Notes
-
[1]
Cité dans A. Darlan, L’Amiral Darlan parle, Paris, Amiot-Dumont, 1952, p. 35.
-
[2]
Voir J. Blatt, « The parity that meant superiority : French Naval Policy towards Italy and the Washington Conference, 1921-1922 », French Historical Studies, no 12, 1981, p. 223-248.
-
[3]
« Note du service français de la SDN pour le ministre des Affaires étrangères », 21 juin 1929, Archives du ministère des Affaires étrangères [MAE] Série Y / sous-série Désarmement / carton 567 ; on pourra aussi consulter C. Hall, Britain, America and Arms Control, 1921-1937, Londres, MacMillan, 1987, p. 73-88.
-
[4]
Hall, op. cit., p. 80.
-
[5]
Voir C. M. Bell, The Royal Navy, Seapower and Strategy Between the Wars, Stanford, Stanford University Press, 2000 ; C. Hall, op cit. ; S. Roskill, Naval Policy Between the Wars, vol. 2 : The Period of Reluctant Rearmement, 1930-1939, New York, Walker, 1976 ; A. Webster, « An argument without end : Britain, France and the disarmement process, 1925-34 », M. S. Alexander et W. J. Philpott, Anglo-French Defence Relations Between the Wars, New York, Palgrave-Macmmillan, 2002.
-
[6]
Voir H. Coutau-Bégarie, L’histoire maritime en France, Paris, Economica, 1997 ; H. Coutau-Bégarie et C. Huan, Darlan, Paris, Fayard, 1989 ; H. Legoherel, Histoire de la Marine française, Paris, PUF, 1999 ; P. Masson, « La “belle marine” de 1939 », G. Pedroncini (dir.), Histoire militaire de la France, t. 3 : De 1871 à 1940, Paris, PUF, 1997 ; A. Adamthwaite, Grandeur and Misery. France’s Bid for Power in Europe, 1914-1940, Paris, Arnold, 1995 ; M. Vaïsse, Sécurité d’abord. La politique française en matière de désarmement, 9 décembre 1930 - 17 avril 1934, Paris, Pedone, 1981.
-
[7]
Coutau-Bégarie, L’histoire maritime, op. cit., p. 52.
-
[8]
A. J. Toynbee (ed.), Survey of International Affairs,1930, Oxford, Oxford University Press, 1931, p. 12-13 ; Adamthwaite, op. cit., p. 131-133 ; E. D. Keeton, Briand’s Locarno Policy. French Economics, Politics, and Diplomacy, 1925-1929, New York, Garland, 1987.
-
[9]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, Archives du Service historique de la Marine [SHM], série 1BB2/carton 197 ; télégramme de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 19 décembre 1929, MAE Y / Désarmement / 569 ; mémorandum de Craigie, 18 décembre 1929, Documents on British Foreign Policy [DBFP], 2e série, vol. 1, document 120.
-
[10]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[11]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208.
-
[12]
L’échec de la conférence navale de 1927, les difficiles négociations de La Haye et l’adoption du plan Young laissent la France particulièrement méfiante par rapport à la volonté des gouvernements britannique et américain de trouver une solution multilatérale au problème de la sécurité française et européenne. Dépêche no 385 de l’ambassade de France à Washington pour le ministre des Affaires étrangères, 23 août 1929, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[13]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191 ; note « Les problèmes politiques de la Conférence de Londres », 31 janvier 1930, MAE papiers d’agents - archives privées [PA-AP] Tardieu/41.
-
[14]
P. Masson, « La politique navale française de 1919 à 1939 », La Revue maritime, no 252, mars 1968, p. 289-290 ; M. Thomas, « At the heart of things ? French imperial defence planning in the late 1930s », French Historical Studies, vol. 21, no 2, printemps 1998, p. 325-361.
-
[15]
Cette politique est celle de la France depuis les années 1920. Lettre no 626 du ministère de la Marine au Conseil supérieur de la Défense nationale, 10 novembre 1929, Archives du Service historique de l’Armée de terre, série 2N, carton 11.
-
[16]
P. Masson, « La “belle marine” de 1939 », loc. cit., p. 443-445.
-
[17]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208 ; voir les tableaux 2 et 2 bis en annexe.
-
[18]
H. Shamir, Economic Crisis and French Foreign Policy, 1930-1936, New York, E. J. Brill, 1989, p. 8-9.
-
[19]
Tableau 1.
-
[20]
Note secrète no 44 de la délégation navale à la conférence de Londres au ministre des Affaires étrangères, 10 février 1930, MAE Y / Désarmement / 570 ; note secrète 44 bis de la délégation navale à la conférence de Londres au ministre des Affaires étrangères, 11 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[21]
Voir Blatt, loc. cit., p. 231-232 ; P. Guillen, « Franco-italian relations in flux », R. Boyce (dir.), French Foreign and Defence Policy, 1918-1940. The Decline and Fall of a Great Power, Londres, Routledge, 1998, p. 152-155 ; W. I. Shorrock, From Ally to Enemy. The Enigma of Fascist Italy in French Diplomacy, Kent, The Kent University Press, 1988, p. 58.
-
[22]
Télégramme no 189 de la délégation française à la SDN au ministre des Affaires étrangères, 26 septembre 1929, MAE Y / Désarmement / 567 ; dépêche no 268 de l’ambassade de France à Rome, 18 avril 1930, MAE Y / Désarmement / 575.
-
[23]
Traduction du mémorandum italien remis au ministre des Affaires étrangères, 23 décembre 1929, MAE Y / Désarmement / 569 ; traduction du mémorandum italien remis à la délégation française à Londres, 19 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; Toynbee, op. cit., p. 51-52 ; aussi le tableau 2.
-
[24]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/197.
-
[25]
Note de la délégation navale à Londres, 20 février 1930, SHM 1BB2/191.
-
[26]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; voir Bell, op. cit., p. 25.
-
[27]
Compte rendu de deux conversations entre Briand, MacDonald et Henderson, 11 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[28]
Note de la délégation navale à Londres, italique dans le texte, 20 février 1930, SHM 1BB2/191.
-
[29]
Bell, op. cit., p. 24-25.
-
[30]
Note de la délégation navale à Londres, 13 février 1930, SHM 1BB2/191 ; R. M. Salerno, « Multilateral strategy and diplomacy : The anglo-german naval agreement and the mediterranean crisis, 1935-1936 », The Journal of Strategic Studies, vol. 17, no 2, juin 1994, p. 41-42.
-
[31]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; voir le tableau 3.
-
[34]
Note de Craigie suite à une conversation avec Massigli, 13 février 1930, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 144 ; P. M. H. Bell, France and Britain, 1900-1940. Entente & Estrangement, Londres, Longman, 1996, p. 151 ; voir le tableau 1.
-
[35]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Dont l’âge minimum est de 34 ans.
-
[40]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[41]
R. M. Salerno, loc. cit., p. 45.
-
[42]
Télégramme 189 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 20 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[43]
Télégramme 178 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 19 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[44]
B. J. C. McKercher, « ’’Our most dangerous enemy’’ : Great Britain pre-eminent in the 1930s », International History Review, vol. XIII, novembre 1991, p. 751-783.
-
[45]
Voir l’article 21 du traité naval de Londres, DBFP, 2e série, vol. 1, annexe I.
-
[46]
Télégrammes 198 à 200 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 24 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573 ; télégrammes 209 à 211 de l’ambassade de France à Londres au président du Conseil, 27 mars 1930, ibid. ; télégramme 212 de l’ambassade de France à Londres au président du Conseil, 28 mars 1930, ibid.
-
[47]
Voir le mémorandum français du 20 décembre 1929, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 122.
-
[48]
Note de Margerie, commentaire de l’avant-projet de pacte méditerranéen, 11 janvier 1930, MAE PA-AP Massigli/11.
-
[49]
Suggestions d’experts formulées à Londres par la délégation française à la délégation britannique au sujet du pacte méditerranéen, 29 février 1930, MAE PA-AP Massigli/11.
-
[50]
Note du ministre des Affaires étrangères « Préparation à la Conférence navale », Paris, le 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191.
-
[51]
Note de Massigli, commentaire de l’avant projet de pacte méditerranéen, 11 janvier 1930, MAE PA-AP : Massigli/11.
-
[52]
Ibid. ; suggestions d’experts formulées par la délégation française à la délégation britannique au sujet du pacte, 29 février 1930, MAE PA-AP : Massigli/11.
-
[53]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’études de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191 ; compte rendu d’une conversation entre Briand et Stimson, 8 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[54]
Bell, op. cit., p. 24-25.
-
[55]
Note pour Laboulaye, 11 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[56]
Lettre no 34 du ministre des Affaires étrangères à l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, 3 janvier 1930, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 132.
-
[57]
Télégrammes nos 198-200 de l’ambassade de France à Londres, Massigli au ministre des Affaires étrangères, 24 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573 ; Toynbee, op. cit., p. 36-82.
-
[58]
Télégrammes nos 272-274, délégation française à la conférence sur le désarmement naval au ministre des Affaires étrangères, Londres, 23 avril 1930, MAE Y / Désarmement / 575 ; pour le traité naval de Londres, voir DBFP, 2e série, vol. 1, appendice I.
-
[59]
Note du ministre des Affaires étrangères, le 6 mai 1930, MAE Y / Désarmement / 575 ; tableau 3.
-
[60]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208.
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[61]
Télégramme no 215 de la délégation navale à Londres au président du Conseil, 30 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[62]
Note du ministre des Affaires étrangères, 6 mai 1930, MAE Y / Désarmement / 575.
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[63]
Note de la délégation navale à Londres, 20 février 1930, SHM 1BB2/191 ; lettre du ministre des Affaires étrangères aux ambassades et postes consulaires français, 15 juin 1930, MAE Y / Désarmement / 576.
-
[64]
R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962, p. 58.
-
[*]
Je tiens à remercier C. Gravel, M. Larose, C. Bouchard ainsi que le Pr S. Saul pour leurs judicieux conseils dans la préparation de cet article
1Le 4 avril 1930, le contre-amiral François Darlan affirme dans une lettre à sa femme : « [T]out porte à croire que les Anglais vont refuser une fois de plus les suggestions d’accord politique faites par Aristide [Briand]. Je suis ravi, car, pour une vétille sans valeur, il nous aurait fallu lâcher un certain nombre de tonnes, ce que nous ne voulions pas. Tout cela me fait espérer la fin prochaine de cette sinistre comédie. » [1] En quelques mots, Darlan exprime de manière synthétique le problème que rencontre la France à la conférence sur la limitation des armements navals de Londres : le refus britannique d’épauler la France dans la recherche de solutions concrètes au problème de sa sécurité.
2La conférence sur la limitation des armements navals, qui a lieu à Londres entre les 21 janvier et 22 avril 1930 poursuit l’œuvre amorcée à Washington en 1922. L’accord qui avait été négocié dans la capitale américaine limita le tonnage des navires de ligne – cuirassés et porte-avions – des plus importantes puissances navales : l’Angleterre, les États-Unis, le Japon, la France et l’Italie. La France accepta alors la parité des navires lourds avec l’Italie [2]. Les négociations de Londres devaient permettre d’étendre aux autres catégories – croiseurs, contre-torpilleurs, torpilleurs et sous-marins – les bases de cet accord [3], de fixer au moyen d’un traité la répartition du tonnage composant les différentes flottes et de préserver la part de puissance relative des marines américaine et britannique [4].
3Du point de vue de la France, la conférence s’inscrit dans la recherche générale de la sécurité qui préoccupe les décideurs depuis 1919. Au-delà des déclarations de principes et des accords internationaux qui engagent déjà le pays, ils tentent, lors des négociations, de concrétiser cette quête. Au quai d’Orsay et au ministère de la Marine, il s’agit de mettre en place les conditions susceptibles de contribuer à la réalisation de l’objectif. Afin d’y parvenir, ils optent pour deux moyens : d’abord, la force navale, où la supériorité française en Méditerranée, en mesure de faire face à la fois à la marine italienne et à la marine allemande, garantit l’indépendance stratégique de la France ; ensuite, la voie politique, où la volonté d’intégrer la Méditerranée dans un système de sécurité collective limiterait la puissance italienne en Méditerranée et associerait concrètement l’Angleterre à la défense des intérêts français. Plus précisément, le volet sécuritaire méditerranéen, dévoilé à la conférence, permet au quai d’Orsay et au ministère de la Marine de mettre en place des mesures politiques et stratégiques de nature à préserver le rapport de force issu du traité de Versailles et de faire face à une éventuelle contestation de celui-ci par l’Allemagne.
4Les quelques ouvrages qui examinent la place de la France à la conférence de Londres lui laissent généralement un rôle de figurant, coincé entre la Grande-Bretagne et les États-Unis [5]. Les historiens qui ont analysé la conférence du point de vue français l’ont fait généralement par le biais de l’histoire navale ou des relations franco-anglo-italiennes. Ils justifient le refus de la France de ratifier les accords résultant de la conférence par la nécessité de préserver ses voies de communication avec l’Afrique du Nord [6]. À ce jour, aucune étude n’examine, ni ne détermine les objectifs politiques et stratégiques recherchés par la France à la conférence [7]. Pourtant, les archives des ministères des Affaires étrangères et de la Marine démontrent que les objectifs poursuivis par la France dépassent l’Afrique du Nord et la Méditerranée.
5Dès lors que la recherche de la sécurité est replacée au centre des objectifs politiques et stratégiques que visent les décideurs français, la conférence de Londres retrouve sa signification. Alors que les différents traités et accords signés depuis 1919 incarnent le modèle de sécurité recherché par la France, l’élaboration de mécanismes politiques et militaires fonctionnels, capables d’assurer la sécurité de l’Europe, échappe toujours aux décideurs français [8]. Cela étant, la conférence laisse entrevoir, pour les décideurs français, la possibilité de mettre en place une politique globale, susceptible de garantir de manière concrète la sécurité du pays contre l’adversaire potentiel le plus menaçant : l’Allemagne.
Les objectifs français à Londres : assurer l’avenir
6En conséquence, les objectifs stratégiques et politiques français à la conférence ont deux dimensions : protéger les intérêts stratégiques de la France en préservant sa supériorité navale en Méditerranée et arriver à un accord politique – intégré au pacte Briand-Kellogg et à l’article 8 du traité de Versailles – entre puissances méditerranéennes garantissant le statu quo dans la région [9].
7A priori, les objectifs français concernent le bassin méditerranéen. Cependant, il faut remarquer que le ministère des Affaires étrangères et l’état-major de la Marine envisagent la situation dans un contexte plus large et il est possible de parler d’une stratégie globale de leur part. Les besoins français, à la fois politiques et stratégiques, sont déterminés par la menace principale à la sécurité française : l’Allemagne. Les risques sont grands de voir cette grande puissance potentielle sur le plan militaire retrouver son statut d’avant 1914. Cette donne est indissociable de l’analyse des décideurs français. La remarque d’Aristide Briand faite à Ramsay MacDonald prend alors tout son sens. Lorsqu’il affirme, en février 1930, qu’ « il faut assurer l’avenir », Briand indique au Premier ministre britannique que la France à l’intention de mener une politique globale, tenant compte de l’évolution de la situation stratégique et politique européenne [10].
8La menace potentielle allemande explique aussi l’attitude française à l’égard de l’Italie. Les ambitions italiennes dans le bassin méditerranéen, par leur capacité d’influencer les relations franco-allemandes, peuvent devenir une menace pour la sécurité française. Les relations franco-italiennes sont donc constamment évaluées en fonction de l’impact qu’elles auront sur le rapport de force franco-allemand, au centre de toute la politique française.
9Puissance et indépendance sont les deux éléments clefs des objectifs politiques et stratégiques du quai d’Orsay et du ministère de la Marine [11]. Malgré les pressions britanniques, les décideurs français refusent de subordonner leurs besoins à ceux d’une autre puissance et, lorsque la délégation française arrive à Londres en janvier 1930, elle est décidée à faire connaître ses objectifs et à convaincre l’Angleterre de la légitimité de ses revendications. Rejetant toutes concessions susceptibles d’affaiblir ses forces navales, le gouvernement français y mène une politique de puissance apte à préserver ses intérêts, tout en permettant de maintenir le dialogue avec ses partenaires et ses adversaires potentiels. La France est consciente de la fragilité de sa position. Isolée, elle devra défendre ses intérêts avec soin [12]. Dès lors, Briand souhaite éviter la répétition des conférences précédentes et dirige une délégation résolue à empêcher l’érosion des intérêts français [13].
Les problèmes stratégiques français
10Officiellement, la délégation française à Londres vise à : 1 / garantir la liberté des communications maritimes, particulièrement en Méditerranée, d’où proviennent les renforts militaires d’Afrique du Nord ; interdire les communications maritimes des adversaires potentiels ; assurer la défense des frontières maritimes et coloniales [14]. Si la marine italienne représente le concurrent principal en Méditerranée, la neutralisation de la flotte allemande dans l’Atlantique par le traité de Versailles ne peut être, pour le ministère de la Marine, que temporaire. La défense des lignes de communication impose donc la nécessité de surclasser la flotte italienne en Méditerranée et la flotte allemande dans l’Atlantique. Concrètement, cette politique signifie que la Marine française envisage un affrontement dans la situation stratégique la plus défavorable : un conflit sans aide extérieure qui l’opposerait à la fois à l’Italie et à l’Allemagne [15].
11Depuis 1919, les décideurs français n’ont pas d’illusion relativement à la sécurité. Au-delà des déclarations de principe, il n’existe toujours pas, en 1930, d’accord garantissant la sécurité collective européenne. En l’absence de mécanismes politiques et militaires multilatéraux et fonctionnels, la France détermine ses impératifs sécuritaires de manière à garantir sa sécurité par ses propres moyens.
12N’ayant pas mis de navires importants en chantier depuis la Grande Guerre, la France doit nécessairement rénover sa flotte pour conserver son statut de grande puissance [16], d’autant plus qu’en 1930, « [sa] la flotte moderne n’est pas assez nombreuse et n’est pas assez puissante pour remplir sa mission » [17]. Soutenue par un contexte économique favorable – la France est, au moment de la conférence, épargnée par la crise économique [18]– le programme de construction du ministère de la Marine est ambitieux et n’est surpassé que par celui des États-Unis [19]. Malgré son ampleur, il ne cherche pas tant à accroître le potentiel de puissance français qu’à préserver son statut de grande puissance [20].
13Dès le début des années 1920, les intérêts de Paris et de Rome s’affrontent [21]. En 1930, la situation n’a guère évolué : la question de l’équilibre des forces navales est au cœur du problème stratégique français en Méditerranée. La tactique italienne à la conférence est fort simple : ne rien proposer en matière de besoins navals mais obtenir la parité avec la France [22]. Dès les négociations préparatoires à la conférence, l’Italie refuse d’annoncer la nature et l’ampleur de ses prochaines constructions navales et donne le ton aux négociations en indiquant qu’elle accepte a priori une réduction des armements navals, peu importe le niveau, à condition que les siens soient au niveau de la France [23]. Elle justifie sa requête par son statut de grande puissance et son approvisionnement en matières premières qui dépend de ses liaisons maritimes [24].
14Naturellement, les décideurs français ne peuvent admettre une telle situation puisqu’elle remet en cause les fondements mêmes de la sécurité française : la capacité de faire face à un conflit avec à la fois l’Allemagne et l’Italie. La Marine, chargée de protéger les littoraux atlantique et méditerranéen, ne peut accepter la parité des forces navales avec l’Italie sans mettre en péril ses lignes de communication avec l’Afrique du Nord et ses colonies. La parité navale signifierait, en somme, un état d’infériorité. La France serait incapable de concentrer ses forces navales sans laisser l’une de ses frontières maritimes vulnérable à une attaque allemande, italienne ou des deux à la fois [25].
15Alors que les intérêts franco-britanniques devaient, selon l’analyse des décideurs français, converger, la délégation britannique à la conférence refuse de faire la distinction entre les impératifs français de sécurité et ce que le gouvernement britannique associe à une volonté d’accroissement de potentiel militaire [26]. Pour les décideurs britanniques, les objectifs français discréditent les visées de la conférence qui doivent conduire à une réduction des armements navals – aux dépens des besoins de sécurité français – et ils critiquent sévèrement et ouvertement la position française [27].
16Ce sera l’élément déterminant dans le refus du gouvernement français de ratifier les principaux éléments du traité. Au ministère de la Marine, on considère que l’Amirauté britannique cherche à préserver sa « supériorité le plus économiquement possible » et « c’est pourquoi, sans laisser ses chiffres au-dessous du minimum qu’elle s’est fixé en considérant ses besoins, elle voudrait diminuer les chiffres des autres puissances sans considérer leurs besoins » [28]. Étant donné que les constructions navales japonaises et, surtout, américaines menacent sa part de puissance relative, l’Amirauté souhaite fixer par un traité la répartition des forces des cinq puissances navales les plus importantes. Durant les années 1920, la Royal Navy possédait les navires les plus modernes et elle était en plein effort de modernisation. Or, la crise de 1929, l’élection du gouvernement travailliste ainsi que l’ampleur du programme de construction navale américain compromettent l’effort de modernisation navale britannique. L’initiative britannique de convoquer une conférence sur le désarmement naval s’explique par la situation financière et politique de la Grande-Bretagne qui complique le maintien de sa place de première puissance navale mondiale [29]. Pour le gouvernement britannique, la limitation des armements navals constitue un moyen de maintenir une marge de sécurité acceptable face au Japon et de garantir l’équilibre des forces navales avec les États-Unis [30]. Ce que recherche le gouvernement britannique, « c’est pouvoir réduire nos forces en maintenant l’équilibre » du rapport des forces navales [31]. Conséquemment, la solution la plus « économique » consiste à fixer la répartition des forces navales au moyen d’un traité et de concéder la parité navale aux États-Unis. Effrayée par l’importance des nouvelles constructions françaises, la délégation britannique refuse d’intégrer dans sa politique navale la défense des intérêts français et craint que le refus des décideurs français de limiter leurs armements navals ne signe l’échec de la conférence [32]. Comme l’indique le premier ministre MacDonald au président du Conseil André Tardieu :
« De 1930 à 1936 la flotte française augmenterait sa puissance effective de 50 à 60 %, par la construction de bâtiments de nouveaux modèles. En même temps, je me présenterais devant les Communes avec une flotte sensiblement réduite. [...]
« Quelle que soit la décision à laquelle nous puissions arriver, je vous dirai que nous avons examiné les chiffres de notre programme très attentivement, en pensant à la fois à nos besoins, [...] et aux dispositions de l’opinion publique : me plaçant à ces deux points de vue, je soutiens que le maintien de vos chiffres me forcerait à relever les nôtres pour toutes les catégories de bâtiments. » [33]
17Le désaccord franco-britannique réside dans l’interprétation que chacun fait de sa sécurité. Dans un contexte où l’Amirauté considère que la puissance allemande est limitée par le traité de Versailles et où le Foreign Office soutient que la SDN, les accords de Locarno et le pacte Briand-Kellogg forment certaines garanties matérielles, les craintes françaises semblent bien illusoires, du moins à court et moyen terme [34]. Pourtant, la délégation française ne considère pas ces dispositions comme fonctionnelles en ce qui concerne le problème naval en particulier et la sécurité française en général. Briand l’explique aux délégations américaine et britannique : « Entre hommes raisonnables, qui pensent qu’il n’y a pas de menace de guerre immédiate mais qu’il faut assurer l’avenir, nous devons rechercher une entente sur le terrain politique. » [35] Les impératifs français, tels que les conçoit le gouvernement se définissent ainsi : « Nos difficultés [...] sont du côté de la mer du Nord et de la Méditerranée. Nous avons ainsi à assurer nos relations avec nos colonies, et avec l’Afrique du Nord dont une partie appartient à notre territoire national. » [36]
18Le 14 février, lors d’une nouvelle rencontre entre les chefs des délégations américaine, britannique et française, le secrétaire au Foreign Office Henderson et le Premier ministre MacDonald refusent de tenir compte des objectifs français et indiquent que le maintien des chiffres du programme de construction français forcerait l’Angleterre à revoir son programme de construction navale [37]. Qui plus est, la délégation britannique propose de suspendre la construction de nouveaux croiseurs jusqu’à la fin de 1936. La réponse du président du Conseil, Tardieu, est directe : « Si nous étions seuls ensemble à cette Conférence, toute réduction serait possible et raisonnable. Mais ne nous demandez pas d’agir sans tenir compte de l’existence de Puissances dont certaines sont présentes à cette Conférence et d’autres sont absentes [c’est-à-dire, l’Italie et l’Allemagne]. » [38] Arrêter les constructions signifie le non-remplacement de quatre croiseurs [39]. « Ce serait, explique encore Tardieu, moins que ce que le traité de Versailles accorde à l’Allemagne (6 croiseurs en service et 2 en réserve). » [40]
19De part et d’autre, on interprète de manière différente la nature des chiffres proposés, avec à l’esprit les seuls intérêts nationaux respectifs. La délégation française justifie ses nouvelles constructions en affirmant qu’elles sont nécessaires à la préservation du rapport de force relatif en Méditerranée. Cependant, les Britanniques examinent les chiffres français de manière absolue, sans considérer la nature de ceux-ci, c’est-à-dire qu’ils concernent des navires de remplacement. Étant donné que son Amirauté minimise les risques de conflit dans le bassin méditerranéen, l’Angleterre se soucie peu de la nature de l’équilibre naval franco-italien, à condition que celui-ci n’influence pas son rapport de force dans la région [41].
20Pour la délégation française, la tactique britannique est évidente : « Dans leur recherche d’une solution, les représentants anglais, s’inspirant toujours sans l’avouer du principe du two powers standard et comme [...] ils prennent pour base la flotte italienne existante, les combinaisons qu’ils imaginent ne nous accordent dans les classes de bâtiments non limitées à Washington que des marges absolument insuffisantes. » [42]
21Au centre de la relation triangulaire Paris-Londres-Rome, l’Angleterre refuse d’accepter la nature des besoins stratégiques français et la menace que fait peser l’Italie sur la sécurité générale de la France [43]. Les discussions entre les délégations britannique et française illustrent le blocage et l’incompatibilité des objectifs politiques et stratégiques des deux pays. D’une part, l’Angleterre souhaite conserver sa situation de première puissance navale, même si elle doit en partager le rang avec les États-Unis [44]. Sa marge de sécurité en Méditerranée reposant sur la stabilisation des flottes française et italienne, elle a intérêt à éviter un accroissement de leur puissance navale relative, lequel risquerait de faire jouer la clause de sauvegarde du traité et de ruiner l’entente avec les États-Unis et le Japon [45]. D’autre part, la France souhaite préserver sa position dominante en Méditerranée pour assurer sa sécurité et refuse de subordonner ses besoins en matière d’armement naval à ceux de l’Angleterre, à moins que celle-ci n’accepte, en liant ses forces navales à celles de la France, de garantir la sécurité française [46].
La parité contre la sécurité : le pacte méditerranéen
22Le gouvernement français propose, dès l’ouverture de la conférence, un règlement politique au désaccord franco-italien et tente de s’assurer certaines garanties britanniques. Dès la fin décembre 1929, la France indique son intention de discuter à Londres l’élaboration d’un pacte méditerranéen, calqué sur les accords de Locarno [47]. Avec cette proposition de pacte, le gouvernement français subordonne la réduction de ses armements navals à un accord politique de nature à garantir sa sécurité et à fixer politiquement le rapport de force méditerranéen [48]. Compte tenu que les accords de Locarno n’englobent pas l’espace méditerranéen et que le pacte Briand-Kellogg représente essentiellement une déclaration de principe, le gouvernement français souhaite faire du projet de pacte un instrument à la fois politique – susceptible de maintenir le statu quo méditerranéen – et stratégique, par lequel l’assistance des pays signataires se substitue au tonnage supplémentaire que doit posséder la France sur l’Italie et l’Allemagne [49].
23Dans une note du 16 novembre 1929, Aristide Briand, explique pourquoi « la France ne pourrait [...] s’engager dans cette voie [la réduction de ses armements navals], que si des accords de sécurité conclus entre Puissances méditerranéennes constituaient, à la concession que nous ferions en ne soulevant pas d’objections contre un notable accroissement de la flotte italienne, une sérieuse contrepartie » [50]. Une certaine érosion de la puissance navale française en faveur de l’Italie serait donc possible en échange d’un accord politique apte à garantir la sécurité française. René Massigli, ministre plénipotentiaire et délégué français à la conférence, explique : « L’état-major de la Marine estime ne pouvoir accepter la parité avec l’Italie en Méditerranée que moyennant l’engagement précis d’une coopération immédiate de la flotte britannique avec la nôtre en cas d’agression italienne. [...] L’intérêt [...] consiste à lier étroitement notre position en Méditerranée à celle de l’Angleterre. » [51]
24La participation britannique au pacte, encadrée par l’article 8 du pacte de la SDN, serait alors en mesure d’appuyer la France en cas d’agression italienne. Conçu pour compléter les accords de Locarno en assurant la frontière méditerranéenne de la France, le projet de pacte garantit le rapport des forces en présence dans le bassin méditerranéen [52]. Cautionnée par la marine britannique, la parité des forces navales françaises et italiennes devient alors acceptable.
25Les décideurs français n’ont cependant pas d’illusions sur la réception du pacte en Angleterre et en Italie [53]. Le gouvernement britannique peut difficilement accepter un accord politique qui associe ses forces navales à la stabilité du bassin méditerranéen, alors qu’il cherche à préserver sa position dans le Pacifique, tout en faisant la promotion du désarmement naval [54]. Quant à l’Italie, sa quête de puissance s’oppose au maintien d’un rapport de force favorable à la France en Méditerranée.
26Face à ces contraintes, la délégation française entend utiliser le projet de pacte tel un levier dans ses négociations avec l’Italie et l’Angleterre [55]. Le refus des autres puissances navales de s’associer au pacte met en place un contexte favorable à la promotion et à la défense des intérêts et des revendications françaises, sans oublier la justification de son programme naval [56].
Les conséquences pour la France de la conférence de Londres
27Malgré les nombreuses rencontres des délégations navales et des divers comités techniques, les négociations entre la France, l’Italie et l’Angleterre constituent un véritable dialogue de sourds, chacun restant campé sur ses positions : la France et l’Italie refusant respectivement toute modification par rapport à leurs positions initiales, l’Angleterre refusant d’appuyer la France tout en ne limitant pas l’appétit italien. À la fin du mois de mars, il est clair que la France et l’Italie n’intégreront pas le traité préparé à Londres [57]. Si les décideurs français acceptent de prolonger les accords de Washington jusqu’en 1936, ils refusent de ratifier les accords de Londres sur les autres catégories [58].
28Alors qu’elle craignait d’être contrainte de faire des concessions à la conférence sur le désarmement naval de Londres, la délégation française a su y défendre ses besoins stratégiques. Quelques jours après la fin de la conférence, le ministre des Affaires étrangères écrit :
« La Conférence de Londres s’est terminée sans que la liberté de la France en matière d’armements navals ait été à aucun degré entamée. Nous sommes libres, non seulement de nous en tenir au programme de construction défini [...] par la Délégation française pour la période 1931-1936, mais même [...] de poursuivre sans aucune restriction, l’exécution intégrale du Statut naval. » [59]
29Les conditions relatives à la construction navale nécessitent une planification à long terme et l’élaboration d’un outil militaire souple, adaptable et capable d’appuyer l’action diplomatique du gouvernement. Comme le souligne en septembre 1930 le contre-amiral Darlan, « étant donné la lenteur d’adaptation de la flotte à des nécessités nouvelles, cette politique doit être telle que nous puissions faire inopinément face aux éventualités les plus défavorables » [60]. À la lumière de cette remarque, il est clair que la France a su agir en fonction de ses impératifs sécuritaires à Londres.
30Déterminés par la menace italo-allemande, les objectifs français à la conférence illustrent les considérations stratégiques qui animaient la politique étrangère française au début des années 1930. Il est possible de parler de couplage stratégique entre la Méditerranée et l’Atlantique et c’est la combinaison de ces deux menaces qui détermine la nature des besoins stratégiques français en matière d’armements navals. De manière plus générale, l’examen des objectifs français à la conférence démontre la politique globale menée par la France. Cette politique répond à ses besoins en matière de sécurité et permet de faire face à une éventuelle menace allemande.
31Du point de vue politique, les résultats sont plus modestes et ambigus. Le quai d’Orsay a le sentiment d’avoir défendu les intérêts politiques français et obtenu une victoire diplomatique. « Cet essai de négociation, explique René Massigli au président du Conseil, n’aura pas été inutile puisqu’il nous permettra, le moment venu, de mettre en pleine lumière que ce n’est pas sur la conclusion d’accords particuliers mais sur la question infiniment plus large de l’interprétation même des obligations du pacte de la Société des Nations qu’un accord n’a pas pu s’établir entre la délégation britannique et nous. » [61]
32Cependant, à quelques semaines des rencontres préparatoires de la conférence générale sur le désarmement, la France se trouve dangereusement isolée. Si Briand désire limiter les difficultés franco-italiennes, il espère plus particulièrement convaincre l’Angleterre du bien-fondé de sa politique à l’égard de l’Italie. En faisant ressortir les contradictions de la politique étrangère italienne, Briand place l’Italie dans la position de la puissance qui refuse la négociation et menace la sécurité européenne [62]. En démontrant la volonté française d’arriver à un arrangement, il tente de s’assurer de l’appui de l’Angleterre en vue des négociations de Genève. Malgré le refus apparent de Rome de négocier la limitation des armements navals sur une autre base que la parité totale des flottes française et italienne, le quai d’Orsay doit persister dans ses efforts de négociations. À l’approche de la conférence générale sur le désarmement, il est essentiel d’éviter que l’Italie ne paralyse les négociations. Dans ces conditions, le maintien du dialogue avec Rome ne peut que renforcer, selon le quai d’Orsay, les chances d’un rapprochement franco-britannique [63].
33La France a mené à la conférence navale de Londres ce que Raymond Aron qualifie de politique de puissance défensive, c’est-à-dire la « capacité d’une unité politique de ne pas se laisser imposer la volonté des autres » [64]. Lors des négociations, en rappelant le volet maritime de la puissance française, les ministères de la Marine et des Affaires étrangères ont su défendre une politique et une stratégie globales, autonomes et capables de répondre à leurs besoins en matière de sécurité. Si l’appui britannique et la bonne entente italienne sont souhaitables, elles ne sont pas, en 1930, des composantes absolues à la réalisation des objectifs français. Finalement, l’échec du versant européen de la conférence navale de Londres signifie le succès de la France. En conservant toute son indépendance stratégique et politique en Méditerranée, les décideurs avaient pour dessein, en fonction des futurs travaux de la conférence générale sur le désarmement de Genève, d’ « assurer l’avenir » de la sécurité et de la puissance française.
Notes
-
[1]
Cité dans A. Darlan, L’Amiral Darlan parle, Paris, Amiot-Dumont, 1952, p. 35.
-
[2]
Voir J. Blatt, « The parity that meant superiority : French Naval Policy towards Italy and the Washington Conference, 1921-1922 », French Historical Studies, no 12, 1981, p. 223-248.
-
[3]
« Note du service français de la SDN pour le ministre des Affaires étrangères », 21 juin 1929, Archives du ministère des Affaires étrangères [MAE] Série Y / sous-série Désarmement / carton 567 ; on pourra aussi consulter C. Hall, Britain, America and Arms Control, 1921-1937, Londres, MacMillan, 1987, p. 73-88.
-
[4]
Hall, op. cit., p. 80.
-
[5]
Voir C. M. Bell, The Royal Navy, Seapower and Strategy Between the Wars, Stanford, Stanford University Press, 2000 ; C. Hall, op cit. ; S. Roskill, Naval Policy Between the Wars, vol. 2 : The Period of Reluctant Rearmement, 1930-1939, New York, Walker, 1976 ; A. Webster, « An argument without end : Britain, France and the disarmement process, 1925-34 », M. S. Alexander et W. J. Philpott, Anglo-French Defence Relations Between the Wars, New York, Palgrave-Macmmillan, 2002.
-
[6]
Voir H. Coutau-Bégarie, L’histoire maritime en France, Paris, Economica, 1997 ; H. Coutau-Bégarie et C. Huan, Darlan, Paris, Fayard, 1989 ; H. Legoherel, Histoire de la Marine française, Paris, PUF, 1999 ; P. Masson, « La “belle marine” de 1939 », G. Pedroncini (dir.), Histoire militaire de la France, t. 3 : De 1871 à 1940, Paris, PUF, 1997 ; A. Adamthwaite, Grandeur and Misery. France’s Bid for Power in Europe, 1914-1940, Paris, Arnold, 1995 ; M. Vaïsse, Sécurité d’abord. La politique française en matière de désarmement, 9 décembre 1930 - 17 avril 1934, Paris, Pedone, 1981.
-
[7]
Coutau-Bégarie, L’histoire maritime, op. cit., p. 52.
-
[8]
A. J. Toynbee (ed.), Survey of International Affairs,1930, Oxford, Oxford University Press, 1931, p. 12-13 ; Adamthwaite, op. cit., p. 131-133 ; E. D. Keeton, Briand’s Locarno Policy. French Economics, Politics, and Diplomacy, 1925-1929, New York, Garland, 1987.
-
[9]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, Archives du Service historique de la Marine [SHM], série 1BB2/carton 197 ; télégramme de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 19 décembre 1929, MAE Y / Désarmement / 569 ; mémorandum de Craigie, 18 décembre 1929, Documents on British Foreign Policy [DBFP], 2e série, vol. 1, document 120.
-
[10]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[11]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208.
-
[12]
L’échec de la conférence navale de 1927, les difficiles négociations de La Haye et l’adoption du plan Young laissent la France particulièrement méfiante par rapport à la volonté des gouvernements britannique et américain de trouver une solution multilatérale au problème de la sécurité française et européenne. Dépêche no 385 de l’ambassade de France à Washington pour le ministre des Affaires étrangères, 23 août 1929, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[13]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191 ; note « Les problèmes politiques de la Conférence de Londres », 31 janvier 1930, MAE papiers d’agents - archives privées [PA-AP] Tardieu/41.
-
[14]
P. Masson, « La politique navale française de 1919 à 1939 », La Revue maritime, no 252, mars 1968, p. 289-290 ; M. Thomas, « At the heart of things ? French imperial defence planning in the late 1930s », French Historical Studies, vol. 21, no 2, printemps 1998, p. 325-361.
-
[15]
Cette politique est celle de la France depuis les années 1920. Lettre no 626 du ministère de la Marine au Conseil supérieur de la Défense nationale, 10 novembre 1929, Archives du Service historique de l’Armée de terre, série 2N, carton 11.
-
[16]
P. Masson, « La “belle marine” de 1939 », loc. cit., p. 443-445.
-
[17]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208 ; voir les tableaux 2 et 2 bis en annexe.
-
[18]
H. Shamir, Economic Crisis and French Foreign Policy, 1930-1936, New York, E. J. Brill, 1989, p. 8-9.
-
[19]
Tableau 1.
-
[20]
Note secrète no 44 de la délégation navale à la conférence de Londres au ministre des Affaires étrangères, 10 février 1930, MAE Y / Désarmement / 570 ; note secrète 44 bis de la délégation navale à la conférence de Londres au ministre des Affaires étrangères, 11 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[21]
Voir Blatt, loc. cit., p. 231-232 ; P. Guillen, « Franco-italian relations in flux », R. Boyce (dir.), French Foreign and Defence Policy, 1918-1940. The Decline and Fall of a Great Power, Londres, Routledge, 1998, p. 152-155 ; W. I. Shorrock, From Ally to Enemy. The Enigma of Fascist Italy in French Diplomacy, Kent, The Kent University Press, 1988, p. 58.
-
[22]
Télégramme no 189 de la délégation française à la SDN au ministre des Affaires étrangères, 26 septembre 1929, MAE Y / Désarmement / 567 ; dépêche no 268 de l’ambassade de France à Rome, 18 avril 1930, MAE Y / Désarmement / 575.
-
[23]
Traduction du mémorandum italien remis au ministre des Affaires étrangères, 23 décembre 1929, MAE Y / Désarmement / 569 ; traduction du mémorandum italien remis à la délégation française à Londres, 19 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; Toynbee, op. cit., p. 51-52 ; aussi le tableau 2.
-
[24]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’étude de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/197.
-
[25]
Note de la délégation navale à Londres, 20 février 1930, SHM 1BB2/191.
-
[26]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; voir Bell, op. cit., p. 25.
-
[27]
Compte rendu de deux conversations entre Briand, MacDonald et Henderson, 11 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[28]
Note de la délégation navale à Londres, italique dans le texte, 20 février 1930, SHM 1BB2/191.
-
[29]
Bell, op. cit., p. 24-25.
-
[30]
Note de la délégation navale à Londres, 13 février 1930, SHM 1BB2/191 ; R. M. Salerno, « Multilateral strategy and diplomacy : The anglo-german naval agreement and the mediterranean crisis, 1935-1936 », The Journal of Strategic Studies, vol. 17, no 2, juin 1994, p. 41-42.
-
[31]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571 ; voir le tableau 3.
-
[34]
Note de Craigie suite à une conversation avec Massigli, 13 février 1930, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 144 ; P. M. H. Bell, France and Britain, 1900-1940. Entente & Estrangement, Londres, Longman, 1996, p. 151 ; voir le tableau 1.
-
[35]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 13 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Dont l’âge minimum est de 34 ans.
-
[40]
Compte rendu d’une conversation entre les chefs des délégations navales, 14 février 1930, MAE Y / Désarmement / 571.
-
[41]
R. M. Salerno, loc. cit., p. 45.
-
[42]
Télégramme 189 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 20 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[43]
Télégramme 178 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 19 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[44]
B. J. C. McKercher, « ’’Our most dangerous enemy’’ : Great Britain pre-eminent in the 1930s », International History Review, vol. XIII, novembre 1991, p. 751-783.
-
[45]
Voir l’article 21 du traité naval de Londres, DBFP, 2e série, vol. 1, annexe I.
-
[46]
Télégrammes 198 à 200 de l’ambassade de France à Londres au ministre des Affaires étrangères, 24 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573 ; télégrammes 209 à 211 de l’ambassade de France à Londres au président du Conseil, 27 mars 1930, ibid. ; télégramme 212 de l’ambassade de France à Londres au président du Conseil, 28 mars 1930, ibid.
-
[47]
Voir le mémorandum français du 20 décembre 1929, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 122.
-
[48]
Note de Margerie, commentaire de l’avant-projet de pacte méditerranéen, 11 janvier 1930, MAE PA-AP Massigli/11.
-
[49]
Suggestions d’experts formulées à Londres par la délégation française à la délégation britannique au sujet du pacte méditerranéen, 29 février 1930, MAE PA-AP Massigli/11.
-
[50]
Note du ministre des Affaires étrangères « Préparation à la Conférence navale », Paris, le 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191.
-
[51]
Note de Massigli, commentaire de l’avant projet de pacte méditerranéen, 11 janvier 1930, MAE PA-AP : Massigli/11.
-
[52]
Ibid. ; suggestions d’experts formulées par la délégation française à la délégation britannique au sujet du pacte, 29 février 1930, MAE PA-AP : Massigli/11.
-
[53]
Observation du ministre des Affaires étrangères pour la Commission d’études de la Défense nationale, 16 novembre 1929, SHM 1BB2/191 ; compte rendu d’une conversation entre Briand et Stimson, 8 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[54]
Bell, op. cit., p. 24-25.
-
[55]
Note pour Laboulaye, 11 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 572.
-
[56]
Lettre no 34 du ministre des Affaires étrangères à l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, 3 janvier 1930, DBFP, 2e série, vol. 1, doc. 132.
-
[57]
Télégrammes nos 198-200 de l’ambassade de France à Londres, Massigli au ministre des Affaires étrangères, 24 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573 ; Toynbee, op. cit., p. 36-82.
-
[58]
Télégrammes nos 272-274, délégation française à la conférence sur le désarmement naval au ministre des Affaires étrangères, Londres, 23 avril 1930, MAE Y / Désarmement / 575 ; pour le traité naval de Londres, voir DBFP, 2e série, vol. 1, appendice I.
-
[59]
Note du ministre des Affaires étrangères, le 6 mai 1930, MAE Y / Désarmement / 575 ; tableau 3.
-
[60]
Note de Darlan sur la politique navale, 10 septembre 1930, SHM 1BB2/208.
-
[61]
Télégramme no 215 de la délégation navale à Londres au président du Conseil, 30 mars 1930, MAE Y / Désarmement / 573.
-
[62]
Note du ministre des Affaires étrangères, 6 mai 1930, MAE Y / Désarmement / 575.
-
[63]
Note de la délégation navale à Londres, 20 février 1930, SHM 1BB2/191 ; lettre du ministre des Affaires étrangères aux ambassades et postes consulaires français, 15 juin 1930, MAE Y / Désarmement / 576.
-
[64]
R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962, p. 58.
-
[*]
Je tiens à remercier C. Gravel, M. Larose, C. Bouchard ainsi que le Pr S. Saul pour leurs judicieux conseils dans la préparation de cet article