Notes
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[1]
Nous prenons le parti de garder les termes en anglais lorsque ceux-ci sont révélateurs du lexique distinctif du phénomène étudié. Ils ne sont traduits que lors de leur premier usage.
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[2]
Emblématique de cette tendance, l’Observatoire international de la démocratie participative (OIDP) regroupe, depuis le début des années 2000, plus de 500 collectivités locales de 54 pays différents. Il met en place des rencontres internationales et délivre chaque année le prix de la « bonne pratique en participation citoyenne ».
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[3]
En France, la loi de 1995 qui pose l’obligation d’une enquête publique ouverte aux citoyens (loi L.95-101, dite loi Barnier) et crée la Commission nationale du débat public (CNDP, chargée de l’organisation des débats) s’inscrit dans les dispositions déjà établies en matière de protection de l’environnement. La loi de 2002, relative à la démocratie de quartier, impose la création de conseils de quartier dans les villes ayant plus de 80 000 habitants. Pour un panorama des procédures de consultation conduites par la CNDP, voir Revel et al., 2007.
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[4]
Voir, notamment, la Déclaration du Millénaire adoptée par les 189 États membres au terme du sommet du même nom organisé en septembre 2000 au siège de l’ONU. Assemblée générale des Nations unies, « Nous, les peuples : le rôle des Nations unies au xxie siècle », A/54/2000, alinéa 46, p. 8.
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[5]
On peut consulter à titre d’exemple idéal-typique de la généralisation d’une pensée en logframes le guide diffusé par l’Agence de développement et de la coopération (NORAD) du ministère norvégien des Affaires étrangères à partir de la fin des années 1990. Cf. Norad, The Logical Framwork Approach (LFA). Handbook for Objectives-Oriented Planning, Oslo, MFA, 1999 (Accessible sur le site gouvernemental [www.norad.no]).
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[6]
Expression employée par Max Weber et reprise par Jay Rowell (Rowell, 2005).
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[7]
Cf. site de la Commission trilatérale [www.trilateral.org/]. Rapport téléchargeable à l’adresse [http://www.trilateral.org/download/doc/crisis_of_democracy.pdf].
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[8]
Commission européenne, « Gouvernance européenne : un livre blanc », COM(2001) 428 final, 2001. Pour l’IPM : Commission européenne [http://ec.europa.eu/yourvoice/ipm]. Site consulté le 10/10/2012).
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[9]
Depuis 2005, 143 thèses ont été engagées en France sur le thème de la « démocratie participative » (dont 28 en science politique, 25 en droit, 13 en sociologie, 7 en philosophie). Source : Fichier central des thèses (site [www.theses.fr] consulté en septembre 2015).
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[10]
Fin 2010, des universitaires français lancent un groupement d’intérêt scientifique « Démocratie et participation », sous le soutien du CNRS et d’autres groupes de recherche ainsi que de grandes entreprises. Quelques mois plus tard, les animateurs lancent la revue Participation-Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté (dirigée par Loïc Blondiaux), dont le manifeste indique qu’elle « veut contribuer à l’étude plurielle de la démocratie participative, mais aussi de la participation politique et sociale au sens large ».
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[11]
À la suite des premiers écrits sur le sujet (notamment de Robert Chambers en appelant à un rééquilibrage des rapports entre « uppers » et « lowers », entre « the powerful » et « the powerless »), la participation se serait progressivement constituée comme le troisième paradigme du développement (après ceux de la modernisation et de la dépendance). Pour un panorama critique (et engagé) des débats, on peut lire Chambers, 2005.
« L’État n’a pas d’entrailles, on le sait bien, non pas simplement en ceci qu’il n’aurait pas de sentiments, ni bons ni mauvais, mais il n’a pas d’entrailles en ce sens qu’il n’a pas d’intérieur [...]. Il ne s’agit pas d’arracher à l’État son secret, il s’agit de passer à l’extérieur et d’interroger le problème de l’État, de faire l’investigation du problème de l’État à partir des pratiques de gouvernementalité. »
1La rhétorique contemporaine du politique est résolument participative. Mot d’ordre très en vogue dans les milieux militants et associatifs des années 1960 et 1970 (McAdam, 1988), la participation des citoyens est aujourd’hui consacrée par les élites gouvernantes. Ce mouvement se manifeste par la multiplication des dispositifs, procédures et expériences introduisant la voix des « publics concernés » et « stakeholders » [1] (i.e. parties prenantes) dans les processus décisionnels, c’est-à-dire dans la conception, l’évaluation et la correction des politiques publiques. Tous se réfèrent explicitement à l’« horizontalité », l’« ouverture », la « concertation » et le « dialogue » avec les gouvernés, qu’ils représentent les citoyens, la « société civile », des groupes sociaux ou des intérêts organisés. Ce « nouvel esprit de l’action publique » (Blondiaux, Sintomer, 2002) semble emprunter ses éléments de justification autant à l’idéal basiste des collectifs militants qu’à l’évangile managérial de l’entreprise. En privilégiant la transparence, l’inclusion et la recherche du consensus, l’instrumentation de la participation viserait à corriger les imperfections du modèle représentatif, remédier à ses penchants oligarchiques et « s’adapter » à la part croissance des secteurs d’action publique échappant à l’emprise de l’État. Ce sont là, en effet, des idées que charrient explicitement ces habits neufs du pouvoir et qui se marquent dans leurs diverses désignations et déclinaisons : « démocratie participative », « gouvernance », « directly-deliberative polyarchy », « comitologie », « consultations », etc.
2La littérature scientifique qui traite de ce mouvement d’équipement en ingénieries et en discours participatifs est déjà substantielle. Il ne s’agit donc pas ici de lancer une entreprise de connaissance qui viserait à apporter une nouvelle pierre à l’examen normatif dudit deliberative turn (Bohman, Rehg, 1997 ; Goodin, 2008 ; Saurugger, 2010) ou à discuter l’authenticité démocratique de ses dispositifs ou de leurs effets (Bacqué, Sintomer, 2011 ; Beierle, Cayford, 2002 ; Fraser, 2001 ; Mazeaud et al., 2012 ; Talpin, 2010). Il ne s’agit pas plus de remettre sur le métier la notion de « gouvernance » déjà largement débattue sous ses aspects de nouvelle gouvernabilité d’espaces sociaux devenus complexes et rétifs à la seule autorité de l’État (Le Galès, 2010 ; Bevir, 2010 ; Hermet et al., 2005 ; Kooiman, 2003). L’approche proposée dans le présent dossier consiste davantage à s’intéresser autrement à ces transformations pratiques et rhétoriques des mises en relation entre gouvernants et gouvernés, en assumant un pas de côté par rapport à la vaste littérature spécialisée. En effet, la démarche élaborée collectivement par les différents contributeurs réunis ici répond à un exercice intellectuel consistant à « élargir le champ du concept » de participation (Becker, 2002, p. 227), sinon pour comparer du moins pour mettre en série des situations qui présentent des parentés dans leurs logiques comme dans les formes sociales à travers lesquelles elles se donnent à voir. Ce pari conceptuel consiste à explorer à partir de cas situés dans des cadres sociaux et des temporalités parfois très éloignés les processus de théorisation et les mises en œuvre par les institutions de pouvoir de rapports de gouvernement fondés sur la valorisation de la participation. Sans oublier que ces questions sont constituées en champs de recherche distincts et bien institutionnalisés dans l’espace académique, nous avons souhaité étudier des usages situés du gouvernement par la participation, sans prendre à la lettre leurs appuis aux répertoires énonciatifs respectifs de la démocratie participative ou de la gouvernance. Suivant toujours l’invitation de Howard Becker (Becker, 2002, p. 228), la généralisation que nous proposons ne repose pas sur l’hypothèse que tous les phénomènes observés seraient strictement identiques mais sur celle d’un processus analogue d’association contrôlée des acteurs non étatiques, des publics, des représentants de la « société civile » dans la gestion d’un projet d’action publique.
3Pour élargir le concept, éviter les effets de sédimentation théorique mais aussi les possibles dépendances aux usages indigènes des lexiques de la démocratie délibérative et de la gouvernance, nous désignons notre objet le participationnisme d’État. Le participationnisme peut se définir comme la doctrine – qu’elle se manifeste sous la forme d’une conviction, de programmes d’action concrets, d’ingénieries sociotechniques ou de propositions théorico-éthiques – qui défend l’introduction de procédures organisées de délibération, de participation et d’enrôlement d’acteurs non institutionnels dans la production décisionnelle des exécutifs publics. Nous avons choisi de l’étudier dans sa forme paroxystique, à savoir sous la manifestation d’un participationnisme d’institution, c’est-à-dire celui pratiqué par les autorités détenant le monopole légitime d’édiction du bien commun et de l’intérêt général. Ce choix de méthode entend faire cas de l’inertie des appareils et des logiques de gouvernement au niveau national (Birnbaum, 1985) comme dans les territoires (Arnaud et al., 2006) afin d’examiner l’hypothèse selon laquelle l’importation du paradigme de la participation des acteurs non étatiques dans les espaces et les pratiques des exécutifs publics suppose des ajustements, des accommodements, voire une disciplinarisation du participationnisme à la pensée d’État. Si elle paraît a priori labile, la notion de « pensée d’État » (comme celle « d’esprit d’État ») nous est utile ici pour appréhender dans un même mouvement du regard tous les actes d’autorité (production de normes, de catégories, de représentations du monde) imposée au nom de l’universel et dont l’État n’est qu’un désignateur ou un segment réifié mais dont le périmètre social déborde en réalité largement les seules limites constitutionnelles de l’État, pour le partager avec les ONG, les think tanks et les organisation internationales aussi bien qu’avec les acteurs privés. Pierre Bourdieu ne dit pas autre chose quand il affirme « l’État n’est pas un bloc, c’est un champ » (Bourdieu, 2012, p. 40), invitant à se déprendre d’une conception strictement institutionnelle ou juridique du bornage sociologique de l’État et à considérer les différents segments de la société qui concourent à performer la pensée d’État. Pour résumer ce point originaire de notre démarche, il s’est agi pour les contributeurs de ce numéro de se demander ce que les coproducteurs de la pensée d’État font du participationnisme en considérant que, loin de procéder d’une seule imposition « par le haut », la généralisation progressive de cette théorie d’un gouvernement par la participation s’accomplit par la coopération, la convergence d’intérêts et la prise au jeu d’une pluralité d’entrepreneurs de causes et d’intérêts (Cox, 1996).
4En accord avec bon nombre de travaux sur le sujet, nous partageons trois préalables analytiques sur le participationnisme. En premier lieu, nous considérons (i) que les concepts, procédures, dispositifs et expériences de participation ainsi que la doctrine qui leur est sous-jacente sont des instruments destinés à définir et instituer l’ordre discutable (Pestre, 2011 ; Participation, 2013). (i) À ce titre, nous observons en deuxième lieu que les usages de l’appareil participatif, sur le plan discursif comme sous ses aspects matériels et pratiques, se caractérisent par la propension plus ou moins affirmée de la part de ceux qui les administrent à s’assurer la maîtrise de l’objet et du périmètre de la concertation, à contrôler les opérations de recrutement des participants mais aussi à prescrire les règles et les rôles de chacun (Blatrix, 2002 ; Defrance, 1988). (ii) Fondé sur la « modalisation » – c’est-à-dire la transcription conventionnelle d’une séquence d’activité sociale (Goffman 1991), ici la délibération citoyenne – ce protocole interactionnel doit toujours, en troisième lieu, attester de sa filiation à la théorie démocratique pour atteindre sa finalité : produire de la légitimation (Lagroye, 1985, p. 453). Pour ces diverses raisons, les études critiques du participationnisme ont déjà pointé le paradoxe fondamental de ces espaces de délibération ou de concertation qui s’apparentent parfois à un jeu imposé et contrôlé par les gouvernants, une injonction d’autorité proche d’une « tyrannie de la participation » (Cooke, Kothari, 2001), une « domestication » des mouvements contestataires (Neveu, 2011), voire l’expression d’une conception managériale de la démocratie organisant une « société civile » en « partenaire » des « bonnes pratiques » de la « bonne gouvernance » (Jobert, Kohler-Koch, 2008 ; Parkinson, 2004).
5À rebours d’une lecture du phénomène qui voudrait y voir une « démocratisation de la démocratie », nous avons voulu étudier le participationnisme d’institution en actes, en réinsérant l’analyse de ce nouveau « dispositif de gouvernementalité » (Foucault, 2004b, p. 71-72) dans son contexte politique, institutionnel et social, où il est mis en œuvre. Pour observer les situations « locales » d’appropriation et d’apprentissage, repérer les éventuels effets de distorsion générés par les routines gouvernementales, ce dossier met donc en regard des situations prises dans des régimes et sociétés politiques différents, y compris celle où l’ordre démocratique prend des formes inédites (Union européenne), paroxystiques (Suisse), enchantées (conseil régional de Rhône-Alpes), purement procédurales (Burundi), post-autoritaire et dynastique (Corée du Sud) ou usurpées (Tunisie benaliste). En rapprochant des situations aussi éloignées, les contributions désingularisent (délocalisent ou dénationalisent) le regard sur les usages politiques de ces entreprises participationnistes, tout en montrant les arrangements spécifiques qu’elles nécessitent ou autorisent. De ce point de vue, le dossier propose, en creux, un éclairage empirique circonscrit mais multi-sites sur les phénomènes de circulation internationale des idéologies de pouvoir, des sciences de gouvernement et de managérialisation des principes démocratiques (Bezes, 2012 ; Dezalay, Garth, 1998 ; Dezalay, 2004).
6Afin de mieux identifier les possibles apports du participationnisme d’État, la présente introduction s’attachera, d’abord, à débrouiller les points nodaux de la littérature académique permettant d’articuler les diverses expressions du gouvernement participationniste (« gouvernance », démocratie délibérative) avec le projet plus classique d’une sociologie des rapports de gouvernement. Elle insistera ensuite sur l’importance de privilégier une approche prenant en compte le rôle des acteurs non étatiques dans les mutations qui affectent la pensée d’État et l’idéologie du « bon gouvernement ». La genèse du gouvernement participationniste révèle, en effet, la contribution déterminante des universitaires, des spécialistes de l’ingénierie participative, des membres de think tanks, des représentants de fondations et d’ONG, des experts et cabinets conseils (Bonaccorsi, Nonjon, 2012 ; Mazeaud, Nonjon, 2015) qui agissent, selon les situations étudiées, comme théoriciens, passeurs, traducteurs, importateurs (Hassenteufel, Maillard, 2013). Qu’elles prennent les traits d’un « champ de la réforme » (Topalov, 1999) ou qu’elles procèdent d’une convergence opportuniste et plus conjoncturelle d’intérêts épars, les arènes où s’élabore ce nouveau style de gouvernement débordent toujours des strictes frontières juridiques ou fonctionnelles de l’État. Ce texte introductif montrera, enfin, que la compréhension des accommodements locaux du gouvernement participationniste suppose d’instruire sociologiquement la question des groupes, des configurations, des relations et des ressources qui conditionnent, pour chacune de ses occurrences, les conditionnalités de sa justification politique.
Prendre la mesure du participationnisme
7Si les explorations généalogiques du participationnisme peuvent lui attribuer une première filiation du côté de la démocratie délibérative et participation (activisme féministe, expériences pionnières de concertation urbaine, groupes d’action municipale, activisme international pour le développement…), il existe un consensus assez partagé autour de l’idée que les années 1990 marquent la diffusion accélérée dans les milieux gouvernants d’une (auto)injonction à la consultation des « publics » dans la phase préparatoire d’une décision (loi, programme, politique publique) mais aussi dans les phases de son évaluation ou de correction (Bacqué, Sintomer, 2011). L’introduction de procédures de concertation publique dans le processus décisionnel constituerait, d’une part, une tentative d’invalider les critiques dénonçant des normes et des programmes d’action conçus par des élites gouvernantes ou des bureaucraties technocratiques présentées comme coupées des réalités de terrain et, d’autre part, un moyen de conférer aux décisions la légitimité de la « base » citoyenne (Suaud, 1984). Dans la très abondante littérature qui lui est consacrée, le participationnisme de la fin du xxe et du début du xxie siècle semble trouver sa principale justification dans une eschatologie modernisatrice de la démocratie : le lent et inéluctable essoufflement du modèle représentatif devrait faire place à une démocratie régénérée par l’innovation participative (pour un état des savoirs : Blondiaux, Fourniau, 2011).
8Le foisonnant traitement théorico-philosophique de la question tend à interpréter, à la suite de Jürgen Habermas, le succès des dispositifs délibératifs et participatifs comme la conséquence logique du dépérissement ou de la perversion d’une forme de l’espace public née au xviiie siècle et matrice de la démocratie contemporaine (Habermas, 1986a). Si les causes de cette situation font l’objet d’intenses controverses, le diagnostic est lui largement admis, notamment au sein du champ intellectuel américain où, dès les années 1970, des philosophes en appellent à régénérer la démocratie par la délibération (pour une synthèse : Habermas, 1986b, 1992) et rompre avec une « démocratie faible » (Barber, 2003). Reposant sur un contrat de représentation fondé sur le suffrage universel et le mandat non impératif, cette démocratie « délégative » est marquée par le « paradigme agrégatif » et dérive par ses tendances élitaires et oligarchiques jusqu’à être rejetée ou boudée par les citoyens. Ces philosophes préconisent donc lui substituer une « démocratie forte » (id.) ou « radicale » (Bachrach, Botwinick, 1992, p. 115sq.), parce que délibérative (« paradigme intégratif » d’une démocratie qualifiée d’« inclusive »), qui opèrerait une rupture autant procédurale que substantielle avec la précédente (Dryzek, 2000, p. 162sq.). Parmi les auteurs qui adhèrent à cette téléologie de l’histoire démocratique, le principal point de controverse concerne la meilleure façon d’en prescrire la refondation autour des conditionnalités d’une participation/délibération sincère des « citoyens » ou à défaut des publics jugés les plus légitimes à donner leur avis (Neyer, 2012 ; Petric, 2012). La démocratisation de la démocratie passe ici par la quête de l’optimum égalitaire dans l’expression des opinions. Il s’agit au fond d’inventorier les principes et techniques de l’ingénierie délibérative qui permettraient d’abolir – au sein de l’espace de délibération – les inégalités sociales et culturelles qui génèrent une légitimité asymétrique chez ces « citoyens » invités à faire entendre leurs voix. La performation d’une citoyenneté transcendante, au niveau de laquelle seraient annihilées les inégalités entre citoyens, demeurant l’achèvement d’une telle quête. Rares au fond sont les contributeurs de ce débat (Young, 2000, p. 82-87 ; Fraser, 2001) qui reconnaissent l’irrédentisme des différences sociales (genres, orientations sexuelles) et culturelles (religions, ethnies) des citoyens et proposent d’en faire une « ressource politique » diverse autour de laquelle redéfinir ensemble le bien commun.
9Sans jamais ignorer totalement ces considérations théoriques et éthiques sur l’idéal délibératif, d’innombrables expériences de « démocratie délibérative » se sont multipliées depuis plus de vingt ans, à la suite des premières conférences de consensus danoises et les budgets participatifs brésiliens, érigées depuis en scènes originaires du deliberative turn (Abers, 2000). Malgré ajustements et innovations, les formules de procédures participatives inaugurées à la fin des années 1980 se stabilisent assez rapidement dans un répertoire de dispositifs-modèles labellisés – parmi lesquels les conférences de citoyens, les budgets participatifs ou le community planning – qui sont répliqués au cours des deux décennies suivantes (Porto de Oliveira, 2010). Bien que souvent sertis dans un cadre institutionnel très formalisé et restrictif (si l’on considère le caractère très sectorisé des projets discutés ou la part de la décision publique réellement soumise à la délibération), ces dispositifs de concertation publique se développent en appui d’une rhétorique de démocratisation du gouvernement des territoires [2]. De par le caractère situé et interactif qui les sous-tend, les procédures de concertation du public ont d’abord concerné, d’une part, les politiques publiques locales, plus particulièrement les problématiques urbaines (Carrel, 2013) et les incidences environnementales des grands aménagements, d’autre part, l’usage socio-économique des nouvelles sciences et techniques (Horming, 1999). Or, en inversant la perspective, Guillaume Gourgues montre dans ce numéro comment la mise en place de dispositifs participatifs par les autorités publiques gagne à être appréhendée comme un processus d’instrumentation et de rationalisation de l’action publique (Lascoumes, 2003 ; Lascoumes, Le Galès, 2004 ; Lascoumes, Le Bourhis, 1998) passant par leur enfermement dans une logique « d’offre » qui questionne, de fait, leur intérêt démocratique.
10Les domaines d’application des procédures participatives se sont étendus progressivement au-delà des problématiques de l’écologie urbaine et bio-écologique (Revel et al., 2007) [3]. Le recours aux médiations technologiques modernes et la sophistication des dispositifs de concertation permettent d’expérimenter ces procédures à toutes les échelles de gouvernement qui, du coup, se voit renommer « gouvernance ». Rares sont aujourd’hui les institutions ou les administrations publiques, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, qui n’ont pas amorcé leur propre deliberative turn. Dès la fin des années 1990, la raison participative innerve l’action des organisations internationales. On peut illustrer cette tendance en rappelant le cas emblématique de l’ONU. Au début des années 2000, l’ONU adopte le principe de la gouvernance [4] et généralise l’injonction et l’ingénierie participatives à l’ensemble de ses programmes d’action, qu’il s’agisse de programmes aussi divers que les opérations « Désarmement, Démobilisation et réintégration » (DDR du PNUD) ou des actions d’adaptation aux changements climatiques (PANA du PNUE). Impliquant désormais la contribution d’une pluralité d’acteurs (fonctionnaires internationaux, investisseurs, ONG, experts, représentants associatifs locaux, etc.), ces politiques participatives onusiennes sont encadrées par des transactions procéduralisées et se réfèrent à un vadémécum méthodologique – les fameux « logical frameworks » ou « LogFrame » – qui sert de guide opérationnel aux divers acteurs des projets de développement vers les Suds [5]. Ainsi, à partir du cas burundais, Sara Dezalay propose une analyse des transactions bureaucratiques au sein de l’espace européen permettant d’expliquer les dynamiques de création de ces instruments que sont les LogFrames, ayant permis à la Commission de se forger un espace autonome d’intervention sur les conflits armés. Ces normes, institutions, règles et mécanismes sociaux permettent une forme de gouvernement à distance en passant par le relais des « sociétés civiles » et de leurs représentants (Cox, Sinclair, 1996 ; Petric, 2012).
11C’est sur ce point que la question participative entrecroise une autre tradition de travaux portant eux sur la gouvernance et l’action publique. Depuis deux décennies, le vocable « gouvernance » s’est imposé dans le lexique usuel des décideurs publics et privés mais aussi dans le répertoire notionnel des diverses sciences traitant de l’économie, des organisations, de la décision et de l’action des pouvoirs publics. Nouveau paradigme des sciences camérales, la « gouvernance » prône l’ouverture du processus de décision aux « parties prenantes » (« stakeholders »), c’est-à-dire aux publics directement concernés par la décision mise à l’agenda politique (législation, politique publique, réforme, aménagements et équipements publics). À ce titre, la notion est sémantiquement entremêlée avec d’autres notions désignant les partenaires (« société civile », lobbies, représentants d’intérêt, experts) et les modalités (« conférences participatives », forums, comités, « MOC ») de la procédure de concertation ainsi engagée. À l’« interventionnisme » ou à l’« action unilatérale » de l’État, la gouvernance substituerait « l’interaction d’une pluralité d’acteurs “gouvernants” qui ne sont pas tous étatiques ni même publics » (Leca, 1996 ; voir aussi Hermet et al., 2005). Synonyme d’une remise en cause de l’État-providence, elle est censée organiser une régulation conçue comme le consensus issu de la négociation entre acteurs publics et privés, ces derniers se voyant transférés – à la faveur de cette mutation – des pans entiers de ce qui était devenu des prérogatives de l’État interventionniste.
12Cependant, dire cela ne revient pas à affirmer qu’il s’agit d’une idéologie exclusivement imposée par les dominants, ni à nier le caractère multi-intentionné – et pour partie non prévisible – de ce travail d’imposition conceptuelle ou les critiques et contre-conduites au processus d’imposition de l’absolu participatif. Selon une logique maintes fois analysée, la domination idéologique prend les traits d’une domination en vertu du savoir [6] qui, derrière la raison et la science, tend à invisibiliser les monopoles d’autorité qui assurent de façon effective sa reproduction. C’est sous cet aspect que les auteurs réunis dans ce dossier interrogent les manifestations d’un participationnisme d’État sur leurs terrains d’enquête, à la façon d’un réarrangement – au moins formel – des rapports État-société à la fois dans une perspective transnationale mais aussi à l’échelle de leurs accommodements plus locaux. Mais si l’on voulait reprendre les termes de la sociologie de l’innovation, il s’agirait de se poser la question suivante : comment et pourquoi des agents sociaux (publics ou privés, étatiques ou capitalistiques) se trouvent à un moment donné intéressés à la promotion d’une telle idéologie ?
13La justification de cette tendance reprend les prescriptions issues des mouvements dits réformateurs qui, depuis le début du xxe siècle (Topalov, 1999), réclament que la gestion des grands et moins grands défis collectifs soient retirés aux seuls États pour être copilotés, voire confiés aux acteurs du marché et de la société civile. Aux origines de cette théorisation libérale de la gouvernabilité, on peut citer le rapport remis en 1975 à la toute jeune Commission Trilatérale (think tank néo-libéral avant l’heure créé en 1973) par trois social scientists : Michel Crozier, Samuel Huntington et Joji Watanuki. Comme l’annonce brutalement son titre alarmiste – The Crisis of Democracy. On the Governability of Democracies [7] – ce livre décrit des démocraties libérales submergées, paralysées par la croissance exponentielle des demandes sociales de régulation qui remontent vers leurs gouvernements respectifs. Pour faire face à cette surcharge qui menace la survie même du modèle démocratique, les trois universitaires proposent de réorienter certains processus de régulation vers le marché et la société. De cette privatisation de la gestion des problèmes sociaux pourra naître, annoncent-ils, une « gouvernabilité » plus efficace et plus équilibrée entre sphère politique, espace marchand et dynamique socioculturelle. On retrouve dans ce rapport le thème de la « société bloquée » (par les entraves administratives et légales imposées par l’État) cher à M. Crozier et le thème de la morphologie culturelle des sociétés et des opinions théorisé par S. Huntington.
14Théorie opérationnelle de la gouvernabilité des sociétés complexes confrontées à des défis et des périls inédits, la gouvernance prend aussi les allures d’une réforme en profondeur des rapports État-société qui déplace la figure traditionnelle de la représentation politique (Gaxie, 1996). Face aux incertitudes que revêtent les choix sociétaux, environnementaux et technologiques, elle soustrait aux États leurs propriétés démiurgiques d’autorité toute puissante pour leur substituer l’esprit de responsabilité (Stokes, Manin, 1999). L’appareillage participatif traduit en dispositifs et en procédures, ce renversement discursif de l’ordre représentationnel qui tend à suspendre symboliquement la hiérarchie des légitimités statutaires et sociales, et rendre toute une société à la fois partie prenante (« stakeholderhood ») et comptable (« accountability ») de ses choix (Bovens, 2007 ; Harlow, 2002). Qu’elle soit prise au sérieux ou captée pour les rétributions politiques qu’elle est supposée générer, cette rhétorique a progressivement introduit une tension dans l’activité des gouvernants-représentants contemporains ; une tension entre l’impératif participatif et les arrangements nécessaires avec ce dernier pour en limiter les facteurs de déperdition de leurs ressources d’autorité. Les chercheurs qui ont observé le très ostentatoire « deliberative turn » du régime chinois soulignent le paradoxe d’une « délibération autoritaire », affirmant que l’action publique des autorités chinoises est de plus en plus « governance-driven » et « deliberationled » mais qu’il demeure hasardeux d’y voir l’enclenchement d’un véritable processus de démocratisation (Warren, Baogang, 2011, notamment p. 284). Il est, en effet, pas inutile de rappeler que les chances de réussite des rappels à l’ordre participationniste doivent aussi être rapportées aux conditions réelles des droits et des libertés citoyennes.
15Si ce que nous appelons participationnisme peut être synonyme de gouvernance dans bien des domaines de l’action publique (et notamment au sein de l’Union européenne qui relie explicitement l’un à l’autre, voir notre texte dans ce numéro), le processus social décrit par les contributions de ce numéro s’observe dans des zones où la traduction institutionnelle ne se revendique, ni ne se donne à voir comme de la gouvernance pour s’intituler démocratie directe (Suisse), développement (Tunisie), nation branding (Corée du Sud), gestion des conflits (Burundi) ou aménagement du territoire (conseil régional de Rhône-Alpes). Les auteurs entendent ainsi la « diffusion » du participationnisme comme le résultat des efforts déployés par les entrepreneurs de la réforme des techniques de gouvernement, avec une considération particulière à l’égard des producteurs académiques de savoirs et de théories normatives, ajustés aux configurations politiques et sociales singulières. Nous proposons donc un cadre de questionnement sur les propriétés plastiques (déformabilité à l’épreuve des situations locales et des intérêts présences) du participationnisme, référent universel qui autorise une multitude d’arrangements locaux possibles pour faire des policies without politics (Clarke, 2013 ; Kohler-Koch, Quittkat, 2013). L’objectif de ce dossier est précisément de contribuer à la compréhension des modalités et conditions d’importation du participationnisme dans la pensée d’institution. Ce, en gardant à l’esprit, la mise en garde de Mary Douglas : « les institutions n’ont pas de cerveau », pas plus qu’elles n’ont d’intentionnalité ou de sentiments propres, et qu’il convient donc d’étudier ceux qui pensent et agissent en leur nom et qui, pour ce faire, fabriquent et imposent à des préconisations, des catégorisations, des nomenclatures à prétention universelle (Douglas, 2004, p. 39sq. et 133sq.).
Une idéologie du « bon gouvernement »
16Ce vaste mouvement d’équipement participatif du gouvernement des sociétés et des territoires peut se lire comme une pièce du nouveau dispositif de gouvernementalité que des entrepreneurs de réforme parviendraient à substituer au précédent, le jugeant obsolète ou inefficace. À ce titre, il pose à la sociologie politique au moins deux énigmes majeures que ni la théorie politique, ni les études topiques des multiples procédures participatives ne se sont jusqu’ici attachées à résoudre. La première de ces deux énigmes réside dans le paradoxe d’un pouvoir qui affirmerait sa modernité en proclamant unilatéralement la limitation de ses prérogatives, tout se passant ici comme si les producteurs de la pensée d’État consentaient à renoncer à leur monopole à dire et faire la politique. En remettant partiellement en cause le primat représentatif et donc le principe de délégation sur lequel a été fondée la division sociale du travail politique moderne (Bourdieu, 1984), le mouvement participationniste actuel subvertit – en apparence tout du moins – l’ordre établi et routinisé des rapports gouvernants-gouvernés et représentants-représentés tels qu’ils se sont institutionnalisés progressivement depuis le xixe siècle dans les États parlementaires en formation.
17La seconde énigme réside dans le processus insensible de recatégorisation des rôles et des situations du démocratique qui accompagne la diffusion du registre participationniste. Ce dernier se déploie sous les traits d’une vague modernisatrice qui, d’une part, est supposée dépoussiérer le vieux modèle représentatif, ses lenteurs, son inefficacité et, d’autre part, changer les populations en « publics », les quartiers en forum, le débat public en « conférence de consensus », les représentants d’intérêt et les défenseurs de cause en « parties prenantes ». Exégètes et défenseurs du deliberative turn lui confèrent la force indiscutable d’une évidence historique. Cette charge prophétique est grosse d’une autre image, celle de la conversion progressive mais inéluctable des systèmes politiques à la « (bonne) gouvernance » et à l’« empowerment citoyen ». La mise en place de dispositifs participatifs dans les régimes autoritaires – en Chine par exemple (Fishkin et al., 2010 ; Smith, 2013) – est d’ailleurs souvent envisagée sous l’angle d’une première étape, d’un « toujours-ça-de-pris », vers la reconnaissance de la société civile dans des régimes encore peu enclins au pluralisme.
18Il faut s’arrêter un instant sur l’enchérissement du répertoire de catégorisations qui encadre, prescrit et justifie la concertation et qui redéfinit, ce faisant, les termes et les rôles des rapports gouvernants-gouvernés. Dans ses différentes formes sociales, le participationnisme d’État partage bon nombre de traits communs avec l’idéologie dominante telle que l’avaient analysée Pierre Bourdieu et Luc Boltanski (Bourdieu, Boltanski, 1976), et pourrait bien en être le dernier avatar en date. Un discours à la fois prophétique et performatif quant à l’évolution des sociétés et aux nouveaux principes de bon gouvernement que cette évolution impose. Un discours apparemment sans sujet et sans adversaire, porté par le bon sens et la raison savante, volontiers latitudinaire mais qui, à bien y regarder, possède ses entrepreneurs de cause, ses penseurs, ses experts, ses opérateurs professionnels et même ses critiques attitrés (ibid.). Une idéologie déniée, en quelque sorte, puisqu’elle puise précisément ses vertus modernisatrices dans la condamnation de l’idéologie (au sens de vision partisane, politisée supposément donc conflictuelle du monde) et la confiance dans les nouvelles certitudes de la science (ibid.). Si on le considère comme une dimension de la gouvernabilité des sociétés contemporaines, c’est-à-dire comme pièce constitutive de l’instrumentation du travail gouvernemental (Lascoumes, 2003), ce participationnisme possède tous les attributs du pragmatisme scientiste. Vue ainsi, l’ouverture volontariste aux « profanes » des arènes de la décision perd dès lors le caractère d’énigme que l’on pouvait lui prêter en première hypothèse (pour l’Union européenne, par exemple : Cram, 2011 ; Kohler-Koch, Quittkat, 2013). Car le style de gouvernement participationniste – où la participation est énoncée tour à tour comme principe fonctionnel, possibilité ou injonction – ne rompt en réalité nullement avec le double processus historique d’autonomisation-monopolisation de l’activité politique (Elias, 2007) et de propension des milieux de pouvoir à secréter de l’oligarchie (Michels, 1971). Jusqu’alors, le paradigme démocratique, en imposant les principes de pacification des conflits sociaux par la civilisation de l’universalité du suffrage (pluralisme, verbalisation et euphémisation des rapports de force) et de la règle de droit (que la notion d’État de droit applique aussi désormais aux détenteurs du pouvoir), a engendré des adaptations nécessaires et des innovations en matière de contrôle politique, sans renverser les logiques structurales et les arrangements locaux des rapports de domination (Garrigou, 2002). Ainsi, le cadre de contrainte de l’idéal démocratique n’a aucunement banni les logiques clientélaires (Briquet, 1997) et oligarchiques du pouvoir politique (Mills, 2012), même s’il les a reconfigurées en intégrant la participation comme un élément du jeu et des échanges politiques qui pèse aussi bien sur les « patrons » que sur les « clients » (Sa Vilas Boas, Tarragoni, 2015).
19Si l’on se souvient que le politique, pris ici au sens de centre de commandement de la société, est aussi le produit du social, il peut être analysé à la fois comme la matrice et le miroir du degré de rationalisation et de différenciation de la division sociale des activités (Lacroix, 1985). Les techniques classiques du contrôle politique, c’est-à-dire de la fabrication des allégeances et du consentement sont assez bien connues : usages monopolistiques de la force (coercition), du droit (contrainte, conformité), des conventions (autocontrainte, conformation), de l’unification axiologique et symbolique de la communauté (devoir), des ressources à distribuer (dette, obligation). Mais on sait aussi que ces techniques ont été acclimatées au gré des changements historiques de nouveaux cadres référentiels des rapports État-société. Pour le dire avec les mots de Michel Foucault, le participationnisme place la « société civile », entendue comme un « corrélatif nécessaire » de l’État, au centre du jeu politique, en l’exfiltrant de son appréhension philosophique première pour en faire une « technologie gouvernementale », une « réalité de transaction » que les États performent selon leurs besoins (Foucault, 2004b, p. 200-303), les appelant tantôt citoyens, tantôt stakeholders, tantôt partenaires ou publics. Le paradigme plus contemporain de la « gouvernance », que l’on pourrait définir comme la conception utilitariste du gouvernement par la concertation (Dardot, Laval, 2010, p. 111), témoigne de la vision managériale de la pensée d’État (Deneault, 2013). Il en existe d’ailleurs différents indices. Depuis les années 1960, le champ de l’action publique a progressivement incorporé les concepts et les préceptes d’une nouvelle science camérale structurée autour du référentiel de la qualité (recherche de l’efficience, procéduralisation, définition des objectifs, plan d’action, évaluation) (Boltanski, Chiapello, 2011, p. 59-67 et 110sq.) et de la circulation internationale des « bonnes pratiques » (benchmarking instruments savants de gouvernement et des modèles d’action publique, pluralisation des entrepreneurs et des modalités d’intervention dans les affaires publiques) (Kaluszynski, Payre, 2013). Pour en donner une illustration, on rappellera qu’au cours de l’année 2001, la Commission européenne publie son livre blanc sur la « gouvernance européenne » [8] et met en ligne l’Interactive Policy Making. Ce service permet aux citoyens des États membres et aux stakeholders de prendre connaissance des processus décisionnels en cours au sein de l’Union européenne, de faire directement part de leurs points de vue aux responsables de la Commission européenne. Se fait ainsi jour un participationnisme propre aux institutions qui agissent au nom de la société, de l’intérêt général et/ou de l’État.
20L’équipement participatif de l’activité gouvernementale peut alors s’analyser comme une nouvelle technologie politique de gestion des demandes et des intérêts (voir les textes d’Hervé Rayner et de Guillaume Gourgues). Par les procédures ainsi proposées et mises en œuvre, demandes et intérêts se voient attribuer un espace autorisé et valorisé d’expression publique et d’interpellation du pouvoir. Ils sont tout à la fois pris en compte et canalisés. Le mode apparemment inclusif de leur traitement constitue une justification, donc une légitimation pour l’ordre politique en place. Pour certains théoriciens du participationnisme, l’ingénierie étatique de la participation expérimentale peut compléter, se substituer ou s’exonérer de la « vieille » ingénierie étatique du vote, avec les mêmes propriétés de contention des opinions « populistes » et des conduites politiques illégitimes (voir l’analyse des promoteurs de la directly-deliberative Polyarchy dans l’article de P. Aldrin et N. Hubé). Dans ce mouvement, l’enjeu principal réside dans la préservation par les producteurs de la pensée d’État, grâce à une ouverture contrôlée aux acteurs non étatiques et/ou aux profanes, de leur monopole de définition, d’exécution et d’évaluation de la décision publique. S’en assurer la maîtrise par la gestion de la pluralité des acteurs et des intérêts par une procéduralisation de la participation (Lascoumes, Le Bourhis, 1998) participative est une façon d’y parvenir (voir G. Gourgues et S. Dezalay dans ce numéro). Pour autant, les différentes scènes du participationnisme ne sont pas substituables. Il convient en effet de bien distinguer ici l’éthique alternative et sincère de la démocratie dont sont porteurs les milieux associatifs et militants de la cause participative (Polletta, 2004 ; Agrikoliansky, 2007, p. 33-34), et la façon dont les institutions de pouvoir se saisissent de ces mêmes concepts mais pour donner corps à leur traduction légitimiste. Loin de les séparer artificiellement, il convient ici d’observer l’ensemble de la chaîne de ce continuum allant de la première catégorie d’acteurs à la seconde.
21De ce point de vue, l’enjeu d’une analyse proprement sociologique du gouvernement participationniste est de comprendre ce que la pensée d’État fait de l’air du temps participationniste. Pour qui prendrait auto-proclamations et définitions officielles au pied de la lettre, la gouvernance se présente comme le véhicule d’une critique frontale de l’État, de la centralisation et de la bureaucratie. Or, dans le gouvernement par la concertation, ce sont bien les agents directs et indirects des exécutifs qui gardent la mainmise sur les opérations de la chaîne décisionnelles : désigner les problèmes publics, les mettre à l’agenda, les rendre discutables, organiser et prescrire la concertation, exécuter les programmes d’action qui sont censés en émaner. Forts de leur légitimité élective et/ou statutaire, représentants élus et hauts fonctionnaires demeurent, par le truchement des diverses façades institutionnelles au nom desquelles ils parlent et agissent, les maîtres d’ouvrage du processus. C’est en tant qu’autorité publique détentrice de l’arme supérieure de la loi qu’ils reconnaissent aux acteurs non institutionnels (notamment les agents du marché) l’expertise et la légitimité à définir les conventions (normes ou standards faisant l’objet de labels et certifications) organisant leur propre secteur d’activité (sur les « standards volontaires », voir Fouilleux, Loconto, 2016). Pas de paradoxes, donc, seulement la nécessité de penser le gouvernement participationniste comme une forme de gouvernement à distance – de « gouvernance par délégation » (Boussaguet, Jacquot, 2009) étudiée par Sara Dezalay dans sa contribution – par lequel le légitimisme et la pensée d’État débordent leurs périmètres institutionnels traditionnels pour être relayé et adapté par des agents et agences a priori non étatiques.
22Prenons, par exemple, le cas des politiques internationales de développement. À bien y regarder, experts, ONG, fondations et think tanks constituent aussi une nébuleuse d’intermédiaires plus au moins explicitement connectés aux bureaucraties mais toujours dépendants en pratique des États et OIG à travers les subventions, autorisations, soutiens logistiques, labellisations que leur dispensent sous conditions ces derniers. Derrière les louanges tressées à leur pouvoir et à leur indépendance (Baas, 1998), ces intermédiaires demeurent souvent des auxiliaires fortement contraints par les déterminations étatiques et interétatiques (Union européenne, ONU) qui définissent les grands cadres de l’action publique légitime (diagnostics chiffrés, programmes, planification des objectifs) et distribuent reconnaissance et satisfecit pour les activités au sein des programmes : soumission de projets mis en concurrence pour décrocher subventions, autorisations et labels ; respect des normes ; encadrements protocolaires des missions (« log frame ») et de leur évaluation (livrables, « folow up »), formations, etc. Sur ce dernier point, particulièrement questionné dans ce dossier, notre démarche revient sur cette approche qui identifie la montée en visibilité des acteurs dits transnationaux à la fois comme l’affirmation du (contre-)pouvoir des acteurs non étatiques et comme la relativisation consécutive des États dans les processus internationaux de régulation publique (Nye, 2002, p. 32sq., 2004). Nous lui préférons une approche structurale qui interroge la fragmentation et l’externalisation – c’est-à-dire aussi la décharge sur cette « société civile » – des logiques étatiques mais aussi les formes et les effets de la sociabilité élitaire internationale, pour y repérer la production des concepts et des préceptes de la « good governance » (Guilhot, 2005 ; Saunier, 2013). Par la bureaucratisation et la mise en normes de leurs activités, les « partenaires privés » ou « stakeholders » (ONG, « société civile », ressortissants des programmes d’action) ne peuvent être que ces agents contractuels d’un gouvernement à distance (Atlani-Duault, 2005 ; Hertel, 2006 ; Hibou, 2012), comme le montre très justement Sara Dezalay dans ce dossier. C’est également ce que qu’expose Amin Allal dans son texte sur la Tunisie en insistant sur les arrangements locaux avec les cadres normatifs et politiques des sociétés où elles sont mises en œuvre.
Le gouvernement participationniste : un universel territorialisable ?
23Pour comprendre les formes sociales de ce participationnisme, il faut encore évoquer les interactions très nombreuses qui existent entre les constructions philosophiques de la démocratie délibérative, les expériences pratiques de concertation publique (ou de « gouvernance ») et la constitution d’un savoir théorico-empirique sur ces dernières. Armés des grands cadres de la théorie politique, les spécialistes universitaires du deliberative turn jouent volontiers le rôle de conseillers ou d’experts scientifiques (Aldrin, Hubé, 2011) pour le compte des organisateurs institutionnels d’initiatives de concertation, leur fournissant un cautionnement scientifique et, le cas échéant, des dispositifs délibératifs clés-en-main. Prendre toute la mesure du participationnisme, c’est le considérer sous sa dimension d’économie sociale, c’est-à-dire à travers la structuration d’un champ d’activité spécialisé avec ses experts en innovation démocratique et ses professionnels en ingénierie participative (voir Aldrin et Hubé, et Lee dans ce dossier), un espace de relations réglées et intéressées par l’avènement d’une civilité délibérative, un marché pour des entreprises de divers ordres (instituts de sondage, agences de communication, fondations, mécènes, associations citoyennes) toutes regroupées derrière le paravent inoffensif et légitimant de la « société civile ». L’exemple du nation branding à la coréenne (voir texte de Kil-Ho Lee) est à ce titre assez révélateur du poids des grandes entreprises mondialisées et des élites politico-administratives dans la volonté d’imposer un ordre social traditionaliste aux ressortissants coréens à partir d’une politique économique, travail social effectué, d’une part, par la mobilisation nationale, et d’autre part, par le recours à l’expertise scientifique.
24En débordant des seules situations « démocratiques » ou de « transition vers la démocratie » qui fournissent habituellement le cadre d’étude de l’introduction d’expériences participatives, la série de cas rassemblés ici élargit délibérément la prise de vue pour mieux en saisir les logiques d’appropriation et d’accommodement du participationnisme aux structures des sociétés locales. Analysée dans des configurations variées de rapports sociaux, économiques et politiques, l’opération de re-catégorisation tout à la fois théorique et pratique des rôles, des procédures et des scènes de la décision se révèle perméable à l’espace social où elle prend cadre. En Europe, l’incorporation des logiques participationnistes aux processus décisionnels passe par une coopération étroite et un processus d’alignement des cadres cognitifs entre des responsables politiques, des théoriciens, des concepteurs, des bailleurs, des experts, et animateurs de la concertation (P. Aldrin et N. Hubé, G. Gourgues, H. Rayner). L’étude des expérimentations participatives conduites en situation autoritaire (A. Allal) ou hors de l’aire européenne (S. Dezalay, K. H. Lee) montre que la concertation publique y demeure un ordre négocié, toujours en tension, entre des univers dont les représentations du monde sont dissonantes, supposant donc la dextérité de courtiers (passeurs, traducteurs, intermédiaires) aguerris de la coopération internationale. Sans comparer l’incomparable, le rapprochement de ces situations invite cependant à s’affranchir de quelques classifications (typologie des régimes), compartimentages (policy/politics ou des « aires culturelles ») et des effets de la sous-spécialisation croissante de la science politique. L’analyse des logiques et des registres d’action démontre assez que le mouvement d’équipement participatif des États est partout justiciable d’un même cadre d’analyse en termes d’instruments de légitimation, même si la rénovation ainsi opérée des cadres discursifs, procéduraux et technologiques justifiant l’ordre établi révèle des niveaux d’artificialité divers.
25En réalité, les dispositifs inspirés du participationnisme ne sont jamais ce que leurs concepteurs en disent. Pas plus qu’ils ne sont réductibles à une réalité univoque. Chacun d’eux correspond à une situation, à une occasion dont la signification et les enjeux sont aussi variés que le sont les acteurs sociaux qui y prennent part. Chaque cas étudié dans ce dossier constitue un poste d’observation pour comprendre comment se redéploient, dans le cadre d’une procédure de concertation du public, les dépendances, les intérêts et les transactions qui structurent un ordre social. Il s’agit, bien sûr, d’analyser au concret ce que les producteurs de l’esprit d’État font du participationnisme. Et montrer comment la morphologie de chaque société politique produit des raisons d’agir et des façons spécifiques de s’adjuger le référent participationniste pour en faire un principe de légitimation. Il s’agit tout autant de mieux sociologiser les conduites et interactions des diverses catégories d’acteurs investis dans la fabrication et la félicité du participationnisme. Ces remarques entendent mieux souligner la singularité de l’approche proposée dans ce dossier – c’est-à-dire réencastrer ces expérimentations participationnistes dans la problématique de la société politique d’occurrence – sans négliger les apports des nombreux travaux sur le sujet.
26La recherche universitaire n’est pas en reste de la vague participationniste. Au contraire. Elle a connu en quelque sorte son propre deliberative turn, mue par la curiosité, voire la fascination exercée par ce changement affiché du style de gouvernement à toutes les échelles et sur tous les territoires du politique. Les nombreux travaux de thèses [9], articles scientifiques [10] et ouvrages consacrés ces dernières années aux dispositifs publics de concertation ont ainsi largement conforté une intuition partagée quant aux avantages que les institutions organisatrices en retirent. Ils montrent notamment comment la fabrication des termes du débat comme la focale choisie tendent à invisibiliser l’ancrage politique de l’institution organisatrice ou la nature du régime. Au moyen de l’expertise, d’abord, qui présente le diagnostic du dossier débattu sous un jour technique, objectif, voire scientifique, par opposition à une lecture partiale ou partisane (Bongrand et al., 2012). Par la publicité, l’ouverture et la transparence des débats, ensuite, les revendications catégorielles et donc corporatistes sont supposées faire place à l’esprit de bien commun. Ainsi généré, le désarmement politique du problème mis en débat amène les positions initialement inconciliables à se faire raisonnables, plus pragmatiques, mieux disposées au compromis (Blatrix, 2002). Avec la civilité délibérative aujourd’hui comme hier avec la civilité électorale (Garrigou, 2002, p. 244sq.), l’action protestataire court le risque d’apparaître illégitime (Kriesi, Wisler, 1996). Là, réside la profonde ambiguïté du participationnisme : fondé sur une modalité « dépolitisée » d’édiction des problèmes publics, il est d’abord une technique de gouvernement permettant de faire des policies without politics. De ce point de vue, les impensés de la démocratie moderne, tels que pointés par Moses I. Finley, sont loin d’y être « corrigés », voire s’y trouvent renforcés par l’éviction du jeu de ceux qui refusent le principe ou les procédures de la discussion imposés par les institutions gouvernantes « en se fondant sur le fait que leurs revendications ont toutes chances d’être “extrémistes” » (Finley, 2003, p. 123). Cette ambiguïté explique aussi pour une bonne part la plasticité et donc la compatibilité de l’ingénierie et du discours partipationnistes avec des régimes politiques fondamentalement divergents à propos des droits citoyens et du pluralisme (de la Tunisie benaliste à la Suisse).
27Explorer cette ambiguïté constitutive du phénomène suppose de décentrer la focale, l’échelle et les routines du regard. En effet, les considérations théoriques comme les analyses produites à partir de l’observation directe d’expériences participatives peuvent laisser penser que les raisons et les effets immédiats des procédures de concertation constituent l’horizon d’élucidation que se fixe l’observateur : effets recherchés ou fortuits sur les participants (en termes de changement d’opinion ou de « socialisation politique ») (Talpin, 2010), mais aussi effets produits par les « savoirs citoyens » (Gardesse, 2013) sur les politiques publiques mises en délibération. Délimitant l’analyse à la temporalité et aux conditionnalités techniques mêmes de la procédure de concertation étudiée, ce type d’approches met utilement en avant les usages et les intentions hic et nunc des joueurs mais ne nous renseignent que très peu sur la configuration sociale et les enjeux plus structurels de cette occurrence du gouvernement par la concertation (Cram, 2011). La symétrie formelle d’expériences se déroulant simultanément dans des sociétés politiques foncièrement différentes invite à questionner sinon l’émergence d’une rhétorique participationniste universalisable, du moins la plasticité d’un nouveau registre de techniques du contrôle des populations et de légitimation des autorités. Si, de Bruxelles à Tunis et de Séoul à Genève, une même rhétorique d’État travaille à requalifier – dans un lexique ajusté à l’ordre du discutable permis par les rapports de gouvernement et aux espaces positionnels locaux – les protagonistes, les arènes, les principes et les normes de la décision publique, il convient alors d’interroger ses propriétés transculturelles de séduction, sa capacité topique à refléter les valeurs désirables des gouvernés (justice, ordre, transparence, progrès, sécurité, participation) (Lagroye, 1985). Et l’on observe que les technologies de mobilisation ou de performation de la « base » citoyenne comme la glorification de la « société civile » peuvent aisément s’affranchir des prérequis de la démocratie que sont le pluralisme et la reconnaissance des droits civiques élémentaires.
28Dans la série de cas étudiés dans ce dossier, se côtoient des situations « au Nord » et « au Sud » dont le rapprochement peut donner prise à divers questionnements en termes d’autonomie/hétéronomie, de transferts, d’appropriations, d’effets de théorie… L’économie du développement constitue un cas emblématique, et abondamment étudié, d’imposition et d’accommodement de ces « bonnes pratiques ». Les procédures participatives y ont fait d’abord timidement leur apparition dans les années 1970-1980, avant de se traduire en principes pratiques systématiques puis en impératifs dans les années 1990. Ce processus apporte une lumière crue sur la part de légitimisme du phénomène qui occupe ce numéro. Les travaux réflexifs des anthropologues africanistes et des sociologues du développement valident largement l’hypothèse d’une « conversion » lente des entrepreneurs de développement (ONG, OIG, interlocuteurs-relais-locaux) [11] au projet d’introduire des règles du jeu plus claires, plus transparentes, moins asymétriques dans les relations entre les différents agents. En tant que discours, mise en scène et théorie partageable du développement refondé, la « gouvernance » facilite, rend possible le principe de coproduction de programmes transnationaux permettant d’éloigner le soupçon de post-colonialisme. Elle permet également d’y adjoindre une participation populaire désarmant l’accusation de « populisme développementiste » (Olivier de Sardan, 1990). Derrière un participationnisme acceptable par tous les partenaires, la réalité des rapports de coopération est autre. La « gouvernance réelle » en Afrique diffère de la « gouvernance idéelle » car elle doit composer avec l’hétérogénéité et les spécificités des « normes pratiques » de l’action publique locale (néo-patrimonialisme, clientélisme, informalité) (Olivier de Sardan, 2008). Convoqués comme « citoyens » ou « ayants droit » de l’aide internationale, les « publics » se montrent aussi critiques et parfois retors à jouer les bons « stakeholders » (Cooke, Kothari, 2001 ; A. Allal et S. Dezalay dans ce dossier).
29Façonnés par les institutions du pouvoir, opérationnalisés à travers des procédures fortement encadrées, les concepts de « société civile », de « participation » et de « gouvernance » ne possèdent pas toujours la force émancipatrice ou démocratique que leur attribuent les théories du « bon gouvernement ». Les mécanismes qui produisent cette situation sont connus : sélection (voire création ex nihilo) de partenaires compatibles avec l’ordre politique en place ; effacement en tant que tels des partis et des syndicats ; recours à des ingénieries participatives ayant fait leur preuve en matière de génération de consensus ; protocole et administration très stricte des prises de paroles ; contrôle institutionnel de la production et de la publicisation des résultats de la concertation. La procéduralisation des débats euphémise et tente de neutraliser jusqu’aux clivages sociaux, qu’ils soient économiques, idéologiques, culturels, ethniques ou religieux (G. Gourgues) de sorte à dissiper les incertitudes quant à d’éventuels détournements protestataires. Sans y parvenir toujours, évidemment. Au cours d’une expérience participative étudiée dans ce dossier, les discutants moins disciplinés se font rappeler à l’ordre par un cinglant : « On n’est pas là pour faire de la politique » (A. Allal). Mais la félicité de ces expériences ne repose pas seulement sur l’administration contrôlée de la concertation ou sur la sectorisation du dossier soumis à la délibération. Elle tient aussi à diverses logiques d’intéressement ou de prise au jeu des participants (K. H. Lee). Mais, plus fondamentalement, elle donne à voir le maniement par les autorités de leur monopole – fondé sur leur légitimité statutaire ou électorale mais aussi sur la détention ou la prétention d’un savoir suréminent, ou encore sur la pression et le contrôle policier – à définir l’ordre du discutable. L’ambiguïté du participationnisme d’État réside donc, in fine, dans son aptitude à réaffirmer l’autorité des autorités dans la désignation des problèmes publics qui sont des problèmes discutables avec les publics, d’une part, et dans l’administration directe ou à distance de la concertation, d’autre part. En définitive, lorsqu’il est saisi par la pensée d’État, l’ordre participatif reproduit toujours l’ordre politique et social en place.
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Mots-clés éditeurs : participationnisme, gouvernance, pensée d’État, gouvernementalité, démocratie participative, idéologie dominante
Date de mise en ligne : 12/07/2016
https://doi.org/10.3917/gap.162.0009Notes
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[1]
Nous prenons le parti de garder les termes en anglais lorsque ceux-ci sont révélateurs du lexique distinctif du phénomène étudié. Ils ne sont traduits que lors de leur premier usage.
-
[2]
Emblématique de cette tendance, l’Observatoire international de la démocratie participative (OIDP) regroupe, depuis le début des années 2000, plus de 500 collectivités locales de 54 pays différents. Il met en place des rencontres internationales et délivre chaque année le prix de la « bonne pratique en participation citoyenne ».
-
[3]
En France, la loi de 1995 qui pose l’obligation d’une enquête publique ouverte aux citoyens (loi L.95-101, dite loi Barnier) et crée la Commission nationale du débat public (CNDP, chargée de l’organisation des débats) s’inscrit dans les dispositions déjà établies en matière de protection de l’environnement. La loi de 2002, relative à la démocratie de quartier, impose la création de conseils de quartier dans les villes ayant plus de 80 000 habitants. Pour un panorama des procédures de consultation conduites par la CNDP, voir Revel et al., 2007.
-
[4]
Voir, notamment, la Déclaration du Millénaire adoptée par les 189 États membres au terme du sommet du même nom organisé en septembre 2000 au siège de l’ONU. Assemblée générale des Nations unies, « Nous, les peuples : le rôle des Nations unies au xxie siècle », A/54/2000, alinéa 46, p. 8.
-
[5]
On peut consulter à titre d’exemple idéal-typique de la généralisation d’une pensée en logframes le guide diffusé par l’Agence de développement et de la coopération (NORAD) du ministère norvégien des Affaires étrangères à partir de la fin des années 1990. Cf. Norad, The Logical Framwork Approach (LFA). Handbook for Objectives-Oriented Planning, Oslo, MFA, 1999 (Accessible sur le site gouvernemental [www.norad.no]).
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[6]
Expression employée par Max Weber et reprise par Jay Rowell (Rowell, 2005).
-
[7]
Cf. site de la Commission trilatérale [www.trilateral.org/]. Rapport téléchargeable à l’adresse [http://www.trilateral.org/download/doc/crisis_of_democracy.pdf].
-
[8]
Commission européenne, « Gouvernance européenne : un livre blanc », COM(2001) 428 final, 2001. Pour l’IPM : Commission européenne [http://ec.europa.eu/yourvoice/ipm]. Site consulté le 10/10/2012).
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[9]
Depuis 2005, 143 thèses ont été engagées en France sur le thème de la « démocratie participative » (dont 28 en science politique, 25 en droit, 13 en sociologie, 7 en philosophie). Source : Fichier central des thèses (site [www.theses.fr] consulté en septembre 2015).
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[10]
Fin 2010, des universitaires français lancent un groupement d’intérêt scientifique « Démocratie et participation », sous le soutien du CNRS et d’autres groupes de recherche ainsi que de grandes entreprises. Quelques mois plus tard, les animateurs lancent la revue Participation-Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté (dirigée par Loïc Blondiaux), dont le manifeste indique qu’elle « veut contribuer à l’étude plurielle de la démocratie participative, mais aussi de la participation politique et sociale au sens large ».
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[11]
À la suite des premiers écrits sur le sujet (notamment de Robert Chambers en appelant à un rééquilibrage des rapports entre « uppers » et « lowers », entre « the powerful » et « the powerless »), la participation se serait progressivement constituée comme le troisième paradigme du développement (après ceux de la modernisation et de la dépendance). Pour un panorama critique (et engagé) des débats, on peut lire Chambers, 2005.