Hérodote 2006/2 no 121

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Article de revue

Le delta du Niger (Nigeria): rivalités de pouvoir, revendications territoriales et exploitation pétrolière ou les ferments de la violence

Pages 190 à 220

Notes

  • [*]
    Géographe, IRD.
  • [1]
    Le delta strictement géographique correspondant à la basse plaine alluviale du fleuve Niger. Il est délimité au nord par la confluence entre le fleuve Niger et la rivière Forcados, au sud par l’île de Nun, et forme un triangle dont la pointe occidentale correspond à l’embouchure de la rivière Benin et à l’est celle de la rivière Imo. Il s’étend sur trois États (Rivers, Delta State, Bayelsa). Toutefois, cette appellation a été étendue à plusieurs États voisins (Imo, Anambra, Abia et Edo) qui, du fait de la présence de pétrole dans leur sous-sol, sont soumis aux mêmes problèmes de violence et de dissensions ethniques que les États du cœur du delta, alors qu’ils comprennent de larges espaces non deltaïques. Ce delta plus large est appelé par certains géographes le « delta politique » et mesure environ 70 000 km2 avec environ 20 millions d’habitants. Les revendications des États voisins du delta géographique s’appuient sur leur participation à l’exploitation pétrolière, destructrice pour l’environnement et nécessitant des programmes de réhabilitation.
  • [2]
    Ce qui a poussé ces derniers à revendiquer l’appartenance à la région du delta « politique » pour bénéficier des projets de développement du NDDC.
  • [3]
    Mujahid Dokubo Asari, chef de la Niger Delta Peoples Volunteer Force, est un des principaux agitateurs Ijaw, originaire d’une famille « royale » de Kalabari (Tell, 18 octobre 2004).
  • [4]
    En mai 1994, suite à l’assassinat de quatre leaders Ogoni conservateurs, Ken Saro Wiwa et plusieurs militants du Mosop furent accusés et soumis à la peine de mort après un procès de plusieurs mois qui fut largement contesté au niveau international. Cet événement a créé une large fracture au sein du peuple Ogoni, notamment entre sympathisants du Mosop et les leaders des autres mouvements, considérés comme des traîtres pour leur rapprochement avec les compagnies pétrolières et l’État fédéral.
  • [5]
    Les associations de jeunes et les chefs traditionnels du village de Sangana, localité du territoire d’Akassa, ancienne cité-État de la côte, reçoivent chaque mois une somme de 7,2 millions de naira (48 000 euros) de la compagnie Corn Oil (Rapport de mission S. Fanchette dans le delta en juin 2005, IFRA-Ibadan).
  • [6]
    En mars 2005, elles ont annoncé leur opposition au plan du gouvernement fédéral visant à augmenter la Petroleum Profits Tax (PPT) de 50% à 85%, arguant que cela les empêcherait d’effectuer les investissements nécessaires pour améliorer les conditions d’extraction dans la région...
  • [7]
    Un projet de construction du West African Gas Pipeline d’une longueur de 690 km pour commercialiser le gaz liquéfié au Bénin, au Togo et au Ghana a été mis à l’étude depuis 1992 par la compagnie américaine Chevron, en association avec des compagnies privées. Nombreuses sont les interrogations à propos de ce projet qui ne réduirait pas le torchage du gaz, car il ne concerne pas le gaz associé au pétrole, et surtout parce que les études en matière environnementale ne sont pas convaincantes (risques d’explosions, fuites de gaz). Ce projet bénéficierait aux grandes compagnies industrielles et non aux populations.
  • [8]
    1 euro = 150 nairas en 2004.
  • [9]
    Human Rights Watch souligne que depuis que « ses intérêts au Nigeria ont focalisé l’attention internationale en 1995, le groupe Royal Dutch/Shell a entrepris un réexamen approfondi de son attitude à l’égard des communautés locales et des questions liées aux droits de l’homme et au développement durable. Aucune autre compagnie pétrolière active au Nigeria n’a entrepris une telle démarche pour réviser ses politiques et pratiques ».
  • [10]
    En 2003, l’USAID a reçu 20 millions de dollars pour mettre en place des projets de développement agricole, de santé et de microcrédit. Africaire a reçu 4,5 millions de dollars pour réduire la mortalité due à la malaria et l’UNDP en 2004 était en train de signer des accords de coopération.

1Le delta « géographique » du Niger [1] s’étend sur une superficie d’environ 26 000 km2 et possède une large façade maritime de 250 km. Il compte environ 10 millions d’habitants en 2005, répartis en une quarantaine d’ethnies et de sous-groupes ethniques. C’est une des zones rurales les plus densément peuplées du Nigeria, avec des densités moyennes de 200 à 250 habitants au km2 et localement des zones pouvant atteindre plus de 600 habitants au km2. D’une très grande biodiversité, cette région procure de nombreuses richesses naturelles (agricoles, piscicoles) mais surtout des hydrocarbures. Le Nigeria est ainsi devenu le 7e producteur de l’OPEC et le pétrole procure 90% du montant des exportations nationales.

2Si, dans les deltas de l’Asie des moussons et en Égypte, la nécessité de contrôler les fleuves et leurs débordements par l’instauration d’aménagements hydrauliques, que seules des entités politiques suffisamment organisées pouvaient édifier, a été à l’origine de l’émergence d’États forts, en Afrique au sud du Sahara on assiste à des situations opposées. Dans le delta du Niger, rien ne justifiait sur le plan hydraulique l’édification de grands ouvrages pour réguler le fleuve : les populations, contrairement à celles des deltas du fleuve Rouge ou du Nil, pouvaient y vivre et en exploiter les ressources agricoles, piscicoles mais aussi utiliser les voies de navigation pour le commerce, sans grande interférence sur le milieu. Dès l’époque précoloniale, le delta du Niger avait constitué une voie de pénétration fluviale vers le centre de l’Afrique. En l’absence de routes pérennes, les nombreuses voies fluviales et bras de mer constituaient un véritable réseau de communication entre les différentes zones du delta et permirent l’instauration d’un système de commerce de longues distances.

3De plus, le delta abrite des communautés très diversifiées, acéphales – exception faite des anciennes cités-États esclavagistes de la côte – et antagonistes, dont le système politique repose sur le pouvoir des classes d’âge ou des sociétés secrètes.

4Pourtant, pour une meilleure valorisation du potentiel du delta du Niger, un contrôle des eaux par des ouvrages hydrauliques permettrait de limiter les inondations fluviales et pluviales qui touchent plus de 70% des terres de cette région, de contenir l’érosion très active des berges des fleuves et des côtes, et d’apporter de l’eau pour l’irrigation. Aucune entité politique, que ce soit à l’époque précoloniale, coloniale ou postindépendance, n’a eu la volonté de s’y engager. En fait, « historiquement, avant que le pétrole ne soit découvert dans le delta du Niger, la région était considérée par le gouvernement colonial comme non viable sur le plan économique. Ainsi, peu d’intérêt a été apporté à son développement » [Fatunmbi, 2004, p. 67]. De même aucun projet d’aménagement du réseau fluvial n’a permis d’améliorer la circulation des biens et des hommes.

5On aurait pu imaginer que, dans le cadre d’une activité contrôlée par l’État fédéral, l’extraction pétrolière aurait pu être accompagnée par de grands programmes d’aménagement du territoire, eu égard aux nombreuses contraintes que rencontre ce territoire fortement soumis aux aléas fluviaux et maritimes. Les énormes bénéfices tirés de l’extraction de 2,5 millions de barils par jour auraient pourtant pu être en partie investis dans l’amélioration des infrastructures routières, hydrauliques et sociales.

6Les rivalités politiques entre les trois grands blocs ethniques, Yoruba, Peul-Haoussa et Igbo, autour de la répartition des subsides du pétrole enveniment toute mise en place de programme d’aménagement du delta. Le Nigeria a, depuis l’époque coloniale et ce, jusqu’à l’avènement du président Obasanjo au pouvoir en 1999, été gouverné par le groupe Haoussa-Peul du Nord. Les minorités du delta, en raison de leur faible représentation politique, ne parviennent pas à obtenir des subsides pour, d’une part, compenser les énormes dégâts environnementaux et sociaux causés par l’extraction pétrolière et, d’autre part, jouir des bénéfices des ressources de leur sous-sol.

7Les cités-États de la côte, qui contrôlaient le commerce entre le Moyen-Niger, le haut-delta et les commerçants européens, ont perdu leur pouvoir de contrôle territorial avec la colonisation et l’établissement des compagnies de commerce britanniques et européennes. Pour le reconquérir, ces ethnies dispersées en de multiples États, et en perpétuels conflits avec leurs gouvernements et l’État fédéral, se sont organisées. Depuis les années 1990, de plus en plus de mouvements contestataires pour le droit des peuples du delta à gérer leurs propres ressources se sont élevés, parfois de façon violente. Des groupes de pression se sont organisés pour dénoncer le grave préjudice environnemental causé par les compagnies pétrolières et pour mieux accéder au pouvoir politique et surtout aux dividendes tirés de l’exploitation pétrolière.

8En réponse à la violence et aux multiples revendications des groupes ethniques du delta, l’État fédéral a dû mettre en place des organismes de développement pour mieux utiliser les dividendes pétroliers. De même, les compagnies pétrolières ont été contraintes par les activistes environnementalistes et les associations locales de participer au développement des zones où elles opèrent. Des sommes très importantes ont été mobilisées pour financer des programmes de développement locaux dont les résultats restent pourtant négligeables.

9Ainsi, cette région deltaïque qui possède une unité géographique et économique évidente, maintenant que l’exploitation pétrolière a créé une histoire commune, se voit gérée par une multitude de structures politiques en perpétuelle fragmentation, pilotées de loin par un État fédéral qui en monopolise les dividendes pétroliers. Les entités territoriales que sont les États et les LGA (local government areas) tentent à leur tour d’obtenir plus de prérogatives en la matière.

10Dans cet article nous tenterons d’analyser les raisons du paradoxe apparent que constituent la persistante pauvreté et la violence en œuvre dans le delta du Niger, pourtant pourvoyeur de la principale richesse du pays, le pétrole. La malédiction dont il est l’objet, « the curse of oil » qu’avancent la plupart des environnementalistes et politiques défenseurs de cette région, ne nous semble pas suffisante pour expliquer cet état de fait. Nous émettrons l’hypothèse selon laquelle la violence y est ancienne et qu’il faut faire appel à l’histoire pour en comprendre les déterminants. La violence de la traite négrière, puis de la traite de l’huile de palme à l’époque coloniale, qui ont transformé ce delta en une plateforme commerciale au bénéfice ou au détriment des communautés ethniques, continue. La nouvelle rente de situation pétrolière ne fait qu’alimenter les conflits entre communautés. Si l’impérialisme pétrolier et la mauvaise gouvernance de l’État fédéral portent de lourdes responsabilités, la complexité de la situation nous oblige à analyser à plusieurs échelles les responsabilités politiques des acteurs et à remonter dans l’histoire.

11Cet article s’articulera autour de trois questions : la configuration du pouvoir politique de type fédéral, et sa reproduction par la manne pétrolière, est-elle contradictoire avec la mise en place d’aménagements territoriaux et hydrauliques dans une région peuplée par des minorités très faiblement représentées sur le plan politique ?

12Le contrôle des ressources par les populations du delta elles-mêmes constitue-t-il une option réalisable pour développer cette région ? Alors que les antagonismes ethniques et la politique de « diviser pour mieux régner » sont perpétrés par les compagnies pétrolières et l’État fédéral, une concertation entre les différents types de communautés autour d’un projet de mise en valeur du delta est-elle possible ?

13Enfin, dans quelle mesure la territorialisation du pétrole, donc de l’octroi de statuts spécifiques aux territoires producteurs de pétrole, n’est-elle pas la principale cause des revendications territoriales et des conflits ethniques, donc de l’impasse dans laquelle se trouve le delta ?

Un milieu difficile peu mis en valeur qui supporte un peuplement relativement dense

14Le delta du Niger subit les effets des inondations en période de crue et de la pénétration des eaux maritimes à l’intérieur des terres. La marge deltaïque atteint une superficie d’environ 11 000 km2. Il supporte les conséquences des travaux hydrauliques effectués en amont du fleuve Niger. Enfin, l’exploitation pétrolière, entreprise dans des conditions environnementales désastreuses, affecte lourdement les populations et le milieu deltaïque. La pollution des eaux et la stérilisation des sols suite aux déversements d’hydrocarbures et aux sabotages ou au mauvais entretien des infrastructures pétrolières, la subsidence exacerbée par l’extraction d’hydrocarbures ne font que renforcer la vulnérabilité de cette région.

15Avec l’augmentation de la pression foncière, de l’urbanisation, du développement des installations pétrolières et industrielles et la dramatique détérioration de l’environnement, la destruction des mangroves, les risques d’inondation augmentent et remettent en cause le peuplement de certaines zones. Tout ceci s’opère dans une région qui est menacée par l’élévation du niveau de la mer.

Le delta du Niger : une région richement dotée mais sujette à de fortes contraintes environnementales

Une riche biodiversité peu mise en valeur pour l’agriculture

16Le delta du Niger compte parmi les zones humides les plus vastes d’Afrique et sa mangrove, d’une superficie d’environ 6 000 km2, est la plus étendue du continent. La richesse piscicole de cette région s’est en partie tarie sous l’effet de la surexploitation des bans et de la pollution des rivières par les compagnies pétrolières [Banque mondiale, 1995].

17L’agriculture annuelle (manioc, banane plantin, igname...) se concentre sur les terres exondées des bourrelets de berges et les basses terres forestières. Les inondations et l’érosion handicapent sévèrement le développement agricole dans la zone marécageuse d’eau douce. L’absence totale d’infrastructures de contrôle des inondations rend même impossible la culture du riz [Banque mondiale, 1995]. Toutefois, en raison de la pression démographique, les populations vivant dans la zone « de forêt marécageuse d’eau douce » ont bonifié avec de faibles moyens et cultivé les zones marécageuses localisées à la limite des bourrelets de berges et autour des lacs saisonniers. Le développement de l’agro-foresterie est contraint par l’absence de sécurité foncière depuis que l’État fédéral s’est octroyé l’entière propriété des sols en 1978.

La principale richesse du pays, les hydrocarbures, est extraite du delta du Niger

18Le pétrole apporte 70% des ressources fiscales du gouvernement fédéral et procure 98% du montant des exportations. Il contribue à hauteur de 40% au PNB du pays. On estime les réserves pétrolières à 35 milliards de barils. La production journalière extraite des 250 champs pétroliers (606 puits au total) dépasse les 2,5 millions de barils en 2004 [NDDC, 2004].

19Ces puits sont largement dispersés dans l’espace et localisés sur le territoire d’environ 1 500 communautés villageoises agricoles et piscicoles, mais une part notable de la production provient de puits localisés dans les États non deltaïques [2]. Le pétrole est ensuite exporté par les sept terminaux situés aux embouchures du delta au moyen de 3 000 km d’oléoducs. En raison des problèmes de sécurité dans le delta, les compagnies pétrolières vont à l’avenir investir dans l’exploitation offshore. Un projet d’exploitation de 10 nouveaux champs pétroliers offshore par quatre compagnies pétrolières, d’une capacité totale de 1 160 000 de barils par jour et d’un coût évalué à 7 milliards de dollars, est en cours (Nigeria Country Analysis Brie). Le gouvernement espère atteindre ainsi 4 millions de barils par jour en 2010.

20Bien que 95% de la production soit extraite par des joint-ventures contrôlés pour plus de 55% par l’État fédéral, ce sont les compagnies étrangères qui gèrent ces dernières. La Shell est le plus grand opérateur étranger au Nigeria. Elle exploite 50% de la production nationale grâce au consortium Shell Petroleum Development Company, dont 55% des capitaux appartiennent à la NNPC (Nigerian National Oil Company). Depuis 1964,10 autres compagnies étrangères interviennent sur le sol nigérian dont Mobil, Chevron, Agip, Elf, Texaco, State Oil et Total. La majorité du pétrole brut est destinée aux marchés des États-Unis et d’Europe occidentale.

21En parallèle au pétrole, se trouvent de larges réserves de gaz estimées à 4 500 milliards de m3 [NDDC, 2004].

Les fortes contraintes environnementales

22La plus grande partie du delta se trouve à moins de 6 mètres au-dessus du niveau de la mer [Ashton-Jones, ERA, 1998, p. 52]. Entre 70% et 80% des terres du delta sont affectées par les inondations saisonnières, qui durent entre quatre et cinq mois. Seuls les bourrelets de berges y échappent. On distingue quatre sources majeures d’inondations :
Les inondations causées par les crues annuelles : les « white floods » en octobre et les « black floods » entre décembre et mars. En période de haute crue, les bourrelets et les berges sont souvent détruits et peuvent causer des inondations désastreuses [Durotoye, 2000].

23Les inondations d’origine pluviale se concentrent sur quelques mois (environ 80% des 3 250 mm/an tombent entre juin et octobre). Les fortes pluies augmentent le niveau des nappes souterraines et des fleuves qui se déversent sur les berges. Les différents bras des défluents, sous la pression des eaux, changent de cours et augmentent les risques d’inondation et l’érosion des berges [Udo, 1970, p. 57].

24Les inondations causées par les activités humaines : depuis les trente dernières années, on a construit cinq barrages sur le fleuve Niger et ses affluents à la fois pour l’énergie hydroélectrique et l’irrigation. Les crues sont devenues moins fortes et étendues, ce qui a permis à des zones autrefois inondées d’accueillir des populations. Cependant, en raison de la rétention des alluvions derrière les barrages (70% des alluvions), leur pouvoir de captage de la crue a diminué et les zones qui avaient été gagnées ont été à nouveau inondées. En raison de l’érosion, les inondations augmentent en superficie depuis lors. En 1995, il était estimé que, dans l’État de Rivers, 700 000 hectares de terres arables avaient été perdus pour l’agriculture et l’habitat depuis leur construction [Banque mondiale, 1995]. Les côtes maritimes et les berges des rivières ne recevant plus suffisamment d’alluvions sont gravement érodées par la puissance des vagues et des marées. Cette érosion est très gravement ressentie le long de la côte dans les localités de Brass, Akassa, Bonny, Forcados et Bassan où le recul de la côte peut atteindre 40 à 50 mètres par an, soit un taux d’érosion côtière parmi les plus élevés au monde [Durotoye, 2000].

25Les inondations causées par les marées affectent quotidiennement les zones côtières et les mangroves du delta et peuvent avoir des effets très destructeurs sur les installations portuaires ou industrielles [Durotoye, 2000].

26Par ailleurs, la subsidence des terres accroît les risques d’érosion. Celle-ci s’est accrue avec l’exploitation pétrolière et le fonçage de puits pour l’alimentation en eau des populations. Une croissance démographique élevée conjuguée à la diminution des superficies habitables ne font qu’exacerber la pression du peuplement sur les terres limitées. Enfin, les voies d’eau, faute d’entretien et d’investissements, sont difficilement utilisables pour les transports en certaines périodes, en raison du taux élevé d’alluvionnement et de l’inadéquation du système portuaire.

27Alors que le Niger Delta Basin Development Authority créé en 1987 par l’État fédéral devait orchestrer un plan de régulation de l’hydraulique dans le delta du Niger, rien n’a été fait. Le coût élevé des études hydrauliques et la pauvreté des règles juridiques ont réduit leur entreprise à des petits projets dispersés, dont beaucoup ont été abandonnés en cours de route [Banque mondiale, 1995, p. 14].

Une région difficile à aménager pour les réseaux routiers

28Les transports fluviaux sont déterminants pour les communications dans cette région. Si la plupart des zones du haut-delta sont facilement accessibles par la route, la plupart des zones humides ne possèdent pas de réseau routier et sont difficilement accessibles.

29À l’époque coloniale, un réseau de communication routière a été mis en place et les ports fluviaux intérieurs de Warri, Port-Harcourt et Sapele ont fini par supplanter les anciens ports maritimes de Bonny, Calabar et Forcados. Ils bénéficient d’un double accès aux routes de l’intérieur des terres, grâce aux transports terrestres et aux transports fluviaux, ceci contrairement aux ports maritimes. Un autre facteur limitant des ports maritimes est le graduel enlisement des embouchures des différents bras du Niger [Udo, 1970, p. 59].

CARTE 1.

MILIEUX ET RÉSEAU FLUVIAL DANS LE DELTA DU NIGER

CARTE 1.
CARTE 1. – MILIEUX ET RÉSEAU FLUVIAL DANS LE DELTA DU NIGER

MILIEUX ET RÉSEAU FLUVIAL DANS LE DELTA DU NIGER

30La plupart des axes de communication ouverts dans le delta sont l’œuvre des compagnies pétrolières pour faciliter l’accès aux champs pétroliers. Ils ne règlent pas toujours le désenclavement des populations ni les communications entre les villages car ils ont été dessinés uniquement dans le but de desservir leurs implantations pétrolières.

Un peuplement historiquement marqué par la présence de l’eau et la traite des esclaves

Un peuplement principalement localisé dans les zones exondées...

31La plupart des localités se concentrent sur les zones émergées, principalement les bourrelets de berges, les terres hautes et les îles côtières. Le faible relief et le mauvais drainage sont les principales raisons de l’éparpillement de la population en de petites localités. Les grands établissements humains se trouvent à l’intérieur des terres où l’accès et les conditions de drainage sont meilleurs. À la limite de la zone des mangroves, les principales villes, telles Port-Harcourt, Sapele, Ughelli, et Warri, ont été édifiées sur des zones surélevées naturellement ou des tertres de sables construits par l’homme, à la rencontre des terres humides et des artères fluviales navigables.

32Les petits villages et les hameaux dispersés dominent le paysage. Ils regroupent en moyenne 50 à 500 personnes qui s’adonnent aussi bien à l’agriculture qu’à la pêche. Il existe de plus larges établissements autour des grandes plantations de caoutchouc, de palmiers à huile ou d’extraction du bois.

33Les densités moyennes de population des États du delta strictement géographique sont moins fortes que celles des États limitrophes d’Imo et Abia à peuplement Igbo et d’Akwa Ibom à l’Est. Elles sont respectivement, selon les projections de 2005, de 647,662 et 491 habitants par km2, des chiffres qui apparaissent élevés en regard des autres plaines d’Afrique de l’Ouest. La présence de terres marécageuses (20% de la superficie du delta géographique) influence à la baisse les densités des États côtiers. Toutefois, localement, il existe des poches de fortes densités sur les terres fermes en raison de l’établissement des populations sur les zones exondées, notamment dans l’Ogoniland au sud-est et sur les îles côtières.

...mais dont le poids et la répartition s’expliquent aussi par l’histoire de la traite négrière

34Avec de faibles capacités productives agricoles, des aménagements hydrauliques et territoriaux pour ainsi dire inexistants, on peut s’interroger sur les origines de ces densités relativement élevées.

35Un phénomène contradictoire apparaît dans l’histoire : à partir du XVIIe siècle, le delta du Niger était devenu la région phare du commerce des esclaves en Afrique de l’Ouest [Dike, 1956, p. 24]. Ce fut à cette époque que le delta atteignit son maximum de peuplement. Les cités-États de la côte (Bonny, Calabar, Brass, Akassa et Nembe) contrôlaient la venue et la répartition de ces esclaves, surtout originaires du pays Igbo ou des plaines plus en amont du fleuve. De nombreux esclaves restèrent dans la région et furent intégrés dans les familles princières de la côte ou dans leurs exploitations agricoles. En même temps, des populations non captives originaires du royaume du Bénin voisin et des terres de l’intérieur furent attirées par la prospérité des cités-États et le potentiel commercial de la voie fluviale du fleuve Niger. Elles s’établirent aux points les plus actifs du commerce fluvial [Dike, 1956, p. 25].

36Au XIXe siècle, alors que l’économie du delta du Niger était en pleine restructuration, jamais les besoins en main-d’œuvre servile n’ont été aussi grands. En effet, la collecte de l’huile de palme et le transport par canoë de ces marchandises nécessitaient une armée de travailleurs. La part de la population captive était très élevée. Même certains « rois » avaient des origines captives, tel le roi Jaja de Bonny.

37Localement, la traite a aussi influé sur la répartition du peuplement et a été parfois plus déterminante que l’hostilité du milieu. Pour fuir les raids esclavagistes venant de la côte ou des États constitués de l’intérieur, les populations se sont enfoncées loin des fleuves, dans les formations végétales denses [Courade et Marshall, 1994, p. 170].

38De nos jours, si l’activité d’extraction des hydrocarbures a attiré de nombreux migrants dans le delta, elle emploie peu la population locale. La main-d’œuvre spécialisée vient de l’extérieur, en raison du manque de formation sur place mais aussi pour des raisons politiques. Dans un contexte de diminution des superficies cultivées du fait de l’installation des infrastructures pétrolières et des pollutions environnementales, on arrive à un phénomène de saturation foncière, et ceci dans un contexte politico-social explosif.

Antagonismes ethniques et politique fédérale inégalitaire : les ferments de la violence

39Dans ce delta au peuplement dispersé, les relations entre les groupes ethniques qui s’adonnent à l’agriculture, la pêche et le commerce fluvial ont alterné entre antagonismes et complémentarité. La traite négrière, les abus de la colonisation, la guerre du Biafra et la nouvelle donne pétrolière ont renforcé les conflits et rendent difficile la mise en place de structures fédératives pour un consensus régional de développement du delta.

Un delta à vocation commerciale et aux groupes ethniques antagonistes

Le contrôle du commerce et la perpétuation de l’impérialisme dans le delta du Niger

40La colonisation britannique, que Tekena N. Tamuno appelle « l’époque de la diplomatie des canonnières et des expéditions punitives », s’est instaurée sur le mode commercial et prédateur, pour à l’origine le contrôle de la traite transatlantique puis, plus tard, pour celui du commerce dit « légitime » de l’huile de palme et des échanges de marchandises provenant des régions de l’amont du Niger.

41La découverte « d’une large voie de pénétration vers le Cœur mythique de l’Afrique centrale » a été effectuée à l’époque de la révolution industrielle en Europe. En 1830, les frères Richards et John Lander découvrirent que le Niger se jetait dans l’Atlantique dans la baie du Biafra. Cette découverte a coïncidé avec le développement des machines à vapeur, sans lesquelles la navigation fluviale sur de grandes distances n’aurait pas été possible. À partir des années 1830 et ce, jusqu’à la fin du XIXe siècle, le delta du Niger devint un grand centre d’intérêts et fut le but de nombreuses expéditions scientifiques et commerciales [Dike, 1956, p. 18].

42On peut suggérer que la colonisation britannique a grandement jeté les bases d’un type d’exploitation « minière » dans ce delta à vocation commerciale où l’aménagement du territoire et l’investissement dans des entreprises productives ne faisaient pas partie de l’ordre du jour. La réticence des Britanniques à annexer le delta de façon formelle s’explique dans leur absence de désir de contrôler le delta sur le plan politique. Ils ont parfait leur domination commerciale sur les régions côtières grâce à la force des armes et des traités signés avec les cités-États négrières [Dike, 1956, p. 203]. Aussi longtemps que les souverains autochtones servaient leurs intérêts commerciaux, les Britanniques préféraient un protectorat informel peu coûteux pour la Couronne. Cependant, le passage à une occupation étrangère plus formelle fut dicté par la nécessité pour l’Empire britannique de pénétrer plus avant les terres de l’intérieur. En 1878, de nombreux comptoirs furent installés le long des fleuves Niger et Benue et sur la côte [Dike, 1956, p. 204]. En 1880, les Britanniques imposèrent finalement leur pouvoir politique et menèrent des guerres contre les cités-États, dont les chefs furent dans de nombreux cas exilés [Alagoa, 2004].

43L’administration coloniale n’a organisé ce territoire par la création d’un réseau de villes, de comptoirs, puis de routes et de chemins de fer, que pour mieux drainer les marchandises vers l’extérieur et contrôler ces populations belliqueuses. Elle ne s’est nullement appuyée sur les cités fluvio-maritimes esclavagistes du delta du Niger florissantes au XVIIe siècle, mais sur un réseau créé de toutes pièces le long du fleuve (Onitsha, Enugu, Owerri ou Port-Harcourt) [Courade et Marshall, 1994, p. 170].

Conflits territoriaux et rente de situation commerciale

44Espace d’intense circulation marchande et migratoire entre les terres de l’intérieur, la basse-vallée du Niger et la côte du golfe de Guinée ouverte sur le monde extérieur, le delta du Niger a de tout temps été valorisé pour sa rente de situation. Jusqu’à l’avènement du chemin de fer et des routes, le fleuve Niger était l’unique moyen de communication pour mettre en contact l’intérieur des terres et le monde extérieur. C’est en ce sens que le delta du Niger est devenu si important dans l’histoire moderne du Nigeria. Le Niger se jetait dans la baie du Biafra par 21 embouchures, constituant un véritable éventail de rivières et fleuves dont la plupart étaient navigables. Cette « Venise » d’Afrique reliait entre elles des places commerciales du delta mais aussi de la côte à l’axe du fleuve Niger [Dike, 1956, p. 19].

45Forcados, et non Lagos ou Port-Harcourt, servait de poste maritime pour entrer au Nigeria. Les marchés de l’huile de palme et les ports traditionnels localisés dans le delta servaient de lieu d’échange pour l’huile de palme en provenance des terres de l’intérieur. Les produits agricoles et miniers originaires de l’intérieur du pays étaient également évacués vers la mer par voie fluviale.

46Le delta du Niger détenait le nombre le plus élevé de ports le long de la côte guinéenne, sis dans les cités-États de Brass, Forcados, Akassa et Bonny. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ces ports se sont enrichis grâce au commerce des esclaves. Dès le début du XIXe siècle, avec l’avènement du commerce de l’huile de palme, les ports du delta exportaient plus d’huile que tous les ports d’Afrique de l’Ouest réunis.

47La traite des esclaves et le contrôle des voies fluviales ont cependant provoqué de graves tensions interethniques. Si les relations entre certaines communautés voisines ont pu être pacifiques dans le cadre d’échanges commerciaux et matrimoniaux complémentaires, elles se sont déclinées dans d’autre cas sur le mode de la violence, dans le cadre du contrôle des zones de pêche ou de commerce et des razzias, lors de la traite transatlantique. Les populations de la côte, plus ouvertes sur le monde extérieur, razziaient les communautés de l’intérieur et celles de la basse-vallée du Niger pour en revendre les membres aux Européens. Le delta du Niger constituait, en effet, le marché à esclaves le plus grand de toute l’Afrique de l’Ouest, égalant la totalité du commerce dans les autres régions de cette partie d’Afrique. Bonny était le marché principal de la traite et pas moins de 20 000 esclaves y étaient vendus chaque année (dont 16 000 étaient Igbo).

48Pendant quatre siècles, les cités-États furent organisées de façon indépendante autour d’une ville qui contrôlait un territoire partant de l’embouchure d’un fleuve jusqu’aux terres de l’intérieur. Chaque cité-État avait organisé son territoire commercial grâce à un réseau de comptoirs localisés le long de l’axe fluvial. Elle avait son système juridico-administratif qui maintenait l’ordre et faisait respecter les lois, et une armée [Dike, 1956, p. 30]. Ces cités avaient organisé un type d’institutions particulières pour contrôler les routes commerciales sur de longues distances, centrées autour des oracles d’Aro.

Le contrôle des routes commerciales avec l’avènement de la colonisation britannique

49Avec la colonisation, les Britanniques ont investi les grands axes fluviaux pour installer leurs comptoirs. Ils se sont arrogé le monopole du commerce et ont fait perdre aux populations autochtones, et surtout aux rois des cités-États de la côte, leur pouvoir économique et politique. De même, dans la zone de mangroves, les Itsekiri et les Ijaw, qui étaient d’habiles pêcheurs et navigateurs, ont été marginalisés. La pénétration britannique à l’intérieur des terres, puis l’avènement de l’exploitation pétrolière, ont transformé les logiques d’utilisation des ressources et l’intérêt stratégique ou économique des localisations par rapport aux cours d’eau, à la côte maritime et aux terres exondées. Puis, à l’époque coloniale, un réseau routier a été construit, et les ports fluviaux de l’intérieur de Warri, Port-Harcourt et Sapele ont détrôné les anciens ports côtiers maritimes [Udo, 1970, p. 59].

50Pour les communautés autrefois au centre de l’activité commerciale, la perte de contrôle de leur territoire a généré un climat de violence et un désir de revanche. Cette violence est largement visible dans les anciennes cités-États de la côte, Calabar, Nembe et Bonny, devenues aujourd’hui des périphéries délaissées, fortement touchées par l’exploitation pétrolière et l’érosion qui grignote années après années leurs territoires déjà limités. Historiquement, les minorités dominatrices étaient composées par des groupes tels les Efik, les Ijaw et les Itsekiri, qui utilisaient leur avantageuse localisation le long des cours d’eau pour développer des relations commerciales avec les Européens, notamment pour le commerce des esclaves, puis le commerce dit légitime d’huile de palme, ceci au détriment des communautés Igbo, Ibibio et Urhobo, et d’autres [Osaghae, 1998].

51Le leitmotiv de certains chefs de guerre des minorités autrefois dominantes de cette zone est : « Les seigneurs d’hier sont devenus les esclaves d’aujourd’hui [3]. »

52Depuis l’indépendance, l’activité pétrolière s’est étendue un peu partout sur le territoire deltaïque. De nouveaux bénéficiaires des ressources du delta sont apparus : les compagnies pétrolières, des travailleurs d’autres régions, l’administration fédérale, les groupes de jeunes activistes qui harcèlent les compagnies pétrolières pour obtenir des subsides. En l’absence de réelle cohésion sociale et politique entre les communautés du delta, maintenant que le système organisé autour du commerce de l’huile a disparu, l’avènement du pétrole a exacerbé les antagonismes ethniques.

Une politique fédérale de répartition de la manne pétrolière autoritaire et violemment contestée par les communautés ethniques

53La recherche du contrôle des ressources pétrolières et des terres a créé de nombreux conflits et des tensions à tous les niveaux de la société. L’État fédéral s’est institué comme principal propriétaire des ressources minérales et foncières du pays. En contrepartie, les minorités ethniques revendiquent la création de nouveaux États homogènes sur le plan ethnique, pensant ainsi mieux contrôler les dividendes pétroliers.

54En 1914, les protectorats du nord et du sud du Nigeria furent amalgamés en une seule unité politique par l’administration coloniale britannique. Dans le but de répondre aux demandes d’autonomie des différents grands groupes ethniques (Haoussa-Fulani au Nord, Yoruba à l’Ouest et Igbo au Sud-Est) qui représentaient les trois grandes régions du pays, un système fédéral fut instauré.

55À l’avènement de l’indépendance, en 1960, l’unité du Nigeria était fragile, mais les trois grandes régions possédaient un certain niveau d’autonomie. De nombreux pouvoirs législatifs leur étaient délégués, bien que le pouvoir central fût dominé par les leaders du nord du pays. Avec le coup d’État militaire de 1966, et ce jusqu’à mai 1999, les régimes militaires en place instaurèrent un système dit « fédéral » où tous les pouvoirs politiques et économiques étaient centralisés. Les relations entre les États et le gouvernement fédéral devinrent de plus en inégales. Avec l’édiction du Petroleum Decree en 1969, puis du Land Use Act en 1978, le gouvernement militaire s’est arrogé le contrôle total des ressources minières et foncières, vitales pour la survie du pays. L’autonomie des États dans la gestion de leurs propres affaires a été sérieusement remise en cause, tandis que le principe de subvention du Nord par le Sud pétrolier mis en place par l’État fédéral apparaissait de plus en plus injuste envers les minorités ethniques deltaïques.

56Jusqu’à l’avènement du pétrole, les ressources produites par les États leur revenaient selon le principe de la dérivation. Puis ce principe fut abandonné pour une égalité de la répartition entre les États de la fédération en fonction du poids de la population et de la taille de leur territoire. Si, en 1960,50% des ressources extraites dans les États leur étaient redistribuées par dérivation, en 1976, ce pourcentage descendit à 3%. Après la guerre civile, le gouvernement fédéral s’était désintéressé du delta et avait investi d’énormes montants dans l’aménagement d’autres régions du pays (Abuja, la nouvelle capitale fédérale, et Lagos, devenue la vitrine de ce pays qui devait s’industrialiser grâce au pétrole). En 1999, avec le retour à un gouvernement civil, le président Obasanjo fit passer à 13% le pourcentage des ressources redistribuées par dérivation.

57Les États dépendent de l’État fédéral pour en moyenne 90% de leur budget, ce qui va à l’encontre des principes du fédéralisme. Les revenus collectés par l’État fédéral sont redistribués selon le principe suivant : 48,5% à l’État fédéral, 24% aux États, 20% aux LGA. Les 7,5% restant sont destinés à des fonds spéciaux. Avec la croissance du nombre d’États appartenant au delta dit « politique », les tensions inter-États se sont exacerbées. Les États qui ne subissent pas les conséquences environnementales et sociales de l’extraction pétrolière reçoivent plus de remises pétrolières [Ikporukpo, 2004, p. 331-332].

58Les minorités ethniques du Nigeria ont été définies en opposition aux trois grands groupes ethniques (Haoussa/Fulani, Yoruba et Igbo) en tant que groupes distincts de par leurs spécificités linguistiques, culturelles, territoriales et historiques. En raison de leur infériorité numérique, de leur mode d’expansion et de leur évolution historique au sein de l’État moderne nigérian, ces minorités, principalement localisées dans le delta, ont été dominées sur le plan politique, social et économique. Les élites des groupes majoritaires ont profité de la création des trois grandes régions (Nord, Ouest et Sud-Est) pour renforcer leur pouvoir et marginaliser les « minorités ethniques » qui se sont organisées en groupes séparatistes et revendicatifs.

La politique de « diviser pour mieux régner » instaurée à tous les échelons du pouvoir

59Sur le plan administratif et politique, le delta est divisé depuis l’indépendance en une multitude d’États en perpétuelle fragmentation. La tentative de sécession de la région Sud-Est par la majorité Igbo lors de la guerre du Biafra en 1967, puis les revendications permanentes des minorités en guerre contre cette même majorité ont fait craindre à l’État fédéral, aux mains des « nordistes », de laisser la région la plus riche du pays entre les mains d’une seule entité politique.

60L’interférence parfois violente de l’administration fédérale et des compagnies pétrolières dans ces conflits révèle leurs tentatives de diviser les communautés pour mieux régner. Ce jeu politique est toutefois dangereux, car la violence en œuvre dans cette région entrave le bon déroulement de l’extraction pétrolière.

La balkanisation du pays en une multitude d’États et la création de nouvelles minorités ethniques antagonistes

61En 1958, suite aux recommandations de la Commission sur les minorités, l’administration coloniale représentée par Sir Henry Willink avait proposé la création de territoires spéciaux dans le delta qui devaient bénéficier de programmes d’aménagement. Mais le maintien de tels territoires était impossible du fait des graves tensions interethniques. Lors de la guerre du Biafra en 1967, la tentative de sécession de la région Sud-Est par la majorité Igbo, vivant sur les hautes-terres surplombant le delta, n’a fait qu’accentuer les clivages au sein de la population de cette région. Les 5 millions de personnes appartenant aux ethnies « minoritaires » et qui composaient 41% de la population du Biafra ne voulaient pas plus accepter la domination des Igbos que celle que ces derniers avaient supportée de la part des nordistes. Ils se sont alors ralliés au camp fédéral, préférant sa tutelle – le gouvernement fédéral avait fait miroiter à certaines ethnies la création d’États rassemblant la majeure partie de leurs populations [Osaghae, 1998].

62Après cette guerre civile, qui a fait entre un et deux millions de victimes, chaque groupe ethnique a revendiqué son autonomie par la création de nouveaux États homogènes. Ceux-ci pensaient que la décentralisation constituerait une opportunité pour transcender leur taille démographique limitée et leur permettrait d’acquérir un peu de pouvoir [Obi, 2001]. Partant du principe qu’un État homogène sur le plan ethnique serait plus à même de gérer la part des dividendes pétroliers redistribués par « dérivation », les nombreux groupes ethniques sont entrés dans la course à la demande de création d’États de taille infime et non viable.

63En mai 1967, lorsque l’État militaire dirigé par Gowon entreprit de créer douze États à partir des quatre datant de l’époque coloniale, ce fut pour restructurer la fédération de telle sorte qu’aucun État ou groupe d’États ne puissent menacer la cohésion du pays. Puis, suite aux revendications incessantes des leaders de certaines minorités dont le gouvernement avait besoin du soutien politique, les différents gouvernements militaires qui ont suivi ont créé de nouveaux États. Depuis 1996, le Nigeria compte 36 États. En parallèle, de nouveaux LGA furent créés.

64Sans résoudre les problèmes de violence, la multiplication des États n’a fait qu’aggraver les relations entre ethnies au sein des nouvelles entités constituées. Les découpages territoriaux ont renforcé le pouvoir de certains groupes ethniques au détriment des groupes de taille plus faible. Ils ont ravivé les relations conflictuelles historiques. Cela n’a fait qu’augmenter les sources de conflits et la demande de création de nouveaux États ou de LGA homogènes sur le plan ethnique de la part de ces nouvelles « minorités ». Ainsi, la mauvaise représentation politique de certaines communautés au regard de leur poids numérique s’est traduite par une inégale redistribution des dividendes pétroliers, des postes administratifs et infrastructures sociales.

65Même au sein des ethnies la fracture s’est agrandie, pour preuve le conflit qui a opposé des Ogoni [4] conservateurs à l’écrivain Ken Saro Wiwa, fondateur du Mosop (Mouvement for Survival of Ogoni People). En parallèle, les anciennes majorités ethniques, devenues minoritaires dans des États fragmentés, revendiquent la fédération de leurs membres. Ainsi, les Ijaw, qui représentent l’ethnie « majoritaire » du delta et qui ont dominé pendant des siècles des communautés marginalisées du fait de son contrôle des routes commerciales, ont été dispersés en plusieurs États. Ils ont obtenu la création d’un État propre, Bayelsa State, en 1996. En même temps, dans les autres États du delta « politique », des regroupements d’Ijaw ont demandé la création de LGA distincts, pour protéger leurs intérêts au sein de ce qu’ils considèrent être des États peuplés de communautés qui leur sont hostiles [Osaghae, 1998].

66Le mythe d’une meilleure gestion des ressources naturelles et fiscales par la création de multiples États a montré ses limites politiques. Une telle balkanisation du territoire joue le jeu de l’État fédéral, qui peut imposer sa suprématie. Celui-ci détient seul le pouvoir politique suffisant pour créer une structure capable de mettre en œuvre de nouveaux aménagements. Encore faudrait-il qu’il le désire et que sur le plan politique il en ait les moyens. Les lobbies politiques du Nord sont strictement opposés au développement du delta. Toute amélioration des conditions de production et de vie des populations minoritaires risquerait de leur donner plus de pouvoir politique et de remettre en cause la suprématie des premiers.

La politique des compagnies pétrolières et les divisions ethniques

67Une des principales causes de conflits interethniques dans les zones pétrolières tourne autour du statut des territoires sur lesquels les compagnies ont installé leurs infrastructures. Les communautés villageoises du delta sont divisées en « communautés pétrolières » et « communautés non pétrolières » par les compagnies, selon qu’elles vivent ou ne vivent pas sur des territoires où l’on extrait des hydrocarbures. Les populations des premières bénéficient d’un certain nombre d’attributions (remises financières, telles que les « stay-at-home remuneration[5] » ) destinées à « acheter » la paix, des fonds pour des projets de développement et des promesses d’emplois, alors que les secondes n’y ont pas droit.

68Un premier problème se pose : il n’y a pas de limites administratives précises entre le territoire des communautés. De plus, le pétrole peut provenir d’un territoire, mais être extrait par les puits localisés sur le territoire d’une communauté limitrophe. Les kilomètres de pipeline qui traversent le delta scindent le territoire des communautés sans pour autant que celles-ci reçoivent des indemnités à la hauteur des dommages encourus lors des déversements d’hydrocarbures, qui peuvent survenir du fait du mauvais état des infrastructures... ou des sabotages.

69Par ailleurs, les compagnies pétrolières négocient des arrangements avec des membres de la communauté qu’ils identifient comme étant les représentants ou les chefs traditionnels locaux. Cependant, depuis l’indépendance, le pouvoir des chefs traditionnels a été vidé de sens par l’établissement de structures administratives locales, telles que les LGA. Comme dans certaines communautés les jeunes sont très virulents, et ont même pris le pouvoir politique local, les compagnies pétrolières préfèrent leur attribuer des royalties, plutôt que de se référer aux autorités traditionnelles ou aux anciens [Alagoa, 2004].

70Au sein des communautés locales, l’inégale répartition des royalties entre les membres a même engendré une compétition pour l’obtention du leadership local, cette position devenant de plus en plus lucrative dans les « communautés pétrolières ». Dans le courant des années 1990, des leaders locaux puissants se sont mis à recruter des jeunes et à les armer pour contrôler leurs villages et imposer leur suprématie. Cela a généré des batailles sanglantes dans les environs de Port-Harcourt et a favorisé l’émergence de milices. Partout où des subsides du pétrole génèrent des projets de développement, cela crée des jalousies et du ressentiment de la part des non-bénéficiaires et peut, dans certains cas, déboucher sur des conflits intercommunautés.

Le territoire du pétrole : le miroir des tensions entre les compagnies pétrolières, l’État fédéral, les LGA et les communautés

71En raison de la territorialisation de la distribution des subsides pétroliers, les revendications pour le contrôle des « territoires pétroliers » s’opèrent à toutes les échelles : au niveau local dans les « communautés pétrolières », ou par le biais des LGA. Au niveau régional, l’appartenance au « delta politique » permet aux États de recevoir un certain nombre de financements. Les États côtiers revendiquent la prise en compte de droits exclusifs sur l’exploitation du pétrole offshore dans le comptage de leurs dividendes. Enfin, au niveau national, avec l’édiction du Petroleum Decree en 1969, puis du Land Use Act en 1978, l’État fédéral militaire s’est arrogé le contrôle total des ressources minières et foncières du pays.

Ethnicisation des conflits fonciers et contrôle de la rente pétrolière « territorialisée »

72Avec l’instauration de nouvelles entités administratives durant la période coloniale et postcoloniale, des conflits ont émergé entre les groupes ethniques et les élites en compétition pour le pouvoir politique et le contrôle des ressources. La délimitation des nouvelles entités administratives a pu déclencher des conflits entre des communautés autrefois en bons termes mais qui ont eu peur de devenir des minorités dominées dans ces nouvelles entités ou de perdre leur suzeraineté d’antan [Alagoa, 2004].

Warri : la création de nouvelles entités administratives et les conflits ethniques sanglants

73Les tensions qui entourent l’organisation du gouvernement dans la région de Warri, la deuxième ville pétrolière du pays, précèdent l’indépendance du Nigeria en 1960. Warri, la ville la plus grande de l’État de Delta, est revendiquée par trois groupes ethniques comme étant leur patrie : les Itsekiri, les Urhobo et les Ijaw. La question concernant le « droit de propriété » sur Warri est une source de conflit depuis des décennies. Mais, avec le boom du pétrole et la territorialisation de la distribution des subsides pétroliers, les revendications sont allées croissant. De même, le choix des représentants dans les institutions formelles du gouvernement, à la fois au niveau local et au niveau étatique, pose des problèmes dans l’État de Delta créé en 1991. Les Ijaw et les Urhobo considèrent tous les deux que la pratique actuelle de l’État, où les Itsekiri dominent les structures gouvernementales dans les trois LGA de Warri, est injuste. Ils se plaignent que cette domination implique que les Itsekiri et leur chef traditionnel, l’Olu de Warri, profitent d’une manière disproportionnée des ressources gouvernementales.

74De nombreuses éruptions de violence dans la région de Warri ont eu lieu en mars et en mai 1997, au cours desquelles des centaines de personnes sont mortes dans chaque camp. La production de pétrole, de plus de 200 000 barils par jour, a été arrêtée pendant quelques semaines [HRW, 1999, p. 111-114].

75Fin mai et juin 1999, l’époque du passage de pouvoir du gouvernement militaire à un gouvernement civil au Nigeria, la violence a encore une fois éclaté à Warri et dans ses environs, au moment de la mise en place du nouveau gouvernement local contesté établi en 1997. Jusqu’à deux cents personnes auraient été tuées lors des raids des milices Ijaw et Itsekiri. Enfin, au début de l’année 2003, la préparation des élections fédérales s’est soldée par une nouvelle flambée de violence [HRW, déc. 2003].

Le Land Use Act de 1978 et le retrait du contrôle foncier aux communautés au profit des États

76Les problèmes fonciers sont à l’origine de nombreux conflits entre les États, les compagnies pétrolières, les collectivités locales et les populations. En effet, en vertu du Land Use Act de 1978, les communautés locales ont été dépossédées de leurs droits fonciers au profit de l’État fédéral. Les terres peuvent ainsi être expropriées dans l’option d’installer des infrastructures pétrolières sans compensations. Elles sont redistribuées aux compagnies pétrolières moyennant des compensations financières, en achetant certains chefs coutumiers et membres de l’administration locale, au grand dam des populations.

77Lors des expropriations ou des pollutions aquatiques, les populations ne sont indemnisées que pour les récoltes perdues et le manque à gagner des pêches.

Le « désastre » environnemental causé par l’exploitation pétrolière

78Les compagnies pétrolières étrangères, même si elles sont intégrées dans des compagnies à majorité nigériane, dictent les lois du marché et les modes de production. Elles décident des bénéfices à tirer de l’exploitation pétrolière pour leur propre type d’accumulation, étant seules capables d’extraire le pétrole. Cela ne fait que limiter le pouvoir de l’État nigérian dans la gestion du mode de production pétrolier [6].

L’État juge et partie dans l’exploitation pétrolière

79Les compagnies pétrolières sont sous la juridiction de l’État fédéral. Celui-ci est à la fois le partenaire des activités pétrolières, à travers le NNPC, mais en même temps il est censé faire appliquer les lois fédérales en matière de protection de l’environnement à travers le Département des ressources pétrolières [Banque mondiale 1995]. Le gouvernement détient 51% des parts dans les holdings qui exploitent le pétrole. Il cherche à accaparer le maximum de rente et n’est pas très soucieux d’imposer une législation favorable à la protection de l’environnement, car trop coûteuse. Même si certaines lois existent, elles ne sont pas mises en application. Selon C. Ikporukpo [2004, p. 348], « il n’y a aucun doute que les compagnies pétrolières auraient assuré de meilleures normes environnementales d’extraction si l’État et ses agences avaient été capables d’imposer l’application des lois existantes ». Pour extraire le pétrole à un moindre coût, au détriment de l’environnement et de la santé des habitants, l’État a décidé de limiter tous les obstacles rencontrés sur son chemin : l’édiction de décrets lui donnant le monopole total du foncier et des ressources pétrolières, l’utilisation de l’armée pour enrayer tout mouvement de protestation...

Une exploitation pétrolière effectuée à bas prix : pollution des eaux, des sols et de l’air

80La pollution de l’air par le « torchage » du gaz. Le Nigeria possède la 9e réserve de gaz au monde. Cependant, en raison du manque de marchés locaux et de l’absence d’investissements pour installer les infrastructures nécessaires à la transformation du gaz associé ou à sa réinjection dans le sol, 75% du gaz qui sort lors de l’extraction du pétrole est « torché » (brûlé). Il est estimé que 70 millions de m3 de gaz associé aux gisements de pétrole brut sont quotidiennement déversés dans l’environnement, soit 40% de la consommation africaine de gaz naturel en 2001.

81Cette pratique est lourde de conséquences sur l’environnement et la santé publique : pluies acides, émanation de gaz toxiques dans l’air, élévation de la température, maladies pulmonaires et risques de cancers... Le ministère de l’Environnement avait proposé que l’année 2003 soit celle de la « zero gas flares policy » au Nigeria. Les compagnies pétrolières ont crié haut et fort que cela était techniquement infaisable et que cela relevait de la politique de l’État fédéral de mettre en place un programme aussi coûteux. La date a été repoussée à 2008 et nombreux sont les spécialistes qui s’interrogent sur la faisabilité politique d’un tel objectif [7].

CARTE 2.

LES PUITS PÉTROLIERS ONSHORE

CARTE 2.
CARTE 2. – LES PUITS PÉTROLIERS ONSHORE ET OFFSHORE EXPLOITÉS PAR LE CONSORTIUM NNPC/SHELL EN 2004 Source : The Shell Petroleum Development Company of Nigeria Limited, operator of the NNPC/Shell/ EPNL/Agip Joint Venture, 2004.

LES PUITS PÉTROLIERS ONSHORE

The Shell Petroleum Development Company of Nigeria Limited, operator of the NNPC/Shell/

82Dans un contexte où la concurrence entre les compagnies pétrolières est de plus en plus élevée et où les compagnies chinoises et indiennes cherchent à investir au Nigeria pour extraire les hydrocarbures dont elles ont de plus en plus besoin, l’heure ne paraît pas être aux investissements, mais plutôt à l’exploitation au plus bas coût possible.

83Les déversements de pétrole. Les conditions d’extraction des hydrocarbures ne suivent pas dans la plupart des cas les normes internationales pour la protection de l’environnement. Les infrastructures pétrolières ne sont pas maintenues en état, se corrodent et créent de graves dégâts. Selon SPDC (Shell Petroleum Development Company), toutes les conductions de plus de 15 ans devraient être remplacées. Cependant, 40% de celles-ci ont dépassé cet âge et la moitié se trouve dans les zones marécageuses. Les compagnies pétrolières avancent que, quand l’exploitation pétrolière a commencé, les normes environnementales internationales n’étaient pas aussi élevées. Il leur est difficile, dans le contexte de concurrence économique actuel, de moderniser en même temps toutes les infrastructures.

84Entre 1982 et 1992,40% des déversements de pétrole perpétrés par la Compagnie Shell l’ont été au Nigeria, alors qu’elle n’extrait dans ce pays que 14% du montant total de son exploitation pétrolière. En 40 ans, les environnementalistes ont dénombré environ 4 000 déversements de pétrole dans le delta du Niger. Le pétrole nigérian étant très volatil, 50% s’évaporent en l’espace de 48 heures. Ces déversements s’opèrent aussi dans les plates-formes offshore. Les zones de mangroves sont très sensibles à ces accidents et de nombreuses superficies ont été complètement stérilisées. Quand les déversements s’opèrent, ils tardent à être nettoyés, ce qui ne fait qu’accentuer la dégradation environnementale. La séparation du pétrole et de l’eau s’effectue sur place ou aux terminaux de Bonny ou de Forcados. Cette opération produit des déchets hautement toxiques qui sont stockés dans des décharges non protégées. En 1995, on comptait 7 millions de m3 de déchets déposés dans les deux États de Delta et de Rivers.

De la revendication à l’action : l’impasse des actions de développement et la spirale de la violence

85Pour dépasser la perte du contrôle territorial de ces ethnies dispersées en de multiples États, certaines communautés se sont organisées. Elles ont créé des associations et des groupes de pression pour mieux accéder au pouvoir politique et surtout aux dividendes tirés de l’exploitation pétrolière. L’État fédéral a mis en place des structures de développement dans le delta pour mieux gérer ces dividendes. De même, les sociétés pétrolières ont été contraintes par les activistes environnementalistes de participer au développement des zones où elles opèrent. Des sommes très importantes ont été mobilisées pour financer des programmes de développement locaux dont les résultats restent pourtant négligeables.

L’État et ses agences de développement : une façade pour cacher la misère

86Suite à l’augmentation de la violence et des révoltes dans le delta du Niger, et de la réévaluation de la part des royalties pétrolières attribuées aux États par dérivation, le principe de la création d’un fonds spécial pour la réhabilitation de l’environnement a été accepté. Le gouvernement fédéral a créé des agences spéciales pour gérer cette manne financière. Depuis 1999,13% des remises pétrolières sont supposées être investies dans les États producteurs de pétrole et sont gérées par la Niger Delta Development Commission (NDDC). D’autres agences de développement ont été mises en place par le gouvernement fédéral : la Presidential Task Force, qui en 1980 devait gérer les 1,5% que l’État fédéral lui avait alloués; la Oil Mineral Producing Areas Commission (Ompadec), à qui 3% des revenus pétroliers étaient destinés en 1992... Toutefois, dès le début, ces institutions, manquant de transparence et rongées par la corruption, ont peu fait pour développer le delta. De nombreux projets ont été mis en place et abandonnés. Même l’actuelle NDDC a peu de pouvoir malgré la reconnaissance par le gouvernement fédéral de l’urgence d’améliorer les conditions de vie dans le delta. La NDDC a reçu un mandat et des fonds énormes (47 milliards de naira entre 2001 et 2003) [8], sans toutefois avoir les pouvoirs politiques pour les mettre en place. On lui reproche de ne pas s’appuyer réellement sur les besoins des communautés, d’imposer par le haut un certain type de projets et d’être en grande partie noyautée par les lobbies de la construction.

87Aucun réel plan d’aménagement global n’a été mis en place au niveau du delta, notamment en matière d’hydraulique. Les nombreux projets pour la construction de routes ne sont pas accompagnés des infrastructures hydrauliques nécessaires pour enrayer les problèmes de drainage. Le manque de coordination avec les autres opérateurs de développement, les ONG ou les organisations internationales est criant.

La politique de « développement » mise en place par les compagnies pétrolières

88La politique de développement de certaines compagnies pétrolières a changé depuis la fin des années 1990, suite aux mouvements de contestation dans le delta et à l’internationalisation des revendications [9]. Les compagnies pétrolières doivent changer leur image de marque à l’étranger. Elles savent que pour continuer leurs activités elles doivent pacifier les populations. Les révoltes et les manifestations qui se sont opérées dans la zone de peuplement Ogoni en 1993 se sont traduites par l’arrêt pur et simple de l’extraction.

89Elles interviennent de plus en plus dans des projets de développement et non plus directement sous forme de dons financiers. Depuis 2002, la SPDC a instauré une politique de coopération avec des organismes étatiques et des agences internationales pour promouvoir le développement des communautés [10]. Elle a aussi entrepris de développer un partenariat avec la NDDC pour mettre en place des infrastructures de base et de service. Cette nouvelle stratégie vise à en finir avec la politique de distribution d’argent dans les « communautés pétrolières » qui ne fait qu’augmenter les conflits [NDDC, 2004].

90En 2000, le budget alloué par la SPDC à des projets de développement a atteint 60 millions de dollars, tandis que celui d’Elf atteignait 8,5 millions de dollars. Les compagnies pétrolières sont largement sollicitées pour participer à la construction des routes, des écoles, des programmes de formation pour les jeunes et des dispensaires. Mais, sur les 900 projets que le SPDC a mis en place entre 1992 et 1997,57% ont réellement été opérationnels. Pour les activistes environnementalistes, plus d’argent a été versé en pots-de-vin qu’en réels programmes de développement [Ikporukpo, 2004, p. 339].

91L’ONG Pronatura, financée par Statoil-BP et par Total, a mis en place un projet de développement intégré sur le mode participatif. Elle cherche à promouvoir un développement à la base en se fondant sur la capacité des communautés à se prendre en charge et à s’organiser. Dans ces communautés profondément meurtries par 40 ans d’exploitation pétrolière et de conflits intercommunautaires, ce type d’expérience commence à donner des fruits [Pronatura, 2004].

Les mouvements contestataires : éclatement et conflits, une histoire ancienne

92À l’époque coloniale, les mouvements d’agitation pour le contrôle des ressources ont pris deux formes. D’une part les activités séparatistes du Niger Delta Congress cherchaient à obtenir la formation d’une entité politique représentant le delta. D’autre part, la Commission Willink fut mise en place pour répondre aux demandes en matière de développement social et politique exprimées par les populations du delta du Niger.

93Avec la découverte du pétrole à Oloibiri en 1956 et le rôle économique grandissant du delta du Niger au sein de l’État nigérian, la dimension des revendications a changé. En 1966, si la tentative de création par la force des armes d’une république du delta par Isaac Adaka Boro fut noyée dans le sang, elle accrut la détermination des populations rebelles contre l’État nigérian et les compagnies pétrolières [Ogbogbo, 2004]. Avec la croissance des protestations contre la dégradation environnementale dans la seconde partie des années 1980, les compagnies pétrolières, secondées par le gouvernement fédéral, ont répondu par la violence armée. Puis, dans les années 1990, de plus en plus de mouvements contestataires pour l’autodétermination des peuples du delta à gérer leurs propres ressources se sont élevés et ont eux aussi pris les armes.

Les mouvements contestataires

94Dans les années 1990, des mouvements de protestation massifs ont émergé sous la forme de groupes de pression, à la tête desquels des leaders ont réussi à internationaliser leurs revendications. Ils ont pris conscience de l’énormité du montant des bénéfices obtenus par l’extraction pétrolière, au regard de la pauvreté de la majeure partie de la population de ce delta considéré comme étant un « îlot de richesse dans un océan de misère », et de la gravité de la situation environnementale. Toutefois, ces différents groupes n’ont pas les mêmes aspirations. L’État fédéral a répliqué en cherchant à diviser les mouvements, abusant les leaders, ou en utilisant la manière musclée pour enrayer les manifestations populaires.

95AMOS (Association of Minorities Oil States) estime qu’aussi longtemps que l’exploitation pétrolière perdurera, il faudra payer pour le risque environnemental causé. De même, IYC (Ijaw Youth Council), ERA (Environmental Right Action) et le Forum des gouverneurs de la région Sud-Sud agissent en faveur de la mise en place d’un système de dérivation favorable aux minorités du delta et à un système de compensation plus juste. Ils revendiquent le contrôle des ressources pétrolières et estiment inacceptable que l’État fédéral monopolise le contrôle sur les ressources minières. Le Forum des gouverneurs de la région Sud-Sud, qui est très populaire parmi les politiciens du delta du Niger, s’appuie sur les Constitutions de 1960 et de 1963, qui stipulaient que 50% des rentes pétrolières devaient retourner aux États producteurs. Il estime que les côtes maritimes de ces États font partie de leur territoire et donc que le montant des volumes de pétrole exploités en offshore doit être pris en compte dans le calcul des remises dérivées aux États pétroliers et non directement attribués à l’État fédéral. Ces deux éléments doivent être inscrits dans la Constitution. Il demande réparation pour les années de dégâts environnementaux causés aux communautés du delta.

96Les jeunes et les organisations environnementales du delta revendiquent une position plus radicale. Ils demandent le retour des principes de la Constitution coloniale, où l’intégralité des rentes agricoles et minières était reversée dans les États d’origine, seules les taxes minières étant détenues par l’État central. Ils abondent aussi dans le sens du Forum des gouverneurs sur l’intégration des stations offshore dans le territoire des États et la nécessité d’indemniser l’intégralité des dommages environnementaux causés par l’exploitation pétrolière. Cette perspective radicale est retranscrite dans la Déclaration de Kaiama instituée lors de la Conférence de tous les jeunes Ijaw du 11 décembre 1998 [Ikporukpo, 2004, p. 342-343].

97Les activistes, les groupes de pression et les leaders politiques revendiquent la suppression du Petrole Decree de 1969 et du Land use Act de 1978 qui octroient à l’État fédéral le pouvoir intégral sur le contrôle des ressources minières et foncières.

98Parmi les ethnies minoritaires, et très revendicatives, on trouve les Ogoni, groupe d’environ 500 000 personnes vivant dans le delta du Niger sur des territoires hautement pétrolifères et aujourd’hui ravagés par la pollution. Ils sont à l’origine d’un puissant mouvement revendicatif, le MOSOP (Mouvement for Survival of Ogoni People), aujourd’hui relayé par de nombreuses ONG occidentales. Ce sont les principaux artisans de la recrudescence des actes de violence et de sabotage à l’encontre des compagnies pétrolières. Transformés en « martyrs » par l’exécution de leur leader, Ken Saro Wiwa, le 11 octobre 1995, ils multiplient aujourd’hui des affrontements marqués par une durée et une cruauté croissantes [HRW, 2004].

99Beaucoup plus importante en nombre – 6 à 8 millions environ –, l’ethnie des Ijaw est également politiquement très structurée au sein du Congrès national des Ijaw. Les Ijaw sont le moteur de l’agitation actuelle : quatrième groupe ethnique du Nigeria, ils tentent de s’organiser au sein des Communautés fédérées Izon (Ijaw) du delta du Niger ou du Mouvement pour la survie de la nationalité ethnique Ijaw (Mosiend) [HRW, 2004].

Les milices, le bunkering et la spirale de la violence armée

100Depuis la répression brutale contre le soulèvement des Ogoni en 1993, on assiste à un changement de stratégie dans la conquête pour le contrôle des ressources. La militarisation de la région par le gouvernement fédéral, sous le prétexte d’apporter une plus grande sécurisation de l’exploitation pétrolière, s’est heurtée à une résistance plus violente de la part des organisations soutenues par les communautés ethniques, les associations et les groupes de pression. Le sabotage des infrastructures pétrolières, les enlèvements de personnels des compagnies pétrolières, le blocus des accès aux terminaux pétroliers ont entraîné une spirale de la violence des deux côtés.

101Parallèlement à la contestation politique, des milices ont vu le jour dans presque toutes les communautés, mais surtout chez les Ijaw. Deux milices armées, le NDPVF (Niger Delta Peoples Volunteer Force), fondée en 1966 par un officier rebelle, le major Isaac Boro, et le NDV (Niger Delta Vigilante) regroupent principalement des jeunes Ijaw de Port-Harcourt et des villages environnants. Une centaine de petits groupes armés, appelés cultes, tournent autour de ces deux organisations. Pour obtenir des armes, dans les années 2003, ces gangs se sont rapprochés des leaders des deux principales milices et ont formé des alliances avec eux. Les deux leaders occupés à se battre pour le contrôle du bunkering (extraction sauvage) de pétrole avaient besoin de renforts. Ils ont ainsi armé ces jeunes, dont la plupart sont au chômage et sont aigris après des années passées à l’université. La pauvreté et la corruption des élites qui ne redistribuent par les dividendes pétroliers aux populations n’ont fait que renforcer les griefs des jeunes, qui préfèrent la voie armée pour se faire entendre [HRW, 2005].

102L’armement des milices en armes de plus en plus sophistiquées est largement financé par le bunkering, qui représente 10% de l’exploitation journalière. Celui-ci s’effectue à la source, directement dans les pipelines ou les puits de pétrole. Souvent des barges cachées le long de petites criques extraient directement le combustible. Les pirates connaissent tous les dédales des criques dans les mangroves et disposent de bateaux très puissants. Certains n’hésitent pas à attaquer des bases navales, les casernes ou à tendre des embuscades aux forces de police dans le labyrinthe des mangroves. Le pétrole brut est ensuite transporté vers des bateaux situés au large et vendu à des pays de la région ou des destinations éloignées. Pour Mujahid Dokubo Asari, leader du NDPVF, le bunkering du pétrole n’est pas du piratage, mais un juste retour des choses où les gens du delta exploitent le pétrole qui leur appartient car il est originaire de leur sous-sol [HRW, 2005].

Conclusion

103Avec 26 000 km2 et environ 10 millions d’habitants en 2005, le delta du Niger fait partie des deltas de taille et de densité démographique moyennes, mais n’a pas bénéficié, à l’instar de la plupart des deltas d’Asie des moussons, de structures d’encadrement politique et technique susceptibles de contrôler l’hydraulique du fleuve et de mettre en valeur sa plaine alluviale. Si les contraintes environnementales et géomorphologiques sont fortes (inondations du fleuve, sub-sidence, érosion des berges et des côtes), elles ne le sont pas plus que dans la majeure partie des deltas d’Asie ou d’Égypte. Cette absence de structure d’encadrement politique s’explique principalement par l’histoire du peuplement et la valorisation principale de la rente commerciale fluviale que représente le delta du Niger en tant que porte de pénétration vers l’Afrique centrale et occidentale à la période de la traite atlantique et des grandes expéditions coloniales européennes. On ne va pas revenir ici sur la validité ou non de la théorie de Wittfogel sur le despotisme oriental supposé des civilisations deltaïques, le besoin de contenir les crues ou de répartir les eaux en période de sécheresse impliquait un minimum d’encadrement des hommes pour organiser les travaux sur de grands espaces. L’histoire du peuplement du delta du Niger, bien qu’il ait été dynamique, surtout à l’époque de la traite atlantique et de celle de l’huile de palme, n’est faite que de migrations de peuples d’origines très diverses, dont les économies, quoique complémentaires (la pêche, l’agriculture ou le commerce), donnaient lieu à de nombreux conflits pour le contrôle des territoires.

104Dans ce contexte, on aurait pu penser que l’émergence d’un État centralisé, et riche du pétrole extrait dans le delta, aurait pu permettre une mise en valeur du milieu deltaïque. La guerre du Biafra en 1967, le contrôle politique entre les mains des élites du nord du Nigeria, ce « géant aux pieds d’argile », les dissensions ethniques entre les communautés du delta, n’auront pas permis la mise en place des structures administratives et politiques nécessaires pour mettre en valeur la « poule aux œufs d’or » du Nigeria. Des 2,5 millions de barils de pétrole extraits quotidiennement de son sous-sol, peu sont réinvestis dans l’aménagement de ce delta sujet à de fortes contraintes environnementales et relativement peuplé. L’impérialisme pétrolier dans toute sa splendeur s’exerce de nos jours à l’encontre de cette région par les compagnies pétrolières en cheville avec l’État fédéral. Le contrôle territorial est devenu l’enjeu majeur pour obtenir une part du gâteau politique, donc des subsides du pétrole.

105Ainsi la configuration du pouvoir politique de type fédéral, et sa reproduction par la manne pétrolière, est devenue contradictoire avec la mise en place d’aménagements territoriaux et hydrauliques dans une région peuplée par des minorités très faiblement représentées politiquement parlant. Le refus des élites du Nord et de l’Ouest de développer le delta, qu’ils estiment non aménageable en raison de ses particularités géomorphologiques et hydrauliques, s’explique aussi par le fait qu’elles craignent de voir émerger des contre-pouvoirs politiques et économiques dans cette région du pays.

106Ainsi, la politique du « diviser pour mieux régner » perpétrée par les compagnies pétrolières et l’État fédéral a réussi à transformer le delta en une véritable poudrière, même si l’internationalisation des revendications politiques et les pressions sur les compagnies pétrolières ou sur l’État fédéral nigérian pour qu’ils répartissent un peu mieux le gâteau politique commencent à donner des résultats. Mais on pourrait se demander s’il n’est pas trop tard lorsque l’on écoute l’actualité dramatique de cette région.

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Notes

  • [*]
    Géographe, IRD.
  • [1]
    Le delta strictement géographique correspondant à la basse plaine alluviale du fleuve Niger. Il est délimité au nord par la confluence entre le fleuve Niger et la rivière Forcados, au sud par l’île de Nun, et forme un triangle dont la pointe occidentale correspond à l’embouchure de la rivière Benin et à l’est celle de la rivière Imo. Il s’étend sur trois États (Rivers, Delta State, Bayelsa). Toutefois, cette appellation a été étendue à plusieurs États voisins (Imo, Anambra, Abia et Edo) qui, du fait de la présence de pétrole dans leur sous-sol, sont soumis aux mêmes problèmes de violence et de dissensions ethniques que les États du cœur du delta, alors qu’ils comprennent de larges espaces non deltaïques. Ce delta plus large est appelé par certains géographes le « delta politique » et mesure environ 70 000 km2 avec environ 20 millions d’habitants. Les revendications des États voisins du delta géographique s’appuient sur leur participation à l’exploitation pétrolière, destructrice pour l’environnement et nécessitant des programmes de réhabilitation.
  • [2]
    Ce qui a poussé ces derniers à revendiquer l’appartenance à la région du delta « politique » pour bénéficier des projets de développement du NDDC.
  • [3]
    Mujahid Dokubo Asari, chef de la Niger Delta Peoples Volunteer Force, est un des principaux agitateurs Ijaw, originaire d’une famille « royale » de Kalabari (Tell, 18 octobre 2004).
  • [4]
    En mai 1994, suite à l’assassinat de quatre leaders Ogoni conservateurs, Ken Saro Wiwa et plusieurs militants du Mosop furent accusés et soumis à la peine de mort après un procès de plusieurs mois qui fut largement contesté au niveau international. Cet événement a créé une large fracture au sein du peuple Ogoni, notamment entre sympathisants du Mosop et les leaders des autres mouvements, considérés comme des traîtres pour leur rapprochement avec les compagnies pétrolières et l’État fédéral.
  • [5]
    Les associations de jeunes et les chefs traditionnels du village de Sangana, localité du territoire d’Akassa, ancienne cité-État de la côte, reçoivent chaque mois une somme de 7,2 millions de naira (48 000 euros) de la compagnie Corn Oil (Rapport de mission S. Fanchette dans le delta en juin 2005, IFRA-Ibadan).
  • [6]
    En mars 2005, elles ont annoncé leur opposition au plan du gouvernement fédéral visant à augmenter la Petroleum Profits Tax (PPT) de 50% à 85%, arguant que cela les empêcherait d’effectuer les investissements nécessaires pour améliorer les conditions d’extraction dans la région...
  • [7]
    Un projet de construction du West African Gas Pipeline d’une longueur de 690 km pour commercialiser le gaz liquéfié au Bénin, au Togo et au Ghana a été mis à l’étude depuis 1992 par la compagnie américaine Chevron, en association avec des compagnies privées. Nombreuses sont les interrogations à propos de ce projet qui ne réduirait pas le torchage du gaz, car il ne concerne pas le gaz associé au pétrole, et surtout parce que les études en matière environnementale ne sont pas convaincantes (risques d’explosions, fuites de gaz). Ce projet bénéficierait aux grandes compagnies industrielles et non aux populations.
  • [8]
    1 euro = 150 nairas en 2004.
  • [9]
    Human Rights Watch souligne que depuis que « ses intérêts au Nigeria ont focalisé l’attention internationale en 1995, le groupe Royal Dutch/Shell a entrepris un réexamen approfondi de son attitude à l’égard des communautés locales et des questions liées aux droits de l’homme et au développement durable. Aucune autre compagnie pétrolière active au Nigeria n’a entrepris une telle démarche pour réviser ses politiques et pratiques ».
  • [10]
    En 2003, l’USAID a reçu 20 millions de dollars pour mettre en place des projets de développement agricole, de santé et de microcrédit. Africaire a reçu 4,5 millions de dollars pour réduire la mortalité due à la malaria et l’UNDP en 2004 était en train de signer des accords de coopération.
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