J’ai commencé à écrire cet essai après une visite dans une librairie vendant des livres érotiques d’occasion, lors d’un voyage à Bruxelles en 2018. Le magasin était situé dans un quartier gentrifié, rempli de cafés et de boutiques, et sa large vitrine donnait sur une place.
De loin, je me souviens que cette librairie érotique ressemblait plus à une librairie d’art ou à une boutique qui pourrait vendre des magazines d’art. Cette impression était en partie correcte. Il y avait, en vitrine, un étalage où se trouvaient des livres de photographes de l’ère Vice, ceux qui étaient à la mode dans mon adolescence ; rien n’était en revanche consacré à la vie underground, nocturne ou à la mode de manière plus générale — les livres derrière cette vitrine représentaient exclusivement des femmes, d’une manière sexualisée. Le magasin s’appelait Nuit de Chine.
En pénétrant dans le magasin pour la première fois, j’étais surprise de remarquer que les illustrations et les photographies qui décoraient les murs et dominaient les présentoirs ne montraient pas des femmes asiatiques — ce qu’aurait pu suggérer le nom de la boutique — mais noires. Ces images étaient idéalisées, légèrement floutées et leurs tons étaient doux. Elles dataient des années 1970 ou évoquaient l’esthétique de cette décennie.Ces images de femmes noires, dans un magasin qui semblait s’adresser principalement à une clientèle d’hommes blancs bruxellois, créèrent chez moi un léger sentiment d’angoisse. J’ai pensé au peu que je savais de l’histoire brutale du Congo belge…