1L’ouvrage « Le marketing territorial : comment développer l’attractivité et l’hospitalité des territoires ? » s’articule autour de 4 chapitres où se mêlent propos académiques, exposés de méthodes et d’outils émaillés d’exemples. À l’heure où les collectivités cherchent à développer l’attractivité et l’hospitalité des territoires dont elles ont la charge en activant des leviers de nature marketing, cet ouvrage apporte une contribution intéressante en posant les jalons de ce que peut être le marketing territorial, en le resituant dans une dimension plus globale que sa seule approche opérationnelle centrée sur la communication, le marquage, ou encore la redéfinition d’une offre territoriale. Comme cela est indiqué dès les premières lignes de l’introduction, l’ambition de l’auteur, est de mettre à jour une démarche destinée à accompagner les collectivités dans leur projet de développement territorial. Cet ouvrage essentiellement pratique se présente comment un livre de recettes à suivre, parfois un peu sommairement présentées, pour réussir la mise en œuvre d’une stratégie d’attractivité et d’hospitalité. Son auteur fait aussi une place à des éléments de nature conceptuelle et théorique qui permettent de donner plus de force au propos. Les chapitres ii, iii et iv sont centrés sur la démarche et la description des étapes à suivre ; seul le premier chapitre apporte un éclairage plus académique sur les origines du marketing territorial, ses proximités et spécificités par rapport au marketing générique. Il le resitue dans un contexte d’évolution du marketing et de son application à l’univers public. La lecture de ces pages nous questionne sur l’existence d’une bonne manière de bâtir une démarche de marketing territorial. C’est un peu la thèse qui semble être développée, même si l’auteur évoque la nécessité d’une démarche ouverte et itérative. En effet, s’il postule plusieurs voies pour appréhender la démarche de marketing territorial, cette idée transparaît peu. La trame développée au fil des 203 pages de l’ouvrage fournit les principales clés de ce que peut-être le marketing territorial ou de manière plus affirmative devrait être. Le lecteur y découvre les grandes étapes de la démarche au travers d’une série de « recettes » utiles pour une première approche de ce thème mais peut être trop sommairement décrites pour que les managers publics puissent s’en emparer.
2Le premier chapitre resitue le marketing territorial dans son contexte afin d’en dégager les racines. Il questionne sur les origines du marketing territorial, sur son lien avec les collectivités territoriales et l’évolution de leurs pratiques managériales. Après un rappel des définitions du territoire, des composantes de l’attractivité et de l’hospitalité, l’auteur, en s’appuyant sur les recherches traitant des évolutions de la gestion publique, met en avant les spécificités du marketing public : la recherche de bénéfices collectifs, la pluralité de la figure de l’usager tout à la fois citoyen, contribuable, administré, usager, la spécificité de la dimension monétaire, l’existence dans certains cas d’un échange involontaire rendant difficile l’application de l’orientation client. Dans cette première partie sont exposés les différents types de services publics et les caractéristiques et situations d’échange pouvant permettre un usage du marketing. Le marketing territorial se distingue du marketing politique, il y est présenté comme un marketing hybride empruntant son contenu à plusieurs domaines d’application de cette discipline tels que le marketing des services, le marketing social ou encore le marketing B to B. il comporte un pan interne et un pan externe et apparaît comme un instrument permettant de faire face à la concurrence à laquelle se livrent les territoires. Le pan interne de ce marketing vise à développer et renforcer les relations entre les acteurs du territoire et à les impliquer dans un projet collectif destiné à définir une offre de territoire. Le pan externe a pour objectif de convaincre les entreprises, les habitants, les touristes de devenir usagers et acteurs de ce territoire. L’auteur conclut le chapitre sur le caractère global et itératif d’une démarche de marketing territorial et les croyances à dépasser qu’il reprend de Marc Thébault pour parvenir à développer une démarche réfléchie. Ce chapitre est destiné à mettre à jour les racines théoriques du marketing territorial et il permet de resituer le phénomène.
3Le deuxième chapitre développe ce que l’auteur qualifie de phase amont du marketing territorial. Il débute par l’exposé d’un certain nombre de méthodes destinées à dresser le portait identitaire du territoire. Une première étape consiste en l’identification des parties prenantes du territoire, celle-ci est rapidement présentée. La typologie de Mitchell et alii, 1997 qui permet d’identifier les catégories de parties prenantes est exposée sous forme schématique. Sa transposition aurait mérité d’être discutée de même que les critères de légitimité, pouvoir et urgence, qui ont conduit à son élaboration pour mettre en avant le caractère opérationnalisable de cette démarche. De longs passages sont consacrés à une présentation des différents diagnostics (thématiques, transversaux) mobilisables. Ceux-ci sont repris de démarches de consultants s’appuyant principalement sur une approche SWOT, mais aussi d’études menées par l’auteur lui-même dont il restitue le contenu de manière synthétique et efficace. Certaines approches demeurent un peu difficiles à appréhender par le lecteur sur la seule base des éléments présentés. Ainsi, l’approche par les modèles spatiaux, celle par les modèles de développement, celle fondée sur les classements et baromètres et plus particulièrement celle centrée sur une matrice ad-hoc auraient supporté des développements méthodologiques pour une meilleure compréhension de la démarche, afin de guider les lecteurs dans leurs réflexions et apprentissages et éventuels déploiements. Notre curiosité stimulée n’est pas totalement satisfaite. Nous vous livrons quelques questionnements suscités par la lecture. Sur quelles bases sont évaluées la qualité des relations humaines, la qualité de l’équipe municipale, les actifs géographiques ou le dynamisme économique ? Les notions de qualité, d’opinion et de perception, sur lesquelles s’appuie l’auteur, pourraient être précisées et leurs liens discutés. Mais comme le souhaite l’auteur ces propos soulèvent de nouvelles questions et amènent à la réflexion et c’est en cela que l’ouvrage est utile. On comprend à la lecture qu’il est nécessaire de renforcer la robustesse de la démarche de diagnostic et de s’attarder sur les conséquences de démarches essentiellement conduites par des cabinets de conseil. L’auteur évoque une prégnance des cabinets de consultants sur les approches de marketing territorial développées (p. 79). Celle-ci peut conduire à un certain formatage des pratiques et des conclusions, interrogeant sur la finalité même de la démarche de marketing territorial qui est de faire valoir les spécificités d’un territoire. La deuxième partie de ce chapitre ii traite la question de la gouvernance, un point central du marketing territorial auquel on doit faire une place de choix. L’auteur indique combien il est important d’organiser la gouvernance, un élément indiscutable de réussite du projet de territoire. Cette partie est essentiellement abordée à partir d’exemples. La gouvernance constitue un facteur critique comme le montre la situation des marques territoriales dans un contexte de regroupements d’entités publiques ou de fusions de collectivités tels que l’ont vécue récemment les régions. Bien que la réforme territoriale (NOTRE) soit intervenue après la parution de cet ouvrage, un développement sur cette question et son éventuelle redéfinition aurait permis aux lecteurs de se projeter dans la dimension prospective du marketing territorial abordée dans le 4e chapitre. Après avoir rappelé les trois grands modes de gouvernance de Gilly et Perrat (2003), l’auteur présente différents cas sous la forme d’encadrés, celui des AOC, du Hubstart Paris Région, ou encore de la communauté d’agglomération de Caen la mer, néanmoins sans conclure sur ce que ces exemples apportent à la compréhension de la gouvernance du projet territorial. Ces exemples, bien qu’intéressants, peuvent être source de confusions chez le lecteur qui peine à discerner ce qui relève de l’outil de communication (Hubstart Paris Région est d’ailleurs qualifié de marque-signature, p. 89) de ce qui permet de nommer une alliance entre les acteurs d’un territoire. L’auteur à travers les propos de M. Thébaut resitue la gouvernance comme un moyen d’animer le territoire, de renforcer les échanges entre les acteurs, de libérer l’intelligence collective et stimuler la co-créativité. La dernière partie de ce chapitre porte sur l’élaboration de la stratégie territoriale. Cette étape de formalisation des priorités et d’allocation de moyens doit en effet être particulièrement réfléchie. La définition des axes stratégiques prioritaires est abordée à partir des notions d’économies présentielle et non présentielle conduisant à une lecture « développement local » fondée sur le partenariat dont il est souvent fait état dans les travaux sur le marketing territorial. L’insertion d’un tableau sur la répartition des compétences des collectivités territoriales (pp. 96 et 97) illustre le lien entre l’action publique et le marketing territorial et la prégnance des dimensions administrative et politique du marketing territorial qui estompe le rôle des acteurs privés. Bien que réelles, les références à ces dimensions s’atténuent au fil des pages, au profit d’une collaboration public/privé jugée bien plus fructueuse. Enfin, ce deuxième chapitre se conclut par quelques pages sur le positionnement. Si la notion d’image voulue et d’image perçue est bien évoquée, elle se confond dans le texte avec celle de positionnement voulu et positionnement perçu ainsi qu’avec la notion de vision ou encore de promesse exprimée dans les « slogans » associés à certaines marques (p. 104). La variable temps pourtant déterminante dans la construction de l’image du territoire n’est pas mentionnée alors que l’importance de la constance dans les actions conduites et la nécessité de penser le plan d’actions dans la durée sont des éléments largement admis.
4Le troisième chapitre est relativement court, portant sur ce que l’auteur qualifie de phase aval. Le propos est axé sur la présentation de l’offre territoriale dans ces dimensions tangibles et intangibles, la définition d’un plan d’action et son évaluation. Ce chapitre concis est présenté de manière synthétique, il fournit les principaux points de repère (un peu à l’image d’une check-list) pour appréhender cette étape. D’abord, l’auteur dépasse l’approche idéalisée du marketing territorial généralement portée par les consultants. En effet, l’offre territoriale s’avère être un ensemble complexe de constituants à la fois publics et privés, qui peuvent échapper en partie à la maîtrise des porteurs du projet. Parvenir à un consensus autour du projet de territoire constitue un véritable défi pour la plupart des territoires engagés dans ce genre de démarches et ce, malgré l’adoption d’une démarche construite. Il met en avant la nécessité de calibrer et d’adapter les plans d’action au contexte et aux particularités du territoire et d’identifier les variables clés. Dans la deuxième partie de ce chapitre, sont proposées plusieurs manières de déployer le plan d’actions territorial (Mix territorial dont la présentation est reprise de Vincent Gollain : public cible, domaine de compétence, objectifs stratégiques ou encore zone géographique). Il convient d’être vigilant quant au risque de superposition et aux difficultés d’articulations des actions en cas de déploiements multiples ou parallèles par des porteurs d’actions différents. L’auteur propose une qualification de la dimension opérationnelle du marketing territorial en s’appuyant sur certains champs d’applications du marketing générique tels que le marketing des services, expérientiel, social ou B to B, se prêtant plus aisément à une transposition vers le territoire. Le marketing territorial dans sa dimension opérationnelle est présenté somme étant une composition. La troisième et dernière partie de ce chapitre est consacrée à l’évaluation de la performance des actions opérationnelles développées sur le territoire. En s’appuyant sur le modèle d’évaluation d’offre de service, l’auteur propose de combiner des éléments du modèle SERVQUAL® destiné à mesurer la qualité de service et de celui tétraclasse® pour mesurer la performance à partir de la perception des usagers. Il serait utile de rappeler à ce stade la nécessité de concevoir des indicateurs en fonction des objectifs préalablement fixés et des leviers d’action disponibles et mobilisables. Enfin, il conclut ce chapitre sur la nécessité de réaliser des évaluations combinées qualitative (données de nature verbales), quantitative (essentiellement données statistiques rendant compte d’une tendance), comparative et longitudinale afin de rendre compte de la dynamique territoriale dans la durée en dépassant la durée du mandat de l’élu.
5Le dernier chapitre « imaginer le marketing territorial de demain » propose un angle prospectif autour de 13 axes. Ce chapitre restitue les expérimentations en matière de marketing territorial mises à jour lors du Place Marketing trend 2014 et issues de la démarche de veille de la chaire « attractivité et nouveau marketing territorial » basée à Aix-en-Provence. Cette chaire constitue un instrument intéressant pour rendre compte des expérimentations et des actions menées dans le monde sur cette thématique. Elles constituent autant de pistes de réflexions pour les managers en charge du marketing et de l’attractivité territoriale. Celles-ci sont rédigées sous forme de notes. Parmi les pistes abordées dans ce chapitre on retiendra trois lignes forces :
- L’encouragement à développer une approche transversale qui intègre l’ensemble des domaines sur lesquels repose la stratégie d’attractivité (économique, touristique, résidentiel, universitaire, culturel…) afin de renforcer les synergies. La nécessité d’identifier clairement le territoire pertinent dont les frontières s’avèrent mouvantes. Le périmètre est largement déterminé par la dynamique que peuvent impulser une démarche et des actions de marketing territorial. L’effet d’entraînement qui en résulte conduirait à un élargissement du périmètre d’analyse et d’action qui n’est pas neutre sur la gouvernance.
- La dimension relationnelle et humaine est particulièrement prégnante. Elle irrigue la stratégie de marquage à travers la dimension identitaire. La marque constitue un moyen d’exprimer une identité. Elle est en cela un élément de mobilisation collective porteur de sens. Chaque acteur doit s’en emparer dans le cadre d’un usage à la fois codifié (destiné à en contrôler le développement) et ouvert afin de la nourrir pour la faire vivre. Tout est donc question de dosage. Les expressions d’ambassadeurs, de « place making » illustrent la volonté de rendre les acteurs actifs. Cette dernière idée est aussi reprise dans les lignes consacrées la gouvernance. Si la dimension organisationnelle de la gouvernance (nature des structures pouvant porter la démarche) est abordée, la dimension mobilisatrice est plus particulièrement explorée. L’auteur lie la gouvernance avec les notions de participation citoyenne, de territoires « intelligents », d’ambassadeurs, de place making ou encore d’animation communautaire, on peut se demander si ces notions constituent un simple effet rhétorique destiné à cosmétiser le discours autour du marketing territorial ou une réalité destinée à perdurer.
- La dimension instrumentale et opérationnelle aborde dans une approche très pratique la question de la communication et de l’expérience de consommation du territoire. Les communications communautaire, virale, ciblée sont les axes à privilégier.
6Envisagé comme un condensé de méthodes et d’outils, cet ouvrage atteint son objectif de vulgariser la démarche de marketing territorial et de la rendre compréhensible tout en ouvrant la voie à de nouveaux questionnements.