Introduction
1Depuis plus de 2000 ans, l’ortie est employée comme remède naturel pour ses vertus thérapeutiques. Cependant, la mise en valeur de son importance médicinale n’a pris de l’ampleur qu’au début du XXe siècle. Et depuis, de considérables progrès ont été réalisés, en l’occurrence la découverte de la structure de ses composés et de ses propriétés pharmacologiques. Il faut souligner à ce titre que la plupart de ses indications revendiquées en médecine traditionnelle ont été confirmées, et de nouvelles propriétés ont été rajoutées. Par ailleurs, eu égard à sa composition protéique équilibrée et à sa teneur élevée en minéraux et en vitamines, l’ortie a marqué un grand intérêt, aussi bien sur le plan thérapeutique que nutritionnel.
2Au Maroc, et par défaut d’exploitation des données scientifiques relevant des domaines médical et nutritionnel, l’ortie est de plus en plus délaissée aussi bien pour l’aspect culinaire qu’en matière de médecine humaine et vétérinaire.
3Le présent travail met en exergue les connaissances et les avancées scientifiques d’Urtica dioica. À cet effet, seront traités d’abord l’étude botanique, les usages médicaux traditionnels au Maroc ainsi que l’étude phytochimique. Ensuite, seront détaillées les propriétés nutritionnelles et pharmacologiques de la plante. Enfin, la dernière partie abordera ses modes et ses précautions d’emploi.
Étude botanique
4Originaire d’Eurasie, l’ortie s’est répandue dans toutes les régions tempérées du monde. On la rencontre plus en Europe du Nord qu’en Europe du Sud, en Afrique du nord, en Asie et en Amérique du Nord et du Sud où elle est largement distribuée [1].
5L’ortie est une plante herbacée, vivace par rhizomes, appartenant à l’ordre des rosales, familles des urticacées et au genre urtica caractérisé par la présence de poils unicellulaires. Le port de l’ortie a une hauteur qui varie de 30 à 150 cm. La tige est robuste, dressée, velue, non ramifiée et à section carrée. Elle est d’une couleur verte lorsque la plante est jeune, et rouge violet lorsqu’elle est plus âgée. Les feuilles sont opposées, ovales, allongées, dentées et terminées en pointe. Les feuilles et les tiges sont couvertes de poils urticants comparables à une ampoule munie d’une pointe recourbée, siliceuse qui déverse au contact de la peau un liquide urticant, dont la composition chimique sera étudiée ultérieurement. L’ortie est dioïque, ayant des pieds mâles et femelles séparés. Les fleurs sont unisexuées, très petites, apparaissant de juin à septembre, et sont disposées à l’aisselle des feuilles, en grappes ramifiées. La fleur femelle est verdâtre et comporte un ovaire uniloculaire, uniovulé, surmonté d’un style et d’un stigmate en pinceau. La fleur mâle est jaunâtre et comporte quatre étamines à filets longs, élastiques, repliés dans le bouton floral. Le fruit est un akène ovale rempli de minuscules graines ayant une couleur brunâtre et noirâtre. Le système racinaire est composé d’une racine pivotante qui se ramifie en radicelles fines permettant à la touffe d’ortie de s’étendre [1, 2].
Nom latin | Urtica dioïca L.Syn |
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Noms anglais | Nettle, Common nettle, Stinging nettle, Tall nettle, Slender nettle, Greater nettle |
Noms français | Ortie dioïque, Grande ortie, Ortie piquante, Ortie élevée |
Noms arabe | (Hourriga, al quarâs) |
Noms espagnol | Ortiga, Ortiga gran, Ortiga grossa, Ortiga major, Ortiga inayor |
Noms allemand | Brennesslbatter, Brennessel-Kraut, Nesslkraut, Haarnesselkraut |
Usages médicaux traditionnels
6Au Maroc, toutes les parties de la plante sont utilisées en médecine traditionnelle. La plante entière est employée pour ses vertus diurétiques, anti hypertensives, antidiabétiques, dépuratives, hémostatiques, anti asthéniques, anti anémiques, antispasmodiques, antirhumatismales et comme remède dans les maux de tête et les coups de froid [3, 4]. L’ortie est également utilisée pour traiter les affections spléniques, rénales et dermiques [5]. D’autres utilisations traditionnelles, contre la tuberculose et les lithiases biliaires et rénales, ont été aussi décrites dans la littérature. En usage externe, elle est utilisée dans le traitement des aphtes et des hémorroïdes [4]. Ses graines sont administrées par voie orale pour leurs effets galactogènes et aphrodisiaques et par voie locale pour traiter la gale et le prurit [6].
Étude phytochimique
7Les feuilles de l’ortie sont riches en flavonoïdes, ainsi qu’en composés phénoliques, en acides organiques, en vitamines et en sels minéraux. La racine contient les lectines, les polysaccharides, les stérols et les lignanes (Tableau 1). L’action urticante de l’Ortie est due au liquide contenu dans ses poils. Ce liquide renferme au moins trois composés qui pourraient être à l’origine de ses réactions allergiques : l’acétylcholine, l’histamine et la sérotonine (5-hydroxy-tryptamine). L’ortie constitue également une importante source de protéines et de chlorophylle [2, 7].
8Les métabolites secondaires de l’ortie ont des propriétés pharmacologiques marquées. Les principaux flavonoïdes de l’ortie sont la quercétine, le kaempférol et la rutine. Ces flavonoïdes ont des propriétés anti oxydantes et anti-inflammatoires, pouvant limiter les dommages oxydatifs responsables de certaines maladies chroniques comme le cancer, les maladies cardiovasculaires et les maladies dégénératives. Ils ont également de nombreux effets sur l’organisme, comme l’inhibition de la peroxydation lipidique des mitochondries du foie et des cellules sanguines. Enfin, Les flavonoïdes ont des propriétés hypoglycémiantes, antibactériennes et antivirales [8-10].
9La quercétine est la plus active des flavonoïdes. Elle a une forte action antioxydante et anti-inflammatoire [11]. Elle est non seulement capable de diminuer l’incidence des tumeurs mammaires chez le rat [12, 13] mais elle a également une activité antitumorale vis-à-vis du cancer de la prostate [14]. L’activité anti-ulcérogène de la quercétine a été également démontrée [15, 16].
10L’activité antioxydante de la rutine serait du même ordre de grandeur que celle de la quercétine [17-19]. De surcroît, elle a des effets anti-inflammatoires, des propriétés anticancéreuses et réduirait l’effet délétère du mauvais cholestérol (LDL) oxydé [20, 21]. En outre, Les tanins, l’acide caféique, l’acide férulique et les coumarines possèdent aussi une activité anti-oxydante et peuvent protéger les cellules contre les dommages provoqués par les radicaux libres [22, 23]. La racine d’ortie contient une lectine appelée Urtica Dioica Agglutinin (UDA). Cette lectine est quelque peu atypique ; elle a une faible masse moléculaire de l’ordre de 8 à 9 kDa et est constituée d’une chaîne polypeptidique unique de moins de 100 acides aminés [24]. L’UDA possède une activité immunomodulatrice et semble pouvoir limiter les manifestations auto-immunes [25].
Tableau 1. Composition chimique de l’ortie dioïque
Tableau 1. Composition chimique de l’ortie dioïque
Valeur nutritionnelle
11Les feuilles de l’ortie sont riches en protéines, lipides, glucides, vitamines, minéraux et oligo-éléments. Les protéines représentent 30 % de la masse sèche [31]. De plus, la composition protéique des feuilles d’ortie couvre largement les besoins en acides aminés, particulièrement les acides aminés essentiels pour l’Homme [33, 38]. Concernant la fraction minérale, les feuilles de l’ortie peuvent en contenir jusqu’à 20 % de la masse sèche [31, 45]. L’ortie se révèle riche en minéraux notamment le fer, le zinc, le magnésium, le calcium, le phosphore et le potassium. La teneur des feuilles en cobalt, en nickel, en molybdène et en sélénium a été également déterminée [32]. Les valeurs et les proportions des composés fournies par la littérature sont différentes, la variété, l’origine et la période de récolte des échantillons peuvent en être responsables. Les teneurs maximales et minimales des différents composés sont présentées dans les tableaux 2 et 3.
Tableau 2. Composition nutritionnelle des feuilles fraîches de l’ortie dioïque [31, 33-36].
Composition nutritionnelle en % | Min | Max |
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Eau | 65 | 90 |
Protides | 4,3 | 8,9 |
Cendres | 3,4 | 18,9 |
Glucides | 7,1 | 16,5 |
Lipides | 0,7 | 2 |
Fibres | 3,6 | 5,3 |
Calories (Kcal/100 g) | 57 | 99,7 |
Tableau 2. Composition nutritionnelle des feuilles fraîches de l’ortie dioïque [31, 33-36].
Tableau 3. Teneur en éléments minéraux et oligo-éléments en mg/100 g matière sèche [31-37]
Tableau 3. Teneur en éléments minéraux et oligo-éléments en mg/100 g matière sèche [31-37]
13La composition de l’ortie en vitamines est très variée. Elle est formée à la fois des vitamines liposolubles A, D, E, K mais aussi de quantités significatives de vitamines hydrosolubles, comme la vitamine C et les vitamines du groupe B (B1, B2, B3, B9). Wetherilt trouva que 100 g de feuilles fraîches contenaient 0,0l mg de vitamine B1 (thiamine), 0,23 mg de vitamine B2 (riboflavine), 0,62 g de vitamine B3 (Niacine), 0,068 mg de vitamine B6, 238 mg de vitamine C, 5 mg de pro -vitamine A (β carotène) et 14,4 mg de vitamine E (a-Tocophérol) [38].
14Ces nutriments confèrent à l’ortie des propriétés pharmacologiques intéressantes. Les oligo-éléments et les vitamines renforcent le système immunitaire et permettent à l’organisme de mieux résister aux infections bactériennes et virales. La présence concomitante dans l’ortie des vitamines B1, C, E, du fer, du zinc, du sélénium et du manganèse contribue aux qualités anti-oxydantes de celle-ci. De ce fait, les feuilles d’ortie sont, non seulement une excellente source naturelle pour la protection contre les troubles cardiovasculaires et la déficience immune, mais elles ont aussi une forte activité anti-tumorale. La teneur élevée en potassium est un autre indicateur du pouvoir protecteur des feuilles d’ortie contre les maladies cardiovasculaires. L’ortie a une action reminéralisante, grâce à la présence de calcium, de potassium, de silicium et de fer ; elle serait donc bénéfique en cas d’arthrose et d’ostéoporose. Aussi riche en fer qu’en vitamine C, qui augmente la biodisponibilité du fer, l’ortie est indiquée dans le traitement d’anémie. L’apport en magnésium, qu’elle fournit, permet de diminuer l’incidence de toutes les formes de stress. Le zinc a une action anti-inflammatoire. Un autre atout de l’ortie est la chlorophylle, les feuilles d’ortie contiennent une quantité importante de chlorophylle de l’ordre de 4,8 mg par gramme de feuilles sèches [46]. Cette chlorophylle favorise la purification et la détoxication, assainit le système digestif, lutte contre les ballonnements et la mauvaise haleine. De plus, la chlorophylle aide à la régénération des cellules et active la cicatrisation. Enfin, la grande teneur en protéines, en acides aminés essentiels, en vitamines et en fer des feuilles en font un complément nutritionnel important. En conséquence, ses feuilles se révèlent comme remède tangible pour la prise en charge des malnutritions protéino-énergétiques chez les enfants malnutris, les femmes enceintes, les personnes convalescentes et les personnes âgées.
Propriétés pharmacologiques
Activité antiproliférative
15De nombreux travaux de recherches indiquent que les composants de la racine d’ortie peuvent interférer avec plusieurs mécanismes impliqués dans la pathogénie de l’hypertrophie bénigne de la prostate. L’effet antiprolifératif sur des cellules prostatiques cancéreuses de l’UDA et des extraits méthanoliques et hydro-alcooliques de racine a été démontré in vivo et in vitro [45,47,48]. Les lignanes issues de l’extrait de racine inhibent non seulement la fixation des androgènes à leurs protéines transporteuses SHBG (Sex Hormon Binding Globulin), mais aussi la fixation de ces protéines aux récepteurs membranaires de la prostate, inhibant ainsi leur activité proliférative sur les tissus prostatiques [42, 45, 49]. L’extrait de racine diminue la production des œstrogènes par inhibition de l’aromatase, permettant ainsi de diminuer la conversion des androgènes en œstrogènes [50]. Aussi, il a été évoqué que les extraits de racine inhiberaient l’activité enzymatique de la membrane des cellules prostatiques, ce qui provoquerait l’arrêt de sa croissance [45, 51]. Les études cliniques, mises au point sur un extrait de racine, ont montré une amélioration significative des symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate [52-54].
Activité anti-inflammatoire
16Les recherches scientifiques ont mis en évidence la capacité de l’ortie de diminuer la réaction inflammatoire, via de multiples mécanismes d’action dont les conséquences sont la réduction de synthèse de médiateurs lipidiques et de cytokines pro inflammatoires. En effet, les extraits de feuilles inhibent la biosynthèse des enzymes de la cascade arachidonique, notamment les cyclo-oxygénases COX-1 et COX-2, et bloquent ainsi la biosynthèse des prostaglandines et thromboxane [55]. De plus, un effet inhibiteur a été démontré sur le système NF-κB impliqué dans les réponses immune, anti-apoptotique et inflammatoire [56, 57] et sur le facteur d’activation plaquettaire des neutrophiles (PAF : Platelet Activating Factor) [55]. D’autre part, plusieurs études ont révélé que l’extrait des feuilles diminue la libération des interleukines IL-2 et IL-1β, de l’interféron γ (IFNγ) et des facteurs TNF-a et TNF-κ (TNF : Tumour necrosis factor) [58, 59].
17De ce fait, Les effets anti-inflammatoires des feuilles d’ortie suggèrent qu’elle peut être utile dans les pathologies inflammatoires aiguës, mais aussi dans les pathologies chroniques, en l’occurrence la polyarthrite rhumatoïde.
18En outre, l’extrait aqueux de racines d’ortie a une activité anti-inflammatoire. Wagner avait montré qu’une fraction polysaccharidique de cet extrait a une action inhibitrice, sur l’œdème induit de patte de rat, comparable à celle exercée par l’indométacine [60]. L’effet anti-inflammatoire est lié à l’inhibition de la cycloxygénase et de la lipoxygénase, et à la production des cytokines.
Activité antioxydante
19Les extraits de l’ortie ont un rôle neutralisant des espèces réactives de l’oxygène (ERO). Leur activité anti-radicalaire, vis-à-vis de l’anion superoxyde O2°-, du radical hydroxyle OH° et du radical oxyde nitrique NO° a été déterminée par spectrophotométrie. De nombreuses études ont montré que les extraits méthanolique et éthanolique des feuilles présentent un effet antioxydant remarquable vis-à-vis du radical 1,1-diphényl-2-picrylhydrazyl (DPPH) [9, 61-62]. La chélation du fer ferreux a été évaluée en utilisant la ferrozine qui forme un chromophore rouge avec le fer résiduel (Fe (II)-Ferrozine) ayant un maximum d’absorption à 562 nm. Les absorbances obtenues montrent que l’ortie possède une activité chélatrice importante vis-à-vis de l’ion ferreux [63]. Une autre étude, réalisée sur des rats traités au tétrachlorométhane (CCl4), a montré que l’ortie diminuait la peroxydation lipidique et augmentait l’activité du système de défense antioxydant jouant ainsi un rôle protecteur contre l’hépatotoxicité. Cette activité anti-oxydante est corrélée essentiellement à la teneur de composés phénoliques [9, 64].
Activité immuno-modulatrice
20De nombreux travaux indiquent que les extraits d’ortie sont capables de moduler le fonctionnement du système immunitaire. L’effet modulateur des parties aériennes de l’ortie a été réalisé sur des souris, avec un extrait éthanolique, à deux doses différentes (50 et 100 mg/kg) prises par voie orale pendant 14 jours. Les activités des enzymes tels que le cytochrome P450, la lactate déshydrogénase (LDH) et la NADPH-cytochrome P450 reductase ont montré une diminution significative alors que les enzymes antioxydants ont montré une augmentation significative. En outre, la plante a fait preuve d’effet modulateur sur les enzymes du rein, du poumon et de l’estomac tels que la glutathion-S-transférase, le superoxyde dismutase et la catalase [65]. La quercétine-3-O-rutinoside, le kaempherol-3-O-rutinoside et l’isorhamnetin-3-O-glucoside présents dans les parties aériennes de l’ortie contribue à son effet immunomodulateur [2, 66].
21Par ailleurs, L’effet immunomodulateur de l’UDA, isolée à partir des racines, a été démontré par plusieurs travaux qui élucident leur action sur les lymphocytes T, les macrophages, les thymocytes et sur la libération de TNFa [60].
Propriété analgésique et antinociceptive
22En plus de son action anti-inflammatoire, l’ortie possède un effet analgésique démontré in vivo chez le rat et la souris. En effet, l’extrait aqueux des feuilles d’ortie à la dose de 1200 mg/kg, serait capable de réduire la stimulation thermique, lors du test de la plaque chauffante à 55°C, et d’entraîner une plus grande résistance à la douleur [67].
23L’effet antinociceptif de l’extrait hydro-alcoolique des feuilles d’ortie a été évalué par le biais des tests de contorsion et de léchage de la patte induits respectivement par l’acide acétique et la formaline. Les résultats obtenus montrent que l’extrait hydro-alcoolique réduit de manière significative (P<0.05) et dose-dépendante la réponse nociceptive chez les souris et les rats. Les flavonoïdes, l’acide caffeoyl malique et l’acide caféique pourraient être responsable de ces propriétés antalgiques [56].
Propriété antiulcéreuse
24L’effet protecteur de l’ortie contre l’ulcère gastrique est dose dépendant. En effet, l’extrait aqueux des parties aériennes, a des doses de 50 et 200 mg/kg, a protégé les rats contre l’ulcère gastrique, avec un taux de protection significatif, variant de 67,7 à 77,8 %. De plus, cet extrait a montré une activité analgésique contre la dilatation gastrique provoquée par l’acide acétique [63].
Propriétés anti-infectieuses
25Les propriétés antibactériennes des différents extraits d’Urtica dioica vis-à-vis des souches bactériennes ont été mises en évidence par plusieurs travaux. Dans une étude réalisée sur neuf bactéries : Citrobacter koseri, Enterobacter aerogenes, Escherichia coli, Micrococcus luteus, Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, et Streptococcus pneumoniae, l’extrait aqueux des parties aériennes a inhibé la croissance de ces bactéries sauf certaines souches de Pseudomonas aeruginosa [63]. Une autre étude effectuée sur 38 micro-organismes a apporté l’évidence de l’effet bactéricide des extraits organiques des parties aériennes de l’ortie. Ces extraits ont inhibé la croissance de Acinetobacter calcoaceticus, Bacillus cereus, Bacillus spizizenii, Bacillus subtilis, Citrobacter freundii, Entrobacter aerogenes, Erwinia sp., Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Micrococcus sp., Saccharomyces cerevisiae, Salmonella paratyphi B, Serratia marcescns, staphylococcus aureus résistant à la méthicelline (MRSA) et Vibrio parahaemolyticus. Les composés phénoliques présents dans l’ortie seraient responsables de cet effet antibactérien [68]. L’activité antivirale de l’ortie a été évaluée in vitro [69]. La mise en évidence de l’action inhibitrice, puissante et sélective de l’UDA sur la réplication intracellulaire du virus de l’immunodéficience humaine (HIV-l et HIV-2), du virus respiratoire syncytial (VRS) et du cytomégalovirus (CMV), a été bien élucidée [70]. Alors que l’activité antimycosique sur certains champignons pathogènes (Alternaria alternata, Aspergillus flavus, Candida albicans, Ceratcystis ulmi, Fusarium oxysporum, Fusarium solani, Phoma exigua, Phytophtora carotovora, Porphyromonas gingivalis, Microsporum cookei, Microsporum gypseum, Saccharomyces cerevisiae, trichoderma viride, trichophyton mentagophytes et Rizoctonia solani) a été confirmée [63, 71].
Activité antidiabétique
26Une étude menée pour l’évaluation de l’activité antidiabétique in vivo, a mis en évidence l’effet hypoglycémiant des extraits aqueux des feuilles d’ortie sur des rats diabétiques. Ce résultat s’explique à cet égard, par l’inhibition de l’absorption intestinale du glucose [72]. D’autre part, les études réalisées sur des îlots de Langerhans ont prouvé l’action stimulatrice de l’ortie sur la sécrétion d’insuline, accompagnée d’une diminution du taux de sucre. Les tests effectués sur des rats normaux et diabétiques, après injection intra péritonéale de l’extrait aqueux, ont raffermi ce résultat [73].
Action anti-hypertensive
27Une activité anti-hypertensive a été rapportée pour un extrait aqueux des parties aériennes de l’ortie. L’injection intraveineuse de cet extrait, à deux concentrations de 4 et de 24 mg/kg/h, a provoqué une baisse de pression, proportionnelle à la dose administrée, de 15 % et de 38 %. Cette baisse était en corrélation avec une augmentation de la diurèse et de la natriurèse. Cependant, l’effet hypotensif était réversible au bout d’une heure avec la faible concentration (4 mg/kg/h) alors que l’effet de la haute concentration (24 mg/kg/h) persistait [74]. D’autre part, les extraits des racines, testés sur des morceaux isolés d’aorte vasoconstrictée, ont montré une activité relaxante. Cet effet vasodilatateur s’explique par la libération de l’oxyde d’azote endothélial, l’ouverture des canaux potassiques et par une action inotrope négative [75].
Action sur l’agrégation plaquettaire
28Plusieurs études indiquent que les extraits d’ortie inhibent fortement l’agrégation plaquettaire. En effet, une étude a mis en évidence l’effet inhibiteur de l’extrait aqueux des feuilles sur l’agrégation plaquettaire induite par la thrombine. Les flavonoïdes sont les composés principaux impliqués dans cette activité [76, 77].
Action sur l’hyperlipidémie et l’athérosclérose
29L’administration quotidienne de l’extrait aqueux d’Urtica dioica à 150 mg/kg pendant 30 jours, que ce soit dans le cadre d’un régime normal ou bien riche en graisses, a provoqué une réduction des valeurs sériques des lipides et des lipoprotéines. Des diminutions significatives de cholestérol, du ratio LDL/HDL (Low Density/High Density Lipoproteins) ont été observées [77]. De même, l’administration d’un extrait éthanolique à des rats hypercholestérolémiques, avec les doses de 100 mg/kg et de 300 mg/kg, était l’origine de la diminution du taux du cholestérol et du LDL [78, 79].
Activité anti-allergique
30L’activité antiallergique de l’ortie est due principalement à deux mécanismes. En plus de son inhibition des récepteurs histaminiques H1, l’ortie inhibe la tryptase, réduisant en conséquence la dégranulation des mastocytes et la libération des cytokines pro inflammatoires [55]. Dans une étude clinique randomisée en double aveugle avec des patients allergiques, ayant comme symptôme une rhinite allergique, une amélioration des symptômes a été observée après une semaine de traitement [80].
Toxicité
31Les études toxicologiques ont montré que la DL50 (Dose létale médiane) de l’extrait aqueux des feuilles administré par voie intrapéritonéale chez des souris est de 3,5 g/Kg [71]. Tandis que la DL50 de l’extrait hydro-alcoolique des feuilles administré par voie orale est de 5,77 g/Kg [56]. Les études de toxicité réalisées sur les racines ont révélé que les valeurs des DL50 obtenues après injection intraveineuse de l’extrait aqueux et de l’infusé des racines chez le rat sont, respectivement 1,721 g/kg et 1,929 g/kg [81]. Alors que la DL50 des extraits hydro-alcoolique administré par voie intra péritonéale est de 600mg/Kg [82]. La dose toxique de l’huile fixe des graines d’ortie est supérieure à 12,8 ml/Kg [83]. Enfin, La DL50 chronique par voie orale chez le rat est de 1,31g/kg (Tableau 4).
Tableau 4. DL50 des différents extraits d’Urtica dioica
Tableau 4. DL50 des différents extraits d’Urtica dioica
Modes et précautions d’emploi
32Les parties utilisées de l’ortie sont les racines et les parties aériennes. Les feuilles d’ortie disposent d’une monographie de contrôle à la Pharmacopée européenne, les parties aériennes et les racines sont inscrites à la pharmacopée française.
33L’ortie est utilisée par voies orale et locale. Les modes de préparation les plus fréquemment employés en phytothérapie sont la poudre totale sèche, l’extrait sec, les infusions, les décoctions et les sucs frais. En usage interne, les parties aériennes sont utilisées comme diurétiques, dans le traitement de l’arthrite, du rhumatisme et de la goutte. Les tisanes d’ortie sont aussi employées dans le traitement des rhinites et des allergies saisonnières [84]. Grâce à leur haute teneur en fer et en oligo-éléments, les feuilles d’ortie en infusion, en teinture ou sous forme de jus frais sont prescrites dans les asthénies, les convalescences et dans les états de déminéralisation pour traiter l’anémie. En association avec le souci (Calendula officinalis) et la patience (Rumex crispus), les feuilles d’ortie sont utilisées pour le traitement des affections cutanées chroniques telles que l’eczéma, le psoriasis et l’urticaire [85]. Le jus frais d’ortie a un effet hémostatique sur les saignements cutanés, de nez et remédie aux règles abondantes dont elle réduit le flux [85]. En bain de bouche, l’ortie se révèle efficace contre les infections buccales comme les aphtes, les gingivites et les angines [86]. En usage externe, les cataplasmes d’ortie fraîche sont utilisés en cas d’acné ainsi que pour atténuer les douleurs arthritiques et rhumatismales [86]. L’ortie est aussi utilisée par voie externe dans les soins capillaires comme antipelliculaire et contre les cheveux gras. Par ailleurs, les racines d’ortie, seules ou associées au chou palmiste noir (Serenoa repens), sont employées sous forme de tisanes ou d’extraits dans les troubles mictionnels dus à l’hypertrophie bénigne de la prostate [85].
34Par analogie au mode d’administration des médicaments, le respect de la posologie est essentiel. La posologie adulte recommandée des parties aériennes séchées est de 1,2 à 18 g par jour. Pour les jus frais, la dose préconisée est de 15 à 45 ml par jour. Les doses indiquées pour les préparations à base de racine séchée sont 0,3 à 24 g par jour. Les doses et les fréquences d’administration conseillées pour chaque type de préparation sont illustrées dans le tableau 5.
35Bien qu’elle ait des propriétés anti allergiques, l’ortie peut provoquer des allergies chez les personnes sensibles. Quelques rares réactions d’hypersensibilité à type d’urticaire, prurit, œdème, oligurie et gastralgie ont été décrites dans la littérature [92, 93]. Par ailleurs, l’utilisation de l’ortie, par voie orale, est contre-indiquée chez la femme enceinte en raison du risque abortif [94], et chez les enfants de moins de 12 ans en raison d’un défaut d’études cliniques en la matière [1].
Tableau 5. Doses recommandées des différents extraits d’Urtica dioica
Tableau 5. Doses recommandées des différents extraits d’Urtica dioica
Conclusion
36Réputée pour ses effets irritants désagréables, l’ortie est en réalité riche en vitamines, en minéraux et pourvue de nombreuses vertus médicinales. Durant les dernières décennies, plusieurs travaux se sont axés sur les implications pharmacologiques et sur l’analyse de la composition chimique de la plante. Bien que toutes ses potentialités ne soient encore concrétisées, de nombreuses études ont raffermi ses indications revendiquées en médecine traditionnelle. En effet, mises en pratique in vitro et in vivo chez l’animal, ces études ont prouvé que cette plante possède de nombreuses propriétés pharmacologiques en termes de propriétés antiproliférative, anti-inflammatoire, anti-oxydante, analgésique, antiulcéreuse, immunostimulante, anti-infectieuse, anti-hypertensive et protectrice vis-à-vis des maladies cardiovasculaires. De surcroît, et eu égard à sa richesse en protéines, en minéraux et en vitamines, l’ortie procure un intérêt nutritionnel avéré. En matière de toxicologie, l’ortie demeure inoffensive et des doses significatives, administrées par voie orale chez l’homme, n’ont montré aucun effet secondaire. Dans la perspective d’un usage médical, plusieurs essais cliniques réalisés dans ce cadre, ont confirmé ces propriétés pharmacologiques chez l’Homme. Enfin, et au regard des avantages nutritionnels et thérapeutiques qu’elle affiche, l’ortie devrait être qualifiée de médicaments pour traiter non seulement l’hypertrophie bénigne de la prostate et les rhumatismes mais aussi les rhinites allergiques.
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Mots-clés éditeurs : Urtica dioica agglutinine, Hypertrophie bénigne de la prostate, (UDA), Urtica dioica, Polyphénols, Rhumatisme
Mise en ligne 27/08/2020
https://doi.org/10.3917/heg.063.0280