concours donnant lieu à épreuve avec un classement, ainsi qu’il est procédé pour les facultés de droit, puis à une inscription des candidats admis sur une liste d’aptitude, tel qu’il existe pour les facultés des Lettres. Le second document de travail, l’avant-projet ministériel d’août 1969 restreint toutefois les propositions en fermant l’accès du Concours (rejet des personnes non-titulaires d’un doctorat, hiérarchie dans l’acceptation des candidatures) et en minimisant la représentativité du jury au détriment du principe de pluridisciplinarité. Est aussi préservé directement et indirectement le pouvoir de nomination du ministre [51].

20Les principaux enjeux et les sources de désaccord qui ressortent à la fois des discussions en commission et de la consultation individuelle ont trait à l’opportunité de la création du concours, les titres exigés des candidats, la composition du jury et la nature des épreuves. Sous la forme d’une « question préalable », comme l’expose François Goguel, a été posée l’opportunité de la création d’un concours spécialisé, ce qui tendrait à avaliser l’idée de la supériorité de la « méthode du concours » sur les autres types possibles de recrutement. Les réticences émanent pour l’essentiel des organisations syndicales (le SNE-SUP en fait une opposition de principe, le SGEN reste réservé). Deux conceptions divergentes de la fonction et de la pratique universitaires apparaissent. D’un côté, c’est la figure du professeur indépendant qui est loué (le concours d’agrégation mieux à même de contrôler objectivement la capacité pédagogique et le niveau scientifique des candidats). De l’autre, sont mises en exergue les qualités propres à la compétence scientifique (« chercheur » autant que « savant ») contre les modalités d’un concours d’agrégation qui ne consisterait qu’en un exercice purement « académique » ; l’examen des qualités d’éloquence propre à « l’art rhétorique » serait même inapte à saisir les qualités pédagogiques. Ces divergences se traduisent en une question formelle. La terminologie est jugée déterminante : la dénomination d’un concours « d’agrégation », choisie dans l’avant-projet ministériel alors même que le document de synthèse avait écarté le terme, est présentée par les principaux opposants comme l’expression d’un « certain état d’esprit de conservatisme systématique » [52].

21Se mêlent ainsi directement les enjeux corporatifs et politiques : si certaines personnalités consultées tranchent en faveur des deux conceptions, s’opposent surtout deux positions syndicales : le SGEN et le SNE-SUP en pointe du mouvement de mai d’un côté, face au Syndicat autonome, ultra dominant dans les facultés de droit [53] (il fait du débat terminologique un enjeu crucial) de l’autre. Le modèle jugé « traditionnel » est accusé par ses pourfendeurs de favoriser les conservateurs ; à l’inverse, la liste d’aptitude est parée selon ses détracteurs les plus radicaux de vertus « antiélitistes » et présentée comme un substitut offert aux candidats de la médiocrité [54]. Se profile également le danger de la « politisation » [55] que chacun croit déceler dans le système qu’il réfute. Se dessine toutefois une double position commune : celle de la nécessité d’organiser l’épreuve de discussion sur travaux « en présence du candidat » afin d’éviter les risques d’appréciations subjectives, une méfiance partagée vis-à-vis des desiderata ministériels.

22Cette collusion politico-corporative transparaît clairement dans l’affrontement qui est mené au même moment dans l’espace public, en marge de la restructuration universitaire consécutive au mouvement de mai. En mars 1970, la question du recrutement des professeurs de droit donne lieu à une attaque frontale : aux arguments sur « un système socialement ségrégatif » et malthusien, un groupe d’études du SNE-Sup joint ceux d’une partialité politique en affirmant que « dans la conjoncture politique actuelle, l’aboutissement logique de cette formule est de réserver au Syndicat autonome des facultés de droit le quasi-monopole des jurys d’agrégation, et par là du recrutement des maîtres » [56]. La réplique est immédiate dans ce qui est vu comme une « campagne de dénonciation » du SNE-Sup qui voudrait discréditer, par delà les membres des jurys, l’ensemble des agrégés des facultés de droit par la supposée « stérilisation » de la personnalité des candidats que constituerait la préparation spécifique que réclame un tel concours. La contre-attaque s’effectue selon deux voies : par contre-communiqué [57] et en direction des autorités (le syndicat faisant pression sur le ministère afin qu’il intente une action en justice en raison des atteintes portées contre des jurys qui constituent des organes administratifs) [58]. Le syndicat autonome entend préciser que bien que majoritaire en droit, il « est toujours resté vigoureusement apolitique et farouchement hostile à la politisation et à la syndicalisation des instances nationales chargées du recrutement et de la carrière des personnels », insistant sur ses efforts en faveur de la diversification des modes de recrutement notamment par l’instauration d’une voie longue [59]. En fait, le communiqué critique est une motion interne votée par les militants du syndicat réunis à Paris lors des « Journées d’études du droit et des sciences économiques », et dont la presse a cru pouvoir faire un large écho. Certains professeurs membres du SNE-Sup ont d’ailleurs protesté contre les termes du communiqué [60]. Le Bureau national du SNE-Sup fait savoir quant à lui, qu’il n’a pris connaissance du texte que par voie de presse.

23Reste que par delà les divergences de substance, et compte tenu de l’enjeu primordial de la professionnalisation, le choix de la création d’un concours spécialisé l’emporte assez largement à la fois parmi les organisations représentatives et parmi les différents membres consultés de l’AFSP. Bien que les positions soient mesurées et malgré la formulation de nombreuses réserves, sur la vingtaine de personnalités qui ont répondu par écrit à la consultation individuelle, quinze optent ainsi pour la création d’un concours [61]. Le clivage est très net : si les membres, majoritaires, de l’AFSP favorables à l’instauration d’un concours proviennent de sous-branches disciplinaires et de lieux diversifiés, les opposants à un tel projet quelles qu’en soient les modalités, sont pour leur part tous issus, soit de la branche « recherche » (FNSP), soit de la sociologie. Les réticences proviennent pour l’essentiel de la crainte de voir disparaître la spécificité de l’autonomie des pôles de la recherche et du risque d’une trop grande parenté avec le modèle propre aux facultés de droit jugé de manière très critique : un rapprochement avec celui-ci est perçu par ses opposants comme une véritable régression. Se profilent de manière sous-jacente deux rapports distincts à la pratique professionnelle [62] déjà perceptible dans le clivage syndical : entre le « scholar researcher » engagé dans ses travaux de recherche, et le « teatcher-demonstrator » attaché à transmettre des compétences techniques [63], entre deux ethos de politistes, celui du chercheur en sciences sociales d’un côté, celui de l’universitaire agrégé des facultés de droit de l’autre [64]. Les représentants du pôle « historique », s’ils émettent pour leur part des réserves, approuvent la logique du projet : les historiens du droit issus des facultés de droit semblent prendre position en observateurs intéressés mais extérieurs, ils sont d’ailleurs très présents dans l’activité corporative (fonctions administratives et engagement syndical au sein du Syndicat autonome) ; ceux de l’École d’histoire politique contemporaine restent favorables au système existant en Lettres [65].

24Le rapport final de mars 1970 rend compte du constat d’un accord de principe sur la possibilité d’un concours [66]. Une fois les modifications apportées [67], le réalisme l’emporte de part et d’autre : la mise en œuvre d’un tel projet outre qu’il doit nécessairement « sanctionner une formation de niveau international », doit s’appuyer sur une politique cohérente et substantielle de création de postes de la part des autorités publiques (en facultés de droit, dans les Instituts d’Études politiques et les facultés de Lettres). Le nouveau concours ne doit pas conduire à se substituer aux autres types de recrutement, ni à créer, de facto, un monopole au profit des nouveaux reçus au concours au détriment de l’ancienne génération.

25Il apparaît qu’un certain nombre de contraintes ont pesé sur la phase d’élaboration de la décision et sur les choix à prendre.

26Tout d’abord, l’incertitude du moment 68 s’est fait ressentir. Le choix d’une formule originale de concours proposé par la commission AFSP en février 1969 résulte ainsi directement du manque de visibilité des choix ministériels. « Plusieurs membres de la commission » expriment ainsi le regret « que le ministère de l’Éducation nationale ne semble pas envisager de procéder (avec la souplesse nécessaire) à une unification des modes de recrutement permettant d’enseigner dans les facultés de Droit (ou ce qui leur succèdera) et dans les Facultés de Lettres (ou ce qui leur succèdera) » [68]. L’autre « question préalable » soulevée ainsi au sein de la commission Goguel résulte d’une opposition des représentants syndicaux aux « modifications de détails », « aussi longtemps que les problèmes généraux n’auront pas été réglés » [69]. Les changements de la politique ministérielle (à l’origine le recrutement par concours généralisé est envisagé par un membre du cabinet d’Edgar Faure) ainsi que les garanties sur la nature des épreuves ont contribué à faire accepter la formule du concours par les représentants du SGEN [70].

27De même, plus qu’un « prisme bureaucratique » par lequel sont recomposés le problème et sa résolution selon une logique propre aux services ministériels, les « bureaux » ont tendu à reformuler les revendications selon les priorités ministérielles et politiques : prévaut la volonté d’inscrire la réforme dans le cadre des différents concours existants. D’où la principale critique communément émise lors des consultations sur le caractère inférieur de l’avant-projet d’août 1969 par rapport à la note de synthèse proposée par l’AFSP. L’avant-projet est perçu comme un recadrage au profit du modèle des facultés de droit.

28Ces critiques renvoient aussi à la troisième contrainte, celle du cadre existant. Le « nouveau » concours doit tenir compte des modes de recrutement déjà connus et s’intégrer dans les structures. Toutefois, l’échec de la voie originale tient beaucoup plus aux contraintes propres au concours lui-même (rapidement le double système, concours sur épreuve – liste d’aptitude, est jugé impraticable [71]) qu’à une dépendance en terme de pratique ou de structures.

29Suite à la remise du rapport Goguel, l’historien du droit Jean Imbert, conseiller technique auprès du ministère, qui a pu retravailler sur le projet, ainsi que le directeur de l’Éducation nationale sollicitent conjointement Jean Touchard afin de rédiger « un nouvel avant-projet d’arrêté » sur la base du texte élaboré. Le 11 mai 1970, un nouveau projet est élaboré. Après les dernières arguties juridiques, sur lesquelles on reviendra, le texte réglementaire portant création d’un concours d’agrégation est promulgué [72] le 9 juillet 1971. Quatre années se sont ainsi écoulées entre la phase initiale de définition du problème et la prise de décision finale. Le premier concours se tient deux ans plus tard, durant l’année universitaire 1972-1973.

30Les divergences qui ont pu s’exprimer durant la phase de prise de décision renvoient à la nature réelle de la réforme envisagée : la consécration de la rupture avec la science juridique.

Le fondement des clivages et la portée réelle de la décision : rompre avec le droit

31La pluridisciplinarité revendiquée par l’ensemble des acteurs concernés se présente comme le noyau dur de la réforme. Mais à l’encontre de la lecture ministérielle d’une discipline « carrefour de plusieurs » [73], il apparaît que sa promotion est conçue avant tout comme un détachement du droit public.

32Cette volonté s’exprime tant sur les candidatures que sur la composition du jury. Les principales protestations des personnalités consultées vis-à-vis de l’avant-projet ministériel se sont faites en effet sur la qualité des candidatures admises à concourir. L’avant-projet établit en effet une inégalité entre les diplômes : les titulaires de thèses de doctorat d’État sont admis, de droit, à concourir alors même que les titulaires d’un doctorat de spécialité (3ème cycle) sont soumis à acceptation par le jury après examen de leurs titres et de leurs travaux [74], ce qui conduit de facto, à favoriser les docteurs en droit (d’État) au détriment des spécialistes de la science politique stricto sensu, issus principalement de l’Institut d’Études Politique de Paris, dotés d’une thèse de troisième cycle mention « Études politiques ». Pour gage de la qualité des travaux effectués, un membre de l’AFSP consulté envoie à François Goguel la liste des thèses soutenues (dont bon nombre ont été publiées aux Presses de la FNSP) ; de même un autre correspondant s’étonne de la discrimination qui en résulte : « la place prééminente accordée au doctorat de droit, écrit-il, est pour le moins surprenante » [75]. L’arrêté du 9 juillet va remédier à ces inégalités en supprimant la sélection préalable pour les titulaires de thèse de troisième cycle.

33Dans le rapport sur le premier concours pour le recrutement des maîtres de conférence agrégés [76] de science politique de 1973, la nature réelle de la revendication de pluridisciplinarité, celle d’une distanciation avec la discipline juridique [77], est explicitement formulée ; le président du premier jury, Maurice Duverger, note « la nécessité de donner au jury une composition pluridisciplinaire de sorte que les politicologues de formation sociologique, historique et économique y figurent nécessairement à côté des politicologues dont la formation initiale est juridique ». S’exprimant au nom du jury, il croit nécessaire de préciser que la restauration de la pratique transitionnelle d’une consultation du « doyen de la faculté de droit de Paris sur le choix par le ministre de chaque président de jury, même si elle est transférée aux présidents des universités héritières » ne semble pas souhaitable [78].

34Cette parenté au droit s’observe de surcroît dans la lecture juridique de la réforme effectuée par certains juristes. La création d’une agrégation spécialisée de science politique est perçue comme un moyen pour les constitutionnalistes de « s’affanchir un peu de disciplines trop impérialistes, comme l’est devenu, par exemple, le droit administratif » [79]. Dès septembre 1967, le rapporteur des questions du recrutement auprès du syndicat autonome des facultés de droit réuni en assemblée, constate parmi ses collègues les « hésitations sur le fait de savoir si le recrutement des politistes par l’agrégation de droit public est le meilleur possible » [80]. Lors des comptes rendus de la discussion en cours effectués par leur représentants, il est précisé que de nombreuses divergences sont apparues parmi les membres du syndicat. Le relevé de la position défendue par certains en faveur d’une introduction « d’une (véritable) option "sciences politiques" dans le concours de droit public et science politique » [81] montre l’impossibilité même, pour des juristes par ailleurs favorables à la réforme, de penser la science politique en dehors de la rationalité juridique.

35L’ensemble de ces réticences et les divergences de fond vont réapparaître très clairement en guise de contrecoup lors de la phase de mise en œuvre de la réforme dans de nouveaux débats formels. Le souhait des juristes de reprendre l’intitulé original du concours d’« agrégation de droit public et de science politique » [82] alors même que des garanties avaient été apportées pour un tel abandon est perçu par les politistes comme une provocation. De même les velléités ministérielles au début des années 1980 d’une reprise de la formulation au pluriel (sciences politiques) s’apparente aux yeux des politistes comme une volonté de la part du ministère de promouvoir la lecture imprécise d’une (pseudo) discipline « carrefour ».

36Ces divergences se traduisent concrètement dans le dernier débat qui survient avant la promulgation de l’arrêté. Les partisans de la réforme croient avoir définitivement obtenu la création du concours. L’ajournement de la publication de l’arrêté en raison des contraintes juridiques est considéré comme une instrumentalisation de la règle par les juristes afin de faire capoter la réforme. Le « poids des règles » [83] oblige en premier lieu à choisir avec discernement les visas du texte (les références de conformité légale de l’arrêté) qui lui confèrent sa validité juridique [84]. En second lieu, sont opposées l’interprétation d’un décret de 1946, les dispositions législatives, qui ne permettraient pas aux candidats reçus au concours d’agrégation et qui ne seraient pas docteurs d’État d’être titularisés. Une telle situation s’opposerait aux textes en vigueur. Le doyen Georges Vedel qui s’est engagé en faveur de la réforme (il a œuvré pour faire accepter par ses collègues la modification de l’intitulé de l’agrégation de droit public amputé de son versant « science politique »), s’élève contre de telles accusations ; il dément qu’une telle objection soit le fait des « juristes ». Elle provient selon lui des « services juridiques du ministère » [85]. Les politistes se font alors eux-mêmes juristes : les notes relatives « à la régularité juridique du projet d’arrêté instituant une agrégation de science politique » se multiplient [86]. François Goguel démontre la caducité des textes mentionnés ainsi que les carences de l’interprétation effectuée. Ces contraintes n’ont finalement pas raison de la réforme. Malgré cette volonté de rupture avec la discipline juridique, au regard de l’objectif initial de l’AFSP (création d’un concours qui ne soit « ni conforme au modèle de recrutement » utilisé par les facultés de droit, ni à celui utilisé par les facultés des lettres »), le type de concours qui est instauré en juillet 1971 montre pourtant que le processus décisionnel a finalement abouti à trancher en faveur de la tradition juridique : le type et le déroulé des épreuves, la composition du jury suivent la réforme générale des agrégations « du supérieur ».

37Forte des diverses contraintes qui ont pesé sur la décision finale, la réforme s’est donc fondée sur un lourd équivoque : la logique structurelle et institutionnelle emprunte aux « facultés de droit » et ce, alors même que le projet initial porte en lui de manière sous-jacente et implicite son aggiornamento sociologique. En effet, même si cette transformation n’était pas clairement perçue ni même voulue, comme on a pu le présenter, par ses promoteurs (que l’on rappelle les nombreux discours sur la nécessaire « pluridisciplinarité », la réticence du pôle sociologique [87] vis-à-vis de la réforme), l’autonomisation impliquait à terme, pour combler le « retard » et puisque ni l’histoire, ni la philosophie ne pouvaient prétendre à une refondation intégrale de la science politique, l’intégration sociologique définitive de la discipline ainsi détachée de ses oripeaux juridiques. L’hypothèse avancée ici est que le facteur « institution » ou structurel a donc contribué de manière cruciale à rendre possible cette refondation et ce, alors même que le projet ne visait pas directement un tel objectif. On assiste donc avec la création du concours de l’agrégation à la fin du cycle d’une science politique « carrefour » et au franchissement d’une nouveau seuil dans le mouvement, devenu dorénavant global, de sociologisation de la discipline [88] ; l’approche sociologique ne va dès lors plus se restreindre essentiellement aux études de géographie électorale et/ou aux références anglo-saxonnes de l’analyse du comportement politique, mais s’enrichir plus fortement d’emprunts multiples à la sociologie française et investir des nouveaux domaines d’études [89]. Mais pour autant, cet aggiornamento, rendu possible par la réforme, s’ouvre sans que la question des modes de propagation institutionnels ne soient en adéquation avec ces bouleversements. Il en résulte un double décalage « territorial » : d’une part, la sociologie générale continue de délaisser la sociologie « politique » [90] alors même que la formation juridique intègre quant à elle dans son cursus les schèmes et outils conceptuels « sociologiques » au sein des cours de science politique (cf. le langage des étudiants en droit qui font de la science politique « Le » « cours de socio ») ; d’autre part, s’affirme une divergence selon les différents lieux d’enseignement [91] entre une « sociologie politique » et une science politique demeurée à dominante institutionnelle professée, au sein d’établissements dans lesquels l’enseignement de science politique reste marginal (de complément ou optionnel) par des publicistes qui enseignent également, à raison de leur polyvalence dans des universités à dominante juridique, le droit constitutionnel et l’histoire des idées.

Conclusion : réussite de l’improbable et déperdition des idéaux initiaux

38En 1971, la place faite au concours de l’agrégation, perçu comme un mode de recrutement « parallèle » qui ne doit pas se substituer à la voie d’accès de la liste d’aptitude après doctorat d’État telle qu’elle existe en sociologie [92], reste très incertaine [93]. Le scepticisme domine, non pas même à l’égard du nombre de postes créés mais de la seule possibilité d’une offre régulière par voie de concours. François Goguel insiste afin que le recrutement d’agrégés de science politique soit présenté aux autorités des universités comme un moyen stratégique de réclamer plus de postes au ministère. Près de trente ans plus tard, malgré les éternels discours désabusés, une rapide évaluation de la réforme montre que le principal objectif a été atteint : la discipline s’est professionnalisée (existence d’une collectivité autonome dotée d’une identité propre, technicité accrue, outils conceptuels spécifiques) ; le « retard » a été comblé. En 1992, la très forte représentation des enseignants et des chercheurs au congrès de l’Association internationale de science politique (IPSA) a contribué à l’élection d’un politiste français, Jean Leca, à sa présidence. Le concours d’agrégation s’est même imposé comme le mode privilégié d’accès à l’élite de la profession [94], ce qu’il ne visait pas à l’origine. Au tout début des années 1980 a pu alors être pris en compte le risque d’effets pervers : le succès du concours serait susceptible de desservir la discipline en permettant au ministère de restreindre les offres des autres voies.

39Pour autant, la réussite « pratique » du concours ne doit pas conduire à s’écarter des objectifs réels, les modalités de recrutement n’étant qu’un moyen au service de la discipline et de sa vocation intellectuelle et sociale. Or, il n’en reste pas moins que les idéaux initiaux (l’ambition d’un concours original, la lutte contre la rhétorique traditionnelle) n’ont pas été concrétisés. Surtout, les plus réalistes avaient vu juste : loin des projets les plus ambitieux (d’aucuns avaient pu envisager la création d’enseignement afin de traiter des « aspects politiques » dans le cadre des « départements des langues vivantes »…), la création de postes dans les Instituts d’Études Politiques et les facultés de Lettres s’est révélée résiduelle ; de même, le recrutement des politistes a subi la concurrence des publicistes dans les universités issues des anciennes facultés de droit. La situation relativement marginale de la science politique au sein des champs universitaire et social est largement tributaire de ces équivoques [95]: les principaux enjeux à la source de la création du concours semblent aujourd’hui toujours d’actualité [96].

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Notes

  • [1]
    Cette rupture avec ce que Loïc Blondiaux nomme « une vision positiviste du progrès scientifique » reste à établir pour la « science juridique » ; le dossier présent s’intègre pleinement à cet objectif déjà clairement investi pour ce qui est de la science politique par les promoteurs de son histoire sociale et intellectuelle.
  • [2]
    Cf. l’ouvrage en guise de synthèse de nombreux travaux et recherches menés dans les années quatre-vingt, Favre, 1989 ; pour la période postérieure à 1945, Favre, 1985, plus spécifiquement 37 et suiv.
  • [3]
    Dammame, 1982 ; François, 1996.
  • [4]
    Voir l’article fondateur en guise de plaidoyer et à titre programmatique, utile, également, pour les nombreuses références auxquelles il renvoie, Blondiaux (à paraître) ; pour la science politique suisse cf. Gottraux, Schorderet, Voutat (à paraître).
  • [5]
    L’on a souhaité, pour cette étude, écarter le biais que pose la reconstruction par les protagonistes de leur investissement au cours d’entretiens ; le but de la recherche n’étant pas d’interroger la signification du regard porté et présenté à autrui par les principaux acteurs sur leur participation à ces événements ; Loïc Blondiaux a pu brièvement évoquer la faible importance que prennent les enjeux de la construction et la place de la science politique dans le récit des principaux fondateurs encore vivants, ibid.
  • [6]
    L’étude se présente comme un état transitoire de la recherche, qui méritera de plus amples développements mais dont on considère qu’ils ne sauraient invalider radicalement les principaux éléments proposés en l’espèce. L’on pense, notamment, au travail à mener sur les identités des principaux protagonistes.
  • [7]
    Voir pour une synthèse d’une des branches les plus dynamiques de la science politique contemporaine, Muller, Surel, 1998, ainsi que le n° spécial consacré aux « approches cognitives des politiques publiques » dont les deux auteurs précités en sont parmi les principaux promoteurs, Revue Française de Science Politique, 2000. Faut-il préciser, en l’espèce, les limites d’un tel emprunt : d’une part la mesure étudiée ne définit qu’une décision isolée qui ne fonde pas un véritable « programme d’action de l’État », d’autre part, ne peut, selon nous, lui être imputée une « matrice cognitive » spécifique. Sur les limites du recours systématique au « référentiel » cf. Chevallier, 1997b, 5-6.
  • [8]
    Leca, 1982, 653-677.
  • [9]
    Tunc, 1957, 71-78.
  • [10]
    Pour une relativisation de la domination des juristes dans la science politique française des années 1950-1960, cf. le point de vue défendu par Georges Lavau (1989, 133).
  • [11]
    Eisenmann, 1954.
  • [12]
    D’où jusqu’aux années 1980 (et parfois après), par un feedback étonnant, certains politistes-juristes, pour tenter d’échapper au pur formalisme du droit constitutionnel tout en continuant de rejeter l’utilisation de grilles d’analyses sociologiques alors développées par leurs collègues sociologues français (que ce soit l’individualisme méthodologique, la sociologie institutionnelle, constructiviste et/ou critique) vont alors recourir à un pis-aller : s’en tenir à une stricte présentation du structuro-fonctionnalisme et du systémisme américain développé dans les années 1960 et 1970. Le refus de toute grille sociologique pour l’analyse institutionnelle eût été une position épistémologique semble-t-il plus cohérente.
  • [13]
    Sur ce « passage à un positivisme techniciste » chez les administrativistes et pour le rappel de la nécessité d’une inscription du droit public au sein des sciences sociales : Chevallier, 1997a, 690 et 699.
  • [14]
    Cf. « l’évolution » des travaux de Gabriel Le Bras à l’approche plus formelle de Jean Gaudemet. Sur cette distance en forme d’ignorance, cf. Soubiran-Paillet, 1997, 141-163.
  • [15]
    Pierre Favre (1981, 89) note ainsi que « la science politique au sens étroit du terme y est peu présente ».
  • [16]
    Sur trois temps de la géographie électorale française, qui correspondent aussi selon ces auteurs, à trois modes d’interprétation et de réception du Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried, l’on renvoie à Blondiaux, Veitl, 1999.
  • [17]
    Publié en 1957, pour un aperçu, cf. Favre, 1981, ibid. , ainsi que Favre 1985, 37-41 ; plus spécifiquement, sur les modalités de diffusion de la technique des sondages d’opinion dans la science politique, qui permettent d’observer en arrière plan les enjeux sous-jacents et le cadre général des mutations de la discipline à partir du pôle IEP-FNSP, cf. Blondiaux, 1998, plus spécifiquement 452-481.
  • [18]
    Cette « science politique » se résume en fait jusqu’à l’après-guerre, au droit politique entendue comme théorie générale de l’État, et restreinte à une analyse historique et à l’étude du fonctionnement des institutions de la IIIème République, cf. Favre, 1989, ibid., 91-97. Si des professeurs de la faculté de droit assurent également des cours à l’École libre des sciences politiques, il ne s’agit que d’un simple changement de site et n’aboutit à aucune modification substantielle de l’approche envisagée. Le constitutionnaliste et historien du droit Adhémar Esmein enseigne ainsi de 1901 à 1913 l’histoire parlementaire et législative de la France depuis 1789 à l’École libre des sciences politiques, cf. Favre, 1989, ibid., 192-199.
  • [19]
    Insistant sur les limites de ce « foisonnement », François Goguel note ainsi que l’un des inconvénients « les plus évidents – dont on ne doit pas sous-estimer la portée – c’est que ceux qui se sentent vocation de politistes ne peuvent envisager de faire leur carrière uniquement comme tels », cf. Goguel, 1965, 91. Voir les nombreuses contributions au sein de ce numéro spécial en forme d’état des lieux.
  • [20]
    Cf. le numéro spécial cité.
  • [21]
    Surel, 1997, 155.
  • [22]
    Padioleau, 1982, 25, cité in Muller, Surel 1998, 57.
  • [23]
    S’ajoutent le marché du système national de la recherche dans les sciences sociales (demande d’État), le marché des biens culturels généraux, ainsi que le marché politique en tant que tel : Leca, 1982.
  • [24]
    Assemblée générale extraordinaire, séance du 30 septembre 1967, Bulletin du syndicat autonome du personnel enseignant des facultés de droit et de sciences économiques de l’État, 1967, 19 ; 1968, 50. [noté dorénavant BSA].
  • [25]
    Archives Sc. Po., Fonds François Goguel, FG13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, Commission pour l’organisation et le développement de la science politique en France, rapports-correspondances, document de synthèse février 1969.
  • [26]
    Elle se compose de MM. François Goguel (président), Maurice Duverger (droit), Marcel Merle (droit), Albert Mabileau (droit), Jean-Louis Quermonne (droit), Raymond Boudon (sociologie), François Bourricaud (sociologie), Georges Dupeux (histoire), René Rémond (histoire), Serge Hurtig et Jean Touchard (FNSP).
  • [27]
    Quatre réunions se sont tenues, les 9 et 19 décembre 1968, 18 et 25 janvier 1969.
  • [28]
    Séance du 10 février 1969.
  • [29]
    Lors des entretiens organisés le mois suivant par l’AFSP qui fête ses vingt ans d’existence, le débat sur l’état de la science politique en France qui prolonge ses premières interrogations, s’oriente sur ces questions de méthodes d’enquête et de collectes des matériaux, cf. AFSP, 1969, « L’État de la science politique en France », Entretiens du Samedi, mars, 10, cité par Blondiaux, 1998, 452, note.
  • [30]
    Lettre de François Goguel, 24 novembre 1969, archives Sc. Po., FG 13, Relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP, projet d’agrégation de science politique.
  • [31]
    Archives Sc. Po., ibid.
  • [32]
    Lettre d’Edgar Faure du 20 juin 1969.
  • [33]
    Sur cette distinction, cf. Favre, 1992, plus spécifiquement 6-10.
  • [34]
    Kington, 1984.
  • [35]
    Edgar Faure est reçu agrégé des facultés de droit, section de droit romain et histoire du droit en 1961. Aimant à se qualifier de « plus vieil agrégé de droit de France », il prolonge la liste des personnalités politiques qui, après un revers électoral, sont soucieuses d’embrasser la carrière universitaire, tels Pierre Mendès-France, ou Léo Hamon. Avec Georges Vedel, ce dernier l’avait encouragé à passer l’agrégation de droit public ou d’économie politique lui déconseillant « l’histoire du droit où il risquait d’être accueilli en intrus », ne suivant pas ces conseils, il fut reçu premier dans la section historique ; sur ces itinéraires, cf. Hamon, 1991, 394-396.
  • [36]
    Pour une présentation analytique de ces différents concepts l’on renvoie à Muller, Surel, 1998, 73 et suiv., et 143 et suiv.
  • [37]
    La loi d’orientation consacre les deux premiers principes : l’idéal de cogestion des universités par les étudiants et les professeurs, inauguré durant les mois de mai-juin à Paris et en province avec la création d’assemblées transitoires de gestion puis paritaires se substituant aux anciens « assemblées et conseils des facultés » réservés au corps enseignant, disparaît une fois la réappropriation des revendications et la canalisation des réformes par les autorités politiques. Ce processus de « normalisation » conduit les représentants des anciens « comités de grève » de nombreuses facultés à se désengager du processus de concertation, jugé dorénavant formel, dès décembre 1968.
  • [38]
    M. Duverger, A. Philip, cf. « La politique dans l’université », Le Monde, 5 septembre 1968, 8. Ces positions ne vont pas sans réaction, cf. le débat entre Edgar Faure et Georges Vedel, relaté par la presse: « "Il est naturel que les étudiants s’intéressent à la politique" écrit M. Edgar Faure à M. Georges Vedel », Le Monde, 10 août 1968, 12, ainsi que « Comme vous je pense qu’il est naturel et souhaitable que les étudiants s’intéressent à la politique répond M. Georges Vedel à M. Edgar Faure », ibid, 11-12 août 1968, 6. Sur l’ensemble de ces questions : Milet, 2000, 444-477.
  • [39]
    André Philip insiste sur la nécessité de « donner partout un enseignement politique et économique de base, permettant de former des citoyens responsables » (Le Monde, 5 septembre 1968, 8).
  • [40]
    Colin, « Les institutions sont tombées en poussière », Le Monde, 19 juin 1968, 11.
  • [41]
    Voir les lettres publiées pour servir au dossier : Paul Lagarde, Robert Kovar, Philippe Bloc, tous trois professeurs et maîtres de conférences agrégés à la faculté de droit et de sciences économiques de Nancy, « Maintenir un concours national sur épreuves… » ; Philippe Bern, Roger Schwartzenberg, assistants à la faculté de droit et de sciences économiques de Paris « …En le réformant » ; C. Chaumont, professeur à la faculté de droit de Nancy, « Supprimer cette consécration a priori… » ; Michel Beaud, « …qui paralyse les facultés », Le Monde, 11 juillet 1968, 18.
  • [42]
    Ces revendications participent aussi au courant politics, qui recouvre outre « des variations de l’état d’esprit national, des alternances parlementaires », « des campagnes de pression des groupes d’intérêts », tel que l’énonce Kington, cité in Muller, Surel,.1998, 73.
  • [43]
    Une trentaine d’agrégatifs sur 112 candidats qui ont signé le 15 mai la liste du concours, décident de boycotter le concours d’agrégation pour la section droit public et science politique ouvert en 1968, soutenus dans leur action par le PAN (mouvement Panthéon-Assas-Nanterre, ex-comité de grève-étudiant de la Faculté de droit de Paris), devant l’échec des revendications initiales d’une refonte globale du recours, une grande majorité de candidats à la rentrée universitaire de 1968 se positionnent en faveur d’une simple rénovation ; cf. « Agrégation de droit public, des candidats demandent le report du concours, Le Monde, 7 septembre 1968, 8, ainsi que « Controverse à propos de l’agrégation de droit public », Le Monde, 11 septembre 1968, 10.
  • [44]
    Le Monde, 11 juillet 1968, 10. Cette prise de position est secondée par un texte en des termes analogues signé par 43 agrégés de sciences économiques.
  • [45]
    Sur l’ensemble de ces questions et sur la gestion de la crise au sein des faculté de droit, cf. Milet, 2000, 446-449 et 461-462.
  • [46]
    Le projet de réforme reprend l’essentiel des propositions faites par le syndicat autonome des facultés de droit : suppression de l’épreuve écrite remplacée par une discussion sur travaux, spécialisation accrue mais avec conservation de la division en quatre sections (droit privé et sciences criminelles, histoire du droit, droit public et sciences politiques, sciences économiques), réduction des « leçons orales » et enfin modernisation de la section historique de « droit romain, histoire du droit » qui est transformée en « Histoire des institutions et des faits économiques et sociaux ».
  • [47]
    « Correspondance », Le Monde, 5 septembre 1968, 8.
  • [48]
    Wilson, 1983, 220-254.
  • [49]
    François Goguel écrit au nouveau ministre pour lui rendre compte de la mission impartie par son prédécesseur et lui indiquer les résultats, lettre non datée (mars 1970 ?), archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants, 1970-1981.
  • [50]
    Le président Pompidou a nommé Jacques Chaban-Delmas à Matignon (juillet 1969).
  • [51]
    Dans l’avant-projet, le ministère nomme le président qui propose ensuite trois membres qui proposent à leur tour trois autres membres, d’aucuns y décèlent un « risque d’arbitraire ». Le projet initial de l’AFSP tenait mieux compte de la nécessité d’une représentation diversifiée à vocation paritaire en optant pour la présence de deux professeurs de lettres-sciences humaines et deux directeurs d’études ou de recherches FNSP ou professeurs dans un IEP aux côtés des deux professeurs issus des facultés de droit. L’avant-projet restreint cette pluridisciplinarité.
  • [52]
    Rapport concernant le projet de création d’une agrégation de science politique, 10 février 1970, archives Sc. Po., FG9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [53]
    Cette situation va être modifiée après 1968. Au moment des discussions, cette modification n’est pas encore perceptible. Il est resté réservé face au mouvement étudiant, sans toutefois recourir à une opposition systématique tel qu’il a pu apparaître dans sa branche des facultés de Lettres.
  • [54]
    Un juriste note ainsi que « sur la plupart des points de fond, le syndicat autonome s’oppose radicalement au SNESUP, dont les conceptions « anti-élitistes » traduisent d’ailleurs surtout les vues d’assistants ambitieux, ayant en général échoué à l’agrégation, ce qui leur semble une qualification pour obtenir une « chaire » (ou quelque chose d’équivalent) par une autre voie, et de maîtres-assistants », in Correspondance du 31 janvier 1970, archives Sc. Po., FG13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique.
  • [55]
    Les notes manuscrites prises par François Goguel sur le déroulé des réunions montrent que la question est directement abordée par la commission : deux risques opposés sont soulevés : la nomination du président par le ministre pouvant être sujette à caution ; l’élection du président pouvant à l’inverse susciter des querelles entre facultés et entre syndicats, ibid.
  • [56]
    Communiqué reproduit dans Le Figaro du 21-22 mars 1970, 7, et Le Monde du 27 mars 1970, 9.
  • [57]
    Publié dans Le Monde, 5-6 avril 1970, 10.
  • [58]
    Lettre du 22 mars 1970 adressée par le secrétaire général du syndicat autonome au ministre, cf. Conseil syndical du 30 mai 1970, BSA, 20-21-22 (années 1968-1969-1970), 1970, 118. Il constate avec regret le manque de réaction des autorités.
  • [59]
    Dans sa réunion du 22 février 1969, le Conseil syndical avait rappelé déjà la motion votée par l’Assemblée générale des 13 et 14 septembre 1968 en faveur des réformes sur les fonctions, recrutement et voie longue des maîtres-assistants, arch. du rectorat de Paris, Fonds Boulet-Sautel, 22 février 1969, document A.64.
  • [60]
    La section locale du SNE-Sup de l’Université d’Aix-Marseille fait savoir qu’une « fraction non négligeable » de ses membres est en « désaccord total » avec cette position rendue publique émanant de son syndicat.
  • [61]
    Percent parfois, au détour des réflexions, des réflexes corporatifs : un juriste publiciste considère ainsi que ces nouveaux agrégés de science politique devraient de manière privilégiée enseigner dans les IEP, ce qui revient à accorder aux juristes le monopole de cet enseignement dans les universités de sciences juridiques et sociales ; de même, un Conseiller d’État souhaite que les anciens élèves de l’ENA, quels que soient leurs diplômes, puissent être admis à concourir. Pour saugrenue qu’une telle proposition puisse apparaître, la logique de déviation de l’ENA, de formation d’une élite administrative vers l’élite politique, alors même qu’aucun enseignement de « science politique » n’avait, jusqu’à une période récente, été instaurée dans le concours d’entrée, démontre l’isolement et la faible légitimité de la discipline dans certains champs (journalistique, administratif, politique). Une telle proposition (largement remaniée), eût pu contribuer, sous cet angle, à modifier ce rapport distant. La « science politique et administrative » a été intégrée parmi les options possibles de la cinquième épreuve du concours externe de l’ENA, cf. décret du 13 octobre 1999, JO, 14 octobre 1999, 15335-15336.
  • [62]
    L’on précise bien que cette opposition reste transversale, elle ne recoupe pas le choix en faveur ou à l’encontre de l’instauration du concours. Outre l’enjeu de la professionnalisation, d’autres facteurs expliquent le ralliement de sociologues et de chercheurs au projet : sur les diverses contraintes cf. plus loin.
  • [63]
    Cette dénomination s’appuie sur les différentes « cultures » des universitaires définies par Burton Clark, cité, de manière critique, par Pierre Bourdieu.
  • [64]
    Cette affirmation demande à être étayée ; le corpus utilisé (les correspondances adressées, les participants au processus de réforme) n’offre qu’un cadre restreint à l’analyse, celui des acteurs les plus impliqués. Seule une étude plus systématique pourra permettre de confirmer ou d’infirmer cette lecture.
  • [65]
    Cf. les correspondances de Jean Imbert, Guillaume Matringe, Charles Morazé, Jean-Marie Mayeur. Ce dernier note toutefois, ce qui étaye le clivage noté plus haut, qu’il aurait préféré le choix d’une liste d’aptitude, considérant que ce système « favorise le travail de recherche », arch. cit., correspondance 23 novembre 1969.
  • [66]
    Rapport concernant le projet de création d’une agrégation de science politique, 10 février 1970, archives Sc. Po.; cf. aussi le compte rendu des travaux de la commission Goguel, in BSA, n° 20-21 et 22 (années 1968-1969-1970), 1970, 94-95.
  • [67]
    Les épreuves sont allégées.
  • [68]
    FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, document de synthèse de la « commission AFSP », février 1969, 3.
  • [69]
    Arch. cit., Rapport concernant la création… 10 février 1970.
  • [70]
    FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, lettre de Jacques Lautman à François Goguel, 30 janvier 1970. Il précise « Cependant nos sections des facultés de Droit sont moins hostiles que ne l’avaient été celles des facultés des Lettres et de sciences devant des propos avancés, il y a un an à peu près, par un membre du Cabinet d’Edgar Faure… ».
  • [71]
    Dans son rapport au ministre François Goguel précise qu’un tel système a été rapidement abandonné au cours des discussions. D’une part des candidats sérieux pourraient renoncer compte tenu des risques afférents à la possibilité d’être reçus sans pour autant obtenir de poste, d’autre part, un tel système serait susceptible de susciter des candidatures opportunistes venant de journalistes et de personnalités politiques soucieux d’obtenir un simple titre pour le prestige sans intention d’épouser la carrière universitaire.
  • [72]
    Arrêté du 9 juillet 1971 portant modification de l’arrêté du 31 mars 1969 relatif à la réglementation du concours d’agrégation de droit et de sciences économiques, Journal officiel, septembre 1971, 9557, modif. 9875.
  • [73]
    Cf. la lettre de Serge Hurtig à Jean-Claude Casanova, 7 juillet 1980, archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [74]
    Article 3 de l’avant-projet.
  • [75]
    Bien plus la logique de l’avant-projet, qui dispense de cette sélection par le jury les titulaires d’un troisième cycle ayant reçu l’équivalence avec la thèse complémentaire (article 4 de l’avant-projet), aboutit même à des absurdités : comme le fait remarquer un correspondant à François Goguel, un titulaire d’une thèse d’histoire de l’art pourrait ainsi de droit être admis à concourir alors même qu’un politiste titulaire d’une thèse de 3ème cycle « mention études politiques » devrait se soumettre à présélection…
  • [76]
    Les reçus au concours d’agrégation sont nommés « maîtres de conférence agrégés » avant la titularisation définitive comme « professeurs agrégés ».
  • [77]
    Cette nécessité a pu même être énoncée par les tenants de l’histoire politique, René Rémond notait ainsi en 1965, que « de l’intelligence historique, la science politique peut attendre d’abord la confirmation de sa réaction initiale et spontanée contre une vue trop formelle, trop exclusivement juridisante des phénomènes politiques », cf. Remond, 1965, 51.
  • [78]
    Il poursuit : « la science politique est trop différente du droit – et souvent trop contestée par lui – pour qu’une telle procédure donne des résultats valables », archives Sc. Po., FG 9, dossier 4, enseignants 1970-1981.
  • [79]
    Lettre d’un professeur de droit, membre de l’AFSP à François Goguel, 22 novembre 1969, archives Sc. Po., FG 13 , relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, correspondances. À l’étape de nos recherches, il n’est pas possible de caractériser cet investissement de juristes dans la science politique ; au regard de la position universitaire et disciplinaire des principaux intervenants et intéressés au processus de création d’une agrégation spécialisée, il semble que l’hypothèse d’une voie de sortie pour des juristes « dominés » soit invalidée. L’on suit sur ce point les remarques de Bastien François qui s’appuie notamment sur le nombre de postes ouverts à l’agrégation de droit public pour mettre en doute la validité de l’analyse bourdieusienne menée par Pierre Favre qui ferait de cet investissement politiste un choix stratégique de nouveaux « entrants » face à un « champ saturé », cf. François, 1996, 112 ; Favre, 1985, 38.
  • [80]
    Résolution sur l’agrégation, BSA, 1967, 19 ; 1968, 50.
  • [81]
    BSA, 1970, 101.
  • [82]
    Je souligne. Est symptomatique à cet égard la retranscription effectuée au sein du Bulletin du Syndicat autonome sur l’avant-projet ministériel créant une « agrégation de sciences politiques » retranscrite au pluriel, Conseil syndical, 7 mars 1970, BSA, 1970, 101.
  • [83]
    Sur ces contraintes de procédure et des règles formelles sur la prise de décision, cf. Muller, Surel, 1998, 106 et suiv.
  • [84]
    L’historien des idées, Jean Touchard, rédacteur du (nouvel et dernier) avant-projet écrit ainsi à François Goguel afin de lui soumettre en préalable le texte : il lui explique qu’il n’est « pas toujours parfaitement à l’aise dans les formules juridiques » rédigeant « pour la première fois de [sa] vie », « un texte de cette nature », archives Sc. Po., FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier AFSP : projet d’agrégation de science politique, correspondances.
  • [85]
    Lettre du 21 janvier 1971 de Gerges Vedel à Jean Touchard, archives Sc. Po.
  • [86]
    Cf. la note de François Goguel du 9 février 1971 ; une note rédigée par François d’Arcy, communiquée à François Goguel et étayée par Jean-Louis Quermonne, ibid.
  • [87]
    L’opposition à la réforme provient de la crainte d’une domination du pôle juridique. Un correspondant, judicieusement, entrevoit l’impossibilité d’une tendance à la création de poste dans les facultés de Lettres (forte des dissensions avec le ministère concernant l’expérience pilote de Vincennes, de l’inintérêt d’un concours pour des docteurs es lettres dont le titre donne déjà accès à un poste de maîtres de conférence) ainsi que dans les IEP (satisfaits généralement du système des vacataires), en conséquence il se positionne en faveur d’un contingentement de postes « réservés aux docteurs d’État es lettres spécialisés en science politique, qui semble conforme à la vocation sociologique de la science politique », correspondance du 25 novembre 1969, in archives Sc. Po., FG 13, relations scientifiques 1969-1981, dossier : AFSP : projet d’agrégation de science politique.
  • [88]
    Il ne s’agit pas de négliger l’existence et l’importance du pôle sociologique (organisé principalement autour de la FNSP et de l’IEP de Paris) avant cette date, qui a largement œuvré à l’édification de la discipline depuis l’après-guerre [Blondiaux, 1998, 452 et suiv.], mais d’insister sur la redéfinition globale de la science politique française comme une "science sociale du politique" à part entière, qu’impliquait, à terme, une telle réforme. La "sociologie politique" ne sera bientôt plus seulement sectorielle (quels qu’en soient par ailleurs les types d’approches et d’écoles, cf. Favre, 1981), en tant que simple sous-branche disciplinaire, mais substantielle à la discipline.
  • [89]
    Ce mouvement est pleinement consacré dans les années 1990 : sur le versant pédagogique de cette transformation qui s’observe de manière concomitante dans les travaux de recherches, cf. Neveu, 1998.
  • [90]
    Sur ces points cf. Favre, 1989, 144.
  • [91]
    Entre d’une part les IEP et les « facultés » de droit, entre « facultés » d’autre part.
  • [92]
    Cf. le rapport sur le premier concours.
  • [93]
    Outre la voie « sociologique » il existe rapidement pour la spécialisation deux voies concurrentes au concours d’agrégation : la voie « longue » instaurée depuis 1973 et un recrutement exceptionnel également réservé aux maîtres-assistants organisé par le décret du 9 août 1979. Albert Mabileau constate que sur les huit emplois créés entre 1976 et 1982, cinq l’ont été par ces voies contre seulement 3 par la voie de l’agrégation, cf. correspondance du 15 septembre 1980, archives Sc. Po., FG 9.
  • [94]
    Cf. Favre, Legavre, 1998.
  • [95]
    Le regard porté sur la science politique dans un compte rendu journalistique du dernier Congrès de l’AFSP tenu à Rennes en septembre 1999 démontre la persistance d’une méconnaissance profonde de la discipline par les journalistes, déjà relevée au début des années 1980 par Jean Leca, cf. Weil, « La science politique face à la fascination du bio-pouvoir », Le Monde, 19 octobre 1999, 21 ; l’auteur, qui appelle à un « supplément d’âme », développe une critique de la dérive sociologique supposée de la discipline par opposition aux vertus des questionnements plus philosophiques et « normatifs » d’outre-Atlantique. La thèse défendue, le recours pour le moins inattendu aux propos de certains intervenants, ce qui participe de la confusion, la surévaluation enfin d’une problématique résiduelle (faire face à « l’offensive de fanatiques du biopouvoir » ?) ont provoqué une vive réaction notamment au sein de la jeune génération d’enseignants chercheurs. En guise de réponse à cette appréciation, cf. Neveu, « Une science politique imaginaire », Le Monde, 26 octobre 1999, 16.
  • [96]
    Je remercie vivement MM. Frédéric Audren, Loïc Blondiaux et Jean-Louis Halpérin pour leurs commentaires d’une première version de ce texte qui m’ont permis de préciser certains aspects du rapport de la science politique à l’histoire du droit et à son versant sociologique. Je reste naturellement seul responsable du texte final.
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