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Article de revue

« J’accuse »… en 1984 : Le limogeage expéditif d’un général ouest-allemand a rappelé l’affaire Dreyfus et le scandale Fritsch en 1938

Pages 93 à 114

Notes

  • [1]
    Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Éditions sociales internationales, 1928, p. 15, trad. fr. Marcel Ollivier citée d’après https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm (site consulté en août 2014). Texte allemand : Karl Marx, « Der achtzehnte Brumaire des Louis Bonaparte », Marx Engels Werke, Berlin/DDR, 1972, vol. VIII, pp. 115-123, cité d’après http://www.mlwerke.de/me/me08/me08 _115.htm (site consulté le 10/07/2014).
  • [2]
    Deutscher Bundestag, rapport sténographique de la 77e séance, 28 juin 1984, f.° 5666, http://dipbt.bundestag.de/doc/btp/10/10077.pdf (site consulté le 21 juillet 2014).
  • [3]
    Idem. Sur l’affaire Dreyfus : Pierre Gervais, Romain Huret et Pauline Peretz, « Une relecture du “dossier secret” : homosexualité et antisémitisme dans l’Affaire Dreyfus », Revue d’histoire moderne et contemporaine 2008/1 (n° 55-1), pp. 125-160.
  • [4]
    « Dieser Dreck », Der Spiegel, n° 36, 1er septembre 1965, p. 46.
  • [5]
    Pour le parcours de Kießling, voir son autobiographie publiée pour la première fois en 1993, Versäumter Widerspruch, Mayence, Hase & Koehler, ainsi que Clemens Range, Kriegsgedient. Die Generale und Admirale der Bundeswehr, Müllheim/Baden, Verlag Translimes, 2013, pp. 262-264.
  • [6]
    Range, ibidem, p. 263.
  • [7]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, Fribourg-en-Brisgau, cote Bw 32/5, non paginé, notice du 30/01/1984 du commandant du groupe S du MAD et compte rendu adressé au chef d’état-major adjoint de la Bundeswehr, le Generalleutnant Windisch, du 19/03/1984.
  • [8]
    Diskussionen und Feststellungen des Deutschen Bundestages in Sachen Kießling, Bericht und Empfehlung des Verteidigungsausschusses als 1. Untersuchungsausschuss, Bonn, 1984 (abrégé en Kießling-Untersuchungs-ausschuss).
  • [9]
    Question adressée par courrier électronique en janvier et juillet 2014 à un témoin de l’époque, l’Oberst a. D. Heinz Kluss, et dossier inédit rédigé par Heinz Kluss intitulé Kein Versöhnungsbier in Moskau. Die Affäre Kießling und der Militärische Abschirmdienst. 30 Jahre danach als Lehrstück von einem mitverantwortlichen Akteur ausufernd erzählt, pp. 10 sq. De 1981 à 1985, Kluss fut commandant du groupe III du MAD. Dans le rapport d’enquête sur l’affaire Kießling, il n’est que brièvement fait allusion au formulaire interne du MAD sous le terme technique de « rapport de source protégée ». Voir Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 91.
  • [10]
    Un journal à sensation de Cologne avait, dès le 12 janvier, déniché le sosie dans le milieu gay et publié le soir-même un communiqué d’agence. Le prix Wächterpreis der deutschen Tagespresse, décerné par la fondation Freiheit der Presse, fut attribué au journaliste Udo Röbel pour son article. Voir Udo Röbel, Wie Express die Ehre eines Generals rettete, http://www.express.de/50-jahre-express/50-jahre-express-wie-express-die-ehre-eines-generals-rettete,25771420,26001438.html (site consulté le 21 juillet 2014).
  • [11]
    Titulaire d’un doctorat en droit, appartenant à l’aile conservatrice de son parti, la CDU, Manfred Wörner fut, de 1965 à 1988, membre du Bundestag, élu dans une circonscription rurale, traditionnellement conservatrice, du Wurtemberg. En tant qu’officier de réserve, il fut promu jusqu’au grade d’Oberst d. R. de la Luftwaffe. Expert reconnu en matière de défense, il fut ministre de la Défense sous Helmut Kohl après le changement de gouvernement en octobre 1982. De 1988 à sa mort en 1994, il fut secrétaire général de l’OTAN.
  • [12]
    Interview du témoin des évènements, le General a. D. Wolfgang Altenburg, à Lübeck-Travemünde, les 11 juin et 7 août 2014.
  • [13]
    Le texte du rapport de l’ASBw se trouve dans le Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 101-103. Au passage, un petit détail passé inaperçu jusqu’ici : le 3 janvier 1984, soit au tout début des nouvelles investigations menées sur la personne du général Kießling, Manfred Wörner, ministre fédéral de la Défense, décorait le chef du service secret militaire de la croix d’honneur en or de la Bundeswehr. Au même moment, le MAD fut chargé de la nouvelle enquête. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw 32/5, non paginé, télex en date du 18 janvier 1984 de l’ASBw adressé à des groupes du MAD. Reste à savoir si la remise de la décoration le 3 janvier était uniquement récompense et reconnaissance du travail prétendument réussi de l’ASBw (dans l’affaire Kießling ?) ou bien une gratification anticipée pour les nouvelles et vastes recherches qui allaient avoir lieu.
  • [14]
    La lettre de Kießling adressée au ministre fédéral de la Défense et datée du 23 décembre 1983 disait sans détour, à la manière concise d’un militaire : « Par la présente, je demande qu’une procédure disciplinaire judiciaire soit engagée contre ma personne. Motif : j’exige que soient éclaircis les faits que l’on me reproche. » Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 1.
  • [15]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/237515, correspondance contenue dans le dossier du secrétaire d’État parlementaire du ministère fédéral de la Défense Peter Kurt Würzbach.
  • [16]
    Claus Jacobi, « 1984 – Der General dachte an Selbstmord und siegte », Die Welt am Sonntag, 5 septembre 1999, republié en ligne le 28 septembre 2009 dans Die Welt à l’occasion du décès de Günter Kießling, http://www.welt.de/politik/deutschland/article4417124/Der-General-der-an-Selbstmord-dachte-und-siegte.html (site consulté le 11 juillet 2014).
  • [17]
    Idem.
  • [18]
    En tête du dossier d’enquête se trouve une note non datée du bureau P [Personnel] II 5 : « – somme toute, des infractions au droit disciplinaire ont-elles fait l’objet de reproches ? ; – à mon avis, risque pour la sécurité uniquement ! ; – en premier lieu, vérifier que la demande est recevable ; – élucidation des faits uniquement après réception d’un ordre » [ajout postérieur : « donné le 09/01 »] ; « (alors il faut enquêter sur toutes possibilités de manquement à une obligation, pas seulement sur celles qui sont en rapport avec la mise à la retraite ». Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, sans pagination, avant f° 1.
  • [19]
    Bundesarchiv, cotes Bw1/535370 à 535372, dossier d’enquête relatif à la procédure disciplinaire contre le General a. D. Kießling ; cote Bw1/344817, documents afférents de la direction des affaires administratives et juridiques du ministère fédéral de la Défense ; Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 235-255, 320-328 et 403-405, rapports d’enquête du bureau ES du 16 janvier 1984 accompagnés des suppléments du 24 janvier et du 27 janvier 1984 ; Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 421-442, rapport des enquêtes disciplinaires préliminaires du procureur disciplinaire aux forces armées près le tribunal disciplinaire et des réclamations Nord de la Bundeswehr du 31 janvier 1984, ainsi que f° 474-495, copie de ce document.
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw32/5, enquêtes et correspondance du groupe S du MAD responsable de Bonn et de l’élément allemand auprès du quartier général de l’OTAN. Parmi les documents, correspondance prouvant que le groupe S du MAD de Bonn, qui avait refusé en août 1983 de participer aux premières investigations contre Kießling, a été de nouveau chargé d’effectuer des recherches en Belgique. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw 32/5, non paginés, courriers du chef de la division I de l’ASBw au groupe S du MAD en date du 11 janvier 1984, ainsi que du commandant du groupe S du MAD au chef du service secret militaire en date du 13 janvier 1984.
  • [20]
    Kießling, op. cit., p. 427.
  • [21]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, sans pagination, avant f° 1.
  • [22]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 171 sq.
  • [23]
    Ibidem, pp. 172 sq. Les procès-verbaux d’interrogatoires du Stabsunteroffizier et de l’Oberfeldwebel (ce dernier fut interrogé trois jours, pendant plusieurs heures chaque fois) sont conservés au Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 89-98, 104 sq., 123-135, 168-178 et 182-186.
  • [24]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 116 sq.
  • [25]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg, à Lübeck-Travemünde les 11 juin et 7 août 2014.
  • [26]
    De 1966 à 1972, Ulrich de Maizière (1912-2006) fut chef d’état-major de la Bundeswehr et est considéré comme l’un des pères de l’Innere Führung [éducation morale et civique].
  • [27]
    D’après le rapport de la commission d’enquête du Bundestag et les articles de presse, participa à cet entretien, qui dura au moins deux heures et demie, en sus du ministre de la Défense et de son adjoint militaire principal, l’Oberst Dr Klaus Reinhardt, de nouveau le chef de la Chancellerie fédérale, Prof. Dr Waldemar Schreckenberger. Ce proche de Helmut Kohl fut même présenté, selon les souvenirs de Ziegler, comme le « représentant » du chancelier, lequel avait dû se faire excuser pour des raisons d’agenda. Le journaliste suisse fut traité à Bonn avec la plus grande attention : après un vol en première classe, il fut reçu personnellement par l’adjoint militaire principal du ministre de la Défense, l’Oberst i. G. Klaus Reinhardt, et conduit en voiture au ministère. Plus tard, Reinhardt remit à Ziegler une enveloppe contenant 2 500 DM en espèces pour ses frais de voyage. Voir « Wörner der Lächerlichkeit preisgegeben », Der Spiegel, n° 5, 1984, pp. 16-26 ; Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 117 et 176 sq.
  • [28]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 177.
  • [29]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg.
  • [30]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 176.
  • [31]
    « Alors, il faut que vous vous cherchiez un nouveau chef d’état-major », aurait lancé Altenburg à la tête du ministre. Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg.
  • [32]
    Pour les étapes précises du processus de réhabilitation du général Kießling, voir Kießling-Untersuchungsauschuss, pp. 121-123. Un détail négligé, mais non moins intéressant : l’avocat de Kießling ne négocia pas les conditions de réhabilitation de son client avec le ministère fédéral de la Défense, mais avec le conseiller juridique du groupe parlementaire de la CDU-CSU, Prof. Dr Mikat. Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 122.
  • [33]
    Rudolf Augstein, « Der schwule General », Der Spiegel, n° 4, 1984, p. 16.
  • [34]
    Gerd Schmückle, « Der Minister und sein General », Der Spiegel, n° 4, 1984, pp. 20 sq.
  • [35]
    Idem.
  • [36]
    Le comte von Kielmansegg était considéré comme un partisan convaincu des relations transatlantiques et fut commandant en chef des forces alliées du Centre-Europe (CINCENT) de l’OTAN de 1967 jusqu’à son départ à la retraite en 1968.
  • [37]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/237515, sans pagination, lettre du comte von Kielmansegg (datée par erreur du 14 janvier 1983). Un fait peu connu qui mériterait plus qu’un simple renvoi ironique en bas de page : le comte von Kielmansegg était le neveu du Generaloberst von Fritsch et publia en 1949 un livre sur l’affaire von Fritsch, souvent considéré comme l’ouvrage de référence par excellence sur ce thème jusqu’à ce que paraisse en 1965 dans le Spiegel un article très critique, reposant sur de nouveaux documents d’archives. Voir « Dieser Dreck », Der Spiegel, n° 36, 1er septembre 1965, p. 46 et Johann Adolf Graf von Kielmansegg, Der Fritsch-Prozess 1938. Abläufe und Hintergründe, Hambourg, Hoffmann und Campe, 1949.
  • [38]
    Idem.
  • [39]
    Par exemple, dans un article du FAZ, le journaliste Rainer Blasius qualifia Kießling de « victime d’une campagne de calomnie menée par le MAD ». Voir Rainer Blasius, « Hallo, Helden, bitte melden! », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17/03/2014, http://www.faz.net/aktuell/politik/politische-buecher/clemens-range-kriegsgedient-hallo-helden-bitte-melden-12850920.html (site consulté le 14/07/2014).
  • [40]
    Courrier électronique adressé à l’Oberst a. D. Heinz Kluss et, Heinz Kluss, Kein Versöhnungsbier, p. 2. Les volumineux dossiers de la commission Höcherl relatifs à la restructuration du MAD sont conservés au Bundesarchiv sous les cotes N724/33 à 37.
  • [41]
    Plus tard, Joseph (dit Joschka) Fischer fut ministre fédéral des Affaires étrangères de 1998 à 2005.
  • [42]
    Quartier de Bonn où se trouve le siège principal du ministère fédéral de la Défense.
  • [43]
    Autre échantillon de l’éloquence de Fischer : « Alors que le reproche d’homosexualité ne tenait plus debout – l’on est d’ailleurs en droit de se demander en quoi cela consiste un reproche – l’on remarqua subitement que le général Kießling tombait longuement et souvent malade, qu’il s’était procuré de faux papiers auprès du service fédéral de renseignement et qu’il s’était rendu à plusieurs reprises à Berlin-Ouest. Même pendant l’heure d’actualité du Deutscher Bundestag [séance du 20 janvier 1984], les roquets des arrière-bancs du groupe de l’Union ont transformé la tombe des parents de Günter Kießling en boîte aux lettres fictive et fait de Kießling un super-espion potentiel. [...] Et quand cette campagne de diffamation n’attira plus les foules, le ministre, s’affublant d’une barbe postiche, alla lui-même à la recherche de témoins. » Deutscher Bundestag, 10e période électorale, rapport sténographique de la 52e séance, 8 février 1984, pp. 3694-3697, citations pp. 3695 sq.
  • [44]
    Ibidem, p. 3696.
  • [45]
    Deutscher Bundestag, 10e période électorale, rapport sténographique de la 52e séance, 8 février 1984, pp. 3686-3690, citations p. 3687 et 3690.
  • [46]
    Ibidem, pp. 3687 sq.
  • [47]
    Ibidem., pp. 3690-3694, citations p. 3692.
  • [48]
    Dans son livre, Werner Grossmann, dernier directeur du service des renseignements extérieurs de la RDA, écrit brièvement que Krase travaillait au sein du MAD pour le compte des services secrets est-allemands, toutefois non pas au profit du service des renseignements extérieurs, mais de la direction II du ministère de la sécurité d’État (contre-espionnage). En raison des machinations au sein de ce ministère, le service des renseignements extérieurs n’était pas au courant de la qualité d’espion du chef adjoint de l’ASBw et le faisait « écumer » de son côté par l’un de ses agents, le journaliste Herbert Kloss. Voir Werner Grossmann, Bonn im Blick, 2e éd., Berlin, Das neue Berlin, 2007, pp. 136 sq.
  • [49]
    Par exemple : « Stasi-Spion im MAD fädelte Affäre Kießling ein! », Welt am Sonntag, 21/10/1990.
  • [50]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 91 sq.
  • [51]
    « Schlimme Schlappe », Der Spiegel, n° 44, 29 octobre 1990, pp. 32 sq.
  • [52]
    Ortwin Buchbender, « Das Wesentliche ist für die Augen unsichtbar », Auftrag Nr. 254, mai 2004, pp. 36-38.
  • [53]
    Idem.
  • [54]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 98-106. De même, le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Altenburg, déclara devant la commission d’enquête du Bundestag que c’est la référence au Landeskriminalamt Nordrhein-Westfalen qui le persuada, ainsi que tous les autres collaborateurs au sein du ministère : « Là, il n’y avait aucun doute ; le LKA était derrière tout cela. » Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/344814, audition du témoin Altenburg le 23 février 1984, f° 15 à 71, ici f° 63.
  • [55]
    À la demande de l’auteur, interview du secrétaire d’État en retraite Joachim Hiehle par le Kapitän z. S. a. D. Dieter Leonard, à Berlin, le 05/08/2014.
  • [56]
    Dans la partie du Kießling-Untersuchungsausschuss rédigée en 1984 par le SPD, il est une seule fois fait brièvement allusion au ministère de la sécurité d’État : le soi-disant témoin Gerhard Hans August, interrogé par Wörner et habitué des milieux gays de Cologne, aurait auparavant travaillé pour le ministère de la sécurité d’État de la RDA. Voir Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 178.
  • [57]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 421-442 et 474-495, rapport des enquêtes disciplinaires préliminaires du procureur disciplinaire aux forces armées près le tribunal disciplinaire et des réclamations Nord de la Bundeswehr du 31/01/1984.
  • [58]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, ici f° 271, 434 sq. et 487 sq. Une demande effectuée en mars 2014 auprès du délégué fédéral chargé des dossiers de la sécurité d’État de l’ancienne République démocratique allemande est, à ce jour, restée sans réponse.
  • [59]
    Voir Axel Jeschke / Dieter Uentzelmann, « Gänsebraten im Dschungel », Der Spiegel, n° 29, 15 juillet 1991, pp. 34-38, ici p. 37 ; Günter Bohnsack et Herbert Brehmer, Auftrag: Irreführung. Wie die Stasi Politik im Westen machte, Hambourg, Carlsen Verlag, 1992, pp. 160 et 163.
  • [60]
    Kießling, op. cit., pp. 448 sq.
  • [61]
    Dans son autobiographie parue en 1993, Kießling expose sur dix longues pages ses difficiles relations quotidiennes avec le SACEUR américain. Voir Kießling, op. cit., pp. 397-406. De son côté, le General a. D. Altenburg a confirmé le caractère pénible du général américain : Rogers représentait l’« arrogance of power ». Interview du général Altenburg, op. cit. Lors de son audition devant la commission d’enquête du Bundestag le 23 février 1984, le chef d’état-major de la Bundeswehr évoquait déjà sans détour les relations de service du général Kießling au Grand quartier général des puissances armées en Europe (SHAPE) en les qualifiant de « querelles [...] qu’[il fallait] résoudre une fois pour toutes ». Plus tard, interrogé par un député du SPD, Altenburg rappela qu’il « n’[avait] pas le droit » de donner d’autres « informations concernant le travail au SHAPE ». Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/344814, audition du témoin Altenburg le 23 février 1984, f° 15 à 71, ici f° 27 et 62.
  • [62]
    Dans son autobiographie, Kießling critique sur 22 pages, parfois vivement, la position toute-puissante des Américains au sein de l’OTAN, la stratégie nucléaire de l’OTAN en vigueur alors et l’organisation du service quotidien au SHAPE. Voir Kießling, op. cit., pp. 389-410.
  • [63]
    Interview du témoin des évènements, Dr Georg Meyer, à Fribourg, le 7 octobre 2014.
  • [64]
    Entretien téléphonique avec le témoin des évènements, le Generalarzt a. D. Horst Henning, à Cologne, le 21 octobre 2014.
  • [65]
    En particulier, la solution consistant à nommer le Generalleutnant Mack à la succession de Kießling fut accueillie « positivement » à Mons. Voir notamment Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 86. Un indice supplémentaire : pas plus tard que fin septembre 1983, le quotidien Die Welt annonçait que Kießling partirait en avril 1984 et que le général Mack lui succéderait. Voir Rüdiger Monick, « General Mack Nachfolger von Kießling », Die Welt, 28/09/1983.
  • [66]
    Auditions du 12/01/1984 du Generalleutnant von Sandrart, chef d’état-major adjoint du SHAPE de 1983 à 1984, et de l’Oberst i. G. Dr Reinhardt. Il est en outre à noter que Wörner s’est entretenu avec le général Rogers le 20 octobre 1983 à Mons. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote BW1/535370, f° 82, 84-86.
  • [67]
    À plusieurs reprises, les dossiers d’enquête ministérielle font mention de l’existence à l’OTAN d’un « dossier du général Farrar Hawkley [sic !] » au sujet de Kießling. Le Britannique Sir Anthony Farrar-Hockley fut commandant en chef des forces alliées du Nord-Europe de 1979 à 1982. Voir Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 69 et 82. L’Oberst i. G. Dr Reinhardt aurait déclaré au MAD qu’il avait « entendu dire que le général Rogers [...] avait dit : “La CIA ne dort pas” ». Note du chef du service secret militaire en date du 10/01/1984. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 88.
    Toutes ces informations ont été noircies par le ministère fédéral de la Défense avant que les documents soient remis à la commission d’enquête.
  • [68]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 40, 57, 151 et 153, auditions du Kapitän z. S. J. et de l’Oberstleutnant B. le 10/01/1984 et rapport du bureau P II 5 du ministère fédéral de la Défense du 16/01/1984. Les déclarations relatives au SHAPE faites par les deux officiers ont été noircies par le ministère fédéral de la Défense avant que les documents soient remis à la commission d’enquête.
  • [69]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg le 11 juin 2014 et Range, ibidem, p. 42.
  • [70]
    Voir Jürgen Reichardt, Hardthöhe Bonn. Im Strudel einer Affäre, Bonn, Osning, 2008.
  • [71]
    Kießling, op. cit., pp. 448 sq.
  • [72]
    Rudolf Augstein, « Die Vorhinrichtung », Der Spiegel, n° 3, 1984, p. 16. Selon une légende du nord de l’Allemagne, après avoir été décapité, le pirate Klaus Störtebecker marcha devant le rang de ses compagnons, lesquels furent alors libérés.
  • [73]
    Klaus Pokatzky, membre de la rédaction du Deutschlandfunk, attira l’attention sur ce fait lors d’une interview de Günter Kießling en 2008 : « Monsieur Kießling, est-ce que cela vous affecte encore que lorsque quelqu’un entend prononcer votre nom, il pense aussitôt à un scandale qui, en fait, devrait porter les noms d’autres personnes ? » http://www.deutschlandradiokultur.de/ ehemaliger-general-wirft-bundeswehrfuehrung-verdraengung-vor.954.de.html?dram:article_id=143686 (site consulté le 10/07/2014).
Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce [1].

« J’accuse, une farce tudesque en 1984 »

1

En tant qu’homme, il n’était pas particulièrement apprécié par ses camarades officiers. Rigide, silencieux [...] et d’une correction quasiment artificielle ; [...] en haut lieu, son comportement correct exagéré pendant le service avait déjà été remarquée, non sans agacement. Ces traits de caractère le firent immédiatement apparaître sous un jour défavorable au moment où les soupçons tombèrent sur lui [...]. Aussitôt, il fut admis que sa culpabilité ne faisait aucun doute. Comme l’on ne trouvait ni mobile ni preuves matérielles, les officiers chargés de l’enquête [...] comblèrent les lacunes en construisant et forgeant des documents à charge [...] [2].

2 Lors du débat parlementaire de juin 1984, le député du groupe d’opposition des Verts, Roland Vogt, établit à l’époque un franc parallèle entre l’affaire Kießling et l’affaire Dreyfus et continua à citer l’historienne américaine Barbara Tuchmann :

3

Le dossier qu’ils avaient établi [...] était si convaincant que les membres de l’état-major ne doutèrent pas un instant de la culpabilité [...]. [...] Mesdames et messieurs [...] Je ne voudrais pas pousser jusqu’à l’absurde cette comparaison entre l’affaire Dreyfus – affaire classique qui a marqué une époque – et l’affaire contemporaine Wörner-Kießling, bien qu’il y ait des points de rencontre frappants. Dans les deux cas, l’appareil du pouvoir a agi contre l’un de ses représentants. Dans les deux cas, les responsables, guidés par la raison d’État et la logique du pouvoir, se sont obstinés sans remords à priver de ses droits élémentaires un citoyen en uniforme. Dans les deux cas, une minorité est – au passage – diffamée. En France, pendant la Troisième République – alors que l’affaire sourdait entre 1897 et 1899 –, la population juive était visée, puisque Dreyfus était juif ; en 1984, dans la République fédérale d’Allemagne, il s’agissait de ceux et celles qui aiment une personne du même sexe. Dans les deux cas, la surévaluation de la menace adverse et les névroses sécuritaires dans ce que l’on appelait pays de la ligne de front ont formé le terreau propice à l’intervention des autorités aux fins de briser l’individu. Pourtant, dans les deux cas, des forces opposées se mobilisent, qui, luttant contre de considérables résistances, contribuent, en recourant à de pénibles procédures, à la réhabilitation de la victime. Dreyfus fut décoré de la Légion d’honneur ; Kießling s’est vu tout de même rendre les honneurs du Zapfenstreich [grand cérémonial militaire], à l’occasion de son départ. [...] “J’accuse”, une farce tudesque en 1984. Voyeurisme, besoin de se faire valoir, propension à la verbosité et arrivisme de subordonnés s’associent ici à la volonté obstinée de l’homme à la tête du ministère de la Défense de se maintenir au pouvoir [3].

4 Le parallèle que fait ressortir Vogt devant le Bundestag sur le ton agressif d’un député de l’opposition est effectivement étonnant. Par la même occasion, le membre du parti des Verts faisait aussi allusion à une autre référence historique. On n’y prêta cependant pas plus ample attention, contrairement à la comparaison – dont on abusa souvent – avec la crise déclenchée en 1938 par l’affaire Fritsch.

La crise déclenchée en 1938 par l’affaire Fritsch

5 Dans de nombreuses publications, les historiens se sont penchés sur les événements qui avaient conduit en fin de compte à la mort tragique de Werner von Fritsch (1880‑1939), Generaloberst et commandant en chef de l’armée de terre, et ils sont assez connus pour qu’il suffise d’esquisser ici brièvement les faits. En janvier 1938, le Generalfeldmarschall Hermann Göring présenta de prétendus « éléments » fournis par la Gestapo, selon lesquels le Generaloberst von Fritsch aurait entretenu des relations homosexuelles. Il dut même subir une confrontation avec un jeune prostitué (« garçon de passe »), précisément dans l’enceinte de la Chancellerie du Reich en présence d’Adolf Hitler. Fritsch défendit son honneur et réclama une procédure devant une Cour martiale. Durant son enquête, le Reichskriegsgerichtsrat Dr Carl Sack remonta les traces laissées par le faux témoin et découvrit la confusion intentionnelle de personnes manigancée par la Gestapo. Le procès se termina en mars 1938 par la réhabilitation de Fritsch. Il est vrai qu’il ne récupéra pas sa fonction de commandant en chef de l’armée de terre. Profondément blessé dans son honneur, Fritsch tomba le 22 septembre 1939 devant Varsovie pendant une opération du 12e régiment d’artillerie, dont il était le colonel en chef. Qu’il ait eu des envies de suicide ressort notamment d’une lettre qu’il écrivit à une amie : « J’accompagnerai mon régiment uniquement en tant que cible, parce que je ne peux rester à la maison [4]. » Il n’y a pas de doute que la fin du général – y compris en tenant compte de la position dans laquelle se trouvait le plus haut gradé de l’armée de terre dans le système dictatorial nazi – fut une tragédie humaine.

6 Günter Kießling (1925-2009), général de la Bundeswehr, ne s’était certainement jamais imaginé le moins du monde qu’il deviendrait pour ainsi dire le personnage principal d’une pièce de théâtre qui, mal composée et mise en scène en 1983 dans les décors de la capitale fédérale de Bonn, reprenait la crise soulevée par l’affaire Fritsch dans le Berlin de l’an 1938.

Fin de carrière sur un tas de décombres

7 La carrière de Kießling fut rectiligne et rapide. Titulaire d’un doctorat en sciences politiques, il fut promu Brigadegeneral en 1971. Il était, à seulement 45 ans, le plus jeune que la Bundeswehr ait connu jusqu’alors. En 1976, il prit le commandement de la 10e division blindée dont l’état-major était à Sigmaringen et en 1979 et des forces terrestres alliées du Schleswig-Holstein et du Jutland (corps d’armée LANDJUT) [5]. La méticulosité de Kießling en tout ce qui touchait au service, sa « spartiate simplicité » et extrême parcimonie dans ses affaires privées étaient devenues presque légendaires et firent de lui le « plus singulier général de la Bundeswehr », comme l’exprimait de manière pertinente Clemens Range [6]. En 1982, il fut nommé au poste d’adjoint au commandant suprême des forces alliées en Europe (DSACEUR) à Mons en Belgique, où il était le plus haut représentant de l’armée allemande. La brillante et extraordinaire carrière de Kießling se termina au milieu d’un aussi extraordinaire tas de décombres.

8 Au cours de l’été 1983, les rumeurs diffamantes provenant de milieux allemands de l’OTAN gagnèrent les couloirs du ministère ouest-allemand de la Défense situé sur la Hardthöhe à Bonn. Elles disaient que le général Kießling avait des « tendances homosexuelles » et que son chef, le général américain Bernhard W. Rogers, commandant suprême des forces alliées en Europe, le récusait pour cette raison. Apprenant que le plus haut général allemand de l’OTAN était homosexuel et, de ce fait, constituait un « risque pour la sécurité », le service secret de la Bundeswehr, le Militärischer Abschirmdienst (MAD), se sentit électrisé.

9 Pendant longtemps, l’homosexualité a été un grand sujet tabou dans presque toutes les armées, donc également dans la Bundeswehr. Ainsi, la numérotation continue des bataillons faisait un saut pour le bataillon d’artillerie blindée de la 17e brigade d’infanterie mécanisée : au lieu du numéro 175, il portait le numéro 177. Le nombre 175 ne rappelait que trop le paragraphe 175 du code pénal, qui sanctionnait l’homosexualité, et tenait lieu de synonyme par excellence d’homosexuel. Le service secret militaire considérait les officiers ayant des tendances homosexuelles comme des proies exposées au chantage et, en conséquence, des vecteurs de risque pour la sécurité.

« Un prénom avec un Ü »

10 La direction de la sécurité de la Bundeswehr (Amt für Sicherheit in der Bundeswehr, abrégé en ASBw), alors autorité supérieure du MAD, ordonna une première enquête de sécurité. Dans les documents, aujourd’hui consultables, du groupe S du MAD, responsable de Bonn et de l’élément allemand dans les services de l’OTAN, se trouvent des pièces qui apportent un peu de lumière sur le déroulement des opérations secrètes : ainsi, le 29 juillet 1983, le chef de la division I de l’ASBw ordonna au groupe S du MAD de procéder à une enquête sur le général « concernant le soupçon d’homosexualité ». Le commandant du MAD à Bonn refusa la mission et commanda de « ne prendre aucune mesure », car, s’agissant d’un des plus importants généraux, la mission ne pouvait être exécutée sur simple ordre d’une direction, mais qu’il fallait qu’auparavant les « échelons supérieurs politique et militaire soient informés ». De surcroît, « l’ordre » était « trop général, insuffisant, voire superficiel et, de ce fait, inapproprié » [7].

11 Finalement, c’est le groupe III du MAD à Düsseldorf qui fut chargé par l’ASBw de mener une enquête dans les milieux de Cologne. La commission d’enquête mise en place par le Bundestag[8] et la presse d’investigation reconstituèrent le déroulement des événements : un adjudant du MAD contacta un fonctionnaire de la police judiciaire de Cologne, qu’il connaissait personnellement. Celui-ci et un collègue montrèrent une photo de Kießling dans des bars et boîtes fréquentés par les gays de la ville rhénane. Dès le second établissement visité, un tenancier crut reconnaître l’homme : la personne sur la photo était un « garde de la Bundeswehr ». Oui, Günter ou Jürgen, il portait « en tout cas un prénom avec un ü ».

12 Après avoir pris connaissance du premier rapport du groupe III du MAD de Düsseldorf formulant le reproche (qui s’avérera erroné) que le général fréquentait les milieux gays de Cologne, le chef de l’ASBw, le Brigadegeneral Behrend, informa le ministre fédéral de la Défense. Un aspect très important dans ce contexte, et jusqu’ici à peine connu, est le fait que ce compte rendu du groupe III du MAD était rédigé sur un formulaire spécial, encadré en rouge à droite sur une demi-page (c’est pourquoi on l’appelait en interne « papier autrichien »). Cela signifiait que le texte écrit dans cet encadrement rouge devait être vérifié et – selon le règlement intérieur du MAD – « n’était pas approprié à servir de fondement à un blâme [9] ».

13 Le témoignage relatif à un « Günter de la Bundeswehr », « accablant » à tort le général Kießling, qui atterrit sur le bureau du ministre de la Défense devint par la suite tristement célèbre et couvrit de ridicule le service secret militaire. Des recherches menées en janvier 1984 par des journalistes de la presse à sensation identifièrent un ancien employé civil de la Bundeswehr, qui ressemblait physiquement au général Kießling et fréquentait les milieux gays de Cologne [10].

14 Le 19 septembre 1983, en présence du General Wolfgang Altenburg, chef d’état-major de la Bundeswehr, Manfred Wörner (1934-1994) [11], ministre fédéral de la Défense, et Kießling s’entendirent pour que ce dernier soit mis à la retraite anticipée le 31 mars 1984 – sans que ce départ soit considéré comme une « reconnaissance de culpabilité », insista Kießling. En contrepartie, le ministre ordonna au MAD de mettre fin aux investigations. Début novembre, le secrétaire d’État Dr Joachim Hiehle donna, fait surprenant, la consigne de reprendre l’enquête entamée par le MAD. En outre, le secrétaire d’État Dr Joachim Hiehle ordonna au général Altenburg de se tenir sur-le-champ à l’écart de l’affaire Kießling. Le général rétorqua que seul le ministre de la Défense pouvait lui donner des ordres, sur quoi le secrétaire d’État répondit que le ministre en avait décidé ainsi [12].

15 Toujours en novembre, au ministère, le chef de l’ASBw, le Brigadegeneral Behrendt, fit part à plusieurs reprises – ce qui est avéré – de ses vives réserves à l’égard de cette directive. Cependant, le secrétaire d’État Hiehle et le Generalleutnant Walter Windisch, en tant que chef d’état-major adjoint de la Bundeswehr et supérieur hiérarchique du MAD, insistèrent pour que l’enquête reprenne.

16 Le rapport décisif de l’ASBw en date du 6 décembre 1983 ne faisait finalement que reprendre le compte rendu de septembre, cette fois (erronément) complété par le Landeskriminalamt Nordrhein-Westfalen (office de la police judiciaire de Rhénanie du Nord-Westphalie) comme source prétendue. Jusqu’aujourd’hui, dans la narration habituelle qu’il est fait de cette histoire scandaleuse, on oublie généralement ou passe sous silence que le rapport de décembre établi par l’ASBw considérait comme « inopportune » la suppression de l’habilitation de sécurité donnée au général Kießling. Le Brigadegeneral Behrendt recommanda « de ne pas observer la procédure habituelle dans le traitement ultérieur de cette affaire », car si elle devenait publique, « vu la position exposée du général Dr K., elle nuirait à la réputation de la République fédérale d’Allemagne et causerait de grands dommages ». Toutefois, « dans ce cas particulier », la décision devait être prise par les « instances suprêmes » du ministère de la Défense [13].

17 Comme l’on sait, le ministère fédéral de la Défense ne suivit pas cette recommandation. Au lieu de cela, après un entretien, le 8 décembre, avec le Generalleutnant Walter Windisch, le Generalleutnant Hans Kubis (directeur du personnel) et l’Oberst Dr Klaus Reinhardt (adjoint militaire principal du ministre) et d´autres, Wörner décidèrent de mettre Kießling à la retraite anticipée à la fin de l’année, conformément au § 50 de la loi sur le statut juridique des militaires, sans entendre au préalable le général et sans lui rendre les honneurs militaires.

18 Le 23 décembre, totalement consterné, le général Kießling reçut son acte de libération, remettant de son côté une lettre dans laquelle il réclamait qu’on engage une procédure disciplinaire contre lui [14]. Profondément blessé dans son honneur, le général Kießling n’en resta pas là. En janvier 1984, il porta plainte devant le tribunal administratif de Cologne [15]. Il voyait dans cette démarche l’unique solution pour se laver des reproches diffamants à son égard. « Devait-il partir à la retraite sans rien dire ? […] Devait-il espérer finir paisiblement ses jours dans une situation d’injustice ou devait-il en appeler au droit, même au prix d’une dégoûtante empoignade devant les tribunaux ? », se souvint le journaliste Claus Jacobi dans son article du Welt am Sonntag, paru le 5 septembre 1999, relatant sa rencontre avec Kießling le 4 janvier 1984 [16]. Pour le général Kießling, il s’agissait de lutter pour recouvrer son honneur. Jacobi établit en 1999 un parallèle flagrant avec l’affaire Blomberg-Fritsch de 1938. Wörner avait « accordé plus de foi à des témoignages provenant du milieu homosexuel qu’à son général – à l’instar de Hitler [17] ».

Investigations – par tous les moyens

19 Début 1984, reposant sur la demande de procédure disciplinaire effectuée par le général Kießling contre lui-même, de nouvelles et amples investigations furent formellement entreprises [18]. Furent impliqués les bureaux ES (enquêtes spéciales), P II 5 et FüS [état-major des armées] II 6 du ministère fédéral de la Défense, de nouveau l’ASBw et le MAD, ainsi que le procureur disciplinaire aux forces armées et même le cabinet du ministre [19]. Manfred Wörner se trouvait sous une énorme pression, puisqu’il avait déclaré sur la chaîne de télévision allemande ZDF que, dans l’affaire Kießling, toute erreur était exclue [20]. En recourant pratiquement à tous les moyens, le ministère fédéral de la Défense se mit à chercher le moindre indice de « preuve » exploitable à charge de Kießling – et disculpant Wörner. Les enquêteurs du ministère s’appliquèrent à dénicher toute infraction de service imaginable. Le volumineux dossier d’enquête consultable aux Archives militaires atteste le zèle proverbial qui fit passer au peigne fin les dix dernières années de service du général Kießling. Il devait bien y avoir quelque part quelque saleté utilisable contre celui qui était à présent général en retraite, ainsi que l’exigeait la note initiale du dossier : « Il faut suivre toutes les pistes menant à un manquement possible [21]. »

20 Dans la partie du rapport d’enquête du Bundestag rédigée par le parti d’opposition SPD, on peut donc lire :

21

« Les investigations d’une ampleur incroyable [ont été menées] dans toutes les directions imaginables », « dans le seul et unique but manifeste de trouver une justification a posterioride la mise à la retraite illégale du général [22] ». « Pareil filtrage systématique de la situation d’une personne n’est pas conciliable avec les principes directeurs de la Constitution de la République fédérale d’Allemagne [...] ; il va à l’encontre du respect et de la protection de la dignité humaine résultant de l’article 1, alinéa 1, de la Loi fondamentale [de la République fédérale d’Allemagne], et au principe de proportionnalité ancré dans l’État de droit », critiqua l’opposition parlementaire sociale-démocrate. De surcroît, les deux chauffeurs du général Kießling furent « interrogés de manière inquisitoriale sur leur vie intime, notamment leur vie sexuelle. De telles questions ne sont pas compatibles avec l’exigence du respect de leur dignité humaine » [23].

22 « Jusqu’où un ministre peut-il s’avilir ? », se demanda d’ailleurs Claus Jacobi dans l’hebdomadaire Welt am Sonntag du 5 septembre 1999. Cette interrogation, pointant déjà implicitement la lourde défaillance morale du ministre fédéral de la Défense, faisait référence à plusieurs entretiens que Wörner avait eus avec d’obscurs et soi-disant témoins surgis du milieu homosexuel. Le 19 janvier 1984, deux douteux « individus susceptibles de fournir des renseignements », fréquentant les lieux gays de Cologne, furent convoqués au bureau du ministre. Selon le rapport de la commission d’enquête du Bundestag, outre le ministre fédéral de la Défense, auraient assisté à ce fort mémorable entretien le General Wolfgang Altenburg, chef d’état-major de la Bundeswehr, le General a. D. Ulrich de Maizière, ancien chef d’état-major de la Bundewehr, le secrétaire d’État Dr Lothar Rühl, Dr Manfred Gundlach, chef de la police judiciaire de Cologne, voire Prof. Dr Waldemar Schreckenberger, chef de la Chancellerie fédérale [24]. La liste des participants est un véritable Who’s who des dirigeants politiques et militaires de la Bundeswehr. Lors d’une interview, le General a. D. Altenburg se rappela qu’il avait certes été invité à cet entretien, mais qu’il était arrivé si en retard au rendez-vous qu’il avait attendu dans le couloir à la porte du bureau du ministre. Altenburg déclara en prenant du recul [25] que le 19 janvier, Wörner, se trouvant déjà en butte aux tirs ardents de la presse et devant faire face aux critiques de l’opinion publique, voulait se préserver, par la présence du chef d’état-major de la Bundeswehr et de l’ancien chef d’état-major, d’éventuelles véhémentes attaques. Fait foi de cette appréciation, la participation souhaitée par Wörner d’un homme aussi honorable et considéré que le General a. D. de Maizière [26].

23 Ce faisant, le sommet de l’absurde n’était cependant pas encore atteint ; ce fut le cas le lendemain au ministère de la Défense. Alexander Ziegler, un journalist frayant dans les cercles homosexuels zurichois, à la réputation fort douteuse, avait fait savoir dans une lettre adressée au ministre qu’il fournirait de nouveaux documents à charge contre Kießling. Pour Wörner et ses collaborateurs à la tête du ministère de la Défense, cette annonce suffit – à peine deux jours après réception de la lettre – pour faire venir immédiatement en avion de Zurich à Cologne-Bonn le « témoin » Ziegler et le recevoir dans le bureau ministériel [27]. C’est sur le compte de Ziegler qu’il faut porter les informations erronées au sujet de contacts du général Kießling avec « un garçon de passe » de Düsseldorf. Là-dessus, tout à fait illégalement, les dossiers de 304 appelés portant le même nom que le soi-disant prostitué furent vérifiés, dont 22 demandés aux bureaux de sélection et de recrutement – sans résultat bien entendu [28].

24 Lors d’une interview, l’ancien chef d’état-major de la Bundeswehr Wolfgang Altenburg se souvint que le ministre fédéral de la Défense, juriste de formation, était persuadé qu’il était expert et capable de prendre les meilleures résolutions. Lorsqu’en janvier 1984, les reproches formulés à l’égard du général Kießling ne résistèrent plus à un examen, Wörner « agit de plus en plus avec précipitation [29] ». Une confrontation entre les « témoins » louches et le général en retraite fut même préparée, autre analogie avec l’affaire de 1938. Seul l’avocat de Kießling empêcha un nouveau paroxysme dans ette pièce digne du théâtre de l’absurde [30].

25 La date de l’entretien entre Wörner et Ziegler est politiquement remarquable en ce sens que, ce 20 janvier 1984, le Bundestag était en train de débattre de l’affaire Kießling dans le cadre d’une heure d’actualité demandée par le groupe des Verts. Que Wörner n’ait pas cédé surtout à ce moment-là, qu’il soit allé désespérément en quête de quelconques nouveaux témoins à charge, en ait trouvé et reçu, témoigne d’un manque surprenant et consternant de compétence politique et surtout morale. Les assertions de Ziegler, bien peu fiables et frisant la pornographie, dont la presse fit très rapidement écho, alimentèrent la goutte d’eau proverbiale qui fit déborder le vase. Selon les souvenirs d’Altenburg, la vague d’indignation qui s’éleva à la suite de l’entretien avec Ziegler atteignit le bureau du militaire suprême de la Bundeswehr. Il aurait menacé le ministre de la Défense de démissionner s’il n’était pas mis fin à cette « action déshonorante engagée contre Kießling [31] ».

26 En dépit des vastes efforts d’investigation, aucune charge accablante contre Kießling ne fut trouvée et, le 30 janvier, Wörner tourna la barre à 180 degrés et fit marche arrière du plus vite qu’il put. Le 1er février, le général réintégra le service actif pour être mis – pour la seconde fois – à la retraite à la fin du mois de mars 1984, cette fois-ci avec tous les honneurs militaires [32].

« ON PROTÉGEAIT LE MINISTRE ET ACCABLAIT LE GÉNÉRAL »

27 Kießling était profondément déçu de l’attitude de ses camarades officiers généraux. Le General a. D. Gerd Schmückle (1917-2013) constituait une rare exception. Jusqu’à sa retraite en 1980, il fut adjoint au commandant suprême des forces alliées en Europe, donc l’un des prédécesseurs de Kießling à ce poste. Schmückle est l’une des rares personnes qui, même en public, soutint le général déchu. Lors d’un débat télévisé, il attaqua Wörner avec véhémence : « Même en faisant de gros efforts, Kießling n’aurait pu causer le dommage engendré effectivement par le traitement de l’affaire par le ministère géré par Wörner [33]. » Dans le numéro 4 du magazine Der Spiegel de 1984, Schmückle formula également une accusation contre le commandement militaire des forces armées :

28

On protégeait le ministre et accablait le général qui était déjà à terre. Les généraux sont restés muets, sans voix, devant la manière de traiter un général, et abasourdis devant la manière avec laquelle un ministre, mobilisant toute la puissance des moyens dont il dispose, s’en est pris à un homme qui, tout récemment encore, était son plus proche collaborateur [34].

29 Pour Schmückle aussi, la comparaison historique avec l’affaire von Fritsch est évidente :

30

En dépit des canailles qui ont manigancé le scandale von Fritsch, le Generaloberst a été innocenté en relativement peu de temps. Les honnêtes gens du ministère doivent veiller à ne pas se tirer encore plus mal de l’affaire Kießling que les fripouilles d’alors [35].

« Une personne telle que Fritsch n’a pas fait cela »

31 De leur côté, d’anciens généraux vinrent épauler (cependant pas au grand jour) Wörner, en première lice le General a. D. Johann Adolf Graf von Kielmansegg (1906-2006) [36]. Dans une lettre datée du 14 janvier, il recommandait au ministre fédéral de la Défense « de faire ressortir de manière bien plus éclatante » le comportement « déloyal » de Kießling (en « s’adressant à l’opinion publique » et en « ne respectant pas un accord »). En raison des parallèles frappants, le comte von Kielmansegg, lui aussi, pensa évidemment au scandale von Fritsch ; toutefois, il retourna contre le général Kießling, qui luttait pour recouvrer son honneur, les similitudes : « Une personne telle que Fritsch n’a pas fait cela [37]. »

32 Il est révélateur, vu les circonstances, que le comte von Kielmansegg ait fait allusion à la situation inextricable de Fritsch, alors que Kießling tentait simplement de rétablir sa dignité. « Une personne telle que Fritsch n’a pas fait cela », parce qu’en 1938 Fritsch n’avait pas la moindre possibilité d’en appeler à l’opinion publique. Restant profondément blessé dans son honneur, malgré une « réhabilitation » devant la cour martiale, Fritsch n’eut d’autre recours que de chercher la mort à la première occasion sur le champ de bataille en septembre 1939. Kießling, en revanche, pouvait porter l’affaire devant les tribunaux et l’opinion publique.

33 Le 14 janvier, le General a. D. Graf von Kielmansegg conseilla au ministre aux abois de conduire la campagne médiatique du ministère de la Défense contre Kießling en s’assurant le concours de journalistes loyaux :

34

Peut-être ne pouvez-vous pas le faire directement, vous personnellement ou le ministère, mais il y a des journalistes sûrs et amis, au moins Feldmeyer [Karl Feldmeyer, le correspondant à Bonn du Frankfurter Allgemeine Zeitung].

35 Il faudrait seulement que le MAD et le secrétaire d’État Hiehle « paient les pots cassés ». Von Kielmansegg termina son injonction :

36

En aucun cas, vous ne devez démissionner. Vous devez faire face à la situation. Vous devez rester en place. Je ne suis pas le seul à le penser [38].

37 Wörner resta à son poste. En raison de l’énorme pression politique et médiatique, Wörner offrit, pour la forme, sa démission au chancelier. Sans hésiter, Helmut Kohl refusa. Les conséquences qui furent tirées sur le plan du personnel ne concernaient que les responsables de deuxième et troisième rangs et correspondaient exacement à ce que le général von Kielmansegg avait préconisé au ministre malmené : le secrétaire d’État Hiehle et la tête du MAD durent « payer les pots cassés » : le Brigadegeneral Behrendt fut limogé, deux colonels et un haut fonctionnaire mutés d’office, et des mesures disciplinaires furent prises à l’encontre d’un nombre inconnu d’autres collaborateurs. Pour toutes les parties impliquées – pour le mi­- nistre en difficulté aussi bien que pour la presse flairant le scandale –, le MAD était apparemment le bouc émissaire tout désigné, et l’est resté en général jusqu’aujourd’hui [39].

38

« On peut très simplement attribuer une faute à un service de renseignement puisque celui-ci ne peut, par nature, se défendre en public sans livrer des détails internes de son travail, c’est-à-dire dévoiler des secrets », déclara un ancien colonel du MAD interrogé sur le sujet. Le service secret militaire fut restructuré conformément aux recommandations formulées par la commission Höcherl, qu’un ancien officier du MAD qualifia de « tribunal correctionnel » [40].

« Exécution morale d’un homme »

39 Le ministre de la Défense Wörner fut couvert de lazzis et de moquerie acerbes, même en plein parlement. Le point d’orgue des débats fut atteint le 8 février 1984 par le député des Verts Joseph Fischer [41] : « Monsieur Wörner et son orchestre panique jouant à Hardthöhe[42]] [ont tenté] de réduire à néant Günter Kießling, aussi bien publiquement que moralement, quand ils se sont vus politiquement en manque de preuves. » « Sans relâche, les rumeurs les plus venimeuses fuitaient du ministère de la Défense. » Fischer s’en prit violemment à Wörner :

40

Il laissa à d’autres le soin de répandre du purin. […] Que Günter Kießling ait été homosexuel ou non, il fallait qu’il le devienne ! Qu’on ait pu ou non le faire chanter, il fallait que cela devienne possible ! Qu’il ait représenté ou non un danger, il fallait qu’il le devienne ! Tels étaient désormais les impératifs primitifs du maintien au pouvoir qui ont présidé aux actions de Manfred Wörner et de sa camarilla. On a tenté publiquement de mettre en scène l’exécution morale d’un homme pour conserver à son poste un ministre va-t-en-guerre [43].

41 La motivation de Wörner, régissant les investigations qui eurent lieu en janvier 1984, ne peut se résumer avec plus de clarté et de finesse que ne le font les paroles de Fischer. À la lumière des documents qui nous sont parvenus sur l’affaire Kießling, les attaques de Fischer à l’égard de Wörner gardent tout leur bien-fondé. La figure de proue des Verts n’eut pas peur de désigner la source présumée des bruits qui couraient. Ils remontaient « sans ambiguïté à l’entourage du commandant en chef de l’OTAN [44] ».

42 Avec tout le sérieux qu’on lui connaît, Willy Brandt, président du SPD, prit la parole pendant le débat. Il aborda la question de l’importance de « l’honneur en général » et de « l’honneur des officiers en particulier ». Dans cette affaire, « ces notions ont été déformées et retournées, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que des contrefaçons ». Brandt vit la Bundeswehr exposée à une « raillerie planétaire d’ouest en est » : « Ni la République fédérale d’Allemagne ni la Bundeswehr n’ont mérité cela [45]. » Brandt rappela que « les droits des citoyens [devaient] être protégés des services de renseignements – aussi bien allemands qu’étrangers – pas assez qualifiés [...] tendant peut-être aussi à l’excès de zèle [46] », un thème redevenu de haute actualité (ou qui l’a toujours été). Prenant la parole pour le groupe CDU/CSU, Volker Rühe déplora les « lourdes vexations » dont le général Kießling avait été l’objet. Cependant, il se « réjouis[sait] » que celui-ci ait désormais obtenu « satisfaction » [47].

Cui bono ?

43 En fin de compte, dès 1983, l’orientation sexuelle des généraux n’était pas (ou plus) d’un grand intérêt, dans la mesure où elle ne menait pas à une « déviance » politique. Si le ministère avait tenu à garder Kießling, il aurait certainement pu le maintenir à son poste – tout prétendu homosexuel ou non qu’il ait été. En janvier 1984, alors qu’il n’était plus possible – malgré des investigations tous azimuts – de suspecter le général d’homosexualité, le ministère de la Défense essaya de démontrer qu’il s’était rendu coupable d’autres manquements, lesquels auraient suffi à l’achever définitivement. Dans la recherche de la vérité, les Romains se demandaient déjà : « Cui bono ? », c’est-à-dire « À qui cela profite-t-il ? »

44 À l’automne 1990, l’opinion publique apprit que l’Oberst Joachim Krase [48], chef adjoint de l’ASBw de 1980 à 1984 et décédé en 1988, avait été un agent du contre-espionnage est-allemand depuis 1973. De nombreux médias et compagnons de route de Wörner répandirent aussitôt le bruit que le ministère de la sécurité d’État de la RDA, par l’entremise de Krase, avait tramé l’affaire Kießling dans le but de renverser le ministre fédéral de la Défense [49]. Pourtant, en 1984, la commission d’enquête du Bundestag avait constaté que l’Oberst i. G. Krase (en remplacement du Flottillenadmiral Elmar Schmähling, qui allait être destitué de ses fonctions de chef du MAD pour une autre affaire), avait ordonné dès le 5 août 1983 un « arrêt complet des investigations [50] ». Pour le magazine Der Spiegel, en 1990, la raison en était simple : « L’agent devait craindre de sauter sur le champ de mines du scandale [51] », explication tout à fait plausible, du moins, jusqu’à la découverte de nouveaux documents. Quelques chercheurs, tel Ortwin Buchbender, sont persuadés que Krase, et donc le ministère de sécurité d’État de l’ex-RDA, tirait en secret les ficelles de l’affaire [52]. L’argument principal de Buchbender est l’existence d’un passage dans le rapport de l’ASBw en date du 6 décembre 1983 selon lequel Kießling « avait [été] identifié sans équivoque » par le Landeskriminalamt Nordrhein-Westfalen (LKA NRW) lors des investigations menées dans les milieux gays de Cologne. Buchbender est convaincu que la fausse référence au Landeskriminalamt a été ajoutée dans le rapport par Krase et que ce dernier exerçait une influence directe sur le secrétaire d’État Hiehle [53]. En effet, c’est ce renvoi au LKA NRW qui balaya les derniers doutes, ce qui conduisit finalement à la décision ferme et intransigeante du 8 décembre 1983 de limoger le général Kießling à la fin de l’année [54]. Interrogé sur ce point, l’ancien secrétaire d’État Hiehle exclut en août 2014 toute ingérence de Krase sur sa prise de décision dans l’affaire Kießling en précisant qu’il n’avait même pas eu de contact direct avec Krase et qu’il ne l’avait d’ailleurs pas souhaité, trouvant Krase très antipathique. Hiehle endossa la seule et entière responsabilité de ses décisions [55].

45 L’influence du ministère de la sécurité d’État de la RDA sur le déroulement ultérieur de l’affaire Kießling serait sans doute une hypothèse passionnante, mais il n’a pas encore été possible de la prouver [56]. Si influence il y eut, elle ne fut pas le fruit de Krase et du MAD, mais elle participa d’une campagne de désinformation : lorsque les reproches formulés contre le général en retraite Kießling furent connus dans les journaux et l’opinion publique début janvier 1984, une kyrielle d’informateurs venus de la population contactèrent le MAD et le ministère fédéral de la Défense, prétendant avoir vu le général, au cours des derniers mois ou années, dans différents bars fréquentés par les gays dans toutes sortes de villes, de Cologne en passant par Düsseldorf, Essen et Munich jusqu’à Berlin-Ouest. Le procureur disciplinaire aux forces armées, chargé de l’instruction, suivit les pistes indiquées et parvint à prouver que chacune d’elles était fausse ou, à tout le moins, peu crédible. L’accumulation de ces informations très douteuses et absurdes provenant de nombreuses villes révèle l’important potentiel de délation inhérent à la population ouest-allemande ou bien semble peut-être attester que certains renseignements ont pu faire partie d’une campagne de désinformation ciblée (initiée par la sécurité d’État est-allemande ?) [57]. Nous ne citerons à titre d’exemple qu’une de ces fausses communications : le 19 janvier 1984, une femme appela la Bundeswehr et déclara que le général en retraite Kießling avait porté la veille à la télévision une cravate ornée du chiffre 7. Cette cravate, continua-t-elle, était le signe d’appartenance au « Club 7 » de Berlin, soi-disant un « club d’homosexuels et de lesbiennes ». L’enquête du procureur disciplinaire aux forces armées montra que, lors de son interview télévisée, Kießling portait une cravate brodée sur fond bleu d’une hache dorée ressemblant à un… 7 : l’insigne du groupe d’armées Nord (NORTHAG) [58]. Interviewés par le magazine Der Spiegel en 1991, Günter Bohnsack, travaillant au sein du ministère de la sécurité d’État pour la direction X (« Mesures actives ») du service des renseignements extérieurs, et Herbert Brehmer, responsable, dans le même service, des « services secrets occidentaux », reconnurent « avoir lancé une nouvelle action » au moment où l’affaire Kießling était déjà classée. Dans le livre qu’ils publièrent en 1992, les deux officiers du ministère de la sécurité d’État accusèrent Krase d’avoir été le « joker dans ce jeu » et « d’avoir contribué à faire repartir l’affaire » [59]. Les nombreuses et singulières dénonciations émanant de la population, ils ne les mentionnent à aucun moment. Pourquoi ? Ne disent-ils pas la vérité en soutenant que leurs services étaient derrière tout cela ?

46 Objectivement, il apparaît discutable que les services secrets est-allemands aient été à l’origine de l’affaire Kießling : du point de vue de la RDA, il n’y avait aucun avantage à « éliminer » Kießling de son poste à l’OTAN, d’autant plus qu’il était de tendance neutraliste. Après lui, un autre général serait venu. À l’OTAN, les généraux pouvaient être remplacés. Ce qui n’était pas le cas des agents est-allemands placés à la tête du service secret militaire ouest-allemand. Günter Kießling lui-même douta fortement, jusqu’à sa mort, que les services secrets de la RDA aient été les instigateurs de l’affaire. Toutefois, il considérait qu’il était tout à fait possible que la Stasi ait « pris le train en marche, une fois l’affaire déclenchée [60] ».

47 Il serait très intéressant d’élucider la question suivante : derrière les dénonciations venant de Bruxelles, se cachait-il autre chose que de simples animosités personnelles entre deux généraux quatre étoiles allemand et américain [61] ? Kießling ne faisait pas de mystère autour de son scepticisme vis-à-vis de l’Amérique et de l’OTAN : ainsi, en 1989, il publia Neutralität ist kein Verrat [La neutralité n’est pas de la trahison] et, en 1993, son autobiographie Versäumter Widerspruch [Appel manqué] [62]. Il n’est pas exclu que, dès 1982-1983 (à peu près en plein débat sur le stationnement de missiles de moyenne portée sur le territoire ouest-allemand), des différends en matière de politique de sécurité aient surgi entre le commandant en chef de l’OTAN et son adjoint, qui rendirent opportune la relève du gêneur. Cependant, si Kießling avait déjà endossé une position critique à l’égard des Etats-Unis pendant son service actif, il faudrait remettre en question la sélection du personnel destiné à occuper les plus hauts postes de l’OTAN. Un témoin de l’époque et ami de Kießling se souvint que lors de plusieurs rencontres en 1982 celui-ci avait fait part de ses réflexions au sujet d’une Allemagne unifiée, mais neutre. Ceci porte à croire que Kießling, au moment où il occupait le poste d’adjoint au commandant suprême des forces alliées en Europe, remettait en question – à tout le moins en pensée – l’appartenance à l’OTAN. Autant qu’il s’en souvienne, l’interlocuteur étonné demanda à Kießling s’il avait déjà exposé ces idées au général Rogers. En guise de réponse, Kießling n’aurait ébauché qu’un sourire [63].

48 Un autre ami intime de Kießling confirma que la première priorité de celui-ci durant toute la période de son service au sein de l’armée (et après) avait été le rétablissement de l’unité de l’Allemagne, telle que définie dans le préambule de la constitution ouest-allemande. L’appartenance de l’Allemagne (de l’Ouest) à l’OTAN n’était pas une fin en soi. Kießling soutenait cette appartenance dans la mesure où elle était en conformité avec les intérêts allemands et ne contrecarrait surtout pas la réunification finale de l’Allemagne. Si cela était nécessaire, Kießling était prêt à renoncer à l’appartenance de l’Allemagne de l’Ouest à l’OTAN pour ouvrir la voie à la réunification. Ce faisant, il s’inspirait de la solution trouvée pour l’Autriche en 1955 : une neutralité perpétuelle. Voilà pourquoi à ses yeux « la neutralité [n’était] pas de la trahison ». Pour Kießling, qui avait une pensée orientée sur l’idée de nation, les intérêts allemands prédominaient dans sa réflexion et son action. Ces priorités mettaient le général Kießling en porte-à-faux avec le commandement américain au QG de l’OTAN. Selon les souvenirs de ce proche ami de Kießling, l’un des conflits portait sur l’emploi, envisagé en cas de guerre, d’armes nucléaires tactiques sur le territoire allemand ; Kießling s’y opposait fortement en raison des destructions massives qui en découleraient [64].

49 D’après les documents internes, désormais consultables, du ministère fédéral de la Défense, touchant aux investigations dans l’affaire Kießling, il appert que des officiers allemands en poste à Mons attirèrent l’attention sur la position très faible et à peine supportable de Kießling. C’est pourquoi la décision prise en septembre 1983 de mettre à la retraite le général Kießling et de ne plus le laisser retourner à son bureau au SHAPE aurait été accueillie de manière très positive et avec soulagement par l’OTAN [65]. Toutefois, estimèrent de hauts officiers allemands auprès de l’OTAN, « la chose », c’est-à-dire le fait que Kießling était en congé maladie jusqu’à sa mise à la retraite anticipée, ne pourrait pas « se terminer bien » d’ici la fin du mois de mars 1984. Le Generalleutnant Hans-Henning von Sandrart déclara au procès-verbal que « la chose [ferait] probablement surface bien avant » et qu’il ne savait pas avec certitude « combien de temps encore le couvercle se maintiendra[it] sur la marmite ». C’est la raison pour laquelle Sandrart avait « vivement conseillé » au ministre fédéral de la Défense « d’envoyer Kießling à la retraite bien avant » [66]. À la lumière de cette allégation, la décision de décembre de mettre Kießling à la retraite dès la fin de l’année apparaît sous un jour nouveau.

50 Il faudrait en outre se demander si les rumeurs qui couraient en 1983 atteignirent vraimemt « par hasard » le MAD ou si elles n’avaient pas été plutôt lancées intentionnellement. Tout compte fait, la très faible position de Kießling réduisait l’influence de l’Allemagne à l’OTAN. C’est pourquoi les milieux allemands à l’OTAN auraient certainement eu intérêt à ce que Kießling soit rapidement remplacé par un autre général. En effet : Kießling était sans doute le seul à connaître son propre désir de quitter bientôt le service actif – en sus de quelques amis et également de Wörner (que Kießling comptait au nombre de ses amis) ; à Mons, en revanche, personne n’était au courant. Quelle qu’ait été la personne qui sciait en secret les barreaux de la chaise de Kießling, elle devait s’attendre à ce que le général reste encore quelques années à la tête du SHAPE [67]. Les dossiers d’enquête ministérielle sur Kießling contiennent une information, qui n’a pas retenu l’attention jusqu’ici, selon laquelle des officiers allemands au SHAPE avaient voulu empêcher l’entrée en fonction de Kießling et étaient même allés jusqu’à s’adresser – toutefois sans succès – à la direction du personnel du ministère fédéral de la Défense, alléguant la soi-disant homosexualité du général [68]. Pourquoi de telles tentatives n’auraient-elles pas continué en empruntant d’autres voies, d’autant plus que l’attribution du poste à Kießling s’avéra une erreur ?

51 Parmi les faits qui n’ont pas encore été soumis à un examen critique, il faut compter, en outre, la décision de l’ASBw – après le refus du MAD de Bonn – de charger le groupe du MAD de Düsseldorf de mener une enquête dans les milieux gays de Cologne. Pourquoi justement Cologne ? Depuis 1979, Kießling résidait à Rendsburg, au Schleswig-Holstein et, en sus, depuis 1982, pour des raisons professionnelles, à Mons en Belgique. N’aurait-il pas été logique d’effectuer des recherches à Hambourg et Bruxelles ? Ou bien le MAD disposait-il effectivement d’indices qui venaient de Cologne ou l’amenèrent à y enquêter ?

CHERCHEZ LE COUPABLE

52 En fin de compte, jusqu’à nos jours, les discussions tournent toujours autour de la question : quel est le « coupable » de l’affaire ? Les collaborateurs du MAD de l’époque renvoient aux décisions prises par le ministère et essaient parfois de tirer une ligne de démarcation entre la base du MAD et l’échelon hiérarchique supérieur, l’ASBw, celui-ci ayant commis les erreurs cruciales, affirme-t-on. Les tenants et compagnons de route de Manfred Wörner s’efforcent de disculper le ministre et de faire endosser l’entière responsabilité au secrétaire d’État d’alors, Joachim Hiehle. Depuis peu, quelques voix émanant de ces milieux essaient de « faire porter le chapeau » au chef d’état-major de la Bundeswehr Altenburg, ce que ne corrobore cependant pas le déroulement effectif des prises de décisions. Pendant les quatre mois qu’a duré l’affaire Kießling, l’attitude du General Altenburg a été politiquement et personnellement correcte. Bien des années plus tard, Kießling et lui se sont expliqués franchement et se sont réconciliés. Altenburg assista aux obsèques de Kießling en 2009. Selon le vœu expressément formulé par Kießling avant son décès, Altenburg prit place sur l’un des quatre sièges du premier rang, signe ostensible pour tous les invités à la cérémonie et surtout pour les représentants des médias, de la réconciliation des deux généraux [69].

53 L’ancien porte-parole de Wörner, Jürgen Reichardt, a publié en 2008 un ouvrage sur l’affaire, dans lequel il stigmatise le MAD et juge sévèrement le général en retraite Gerd Schmückle [70]. En fait, Schmückle n’a certainement aucune responsabilité dans l’affaire, bien au contraire, puisqu’en 1984 il s’était affiché en première ligne comme le défenseur le plus décidé de Kießling et le plus virulent critique de Wörner, ce dont l’entourage de Wörner lui tient rancune jusqu’aujourd’hui. Et finalement, en la personne de l’Oberst i. G. Günter Krase, l’agent est-allemand à la tête de l’ASBw, démasqué en 1990, se présente un autre coupable, assumant quasiment un rôle idéal qu’on lui attribue volontiers.

54 Compte tenu des intérêts en jeu et des buts possibles, tout porte à croire que les origines « conspiratives » et floues de l’affaire Kießling – si tant est qu’il y en eût une – sont plutôt à chercher à Mons qu’à Berlin-Est. Il est possible, toutefois, comme le formulait Kießling, que la sécurité d’État de l’ex-RDA « ait pris le train en marche une fois l’affaire déclenchée » et qu’elle n’ait fait qu’attiser l’ardeur du scandale. La campagne de désinformation fomentée par Berlin-Est visait vraisemblablement à semer la confusion et l’insatisfaction à l’intérieur de la Bundeswehr, du ministère fédéral de la Défense et de l’OTAN. Il est aussi possible qu’à la fin de cette partie d’échecs, le roi – le ministre fédéral de la Défense – devait tomber.

55 Kießling publia son « J’accuse » en 1993 sous la forme d’une autobiographie portant le titre pertinent de Versäumter Widerspruch [Appel manqué]. Sans ménagement, il règle ses comptes avec ceux qu’il croyait responsables de sa déchéance, en premier lieu avec Wörner, le ministre fédéral de la Défense. Malgré tout, en 1993, Kießling semble prendre un air résigné : « Je doute d’apprendre jamais toute la vérité sur le fond du scandale [71]. »

Epilogue

56 Comme des ombres, l’affaire et – quoique bien à tort – le soupçon d’homosexualité poursuivirent Kießling sa vie durant. Il lutta courageusement contre ces fantômes et essaya de donner de nouvelles orientations à sa vie publique. Il créa une fondation qui, portant son nom, promeut les traditions de la Bundeswehr, et fut plus tard un invité de choix et un conférencier maintes fois apprécié à l’école d’officiers de l’armée de terre. Günter Kießling décéda le 28 août 2009 à l’âge de 83 ans.

57 L’histoire se répète : une première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. En 1938, les reproches sans fondement et malintentionnés contre Werner von Fritsch privèrent le Generaloberst de son honneur et finirent en tragédie humaine. Les manœuvres du ministère fédéral de la Défense, notamment du ministre, aux alentours des années 1983-1984 à l’encontre du général Kießling portaient nettement les traits d’une farce, même si la personne qui en était l’objet la considérait bien évidemment comme une tragédie. Dans un article de janvier 1984 du Spiegel, Rudolf Augstein l’avait résumé en ces termes : « S’il [Kießling] devait être réhabilité, ce serait comme si l’on voulait replacer la tête du pirate Störtebecker sur son tronc après qu’on la lui a tranchée [72]. » En revanche, que le ministre – personnellement et politiquement responsable – ait été épargné des éclaboussures de l’affaire et que, dans la mémoire collective, le scandale reste jusqu’aujourd’hui presque uniquement attaché au nom de la victime du scandale, il n’y a pas de doute que cela soit une farce [73].

58 Les affaires Kießling, Fritsch et Dreyfus présentent d’étonnantes similitudes. La différence essentielle entre celles de 1938 et de 1984 est la suivante : en 1984, le général Kießling est parvenu à rétablir son honneur par la voie judiciaire et grâce à des journalistes d’investigation – en se dressant contre tout l’appareil et la toute-puissance du ministère fédéral de la Défense. C’est ce qui distingue considérablement l’affaire Fritsch de l’affaire Kießling et finalement rend évident l’abîme séparant un État totalitaire de non-droit d’un État de droit à constitution démocratique.

Notes

  • [1]
    Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Éditions sociales internationales, 1928, p. 15, trad. fr. Marcel Ollivier citée d’après https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm (site consulté en août 2014). Texte allemand : Karl Marx, « Der achtzehnte Brumaire des Louis Bonaparte », Marx Engels Werke, Berlin/DDR, 1972, vol. VIII, pp. 115-123, cité d’après http://www.mlwerke.de/me/me08/me08 _115.htm (site consulté le 10/07/2014).
  • [2]
    Deutscher Bundestag, rapport sténographique de la 77e séance, 28 juin 1984, f.° 5666, http://dipbt.bundestag.de/doc/btp/10/10077.pdf (site consulté le 21 juillet 2014).
  • [3]
    Idem. Sur l’affaire Dreyfus : Pierre Gervais, Romain Huret et Pauline Peretz, « Une relecture du “dossier secret” : homosexualité et antisémitisme dans l’Affaire Dreyfus », Revue d’histoire moderne et contemporaine 2008/1 (n° 55-1), pp. 125-160.
  • [4]
    « Dieser Dreck », Der Spiegel, n° 36, 1er septembre 1965, p. 46.
  • [5]
    Pour le parcours de Kießling, voir son autobiographie publiée pour la première fois en 1993, Versäumter Widerspruch, Mayence, Hase & Koehler, ainsi que Clemens Range, Kriegsgedient. Die Generale und Admirale der Bundeswehr, Müllheim/Baden, Verlag Translimes, 2013, pp. 262-264.
  • [6]
    Range, ibidem, p. 263.
  • [7]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, Fribourg-en-Brisgau, cote Bw 32/5, non paginé, notice du 30/01/1984 du commandant du groupe S du MAD et compte rendu adressé au chef d’état-major adjoint de la Bundeswehr, le Generalleutnant Windisch, du 19/03/1984.
  • [8]
    Diskussionen und Feststellungen des Deutschen Bundestages in Sachen Kießling, Bericht und Empfehlung des Verteidigungsausschusses als 1. Untersuchungsausschuss, Bonn, 1984 (abrégé en Kießling-Untersuchungs-ausschuss).
  • [9]
    Question adressée par courrier électronique en janvier et juillet 2014 à un témoin de l’époque, l’Oberst a. D. Heinz Kluss, et dossier inédit rédigé par Heinz Kluss intitulé Kein Versöhnungsbier in Moskau. Die Affäre Kießling und der Militärische Abschirmdienst. 30 Jahre danach als Lehrstück von einem mitverantwortlichen Akteur ausufernd erzählt, pp. 10 sq. De 1981 à 1985, Kluss fut commandant du groupe III du MAD. Dans le rapport d’enquête sur l’affaire Kießling, il n’est que brièvement fait allusion au formulaire interne du MAD sous le terme technique de « rapport de source protégée ». Voir Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 91.
  • [10]
    Un journal à sensation de Cologne avait, dès le 12 janvier, déniché le sosie dans le milieu gay et publié le soir-même un communiqué d’agence. Le prix Wächterpreis der deutschen Tagespresse, décerné par la fondation Freiheit der Presse, fut attribué au journaliste Udo Röbel pour son article. Voir Udo Röbel, Wie Express die Ehre eines Generals rettete, http://www.express.de/50-jahre-express/50-jahre-express-wie-express-die-ehre-eines-generals-rettete,25771420,26001438.html (site consulté le 21 juillet 2014).
  • [11]
    Titulaire d’un doctorat en droit, appartenant à l’aile conservatrice de son parti, la CDU, Manfred Wörner fut, de 1965 à 1988, membre du Bundestag, élu dans une circonscription rurale, traditionnellement conservatrice, du Wurtemberg. En tant qu’officier de réserve, il fut promu jusqu’au grade d’Oberst d. R. de la Luftwaffe. Expert reconnu en matière de défense, il fut ministre de la Défense sous Helmut Kohl après le changement de gouvernement en octobre 1982. De 1988 à sa mort en 1994, il fut secrétaire général de l’OTAN.
  • [12]
    Interview du témoin des évènements, le General a. D. Wolfgang Altenburg, à Lübeck-Travemünde, les 11 juin et 7 août 2014.
  • [13]
    Le texte du rapport de l’ASBw se trouve dans le Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 101-103. Au passage, un petit détail passé inaperçu jusqu’ici : le 3 janvier 1984, soit au tout début des nouvelles investigations menées sur la personne du général Kießling, Manfred Wörner, ministre fédéral de la Défense, décorait le chef du service secret militaire de la croix d’honneur en or de la Bundeswehr. Au même moment, le MAD fut chargé de la nouvelle enquête. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw 32/5, non paginé, télex en date du 18 janvier 1984 de l’ASBw adressé à des groupes du MAD. Reste à savoir si la remise de la décoration le 3 janvier était uniquement récompense et reconnaissance du travail prétendument réussi de l’ASBw (dans l’affaire Kießling ?) ou bien une gratification anticipée pour les nouvelles et vastes recherches qui allaient avoir lieu.
  • [14]
    La lettre de Kießling adressée au ministre fédéral de la Défense et datée du 23 décembre 1983 disait sans détour, à la manière concise d’un militaire : « Par la présente, je demande qu’une procédure disciplinaire judiciaire soit engagée contre ma personne. Motif : j’exige que soient éclaircis les faits que l’on me reproche. » Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 1.
  • [15]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/237515, correspondance contenue dans le dossier du secrétaire d’État parlementaire du ministère fédéral de la Défense Peter Kurt Würzbach.
  • [16]
    Claus Jacobi, « 1984 – Der General dachte an Selbstmord und siegte », Die Welt am Sonntag, 5 septembre 1999, republié en ligne le 28 septembre 2009 dans Die Welt à l’occasion du décès de Günter Kießling, http://www.welt.de/politik/deutschland/article4417124/Der-General-der-an-Selbstmord-dachte-und-siegte.html (site consulté le 11 juillet 2014).
  • [17]
    Idem.
  • [18]
    En tête du dossier d’enquête se trouve une note non datée du bureau P [Personnel] II 5 : « – somme toute, des infractions au droit disciplinaire ont-elles fait l’objet de reproches ? ; – à mon avis, risque pour la sécurité uniquement ! ; – en premier lieu, vérifier que la demande est recevable ; – élucidation des faits uniquement après réception d’un ordre » [ajout postérieur : « donné le 09/01 »] ; « (alors il faut enquêter sur toutes possibilités de manquement à une obligation, pas seulement sur celles qui sont en rapport avec la mise à la retraite ». Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, sans pagination, avant f° 1.
  • [19]
    Bundesarchiv, cotes Bw1/535370 à 535372, dossier d’enquête relatif à la procédure disciplinaire contre le General a. D. Kießling ; cote Bw1/344817, documents afférents de la direction des affaires administratives et juridiques du ministère fédéral de la Défense ; Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 235-255, 320-328 et 403-405, rapports d’enquête du bureau ES du 16 janvier 1984 accompagnés des suppléments du 24 janvier et du 27 janvier 1984 ; Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 421-442, rapport des enquêtes disciplinaires préliminaires du procureur disciplinaire aux forces armées près le tribunal disciplinaire et des réclamations Nord de la Bundeswehr du 31 janvier 1984, ainsi que f° 474-495, copie de ce document.
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw32/5, enquêtes et correspondance du groupe S du MAD responsable de Bonn et de l’élément allemand auprès du quartier général de l’OTAN. Parmi les documents, correspondance prouvant que le groupe S du MAD de Bonn, qui avait refusé en août 1983 de participer aux premières investigations contre Kießling, a été de nouveau chargé d’effectuer des recherches en Belgique. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw 32/5, non paginés, courriers du chef de la division I de l’ASBw au groupe S du MAD en date du 11 janvier 1984, ainsi que du commandant du groupe S du MAD au chef du service secret militaire en date du 13 janvier 1984.
  • [20]
    Kießling, op. cit., p. 427.
  • [21]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, sans pagination, avant f° 1.
  • [22]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 171 sq.
  • [23]
    Ibidem, pp. 172 sq. Les procès-verbaux d’interrogatoires du Stabsunteroffizier et de l’Oberfeldwebel (ce dernier fut interrogé trois jours, pendant plusieurs heures chaque fois) sont conservés au Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 89-98, 104 sq., 123-135, 168-178 et 182-186.
  • [24]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 116 sq.
  • [25]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg, à Lübeck-Travemünde les 11 juin et 7 août 2014.
  • [26]
    De 1966 à 1972, Ulrich de Maizière (1912-2006) fut chef d’état-major de la Bundeswehr et est considéré comme l’un des pères de l’Innere Führung [éducation morale et civique].
  • [27]
    D’après le rapport de la commission d’enquête du Bundestag et les articles de presse, participa à cet entretien, qui dura au moins deux heures et demie, en sus du ministre de la Défense et de son adjoint militaire principal, l’Oberst Dr Klaus Reinhardt, de nouveau le chef de la Chancellerie fédérale, Prof. Dr Waldemar Schreckenberger. Ce proche de Helmut Kohl fut même présenté, selon les souvenirs de Ziegler, comme le « représentant » du chancelier, lequel avait dû se faire excuser pour des raisons d’agenda. Le journaliste suisse fut traité à Bonn avec la plus grande attention : après un vol en première classe, il fut reçu personnellement par l’adjoint militaire principal du ministre de la Défense, l’Oberst i. G. Klaus Reinhardt, et conduit en voiture au ministère. Plus tard, Reinhardt remit à Ziegler une enveloppe contenant 2 500 DM en espèces pour ses frais de voyage. Voir « Wörner der Lächerlichkeit preisgegeben », Der Spiegel, n° 5, 1984, pp. 16-26 ; Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 117 et 176 sq.
  • [28]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 177.
  • [29]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg.
  • [30]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 176.
  • [31]
    « Alors, il faut que vous vous cherchiez un nouveau chef d’état-major », aurait lancé Altenburg à la tête du ministre. Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg.
  • [32]
    Pour les étapes précises du processus de réhabilitation du général Kießling, voir Kießling-Untersuchungsauschuss, pp. 121-123. Un détail négligé, mais non moins intéressant : l’avocat de Kießling ne négocia pas les conditions de réhabilitation de son client avec le ministère fédéral de la Défense, mais avec le conseiller juridique du groupe parlementaire de la CDU-CSU, Prof. Dr Mikat. Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 122.
  • [33]
    Rudolf Augstein, « Der schwule General », Der Spiegel, n° 4, 1984, p. 16.
  • [34]
    Gerd Schmückle, « Der Minister und sein General », Der Spiegel, n° 4, 1984, pp. 20 sq.
  • [35]
    Idem.
  • [36]
    Le comte von Kielmansegg était considéré comme un partisan convaincu des relations transatlantiques et fut commandant en chef des forces alliées du Centre-Europe (CINCENT) de l’OTAN de 1967 jusqu’à son départ à la retraite en 1968.
  • [37]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/237515, sans pagination, lettre du comte von Kielmansegg (datée par erreur du 14 janvier 1983). Un fait peu connu qui mériterait plus qu’un simple renvoi ironique en bas de page : le comte von Kielmansegg était le neveu du Generaloberst von Fritsch et publia en 1949 un livre sur l’affaire von Fritsch, souvent considéré comme l’ouvrage de référence par excellence sur ce thème jusqu’à ce que paraisse en 1965 dans le Spiegel un article très critique, reposant sur de nouveaux documents d’archives. Voir « Dieser Dreck », Der Spiegel, n° 36, 1er septembre 1965, p. 46 et Johann Adolf Graf von Kielmansegg, Der Fritsch-Prozess 1938. Abläufe und Hintergründe, Hambourg, Hoffmann und Campe, 1949.
  • [38]
    Idem.
  • [39]
    Par exemple, dans un article du FAZ, le journaliste Rainer Blasius qualifia Kießling de « victime d’une campagne de calomnie menée par le MAD ». Voir Rainer Blasius, « Hallo, Helden, bitte melden! », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17/03/2014, http://www.faz.net/aktuell/politik/politische-buecher/clemens-range-kriegsgedient-hallo-helden-bitte-melden-12850920.html (site consulté le 14/07/2014).
  • [40]
    Courrier électronique adressé à l’Oberst a. D. Heinz Kluss et, Heinz Kluss, Kein Versöhnungsbier, p. 2. Les volumineux dossiers de la commission Höcherl relatifs à la restructuration du MAD sont conservés au Bundesarchiv sous les cotes N724/33 à 37.
  • [41]
    Plus tard, Joseph (dit Joschka) Fischer fut ministre fédéral des Affaires étrangères de 1998 à 2005.
  • [42]
    Quartier de Bonn où se trouve le siège principal du ministère fédéral de la Défense.
  • [43]
    Autre échantillon de l’éloquence de Fischer : « Alors que le reproche d’homosexualité ne tenait plus debout – l’on est d’ailleurs en droit de se demander en quoi cela consiste un reproche – l’on remarqua subitement que le général Kießling tombait longuement et souvent malade, qu’il s’était procuré de faux papiers auprès du service fédéral de renseignement et qu’il s’était rendu à plusieurs reprises à Berlin-Ouest. Même pendant l’heure d’actualité du Deutscher Bundestag [séance du 20 janvier 1984], les roquets des arrière-bancs du groupe de l’Union ont transformé la tombe des parents de Günter Kießling en boîte aux lettres fictive et fait de Kießling un super-espion potentiel. [...] Et quand cette campagne de diffamation n’attira plus les foules, le ministre, s’affublant d’une barbe postiche, alla lui-même à la recherche de témoins. » Deutscher Bundestag, 10e période électorale, rapport sténographique de la 52e séance, 8 février 1984, pp. 3694-3697, citations pp. 3695 sq.
  • [44]
    Ibidem, p. 3696.
  • [45]
    Deutscher Bundestag, 10e période électorale, rapport sténographique de la 52e séance, 8 février 1984, pp. 3686-3690, citations p. 3687 et 3690.
  • [46]
    Ibidem, pp. 3687 sq.
  • [47]
    Ibidem., pp. 3690-3694, citations p. 3692.
  • [48]
    Dans son livre, Werner Grossmann, dernier directeur du service des renseignements extérieurs de la RDA, écrit brièvement que Krase travaillait au sein du MAD pour le compte des services secrets est-allemands, toutefois non pas au profit du service des renseignements extérieurs, mais de la direction II du ministère de la sécurité d’État (contre-espionnage). En raison des machinations au sein de ce ministère, le service des renseignements extérieurs n’était pas au courant de la qualité d’espion du chef adjoint de l’ASBw et le faisait « écumer » de son côté par l’un de ses agents, le journaliste Herbert Kloss. Voir Werner Grossmann, Bonn im Blick, 2e éd., Berlin, Das neue Berlin, 2007, pp. 136 sq.
  • [49]
    Par exemple : « Stasi-Spion im MAD fädelte Affäre Kießling ein! », Welt am Sonntag, 21/10/1990.
  • [50]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 91 sq.
  • [51]
    « Schlimme Schlappe », Der Spiegel, n° 44, 29 octobre 1990, pp. 32 sq.
  • [52]
    Ortwin Buchbender, « Das Wesentliche ist für die Augen unsichtbar », Auftrag Nr. 254, mai 2004, pp. 36-38.
  • [53]
    Idem.
  • [54]
    Kießling-Untersuchungsausschuss, pp. 98-106. De même, le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Altenburg, déclara devant la commission d’enquête du Bundestag que c’est la référence au Landeskriminalamt Nordrhein-Westfalen qui le persuada, ainsi que tous les autres collaborateurs au sein du ministère : « Là, il n’y avait aucun doute ; le LKA était derrière tout cela. » Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/344814, audition du témoin Altenburg le 23 février 1984, f° 15 à 71, ici f° 63.
  • [55]
    À la demande de l’auteur, interview du secrétaire d’État en retraite Joachim Hiehle par le Kapitän z. S. a. D. Dieter Leonard, à Berlin, le 05/08/2014.
  • [56]
    Dans la partie du Kießling-Untersuchungsausschuss rédigée en 1984 par le SPD, il est une seule fois fait brièvement allusion au ministère de la sécurité d’État : le soi-disant témoin Gerhard Hans August, interrogé par Wörner et habitué des milieux gays de Cologne, aurait auparavant travaillé pour le ministère de la sécurité d’État de la RDA. Voir Kießling-Untersuchungsausschuss, p. 178.
  • [57]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 421-442 et 474-495, rapport des enquêtes disciplinaires préliminaires du procureur disciplinaire aux forces armées près le tribunal disciplinaire et des réclamations Nord de la Bundeswehr du 31/01/1984.
  • [58]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, ici f° 271, 434 sq. et 487 sq. Une demande effectuée en mars 2014 auprès du délégué fédéral chargé des dossiers de la sécurité d’État de l’ancienne République démocratique allemande est, à ce jour, restée sans réponse.
  • [59]
    Voir Axel Jeschke / Dieter Uentzelmann, « Gänsebraten im Dschungel », Der Spiegel, n° 29, 15 juillet 1991, pp. 34-38, ici p. 37 ; Günter Bohnsack et Herbert Brehmer, Auftrag: Irreführung. Wie die Stasi Politik im Westen machte, Hambourg, Carlsen Verlag, 1992, pp. 160 et 163.
  • [60]
    Kießling, op. cit., pp. 448 sq.
  • [61]
    Dans son autobiographie parue en 1993, Kießling expose sur dix longues pages ses difficiles relations quotidiennes avec le SACEUR américain. Voir Kießling, op. cit., pp. 397-406. De son côté, le General a. D. Altenburg a confirmé le caractère pénible du général américain : Rogers représentait l’« arrogance of power ». Interview du général Altenburg, op. cit. Lors de son audition devant la commission d’enquête du Bundestag le 23 février 1984, le chef d’état-major de la Bundeswehr évoquait déjà sans détour les relations de service du général Kießling au Grand quartier général des puissances armées en Europe (SHAPE) en les qualifiant de « querelles [...] qu’[il fallait] résoudre une fois pour toutes ». Plus tard, interrogé par un député du SPD, Altenburg rappela qu’il « n’[avait] pas le droit » de donner d’autres « informations concernant le travail au SHAPE ». Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/344814, audition du témoin Altenburg le 23 février 1984, f° 15 à 71, ici f° 27 et 62.
  • [62]
    Dans son autobiographie, Kießling critique sur 22 pages, parfois vivement, la position toute-puissante des Américains au sein de l’OTAN, la stratégie nucléaire de l’OTAN en vigueur alors et l’organisation du service quotidien au SHAPE. Voir Kießling, op. cit., pp. 389-410.
  • [63]
    Interview du témoin des évènements, Dr Georg Meyer, à Fribourg, le 7 octobre 2014.
  • [64]
    Entretien téléphonique avec le témoin des évènements, le Generalarzt a. D. Horst Henning, à Cologne, le 21 octobre 2014.
  • [65]
    En particulier, la solution consistant à nommer le Generalleutnant Mack à la succession de Kießling fut accueillie « positivement » à Mons. Voir notamment Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 86. Un indice supplémentaire : pas plus tard que fin septembre 1983, le quotidien Die Welt annonçait que Kießling partirait en avril 1984 et que le général Mack lui succéderait. Voir Rüdiger Monick, « General Mack Nachfolger von Kießling », Die Welt, 28/09/1983.
  • [66]
    Auditions du 12/01/1984 du Generalleutnant von Sandrart, chef d’état-major adjoint du SHAPE de 1983 à 1984, et de l’Oberst i. G. Dr Reinhardt. Il est en outre à noter que Wörner s’est entretenu avec le général Rogers le 20 octobre 1983 à Mons. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote BW1/535370, f° 82, 84-86.
  • [67]
    À plusieurs reprises, les dossiers d’enquête ministérielle font mention de l’existence à l’OTAN d’un « dossier du général Farrar Hawkley [sic !] » au sujet de Kießling. Le Britannique Sir Anthony Farrar-Hockley fut commandant en chef des forces alliées du Nord-Europe de 1979 à 1982. Voir Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 69 et 82. L’Oberst i. G. Dr Reinhardt aurait déclaré au MAD qu’il avait « entendu dire que le général Rogers [...] avait dit : “La CIA ne dort pas” ». Note du chef du service secret militaire en date du 10/01/1984. Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 88.
    Toutes ces informations ont été noircies par le ministère fédéral de la Défense avant que les documents soient remis à la commission d’enquête.
  • [68]
    Bundesarchiv, division Archives militaires, cote Bw1/535370, f° 40, 57, 151 et 153, auditions du Kapitän z. S. J. et de l’Oberstleutnant B. le 10/01/1984 et rapport du bureau P II 5 du ministère fédéral de la Défense du 16/01/1984. Les déclarations relatives au SHAPE faites par les deux officiers ont été noircies par le ministère fédéral de la Défense avant que les documents soient remis à la commission d’enquête.
  • [69]
    Interview du General a. D. Wolfgang Altenburg le 11 juin 2014 et Range, ibidem, p. 42.
  • [70]
    Voir Jürgen Reichardt, Hardthöhe Bonn. Im Strudel einer Affäre, Bonn, Osning, 2008.
  • [71]
    Kießling, op. cit., pp. 448 sq.
  • [72]
    Rudolf Augstein, « Die Vorhinrichtung », Der Spiegel, n° 3, 1984, p. 16. Selon une légende du nord de l’Allemagne, après avoir été décapité, le pirate Klaus Störtebecker marcha devant le rang de ses compagnons, lesquels furent alors libérés.
  • [73]
    Klaus Pokatzky, membre de la rédaction du Deutschlandfunk, attira l’attention sur ce fait lors d’une interview de Günter Kießling en 2008 : « Monsieur Kießling, est-ce que cela vous affecte encore que lorsque quelqu’un entend prononcer votre nom, il pense aussitôt à un scandale qui, en fait, devrait porter les noms d’autres personnes ? » http://www.deutschlandradiokultur.de/ ehemaliger-general-wirft-bundeswehrfuehrung-verdraengung-vor.954.de.html?dram:article_id=143686 (site consulté le 10/07/2014).
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