Hérodote 2001/4 N°103

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Article de revue

L'eau, le pouvoir, la violence dans le monde méditerranéen

Pages 175 à 200

Notes

  • [*]
    Professeur émérite, université Jean-Monnet, Saint-Étienne. j. bethemont@ chello. f
  • [1]
    MARGAT J., « L’eau dans le bassin méditerranéen, situation et prospective », Plan Bleu, fascicule 8,1992,196 p.
  • [2]
    Une salinité de 4 ‰ élimine les cultures fruitières et légumières et diminue de façon sensible les rendements des céréales et de la luzerne. Au-delà de 7 ‰, la faiblesse des rendements est aggravée par une salinisation rapide des sols.
  • [3]
    Effectifs de population en 2000 d’après les données du PNUD.
  • [4]
    Voir BETHEMONT J., « Le Rhône entre nation et région », Revue de géographie de Lyon, Géocarrefour, 72/1,1997, p. 67-75.
  • [5]
    Une taxe avait bien été instaurée en vue du financement de la liaison Rhône-Rhin, mais depuis 1997 et l’abandon du projet, cette taxe, qui s’élève en 2000 à 8,48 centimes par kilowatt-heure produit, va dans les caisses de l’État sans qu’il y ait eu la moindre concertation avec les élus régionaux présents dans le conseil d’administration de la CNR.
  • [6]
    MARIÉ M., LACERNA D. et DÉRIOZ P., Cultures, usages et stratégies de l’eau en Méditerranée occidentale, tensions, conflits et régulation, L’Harmattan, Paris, 1999,549 p.
  • [7]
    La synthèse d’un vaste corpus bibliographique est proposée par GIL OLCINA A. et MORALES Gil, Planificacion Hidraulica en España, Murcia, CAM, 1995,430 p. L’aspect conflictuel est plus particulièrement développé dans DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », Espace rural, n° 36, Montpellier, 1996,262 p.
  • [8]
    D’après DAVY L., L’Èbre, étude hydrologique, Champion, Paris, 1978,803 p.
  • [9]
    CLARIMONT S., « Conflits pour l’eau dans le bassin de l’Èbre », in DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », op. cit., p. 63-114.
  • [10]
    Sur le cas marocain, voir EL FAIZ M., « Pour une histoire de longue durée des aménagements hydro-agricoles dans le Haouz », in MARIÉ M. (dir.), Grands Appareillages hydrauliques et sociétés locales en Méditerranée, actes du séminaire de Marrakech, Presses des Ponts et Chaussées, Paris, 1994,206 p., p. 23-33. Voir également dans le même ouvrage PÉRENNÈS J., « Réflexion sur les acteurs des politiques d’irrigation au Maghreb, ingénieurs et paysans », p. 139-152.
  • [11]
    PÉRENNÈS J., L’Eau et les hommes au Maghreb, contribution à une politique de l’eau en Méditerranée, Karthala, Paris, 1993,646 p.
  • [12]
    Parmi de nombreuses publications, AYEB H., L’Eau au Proche-Orient, la guerre de l’eau n’aura pas lieu, Karthala-CEDEJ, Paris, 1998,226 p. Sur la valorisation des terres nouvellement conquises, BAKRE M. et al., L’Égypte et le haut barrage d’Assouan, Presses de l’université, SaintÉtienne, 1980,182 p.
  • [13]
    Un feddan = 0,42 hectare.
  • [14]
    AYEB H., « Gestion technique et sociale de l’eau et aménagement du territoire en Égypte », in RIVIÈRE -HONEGGER A. et RUF T. (dir.), « Approches sociales de l’irrigation et de la gestion de l’eau », Territoires en mutations, n° 7, CNRS, Montpellier, 2000, p. 121-138.
  • [15]
    SIVIGNON M., « La question de l’eau en Grèce », in DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », op. cit., p. 199-233.
  • [16]
    BROCHIER -PUIG J., « Modes d’organisation et modalités d’accès à l’eau dans les périmètres irrigués privés sur forages illicites : cas des nomades sédentarisés à El-Faouar (Tunisie)», in RIVIÈRE - HONEGGER A. et RUF T. (dir.), « Approches sociales de l’irrigation et de la gestion de l’eau », p. 203-218.
  • [17]
    Mise au point dans MUTIN A., L’Eau dans le monde arabe, Ellipses, Paris, 2000,156 p.
  • [18]
    SIVIGNON M., op. cit.
  • [19]
    AMZERT M., « L’eau, l’économie, la politique », in Marié et al., Cultures, stratégies et usages de l’eau, op. cit., p. 81-108.
  • [20]
    MARTIN J. (dir.), « L’eau et la ville dans les pays du bassin méditerranéen et de la mer Noire », Urbama, Tours, fasc. de recherche n° 22,1991,312 p.
  • [21]
    Outre AYEB H. ( 1998) et MUTIN G. ( 2000), WORLD BANK, From Scarcity to Security : Averting a Water Crisis the Middle East and North Africa, Washington, 1994,476 p.; BULLOCH J. et DARWICH A., Water Wars, Coming Conflicts in the Middle-East, Golanz, Londres, 1993,237 p.; FERRAGINA E., L’acqua nei paesi mediterranei, Il Mulino, Bologne, 1998,275 p.; MAJZOUB T., Les Fleuves du Moyen-Orient, L’Harmattan, Paris, 1994,276 p.
  • [22]
    Sur les problèmes spécifiques du Nil, HOWELL P. H. et ALLAN J. A., The Nile, Sharing a Scarce Resource, University Press, Cambridge, 1994,391 p.
  • [23]
    Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Burundi, Kenya, Zaïre, Éthiopie, Érythrée, Soudan, Égypte.
  • [24]
    Sur les problèmes spécifiques du Tigre et de l’Euphrate, OLCAY ÜNVER H., « South-eastern Anatolia Integrated Development Project Turkey : an Overview of Issues of Sustainibility », Water Resources Development, 13/2,1997, p. 187-207.
  • [25]
    Débits mesurés aux frontières avec la Syrie (Euphrate) et l’Irak (Tigre).
  • [26]
    Outre les ouvrages de HAYEB, FERRAGINA, MAJZOUB ET MUTIN : BULLOCH J., Water Wars, Gollance, Londres, 1996; FISCHER M., « The Economics of Water Dispute Resolution, Project Evaluation and Management, an Application to Middle-East », Water Resources Development, 11/4,1995; KLIOT N., Water Resources and Conflicts in the Middle-East, Routledge, Londres; Lowi M., Water and Power, Cambridge Univ. Press, Cambridge, 1993.
  • [27]
    La position de cette commission est exposée dans SIRONNEAU J., L’Eau, nouvel enjeu stratégique mondial, Economica, Paris, 1996,108 p.
English version

1Le principe selon lequel toutes choses sont réparties de façon inégale dans le monde méditerranéen s’applique aussi à l’eau. L’abondance et la pénurie, l’une et l’autre plus ou moins relatives ou absolues, alternent non seulement d’une rive à l’autre, mais d’une région à l’autre, voire d’un versant à l’autre. Cela pour les données immédiates de l’hydrologie car les situations réelles incluent trois autres variables : des situations amont ou aval, qui peuvent devenir des situations de domination ou de dépendance; la richesse ou la pauvreté, qui permet ou qui interdit aux nations de pallier les handicaps de la nature; les choix des politiques de gestion tant aux échelles régionale et nationale qu’internationale. Les situations observables vont donc de l’abondance à la pénurie, de l’indépendance à la subordination avec, par voie de conséquence, des conflits latents ou avérés sur la ressource.

2Ces conflits, dont l’objet et l’ampleur varient d’un lieu et d’une époque à l’autre, peuvent être diversement interprétés. De façon positive, ils constituent la base de toute négociation entre les parties intéressées et peuvent être résolus par un travail d’accommodation réciproque. De façon négative, ils peuvent dégénérer en rapports de forces. Mais au-delà de la diversité qui va de l’un à l’autre de ces extrêmes, la gouvernance étatique fait figure de constante ambiguë, l’État étant à la fois maître d’œuvre, gestionnaire, arbitre, puissance tutélaire, partenaire essentiel mais parfois contesté et finalement générateur d’ordre et de désordre. Ce faisceau de relations complexes n’est pas l’apanage du monde méditerranéen mais il atteint ici, du fait de la faiblesse des bilans hydriques, des niveaux de tension qui font de l’hydropolitique méditerranéenne à la fois un enjeu stratégique et un sujet de préoccupation dont la gravité ira en s’accentuant dans les années à venir, de sorte qu’on assiste aux échelles régionale et nationale à des tensions et conflits, cependant que se profile à l’échelle internationale le risque d’éventuelles guerres de l’eau.

Données et enjeux

3L’évaluation des ressources en eau peut se faire à partir de multiples approches [1]. La plus simple consiste à rapporter la totalité des volumes disponibles dans une aire donnée – État ou bassin fluvial – à la population, soit le ratio ressource/habitant tous usages confondus. Selon les normes internationales au demeurant contestables, les situations de pénurie se font sentir à partir d’une dotation de 1 200 m3/hab./an et en dessous de 500 m3 s’instaurent des situations critiques. Sur cette base, mais en ne prenant en compte que les réserves renouvelables correspondant à l’écoulement superficiel et aux nappes renouvelables, il apparaît que, dès 1990, six pays affrontaient déjà des situations de pénurie : Malte, Israël, Égypte, Libye, Tunisie et Algérie (tableau 1). Une projection sur l’année 2025, prenant en compte les taux de croissance démographique moyens et les variations de consommation résultantes, laisse augurer une dégradation marquée de la situation dans ces mêmes pays mais aussi de fortes tensions sur le reste de la rive sud, Chypre, Syrie, Liban et Maroc.

4Ces chiffres théoriques prêtent bien entendu à discussion sur plusieurs points, particulièrement l’évaluation des ressources, l’atténuation des contraintes par diverses techniques, les considérations d’ordre spatial.

5S’agissant de l’évaluation des ressources, les disponibilités peuvent être majorées pour certains pays, notamment l’Égypte, la Libye et l’Algérie, par la prise en compte des nappes fossiles et non renouvelables mais susceptibles d’exploitation pour une durée qu’il n’est pas toujours facile de déterminer. Cependant, la qualité de ces eaux, leur température et leur salinité peuvent les rendre impropres à de multiples usages : les eaux fossiles de la Libye affichent un taux de salinité de 7 ‰ contre 4 ‰ pour la nappe de Nubie que les Égyptiens commencent à exploiter [2], mais si les Égyptiens peuvent atténuer la salinité de ces eaux en les mêlant aux eaux douces du Nil, il n’en va pas de même pour les Libyens, de sorte que l’énormité supposée de réserves susceptibles de fournir 1000 m3/s pendant deux millénaires s’apparente quelque peu à un mirage, d’autant que l’évaluation de la fraction exploitable de cette ressource varie selon les experts de 12500 à 2400 km3. Ajoutons enfin que si l’exploitation initiale des nappes jaillissantes n’est pas coûteuse, leur déplétion progressive implique le recours à des pompages de plus en plus onéreux.

TABLEAU 1.

RESSOURCES EN EAU PAR HABITANT (d’après J. Margat, Plan Bleu)

TABLEAU 1.
TABLEAU 1. – RESSOURCES EN EAU PAR HABITANT (d’après J. Margat, Plan Bleu) Pays Espagne France Italie Malte Ex-Yougoslavie Albanie Grèce Turquie Chypre Syrie Liban Israël Égypte Libye Tunisie Algérie Maroc Ressources per capita (m3/an) en 1990 1909 5827 3262 200 28700 15385 5836 5000 1286 2963 1380 371 1078 230 490 545 1460 Ressources per capita (m3/an) en 2025 1515 5400 3200 152 24200 3500 5430 2210 1000 625 860 230 640 65 240 265 545

RESSOURCES EN EAU PAR HABITANT (d’après J. Margat, Plan Bleu)

(d’après J. Margat, Plan Bleu)

6Sur un autre registre, les possibilités offertes par diverses techniques couvrent un large éventail. La correction la plus simple consiste à stocker l’eau dans des réservoirs. Encore faut-il que les structures géologiques se prêtent à cette fin, ce qui n’est pas le cas dans les pays où, comme en Algérie, dominent les formations poreuses ou sensibles à l’érosion. La référence à l’Espagne montre également les limites du genre : en moins d’un demi-siècle, la capacité de stockage est passée, dans ce pays, de 4 à 51 km3, mais alors que le nombre des réservoirs était faible et leur capacité forte jusque dans les années soixante, depuis cette date leur nombre va se multipliant alors que leur capacité unitaire décroît, ce qui laisse entendre que tous les sites économiquement exploitables ont été équipés et que la mobilisation des sites restants sera de moins en moins rentable. Au demeurant, les limites des techniques de stockage sont apparues dans ce même pays avec les épisodes de sécheresse de 1996 et 1999, qui ont vu le tarissement de plusieurs réservoirs. On objectera qu’avec les 162 km3 du seul ouvrage d’Assouan l’Égypte a reculé les limites du genre. Voire... Parmi les autres techniques, la réalisation des ouvrages assurant les transferts interbassins suscite de sérieux problèmes politiques, indépendamment de problèmes écologiques qui vont de l’affaissement des nappes au tarissement des cours supérieurs. Finalement, les techniques les moins sujettes à caution tant au plan de l’écologie qu’à celui de la politique privilégieraient le recyclage des eaux usées et, dans les cas limites, le dessalement de l’eau de mer, qui fournit déjà plus de la moitié de l’eau consommée dans l’archipel maltais. Ces techniques exigent malheureusement des savoir-faire complexes, des appareillages coûteux et des frais de maintenance élevés : le coût de production des eaux distillées par osmose s’élève à plus de 4 dollars par mètre cube avant la mise en réseau. Autant dire que ces technologies ne dépassent pas le stade de la desserte urbaine dans des pays riches capables de maîtriser des techniques sophistiquées.

7Les considérations d’ordre spatial, enfin, se posent de façon différente aux échelles nationale et internationale. À l’échelle nationale, la distinction s’impose entre des régions ou des bassins dont les eaux sont rares ou abondantes. L’opposition est particulièrement frappante en Espagne, où les régions méditerranéennes au climat proche de l’aridité s’adossent à un versant atlantique humide dont certaines provinces, comme la Galice, ne sont pas sans analogies climatiques avec la Bretagne, constat qui renvoie aux problèmes de transferts interbassins. À l’échelle internationale, étant entendu qu’un cours d’eau international est défini par le fait qu’il sépare ou traverse des territoires dépendant de plusieurs États, le jeu de l’espace se fait à la fois subtil et brutal. Subtil, il inclut des notions d’usage et la définition de politiques de voisinage. Brutal, il peut opposer deux types d’États. D’un côté, ceux qui, comme la Turquie ou l’Éthiopie, font figure dechâteaux d’eau et peuvent contrôler les ressources des pays situés en aval, de l’autre, ceux qui, comme l’Égypte, ne disposent que de ressources allogènes dont les débits se sont formés sur un ou plusieurs États situés en amont, de sorte que leurs dotations originelles (entendons par là antérieures à l’ère des grands travaux) peuvent être obérées par des équipements nouveaux que contrôleraient ces États.

8Au-delà de ces considérations et quel que soit le mode d’évaluation des ressources, un constat liminaire permet d’opposer les rives nord et sud de la Méditerranée. Rive nord, dix pays (en comptant les États issus de la décomposition de la Yougoslavie) disposent de 1 060 km3 dans leurs frontières et encore de 546 km3 dans les bassins versants méditerranéens pour une population totale de 187 millions d’habitants dont le dynamisme démographique, exception faite de la Turquie, est faible [3]. Rive sud (une rive incluant la Syrie, le Liban et Israël), huit pays disposent de 154 km3 pour une population totale de 170 millions d’habitants, qui doublera en plus ou moins trente ans. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes d’une rive à l’autre, d’autant que les écarts sont accentués tant par la différence des PIB/habitant que par les conditions d’accès aux technologies évoluées. Une fois pris en compte ce différentiel, il est tout de même possible d’évoquer des problèmes communs à l’ensemble des pays méditerranéens, notamment les relations conflictuelles qui opposent la puissance publique aux usagers.

Le rôle ambivalent des États à l’intérieur de leurs frontières

9Longtemps, l’action des États méditerranéens dans la gestion des eaux est restée assez discrète en dehors des aménagements destinés parfois à la navigation, mais le plus souvent aux travaux de drainage des zones humides et de protection contre les crues. Pour le reste, s’agissant du ravitaillement en eau des agglomérations ou des aménagements hydro-agricoles, les initiatives étaient d’ordre local, les modèles de référence relevant soit du type des mancomunidades espagnoles aux structures relativement démocratiques, soit du type des huertas le plus souvent dominées par des bourgeoisies urbaines. L’Égypte constituait la seule exception notable puisque la répartition des eaux de la crue annuelle était commandée à l’échelle du fleuve par un pouvoir autoritaire qui a servi de référence fondamentale au Despotisme oriental de Wittfogel (Éditions de Minuit, 1964,672 p.).

10Avec l’ère des grands travaux, ouverte dès la fin du XVIIIe siècle en Espagne, le rôle de l’État est devenu de façon progressive prépondérant du seul fait du changement d’échelle et du coût des aménagements, et ce relais s’est révélé lourd d’impacts, encore que ceux-ci revêtent des aspects différents d’un pays à l’autre, en fonction non seulement des choix politiques mais aussi des substrats culturels.

Ambiguïté des réformes agraires

11Dans l’ensemble des pays méditerranéens, la plupart des réformes agraires reproduisent le même schéma. Elles ont été le plus souvent conçues comme le moyen de résoudre des problèmes d’ordre social ou politique, mais ont également servi de justificatif à des régimes autoritaires soucieux de démontrer leur efficacité en multipliant les grands travaux hydrauliques.

12Le cas de la Maremme est exemplaire sur ce point : un marais proche de Rome, infecté par la malaria et assaini par un drainage rendu ostentatoire par le recours à des stations de pompage. La symbolique du Duce triomphant de la nature, là où même les anciens Romains avaient échoué dans leurs travaux, était d’autant plus forte que, sur ce territoire affecté d’une connotation négative, des villages modèles avaient surgi, entourés de champs cultivés par des vétérans fascistes, donc méritants. Le contexte dictatorial en moins, ce modèle a été reconduit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le delta du Pô, où une masse d’ouvriers agricoles sans terres posaient des problèmes sociaux d’autant plus graves aux yeux du gouvernement démocrate-chrétien qu’ils votaient communiste. Il n’est pas sans intérêt d’observer que, dans l’un et l’autre cas, les intentions premières des promoteurs de ces réformes ont été déçues, du seul fait que, l’objectif premier étant de caser un nombre maximal d’attributaires sur une surface donnée afin que le « pacte de la terre » les incite à un certain conservatisme, la taille des exploitations était trop faible pour que celles-ci soient viables. Dans le delta du Pô, la situation était aggravée par l’option prise en faveur d’un habitat dispersé supposé prévenir les attroupements dangereux. Au bout de quelques années, nombre d’attributaires avaient déguerpi et leurs lots avaient été regroupés de façon plus ou moins légale en exploitations viables dont les propriétaires résidaient à Ferrare ou Comàcchio : un échec sanctionné par le maintien des élus de gauche : semi bianchi frutti rossi...

13L’autoritarisme des réformes se retrouve en Espagne, où la politique des grands travaux et la formation des grands corps d’ingénieurs a longtemps coïncidé avec l’affirmation de pouvoirs forts, dictature de Primo de Rivera puis franquisme. Là encore, les exploitations créées dans le cadre de l’Institut de réforme et de développement agraire (IRYDA) répondaient à un objectif d’accession à la propriété aux moindres frais d’investissement, d’où l’exiguïté des exploitations. Du moins, l’option en faveur d’un habitat par villages comptant en moyenne 400 habitants groupés autour de l’église, de l’école et du dispensaire permit d’instaurer une certaine cohérence sociale qui a facilité le passage de l’agriculture à des activités diversifiées.

14Les remises en cause des réformes agraires ne sont pas toujours d’ordre politique. Dans le cas de la Grèce submergée en 1923 par le reflux des Grecs chassés de Turquie, la réforme de Vénizelos distribuant les terres abandonnées par les grands propriétaires turcs ne fut vécue que comme un espace et un temps de transition permettant aux réfugiés de s’intégrer progressivement dans l’économie nationale, de sorte que le regroupement postérieur des lots de colonisation ne donna lieu à aucune contestation.

15Dans le cas des réformes françaises de la Provence et du Languedoc, la remise en cause de plans remarquables au point de vue tant technique que social a sanctionné une triple dérive : d’une part, l’adduction d’eau sur les périmètres d’irrigation a favorisé la poussée urbaine dans la région comprise entre Marseille, Aix et l’étang de Berre, tout comme elle a facilité le ravitaillement en eau des complexes touristiques languedociens; d’autre part, la tentative de reconversion du vignoble languedocien par le passage à l’irrigation s’est soldée par un échec, la viticulture relevant de considérations culturelles plus que de logique économique; enfin, le maintien dans le secteur agricole des cultivateurs rapatriés de l’Afrique du Nord n’a pas suscité l’adhésion complète des intéressés.

Le poids du jacobinisme dans les politiques de l’eau en France

16Le rôle de l’État dans les premiers développements de l’agriculture hydraulique en France s’est longtemps limité à l’octroi de concessions ou la définition et l’application de règlements administratifs. L’interventionnisme étatique ne s’est réellement manifesté qu’à travers la genèse et la gestion de la Compagnie nationale du Rhône. En début de siècle, l’impulsion initiale de l’aménagement – techniquement difficile – du fleuve revient à des initiatives privées ou locales : les communes et départements riverains, la compagnie de chemins de fer PLM, des consommateurs d’électricité et l’État actionnaire. Tant le faible investissement des partenaires régionaux que les aléas de l’Histoire avec la nationalisation des chemins de fer, puis celle de l’électricité, ont renforcé le rôle de l’État. À terme et faute sans doute du dynamisme nécessaire, l’initiative régionale a débouché sur la formule du « Rhône au service de la nation ». L’électricité, qui, vendue à un tarif préférentiel, devait faciliter le développement économique de la région, a été plus simplement distribuée sur le réseau national cependant que la puissance installée combinée avec la masse d’eau du fleuve a incité Électricité de France à implanter dans la vallée une part importante de ses sites de production électronucléaire. L’axe rhodanien n’a guère eu pour contrepartie de ces aménagements que des expropriations pour cause d’intérêt public, cependant que les volets irrigation et aménagement du territoire étaient systématiquement minimisés, supprimés ou réduits au nucléaire. Le tout dans l’indifférence ou le consentement tacite des élus et des acteurs régionaux [4]. Ce n’est que depuis une date récente et à la suite de l’abandon du projet de la liaison Rhône-Rhin que la région Rhône-Alpes commence à revendiquer une partie de la « rente énergétique [5] », sans qu’il soit pour autant possible d’évoquer une réelle concertation entre riverains et aménageurs. Dans ce cas, il y a crise mais le conflit reste latent. Ce n’est qu’à une date récente que l’émergence du concept de « valeur patrimoniale » a suscité quelques conflits dont le registre s’étend progressivement de l’écologie aux problèmes de tarification [6]. La remise en cause d’un jacobinisme centralisateur implicitement admis et explicitement vécu aura sans doute été facilitée par les directives européennes dont émanent les lois sur l’eau, en particulier celle du 3 janvier 1992, qui implique les instances régionales dans les organismes de gestion et constitue l’amorce d’un processus de subsidiarité.

Les régions contre l’État en Espagne

17Depuis longtemps, la gouvernance de l’eau en Espagne a été prétexte à conflits entre les irrigants et l’État. Initialement, d’innombrables disputes opposaient sur chaque périmètre tantôt les arrosants d’aval à ceux d’amont, tantôt quelques puissants à des masses besogneuses [7], sans qu’il y ait intervention de l’État. Celui-ci n’est apparu sur le devant de la scène qu’avec le recours progressif à des équipements lourds, dont l’implantation a nécessité à partir de 1866 la mise en place d’un corpus législatif ainsi que l’adoption du principe de subventions contrôlées puis directement gérées par les instances étatiques travaillant sur la base de « divisions hydrauliques » couvrant la quasi-totalité du territoire. Les statuts et les modes d’intervention assez disparates de ces organismes furent harmonisés dès 1926 dans la cadre de « confédérations hydrographiques » opérant chacune à l’échelle d’un bassin fluvial. Témoigne de l’œuvre considérable de ces organismes gérés par un corps d’ingénieurs dépendant du ministère des Travaux publics le passage des superficies irriguées de 0,2 à 4 millions d’hectares en un siècle. Cette progression remarquable, confortée par la mise en place de structures de commercialisation modernes, ne s’explique pas uniquement par les contraintes climatiques et la force des traditions hydrauliques. Elle doit beaucoup à l’élan de reconstruction du pays impulsé par les cadres issus de la « génération de 98 », réagissant contre la défaite consécutive à la guerre hispano-américaine. Surtout, elle a été facilitée par l’absence de toute contestation politique dans le cadre des régimes autoritaires de Primo de Rivera puis de Franco. Cette absence de concertation a notamment permis, en l’absence de toute consultation des populations intéressées, la réalisation du transfert des eaux du Tage vers le Segura. Achevée en 1979, cette opération a permis l’essor des cultures spéculatives de fruits et légumes dans le Levant espagnol. Concrètement, le potentiel de terres irrigables, jusqu’alors limité par la sécheresse, s’est accru de 269 000 ha à la suite de cette opération.

18De façon paradoxale, ce succès technique est à l’origine de la remise en cause de cette politique autoritaire de grands travaux. La demande agricole, urbaine et touristique du Sud-Est ne cessant de croître et le précédent Tage-Segura faisant figure de modèle, la politique des transferts a été généralisée avec la promulgation en 1993 du Plan hydrologique national. Ce plan, officiellement justifié par l’intérêt général de la nation et la nécessaire solidarité entre régions, est fondé sur le transfert des bassins dits « excédentaires » vers des bassins déficitaires dans le cadre d’un vaste réseau d’interconnexion qui, au final, devrait prélever les eaux du versant atlantique au bénéfice du versant méditerranéen, les principaux donateurs étant l’Èbre (prélèvement de 1612 hm3/an) et le Duero ( 1370 hm3), alors que le Sud-Est bénéficierait d’une dotation s’élevant à 2005 hm3.

19La contestation de ce plan a été d’autant plus vive dans le bassin de l’Èbre que l’utilisation des eaux de ce fleuve, fort d’un module [8] de 614 m3/s mais sujet à des extrêmes allant de 8 à 5600 m3, faisait déjà l’objet de multiples conflits [9]. Le plus simple, le plus constant de ceux-ci oppose la Confédération hydrographique de l’Èbre, en charge d’une gestion globale de la ressource, aux communautés autonomes qui tentent de s’opposer à toute ingérence centralisatrice sur l’aire qu’elles contrôlent et dont elles cherchent à accroître les dotations en eau. Le jeu qui se noue entre les représentants de l’administration centrale et ces entités locales est d’autant plus délicat que le statut des autonomies régionales permet aux instances politiques d’entrer dans le jeu. S’amorce à ce niveau un autre type de conflit opposant l’Aragon à la Navarre dont les objectifs de gestion prennent davantage en compte la production d’énergie que l’irrigation. Un conflit plus virulent oppose les deux provinces d’amont à la Catalogne, qui souhaite dériver les eaux de l’Èbre vers le nord en direction de Tarragone, si ce n’est de Barcelone. Les Catalans ne sont pas en reste et ceux du Sud dénient à ceux du Nord le droit de dériver les eaux du fleuve vers la capitale régionale. Ces multiples conflits entrecroisés conduisent à des choix discutables comme la mise en valeur des pauvres terres gypseuses des Monegros : l’intérêt économique est nul, mais l’opération permet aux Aragonais de retenir un surplus d’eau au détriment des Catalans. Il existe tout de même un consensus général qui oppose la population du bassin aux autres régions à propos du transfert d’eau vers le Levant, qui constitue la pièce maîtresse du Plan hydrologique national.

20Parmi les arguments avancés figurent en bonne place l’écologie et la nécessité de maintenir un fort débit à l’aval, faute de quoi de graves déséquilibres environnementaux affecteraient le cours inférieur du fleuve et surtout son delta. Mais l’argumentation est surtout d’ordre politique et patrimonial : l’eau est le sang de la terre, dériver l’eau, c’est affaiblir la terre, et comme les hommes s’identifient à la terre, ce sont les hommes qui sont les véritables victimes des transferts. Sur cette base, les partis autonomistes – surtout aragonais – ont très vite recherché et dans une large mesure obtenu un unanimisme encadré tant par la presse que par des manifestations festives, des libelles, des campagnes d’affiches proclamant la lucha por l’agua. Un unanimisme que l’on retrouve peu ou prou sur le Duero et maintenant sur le Tage, et qui explique sans doute le manque de réaction des Portugais face à un plan qui les pénaliserait au premier chef : il suffit des Espagnols et de leurs luttes intestines pour le mettre en échec.

L’État contre la paysannerie

21Les pays du Maghreb sont les héritiers d’une longue tradition hydraulique qui s’épanouit aussi bien dans des structures locales du type huerta ou oasis que dans la gestion de cours d’eau comme l’oued Draa ou l’oued Ziz. Dans le cas du Maroc, laremise en cause de cette tradition, effective depuis les débuts de l’époque coloniale mais perdurant dans le cadre de l’État souverain, aboutit à une série de transferts [10] affectant aussi bien les hommes que les eaux. Jusqu’à la mise en place du protectorat, la population était répartie pour l’essentiel entre le piémont atlasique, le Dir, et les vallées montagnardes. Par la suite, elle a été attirée par la formidable expansion des villes et, de façon toute particulière, par la région du littoral atlantique. Cet exode des hommes a amené par voie de conséquence le déclin relatif de nombreux appareillages hydrauliques, et cet affaiblissement a finalement justifié le transfert des eaux des montagnes vers les plaines, qui ont bénéficié de vastes aménagements hydro-agricoles.

22Ce transfert devrait semble-t-il bénéficier à une néo-paysannerie installée sur les périmètres nouvellement aménagés. Mais les termes du bilan proposé entre autres par M. El Faiz se révèlent assez décevants. Dans le Haouz de Marrakech pris à titre d’exemple, l’implantation de nouveaux canaux en béton a eu pour corollaire la destruction des structures anciennes préexistantes, avec à la clé des effets d’impact allant de l’assèchement de la palmeraie et du rabattement des nappes à des reprises d’érosion consécutives à la mise en valeur de parcelles trop vastes sur des pentes trop fortes. De façon plus générale, les grands périmètres des plaines atlantiques qui valorisent l’eau des montagnes, Gharb, Loukkos, Tadla, Doukkala et Sous, lorsqu’ils n’ont pas été concédés à de grands entrepreneurs mais intégrés aux programmes de la réforme agraire, laissent peu de place aux fellahs. Ce sont en fait les ingénieurs de terrain qui établissent les plans de culture et les assolements, contrôlent le matériel de labour et les bâtiments de stockage. Théoriquement propriétaire de son lot, l’agriculteur n’est en fait qu’un exécutant dont la force matérielle est progressivement relayée par celle des machines [11]. La tension résultante explique à la fois les bris de machines ou de prises d’eau sur les nouveaux périmètres et une prise de conscience qui débouche sur la réactivation des périmètres montagnards dont la valeur patrimoniale tend à être reconnue.

23Cette mainmise de l’État sur l’eau se retrouve sur toute la rive sud selon des modalités diverses allant des réformes de type socialiste à la remise en cause de ces réformes dans le cadre d’économies libérales. Un des cas les plus intéressants par sa complexité est celui de l’Égypte [12], où l’État moderne instauré par Muhammad Ali en 1808 commença par nationaliser les terres à son profit, de sorte qu’impôt et fermage se confondaient au bénéfice de l’État, maître des eaux. Cette mainmise permit une refonte totale des systèmes d’irrigation et le creusement de canaux qui élargirent l’emprise des surfaces cultivées. Elle eut pour contrepartie la culture obligatoire du coton faisant office d’impôt en nature, cependant qu’une bonne partie des terres passait, via un système de prêts usuraires, sous le contrôle d’une bourgeoisie foncière qui accapara également l’essentiel des superficies nouvelle-ment aménagées. Les réformes entreprises dans le cadre de l’Égypte nassérienne aboutirent, en dépit des espoirs d’une masse de petits agriculteurs, à une répartition inégale des terres nouvellement conquises sur le désert grâce au barrage d’Assouan, entre deux modes de valorisation : d’une part et dans un premier temps, des lots individuels regroupés dans le cadre de quelques nouveaux villages; d’autre part et une fois passés les premiers élans révolutionnaires, des fermes collectives dont la superficie allait jusqu’à 40 000 feddans [13]. Toujours dans le premier élan de la révolution, la superficie des propriétés personnelles était limitée à 50 feddans dans le delta et la vallée, ce qui avait permis une certaine redistribution des terres. Par la suite, divers amendements ou accommodations ont permis aux grandes exploitations familiales de se reconstituer, cependant que les fermes d’État étaient cédées à des investisseurs où dominaient les bénéficiaires de la rente pétrolière au Moyen-Orient. Finalement, la place faite au paysannat, qui constituait l’un des objectifs prioritaires de la révolution des jeunes officiers, s’est progressivement réduite en peau de chagrin, du fait tant d’une option socialiste qui favorisait les fermes d’État par rapport aux coopératives paysannes que du relais de l’option socialiste vers un libéralisme peu soucieux de promotion paysanne.

24Sous couvert de modernisme, ces options ont totalement négligé le problème essentiel qu’affronte l’Égypte, à savoir l’accroissement d’une masse paysanne qui, faute de terre, s’entasse sans aucune perspective dans les quartiers les plus misérables des villes. Un calcul simple montre que si la superficie cultivée est passée de 5 à 7 millions de feddans entre 1965 et 1995 sur des terres nouvellement conquises grâce au barrage d’Assouan, dans le même temps, la croissance démographique a ramené la superficie cultivée par habitant de 0,22 à 0,11 feddan. Dans la même perspective, H. Ayeb [14] calcule que sur telle grande exploitation mécanisée de 40000 feddans employant 200 personnes, une attribution des terres sur la base de 5 feddans par attributaire eût permis de caser 8000 familles regroupant au minimum 32000 personnes. Le calcul économique va ici à l’encontre de la logique sociale.

25Encore faut-il préciser que l’État égyptien, quelles que soient ses orientations politiques, ne s’est jamais attaqué de front à la paysannerie. Il a notamment – et à la différence du Soudan – consenti de réels efforts pour recaser au mieux les Nubiens dont les terres avaient été ennoyées par la retenue d’Assouan. Il n’en va pas de même partout et les paysanneries peuvent être manipulées de diverses façons par l’État. En Syrie, nombre d’agriculteurs expulsés des emprises correspondant à la retenue de Tabqa ont été recasés, colons forcés, dans des conditions difficiles, le long de la frontière avec l’Irak qu’ils sont censés protéger. En Turquie, un aspect important mais souvent occulté du plan d’aménagement de l’Euphrate est l’ennoiement des vallées qui concentrent l’essentiel de la population kurde en gros villages entourés de vergers. Après mise en eau des barrages qui ennoient ces vallées, leurs habitants sont transférés vers des villages de colonisation sur lesquels ils bénéficieront des bienfaits de l’irrigation assortis d’un sérieux contrôle de leurs mouvements, contrôle facilité par la déstructuration des trames traditionnelles de l’espace.

Les carences de l’État

26Souhaitée ou contestée, l’omniprésence de l’État, tout comme la diversité de ses modes d’intervention, sont justifiées tant par l’ampleur des moyens qu’exige la réalisation des grands projets hydrauliques que par la nécessité d’établir des arbitrages entre de multiples intérêts et d’établir des lois et règlements à cette fin. Pour autant, l’État n’est pas toujours à même de remplir les missions qui devraient entrer dans ses attributions. Cette impuissance tient souvent à l’impossibilité de combler, au niveau de la gestion, l’écart qui va des grands ouvrages à l’utilisateur de base, qu’il s’agisse de réprimer des abus, de satisfaire la demande des usagers ou d’opérer des arbitrages entre ceux-ci.

27Le cas des arrosages abusifs ou clandestins illustre bien le problème des usages abusifs. Dans la vallée du Rhône, prise à titre d’exemple, beaucoup d’exploitants agricoles opérant sur des périmètres aménagés et desservis par l’un ou l’autre des organismes en charge des arrosages prélèvent directement l’eau des nappes par pompage. Ce faisant, ils évitent diverses taxes mais compromettent la gestion d’ensemble des périmètres (l’effectif des irrigants desservis est trop faible pour assurer la rentabilité du périmètre) et perturbent l’équilibre des nappes phréatiques. On retrouve le même problème en bien d’autres lieux, en Grèce où les cultivateurs de coton ont asséché les vallées et provoqué, dans les régions littorales, des ingressions d’eau salée [15], comme en Tunisie où les pompages des maraîchers détruisent la nappe du Sahel littoral, cependant qu’aux limites de la zone désertique d’autres pompages assèchent les nappes pliocènes et compromettent l’alimentation en eau des oasis [16]. Même constat en Espagne, où les pompages clandestins destinés à l’irrigation du maïs ont mis à sec l’une des zones humides les plus précieuses d’Europe, les Tablas de Damiel.

28L’État n’est pas toujours à même de satisfaire les diverses catégories d’usa-gers et d’opérer les arbitrages nécessaires. À l’échelle régionale, les conflits les plus marquants depuis plusieurs décennies opposent, dans les régions sujettes à pénurie, les irrigants aux usagers industriels et urbains. C’est sans doute au Maghreb que les tensions sont les plus fortes [17]. Au Maroc, l’approvisionnement de la conurbation littorale centrée sur Casablanca et qui s’étend sur 200 km entre Kenitra et El-Jadida est assuré par les grands ouvrages de l’Oum er-Rbia et du Bou Regreg, qui suffisent encore à une demande de l’ordre de 600 millions de mètres cube/an au prix de surélévations et de coûteux ouvrages annexes, mais le transfert des eaux rifaines de l’oued Ouergha est déjà programmé au détriment de divers projets d’intérêt agricole. En Tunisie, l’oasis de Tozeur est pratiquement sacrifiée à la demande touristique, de sorte que l’oasis tend à devenir un simple décor. De son côté, l’oasis de Gabès est asséchée par le complexe industriel qui accapare l’eau tout en polluant la nappe avec ses rejets. La demande urbaine de Tunis enfin, combinée avec celle du secteur touristique, monopolise les eaux dérivées de la Medjerda, dont il était initialement prévu qu’elles devaient soutenir l’expansion du secteur agricole dans le Sahel.

29Mais c’est sans doute en Algérie, et plus particulièrement dans la région d’Alger, que la question de l’eau se révèle préoccupante. Au lendemain de l’indépendance, les besoins cumulés de l’agglomération et des agriculteurs de la Mitidja pouvaient encore être satisfaits par les eaux de l’Atlas blidéen et des aquifères régionaux. De 1970 à la fin du siècle, la demande cumulée des secteurs agricole, industriel et urbain est passée de 300 à 900 millions de mètres cubes par an. Bien que de nouvelles ressources aient été dégagées sur l’oued Kettara et que plusieurs réservoirs soient en construction, la demande du secteur agricole a dû être réduite, alors que la Mitidja fournit l’essentiel du ravitaillement de la capitale en produits frais. Il est facile de mettre en évidence les carences de l’État dans une situation qui apparaît pratiquement ingérable. En témoignent aussi bien les lenteurs dans la programmation des ouvrages de retenue en construction que l’état de délabrement du réseau de distribution : les pertes sur réseau s’élèvent à 50%.

30Sans être aussi tendue que celle d’Alger, la situation d’Athènes n’est pas moins sujette à de vives tensions entre les diverses catégories d’utilisateurs [18]. Dans les années soixante, les sources d’approvisionnement relativement proches du réservoir de Marathon et du lac Iliki suffisaient à la demande mais avaient déjà freiné le recours à l’irrigation. Par la suite, Athènes a été amenée à rechercher de l’eau en direction du versant humide de la mer Ionienne, et le percement d’un tunnel a permis de capter les eaux du Mornos au détriment des agriculteurs béotiens. On envisage maintenant de multiplier les captages en Béotie et de détourner l’Evinos. À terme, on peut prévoir que les plans d’équipement hydraulique de la vallée de l’Archéloos seront sacrifiés à la demande de la capitale. Le secteur agricole fournissant l’essentiel du produit régional dans la Béotie, on imagine du reste les tensions résultantes, la concurrence entre secteurs d’activité s’ajoutant à la tension entre région et capitale.

31L’eau devient ainsi une source de tensions violentes dans les villes. Si lesproblèmes d’Athènes sont résolus tant bien que mal au détriment des agriculteurs et si la demande marseillaise peut être maintenant satisfaite grâce à l’œuvre de la Société du canal de Provence, il n’en va pas de même sur la rive sud. M. Amzert [19] précise que dans telle ville de l’Algérois, la distribution est passée de deux fois une heure par jour dans les années quatre-vingt à une fois une heure tous les deux ou trois jours, puis à une heure par semaine depuis 1995. Encore faudrait-il nuancer cette vue globale et opérer la distinction dans toutes les villes du Maghreb entre quartiers riches et relativement bien approvisionnés, quartiers populaires où il existe un robinet par appartement ou par étage et quartiers d’habitat spontané où les points d’eau sont aussi rares que mal entretenus [20]. Une telle dégradation peut s’expliquer par le fait que, dans les pays de tradition coranique, l’eau est considérée comme un don de Dieu, donc gratuite, et que la pose de compteurs est pratiquement irréalisable, de sorte que la gestion économique des réseaux se révèle impossible. En attendant que le problème résultant de retour sur investissements puisse être un jour résolu, etque la tarification de l’eau attire les investisseurs étatiques ou autres, l’eau fait l’objet d’une économie parallèle allant de la vente dans la rue au partage d’un robinet entre de multiples usagers. Ces moyens d’infortune n’empêchent pas le retour, chaque été, de frustrations qui peuvent aller jusqu’à de véritables émeutes de l’eau.

Logiques de bassin et conflits frontaliers

32La dimension internationale ne fait que reprendre les situations classiques d’opposition entre rive gauche et rive droite ou amont-aval, mais elle implique les États dans la résolution de ces conflits. Dans le cadre des pays méditerranéens, s’il existe des conflits potentiels dans le cadre des États nés du démembrement de la Yougoslavie, l’intérêt ou plus précisément le risque de conflits avérés se concentre sur trois bassins internationaux, le Nil, l’Euphrate et le Jourdain [21]. Il existe également un non-conflit remarquable dans le cas du Rhône, dont une partie des eaux fait l’objet d’un projet de transfert en direction de Barcelone, sans qu’il y ait eu consultation ni même information des riverains. Même si ce projet est actuellement mis en sommeil et même si sa réalisation semble peu justifiée au plan économique comme au plan environnemental, la comparaison entre l’indifférence des Rhodaniens et la sensibilité exacerbée des riverains de l’Èbre mérite d’être soulignée.

L’Égypte et le Nil

33Longtemps, l’Égypte s’est identifiée au Nil et, dans l’esprit des Égyptiens, l’usage de ses eaux à leur profit exclusif allait de soi [22]. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, lorsque les Anglais introduisirent la culture du coton dans la Djezireh soudanaise, que les Égyptiens prirent conscience du fait que le Nil était un fleuve international et qu’ils pouvaient ne pas être les seuls utilisateurs de ses eaux. Du moins le colonisateur qui contrôlait la majeure partie du bassin nilotique via le Soudan compensa-t-il le prélèvement d’eau en amont par la construction d’un premier barrage implanté à Assouan avec une capacité de 1 puis 2 km3, ainsi que par la construction de barrages régulateurs en territoire soudanais. L’équilibre précaire ainsi établi fut remis en cause lorsque le Soudan devint indépendant en 1953 et exigea un partage des eaux, formalisé par un traité de 1959 qui instaurait une répartition sur la base de 18,5 km3 pour le Soudan (contre 2 km3 effectivement prélevés à la date de l’accord) et 55,5 km3 pour l’Égypte, qui en échange de cette concession restait libre d’ériger le haut barrage d’Assouan. Le débit annuel moyen du Nil s’élevant à 84 km3, il restait 10 km3 correspondant à l’évaporation sur le lac Nasser. Ce partage conclu entre deux États alors que le bassin du Nil en compte dix [23] fut immédiatement dénoncé par l’Éthiopie. Et c’est autant pour échapper aux risques et contraintes de l’amont que pour obtenir une régulation pluriannuelle de la crue du Nil que l’Égypte s’est lancée dans la construction du haut barrage. Selon Nasser, « avec la construction du haut barrage, l’Égypte ne sera plus jamais l’otage des pays d’amont ». Cette assertion, confortée à l’époque par l’énormité du volume stocké derrière le barrage, est maintenant mise en échec sur deux plans, à l’intérieur des frontières de l’Égypte et à l’échelle du bassin.

34À l’intérieur des frontières égyptiennes, s’il n’est pas question de remettre en cause l’utilité d’un ouvrage qui dès sa mise en eau ( 1964) a évité au pays une crue catastrophique avant de lui épargner des années de sécheresse, force est d’en mesurer les limites : il régularise les débits interannuels sans les augmenter pour autant, alors que la population égyptienne a plus que doublé depuis sa mise en eau. Certes, les ingénieurs égyptiens font appel à la nappe d’inféroflux et même aux eaux fossiles de la nappe de Nubie, valorisent les eaux de colature dans les rizières et recycleront dans quelques années les eaux usées des principales villes. Tout cela portera au mieux la dotation nationale à quelque 63 km3, et seule la perte des terres arables consécutive à l’expansion urbaine justifie dans une certaine mesure la conquête de terres nouvelles dans le désert, le Sinaï et la Haute-Égypte, ou un programme de dérivation des eaux du lac Nasser vers l’ouest et ce qu’on appelle déjà la Nouvelle Vallée via le khor Toshka. Mais on voit mal comment la dotation égyptienne même accrue pourrait satisfaire à la demande des périmètres ainsi programmés dont le total dépasse les 2 millions de feddans. Au cas où les projets de la Nouvelle Vallée et du Sinaï prendraient une réelle ampleur, il en résulterait une réduction des débits dans la partie aval du delta, et cette diminution provoquerait une ingression de langue salée et une salinisation du sous-sol qui ruineraient tous les efforts de bonification réalisés depuis trente ans dans cette région qui fournit l’essentiel de la production nationale de riz. Or l’Égypte poursuit ces projets d’expansion, ce qui laisse entendre qu’elle escompte un accroissement de sa dotation hydraulique et implique le traitement du problème à l’échelle du bassin.

35En théorie, et même dans les cartons des ingénieurs, il est possible d’accroître les volumes disponibles jusqu’à 300 km3, alors que la capacité du lac Nasser n’est que de 162 km3. De tels volumes suffiraient à combler la soif de terre des Égyptiens, mais il faudrait pour cela rehausser les seuils des déversoirs sur les lacs Albert et Tana (c’est chose faite sur le lac Victoria), quitte à noyer de bonnes terres arables sur leurs rives; créer de nouvelles retenues sur des sites déjà recensés, Nimule et Gambela sur le Nil blanc, relèvement de l’ouvrage de Roseires sur le Nil Bleu, une chaîne de petits barrages sur l’Atbara, un ouvrage de grande capacité sur la quatrième cataracte à Merowe; drainer les grands marais qui fonctionnent comme des machines évaporatoires, Bahr el-Ghazal, Bahr el-Djebel, Kenamuke et Machar, ce qui permettrait de récupérer 45 km3.

36Ces projets paraissent assez illusoires. D’un point de vue écologique, l’assèchement des marais africains provoquerait une catastrophe écologique d’ampleur planétaire puisque ces marais constituent les sites d’hivernage de l’avifaune européenne. Sur le plan de la géopolitique, la guerre qui oppose le Nord-Soudan musulman au Sud-Soudan animiste ou chrétien a interrompu le creusement du canal de Jonglei, dont l’un des usages immédiats eût été la création d’une voie navigable permettant le passage de canonnières ou de convois lourds du nord au sud. Sur le plan des hydropolitiques enfin, les accords internationaux portant sur un aménagement global du bassin sont inconcevables. L’Éthiopie fait valoir que sa population croît plus vite que celle de l’Égypte, que les années de sécheresse qui se sont succédé depuis une trentaine d’années ont provoqué des famines qui auraient pu être évitées par la création de structures d’irrigation et que, si elle fournit 86% des débits mesurés à Khartoum, elle n’en utilise à ce jour que 0,3%. D’où le bien-fondé d’un projet soutenu par la Banque mondiale et portant sur 1,5 million d’hectares irrigués à partir d’une dérivation des eaux du lac Tana. D’autres riverains du Nil et de ses affluents font valoir des arguments du même ordre pour justifier d’autres projets, notamment la Tanzanie, qui programme la mise en valeur de 250000 ha sur le plateau sec du Wembere. Le Soudan ajoute à cet imbroglio en portant de façon unilatérale sa dotation de 18,5 à 20 km3... dans un premier temps.

37Autant de casus belli, disent les Égyptiens, qui, désavantagés par leur situation en aval du fleuve, font valoir aussi bien l’ancienneté de leurs droits que la pénalisation inhérente à l’aridité de leur climat.

La Turquie ou le « maître du château »

38Dans l’imaginaire populaire, le Tigre et l’Euphrate évoquent moins la Turquie, qui fournit l’essentiel de leur débit, que la Mésopotamie, qui les utilise [24]. De fait, la Turquie s’est longtemps désintéressée de ces fleuves qui n’arrosaient que les lointaines provinces d’Anatolie, traversaient de multiples gorges et affichaient des régimes fantasques : débits annuels variant de 1 à 4, ce qui rend peu significatifs les 830 m3/s du module de l’Euphrate et les 570 m3/s de celui du Tigre [25], étiages prononcés et crues violentes. C’est donc sans trop de restrictions que les Turcs se sont engagés dans le cadre du traité de Lausanne ( 1923), puis par une convention de 1946, à garantir un débit de 500 m3/s à la frontière syrienne. Ces garanties étaient d’autant plus nécessaires aux deux pays d’aval que les débits mesurés à hauteur du Chott el-Arab proviennent à raison de 70% de la Turquie, contre 7% de l’Iran et 23% de l’Irak. La position des Turcs a changé dès les années soixante, lorsqu’ils ont évalué le potentiel énergétique des deux fleuves à 7400 MW (soit une production moyenne de 30 milliards de KWh équivalant au tiers de la consommation nationale d’électricité mesurée en 1999). D’où la crise amorcée en 1965, lorsque la Turquie a fixé unilatéralement sa dotation minimale à 14 km3 sur l’Euphrate, alors que la Syrie faisait état d’une consommation de 14 km3 et l’Irak de 18 km3, soit un total de 46 km3, bien supérieur au débit annuel moyen du fleuve qui s’élève en moyenne à 32 km3 mesurés au niveau de la frontière turco-syrienne.

39Cette crise s’est concrétisée en 1989, date de la mise en chantier du Programme régional de développement de l’Anatolie du Sud-Est ou GAP ( Guneydogu Anadolu Projesi). Ce programme englobe treize projets de développement intégré (sept sur l’Euphrate, six sur le Tigre) comportant le stockage de 60 km3 dans vingt-deux réservoirs, des centrales électriques et l’irrigation de 1,7 million d’hectares, qui mobiliseront à eux seuls 22 km3 d’eau. L’investissement correspondant qui s’élèvera à 32 milliards de dollars incombera à la seule Turquie, faute d’une entente internationale insérant ces réalisations dans un programme de gestion intégrée tenant compte des positions irakienne et syrienne. En dépit de la contrainte financière ainsi imposée par la Banque mondiale, la mise en œuvre est rapide puisqu’à la fin de l’an 2000 le bilan portait sur quatre grands barrages en eau et dix autres en construction, 120000 ha irrigués et 200000 en cours d’équipement.

40Que peuvent être les réactions des riverains d’aval face à ce diktat ? Pour bien montrer qui était le maître du jeu, au printemps de 1991, les Turcs ont rempli le barrage Atatürk en fermant les vannes, de sorte que l’Euphrate a été mis à sec au moment où les pays d’aval préparaient leur campagne annuelle d’irrigation. Un tel coup de force serait difficilement imaginable, n’était qu’il a coïncidé avec la guerre du Golfe et qu’il affecte deux États que les Américains ont mis en quarantaine. À l’inverse, la Turquie se sent protégée par la force de son armée et par sa position au sein de l’OTAN, dont elle constitue la plate-forme d’intervention au Moyen-Orient.

41Bien entendu, la Turquie se justifie en faisant valoir l’accroissement rapide de la population anatolienne et sa pauvreté, ainsi que l’acuité de son problème énergétique puisqu’elle ne produit pas de pétrole. Il n’est bien entendu pas question du contrôle exercé sur la population kurde dans le cadre du GUD. Elle fait également observer que si l’Euphrate fournit la majeure partie des eaux qu’elle retient, en revanche l’essentiel des débits du Tigre passe la frontière et peut donc être utilisé par les deux pays d’aval. C’est oublier que les eaux du Tigre lessivent des terrains gypseux et sont moins propres à l’irrigation que celles de l’Euphrate. Oublier également que les affluents irakiens du Tigre ont de fortes pentes et que leur charge alluviale comble rapidement les retenues, ce qui les rend pratiquement impropres à tout aménagement.

42Dans ce contexte explosif, la Syrie tire un peu mieux son épingle du jeu que l’Irak. Lors de l’assèchement de 1991, elle a pu utiliser à son profit exclusif – et sans apporter la moindre considération aux demandes de l’Irak – les maigres filets d’eau suintant à l’aval du barrage Atatürk. Elle a également pu jouer sur les réserves ( 10 km3) du barrage de Tabqa (lac Assad). Sur un autre registre, elle dispose d’une certaine capacité de nuisance à l’égard de la Turquie en utilisant au maximum les eaux de l’Oronte, dont la Turquie ne contrôle que le cours terminal. À cette fin, elle a drainé et colonisé les marais du Ghab et utilisera à terme 760 millions de mètres cubes sur les 800 millions de l’écoulement annuel de ce petit fleuve aux eaux abondantes. Ce faisant, elle compromettra la mise en valeur et même le ravitaillement urbain de la région comprise entre Antakia et Iskanderun.

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LES PROJETS HYDRAULIQUES AU PROCHE -ORIENT SeylanSeylan Ceylan AtatürkCeylan Atatürk BarrageBarrage TURQUIETURQUIE AdanaAdana IskenderutiIskenderuti EuphrateOronte EuphrateOronte AlepAlep Méditerranée Barrage TabkaMéditerranée Barrage Tabka SYRIESYRIEHomsHoms LIBANLIBAN BeyrouthBeyrouth DamasDamas GolanGolanGolan IRAKHaïfaHaïfa IRAK Jourdain YarmoukTel AvivTel Aviv Jourdain Yarmouk ISRAËLISRAËL AmmanAmman frontières internationales JérusalemGaza JérusalemGaza Cisjordanie et Gaza transfert des eaux Be er ShevaBe er Sheva du Jourdain, conduite principale JORDANIEJORDANIE canal du Ghar nappes de Cisjordanie AqqabaAqqaba projet de transfert des eaux du Seylan et du Ceylan vers Jeddavers Jedda 0 50 100 km id. projet alternatif

43Cette région, toujours revendiquée par la Syrie, correspond à l’ancien sandjak d’Alexandrette qui, initialement rattaché à la Syrie et peuplé d’arabophones, fut donné à la Turquie en 1939 par le colonisateur français. Il est vrai qu’en représailles les Turcs menacent de capter et de dériver sur leur territoire les eaux du Khabour, qui prennent leur source en Turquie mais profitent essentiellement à la Syrie.

44En dépit de leur mainmise sur le château d’eau anatolien, les Turcs font valoir qu’ils seraient à même de contribuer de façon au moins partielle au règlement de la question de l’eau au Moyen-Orient. Ils disposent en effet avec le Ceyhan et le Seyhan – deux petits fleuves côtiers qui sont bien alimentés par la fonte des neiges sur le Taurus et dont les bassins sont entièrement inscrits dans leurs frontières – d’une formidable réserve d’eau proche de la frontière syrienne. Un projet peaufiné depuis 1986 permettrait d’acheminer chaque année, au moyen de deux tubes, 2,2 km3 d’eau qui pourraient desservir à un prix relativement avantageux – de l’ordre de 1,5 dollar/m3 – la Syrie, Israël, la Palestine, la Jordanie et finalement la péninsule arabique. À ce jour, et craignant d’être l’objet de pressions ultérieures – les Turcs ayant fait la preuve de leur capacité à fermer un robinet –, les pays démarchés n’ont pas souscrit à cette proposition dont la mise en œuvre supposerait en préalable une pacification globale du Moyen-Orient. Seul Israël importe par voie de mer des volumes encore modestes.

Israël et les eaux du Jourdain

45Le Jourdain, petit fleuve endoréique dont l’écoulement annuel est estimé à 570 millions de mètres cubes au niveau du lac de Tibériade avant sa confluence avec le Yarmouk, reçoit ses eaux de quatre pays, le Liban, la Syrie, la Jordanie et Israël. Mais alors qu’Israël ne fournit que 23% de l’écoulement annuel, il est le principal utilisateur d’une ressource disputée [26] et c’est en fonction des choix politiques de ce pays que la question des eaux de ce fleuve international doit être abordée. En fait, Israël ne contrôle, dans la limite de ses frontières de 1967, que les eaux du Dan. Le Liban contrôle le Hasbani, et la Syrie le Banias, les résurgences du Golan et le Yarmouk. La dépendance géographique qui frappe Israël, mise en évidence à plusieurs reprises par les menées hostiles de ses voisins, a été résolue de plusieurs façons : par la définition de la frontière qui passe par la rive orientale du lac de Tibériade, ce qui permet à Israël d’en pomper les eaux sans contrôle; par faits de guerre, dont la prise de contrôle du Golan et l’occupation pour un temps du Sud-Liban, ce qui a permis à Israël de trouver un complément de ressources dans le Litani; par voie de fait, en bombardant à plusieurs reprises et dès 1964 les chantiers d’ouvrages visant à détourner les eaux à l’intérieur des frontières syriennes et jordaniennes. Cette politique de force est nuancée par l’acceptation d’un ouvrage de dérivation et d’un canal du Ghor qui permettent aux Jordaniens d’irriguer la rive gauche du Jourdain. Cette région, qui correspond à 1% du territoire, fournit actuellement le tiers du ravitaillement de la Jordanie en produits frais.

46Ni les efforts diplomatiques ni les plans de partage n’ont manqué pour atténuer les tensions résultant de cet état de fait : plan Lowdermilk ( 1944), plan Cotton ( 1954), Plan du comité technique arabe ( 1954), plan Johnston ( 1955), propositions de la FAO ( 1995) pour l’essentiel. Aucun de ces plans n’a reçu le moindre début d’application. Reste une double interrogation : la politique d’expansion d’Israël est-elle axée principalement sur l’agrandissement territorial ou sur la nécessité de contrôler son approvisionnement en eau ?

47En l’état, Israël prélève 700 millions de mètres cubes par an en eaux de surface dont 400 millions pompés dans le lac de Tibériade et injectés dans le National Water Carrier, qui transfère ces eaux du nord au sud du pays jusque dans le Neguev. Le solde provient du Yarmouk et de divers petits cours d’eau qui alimentent le Jourdain, comme le Harod, ou gagnent la Méditerranée, comme l’Oishon. Ce total très insuffisant est porté à 1,75 km3 par l’exploitation de trois nappes : la nappe littorale de Gaza, la nappe orientale qui achemine vers le Jourdain des eaux légèrement saumâtres, la nappe de Cisjordanie occidentale qui fournit à elle seule 400 millions de mètres cubes. Ce calcul inclut le recyclage d’eaux usées, dont le volume approximatif serait de l’ordre de 200 millions de mètres cubes. À noter qu’une partie des ressources souterraines est constituée d’eaux fossiles. En tout état de cause, le total des ressources ne répondrait pas aux besoins, qui dépasseraient 1,9 km3.

48De fait, la population d’Israël s’élevant en l’an 2000 à 6 230 000 habitants, la dotation annuelle par habitant s’élève tout juste à 282 m3, valeur qui correspondrait à une situation critique, n’était qu’elle pose de multiples questions dont la plus immédiate est celle de sa répartition. En termes d’affectation de la ressource, 60% de l’eau sont encore consommés par le secteur agricole (contre 82% en 1970). En termes de répartition par groupe, la consommation par habitant dépasse 400 m3/an pour un Israélien contre 70 m3/an pour un Palestinien résidant dans la bande de Gaza. Cette inégalité, ou plus exactement cette violence faite aux Palestiniens, a été instaurée par une législation datant de 1947 et au terme de laquelle :

49

  • le forage des puits est soumis à autorisations, mais seuls les Israéliens bénéficient de celles-ci. Incidemment, le forage de puits profonds et israéliens permet d’assécher les puits superficiels et palestiniens;
  • la consommation d’eau est fixée selon des quotas discriminatoires, assortis d’amendes en cas de dépassement, quotas qui n’affectent que les Palestiniens;
  • les puits et sources appartenant à des Palestiniens « absents » sont confisqués;
  • l’eau est facturée à un prix élevé mais les agriculteurs israéliens bénéficient de subventions compensatoires.

50Ces mesures discriminatoires s’inscrivent dans le paysage : en Cisjordanie, tous les points de contrôle de l’eau, réservoirs ou branchements principaux, sont sous le contrôle des colonies juives, et dans la bande de Gaza, sèche et poussiéreuse, les jardins et les serres des colons apparaissent comme autant de provocations, d’autant que si les colons ont accès aux eaux du NWC, les Palestiniens ne disposent que des eaux de la nappe littorale. Surexploitée, cette nappe est envahie par l’eau de mer et devient progressivement saumâtre.

51Israël justifie sa politique de l’eau par un jeu d’arguments qui font valoir en dernier ressort le double risque d’une menace sur les sources de son approvisionnement et d’une pénurie avérée. Ce dernier argument peut être contesté quand on sait que le secteur agricole, s’il consomme 60% de l’eau mise en réseau, n’occupe que 2,5% de la population active et ne génère que 3% du PIB... avant déduction des subventions dont il bénéficie. À partir de ce constat, il est possible d’évaluer le rôle de l’eau dans la politique israélienne. Il y a eu sans doute, dans un premier temps, une mystique de l’eau inspirée par les nombreuses références bibliques qui assimilent le désert à la malédiction de Dieu et qui font de sa transformation en jardin une bénédiction divine. De façon plus concrète et en se fondant sur le principe qui veut que la terre appartienne à celui qui la cultive, c’est de propos délibéré qu’Israël assigne une fonction agricole à ses colonies cisjordaniennes. En tout état de cause, le contrôle de la Cisjordanie est lui-même justifié par le fait que les eaux de sa nappe fournissent une part essentielle du ravitaillement en eau de l’État hébreux et que les Palestiniens, opérant dans le cadre d’un État autonome, ne manqueraient pas de mobiliser la totalité du potentiel de cette nappe. Enfin, la vallée du Jourdain, si elle ne joue qu’un rôle secondaire en tant que fournisseur d’eau, constitue une ligne de défense essentielle face à des États arabes qui font montre à l’égard d’Israël d’une hostilité manifeste. Au-delà de cette argumentation, le fait est que l’eau, monopolisée et au besoin gaspillée, est un moyen d’oppression pesant sur la communauté palestinienne. Peut-être les Israéliens espèrent-ils que le manque d’accès à une ressource essentielle poussera les Palestiniens à l’exil ? En fait, le partage inégal à douze contre un est à l’origine d’un sentiment de frustration qui ajoute à la tension existant entre les deux communautés.

52On peut bien entendu soutenir, comme le fait M. Lowi, que l’eau pourrait être un instrument de paix dans le cadre d’un transfert des technologies de l’eau israéliennes vers les pays arabes, qui en échange garantiraient à la fois la paix et l’accès à l’eau dans une terre pacifiée où Israéliens et Palestiniens cohabiteraient harmonieusement. Est-il besoin de dire que cette vue édénique cadre mal avec la réalité observable sur le terrain ?

Le pouvoir et la violence

53L’eau dans les pays méditerranéens n’est pas forcément rare. Elle est surtout répartie de façon irrégulière avec une prédominance des situations contrastées : ici des montagnes humides dominent des plaines sèches, et là des fleuves abondants traversent des déserts; ici l’eau est si abondante que sa gestion pose peu de problèmes, et là les contraintes sont si fortes que l’accès à l’eau devient une priorité absolue. Ce jeu d’oppositions transparaît sur bien d’autres registres, comme la force ou l’insignifiance des cultures de l’eau ou encore la priorité accordée ici au drainage et là à l’irrigation. Des situations aussi contrastées ne sont le fait ni des régions arides ni des régions humides, mais caractérisent plutôt les marges climatiques. C’est sans doute la combinaison de ces trois facteurs, marginalité zonale, contrastes entre régions voisines et finalement situations de dépendance hydrographique de certaines régions à l’égard d’autres, qui fonde une certaine spécificité méditerranéenne, laquelle implique finalement des tensions plus ou moins fortes aux diverses échelles de l’espace, qu’il s’agisse de l’accès à l’eau ou de sa répartition entre diverses catégories d’usagers. Et ce sont finalement ces tensions entre régions ou nations qui expliquent le rôle des États selon diverses configurations, la distinction s’imposant entre le contexte national et la scène internationale.

Accords et conflits à l’échelle des États

54Aux niveaux les plus simples, l’État est absent et les problèmes se règlent dans le cadre de communautés qui peuvent être tantôt de taille très modeste, comme celles des hautes terres tunisiennes, des vallées de l’Atlas ou des petits périmètres des Alpes du Sud, tantôt assez puissantes pour exercer le contrôle de l’eau et la discipline des usagers sur des aires assez vastes, comme la huerta de Valence.

55À l’autre extrémité de l’échelle des rapports entre l’État et diverses entités régionales ou sectorielles, l’État se présente comme un acteur unique, soit parce qu’il n’existe pas d’interlocuteur capable d’infléchir son action, comme cela se passe souvent en France notamment dans la vallée du Rhône, soit parce qu’il agit dans le cadre de structures autoritaires comme ce fut le cas dans l’Espagne franquiste, soit enfin parce que, comme en Égypte, le pouvoir contrôle la gestion de l’espace par le biais de la gestion de l’eau et que ses choix sont sans appel.

56Ces cas extrêmes sont de plus en plus rares, soit que des infrastructures lourdes intègrent l’espace des microstructures, soit que le dialogue ou la confrontation s’instaurent entre les échelons national et régional sous de multiples formes, en fonction des traditions et savoir-faire touchant à la culture de l’eau. Dans un pays comme l’Espagne, où les traditions d’autonomie régionale ajoutent aux fortes traditions des associations d’irrigants, la confrontation est forte et il se pourrait que, s’agissant du Plan hydrologique national, les régions triomphent de la logique d’État. Dans un pays comme la France, où ces traditions sont plus faibles ou absentes, il se pourrait à l’inverse que les lois sur l’eau édictées par l’État finissent par susciter des interfaces de dialogues sur le modèle des SAGE (schémas d’aménagement et de gestion de l’eau).

57Israël, enfin, constitue un cas d’exception puisque l’État et une fraction dominante de la population sont d’accord pour imposer à une fraction dominée un contrôle de l’espace par l’eau.

À l’échelle internationale : Macht geht vor Recht

58En théorie, le droit international devrait permettre la résolution des conflits impliquant des États, mais force est de constater l’impuissance du droit face aux situations de fait. Les règlements internationaux n’ont longtemps pris en compte que les problèmes de la navigation sur quelques fleuves comme le Rhin et le Danube. L’élargissement des propositions juridiques à d’autres usages ne s’est fait que très progressivement en s’inspirant de diverses législations nationales. Or l’éventail des jurisprudences autorise toutes les politiques, et la Turquie fait volontiers référence à la doctrine Harmon ou de souveraineté nationale absolue, selon laquelle un État ou un particulier peuvent user librement et au mieux de leurs intérêts de l’eau qui longe ou traverse leur territoire. Inversement, l’Irak ou l’Égypte se réfèrent à la législation dite « californienne », au terme de laquelle les droits du premier usager l’emportent sur ceux des usagers plus récents. Face à ces doctrines contradictoires, la Commission législative internationale travaillant dans le cadre de l’ONU a formulé en 1991 une proposition de loi qui n’a pas été ratifiée à ce jour [27]. Aussi bien ses recommandations se heurtent à de multiples contradictions puisque l’article 6 recommande un usage équitable alors que l’article 7 interdit toute action entraînant un dommage appréciable : dans le cas du Nil, l’usage équitable voudrait que l’Éthiopie développe son potentiel hydraulique, mais ce choix entraînerait un dommage appréciable pour l’Égypte.

59Force est donc de constater que, dans tous les cas analysés, la force prime le droit. Seule puissance militaire capable d’une forte intervention dans le bassin du Nil, l’Égypte se dit prête à intervenir contre tout aménagement qui aboutirait à la diminution de sa dotation hydraulique. Dotée d’une puissante armée et confortée par le soutien des États-Unis, la Turquie peut impunément remettre en cause la tradition hydraulique qui conditionne l’agriculture vivrière de l’Irak. Et dans le bassin du Jourdain, Tsahal fait la loi. Savoir toutefois si l’Éthiopie, l’Irak, la Palestine ou telle autre nation qui s’estimerait spoliée n’en viendront pas à des actes désespérés pour résoudre une situation où se mêlent frustration et humiliation ?L’escalade de la violence est bien là dans les trois cas qui viennent d’être évoqués, et à supposer que des plans patronnés par l’ONU ou par telle puissance médiatrice soient mis en œuvre – hypothèse eschatologique dans l’immédiat –, ces plans seraient remis en cause en moins d’une génération du seul fait de la croissance démographique des populations concernées. La violence est là, et si le terme de « guerre de l’eau » prête à discussion, c’est uniquement parce que les modalités de ce type de guerre ne répondent pas aux normes diplomatiques convenues, bien qu’elles puissent être considérées comme la continuation d’une politique par d’autres moyens.

L’eau, cause ou prétexte

60Qu’il s’agisse de l’Èbre, du Nil ou du Jourdain, il n’est pas certain que la violence des propos ou des politiques réponde exactement à la gravité des situations en cause. Cela tient peut-être au fait que les riverains d’un fleuve s’identifient parfois à celui-ci : l’Èbre est le sang de l’Aragon, et dévier ses eaux équivaut à saigner la communauté aragonaise; les Égyptiens s’identifient si bien au Nil que les habitants des villes neuves construites dans le désert parlent d’exil et rêvent des eaux boueuses du fleuve; et que dire du Jourdain, qui est pour tout Juif le seuil de la Terre promise ? On peut évoquer, sur ce même thème de l’identification des hommes au fleuve, la Padanie et cette étrange fête au cours de laquelle furent mêlées et rejetées dans le fleuve, au niveau du delta, les eaux provenant des Doires, du Tessin, de l’Adige, bref de toutes les composantes d’un fleuve unique ou, si l’on préfère, le symbole de toutes les communautés régionales unies par ce fleuve. Cette identification d’une nation à ses eaux est lourde d’implications négatives dans la mesure où l’eau symbole devient l’eau support de revendications politiques et finalement l’eau cause ou prétexte justifiant les pires excès. Ne nous demandons donc pas s’il y aura des guerres de l’eau. Elles sont déjà là.

Notes

  • [*]
    Professeur émérite, université Jean-Monnet, Saint-Étienne. j. bethemont@ chello. f
  • [1]
    MARGAT J., « L’eau dans le bassin méditerranéen, situation et prospective », Plan Bleu, fascicule 8,1992,196 p.
  • [2]
    Une salinité de 4 ‰ élimine les cultures fruitières et légumières et diminue de façon sensible les rendements des céréales et de la luzerne. Au-delà de 7 ‰, la faiblesse des rendements est aggravée par une salinisation rapide des sols.
  • [3]
    Effectifs de population en 2000 d’après les données du PNUD.
  • [4]
    Voir BETHEMONT J., « Le Rhône entre nation et région », Revue de géographie de Lyon, Géocarrefour, 72/1,1997, p. 67-75.
  • [5]
    Une taxe avait bien été instaurée en vue du financement de la liaison Rhône-Rhin, mais depuis 1997 et l’abandon du projet, cette taxe, qui s’élève en 2000 à 8,48 centimes par kilowatt-heure produit, va dans les caisses de l’État sans qu’il y ait eu la moindre concertation avec les élus régionaux présents dans le conseil d’administration de la CNR.
  • [6]
    MARIÉ M., LACERNA D. et DÉRIOZ P., Cultures, usages et stratégies de l’eau en Méditerranée occidentale, tensions, conflits et régulation, L’Harmattan, Paris, 1999,549 p.
  • [7]
    La synthèse d’un vaste corpus bibliographique est proposée par GIL OLCINA A. et MORALES Gil, Planificacion Hidraulica en España, Murcia, CAM, 1995,430 p. L’aspect conflictuel est plus particulièrement développé dans DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », Espace rural, n° 36, Montpellier, 1996,262 p.
  • [8]
    D’après DAVY L., L’Èbre, étude hydrologique, Champion, Paris, 1978,803 p.
  • [9]
    CLARIMONT S., « Conflits pour l’eau dans le bassin de l’Èbre », in DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », op. cit., p. 63-114.
  • [10]
    Sur le cas marocain, voir EL FAIZ M., « Pour une histoire de longue durée des aménagements hydro-agricoles dans le Haouz », in MARIÉ M. (dir.), Grands Appareillages hydrauliques et sociétés locales en Méditerranée, actes du séminaire de Marrakech, Presses des Ponts et Chaussées, Paris, 1994,206 p., p. 23-33. Voir également dans le même ouvrage PÉRENNÈS J., « Réflexion sur les acteurs des politiques d’irrigation au Maghreb, ingénieurs et paysans », p. 139-152.
  • [11]
    PÉRENNÈS J., L’Eau et les hommes au Maghreb, contribution à une politique de l’eau en Méditerranée, Karthala, Paris, 1993,646 p.
  • [12]
    Parmi de nombreuses publications, AYEB H., L’Eau au Proche-Orient, la guerre de l’eau n’aura pas lieu, Karthala-CEDEJ, Paris, 1998,226 p. Sur la valorisation des terres nouvellement conquises, BAKRE M. et al., L’Égypte et le haut barrage d’Assouan, Presses de l’université, SaintÉtienne, 1980,182 p.
  • [13]
    Un feddan = 0,42 hectare.
  • [14]
    AYEB H., « Gestion technique et sociale de l’eau et aménagement du territoire en Égypte », in RIVIÈRE -HONEGGER A. et RUF T. (dir.), « Approches sociales de l’irrigation et de la gestion de l’eau », Territoires en mutations, n° 7, CNRS, Montpellier, 2000, p. 121-138.
  • [15]
    SIVIGNON M., « La question de l’eau en Grèce », in DRAIN M. (dir.), « Les conflits pour l’eau en Europe méditerranéenne », op. cit., p. 199-233.
  • [16]
    BROCHIER -PUIG J., « Modes d’organisation et modalités d’accès à l’eau dans les périmètres irrigués privés sur forages illicites : cas des nomades sédentarisés à El-Faouar (Tunisie)», in RIVIÈRE - HONEGGER A. et RUF T. (dir.), « Approches sociales de l’irrigation et de la gestion de l’eau », p. 203-218.
  • [17]
    Mise au point dans MUTIN A., L’Eau dans le monde arabe, Ellipses, Paris, 2000,156 p.
  • [18]
    SIVIGNON M., op. cit.
  • [19]
    AMZERT M., « L’eau, l’économie, la politique », in Marié et al., Cultures, stratégies et usages de l’eau, op. cit., p. 81-108.
  • [20]
    MARTIN J. (dir.), « L’eau et la ville dans les pays du bassin méditerranéen et de la mer Noire », Urbama, Tours, fasc. de recherche n° 22,1991,312 p.
  • [21]
    Outre AYEB H. ( 1998) et MUTIN G. ( 2000), WORLD BANK, From Scarcity to Security : Averting a Water Crisis the Middle East and North Africa, Washington, 1994,476 p.; BULLOCH J. et DARWICH A., Water Wars, Coming Conflicts in the Middle-East, Golanz, Londres, 1993,237 p.; FERRAGINA E., L’acqua nei paesi mediterranei, Il Mulino, Bologne, 1998,275 p.; MAJZOUB T., Les Fleuves du Moyen-Orient, L’Harmattan, Paris, 1994,276 p.
  • [22]
    Sur les problèmes spécifiques du Nil, HOWELL P. H. et ALLAN J. A., The Nile, Sharing a Scarce Resource, University Press, Cambridge, 1994,391 p.
  • [23]
    Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Burundi, Kenya, Zaïre, Éthiopie, Érythrée, Soudan, Égypte.
  • [24]
    Sur les problèmes spécifiques du Tigre et de l’Euphrate, OLCAY ÜNVER H., « South-eastern Anatolia Integrated Development Project Turkey : an Overview of Issues of Sustainibility », Water Resources Development, 13/2,1997, p. 187-207.
  • [25]
    Débits mesurés aux frontières avec la Syrie (Euphrate) et l’Irak (Tigre).
  • [26]
    Outre les ouvrages de HAYEB, FERRAGINA, MAJZOUB ET MUTIN : BULLOCH J., Water Wars, Gollance, Londres, 1996; FISCHER M., « The Economics of Water Dispute Resolution, Project Evaluation and Management, an Application to Middle-East », Water Resources Development, 11/4,1995; KLIOT N., Water Resources and Conflicts in the Middle-East, Routledge, Londres; Lowi M., Water and Power, Cambridge Univ. Press, Cambridge, 1993.
  • [27]
    La position de cette commission est exposée dans SIRONNEAU J., L’Eau, nouvel enjeu stratégique mondial, Economica, Paris, 1996,108 p.
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