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Article de revue

Historiographie japonaise de la guerre de 1931 à 1945 : état des recherches jusqu'à nos jours

Pages 33 à 48

Notes

  • [*]
    L’auteure, Matsunuma Miho, est historienne spécialiste de la France et s’intéresse plus particulièrement à l’histoire coloniale sous la Troisième République. Elle tient à remercier Michael Lucken et Arnaud Nanta pour leurs conseils précieux lors de la conception du présent dossier. Elle remercie enfin Brice Fauconnier pour sa fine relecture.
  • [1]
    Nous nous contentons d’indiquer ici les principales sources japonaises d’information historiographiques consultées par l’auteure de cet article : Iwanami sinsho hensh?bu [Collection de poches de la maison d’éditions Iwanami] (ed.), Nihon no kingendaishi o d? miruka [Comment regarder l’histoire moderne et contemporaine du Japon ?], Tokyo, Iwanami shoten, 2010 ; Nagahara Keiji, 20 seiki nihon no rekisigaku [Historiographie japonaise du xxe siècle], Tokyo, Yoshikawa k?bunkan, 2003 ; Okabe Makio, « 15 nen sens? shi kenky? no ayumi to kadai » [Le parcours et les devoirs de la recherche sur la guerre de quinze ans], Rekishi hy?ron [Critiques historiques], n° 661, 2005, pp. 14-27. L’article suivant donne une idée générale et synthétique sur le sujet de notre travail. Arnaud Nanta, « Japon : tensions autour du passé », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, concepts et débats, II, Paris, Gallimard, 2010, pp. 1081-1089. Pour avoir une connaissance générale sur l’histoire contemporaine du Japon, voir : William G. Beasley, Japanese Imperialism 1894-1945, Oxford and New York, Oxford University Press, 1987 ; Antony Best and Kaoru Sugiyama (eds.), Imperial Japan and the World, 1931-1945, Abington and New York, Routledge, 2010 ; Peter Duus (ed.), The Cambridge History of Japan, vol. 6, The Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1988 ; Jean Esmein, « Cinquième partie : de 1868 à nos jours », in Francine Hérail (dir.), Histoire du Japon des origines à nos jours, Paris, Hermann, 2009, pp. 985-1410 ; Michel Vié, Le Japon et le monde au xxe siècle, Paris, Masson, 1995.
  • [2]
    Carol Gluck, « The Past in the Present », in Andrew Gordon (ed.), Postwar Japan as History, Berkeley, Los Angeles and Oxford, University of California Press, 1993, p. 70.
  • [3]
    Maruyama Masao, « Ch? kokka shugi no ronri to sinri » [Logique et psychologie de l’ultra-nationalisme], Sekai, mai 1946 ; Maruyama Masao (ed. Ivan Morris), Thoughts and Behavior in Modern Japanese Politics, Oxford, Oxford University Press, 1963 (Cette traduction est partielle).
  • [4]
    Andrew Barshay, The Social Sciences in Modern Japan: the Marxian and Modernist traditions, Berkeley, University of California Press, 2004 ; Jacques Joly, « Maruyama Masao : de l’autonomie au pacifisme », in Michael Lucken, Emmanuel Lozerend et Anne Bayard-Sakai (dir.), Le Japon après guerre, Arles, Philippe Picquier, 2007, pp. 85-108 ; Rikki Kersten, Democracy in Postwar Japan: Maruyama Masao and the Search for Autonomy, London and New York, Routledge, 1996 ; Victor J. Koschmann, Revolution and Subjectivity in Postwar Japan, Chicago and London, University of Chicago Press, 1996 ; Arnaud Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », in Pierre Bayard et Alain Brossat (dir.), Les Dénis de l’histoire : Europe et Extrême-Orient au xxe siècle, Paris, Laurence Teper, 2008, pp. 202-203 ; Arnaud Nanta, « Pour réintégrer le Japon au sein de l’histoire mondiale : histoire de la colonisation et guerres de mémoire », Cipango, n° 15, 2008, pp. 39-44.
  • [5]
    T?yama Shigeki, Imai Seiichi et Fujiwara Akira, Sh?wa shi [Histoire de l’ère de Sh?wa], Tokyo, Iwanami shoten, 1955.
  • [6]
    T?yama Shigeki, Imai Seiichi et Fujiwara Akira, Sh?wa shi [Histoire de l’ère de Sh?wa], Tokyo, Iwanami shoten, 1955.
  • [7]
    Nihon kokusai seiji gakkai (ed.), Taiheiy? sens? e no michi [Les chemins vers la guerre du Pacifique], Tokyo, Asahi shinbunsha, 1962-1963.
  • [8]
    Son essai, paru en feuilleton à partir de 1963, est recueilli dans un volume en 1964. L’auteur en écrit une suite l’année suivante. Hayashi Fusao, Dait?a sens? k?tei ron [Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale], Tokyo, Ch?? k?ron sha, 1964 ; Hayashi Fusao, Zoku Dait?a sens? k?tei ron [Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale, suite], Tokyo, Ch?? k?ron sha, 1965.
  • [9]
    Pour l’examen ministériel des manuels d’histoire, voir : Saaler Sven, Politics, Memory and Public Opinion: the History Textbook Controversy and Japanese Society, Munich, Iudicium, 2005.
  • [10]
    B?eich? b?ei kensh?jo senshishitsu, Senshi s?sho [Recueil de l’histoire de guerre], 102 vol., Tokyo, Shinonome shinbunsha, 1980.
  • [11]
    Arnaud Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », art. cit., p. 204 ; Arnaud Nanta, « Japon : tensions autour du passé », art. cit. ; Nozaki Yoshiko and Inokuchi Hiromitsu, « Japanese Education, Nationalism and Ienaga Saburo’s Textbook Lawsuits », in Laura Hein and Mark Selden (eds.), Censoring History: Citizenship and Memory in Japan, Germany and United States, Armonk, M. E. Sharpe, 2000. Cf., Ienaga Sabur? (translated and introduced by Richard H. Minear), Japan’s Past, Japan’s Future: one Historian’s Odyssey, Lanham, Boulder, New York and Oxford, Rowman & Littlefield Publishers, 2001.
  • [12]
    Sur ce point, voir : Arnaud Nanta, « Le Japon face à son passé colonial », in Olivier Dard et Daniel Lefeuvre (dir.), L’Europe face à son passé colonial, Paris, Riveneuve, 2008, pp. 129-146.
  • [13]
    Respectivement : Inoue Kiyoshi, Nihon teikokushugi no keisei [La formation de l’impérialisme japonais], Tokyo, Iwanami shoten, 1968 ; Yamabe Kentar?, Nihon t?chi ka no Ch?sen [La Corée sous le gouvernement du Japon], Tokyo, Iwanami shoten, 1971 ; Kobayashi Hideo, « Dait?a ky?ei ken » no keisei to h?kai [Genèse et chute de la « Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale »], Tokyo, Ochanomizu shob?, 1975 ; Mamsh?kokushi kenkyukai [Société des études mandchouriennes] (ed.), Nihon teikokushugi ka no mansh? [La Mandchourie sous l’impérialisme japonais], Tokyo, Ochanomizu shob?, 1972.
  • [14]
    Seddon Terri, « Politics and Curriculum: a case study of the japanese history textbook dispute, 1982 », British Journal of Sociology of Education, 1987, vol. VIII, n° 2, pp. 213-226 ; Sven, op. cit.
  • [15]
    Eguchi Keiichi, « 15nen sens? shi kenky? no kadai » [Les devoirs des recherches sur la guerre de quinze ans], Rekishigaku kenky? [Études historiques], n° 511, 1982.
  • [16]
    Franck Michelin, « Le procès des criminels de guerre japonais », Histoire, n° 271, 2002, pp. 54-61 ; Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », art. cit., pp. 201-202.
  • [17]
    It? Takashi, Sh?wa-ki no seiji [La politique durant l’ère Sh?wa], Tokyo, Yamakawa shuppan-sha, 1983 ; It? Takashi, Zoku Sh?wa-ki no seiji [La politique durant l’ère Sh?wa, suite], Tokyo, Yamakawa shuppan-sha, 1993.
  • [18]
    Eguchi Keiichi, J?go nen sens? sh? shi [Petite histoire de la guerre de quinze ans], Tokyo, Aoki shoten, 2009.
  • [19]
    Le premier cas est celui de Kim Hak sun en 1991.
  • [20]
    Yoshimi Yoshiaki, The Comfort Women: Sexual Slavery in the Japanese Military during the World War II, New York, Columbia University Press, 2000.
  • [21]
    Arnaud Nanta, « La mémoire de la guerre et de la colonisation au Japon », Regards sur l’actualité, La documentation française, n° 325, novembre 2006, pp. 47-54.
  • [22]
    Lionel Babicz, « Japon, Chine, Corée : vers une conscience historique commune ? », Ebisu. Études Japonaises, n° 37, 2007, pp. 19-46 ; Alain Delissen, « La nouvelle bataille des Falaises Rouges ? À propos du manuel commun “Chine – Corée – Japon” », Vingtième siècle, n° 94, 2007, pp. 57-71 ; Gotelind Müller (ed.), Designing History in East Asia Textbooks: Identity Politics and Transnational Apirations, London and New York, Routledge, 2011 ; Nanta, « La mémoire de la guerre et de la colonisation », art. cit. ; Ebisu. Études Japonaises, n° 38, dossier « Japon-Corée : Écrire l’histoire ensemble », 2007.
  • [23]
    Cela-dit, le public s’intéresse depuis longtemps aux lettres de soldats tombés sur le front. L’ouvrage le plus lu dans ce genre est un recueil des lettres d’étudiants mobilisés et morts, publié en 1959 et réédité à plusieurs reprises depuis : Nihon senbotsu gakusei kinen-kai [Association pour le souvenir des étudiants tombés à la guerre pour le Japon], Kike wadatsumi no koe: Nihon senbotsu gakusei no tegami [Écoutez-la ! les voix des profondeurs de l’Océan : lettres d’étudiants tombés au combat pour le Japon], Tokyo, Iwanami shoten, 1959.
  • [24]
    Fujii Tadatoshi, Hei tachi no sens?: tegami, nikki, taikenki o yomitoku [Guerre des soldats : lecture des lettres, des journaux intimes et des mémoires], Tokyo, Asahi shibunsha, 2000.
  • [25]
    Il existe aussi un grand recueil accessible en anglais, bien qu’il ne s’agisse pas que des témoignages des soldats : Frank Gibney (ed.), Senso: the Japanese Remember the Pacific War: Letters to the Editor of Asahi Shinbun, Armonk, M. E. Sarpe, 1995.
  • [26]
    Yoshida Yutaka, « Sens? to guntai : nihon kindai gunjishi kenky? no genzai » [La guerre et l’armée : l’état actuel des recherches sur l’histoire militaire moderne du Japon], Rekishi hy?ron [Critiques historiques], n° 630, 2002, pp. 40-51.
  • [27]
  • [28]
    Iwanami k?za Kindai nihon to shokuminshi [Collection Iwanami : le Japon moderne et les colonies], Tokyo, Iwanami shoten, 1992-1993.
  • [29]
    Yasushi Yamanouchi, J. Victor Koschmann, and Ryuichi Narita (eds.), Total War and “Modernization”, Ithaca, Cornell University Press, 1998. L’ouvrage suivant est une étude comparative sur l’organisation et la mobilisation de la population au Japon, en Union soviétique et en Italie fasciste, ainsi que leur résonnance dans d’autres pays. Gregory J. Kasza, The Conscription Society, Administrated Mass Organizations, New Haven, Yale University Press, 1995.
  • [30]
    Amamiya Sh?ichi, Senji sengo taisei ron [Arguments sur le régime pendant et après la guerre], Tokyo, Iwanami shoten, 1997.
  • [31]
    Noguchi Yukio, 1940 nen taisei: saraba senji keizai [Régime de l’année 1940 : adieu à l’« économie de guerre »], Tokyo, T?y? keizai sinp? sha, 1995.
  • [32]
    Iwanami k?za Ajia Taiheiy? sens? [Iwanami Collection : Guerre d’Asie-Pacifique], Tokyo, Iwanami shoten, 2005-2006.
  • [33]
  • [34]
    Le secrétariat d’État à la Défense fut élevé au rang de ministère en 2007.

Introduction

1Nous proposons dans cet article une vue globale des débats historiographiques sur la « période des guerres » de l’histoire contemporaine du Japon, afin d’éclairer nos lecteurs sur le contexte dans lequel se situent les deux articles traduits dans ce dossier qui traitent de la même période. L’objectif du dossier étant de faire connaître les recherches japonaises à l’extérieur du milieu japonisant, nous n’entrerons pas dans les détails, mais nous nous contenterons d’en retracer les grands courants en mettant en relief quelques points marquants. De la sorte, nous limiterons au minimum le nombre des titres japonais indiqués dans les notes, afin de faciliter la lecture pour la plupart de nos lecteurs, malgré l’abondance des travaux en japonais [1]. Les termes japonais sont transcrits en alphabet latin en italiques, sauf les noms propres qui ne sont pas indiqués en italiques. Les noms de personne japonais sont indiqués suivant l’usage japonais : le nom de famille suivi du prénom.

2Les travaux historiques sur la période de guerre de 1931 à 1945 débutent dès la fin de cette période. Pour l’immense majorité des historiens et des intellectuels japonais d’après-guerre, la motivation et le point de départ des recherches sont marqués par la rancœur et l’amertume vis-à-vis de la guerre destructive et suicidaire : la nécessité de réfléchir profondément aux raisons pour lesquelles les Japonais n’ont pas pu éviter la guerre, afin de ne pas répéter la faute et de construire la paix et la démocratie. L’interrogation sur la cause et le processus de ce passé immédiat négatif obsédant des historiens, la réflexion sur le Japon contemporain est constamment présente – implicitement ou explicitement – et cette liaison entre la vision sur l’histoire et celle sur l’actualité est particulièrement marquée, naturellement, chez les historiens spécialisés dans une époque récente.

3Dans la communauté intellectuelle et notamment parmi les historiens d’après-guerre, l’influence du marxisme fut déterminante. Carol Gluck affirme que le Japon est le seul exemple parmi les pays non communistes, et encore plus parmi les pays capitalistes développés, où le marxisme ou la position marxisante pénétra aussi profondément dans l’establishment académique. Par ailleurs, il y a des intellectuels de gauche appelés « modernistes » ou « libéraux ». Nous allons revenir plus bas sur le débat entre les deux tendances, qui constitue le fil conducteur de l’historiographie jusqu’aux années 1980. Dans l’académisme du Japon d’après-guerre, les non marxistes ont une riche connaissance du marxisme et sont constamment en relation avec les marxistes. Avant tout, les intellectuels des deux côtés s’engagent dans le même combat contre la remontée des conservateurs et des révisionnistes politiques, et dans ce sens les deux tendances sont considérées comme appartenant au même camp dit « progressiste ».

4Cette culture de gauche des intellectuels, particulièrement marquée en histoire, et leur opinion critique vis-à-vis du passé du Japon moderne, est isolée de la mémoire collective du grand public et de l’élite politique. Pourtant, la société japonaise, qui est devenue de plus en plus conservatrice et « apolitique », a continué à laisser une place respectable dans l’espace public à ces « intellectuels progressistes ». Le monde universitaire fut largement dominé par cette culture : le journalisme, y compris les grands médias nationaux, leur offre des occasions de s’exprimer. Gluck, universitaire américaine, poursuit : leur présence active dans l’espace public est inimaginable aux États-Unis et qu’elle pourrait être comparable avec le cas d’intellectuels français [2].

5La recherche en histoire d’après-guerre appuyée sur la théorie marxiste est appelée, symboliquement, « historiographie d’après-guerre » (sengo rekishigaku). Sa mission est de servir, par une recherche scientifique en histoire, à la construction d’une « vraie » modernité et d’une « vraie » démocratie sur lesquelles la paix pourrait être consolidée. Elle est née dans la défaite. Son origine est à trouver dans la quête d’un nouveau chemin, pour reconstruire la recherche scientifique d’histoire opprimée pendant la guerre. Elle devint le courant majeur de l’académisme des années 1950 et 1960, puis fut remise en question notamment à cause de son incompatibilité théorique avec la croissance spectaculaire de l’économie japonaise. Dans les années 1970, elle s’enrichit et se diversifia en absorbant les fruits de l’histoire sociale au sens large, pour s’achever avec la fin du communisme international.

6Dans cette école historiographique, le régime qui a mené la guerre est désigné comme « fascisme du système impérial » (ten-n? sei fashizumu). L’argument est que le ten-n? sei, système politique mis en place après la restauration de Meiji autour de la figure d’un empereur, était absolutiste et a joué le même rôle que le fascisme en tant que dictature réactionnaire du capitalisme monopoliste. Cette interprétation met l’accent sur l’unité de divers composants des dirigeants du régime – armée, hauts fonctionnaires, proches conseillers de l’empereur, partis politiques, pouvoirs industriels et économiques –, et sur la responsabilité de tout cet ensemble d’avoir entraîné la nation dans la guerre. Cette interprétation s’oppose à celle que les conservateurs et les Américains ainsi que la majorité du public partagent, sous une forte influence du procès de Tokyo. L’idée répandue est que les leaders du régime à l’époque de la guerre étaient divisés en deux, entre les militaristes ultra-nationalistes, principalement de l’armée de terre, qui ont voulu et mené la guerre d’invasion d’un côté, et la fraction « modérée » composée des diplomates, des hauts fonctionnaires d’économie et de finance, de la marine, du milieu d’affaires, de l’empereur lui-même et ses conseillers de l’autre, la responsabilité de guerre étant focalisée sur le premier groupe.

Les années 1940

7L’un des événements intellectuels les plus marquants au lendemain de la guerre est sans doute la parution de l’article « Logique et psychologie de l’ultranationalisme » de Maruyama Masao (1914-1996) au printemps 1946 [3]. L’auteur, politologue et historien de la philosophie et jeune maître de conférences à l’université de Tokyo qui vient d’être démobilisé, analyse la structure politique et sociale du Japon qui s’est lancé dans une guerre dévastatrice et suicidaire. Son expression « le système de non-responsabilité » (musekinin no taikei) va devenir un des concepts clef de l’analyse de la société japonaise. Cet article a un écho énorme qui déborde largement le milieu intellectuel. C’est le moment où les Japonais cherchent ardemment la connaissance et la culture, jouissant de la nouvelle liberté de pensée et d’expression, malgré une grande pénurie quotidienne.

8Maruyama, comme ?tsuka Hisao (1907-1996), historien de l’économie anglaise et aussi spécialiste de Max Weber, avec d’autres historiens appelés « modernistes » ou « libéraux », analysent le caractère de la nation japonaise en le comparant avec le modèle emprunté à l’histoire de l’Europe occidentale. Ils soulignent le « retard » ou le « dérapage » de la modernité japonaise « prématurée » ou « asiatique », qui s’est finalement laissée dominer par l’« ultranationalisme » des militaires. Le Japon d’après-guerre devrait rompre avec cette caractéristique pour construire une « vraie » modernité. Les communistes, de leur côté, critiquent cette interprétation parce qu’à leurs yeux la modernité, le capitalisme et l’impérialisme se superposent [4].

9L’accès à des archives étant plus que limité sous l’occupation, le débat historique s’oriente vers des problématiques théoriques comme le capitalisme, l’impérialisme ou le fascisme. Les historiens marxistes qui étudient le Japon moderne, dont les noms représentatifs sont Inoue Kiyoshi (1913-2001) ou T?yama Shigeki (1914-2011) par exemple, essaient de montrer le lien direct entre le régime impérial (ten-no sei) et l’impérialisme expansionniste, en analysant les relations entre le capitalisme japonais sous-développé et son expansion extérieure.

Les années 1950

10La décennie suivante est symboliquement marquée par la parution, en 1955 [5], de l’Histoire de l’ère de Sh?wa de T?yama, Imai Seiichi (1924-) et Fujiwara Akira (1922-2003). Sh?wa est l’appellation utilisée pour désigner le règne de l’empereur Hirohito qui débute en 1926 et l’ouvrage le couvre jusqu’au moment de la publication. Ce passage de sa préface résume le questionnement fondamental de la communauté d’historiens, non seulement de cette époque mais de l’après-guerre plus généralement jusqu’aux jours beaucoup plus tardifs :

11

Dans cet ouvrage, nous essayons de comprendre, en nous appuyant sur le résultat des travaux scientifiques, l’expérience politique, diplomatique et économique de la nation. Les auteurs s’intéressent particulièrement à la question suivante : pourquoi nous, les Japonais, nous sommes-nous laissés entraîner dans la guerre, pourquoi n’avons-nous pas pu l’éviter par nos forces populaires. L’éclairage sur la condition de l’échec des forces populaires de la nation, ainsi que sur les différences avec la condition actuelle, va guider et encourager l’effort pour la paix et la démocratie [6].

12Ce livre, paru en collection de poche, devint un des ouvrages les plus lus et les plus débattus de tout l’après-guerre. Il fut bien accueilli par le public, qui y trouva une explication claire et synthétique des causes de la guerre dont il avait souffert et dont beaucoup continuaient alors à souffrir. L’ouvrage provoqua par ailleurs une polémique dans le milieu intellectuel. Cette histoire, avant tout politique, décrit le Japon de Sh?wa de guerre sous un schéma d’opposition entre les dominants, c’est-à-dire les détenteurs du pouvoir qui ont poussé la nation dans la guerre dévastatrice et les dominés qui y ont résisté. Cette interprétation fut jugée trop abstraite et critiquée car elle était mal comprise par le peuple ordinaire qui s’égarait entre les deux positions. La nouvelle version corrigée et augmentée parut en 1959.

13Pour les historiens et les intellectuels appelés soit progressistes soit modernistes soit marxistes, qui sont fondamentalement critiques du régime d’avant et d’après-guerre, le fond du problème est l’opposition entre l’État et la nation. Ils soulignent la responsabilité de l’élite, notamment des autorités militaires, qui a monopolisé et abusé le pouvoir étatique du régime impérial (ten-n? sei), vis-à-vis de la population victime qui s’est laissée entraîner dans une guerre sans espoir et a souffert sur les champs de bataille et à l’arrière front.

Les années 1960 et 1970

14Les années 1960 voient l’ouverture des documents officiels, ceux des Affaires étrangères et de l’Armée entre autres. Alors commencent des travaux selon la méthode classique fondée sur l’exploitation des archives diplomatiques et militaires inaccessibles jusqu’à cette époque et d’entretiens avec les leaders de la guerre. Les chemins vers la guerre du Pacifique, travail collectif, paru en sept volumes, et publié en 1962-1963, est une grande synthèse des résultats de ces nouvelles recherches, réalisées sous la direction de la Société japonaise des relations internationales, une des sociétés académiques les plus importantes en sciences sociales [7].

15À la même époque, le discours apologétique sur la guerre apparaît dans l’espace public. Le romancier Hayashi Fusao commence la publication de sa Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale, qui sera considérée plus tard comme le premier symptôme du révisionnisme [8]. Le gouvernement conservateur au pouvoir depuis 1955 et le ministère de l’Éducation durcissent le processus d’examen des manuels scolaires, avec pour objectif de faire enseigner une interprétation positive de l’histoire du Japon [9]. L’Institut des Études de la Défense du secrétariat d’État à la Défense se lance dans l’édition de la Collection de l’histoire de guerre qui se terminera en 1980 en 102 volumes [10].

16En 1965, un des événements majeurs pour toute la communauté des historiens au Japon d’après-guerre débute : Ienaga Sabur? (1913-2002), historien universitaire et auteur d’un manuel pour le lycée, porte plainte contre le ministère de l’Éducation qui l’oblige de corriger son manuel pour que ce dernier s’accorde à la vision de l’histoire recommandée par l’État. Ses procès dureront trente-deux ans et il sera soutenu par de nombreux historiens, juristes et citoyens [11].

17C’est dans la deuxième moitié des années 1960 et surtout dans la décennie suivante que nous assistons au développement de la recherche sur l’Empire colonial [12]. Rappelons brièvement le contexte de l’époque : en raison de son succès économique, le Japon a de plus en plus d’échanges avec des pays et des régions qu’il avait occupés ou colonisés auparavant. De ces contacts émerge un énorme écart entre la vision japonaise sur la guerre et celle de leurs voisins. Ce constat suscite chez des historiens le questionnement sur la présence japonaise dans ces régions pendant la guerre.

18Voyons les titres de quelques ouvrages principaux : La formation de l’impérialisme japonais ; La Corée sous le gouvernement du Japon ; Genèse et chute de la « Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale » ; La Mandchourie sous l’impérialisme japonais, etc. [13]. Ajoutons que pour l’histoire coloniale, la contribution des chercheurs d’origine coréenne résidents au Japon est significative.

19Par ailleurs, la question théorique sur le caractère fasciste du régime impérial et militaire pendant la guerre est débattue encore vivement dans les années 1970.

Les années 1980

20Dans la décennie suivante, le décalage entre la conception de l’histoire contemporaine des Japonais et celle de leurs voisins d’Asie devient une préoccupation majeure des historiens japonais, à la suite des controverses internationales sur l’enseignement d’histoire. En 1982, la Chine et la Corée accusent le gouvernement japonais de minimiser, par l’intermédiaire de l’examen ministériel des manuels scolaires, le caractère agressif de l’expansion et de la colonisation japonaise [14]. Des historiens japonais constatent que leurs travaux, certes sévèrement critiques du régime militaire impérial et de la guerre, se focalisent sur l’opposition entre l’État et la population japonaise, considérant cette dernière comme victime de guerre. Leur perspective se limite avant tout à la communauté nationale, en ne tenant pas suffisamment compte des populations des pays et des régions dominés par le Japon. Eguchi Keiichi (1932-2003), qui va prendre l’initiative de l’historiographie de cette décennie, affirme la nécessité de mettre au jour « la question primordiale, c’est-à-dire ce que l’armée japonaise a fait en Chine… Nous avons cru que nos recherches historiques avaient montré la réalité lamentable de la guerre, mais le peuple chinois dénonce le Japon en disant que cela n’était pas le cas [15] ».

21Le peuple japonais lui-même se considère largement comme victime de guerre, à cause notamment des éléments suivants : la mémoire collective des bombardements, conventionnels et atomiques, les batailles dans le Pacifique où plus de soldats sont morts de la famine que dans des combats, le rapatriement de la Mandchourie, la déportation et de la détention des soldats en Union soviétique, puis la grande pénurie alimentaire. Mais cette vision victimaire des Japonais put se maintenir, en partie au moins, en raison du contexte politique international. Au Tribunal militaire international pour l’Extrême Orient qui se déroula à Tokyo de 1946 à 1948, le procureur chercha surtout à établir les responsabilités du Japon dans la guerre contre les Anglo-Américains, en ne soulevant guère la question coloniale. Puis avec la Guerre froide, la priorité des Américains devint la reconstruction économique du Japon, au détriment de la démocratisation et de la poursuite des responsabilités de la guerre [16].

22La communauté d’historiens, inspirée par les revendications des pays voisins, fit progresser la recherche sur les crimes de guerre japonais, notamment sur les thèmes suivants : le massacre de Nankin ; la guerre bactérienne et les recherches menées par l’unité 731 ; la politique coloniale d’assimilation extrême ; l’exploitation économique comme réquisition obligatoire ou la circulation des billets militaires japonais et surtout la déportation et le travail forcé subis d’abord par les Chinois et les Coréens puis d’autres peuples de l’Asie du Sud-Est. La multiplication de ces recherches témoigne d’une certaine manière d’un déplacement des problématiques des historiens, de la question théorique sur le caractère fasciste du régime d’avant-guerre vers la recherche empirique sur les crimes de guerre. L’éclairage sur toutes ces violences met sur le devant la scène la responsabilité du peuple japonais vis-à-vis des populations d’Asie dominées par le Japon. Cette problématique du peuple à la fois victime et bourreau va prendre une grande importance dans les débats publics jusqu’à nos jours.

23Par ailleurs, un autre courant de la recherche, qui apparaît dans cette décennie pour se développer jusqu’à nos jours, va contribuer à diffuser la perception d’une guerre « normale ». La révision très documentée de la politique en temps de guerre a principalement débuté dans l’académisme universitaire avec It? Takashi et ses critiques des thèses sur le fascisme japonais [17]. Lui et ses disciples soutiennent l’idée que les élites japonaises de 1930 à 1945 pratiquaient une politique « normale » ou « naturelle ». Leur argument repose sur une description très détaillée des relations internes entre les élites et sur la mécanique législative et administrative pratiquées. Certains de ces travaux entendent infirmer intentionnellement, en présentant des résultats « objectifs », un autre courant de recherche qui est fondamentalement critique de l’élite politique d’avant et d’après-guerre.

24Arrêtons-nous sur la question de l’appellation de la guerre. Le Japon n’a pas officiellement reconnu l’invasion en Mandchourie en 1931 puis le conflit avec la Chine déclenché en 1937 comme guerres. Celle qu’il commence en décembre 1941 par ses attaques contre les Américains et les Anglais fut appelée officiellement « guerre de la Grande Asie orientale », nom qui témoigne de l’intention de justifier la guerre en la représentant comme la construction d’un nouvel ordre régional libéré du joug des Occidentaux. Après la défaite, cette appellation fut interdite par les autorités américaines d’occupation qui adoptèrent « guerre du Pacifique ». Cette dénomination va certainement contribuer à l’amnésie japonaise de la guerre en Chine et ailleurs en Asie. Le syntagme « guerre de quinze ans », proposé par le philosophe Tsurumi Shunsuke (1922-) dans les années 1950, se généralise dans les années 1980 à la fois dans l’académisme et l’espace public en général, pour entrer dans l’enseignement d’histoire. Par cette appellation, on essaie de saisir tous les conflits militaires de 1931 à 1945 selon une forme de continuité, mettant l’accent sur la cohérence de l’intention expansionniste du Japon et sur la souffrance continuelle des peuples voisins. Eguchi, qui contribue à la large diffusion de cette appellation, invite les historiens à confronter l’histoire du peuple japonais en tant qu’agresseur [18]. D’autre part, « la guerre d’Asie-Pacifique » apparaît vers 1985 et commence aussitôt à être employée sur une grande échelle.

Les années 1990 : tournant décisif

Les crimes de guerre

25La décennie 1990 voit un tournant décisif de la recherche japonaise en histoire dans son ensemble : elle se renouvelle et se diversifie d’une façon radicale. La fin du communisme a une répercussion incalculable dans le monde intellectuel, en histoire en particulier. En raison de la mise en cause de la vision de l’histoire marxisante ou moderniste, la conception historique qui considère l’Occident comme un modèle est vivement critiquée. Une autre idée de base remise en question est l’État-nation, qui encadrait largement les travaux d’historiens, bien que leur réflexion représentait une tentative afin d’émanciper la nation des oppressions visibles et invisibles des pouvoirs étatiques. L’historiographie de cette décennie a subi un fort impact du mouvement intellectuel postmoderniste qui questionne profondément la valeur de la modernité et du progrès.

26La mort de l’empereur Hirohito en 1989 lève certains tabous sur l’histoire de Sh?wa. On s’interroge plus précisément sur les responsabilités des dirigeants, l’empereur en particulier mais aussi la fraction des dirigeants qui était considérée comme « modérée ».

27Mais c’est le coming-out des « femmes de réconfort » coréennes qui crée un véritable choc aux historiens et au public japonais [19]. Ces vieilles dames déclarent ouvertement, au bout d’un demi-siècle de souffrance et de silence, avoir été femmes de réconfort des soldats japonais, et elles réclament la sanction des personnes dirigeantes responsables de leur malheur et l’indemnisation de leur préjudice. L’existence de telles femmes dans tout l’Empire japonais était connue depuis longtemps. Ce qui change complètement, c’est que l’exploitation de ces femmes pour la satisfaction et le contrôle sexuels des soldats, considérée comme nécessaire et normale par beaucoup, est condamnée comme acte criminel et impardonnable.

28Des historiens se mobilisent pour enquêter sur l’implication de l’État dans la gestion des maisons de réconfort, ainsi que sur l’expérience et la souffrance de ces femmes de diverses origines nationales. Yoshimi Yoshiaki (1946-) en prend l’initiative. Il découvre, à la bibliothèque de l’Institut des Études de Défense du secrétariat d’État à la Défense, plusieurs documents qui témoignent de l’implication de l’État dans la gestion des bordels militaires [20]. En forte relation avec les études des genres, la recherche avance sur la structure sociale patriarcale sur laquelle s’appuyait cette exploitation sexuelle institutionnalisée.

29L’affaire provoque, d’autre part, une controverse méthodologique sur la valeur des témoignages comme sources historiques et même sur la perceptibilité de la « vérité historique ». La sociologue Ueno Chizuko (1948-), fortement inspirée par le débat anglo-saxon sur le linguistic turn, attaque la méthode des historiens qui, à son avis, ne prennent pas assez en compte l’importance des témoignages.

30L’onde de choc de l’apparition des femmes de réconfort, combinée avec d’autres facteurs comme la croissance des connaissances sur le massacre de Nankin, suscite une réaction des intellectuels et des politiciens de la droite nationaliste. Ils souhaitent que les Japonais, surtout les jeunes, s’identifient à une histoire nationale « positive et gaie » et qu’ils soient fiers de leur patrie. Ce mouvement débouchera sur l’autorisation des manuels « révisionnistes » qui déclenchera des conflits diplomatiques avec la Chine et la Corée [21].

31Il faudrait noter une autre conséquence de la polémique internationale sur les manuels scolaires qui fit du bruit de manière intermittente depuis 1982 : des historiens japonais, coréens et chinois s’engagent dans des dialogues continuels, dont la première initiative japonaise est prise par Nishikawa Masao (1933-2008), historien de l’Allemagne contemporaine. Ces dialogues aboutiront dans les années 2000 à la publication de divers matériaux de lecture communs destinés aux élèves des collèges et lycées [22].

Histoire militaire sociale

32Un autre phénomène remarquable de cette décennie est le renouvellement de l’histoire militaire. L’histoire politique du Japon d’avant-guerre se caractérisant par la construction de l’hégémonie politique de l’armée, les travaux universitaires sur ce processus, du point de vue évidemment critique vis-à-vis de ce dernier, furent menés dès les années 1950 et surtout à partir des années 1980. Par ailleurs, la recherche de l’histoire militaire conventionnelle, qui étudie notamment les batailles, est menée principalement par d’anciens militaires et l’Institut des Études de Défense du secrétariat d’État à la Défense. Pendant longtemps, ces deux courants ne se croisent guère, leurs conceptions de l’histoire, de la guerre et de l’armée s’opposant radicalement. À partir des années 1990 cependant, cette opposition commence à s’ébranler, alors que la recherche en histoire militaire devient de plus en plus transdisciplinaire.

33Nous assistons au développement de ce qu’on appelle l’histoire sociale de l’armée ou l’histoire militaire sociale, qui s’intéresse aux rapports que l’armée entretenait avec la population et la société, autrement dit le comportement et la mentalité du peuple vis-à-vis de l’armée et de la guerre d’un côté, et l’influence de ces dernières sur la vie quotidienne du peuple d’un autre. On s’intéresse par exemple à la conscription, son déroulement, la formation des jeunes soldats, leur vie quotidienne dans la caserne et sur les champs de bataille, leur rapport avec le village ou la ville d’origine ainsi que leur famille. On s’interroge également sur la culture de l’armée, en appliquant souvent des méthodes anthropologiques pour analyser, par exemple, la pédagogie de formation, des objets personnels des soldats, le folklore comme les chants, mythes et légendes. D’autres historiens se tournent vers l’étude des villes militaires, c’est-à-dire des villes de la garnison, l’industrie d’armement ou les ports militaires, pour connaître des rapports entre la société locale et l’armée. L’histoire militaire sociale essaie d’éclairer comment les gens ont perçu et vécu la présence de l’armée dans la vie de tous les jours en paix et en guerre.

34Cette nouvelle histoire militaire se croise d’une manière enrichissante avec le développement récent de l’histoire des genres qui questionne la construction historique de la masculinité. Le comportement et la mentalité des soldats, le contexte social qui en est la cause, ainsi que le partage des rôles entre les deux sexes, sont les interrogations principales des historiens.

35Les historiens qui enquêtent sur l’histoire militaire sociale ont recours à des sources pratiquement négligées jusqu’à cette époque, notamment des témoignages écrits des soldats comme leurs journaux intimes, leurs lettres, leurs cahiers personnels ou leurs mémoires [23]. La guerre des soldats de Fujii Tadatoshi (1931-) publiée en 2000, un des ouvrages les plus connus du genre, a comme sous-titre lecture des lettres, des journaux intimes et des mémoires[24]. Il faudrait noter à ce propos que dans les années 1980 et 1990, de nombreux anciens soldats et officiers ont écrit ou parlé de leur expérience personnelle de la guerre, y compris des violences qu’ils avaient vues ou auxquelles ils avaient participé [25].

36L’éclairage sur les relations matérielles et psychologiques que le peuple, soldats et civils, a entretenu quotidiennement avec l’armée fait réfléchir à la cause de la participation et du soutien de la nation à la guerre. Ce questionnement se rapporte naturellement à celui de la part de responsabilité de la population dans la violence de guerre exercée au nom du Japon. Ainsi, les enquêtes sur les crimes de guerre continuent à apporter de nouvelles connaissances et découvrir des archives inconnues.

37L’intérêt pour la vie et la mentalité des soldats et des civils ainsi que leur sentiment d’après-guerre vis-à-vis de la guerre se lie également avec la problématique de la mémoire. La mémoire est un des enjeux primordiaux des discours historiques au Japon de ces dernières décennies et la guerre en question ici est le point focal des débats. Pour réfléchir à la construction de la mémoire collective, on se tourne vers le deuil individuel et collectif, la commémoration, le récit et la narration.

38D’après Yoshida Yutaka (1954-), les causes du renouveau de l’histoire militaire depuis les années 1990 sont les suivantes [26].

39Premièrement, le changement générationnel des historiens : depuis la fin de la guerre, les historiens des deux courants historiographiques militaires mentionnés plus haut étaient ceux qui avaient eux-mêmes vécu la guerre. La majorité des historiens universitaires avait une aversion profonde vis-à-vis de l’armée. Des historiens de la génération postérieure qui sont nés après la fin de la guerre reconnaissent la nécessité de connaître l’armée qu’ils ignorent. Par ailleurs, à l’Institut des Études de Défense du secrétariat d’État à la Défense, les anciens militaires sont tous partis à la retraite et ont été remplacés en grande partie par des historiens formés dans des cursus universitaires. Ce renouvellement générationnel semble avoir facilité la communication entre deux courants de l’histoire militaire qui étaient pratiquement sans contact auparavant.

40Le deuxième facteur est le développement de l’histoire locale. L’édition de l’histoire municipale ou départementale est une activité courante des collectivités territoriales du pays. Certaines d’entre elles ont réussi à trouver puis conserver des archives militaires qui avaient échappé au destin d’une grande quantité des papiers militaires brûlés au moment de la défaite. Par ailleurs, il y a les associations de citoyens qui recueillent les récits et témoignages des habitants de leur commune. De plus, les polémiques et les recherches sur les crimes de guerre et les responsabilités de la population japonaise dans ces crimes suscitant l’intérêt du public, des journalistes et des simples citoyens se lancent dans des enquêtes sur le sujet. Notons à ce propos la création en 1993 du Centre pour la recherche et la documentation sur la responsabilité de guerre japonaise (Center for Research and Documentation on Japan’s War Responsibility) [27], une association dont la mission est de chercher et de recenser les sources imprimées et les archives concernant les crimes de guerre japonais. Ce Centre a présenté des rapports auprès du gouvernement et de l’ONU dans les années 1990, afin de sensibiliser l’opinion nationale et internationale. Ses recherches se poursuivent, et les résultats en sont régulièrement publiés dans une revue trimestrielle scientifique. Cette action associative et scientifique est assurée par une collaboration entre historiens universitaires, enseignants du secondaire et citoyens amateurs d’histoire, le rôle de ces derniers étant décisif dans les enquêtes exhaustives sur plusieurs milliers de témoignages.

Empire

41Un autre phénomène nouveau à remarquer est l’évolution de la perspective spatiale, à savoir un grand intérêt pour la notion d’empire comme cadre d’analyse.

42Certes, les recherches sur les territoires sous domination japonaise ont été effectuées depuis des décennies, à la fois sur les colonies annexées de longue date comme Taiwan ou la Corée, et sur les territoires occupés au cours de la guerre menée sur le continent puis dans le Pacifique. La nouveauté des années 1990 est une tentative pour saisir divers facteurs dans une perspective plus large que les rapports entre un territoire et le Japon métropolitain, en reconstituant des réseaux et des circulations d’hommes, de marchandises et d’informations. On s’intéresse aussi à des mouvements et des activités qui n’entrent pas dans le cadre des relations diplomatiques ou militaires au niveau d’États. À l’instar des études historiques des empires, l’intérêt particulier porte sur le rôle de l’intermédiaire. Ici comme ailleurs, l’histoire cultuelle attire de plus en plus d’attention des historiens.

43Ce courant est sans doute inspiré par la vogue de l’histoire globale dans laquelle l’histoire des empires occupe une place importante. Rappelons que la recherche japonaise sur l’histoire de l’empire britannique a une longue tradition et qu’elle se renouvelle dans les années 1990 et 2000 en reflétant le courant international de l’histoire globale ou des études impériales. Les historiens japonais de l’empire britannique sont en communication fréquente avec des chercheurs de l’empire japonais, dont le sort était d’ailleurs fortement déterminé par la puissance britannique.

44À propos de l’histoire coloniale ou impériale, il faudrait mentionner la collection Le Japon moderne et ses colonies, en huit volumes, parue en 1992-1993. Cette série ne concerne pas que l’époque de la guerre dont nous parlons, mais elle mérite d’être mentionnée comme indicateur du niveau global de la recherche réalisée jusqu’aux années quatre-vingt [28].

Régime de guerre totale : la rupture ou la continuité dans l’histoire du Japon moderne

45Pour la majorité des historiens, la défaite en août 1945 est une rupture fondamentale. Le symbole du changement est la nouvelle Constitution, accompagnée de la démocratisation de différents domaines comme l’éducation, le droit de travail, le vote des femmes ou la réforme agraire. Pourtant dans les années 1970, de plus en plus d’historiens affirment la continuité du capitalisme et de la démocratie des années 1920 à l’après-guerre. Puis la décennie 1990 voit un renouvellement total du sens de ce débat. La notion du « régime de guerre totale » proposée par le politologue Yamanouchi Yasushi (1933-) et son équipe met l’accent sur la continuité entre le pendant et l’après-guerre. Selon eux, la guerre totale nécessitant la participation de toute la nation à l’effort de la guerre, l’État renforce l’intégration nationale de ses membres : il atténue les conflits sociaux ou ethniques et met en place des mesures sociales destinées à des catégories jusque-là marginalisées de la population. Ainsi la guerre totale égalise les conditions de vie des membres de la communauté nationale, en renforçant en même temps la surveillance sur leur vie privée. Yamanouchi, en mettant le nazisme et les régimes démocratiques dans une même perspective théorique, avance que la guerre totale transforme « la société de classes » en « une société de système » théorisée par Talcott Persons, qui repousse l’intégration nationale et génère une structure plus rationnelle et efficace de la mobilisation et de l’utilisation des ressources nationales [29].

46Cette théorie a un impact fort sur l’historiographie japonaise, surtout pour souligner la continuité entre la structure politico-socio-économique construite pour la guerre totale et celle qui a permis la haute croissance d’après-guerre. Selon Amamiya Sh?ichi (1944-), sous « le régime de guerre » de guerre totale et le « régime d’après-guerre » de haute croissance, la standardisation sociale est continuelle entre différentes couches et catégories de la population [30]. Les opposants à cet argument soulignent l’élargissement de l’écart dans les dernières années de la guerre entre l’élite et les profiteurs de guerre d’un côté et la majorité de la population de l’autre. Ils mettent l’accent également sur l’effet des réformes d’après-guerre concernant le droit de travail et la méthode de négociation entre patronat et syndicat, ainsi que sur la force des mouvements populaires des années 1950.

47L’impact de la théorie de continuité déborde la sphère scientifique. Selon Noguchi Yukio (1940-), économiste universitaire très présent dans les médias, le système d’économie japonais, élaboré à partir de 1940 pour la guerre, évitait la concurrence et favorisait les producteurs au détriment des consommateurs, et il a survécu jusqu’aux années 1990. Cet argument a fonctionné comme dénonciateur du système politique et économique d’après-guerre en l’identifiant au régime à tendance centralisatrice de la guerre. Il a ainsi légitimé la politique néolibérale qui s’accélère à cette époque [31].

XXIe siècle

48Au début du xxie siècle, la synthèse des résultats de recherches réalisées dans la dernière décennie du siècle dernier apparaît, sous la forme de la collection Guerre d’Asie-Pacifique en huit volumes publiée en 2005-2006 [32]. L’objectif de cette entreprise éditoriale est énoncé dans la préface commune et se résume ainsi : étant donné le développement remarquable de la recherche historique sur la guerre de quinze ans de ces dernières décennies, nous devons aujourd’hui nous interroger sur leur cadre fondamental de réflexion, qui relève de l’histoire nationale et linaire. Il est devenu important de comprendre la guerre dans son rapport avec l’histoire coloniale, voire dans la perspective de l’empire, qui a son origine bien avant la guerre et qui laisse des traces bien au-delà, y compris jusqu’à nos jours. Par ailleurs, de nouvelles méthodes et thématiques telles que le genre, l’ethnicité, la culture, la mémoire ou la narration ont radicalement changé les conceptions des historiens. Sous le nom de la « Guerre d’Asie-Pacifique », à la différence de la guerre de quinze ans, ils élargissent la portée du regard pour couvrir l’avant et l’après-guerre dans leur continuité.

49Nous retrouvons ici précisément les problématiques majeures du renouvellement des recherches des années 1990 dans les huit volumes :

501. Pourquoi, maintenant, la Guerre d’Asie-Pacifique ? ; 2. Politique de la guerre ; 3. Mobilisation, résistance, assistance ; 4. Expérience de la guerre dans l’empire ; 5. Divers aspects des champs de batailles ; 6. La vie quotidienne dans la guerre totale ; 7. Domination et violence ; 8. La guerre d’Asie-Pacifique dans le xxe siècle.

51Pour terminer, nous voudrions signaler une nouveauté remarquable, en ce début du xxie siècle, dans le domaine de la recherche historique sur le Japon et l’Asie plus largement, à la fois pour les historiens de métier que pour un public curieux, pour ceux qui sont au Japon ainsi que pour ceux qui sont à l’extérieur de l’archipel. Il s’agit du Centre japonais des documents historiques sur l’Asie (Japan Center for Asian Historical Records) [33]. C’est un très gros site internet qui a pour vocation de regrouper la version numérisée de toutes les archives des Archives nationales japonaises, des Archives diplomatiques japonaises et de l’Institut des Études de Défense du ministère de la Défense [34], qui concernent l’Asie et qui datent du début de l’ère Meiji jusqu’à la fin de la guerre du Pacifique. L’origine de l’entreprise est la promesse que Murayama Tomiichi, alors Premier ministre, a faite en 1994 dans le cadre du « Projet pour la paix et les amitiés » conçu pour la commémoration du cinquantenaire de la fin de la guerre. Parmi les 28 000 000 documents recensés, 22 460 000 étaient consultables en avril 2011 et la numérisation avance régulièrement. Ce site a sensiblement changé la condition de recherche sur l’histoire moderne du Japon et des pays et régions d’Asie avec qui le Japon eut des rapports – ils sont nombreux –. Nous espérons que le progrès technologique apportera des dialogues fructueux entre les différents acteurs de l’histoire, en étant tout de même conscients qu’il ne garantit pas, à lui seul, une avance constructive et qu’il faudra bien d’autres conditions.

52Cette communication prouve que les historiens au Japon effectuent leurs travaux scientifiques dans une liberté totale de recherche depuis plus de soixante ans. Leurs activités ont abouti à une publication d’une importance remarquable sur le plan surtout quantitatif mais aussi qualitatif. La vision critique vis-à-vis du régime qui a mené la guerre et du pouvoir conservateur d’après-guerre représente la tendance majoritaire. Notre objectif n’est pas d’en justifier tous leurs arguments, mais juste de montrer que le débat est ouvert et honnête dans la communauté japonaise d’historiens.

53C’est pourtant la montée du révisionnisme sous diverses formes qui est beaucoup plus visible sur la scène internationale puisqu’elle génère des conflits diplomatiques qui sont parfois bien médiatisés. Un des problèmes est certainement l’écart considérable entre la recherche et le grand public, mais sur ce point le Japon n’est sans doute pas un cas isolé. Un autre problème est le peu de visibilité des travaux japonais à l’étranger et nous souhaitons apporter une contribution pour corriger ce manque.


Date de mise en ligne : 27/05/2013

https://doi.org/10.3917/gmcc.249.0033

Notes

  • [*]
    L’auteure, Matsunuma Miho, est historienne spécialiste de la France et s’intéresse plus particulièrement à l’histoire coloniale sous la Troisième République. Elle tient à remercier Michael Lucken et Arnaud Nanta pour leurs conseils précieux lors de la conception du présent dossier. Elle remercie enfin Brice Fauconnier pour sa fine relecture.
  • [1]
    Nous nous contentons d’indiquer ici les principales sources japonaises d’information historiographiques consultées par l’auteure de cet article : Iwanami sinsho hensh?bu [Collection de poches de la maison d’éditions Iwanami] (ed.), Nihon no kingendaishi o d? miruka [Comment regarder l’histoire moderne et contemporaine du Japon ?], Tokyo, Iwanami shoten, 2010 ; Nagahara Keiji, 20 seiki nihon no rekisigaku [Historiographie japonaise du xxe siècle], Tokyo, Yoshikawa k?bunkan, 2003 ; Okabe Makio, « 15 nen sens? shi kenky? no ayumi to kadai » [Le parcours et les devoirs de la recherche sur la guerre de quinze ans], Rekishi hy?ron [Critiques historiques], n° 661, 2005, pp. 14-27. L’article suivant donne une idée générale et synthétique sur le sujet de notre travail. Arnaud Nanta, « Japon : tensions autour du passé », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies, concepts et débats, II, Paris, Gallimard, 2010, pp. 1081-1089. Pour avoir une connaissance générale sur l’histoire contemporaine du Japon, voir : William G. Beasley, Japanese Imperialism 1894-1945, Oxford and New York, Oxford University Press, 1987 ; Antony Best and Kaoru Sugiyama (eds.), Imperial Japan and the World, 1931-1945, Abington and New York, Routledge, 2010 ; Peter Duus (ed.), The Cambridge History of Japan, vol. 6, The Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1988 ; Jean Esmein, « Cinquième partie : de 1868 à nos jours », in Francine Hérail (dir.), Histoire du Japon des origines à nos jours, Paris, Hermann, 2009, pp. 985-1410 ; Michel Vié, Le Japon et le monde au xxe siècle, Paris, Masson, 1995.
  • [2]
    Carol Gluck, « The Past in the Present », in Andrew Gordon (ed.), Postwar Japan as History, Berkeley, Los Angeles and Oxford, University of California Press, 1993, p. 70.
  • [3]
    Maruyama Masao, « Ch? kokka shugi no ronri to sinri » [Logique et psychologie de l’ultra-nationalisme], Sekai, mai 1946 ; Maruyama Masao (ed. Ivan Morris), Thoughts and Behavior in Modern Japanese Politics, Oxford, Oxford University Press, 1963 (Cette traduction est partielle).
  • [4]
    Andrew Barshay, The Social Sciences in Modern Japan: the Marxian and Modernist traditions, Berkeley, University of California Press, 2004 ; Jacques Joly, « Maruyama Masao : de l’autonomie au pacifisme », in Michael Lucken, Emmanuel Lozerend et Anne Bayard-Sakai (dir.), Le Japon après guerre, Arles, Philippe Picquier, 2007, pp. 85-108 ; Rikki Kersten, Democracy in Postwar Japan: Maruyama Masao and the Search for Autonomy, London and New York, Routledge, 1996 ; Victor J. Koschmann, Revolution and Subjectivity in Postwar Japan, Chicago and London, University of Chicago Press, 1996 ; Arnaud Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », in Pierre Bayard et Alain Brossat (dir.), Les Dénis de l’histoire : Europe et Extrême-Orient au xxe siècle, Paris, Laurence Teper, 2008, pp. 202-203 ; Arnaud Nanta, « Pour réintégrer le Japon au sein de l’histoire mondiale : histoire de la colonisation et guerres de mémoire », Cipango, n° 15, 2008, pp. 39-44.
  • [5]
    T?yama Shigeki, Imai Seiichi et Fujiwara Akira, Sh?wa shi [Histoire de l’ère de Sh?wa], Tokyo, Iwanami shoten, 1955.
  • [6]
    T?yama Shigeki, Imai Seiichi et Fujiwara Akira, Sh?wa shi [Histoire de l’ère de Sh?wa], Tokyo, Iwanami shoten, 1955.
  • [7]
    Nihon kokusai seiji gakkai (ed.), Taiheiy? sens? e no michi [Les chemins vers la guerre du Pacifique], Tokyo, Asahi shinbunsha, 1962-1963.
  • [8]
    Son essai, paru en feuilleton à partir de 1963, est recueilli dans un volume en 1964. L’auteur en écrit une suite l’année suivante. Hayashi Fusao, Dait?a sens? k?tei ron [Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale], Tokyo, Ch?? k?ron sha, 1964 ; Hayashi Fusao, Zoku Dait?a sens? k?tei ron [Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale, suite], Tokyo, Ch?? k?ron sha, 1965.
  • [9]
    Pour l’examen ministériel des manuels d’histoire, voir : Saaler Sven, Politics, Memory and Public Opinion: the History Textbook Controversy and Japanese Society, Munich, Iudicium, 2005.
  • [10]
    B?eich? b?ei kensh?jo senshishitsu, Senshi s?sho [Recueil de l’histoire de guerre], 102 vol., Tokyo, Shinonome shinbunsha, 1980.
  • [11]
    Arnaud Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », art. cit., p. 204 ; Arnaud Nanta, « Japon : tensions autour du passé », art. cit. ; Nozaki Yoshiko and Inokuchi Hiromitsu, « Japanese Education, Nationalism and Ienaga Saburo’s Textbook Lawsuits », in Laura Hein and Mark Selden (eds.), Censoring History: Citizenship and Memory in Japan, Germany and United States, Armonk, M. E. Sharpe, 2000. Cf., Ienaga Sabur? (translated and introduced by Richard H. Minear), Japan’s Past, Japan’s Future: one Historian’s Odyssey, Lanham, Boulder, New York and Oxford, Rowman & Littlefield Publishers, 2001.
  • [12]
    Sur ce point, voir : Arnaud Nanta, « Le Japon face à son passé colonial », in Olivier Dard et Daniel Lefeuvre (dir.), L’Europe face à son passé colonial, Paris, Riveneuve, 2008, pp. 129-146.
  • [13]
    Respectivement : Inoue Kiyoshi, Nihon teikokushugi no keisei [La formation de l’impérialisme japonais], Tokyo, Iwanami shoten, 1968 ; Yamabe Kentar?, Nihon t?chi ka no Ch?sen [La Corée sous le gouvernement du Japon], Tokyo, Iwanami shoten, 1971 ; Kobayashi Hideo, « Dait?a ky?ei ken » no keisei to h?kai [Genèse et chute de la « Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale »], Tokyo, Ochanomizu shob?, 1975 ; Mamsh?kokushi kenkyukai [Société des études mandchouriennes] (ed.), Nihon teikokushugi ka no mansh? [La Mandchourie sous l’impérialisme japonais], Tokyo, Ochanomizu shob?, 1972.
  • [14]
    Seddon Terri, « Politics and Curriculum: a case study of the japanese history textbook dispute, 1982 », British Journal of Sociology of Education, 1987, vol. VIII, n° 2, pp. 213-226 ; Sven, op. cit.
  • [15]
    Eguchi Keiichi, « 15nen sens? shi kenky? no kadai » [Les devoirs des recherches sur la guerre de quinze ans], Rekishigaku kenky? [Études historiques], n° 511, 1982.
  • [16]
    Franck Michelin, « Le procès des criminels de guerre japonais », Histoire, n° 271, 2002, pp. 54-61 ; Nanta, « Japon : les historiens contre l’État », art. cit., pp. 201-202.
  • [17]
    It? Takashi, Sh?wa-ki no seiji [La politique durant l’ère Sh?wa], Tokyo, Yamakawa shuppan-sha, 1983 ; It? Takashi, Zoku Sh?wa-ki no seiji [La politique durant l’ère Sh?wa, suite], Tokyo, Yamakawa shuppan-sha, 1993.
  • [18]
    Eguchi Keiichi, J?go nen sens? sh? shi [Petite histoire de la guerre de quinze ans], Tokyo, Aoki shoten, 2009.
  • [19]
    Le premier cas est celui de Kim Hak sun en 1991.
  • [20]
    Yoshimi Yoshiaki, The Comfort Women: Sexual Slavery in the Japanese Military during the World War II, New York, Columbia University Press, 2000.
  • [21]
    Arnaud Nanta, « La mémoire de la guerre et de la colonisation au Japon », Regards sur l’actualité, La documentation française, n° 325, novembre 2006, pp. 47-54.
  • [22]
    Lionel Babicz, « Japon, Chine, Corée : vers une conscience historique commune ? », Ebisu. Études Japonaises, n° 37, 2007, pp. 19-46 ; Alain Delissen, « La nouvelle bataille des Falaises Rouges ? À propos du manuel commun “Chine – Corée – Japon” », Vingtième siècle, n° 94, 2007, pp. 57-71 ; Gotelind Müller (ed.), Designing History in East Asia Textbooks: Identity Politics and Transnational Apirations, London and New York, Routledge, 2011 ; Nanta, « La mémoire de la guerre et de la colonisation », art. cit. ; Ebisu. Études Japonaises, n° 38, dossier « Japon-Corée : Écrire l’histoire ensemble », 2007.
  • [23]
    Cela-dit, le public s’intéresse depuis longtemps aux lettres de soldats tombés sur le front. L’ouvrage le plus lu dans ce genre est un recueil des lettres d’étudiants mobilisés et morts, publié en 1959 et réédité à plusieurs reprises depuis : Nihon senbotsu gakusei kinen-kai [Association pour le souvenir des étudiants tombés à la guerre pour le Japon], Kike wadatsumi no koe: Nihon senbotsu gakusei no tegami [Écoutez-la ! les voix des profondeurs de l’Océan : lettres d’étudiants tombés au combat pour le Japon], Tokyo, Iwanami shoten, 1959.
  • [24]
    Fujii Tadatoshi, Hei tachi no sens?: tegami, nikki, taikenki o yomitoku [Guerre des soldats : lecture des lettres, des journaux intimes et des mémoires], Tokyo, Asahi shibunsha, 2000.
  • [25]
    Il existe aussi un grand recueil accessible en anglais, bien qu’il ne s’agisse pas que des témoignages des soldats : Frank Gibney (ed.), Senso: the Japanese Remember the Pacific War: Letters to the Editor of Asahi Shinbun, Armonk, M. E. Sarpe, 1995.
  • [26]
    Yoshida Yutaka, « Sens? to guntai : nihon kindai gunjishi kenky? no genzai » [La guerre et l’armée : l’état actuel des recherches sur l’histoire militaire moderne du Japon], Rekishi hy?ron [Critiques historiques], n° 630, 2002, pp. 40-51.
  • [27]
  • [28]
    Iwanami k?za Kindai nihon to shokuminshi [Collection Iwanami : le Japon moderne et les colonies], Tokyo, Iwanami shoten, 1992-1993.
  • [29]
    Yasushi Yamanouchi, J. Victor Koschmann, and Ryuichi Narita (eds.), Total War and “Modernization”, Ithaca, Cornell University Press, 1998. L’ouvrage suivant est une étude comparative sur l’organisation et la mobilisation de la population au Japon, en Union soviétique et en Italie fasciste, ainsi que leur résonnance dans d’autres pays. Gregory J. Kasza, The Conscription Society, Administrated Mass Organizations, New Haven, Yale University Press, 1995.
  • [30]
    Amamiya Sh?ichi, Senji sengo taisei ron [Arguments sur le régime pendant et après la guerre], Tokyo, Iwanami shoten, 1997.
  • [31]
    Noguchi Yukio, 1940 nen taisei: saraba senji keizai [Régime de l’année 1940 : adieu à l’« économie de guerre »], Tokyo, T?y? keizai sinp? sha, 1995.
  • [32]
    Iwanami k?za Ajia Taiheiy? sens? [Iwanami Collection : Guerre d’Asie-Pacifique], Tokyo, Iwanami shoten, 2005-2006.
  • [33]
  • [34]
    Le secrétariat d’État à la Défense fut élevé au rang de ministère en 2007.

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