Hérodote 2015/1 n° 156

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Article de revue

Géopolitique de l’agriculture indienne

Pages 29 à 49

Notes

  • [1]
    Voir par exemple le court-métrage de Toby Nicholas : Mine. Story of a Sacred Mountain, Survival International, 2009 (où la vie tribale est passablement idéalisée pour la bonne cause). www.survivalinternational.org/films/mine. Je remercie Raphael Rousseleau pour avoir attiré mon attention sur les travaux de Felix Padel, sur ceux du programme SOGIP à l’EHESS, et sur le site www.minesandcommunities.org.
  • [2]
    Financial Times Stock Exchange, indice boursier des 100 entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la Bourse de Londres.
  • [3]
    BJP : Bharatiya Janata Party (Parti du peuple de Bharat, le vieux nom sanscrit de l’Inde), bras politique du mouvement nationaliste hindou. Le parti a gouverné l’Inde de 1998 à 2004 à la tête d’une coalition. Il est revenu au pouvoir en disposant de sa propre majorité le 26 mai 2014, Narendra Modi devenant Premier ministre. Une coalition menée par le parti du Congrès a gouverné le pays de 2004 à 2014, Manmohan Singh étant Premier ministre.
  • [4]
    Dalit : mot marathi signifiant « écrasé », opprimé. Le terme désigne désormais les basses castes jadis qualifiées d’intouchables, appelées « castes répertoriées » par l’administration indienne. Les dalits comptent pour 16,6 % de la population indienne, les tribaux, dits aussi « adivasis » ou « tribus répertoriées », comptent pour 8,6 %, soit au total un quart de la population.
  • [5]
    Au Pakistan même, le projet de grand barrage de Kalabagh sur l’Indus attise les tensions entre les provinces d’aval, le Sindh et le Baloutchistan, et le grenier agricole et cœur du pouvoir pakistanais : le Pendjab. Rappelons qu’au Pakistan l’irrigation est impérative pour nombre de cultures vivrières comme pour la culture commerciale clé qu’est le coton.
  • [6]
    Pour le détail, voir les tableaux 7-2 A-B et 7-3 A-B, Economic Survey 2013-2014, Statistical Appendix, New Delhi, Ministry of Finance, 2014, p. 71-78.
  • [7]
    Les normes de l’OMC limitent les subventions de nature alimentaires à 10 % de la valeur nationale de la production alimentaire du pays concerné. L’Inde juge périmées les références statistiques de l’OMC, et demande de modifier la date de référence de calcul des subventions, de tenir compte de l’inflation et des fluctuations monétaires.
  • [8]
    Le combat indien pour les médicaments génériques oppose de même le pays aux grandes multinationales du médicament : sont en lice ici les entreprises et leurs avocats respectifs, mais aussi les politiques, dans un contexte où l’on retrouve les émergents (Inde, Brésil, Afrique du Sud en particulier) contre les leaders européens et américains du marché.

1 La géopolitique de l’agriculture indienne, pour la définir sous cette formule limitée, se décline sous de multiples composantes. Dans un pays qui compte encore deux tiers de ruraux et la moitié des emplois dans l’agriculture, celle-ci ne compte que pour moins d’un sixième du PIB. Ce décalage génère de graves problèmes socioéconomiques. L’Inde est l’un des plus gros producteurs agricoles au monde, mais une part de l’agriculture indienne est en crise, comme l’illustre le nombre tragique de suicides de paysans. Le modèle de la révolution verte, qui porta ses fruits après 1970, semble toucher à sa fin, d’autant qu’elle a laissé de côté l’essentiel des terres sèches. Une nouvelle révolution verte, dite parfois révolution doublement verte, est attendue, plus en accord avec les principes écologiques et le développement durable. Les densités rurales sont encore fortes, trop fortes : les exploitations s’amenuisent génération après génération, et les vieilles stratégies d’industrialisation rurale n’ont pas résolu le problème de l’emploi. Pire, la compétition pour les terres s’est aiguisée entre les paysans et les grands « développeurs » industriels et miniers qui voient se dresser contre eux des mouvements locaux n’attendant rien d’un monde mû par des logiques qui les dépassent.

2 Conflits pour la terre, conflits pour l’eau d’irrigation, menaces sur les forêts et sur les populations tribales, conflits sociaux débouchant en partie sur l’insurrection armée maoïste dans l’Inde centrale, défi climatique, politique environnementale, sécurité alimentaire, Organisation mondiale du commerce : la géopolitique indienne de l’agriculture se déploie largement en interne, mais elle compte aussi une dimension internationale non négligeable. Dans le cadre régional, l’accès à l’eau est source de controverses entre l’Inde et ses voisins, et les migrations illégales du Bangladesh vers les terres de l’Assam voisin sont un thème récurrent, tant dans la politique locale que dans le discours nationaliste. À l’échelle globale, la question agricole se déploie tout autant. Les achats massifs de terre à l’étranger comptent moins ici que la place de l’agriculture dans la politique indienne d’aide et de coopération, et surtout que les positions indiennes dans les grandes négociations internationales.

3 Si l’enjeu agricole et la sécurité alimentaire sont au premier plan des intérêts indiens capables de bloquer les négociations du cycle de Doha de l’OMC, la posture indienne sur les négociations climatiques (qu’on n’abordera guère ici) mériterait également l’attention car elle illustre un dilemme majeur dont le pays n’a pas le monopole. La tension entre politique industrielle et monde paysan ne porte pas seulement sur l’accès à la terre : elle relève aussi de la problématique du développement durable. De même, les débats sur les OGM, sur la défense des petits paysans face aux multinationales de la biotechnologie et aux tentations de l’agrobusiness sont indissociables des politiques d’attraction des investissements étrangers que le nouveau gouvernement de Narendra Modi, arrivé au pouvoir en mai 2014, entend encourager.

L’état des lieux. Réforme agraire et révolution verte : des transformations inégales et inachevées

4 L’Inde indépendante a mené, sous la direction du Premier ministre Jawaharlal Nehru (1947-1964), une réforme agraire qui, pour faire bref, a visé essentiellement les plus grands propriétaires, vieux féodaux ou intermédiaires enrichis depuis quelques générations par la collecte des impôts au bénéfice de l’Empire britannique. Cette réforme a pris un tour différent selon les régions, où les poids respectifs du système zamindari (domination des grands propriétaires) et du système ryotwari (société paysanne) dans le régime colonial pouvaient grandement varier. Cette réforme agraire a créé une société rurale d’un type particulier, fondé pour l’essentiel sur un triptyque dominé par une classe de notables puissants mais dont les propriétés sont relativement limitées (quelques dizaines d’hectares, voire quelques hectares), sous lesquels une classe de petits paysans, agriculteurs microfundiaires ou métayers, vivent chichement, tandis qu’un prolétariat d’ouvriers et d’ouvrières agricoles dépend du bon vouloir des possédants qui les emploient et dont ils sont souvent des créanciers à vie.

5 Par la suite, certains États de l’Union indienne ont mis en œuvre une politique de réforme plus poussée : c’est le cas du Bengale occidental où le Parti communiste indien-marxiste (PCI-M) arrive au pouvoir par les urnes en 1977 et s’y maintient plus de trente ans. L’opération Barga, qu’il lance en 1978, a permis de légaliser et de pérenniser par transmission héréditaire plus d’un million de métayers, jusque-là sous simple accord oral révocable par le propriétaire, et de leur offrir une part plus conséquente des récoltes. Mais certains militants ont voulu aller plus loin, cette réforme laissant de côté les ouvriers agricoles. Le PCI-M était né d’une scission du Parti communiste indien prosoviétique. Une scission promaoïste se fait jour dès 1969, alors que la Chine de Mao Zedong est engagée dans la Révolution culturelle. C’est à partir d’un conflit agraire dans un village du nord du Bengale, Naxalbari, que naîtra le mouvement révolutionnaire naxalite. Écrasé au Bengale (entre autres par les communistes parlementaires), il renaîtra de ses cendres pour s’enraciner durablement dans l’Inde centrale et devenir l’un des grands problèmes sécuritaires du pays.

6 Lancée après la disparition de Nehru en 1964 et la crise alimentaire de 1965- 1966, la « révolution verte » a réussi à faire disparaître les dernières disettes sans pleinement permettre de relever pour autant le défi de la malnutrition. Fortement encouragée par la Fondation Ford, la révolution verte indienne répondait de façon claire au quatrième point du discours inaugural du président Truman qui, en 1949, entendait lancer « un nouveau programme audacieux » pour que les avancées scientifiques bénéficient aux « zones sous-développées », une stratégie définie par Nelson Rockefeller comme « élargissant les frontières de l’intérêt national » américain [Rockefeller, 1951]. Promouvoir la révolution verte servait aussi à écarter la révolution rouge : une stratégie d’aide et de coopération inscrite dans la logique de la guerre froide [Perkins, 1998]...

7 Fondée sur l’expansion des variétés de semences à haut rendement, de l’irrigation et des engrais, elle ne s’est appliquée que dans les régions propices, vallées ou poches irrigables au bénéfice premier de la riziculture et du blé, et sans toucher les zones d’agriculture pluviale. Le moteur en fut les paysans disposant d’assez de capital pour investir et bénéficier des aides de l’État : ceux qu’on a parfois appelés les koulaks, en souvenir de la Russie présoviétique, et qui appartenaient le plus souvent aux castes dominantes des campagnes (pas nécessairement les plus hautes dans la hiérarchie traditionnelle, mais de bon statut et surtout maîtres d’une grande part des terres et des hommes) : Jats de l’Inde du Nord, Patels du Gujarat, Reddiars de l’Andhra Pradesh et du Tamil Nadu ; Gowdas et Lingayats du Karnataka, ou les bien nommés Bhumihars (bhumi = la terre) du Bihar...

8 Le dernier rapport OCDE/FAO sur l’agriculture indienne [OCDE/FAO, 2014] en brosse un tableau contrasté. Côté positif, il souligne une croissance moyenne annuelle de l’ordre de 3 % au fil des quarante dernières années, et une productivité en hausse notable sur le long terme, la production agricole ayant quadruplé en un demi-siècle (les céréales alimentaires passant de 50 Mt en 1950 à 263 Mt en 2013), la population ayant plus que triplé dans le même temps pour atteindre 1,2 milliard d’habitants en 2011. L’Inde est le premier producteur mondial de lait et de légumineuses, le deuxième pour le riz, le blé, les légumes, les fruits, la canne à sucre. Première pour le jute, seconde pour le coton, deuxième aussi pour la pêche et l’aquaculture.

9 Mais les problèmes demeurent, voire s’intensifient. La part de l’agriculture dans le PIB baisse rapidement (de près de 30 % en 2000 à 14 % en 2012), alors que l’agriculture compte toujours environ 50 % des emplois, dans une population rurale à 68 %. Un pays de microfundiaires ne peut garantir assez d’emplois agricoles dans des campagnes qui restent, dans l’ensemble, densément peuplées. Le soutien public aux petits paysans est donc nécessaire, dans des cadres régionaux très divers [Lutringer, 2013]. Les famines ont disparu, mais la sécurité alimentaire demeure une préoccupation majeure [Landy, 2014]. Même si les indicateurs vont dans le bon sens, l’Inde reste un pôle mondial de pauvreté rurale et d’enfants en état de sous-nutrition.

10 Cette dualité entre les données macroéconomiques de production et la fragilité d’une bonne part de la population paysanne est un élément fondamental pour comprendre les grands paramètres de la géopolitique de l’agriculture indienne. Tous les mouvements de défense des petits paysans ou des sans-terre n’ont pas une dimension géopolitique. Le plus célèbre d’entre eux, Ekta Parishad ou Forum de l’unité, créé en 1991, a mobilisé plusieurs fois des dizaines de milliers de participants sans terre dans des « marches pour la justice » d’inspiration gandhienne et en appelle à une nouvelle réforme agraire. Il a su trouver de multiples relais internationaux dont Via Campesina ou, en France, l’ONG Peuples solidaires et la Confédération paysanne. En revanche, ancrés dans une région précise, de multiples mouvements relèvent bien d’une « lutte de pouvoirs sur un territoire ». Plus qu’un long catalogue d’actions significatives, une typologie de luttes emblématiques peut éclairer les problématiques qui touchent à des questions clés ne portant pas sur la seule agriculture stricto sensu, mais aussi sur les questions d’eau, de forêts et d’environnement, vécues à la base, sur le terrain.

11 Avant d’évoquer les luttes, il convient d’abord de souligner l’ampleur d’une manifestation de la crise de l’agriculture qui, précisément, n’a pas pris la forme de mouvements protestataires organisés : les suicides de paysans endettés. La gravité du phénomène est aujourd’hui reconnue, bien après les enquêtes pionnières d’un journaliste spécialiste des questions rurales indiennes, couronné par de nombreux prix pour ses reportages dans l’Inde des profondes détresses paysannes. Pris dans les rets de l’endettement, souvent après avoir tenté de jouer la carte de la modernisation de l’agriculture en passant des cultures vivrières aux cultures commerciales tel le coton irrigué par puits finissant par épuiser les nappes phréatiques déficientes, le recours au suicide du petit paysan surendetté est une pratique appelant aussi une interprétation culturelle et anthropologique. L’ampleur du phénomène, quatre fois plus meurtrier que trente ans d’insurrection au Cachemire, n’en reste pas moins saisissante : selon les statistiques officielles, 272500 paysans se sont suicidés en Inde entre 1995 et 2010, 62 % se concentrant dans cinq États contigus : Maharashtra, Madhya Pradesh, Chattisgarh, Andhra Pradesh, Karnataka [Sainath, 2012]. La prise en compte des données du recensement de 2011 confirme deux points [Sainath, 2013] : le recours au suicide se poursuit, alors même que le nombre d’exploitants agricoles a baissé de 7,7 millions en dix ans, et le pourcentage de suicide chez les paysans (16,3 pour 100000 en 2011) a légèrement augmenté depuis 2001, et dépasse de loin celui des autres catégories de population (11,1 pour 100000).

De la défense des petits à la mise en question des modèles de développement

12 À l’inverse de ces détresses individuelles qui font tache d’huile mais sans se rejoindre pour combattre, l’Inde a connu de multiples luttes paysannes après l’indépendance. Le mouvement Chipko prend corps ainsi dans les années 1970 pour s’opposer, dans les collines de l’Himalaya qui sont aujourd’hui dans l’État d’Uttarakhand, aux droits d’exploitation forestière concédés à des compagnies commerciales. Le mouvement est non-violent, et se fait connaître par une technique spécifique : les villageoises entourent de leur corps les arbres promis à la coupe. Le mouvement se propagera, et contribuera à sensibiliser une part de l’opinion sur les dangers de la déforestation, par des luttes qui sont d’abord sociales mais qui ont puissamment nourri la prise de conscience environnementale dans le pays.

13 Encore plus emblématique est le Mouvement pour la défense de la Narmada (Narmada Bachao Andolan) qui s’oppose pendant des années par des manifestations non-violentes et des grèves de la faim à l’expulsion des riverains, souvent tribaux, du fleuve Narmada où se construisent de multiples barrages, pour l’essentiel au Madhya Pradesh, les principaux bénéficiaires étant les paysans du Gujarat recevant de l’eau d’irrigation en aval de cet aménagement de très grande ampleur [Racine, 2001]. Plus que tout autre, ce mouvement, qui in fine a échoué, a mis en lumière le problème de la réhabilitation des populations déplacées au nom des grands programmes de développement. Mené par des leaders ou porte-parole extérieurs au monde paysan devenus des personnalités emblématiques (Medha Patkar au premier rang) acquérant une aura internationale et capables de convaincre la Banque mondiale d’arrêter de financer le projet, le mouvement pour la Narmada a puissamment contribué, avec des réseaux dans le monde intellectuel et médiatique, à poser la question de la validité des modes de développement qui perturbent ou détruisent les communautés rurales traditionnelles, sans aucun bénéfice pour les déplacés. La question des barrages est toujours d’actualité comme l’illustre parmi d’autres, le cas de Gosikhurd, dans l’Inde centrale, où quatre-vingt-treize villages doivent disparaître, afin que l’irrigation – et, dans la rhétorique développementaliste, la révolution verte – puisse s’étendre dans des terres sèches et « arriérées » [Cabalion, 2011].

« Avatar » en Orissa : tribus contre multinationale minière

14 Le cas le plus significatif de la lutte entre communautés locales et multinationales est celui de la tribu des Dongria Khonds, dans les montagnes de l’Orissa (aujourd’hui Odisha), dans les districts très reculés de Rayagada et de Kalahandi, tristement célèbres jadis pour les disettes et famines dues aux sécheresses. L’enjeu est la montagne de Niyamgiri, où vivent quelque 8000 Dongria Khonds, cultivant millets, pois, haricots, fruits, bambous, herbes médicinales. Riche en bauxite, le sommet de Niyamgiri, culminant à 1500 mètres, devait être arasé par une mine à ciel ouvert, au bénéfice d’un consortium établi en 2003 par la filiale indienne de la multinationale britannique Vedanta Resources Plc (capitalisation à la Bourse de Londres : plus de 4 milliards de dollars) en partenariat avec l’Orissa Mining Corporation, une entreprise publique du gouvernement d’Orissa. En 2007, Vedanta établissait au pied de la montagne une usine d’aluminium d’une capacité d’un million de tonnes par an, le coût de la mine étant évalué en sus à 1,7 milliard de dollars.

15 David contre Goliath : les Dongria Khonds s’opposèrent au projet, en invoquant à la fois l’attachement à leur mode de vie agroforestier et leurs croyances religieuses vénérant la nature, en particulier Niyamgiri, séjour de leur divinité tutélaire Niyam Raja ayant donné son nom à la montagne. Les travaux de longue durée de l’anthropologue Felix Padel ont décrypté la vision du monde des Khonds et leur rapport à la nature, donnant à la défense de leur territoire une aura quasi philosophique [Padel, 2009 ; Padel & Das, 2010]. Vite relayé par des organisations internationales, le combat des Dongria Khonds prit un tour inattendu avec l’énorme succès mondial du film hollywoodien de James Cameron Avatar, sorti en 2009. La science-fiction avait imaginé une exoplanète où les Terriens du XXIIe siècle venaient contrôler par clonage les Na’vi, population établie sur le site d’un rare minerai (joliment baptisé unobtainium) susceptible de résoudre la crise énergétique affligeant la Terre. Très vite, les Dongria Khonds défendant leur milieu ancestral furent rebaptisés par les médias les « vrais Avatars », et des vedettes médiatiques anglo-saxonnes soutinrent leur lutte, telle Joanna Lumley, prêtant sa voix aux courts-métrages de Survival International, l’ONG de référence de défense des peuples autochtones, illustrant le combat des Khonds [1].

16 Sur un autre mode, les rapports annuels d’Amnesty International ont contribué à déconstruire les argumentaires développementalistes de Vedanta, en soulignant combien la multinationale faisait fi des règlements indiens et de ses propres engagements [Amnesty, 2012]. Le combat des Khonds fut gagné sur le terrain du droit, la Cour suprême indienne décidant en avril 2013 de consulter douze des villages khonds concernés par le projet, ce qui fut fait en janvier 2014 : tous se prononcèrent contre la mine. Le ministère de l’Environnement et des forêts du gouvernement central indien confirma son opposition déjà formulée au projet minier, Vedanta acceptant en avril 2014 de soumettre son hypothétique mine à ciel ouvert à l’approbation future (encore plus hypothétique) des tribus locales, qui cherchent désormais à faire clore l’usine du piémont, alimentée tant bien que mal par de la bauxite venue d’ailleurs, la compagnie cherchant de nouvelles autorisations auprès du gouvernement d’Orissa. Une défaite pour la compagnie minière, sortie en 2013 de l’indice FTSE-100 [2] de la Bourse de Londres, et disposant depuis mars 2014 d’un nouveau directeur général, l’ancien dirigeant de Rio Tinto, le deuxième groupe minier mondial. Mais les militants de la cause autochtone restent très prudents, et craignent que la politique du nouveau gouvernement indien ayant pris ses fonctions le 26 mai 2014, et en particulier l’altération des lois foncières et environnementales en projet, ne ravive les ambitions de Vedanta [Amnesty, 2014].

Paysans contre industriels au Bengale

17 Moins médiatisées à l’étranger, mais riches de sens en Inde, furent les luttes opposant les petits paysans du Bengale occidental aux grandes entreprises industrielles recevant du gouvernement de l’État des terres cultivées pour y implanter de nouvelles usines. Le cas le plus commenté fut celui de Singur, un village aux terres irriguées à une quarantaine de kilomètres de Calcutta. En 2006, le gouvernement communiste du Bengale, soucieux de favoriser la création d’emplois industriels, y acquiert quelque 400 hectares en invoquant une vieille loi des temps coloniaux, le Land Acquisition Act de 1894. Ces terres sont destinées à Tata Motors, la branche véhicules du plus prestigieux des grands groupes industriels indiens, pour y construire la petite Nano, « la voiture la moins chère du monde ». Les problèmes posés par l’inadéquation des compensations offertes aux paysans furent instrumentalisés par l’opposition du Trinamool Congress, allié un temps à la droite nationaliste du BJP [3], tandis que le Parti communiste indien marxiste au pouvoir se vit débordé sur sa gauche par l’opposition maoïste, mais aussi par nombre d’ONG et d’intellectuels très connus, avec qui le gouvernement refusa le débat. Dans une analyse lumineuse de la toile de fond socioéconomique et du jeu des acteurs politiques, Sumanta Banerjee rappelle que tous les métayers n’ont pas choisi de profiter de l’opération Barga, qui avait assis pour longtemps la prégnance du Parti communiste dans les campagnes. Certains des plus fragiles avaient préféré garder des liens personnels mais non formalisés avec les propriétaires fonciers accumulant leurs créances : ceux-là ne purent bénéficier des compensations proposées, qui du reste furent jugées décevantes par les bénéficiaires légaux, les ouvriers agricoles étant aussi en dehors du jeu, les perspectives d’emploi dans la future usine étant en outre limitées pour des ouvriers non qualifiés.

18 Plus généralement, la crise de Singur a parfaitement illustré les tensions entre agriculture et industrie. Buddhadeb Bhattacharya, le chef du gouvernement, avait fait campagne sur le slogan « l’agriculture est notre base, l’industrie notre avenir ». Les bénéfices tirés de la réforme agraire antérieure n’ont pas percolé jusqu’à tous et la production agricole touchait alors un plateau au Bengale, tandis que le manque d’infrastructures rendait inacceptables pour Tata Motors d’autres sites éventuels sur des terrains en friche, mais lointains et mal connectés. Sumanta Banerjee, qui connaît l’histoire des luttes populaires et des politiques de croissance, replace ainsi Singur dans un contexte beaucoup plus large, défini par « le problème fondamental de réconcilier les intérêts paysans avec la demande de croissance industrielle. La priorité donnée à celle-ci a façonné aussi bien les politiques des États capitalistes de l’Europe du XIXe siècle que celle de leurs successeurs socialistes en URSS et en Chine, tandis que l’inconfortable relation entre agriculture et industrie continue d’être un défi pour les États gouvernés par la gauche au Venezuela, en Bolivie, au Brésil et ailleurs en Amérique latine » [Banerjee, 2006]. Finalement, las de ce conflit, Tata Motors décida en 2008 d’arrêter la construction de son usine de Singur, et la transféra au Gujarat, à l’invitation de Narendra Modi, qui dirigeait alors cet État en jouant à fond la carte de l’industrialisation et des infrastructures. Convaincre Tata Motors de quitter un État communiste pour un bastion du BJP contribua à façonner l’image d’efficacité de Modi, qui n’avait pas encore acquis la stature de leader national, mais savait s’entourer de grands capitaines d’industrie, lors du très médiatisé sommet annuel des investisseurs, baptisé « Vibrant Gujarat ».

19 Alors même que le conflit de Singur se développait, un autre projet, proche de la zone portuaire de Haldia, au sud de Calcutta, suscita une même opposition entre paysans et puissance publique réquisitionnant des terres, pour créer en 2007, à Nandigram, une « zone industrielle spéciale » dévolue à l’industrie chimique, au bénéfice entre autres du groupe indonésien Salim. Une étrange coalition politique se dressa alors contre le projet au nom des intérêts des paysans du cru. Le parti du Congrès, très affaibli au Bengale, le Trinamool Congress (qui en avait fait scission en 1998), les islamistes de la Jamiat e Ulema e Hind (le district environnant compte une notable minorité musulmane) et les communistes du SUCI (Socialist Unity of India Centre, jadis allié du Front uni mené par le PCI-M dans les années 1960) créèrent un « Comité contre les évictions foncières » regroupant divers mouvements locaux déjà engagés sur ce type de conflit. Des violences répétées entre les opposants et les militants du PCI-M firent monter la tension, jusqu’à ce que la police tue, le 14 mars 2007, quatorze manifestants. Le gouvernement Bhattacharya renonça alors à ce projet. Aux élections à l’Assemblée du Bengale occidental de 2011 le PCI-M essuya sa première défaite depuis 1977, après avoir été victorieux sept fois de suite. L’inévitable usure du pouvoir et l’effritement de la base rurale du parti scellèrent son sort, au profit du Trinamool Congress de Mamata Banerjee qui avait été à la pointe du combat défendant les paysans contre les grands projets industriels accaparant les terres.

20 Les luttes foncières du Bengale eurent un écho particulier, mais furent loin d’être exceptionnelles, comme l’illustre le cas du projet d’aciérie de Posco, la major sud-coréenne, sur la côte de l’Orissa. Plus de 1600 hectares doivent être achetés dans une « zone économique spéciale », un tiers de la surface ayant été transféré par l’État. Ce projet majeur, prévoyant 12 milliards de dollars d’investissement pour produire 6 millions de tonnes d’acier par an et employer 18000 salariés directs, a été approuvé en 2006. Face aux oppositions de toutes sortes, Posco a obtenu fin 2013, pour la quatrième fois, un délai pour mener à bien ses achats fonciers [Sen, 2013]. À travers toute l’Inde, les zones économiques spéciales ont suscité des tensions, voire des conflits ouverts. L’Inde en voie de libéralisation s’est inspirée du modèle chinois de zones industrielles dévolues à l’exportation, sous conditions favorables pour les investisseurs, mais en en multipliant le nombre dans un contexte politique évidemment très différent. Une étude récente, conduite dans onze États indiens, illustre la diversité des cas de figure, des modes de mobilisation et d’intensité des protestations, mais souligne aussi la problématique commune à ces luttes : « Une stratégie d’industrialisation pionnière dans la Chine autoritaire a suscité une énorme résistance politique dans l’Inde démocratique. (...) Le point crucial de contestation étant l’aliénation de terres privées ou communautaires au bénéfice des intérêts d’affaires soutenus par l’État » [Kennedy et al., 2014].

De la lutte pour la terre à l’insurrection révolutionnaire : les naxalites

21 La question des naxalites a nourri une très abondante littérature qui ne s’épuise pas [Chakravarti, 2009 ; Cabalion, 2011 ; Jaffrelot, 2011], car elle illustre, non sans ambiguïtés, la persistance historique de luttes révolutionnaires ancrées dans le modèle maoïste d’avant la prise du pouvoir, jouant, contre le modèle européen des révolutions ouvrières, la carte de la paysannerie. Le mot vient du village du Nord Bengale, Naxalbari, où se cristallise pendant près de deux mois, en 1967, un mouvement tribal et paysan contre l’accaparement des terres, vite théorisé par des intellectuels communistes prônant la violence de classe contre les propriétaires terriens. Le mouvement échouera dans cette première phase, mais donnera naissance trois ans plus tard à une scission au sein du PCI-M, pour créer un mouvement non plus parlementaire mais révolutionnaire : le Parti communiste indien marxiste-léniniste (PCI-ML). Surtout, sur le terrain, l’insurrection se déplacera vers l’Inde centrale et fera tache d’huile depuis le Bihar jusqu’à l’Andhra Pradesh, dans ce qu’on appellera bientôt le « corridor rouge » dont l’un des bastions se fixera dans les collines tribales du Chhattisgarh où les naxalites finiront par « tenir » une partie significative de districts sur la soixantaine où ils ont une présence notable, en dépit d’un déploiement considérable de forces paramilitaires et policières, et de la création par le gouvernement du Chhattisgarh d’une milice tribale antinaxalite, baptisée Salwa Judum, qui finira par être interdite par la Cour suprême indienne en 2011. Entre 2003 et 2012, l’insurrection a coûté la vie à plus de 8000 personnes [Routray & D’Souza, 2013], certaines attaques contre les forces de l’ordre (en 2010) ou des forces politiques parlementaires (en 2013) ayant marqué les esprits : l’ancien Premier ministre Manmohan Singh avait du reste qualifié l’insurrection naxalite de « plus grande menace intérieure », plus grave en effet que le terrorisme, avait surenchéri son ministre de l’Intérieur en 2011. Le ministre du Développement rural, Jairam Ramesh, avait pour sa part une vision plus équilibrée du problème, en en analysant les causes profondes :

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Ce ne sont pas les naxalites qui ont créé les conditions de terrain propices à l’acceptation de leur idéologie – c’est l’échec singulier des gouvernements successifs, dans les États comme [à New Delhi], à protéger la dignité et les droits constitutionnels des pauvres et des défavorisés qui a établi un champ fertile porteur de violence et a donné aux naxalites l’espace leur permettant de mobiliser le langage de la justice sociale, qui masque en réalité la construction de leurs bases de guérilla » [Ramesh, 2011], la population tribale étant souvent prise en étau entre la violence des insurgés et celle des forces de répression.

23 Milieux de collines forestières mal connectées, populations tribales attachées à leur mode de vie, intrusions extérieures et déplacements des populations pour accéder aux richesses minières de la zone, habileté des insurgés à établir leurs bastions dans les districts au contact de trois États, relevant donc de trois gouvernements différents : une géographie physique et sociale définit clairement les milieux les plus touchés, seuls les districts affectés au Bihar relevant d’une logique distincte, marquée par l’exploitation des ouvriers agricoles dalits [4] et d’une véritable guerre de classes/guerre de castes menées par la Ranbir Sena, milices privées des propriétaires fonciers pourchassant les insurgés et leurs sympathisants.

24 Entre districts campagnards et districts forestiers, entre dalits et tribaux, l’intensification de l’insurrection maoïste dans le « corridor rouge » dans les années 2000 répond certes à une concentration du mouvement, marqué en 2004 par la fusion du Centre communiste maoïste et du PCI-ML People War en un Parti communiste indien maoïste, mais aussi à la libéralisation accrue d’une économie en quête de ressources minières nouvelles, procédant par déplacement de populations a priori en position de faiblesse. Une recherche récente conduite sur cette dynamique résume ainsi ses conclusions :

25

La décentralisation du pouvoir politique en direction des élites locales a encouragé les politiques favorisant leurs gains personnels au détriment de la cohésion sociale, des droits fonciers et des politiques de développement. Cela a également porté les compagnies opérant en zones de conflit à utiliser les failles des structures démocratiques et fédérales indiennes à leur profit entrepreneurial. Le choix politique favorisant les intérêts miniers a renforcé le soutien apporté aux maoïstes en termes d’adhésion idéologique, de financement et de recrutement, et a donc contribué à accroître l’intensité de la violence. Les griefs ont été suscités par les inégalités verticales engendrées par les politiques minières, tandis que les maoïstes ont capitalisé sur les inégalités horizontales exacerbées par les activités minières, au détriment des communautés dalits et tribales [Miklian, 2014].

Guerres de l’eau et crises environnementales

26 Dans un tout autre contexte, mais toujours lié à la compétition sur les ressources, les conflits hydrauliques entre États indiens ont toujours été nombreux, puisque l’enjeu vital de l’irrigation des meilleures terres dépend directement des barrages établis sur des fleuves, et indirectement de l’état des nappes phréatiques dans les zones d’irrigation privée par puits tubés.

27 La loi de 1956 sur le règlement des conflits hydrauliques entre États est supposée aider à gérer ou à régler les contentieux qui opposent les États d’aval à ceux d’amont. Un cas classique en Inde du Nord est celui du Pendjab. L’État, qui fut dès le départ un des hauts lieux de la révolution verte, doit sa prospérité à l’agriculture irriguée. Tout canal détournant une part des eaux du Pendjab vers les États voisins suscite ainsi opposition et controverses, qu’il s’agisse du canal Indira Gandhi qui irrigue le Rajasthan ou celui reliant la Sutlej à la Yamuna, dérivant des eaux de l’Himachal Pradesh vers l’Haryana via le Pendjab. L’insurrection séparatiste qui ensanglanta le Pendjab dans les années 1980 (et qui coûta la vie à Indira Gandhi) eut de multiples causes, au rang desquelles les questions agraires n’étaient pas négligeables, tant sur un plan sociologique (les paysans sikhs enrichis avaient du mal à investir leurs surplus financiers dans les activités non agricoles, car le commerce était largement dans les mains de la minorité hindoue, et la politique d’industrialisation était délibérément limitée à proximité de la frontière pakistanaise) que sur le plan de la maîtrise de l’eau : les décisions de l’État central sur les canaux évoqués furent jugées par nombre de Pendjabis comme illégaux, car imposés sous état d’urgence par le pouvoir central d’Indira Gandhi en violation de la Constitution qui fait des questions agricoles comme des questions hydrauliques des dossiers relevant du portefeuille des États [Anonyme, n.d.].

28 Inévitablement, ces conflits hydrauliques suscitent des mobilisations paysannes vite soutenues par des partis politiques, qui poussent les États à intervenir au nom des intérêts supérieurs de la population. Un des exemples les plus politiquement significatifs à cet égard est celui des eaux de la Kaveri, le principal fleuve de l’Inde du Sud, qui prend sa source au Karnataka pour se jeter dans le golfe du Bengale dans l’État du Tamil Nadu. Le delta de la Kaveri, un des berceaux de la civilisation tamoule, est aussi le grenier à riz du Tamil Nadu : pour 1,7 million de cultivateurs des districts sur lequel s’étend le delta, l’accès à l’eau est crucial, puisqu’en dépendent les trois récoltes annuelles de riz qu’ils réussissent normalement à pratiquer. Depuis des décennies, les gouvernements du Tamil Nadu accusent ceux du Karnataka de ne pas respecter les accords de gestion du barrage de Mettur, construit par les Britanniques, et qui se situe à la limite des deux États, l’État d’amont invoquant pour sa part ses propres besoins en eau.

29 La vie politique au Tamil Nadu est depuis les années 1970 centrée autour des deux partis dravidiens frères ennemis, le Dravida Munnetra Kazhagam (DMK) de M. Karunanidhi, et l’Anna Dravida Munnetra Kazhagam (ADMK) de Jayalalitha. C’est le premier qui, en 1990, obtint du gouvernement central l’établissement d’un tribunal destiné à dire le droit sur le partage des eaux de la Kaveri. Passons sur les péripéties qui émaillèrent le dossier pendant vingt-deux ans, jusqu’à la décision finale de 2013, qui ordonna au Karnataka de laisser près de la moitié des eaux de la Kaveri irriguer le Tamil Nadu à compter de juin chaque année, quels que soient les besoins spécifiques du Karnataka en amont du barrage. Ce fut une victoire politique pour Jayalalitha, qui avait réussi à convaincre la Cour suprême de relancer le tribunal, le gouvernement central congressiste de Manmohan Singh ayant traîné les pieds sur le dossier, par crainte de contrecoups politiques négatifs au Karnataka, où le parti du Congrès gouverne en alternance avec le BJP, alors qu’il est écarté du pouvoir au Tamil Nadu depuis les années 1960. La ministre en chef ADMK du Tamil Nadu dut cependant revenir vers la Cour suprême pour convaincre le même gouvernement central congressiste de notifier la décision du tribunal, prise en 2007, ce qu’il rechignait toujours à faire, pour conserver du crédit au Karnataka. Ce n’est que six ans plus tard qu’il y consentit [Kumar, 2013].

30 Stratégies politiques internes aux États, gestion des tensions entre États, et arrière-pensées partisanes à New Delhi : la géopolitique de l’agriculture irriguée est un jeu complexe, qui se déploie aussi entre l’Inde et ses voisins. Le barrage de Farakka, à seize kilomètres de la frontière du Bangladesh, détourne ainsi l’eau du Gange pour alimenter l’Hooghly, qui arrose Calcutta et son avant-port Haldia. Terminé en 1975, le barrage a suscité vingt ans de tensions entre l’Inde et son voisin qu’elle avait pourtant aidé à devenir indépendant. Dacca se tourna vers les Nations unies en 1976 pour contraindre l’Inde à reprendre des négociations sur le partage des eaux, vital pour un Bangladesh essentiellement rizicole. Ce n’est qu’en 1996 qu’un accord pour trente ans fut signé. Après l’assassinat de Sheikh Mujibur Rahman, quelques mois après l’érection du barrage, les relations bilatérales entre Inde et Bangladesh se tendirent : la question du partage des eaux y contribua, tout comme celle des migrants bangladais quittant leurs villages surpeuplés pour s’établir illégalement dans l’Assam indien, où le parti du Congrès en régularisa un grand nombre pour s’assurer une clientèle électorale. Cette immigration clandestine de villageois bangladais fut le moteur de l’insurrection de l’Assam dans les années 1980, le mouvement séparatiste du Front uni pour la libération de l’Assam (ULFA) survivant bien au-delà de la normalisation politique de l’État par intégration au jeu politique du parti régionaliste Asom Gana Parishad, en pointe de la mobilisation contre New Delhi [Racine, 2006]. La poussée du nationalisme hindou en Inde a ultérieurement stigmatisé ces migrants ruraux comme étant le fer de lance d’une islamisation délibérée du nord-est de l’Inde.

31 Les théories du complot fleurissent plus encore au Pakistan, où la question du Cachemire a pris un tour nouveau avec la politique indienne de construction de barrages sur le haut Indus. Les missions officielles se poursuivent sur les dossiers les plus controversés, dont celui du barrage indien sur un affluent, la Kishanganga (Neelum au Pakistan), en bordure de la Ligne de contrôle (la dernière visite d’experts pakistanais a eu lieu en septembre 2014). En cas de désaccords persistants, ces questions peuvent être soumises au jugement d’experts internationaux, en raison du traité de l’Indus signé en 1960 grâce aux bons offices de la Banque mondiale, le seul cas où l’Inde accepte une médiation internationale dans ses contentieux avec son voisin. Mais face à la crise environnementale qui frappe le Pakistan et au poids décisif des eaux de l’Indus dans un pays dont une bonne part est semi-aride, la baisse des eaux de l’Indus nourrit un discours accusant l’Inde de « voler l’eau » [5]. La rhétorique sur une possible « guerre de l’eau » fleurit dès lors côté pakistanais, en particulier dans les organes de la Jamaat e Islami, accusant l’Inde de vouloir délibérément désertifier le pays [Ul Haq, 2010, p. 8], tandis que, côté indien, on argumente pour déconstruire cette rhétorique [Bisht, 2011].

32 Les enjeux hydrauliques jouent aussi dans les relations indo-népalaises, le barrage sur la Kosi, proche de la frontière indienne, étant accusé d’occasionner des inondations dans les plaines fertiles du Bihar. C’est toutefois avec la Chine qu’un nouveau front se dessine. Commencé en 2010, l’équipement hydroélectrique du Yarlung Tsangpo (le nom tibétain du Brahmapoutre) a vu son premier barrage achevé en novembre 2014. À en croire Pékin, ce projet, qui comptera cinq barrages au total, ne vise pas à détourner l’eau du Tibet vers les grandes plaines agricoles de l’Est, mais l’Inde et le Bangladesh, pays d’aval, sont toutefois inquiets, d’autant qu’aucun traité bilatéral de partage des eaux n’existe entre l’Inde et la Chine : seul un protocole d’accord a été signé en 2013 [Ray, 2014]. Les propos rassurants tenus par Pékin (entre autres pendant la visite du président Xi Jinping en Inde en septembre 2014) laissent sceptiques certains observateurs indiens qui jugent leur gouvernement trop timoré, et doutent de la véracité des données fournies par la Chine [Bhashkar, 2014]. Ils rappellent que, dans un contexte de stress hydrique croissant dans toute l’Asie, l’usage des eaux de fleuves transnationaux est d’autant plus sensible que nombre de cas portent sur les territoires contestés (Cachemire pour Inde et Pakistan, Arunachal Pradesh non reconnu comme indien par la Chine) ou sensibles (Tibet). Il importe donc de définir au plus tôt des accords internationaux sur le partage des eaux, avant que l’hydropolitique ne génère des conflits ouverts [Chellaney, 2013]. Le Bangladesh partage évidemment ces interrogations indiennes, mais questionne aussi New Delhi sur la relance éventuelle d’un vieux projet pharaonique de canaux connectant les fleuves indiens du Nord avec ceux du Sud. En juillet 2014, le Parlement bangladais s’est ému de l’annonce d’un financement de nouvelles études sur ce projet, alors même que les deux pays négocient un difficile accord sur les eaux de la Teesta, car New Delhi doit à la fois tenir compte des demandes du Bangladesh et des desiderata du Bengale occidental – l’État indien voisin gouverné par un parti d’opposition.

Agriculture, sécurité alimentaire et négociations internationales

33 La géopolitique de l’agriculture indienne se déploie enfin sur la scène mondiale, bien au-delà des relations de voisinage. La géographie de ses tractations commerciales s’inscrit dans un large cadre, mais leur ampleur est somme toute limitée. Les produits agricoles et alimentaires ne comptent que pour 3,4 % des importations indiennes en 2012-2013 (des oléagineux pour plus des trois quarts) et pour 13 % des exportations, avec une balance commerciale très favorable (13 milliards de dollars d’importations contre 41 milliards d’exportations) à l’inverse d’une balance commerciale globale très déficitaire, en raison des importations énergétiques massives [6]. Au total, la part de l’Inde dans le commerce agricole mondial est donc très limitée, ce qui la protège assez largement des soubresauts des cours des marchés.

34 Son savoir-faire agricole est par ailleurs un élément de sa politique d’influence, appuyée sur deux volets. Le premier développe une politique de coopération technique, qui peut être précieuse pour des pays tropicaux rizicoles, Afrique francophone incluse. Au-delà de cultures spécifiques (riz au Sénégal, sucre au Togo), une question centrale intéresse les décideurs africains, comme en témoigne une réunion bilatérale organisée à Dakar et consacrant une session entière à l’agriculture : comment l’Inde, avec neuf fois moins de terres arables que l’Afrique, est-elle capable de nourrir sa population ? La révolution verte, la révolution blanche qui rend l’Inde autosuffisante en lait, les perspectives de recherche-développement, les structures institutionnelles traitant de la sécurité alimentaire sont autant d’objets de dialogue [ICWA, 2013]. Le second volet repose sur une politique d’aide alimentaire, qu’on a pu voir à l’œuvre en Afghanistan par exemple, en sus de programmes de coopération technique agricole. Dans le cadre du triangle IBSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud) les trois démocraties mènent aussi des politiques d’aide et de partenariats agricoles en pays tiers. Toutes ces formes de coopération Sud-Sud (qui ne sont pas uniquement agricoles) cherchent à renforcer l’audience de l’Inde, qui compte entre autres sur les nombreux pays africains lors des votes à l’Assemblée générale des Nations unies, avec comme objectif l’élargissement du cercle des membres permanents du Conseil de sécurité.

35 Dans un tout autre ordre d’idées, l’Inde compte aussi des compagnies qui investissent dans le foncier agricole outre-mer, particulièrement après la crise des prix alimentaires qui a frappé l’Afrique en 2008, tout en opérant aussi en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. C’est assez pour susciter les inévitables polémiques, les ONG dénonçant des « accaparements » voire de « l’agrocolonialisme », particulièrement en Éthiopie, où Karuturi Global Ltd contrôle désormais plus de 100000 hectares, le gouvernement indien assurant qu’en règle générale les contrats respectent les lois des pays cédant des terres, et que les leçons tirées d’autres expériences critiquées (dont celles de la Chine en Zambie) sont prises en compte [Rowden, 2011 ; Dikshit, 2013].

36 Plus fondamentalement, depuis les années 1990, l’Inde est à l’avant-garde du combat mené sur les questions agricoles dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) entre les pays du Sud d’une part, l’Union européenne et les États-Unis d’autre part. Dénonçant les subventions massives pilotées par la politique agricole commune en faveur des agriculteurs européens, et les subventions comparables obtenues par les « farmers » américains opérant une agriculture quasi industrialisée, l’Inde a perturbé de longue date les négociations de l’OMC sur la libéralisation des services, en la soumettant à une avancée préalable sur les dossiers agricoles, au nom de la défense des petits paysans du Sud victimes des subventions agricoles des pays avancés faussant le jeu du marché [Bhalla et al., 2002].

37 Cette question structurelle a pris un tour plus aigu quand l’OMC a jugé excessif le montant des subventions indiennes finançant le programme massif de sécurité alimentaire mis en place de longue date dans le pays [Dorin et Landy, 2003 ; Landy, 2006] et renforcé par le vote de la « loi sur la sécurité alimentaire nationale » en septembre 2013 au nom du « droit à l’alimentation », qui consolide un ensemble de programmes existants : repas gratuits en écoles publiques, nutrition maternelle et infantile, système public de collecte et de distribution (Public Distribution System PDS) de quantités rationnées de grains alimentaires essentiels à prix subventionnés, etc. Les débats étaient ouverts en Inde sur cette initiative du gouvernement congressiste, et portaient principalement sur la lourdeur et les coulages du PDS. N’importe. Arrivé au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) s’est dressé avec vigueur contre la position de l’OMC [7]. En décembre 2013, le gouvernement congressiste de Manmohan Singh avait engagé l’Inde au sommet de Bali de l’OMC sur l’Accord sur la facilitation des échanges, supposé générer un trillion de dollars dans le circuit commercial mondial : le plus large accord commercial multilatéral jamais négocié. En juillet 2014, le gouvernement Modi refuse de ratifier cet accord, tant qu’une décision définitive n’est pas prise pour conforter le programme de sécurité alimentaire indien, rejetant les conditions proposées à Bali sur ce dossier : pas de plaintes lancées contre l’Inde, et recherche d’une solution définitive en 2017.

38 Le blocage indien alarme le nouveau directeur de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevêdo, qui craint l’échec final des négociations du cycle de Doha lancé en 2001, ainsi que l’administration américaine, très critique de New Delhi. Un accord est finalement trouvé le 27 novembre, que formule une décision qui ne mentionne pas l’Inde, mais qui lui est consacrée : les États membres (comprendre les États-Unis) ne saisiront pas le mécanisme de règlement des différends par lequel se règlent les conflits à l’OMC, et la question des stocks indiens reste ouverte au-delà de 2017, dans l’attente d’une solution négociée [OMC, 2014]. Le lendemain, l’Accord sur la facilitation des échanges est approuvé par les 160 membres de l’OMC. Il n’est pas anodin de noter qu’entre-temps Narendra Modi, reçu à la Maison-Blanche en septembre 2014 (après avoir rempli Madison Square Garden pour un discours triomphal à la diaspora), avait redynamisé les relations indo-américaines, et cosigné avec Barack Obama un article en portant témoignage dans le Washington Post [Modi et Obama, 2014].

39 Si la ministre indienne du Commerce eut le succès modeste, l’épisode témoigne des capacités de l’Inde à contribuer à redéfinir les normes du multilatéralisme, soit dans le cadre des BRICS, comme l’illustre la création décidée en juillet 2014 d’une nouvelle Banque de développement et d’un fonds de réserve d’urgence de 100 milliards de dollars, soit dans les grands cycles de négociations internationales, dont le prochain sera, à Paris en décembre 2015, celui sur les négociations climatiques dites COP21. Après la déclaration sino-américaine du 12 novembre 2014, par laquelle les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre définissent leurs engagements chiffrés sur ce dossier, il n’est pas sûr que New Delhi, qui entend mettre en avant le principe d’« équité climatique », remporte une victoire comparable à celle de l’OMC. Mais la question reste essentielle pour l’Inde en raison, entre autres, des fragilités du monde rural, entre sécheresses et inondations catastrophiques, durabilité des ressources en eau, amenuisement des glaciers himalayens. À cela s’ajoute un dossier directement géopolitique, la question des réfugiés climatiques qui pourraient accentuer les migrations du Bangladesh, pays particulièrement menacé, vers l’Inde.

40 L’Inde n’agit pas seulement par les canaux gouvernementaux sur ce type de dossiers mondiaux. La lutte d’ONG indiennes contre les pratiques monopolistiques des multinationales des semences au détriment des petits paysans et des savoirs traditionnels a pris un tour emblématique avec l’altermondialiste écologiste Vandana Shiva et son organisation Navdanya (« les neuf graines »), dont les écrits ou les entretiens sont régulièrement traduits dans les cercles écologistes et chez les militants défendant la biodiversité et la paysannerie familiale [Astruc, 2014] [8]. Ce combat est indissociable de celui mené contre les OGM, avec la même cible : Monsanto, et sa filiale indienne Mahyco qui diffuse le coton OGM en Inde. En 2013, l’État du Maharashtra, le principal producteur de coton en Inde, a interdit ce coton OGM, une victoire pour Navdanya, alors que l’interdiction des aubergines génétiquement modifiées, un légume des plus quotidiens, a été renouvelée par les pouvoirs publics.

Le gouvernement Modi : quelle politique agricole ?

41 À l’heure où le BJP est revenu au pouvoir depuis quelques mois, l’incertitude plane encore sur ce que sera sa politique agricole. Le Premier ministre entend industrialiser l’Inde et attirer les investissements étrangers. Le ministre de l’Environnement a donc pour mission immédiate de revoir les réglementations gouvernant l’examen des dossiers industriels et miniers pour « accélérer les décisions », en prônant un nécessaire « changement d’esprit » dans son ministère, afin que la croissance soit accélérée « sans déséquilibre environnemental et dans le respect des communautés locales » [Mohan, 2014]. C’est la quadrature du cercle... La loi sur les achats fonciers, votée en 2013, devrait être très amendée : l’étude d’impact social des projets industriels ou d’infrastructure ne serait plus systématique, et les clauses imposant l’accord de 80 % des occupants dans le cas d’un projet privé, et 70 % dans le cas d’un partenariat public-privé, devraient être révisées.

42 Dans un discours au Conseil indien de la recherche agronomique (ICAR), Narendra Modi a appelé à « ovationner les agriculteurs », tout en demandant aux scientifiques d’intensifier les rendements, et aux universités agricoles d’identifier de jeunes agriculteurs instruits, en quête d’innovation, afin de contourner le blocage des paysans traditionnels « ne voulant pas prendre de risques » [ICAR, 2014]. Soucieux d’adapter l’agriculture à la diversité des zones agroécologiques, prend-il autant les inégalités sociales en compte ? La Chambre basse du Parlement indien compte, parmi les 314 nouveaux élus de 2014, 25 % d’agriculteurs : ce ne sont pas les plus démunis du monde rural. Du moins le nouveau gouvernement a-t-il pris soin d’annoncer le maintien du programme phare anti-pauvreté rurale, la loi de 2005 sur l’emploi rural garanti (en fait, 100 jours de travail manuel collectif pour un membre de chaque famille), 130 millions de familles étant inscrites en 2013.

43 En affirmant concilier environnement et développement, savoirs ruraux traditionnels et nouvelles technologies, le Premier ministre s’affiche comme l’homme du progrès et de la synthèse. Il lui faudra pourtant aller au-delà des mots. Il a à juste titre dénoncé l’amoindrissement continu des investissements publics dans l’agriculture, sans que le budget rectificatif présenté en juillet 2014 ne saute vraiment le pas à cet égard. La révolution verte, depuis presque cinquante ans, a assurément haussé de façon spectaculaire la production agricole, mais en intensifiant les inégalités régionales dans le pays. Devenue exportatrice de riz, l’Inde échappe toutefois au sort des petits pays agricoles tombés dans les rets des traders spéculant sur les matières premières agricoles, et du Chicago Board of Trade dont la Chine elle-même, grande importatrice, essaie de se libérer en passant des contrats directs avec de gros producteurs.

44 Faute d’une puissante industrie agroalimentaire (hormis l’exemplaire révolution blanche du lait portée par un mouvement coopératif), l’Inde n’offre que trop peu d’emplois tirant parti de ses richesses agricoles. Un gouvernement ouvert au monde des affaires devra toutefois mesurer les risques d’un développement de l’agrobusiness. Il lui faudra naviguer sur une voie étroite entre intérêts des producteurs nationaux, prix aux consommateurs, systèmes de protection sociale, environnement, voire agroécologie, et attraction des investissements étrangers. L’échec, sous le gouvernement précédent, des négociations sur l’ouverture des chaînes d’hypermarchés (Carrefour, Walmart) tenait moins à l’obligation d’acheter une part des produits alimentaires aux producteurs locaux qu’à la crainte de détruire des millions d’emplois dans le commerce traditionnel.

45 D’autres dilemmes se poseront à l’Inde de Narendra Modi dans la sphère de l’agriculture, de l’eau, de l’alimentation, du foncier et de l’environnement. Pour une part, se joueront là les chances de renouvellement du mandat du nouveau Premier ministre, qui a vite fait comprendre, en mai 2014, qu’il entendait bien être au pouvoir pour (au moins) dix ans. Bien au-delà de cet enjeu politique, c’est l’avenir de l’Inde qui est en jeu, entre rêve de puissance chère au Premier ministre, et « gloire incertaine » analysée par Jean Drèze et Amartya Sen dans leur dernier tableau du pays [Drèze et Sen, 2013]...

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Notes

  • [1]
    Voir par exemple le court-métrage de Toby Nicholas : Mine. Story of a Sacred Mountain, Survival International, 2009 (où la vie tribale est passablement idéalisée pour la bonne cause). www.survivalinternational.org/films/mine. Je remercie Raphael Rousseleau pour avoir attiré mon attention sur les travaux de Felix Padel, sur ceux du programme SOGIP à l’EHESS, et sur le site www.minesandcommunities.org.
  • [2]
    Financial Times Stock Exchange, indice boursier des 100 entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la Bourse de Londres.
  • [3]
    BJP : Bharatiya Janata Party (Parti du peuple de Bharat, le vieux nom sanscrit de l’Inde), bras politique du mouvement nationaliste hindou. Le parti a gouverné l’Inde de 1998 à 2004 à la tête d’une coalition. Il est revenu au pouvoir en disposant de sa propre majorité le 26 mai 2014, Narendra Modi devenant Premier ministre. Une coalition menée par le parti du Congrès a gouverné le pays de 2004 à 2014, Manmohan Singh étant Premier ministre.
  • [4]
    Dalit : mot marathi signifiant « écrasé », opprimé. Le terme désigne désormais les basses castes jadis qualifiées d’intouchables, appelées « castes répertoriées » par l’administration indienne. Les dalits comptent pour 16,6 % de la population indienne, les tribaux, dits aussi « adivasis » ou « tribus répertoriées », comptent pour 8,6 %, soit au total un quart de la population.
  • [5]
    Au Pakistan même, le projet de grand barrage de Kalabagh sur l’Indus attise les tensions entre les provinces d’aval, le Sindh et le Baloutchistan, et le grenier agricole et cœur du pouvoir pakistanais : le Pendjab. Rappelons qu’au Pakistan l’irrigation est impérative pour nombre de cultures vivrières comme pour la culture commerciale clé qu’est le coton.
  • [6]
    Pour le détail, voir les tableaux 7-2 A-B et 7-3 A-B, Economic Survey 2013-2014, Statistical Appendix, New Delhi, Ministry of Finance, 2014, p. 71-78.
  • [7]
    Les normes de l’OMC limitent les subventions de nature alimentaires à 10 % de la valeur nationale de la production alimentaire du pays concerné. L’Inde juge périmées les références statistiques de l’OMC, et demande de modifier la date de référence de calcul des subventions, de tenir compte de l’inflation et des fluctuations monétaires.
  • [8]
    Le combat indien pour les médicaments génériques oppose de même le pays aux grandes multinationales du médicament : sont en lice ici les entreprises et leurs avocats respectifs, mais aussi les politiques, dans un contexte où l’on retrouve les émergents (Inde, Brésil, Afrique du Sud en particulier) contre les leaders européens et américains du marché.
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