Notes
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[1]
Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne, Quartier UNIL-Mouline, Bâtiment Géopolis, CH-1015 Lausanne ; emilie.jaccard@unil.ch ; +4121.692.33.19 ; doctorante. (personne à contacter)
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[2]
Entretiens réalisés : Acteurs privés (Directeur de l’Ecole Suisse de Ski de Villars, Directeur de la 2ème école de ski présente dans la station « Villars Ski School », Directeur d’une école privée et représentant de l’ensemble des écoles privées, Directeur de la société des remontées mécaniques : TGV SA) ; Acteurs associatifs (Président de Golf Club de Villars, Président du Tennis-Club de Villars-Gryon, Président du Ski-Club de Villars) ; Acteurs publiques ou mixtes (Syndic d’Ollon, Directeur de l’Office du Tourisme, Ancien-Syndic, Directeur du Centre des Sports)
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[3]
Sites internet : www.villars.ch ; http://www.ollon.ch/
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[4]
Rapport de l’Ecole Hôtelière de Lausanne (EHL 2013), Statistiques fédérales du tourisme CH, Rapport de la CITAV, … (télécabines, train à crémaillère, bus…). Elle est donnée gratuitement aux personnes séjournant au minimum une nuit dans la station. Elle est gratuite pour les enfants de moins de 9 ans, sinon à vendre à la journée 10.- ou saison 55.-, auprès de l’OT.
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[5]
Source : Echange de mails avec le secrétaire municipal
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[6]
Source : Entretien avec l’ancien directeur de l’Office de tourisme (janvier 2014)
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[7]
Free Access Card : carte permettant à son détenteur de bénéficier de la gratuité auprès d’offreurs proposant des activités sportives ou culturelles (initiation au golf, tennis, accès à la patinoire, ballade découverte du patrimoine, …) et lors de l’utilisation des transports sur la commune
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[8]
Sources : Entretiens avec acteurs commerciaux
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[9]
Source : entretien avec un acteur de la gouvernance.
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[10]
Source : entretien avec acteur privé fort
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[11]
Source : entretien avec acteur associatif
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[12]
Source : entretien avec acteur privé commerçant
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[13]
Ne sont pas comptabilisées, les évènements de plus petite envergure organisés régulièrement ou ponctuellement par les associations ou clubs sportifs (courses internes Ski-Club, tournois internes Tennis-Club, matchs Hockey-Club, …) ou par des structures commerciales (randonnées thématiques organisées par Villars Ski School ou ESS durant la saison estivale, descentes aux flambeaux par l’ESS, …)
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[14]
Source : plusieurs acteurs privés
-
[15]
Source : étude de type benchmarking réalisée en 2014 auprès de 1 station italienne, 2 stations autrichiennes et 7 stations des Alpes Suisses
1 – Introduction
1Territoire et sport sont deux notions qui prennent une dimension syncrétique lorsque l’on considère le développement économique des stations de montagne, qu’elles soient suisses, françaises ou autrichiennes. Ces territoires propices aux sports sont prisés des touristes souhaitant pratiquer des sports de plein air, dont le ski alpin par exemple. Ces activités sont souvent essentielles pour l’économie des stations. Celles-ci se retrouvent cependant de plus en plus confrontées à des problématiques (changements climatiques, variabilité de la demande, contexte de concurrence exacerbée...), qui ont amené les « gestionnaires » des stations de montagne à faire évoluer les formes de développement touristique et sportif, mais également leur pilotage.
2Privées, publiques ou associatives, les parties prenantes qui interagissent au sein de ces territoires ont des statuts, des objectifs et des stratégies qui souvent diffèrent et parfois se complètent. Les modes de gouvernance de ces territoires sont des objets complexes, et passent notamment par l’élaboration de politiques aux objectifs partagés entre les acteurs clés, et fixés en fonction des moyens à disposition. À la fois sectorielle et transversale, la politique sportive, a pour but de développer la pratique sportive sous toutes ses formes, mais interfère étroitement avec d’autres telles que les politiques sociales, culturelles, éducatives, économiques, de développement durable, et bien évidemment touristique. La gouvernance des stations de montagne et de moyenne montagne est un champ de recherches étudié en France (Boudières et al. 2004, Marcelpoil et Boudières 2006, Marcelpoil et François 2008), mais elle n’a encore donné lieu qu’à très peu de travaux scientifiques spécifiques au cas suisse (Clivaz 2006). Il apparait ici que les questions liées au rôle des activités sportives, aux territoires bipolarisés (comportant un point haut, une station de montagne, et un ou des points bas, des bourgs centre) voire encore à l’emboîtement des échelles territoriales offrent une bonne opportunité d’étudier des formes de gouvernance en formation (Rudaz 2009, Vlès 2012). Ces problématiques se retrouvent dans de nombreuses communes à caractère touristique et montagneux, que ce soit au niveau des fusions communales qui simplifient ou compliquent l’organisation territoriale, ou de la nécessité d’inscrire le sport au cœur des politiques afin de bénéficier de son apport économique. Ici, les enjeux sont nombreux : territoriaux, de développement économique, d’image, d’environnement et de préservation du patrimoine naturel, d’où les difficultés d’élaboration, mais également d’application des politiques.
3Au regard de ces constats, cet article a pour but d’étudier la gouvernance d’une politique sportive. La gouvernance doit ici composer avec des caractéristiques multiples (territoires bipolaires, péri-urbanité, évolution climatique) et les formes qu’elle peut prendre sont déterminantes pour la construction de la politique sportive. Cette étude se base sur le cas spécifique de la station suisse de moyenne montagne de Villars-sur-Ollon, située dans les Alpes Vaudoises en Suisse romande, et a également pour but de soulever plusieurs hypothèses qui pourront être testées dans d’autres cas. Elle analyse les difficultés de mise en synergie des acteurs publics, privés et associatifs notamment sur les années 2012 à 2015, et étudie l’intérêt de l’adoption de nouvelles formes de gouvernance basées sur des partenariats stratégiques pour y remédier.
4Cet article s’organise autour de trois parties distinctes. Dans un premier temps est présenté un cadrage des concepts théoriques liés à la problématique, suivent ensuite le développement du cadre méthodologique et l’analyse du cas choisi. Pour répondre aux difficultés rencontrées dans le domaine de la gouvernance de la station, nous proposons de discuter le concept de partenariats stratégiques afin de renforcer les capacités de gouvernance de la station.
2 – Concepts théoriques
5Le cadrage théorique retenu ici articule la gouvernance des territoires de montagne, et notamment des stations touristiques, avec la conception de politiques publiques sportives.
2.1 – La station
6La station touristique est le lieu légitime en matière d’implantation du système touristique. Elle est le centre, l’unité spatiale, vers laquelle convergent les fonctions, les opérateurs ou encore les politiques d’aménagement en matière de tourisme (Knafou et al. 1997). Ce lieu de rencontre entre consommateurs (touristes) et vendeurs (opérateurs touristiques) est forgé par l’histoire, la topographie ou des mesures d’aménagement du territoire (Perret 1992). Les stations touristiques ne valorisent pas nécessairement et uniquement des ressources territoriales spécifiques, leur développement est aussi basé sur des ressources génériques en concurrence. En effet, ces entités spatiales s’inscrivent dans un contexte de mondialisation économique au sein duquel elles se positionnent, schématiquement, suivant une logique d’ancrage et de développement local ou suivant une logique de compétitivité face à d’autres stations touristiques ayant des caractéristiques ou des ressources similaires. Cette compétitivité est souvent assurée par l’offre en matière de sport et plus généralement de loisirs et de divertissement.
2.2 – Le concept de politique publique sportive
7Une politique sportive est porteuse d’enjeux multiples (sociaux, culturels, éducatifs, économiques, touristiques, développement durable), et se construit sur plusieurs niveaux. Pour une meilleure lisibilité de l’action publique, Bayeux (2013) en distingue quatre, propres au processus de construction :
- le niveau politique qui permet de définir, à partir de valeurs idéologiques, des finalités ;
- le niveau stratégique qui se définit comme un ensemble d’actions coordonnées au service d’objectifs déterminés au regard des finalités ;
- le niveau tactique qui porte sur l’allocation des ressources et les modes de gestion de moyens ;
- le niveau opérationnel qui est celui de la mise en œuvre concrète.
8Pour parvenir à cette construction, un travail de diagnostic est nécessaire.
9Le concept en matière de politique municipale du sport (niveau politique) découle du Concept fédéral suisse sur le même thème. Celui-ci est fondé sur une conception nouvelle (2010), plus large, du sport, et axée sur cinq domaines principaux :
- la santé (augmenter la part de la population active sur le plan physique) ;
- l’éducation (exploiter les possibilités offertes par le sport sur le plan éducatif) ;
- la performance (soutenir les jeunes talents et le sport d’élite) ;
- l’économie (utiliser le potentiel économique du sport) ;
- le développement durable (faire du sport, un terrain d’apprentissage pour le développement durable de la société).
10Le sport est donc un domaine en bonne partie piloté par des politiques publiques inspirées depuis l’échelon national, mais largement adaptées en fonction du contexte et des volontés politiques locales. Localement, ces politiques permettent d’étoffer ou d’assurer la compétitivité d’une offre d’activités sportives qui est dans le cas des stations de montagne, étroitement liée à l’offre touristique. Historiquement lieux d’activités sportives, celles-ci sont soumises à des trajectoires économiques qui ont évolué dans le temps. Depuis une trentaine d’années déjà, le contexte politique et économique est plus incertain : crise de la fréquentation touristique de la montagne, difficultés d’enneigement, rationalisation des investissements publics touristiques, avènement de la durabilité en montagne, etc. Dès lors, la gouvernance touristique des stations de montagne est devenue un objet fécond de réflexions et notamment au travers de ses implications de plus en plus institutionnalisées des activités sportives.
2.3 – Gouvernance des stations de montagne
11L’analyse de la gouvernance des stations touristiques de montagne consiste à étudier les implications variées des acteurs de ce système, en termes de régulation entre les sphères publique, privée et civile, et à saisir l’évolution des processus de décisions (Lequin 2001). Pour se faire, la gouvernance doit être étudiée au travers de son articulation entre des logiques locales privées et publiques. En effet, depuis deux décennies au moins, dans les milieux touristiques de montagne, le politique a vu son rôle évoluer, conséquence de la pluralité des acteurs et de leurs positions (Boudières et al. 2004, Gerbaux et al. 2004), mais également conséquence de la répartition asymétrique des ressources propres à chacun ; le terme ressource signifiant selon Rey-Valette et al. (2011) : pouvoir, relation, savoir, statut, capitaux financiers. Leloup et al. (Leloup et al.) proposent une définition similaire et indiquent que « la question de la gouvernance territoriale renvoie tout d’abord à celle du développement local et se situe dans le contexte historique de l’implication croissante des acteurs locaux privés, publics et associatifs dans les dynamiques de développement, et dans leur capacité à se mobiliser et à se prendre en charge ». Dans ce contexte, l’acteur politique ne peut plus porter seul un projet de développement, mais doit y intégrer l’ensemble des ressources territoriales (Boudières et al., 2004).
12Cependant, dans les stations de montagne plus qu’ailleurs, il est délicat de conjuguer des intérêts divers et variés dans l’optique de concourir à une action publique cohérente (Offner 1999a, 1999b). Ainsi, au travers de la notion de gouvernance, l’enjeu consiste à pointer « les arrangements formels et informels entre acteurs privés et publics, à partir desquels sont prises et mises en œuvre les décisions » (Le Galès et Lorrain 2003, Le Galès 1995).
13C’est par la compréhension de ces arrangements entre acteurs privés et publics, des comportements et les modes de coordination des acteurs (Brullot et al. 2014, Larid 2010), voire encore des relations sociales (Angeon et Lardon 2008) que s’établit le rassemblement des énergies, préalable à la construction d’un projet commun de développement. Les processus de gouvernance en station doivent tenir compte de l’asymétrie des relations entre acteurs (Lorrain 2002). La dimension constitutive du politique est présente ; elle renvoie d’une part, au fait que son exercice est lié à une collectivité locale, donc à une assise territoriale délimitée et d’autre part, qu’il s’agit d’un pouvoir soumis à une contrainte de légitimation (Duran 2010). On relève deux modèles principaux de gouvernance des stations touristiques de montagne (Gaïdo 2002) : le community model où la station « est le fruit d’unités de production indépendantes, spécialisées dans les services et opérant dans une démarche décentralisée, sans pouvoir de domination » (Boudières et al. 2004) ; le corporate model qui repose sur une logique de profit, soit une « business corporation » (Flagestad et Hope 2001) avec une gestion d’entreprise de type intégré. Le premier modèle fait la part belle aux collectivités locales (rôles d’impulsion et de régulation) tandis que le second, à la stratégie économique et à la sélection de sous-traitant et de contractant.
14De leur côté, Gilly et Perrat (2003) identifient trois principaux types théoriques de gouvernance territoriale, selon le type d’acteur dominant la coordination territoriale : la gouvernance privée, institutionnelle (ou publique, c’est-à-dire avec un acteur public dominant) et mixte (partenariale).
15Afin d’opérationnaliser ce concept de gouvernance et comprendre sa nature et son processus d’évolution, Clivaz (2006) propose d’analyser, selon la typologie de Svensson et al. (2005), trois types de partenariats : stratégique (qui implique une réelle coordination entre les acteurs pour le développement de long terme, basé sur la confiance mutuelle), institutionnel (qui se réfère à une coopération des acteurs publics et privés qui disposent d’une certaine autonomie décisionnelle ainsi que de ressources financières propres), par projet (qui concerne des coopérations ponctuelles limitées dans le temps et se rapportant à un objet bien précis).
16Au regard de ces modèles de pouvoir et de modalités de mise en œuvre des partenariats entre les acteurs publics, privés et associatifs, l’orientation d’un système de gouvernance local se fait en fonction d’un objectif ou d’un projet de territoire dicté par l’instance originelle ou le collectif préexistant. Il s’agit d’une condition posée par la littérature, à une mise en œuvre théorique plus efficace, voire efficiente, d’une politique, dans notre cas, sportivo-touristique.
17À partir des différents concepts théoriques présentés, nous établissons un cadre d’analyse afin de réaliser un état des lieux de la gouvernance de la station de Villars-sur-Ollon, et ses effets sur la conception et la mise en œuvre de la politique sportivo-touristique.
3 – Cadre d’analyse et méthodologie
18Dans un premier temps, nous avons cartographié les acteurs présents dans la station (Rey-Valette et al. 2014), parties prenantes de la gouvernance. Dans ce cadre, les modalités de gouvernance sont analysées au regard de deux éléments clés :
- Les ressources des acteurs selon Rey-Valette et al. (2011) : il s’agit ici d’utiliser un cadre d’analyse permettant d’observer l’utilisation du pouvoir (comment le pouvoir politique est-il distribué ?), le rôle des relations (quels sont les liens d’interdépendance entre les acteurs ?), du savoir (quelle est la nature, l’opérationnalité, la qualité, la transparence et l’utilisation de l’information ?), des statuts (juridique, parts et droits de vote dans les sociétés…), ou encore des capitaux financiers investis (par quels acteurs et quels montants ?).
- Les modes de coopération qui en résultent vont donner naissance à trois types de partenariats présentés dans le tableau ci-dessous : stratégique, institutionnel, par projet (Svensson et al. 2005).
Les trois types de partenariats
Les trois types de partenariats
19Les cinq domaines présentés par Rey-Valette (2011) sont structurels, mais les ressources des acteurs peuvent également se lire dans une perspective dynamique et ainsi permettre de saisir les évolutions : de la production de l’information, de la prise en charge des conflits et du partage des ressources entre les acteurs. Cette définition de la gouvernance territoriale, alliant des ressources (des acteurs), des dispositifs (partenariats) et une coopération, permet d’insister sur les enjeux de coordination dans des situations d’asymétrie ainsi que sur la nature du processus dynamique mobilisant des apprentissages collectifs.
20Dans un deuxième temps, pour analyser les effets de la gouvernance sur la politique sportive, trois piliers d’analyse ont été retenus : offre, infrastructures, évènements (Bayeux 2013). Notre cadre d’analyse, ainsi que les quatre concepts analysés sont résumés dans la figure ci-dessous.
Cadre d’analyse
Cadre d’analyse
21Les données de notre étude de cas ont été recueillies sur les années 2012 à 2015 à partir de documents (procès-verbaux, revue de presse, …) et de 11 entretiens semi-directifs (identité, parcours, rôle, capitaux financiers, statut juridique, relation avec les autres acteurs, perception de la gouvernance actuelle, relation entre la gouvernance et la mise en œuvre des politiques, perspective d’évolution) avec les acteurs clés de la politique sportive actuelle et de la gouvernance sportivo-touristique [2]. Ces matériaux sont associés à un recueil d’informations sur les sites internet de la commune et de la station touristique [3], ainsi que sur les divers sites des parties prenantes. L’analyse d’études et de statistiques relatives à la station a été une source importante de données secondaires [4]. La période d’étude coïncide avec une prise de conscience des différentes parties prenantes, mue par une volonté d’instaurer une gouvernance plus partenariale en réponse aux problématiques de développement de la station. La question de la mise en place de nouveaux partenariats stratégiques et la qualité de la coopération entre les acteurs publics, privés commerciaux et associatifs ont été soulevées, amenant des réflexions plus globales sur le rôle des différentes parties prenantes et la nécessité de reformuler les politiques, dans notre cas sportivo-touristique.
3.1 – Gouvernance de la politique sportive et touristique de Villars sur Ollon
22Station touristique de montagne suisse, Villars-sur-Ollon est située dans le Chablais vaudois sur la ligne de chemin de fer Bex-Villars-Bretaye et perchée à un peu plus de 1250m d’altitude. Hameau de la commune d’Ollon, établie quant à elle 800 mètres plus bas, elle est située sur un balcon naturel et orientée plein sud, offrant un panorama large et un environnement idéal pour le tourisme et les d’activités ludiques et sportives en tout genre. Proche de Genève (1h20 par la route ou 2h en train), mais également de Paris en saison hivernale (3h40), Villars possède environ 1’500 habitants à l’année, mais peut voir sa population augmenter jusqu’à 20’000 habitants durant la haute saison (Fêtes de fin d’année, vacances de février), grâce à ses 2500 résidences secondaires et ses 19’000 lits touristiques [5]. C’est une station touristique qui vit essentiellement grâce au tourisme hivernal et secondairement estival. En effet, la saison touristique d’hiver pèse aujourd’hui économiquement bien plus lourd que la saison estivale : « un touriste dépense 4 fois plus en hiver qu’en été dans la station » [6].
23Villars est également réputée pour ses écoles privées. Cinq collèges, dont deux figurant parmi les plus prestigieux et onéreux du monde sont en effet établis depuis le début du XXe siècle sur la commune (Collège Alpin Beau-Soleil, Aiglon Collège, École Alpine Internationale, École Internationale La Garenne, École Internationale Pré Fleuri). De nombreuses personnalités et familles fortunées, ainsi que leurs enfants (700 en période scolaire), ont suivi ou suivent leur scolarité dans ces écoles. Cependant, bien qu’un bon nombre d’entre elles soient propriétaires de chalet ou de résidence et passent une partie de l’année à Villars, elles demeurent peu investies dans la vie locale.
24Après ce bref aperçu de la station et les informations recueillies, on peut caractériser son positionnement de « famillial », à ambition « haut de gamme discrète ». Toutefois, ce positionnement souhaité ne correspond pas entièrement aux politiques de développement actuelles.
25En matière de sports et de loisirs, la commune d’Ollon possède plusieurs infrastructures et aménagements pour la pratique des activités ludiques et sportives, qui se répartissent entre le haut (Villars) et le bas (Ollon). En hiver, la destination est attractive pour son domaine skiable formé de Villars et de la commune de Gryon : « Villars-Gryon », domaine relié à celui des Diablerets et du Glacier 3000, offrant ainsi plus de 125kms de pistes. Les amateurs de ski de fond trouvent également 50kms entretenus. En saison hivernale comme estivale, plusieurs sentiers balisés de randonnée sont proposés. D’autres infrastructures situées en altitude complètent l’offre sportive telle qu’une patinoire, une piscine extérieure et intérieure (en cours de rénovation), des terrains de tennis intérieurs et extérieurs, ainsi qu’un golf 18 trous.
3.2 – Les acteurs : identité, ressources et modes de coopération
26Qu’ils soient privés, publics, marchands ou associatifs, les acteurs du sport et des loisirs sont nombreux. 7 associations et clubs sportifs sont présents dans la commune : de football (Ollon), de golf, de tennis, de hockey, de patinage et de ski. Plusieurs sportifs et équipes issues de ces clubs ont représenté la station au niveau national voir international. Les parties prenantes privées sont nombreuses et se sont souvent regroupées au sein de collectifs privés afin de faire valoir leurs intérêts au travers d’un représentant (représentants des écoles privées, des hôteliers, des restaurateurs, des résidences secondaires et la société des commerçants et artisans). La société propriétaire et exploitante des remontées mécaniques, TVG SA (Télé-Villars-Gryon), est un pilier central à la fois de par son activité, son nombre d’emplois créés et son poids économique conséquent (bénéfice positif ces dernières années depuis sa fusion avec Gryon), mais également de son implication dans l’organisation d’évènements (ski notamment). Cette société est propriété à hauteur de 30% des communes de Ollon et Gryon, le reste appartenant à des actionnaires privés. Deux écoles de ski sont présentes dans la station, dont l’École suisse de Ski de Villars (ESS Villars), qui forte de plus de 270 moniteurs en haute saison, est la 2e plus grande école de Suisse et collabore fortement avec le ski-club. D’autres structures de type associatives ou mixtes (publique et privée) d’aide au développement gravitent également sur le terrain : Association de développement économique de Villars (ADEV), Fond pour l’équipement touristique communal (FETCO), Commission « Taxe de séjour » et Communauté d’intérêts touristiques des Alpes Vaudoises (CITAV), ou encore l’Office du tourisme « Porte des Alpes », dont un bureau se trouve à Villars.
27Au niveau du financement, la perception de la taxe de séjour par les hébergeurs, taxe reversée à la « Commission Taxe de séjour », est une source de financement essentielle, dépendant logiquement du nombre de nuitées touristiques. Cette somme finance à la fois ses propres frais administratifs, la FETCO, l’OT, une partie du Centre des Sports (CDS), les manifestations et la Free Access Card [7]. Quant au CDS, bien que géré en tant que société indépendante, 30% de ses parts appartiennent à l’ADEV et 70% à la commune. Par ailleurs, il dépend du financement public pour les rénovations des infrastructures et la couverture de l’éventuelle perte annuelle liée à l’exercice. Propriétaire de certaines infrastructures (tennis, salles omnisports …) et uniquement financeur de rénovations ou de travaux pour d’autres (patinoire, piscine), qui sont propriétés quant à elles du CDS, la commune a donc un pouvoir clé à travers son poids financier dans les investissements et ses implications juridique, politique et relationnelle dans la gouvernance du système sportif et touristique.
Cartographie des acteurs et de leurs réseaux
Cartographie des acteurs et de leurs réseaux
28Les liens entre chacune des parties prenantes sont complexes. Nombreux acteurs sont présents sur plusieurs fronts et dans plusieurs structures. Il est parfois difficile de séparer la structure de la personne qui, suivant une initiative personnelle, serait membre d’un comité sans pour autant véritablement impliquer sa société (le directeur de l’ESS est par exemple aussi conseiller communal à titre privé). Un acteur peut à la fois être directeur, président ou gestionnaire de plusieurs structures, comme le sont par exemple le directeur de l’ESS ou le syndic. Ces casquettes successives ou superposées se situent souvent à la fois dans le champ du sport et du tourisme. Par exemple, le nouveau directeur du CDS depuis 2013 est désormais également président du conseil d’administration de l’OT de Villars (depuis fin 2014), tout en étant en relation étroite avec la municipalité. Le syndic, responsable également des sports à la Municipalité, est quant à lui à la fois président du conseil d’administration du CDS, vice-président du conseil d’administration de la société TVG SA et membre du comité de l’ADEV. Les ressources politiques et le pouvoir sont donc peu distribués, et les acteurs fortement interdépendants.
29Les différents liens entre parties prenantes aboutissent à des coopérations, parfois volontaires, parfois par obligation, et selon les affinités individuelles ou des partenariats plus ou moins durables dans le temps. Ils peuvent également être des facteurs de blocage non négligeables. L’intérêt personnel et les conflits de personnes s’entremêlent fréquemment, ayant parfois pour conséquence une inefficience ou même un abandon de certains projets. Dans ce cadre, la régulation est souvent clanique ou familiale (Famille Daetwyler, dont un des membres a occupé le poste de syndic pendant de longues années, mais également celui de directeur de l’ESS, président du ski-club, président du comité de l’OT, tout étant propriétaire d’un magasin de sport dans la station). L’information ne circule pas toujours de manière transparente, elle est peu mutualisée et produite parfois dans des conditions obscures (« nous aimerions une modulation discutée des dates d’ouverture et fermeture des remontées », « des conditions météo ont entrainé la fermeture exceptionnelle du domaine skiable un jour de vacances scolaires, et comme personne n’était au courant, toutes les autres infrastructures étaient également fermées, car jour férié, que faire avec nos clients ? », « comme la politique évènementielle manque de clarté, chacun fait des choses de son côté… » [8]). Les interactions au sein des réseaux d’acteurs sont fortement présentes, influençant les décisions, les coopérations, les partenariats, et finalement la gouvernance de la station. Le tableau ci-dessous résume les ressources mises en œuvre par les principaux acteurs de la gouvernance de la station.
Acteurs clés et ressources
Acteurs clés et ressources
30Les ressources des acteurs alimentent les interactions et favorisent, retardent ou font échouer des partenariats « par projet » qui s’effectuent au gré de la qualité des relations interpersonnelles ou des initiatives individuelles visant à montrer la légitimité et le pouvoir des acteurs. Des exemples illustrent cette situation, avec par exemple l’annulation du Villars Night Show depuis 2013 (spectacle visuel et sonore organisé annuellement depuis 20 ans), la mise en suspens de projets d’aménagement de place de jeux et de parcours dans les arbres ou encore l’éviction du directeur de l’OT fin 2014 (acteur clé de l’économie locale). Cette analyse de la gouvernance au regard des ressources dont disposent les acteurs, permet de mieux comprendre la capacité à définir et mettre en œuvre la politique sportive.
31En matière de pouvoir, la légitimité des acteurs est donc essentiellement technique, sportive puis politique. Le réseau quant à lui, se constitue en grande partie autour d’une culture commune des acteurs en matière de sports d’hiver, mais aussi par un ancrage historique dans le système politique local. Le savoir est une ressource que les acteurs mettent en œuvre en interne, au sein de leur propre structure, et en externe au sein des instances collectives locales (conseils d’administration notamment), il leur permet de légitimer leur statut, dépendant quant à lui souvent des choix politiques. Les capitaux financiers essentiels au fonctionnement de la station sont majoritairement détenus par la commune qui est à la fois actionnaire des deux plus grandes structures (CDS et TVG) et investisseur en cas de rénovation ou de perte réalisée par le CDS.
32En fonction des éléments présentés précédemment, si la gouvernance peut être caractérisée, au sens de Gilly et Perrat (2003), de partenariale, elle est éclatée ou peu coordonnée comme le reconnaît un des acteurs clé de la gouvernance : « il manque de la clarté au niveau de la gouvernance de la station » [9]
33Ce manque de coordination a des répercussions sur la compréhension et la coopération entre acteurs, mais également sur l’offre sportive globale. Un manque de concertation et d’informations lors de décisions importantes (par exemple la rénovation de la piscine) a souvent été relevé : « Il faut se (l’ensemble des acteurs du territoire) concerter pour décider des infrastructures prioritaires à rénover ou construire » [10] ; « Il manque de la collaboration entre les associations sportives et clubs de différentes disciplines. » [11] ; « Personne n’est au courant des délais de rénovation de la piscine » ; « Nous ne savons pas en avance quand ouvrent et ferment les pistes de ski, il faudrait une date fixe sur laquelle on peut communiquer » [12], mais également un manque d’intégration de certaines structures à l’offre touristique (le cas du Golf par exemple). Récemment, la mise en place du concept estival de la Free Access, financée grâce à la taxe de séjour perçue auprès des clients tout au long de l’année, est une idée qui semble positive et qui illustre la prise de conscience et la volonté des acteurs de proposer des offres globalisées construites de manière coopérative et commune.
3.3 – Une gouvernance partenariale éclatée et peu coordonnée
34Les données présentées jusqu’ici permettent de mettre en lumière les types de partenariats à l’œuvre dans cette gouvernance. On constate donc qu’ils sont majoritairement d’ordre institutionnel et par projet comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Types de partenariat présents
Types de partenariat présents
35Toutes les infrastructures sont gérées par des personnes et des organismes différents avec des montages juridiques spécifiques, illustrant la complexité et potentiellement un flottement, dans la coordination et la vision d’ensemble nécessaires par ailleurs pour construire et proposer des offres attendues (en interne pour la population locale et les écoles privées et en externe pour les touristes). La présence d’acteurs sur tous les fronts engendre des conflits d’intérêts et des conflits de personnes, qui peuvent desservir le bon développement de la station. La culture locale et l’héritage des interactions entre acteurs sont particulièrement centraux dans la gouvernance locale. Ils cantonnent les échanges entre acteurs locaux à des interventions autour de projets bien précis, souvent sécularisés, et peuvent inhiber la capacité d’innover (dans les équipements, les évènements voire même dans la stratégie touristique ou sportive) et de s’adapter à des contextes économiques et touristiques de plus en plus concurrentiels. En l’état, les stratégies ou les politiques sportives et touristiques semblent ponctuelles, isolées, et non transversales ou suffisamment partagées, impactant notamment sur l’utilisation des infrastructures et l’organisation d’évènements.
3.4 – Conséquences sur les trois piliers de la politique sportive actuelle : pratiques, infrastructures, évènements
36L’offre sportive est essentiellement proposée par les acteurs associatifs, mais également privés et commerciaux (Ecole Suisse de Ski, CDS, Villars Ski-School). Quelques petites structures marchandes proposent parallèlement des activités telles que le parapente, la plongée en lac ou encore des cours de danse. Les activités proposées ont majoritairement une visée touristique sans pour autant être uniquement destinées aux non-locaux, ce qui est cohérent au vu de la part du tourisme dans l’économie de Villars. On peut relever que le nombre d’activités orientées « sports nature » pouvant être entre autres pratiquées durant la saison estivale, mais également l’intersaison, est plutôt faible. Les sports d’hiver typiques (ski, snowboard, patin à glace) restent majoritaires, ils sont cependant dépendants de l’ouverture des installations, déterminée par la société TGV. Peu d’offres d’activités sont proposées aux touristes non-skieurs ou lorsque la météo n’est pas favorable, bien que des infrastructures soient présentes. Le CDS gère depuis peu l’entretien des pistes de ski de fond et de la courte piste de luge, afin qu’elles soient opérationnelles.
37La station touristique d’altitude qu’est Villars, ainsi que sa commune voisine de Gryon, possèdent un large panel d’infrastructures sportives (terrains pour les sports de raquette, golf, piscine, patinoire, salle de fitness et salle omnisport). Cette disposition illustre à la fois une logique touristique, puisque ces lieux sportifs peuvent être utilisés dans des produits touristiques, mais aussi une logique de service pour la population locale. Ces infrastructures permettent de pratiquer dans un large spectre d’activités sportives, mais certaines comme la piste d’athlétisme et les terrains multisports (terrains de grands jeux) sont situés essentiellement dans la vallée (à Ollon). Les deux espaces proposés à Villars étant plutôt vétustes et praticables uniquement durant une courte période lorsque le terrain a séché. Elles sont réparties dans deux groupes : les infrastructures publiques de la commune d’Ollon et privées (écoles privées). Cette catégorisation souligne que de nombreux équipements sont présents dans les écoles privées, impliquant que leur accès n’est pas libre à tous (mur d’escalade, 2e salle omnisport, …). Les opérateurs touristiques et les acteurs locaux du sport ne peuvent les utiliser dans le cadre de leurs activités, malgré le fait que celles-ci soient vacantes à certaines périodes de l’année. Une gestion différente de la politique sportive et une intégration à l’offre touristique de manière plus innovante, pourraient notamment permettre une réduction de l’octroi communal, libérant ainsi du budget pour des rénovations nécessaires telles que la patinoire ou les salles omnisports.
38L’ensemble de ces parties prenantes participe directement ou indirectement, mais de manière peu coordonnée à l’organisation d’évènements sportifs dans la station. Une trentaine de manifestations sportives récurrentes ou ponctuelles, autour d’un large éventail d’activités sportives, ont lieu en hiver (>20) et en été (≈10) [13]. Ce chiffre souligne un fort déséquilibre en défaveur de la saison d’été et montre d’une part que les activités hivernales, liées au ski de piste et à la neige, sont un des principaux vecteurs d’activités et que d’autre part l’hiver est perçu comme le meilleur moment pour organiser un évènement avec un maximum de public. Si l’on s’attarde plus en détail sur le type de manifestations sportives organisées à Villars, on en identifie plusieurs : compétitions élites ou populaires (compétitions réservées aux pratiquants de haut niveau fédérés ou ouvertes à tous ; exemples : Rivella Family Contest, Ski Cross, Jumping Villars Gryon), activités sportives/animation (permettant la pratique sportive, l’initiation à une ou plusieurs activités sportives, parfois associée à des activités culturelles ; exemples : Winter Golf Experience, Villars Rando Festival), ou encore spectacles sportifs (spectacles où quelques sportifs sont des acteurs et le public uniquement spectateur ; exemple : Villars on Ice). Le positionnement stratégique et marketing choisi pour orienter ces évènements sportifs et touristiques demeure flou, même si les responsables indiquent que ces manifestations s’adressent en bonne partie aux familles et au sport amateur. Ce manque de cohérence s’explique par un défaut de concertation entre acteurs/organisateurs qui développent parfois individuellement leur propre projet sans concertation et lien avec la stratégie touristique.
39En synthèse, on peut dire que la politique sportive de Villars est dynamique, mais éclectique. Elle apparait comme le produit d’initiatives disparates ne faisant que trop peu appel à des partenariats clairs. Ces initiatives relèvent d’une volonté manifeste, d’une capacité importante de travail et d’une bonne mobilisation des acteurs. Cependant, les acteurs mènent leurs projets et leurs actions sans une coordination généralisée. En effet, malgré l’existence de ressources relativement transversales et bien appropriées par les acteurs, une meilleure coordination semblerait à même de fournir une impulsion bénéficiant à l’ensemble des parties prenantes du territoire.
4 – Discussion et perspectives
40Comme nous venons de le voir, l’étude de cas choisie montre toute la complexité de la gouvernance touristique et sportive d’une station de montagne suisse au regard des ressources dont disposent ses acteurs. En outre, à cette complexité s’ajoute un certain manque de cohésion et de cohérence au niveau de la gouvernance. Nous proposons ici de discuter la pertinence des types de partenariats actuellement en vigueur localement. Nous les mettrons enfin en perspective avec de nouveaux partenariats stratégiques qui pourraient favoriser une gouvernance concertée gage d’une confiance renforcée.
4.1 – Vers des partenariats stratégiques : mutualiser offres et moyens pour un développement touristique tout au long de l’année
41Selon la plupart des acteurs, la politique sportive devrait être plus « clairement adossée à la politique touristique », puisque « le sport, les évènementiels et les infrastructures, doivent être un moteur pour le tourisme, pour les nuitées touristiques, ou plus largement pour l’attractivité touristique de Villars » [14](Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Le quin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin) (Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)[9](L equin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequin)(Lequi n)(Lequin)(Lequin). En effet, la politique sportive en interne et en externe de cette station semble nécessiter une meilleure définition des cibles en cohérence avec les politiques menées. Les écoles privées fonctionnent en système fermé, mais elles pourraient mutualiser des équipements et des moyens avec d’autres acteurs sportifs, et inversement bénéficier des infrastructures présentes sur la commune pour diversifier leur offre sportive. Le golf, le tennis et d’autres sports peuvent servir de base à des offres de pratiques communes, associées à d’autres activités si de nouvelles infrastructures voient le jour (grimpe, via-ferrata, parcours dans les arbres…). Le Centre des Sports va disposer fin 2016 d’un outil essentiel avec la nouvelle piscine, qui comportera un centre de wellness, ainsi qu’un bassin intérieur et extérieur. Avec en complément cet espace wellness, la commune aura un produit de qualité "tout public" (familles, couples, seniors) à l’instar des stations suisses et étrangères attractives et concurrentes. Associé à la patinoire ouverte presque toute l’année, qui pourrait faire l’objet d’une rénovation ultérieure, aux terrains de tennis, aux salles omnisports ainsi qu’au golf 18 trous, ce nouveau complexe jouera certainement un rôle non négligeable du point de vue de l’activité touristique, mais sera également utile aux parties prenantes pour développer leurs offres. Une offre d’infrastructures exhaustive permet de proposer un accueil de qualité en après-ski, en saison d’été, mais également lorsque les conditions météo hivernales ne permettent pas la pratique des sports d’hiver.
42De plus, afin de lisser l’activité touristique sur l’année et de permettre à la fois aux locaux et aux écoles privées de pratiquer d’autres formes de loisirs, il serait intéressant de proposer des offres sportives dites outdoor, additionnelles, comme le proposent nombreuses autres stations suisses (et même autrichiennes et italiennes) [15]. Cette logique illustre notamment un premier rapport entre l’attractivité sportive temporaire évènementielle, et l’activité touristique locale. Celle-ci a tout intérêt à assurer une répartition des manifestations sportives de manière homogène pour maintenir une économie touristique pérenne et pendant toute l’année, élément clé pour une station de moyenne de montagne.
43Contrairement au cas de la station touristique de Crans-Montana (Clivaz 2006), il semble qu’un acteur suffisamment fort, la commune, soit présent pour orienter le développement touristique et sportif de la station sur le long terme et pas uniquement au coup par coup comme c’est le cas lors de partenariats par projet. La commune serait donc l’opérateur ad hoc pour donner le tempo dans les aménagements, les évènementiels, voire les relations entre les acteurs clés du sport sur son territoire. Elle a jusqu’alors déjà pris l’habitude d’intervenir auprès du CDS ou de l’Office du Tourisme où elle a respectivement un rôle central dans l’administration et la création de partenariats sur une base stratégique.
4.2 – Les conditions de réussite d’un partenariat stratégique
44Ainsi, pour engager un partenariat stratégique dans la gouvernance, nous avons vu que suivant Svensson et al. (2005), il est nécessaire de créer une coopération réelle entre les acteurs, une mise en commun des ressources, ainsi qu’une confiance mutuelle. Il s’agit ici de concevoir un rôle d’organisation d’une gestion partagée pouvant logiquement incomber à la municipalité (cf. figure 3).
Nouvelle proposition de gouvernance touristique et sportive en station : le cas d’Ollon et sa station Villars
Nouvelle proposition de gouvernance touristique et sportive en station : le cas d’Ollon et sa station Villars
45Dans le cas analysé, les éléments clés d’un partenariat stratégique seraient :
- clarifier les prérogatives de pilotage, de mise en œuvre et de contrôle à travers un nouveau schéma de gouvernance où le service des sports est chargé de coordonner la politique sportive et réaffirmer le rôle stratégique de coordination de l’OT ;
- formaliser une stratégie à moyen-long terme ;
- intégrer une réflexion stratégique à l’échelle de la région, qui prenne en compte les différents niveaux et types de territoires.
46La gouvernance de la politique sportive communale et du CDS nécessiterait une clarification. Il apparait que la création d’un organe type « Service des sports » pourrait assurer le pilotage et la coordination de la politique sportive communale et son interface avec la politique touristique. La plupart des communes suisses de taille similaire (Champéry, Leysin par exemple) disposent d’un tel service avec un responsable à sa tête. En l’état, le CDS n’a pas véritablement ce rôle et se contente de gérer et d’exploiter les installations placées sous sa responsabilité.
47Une réaffirmation du rôle stratégique du Comité de l’Office du Tourisme permettrait à celui-ci de participer activement à la construction et la validation de la politique sportive à mener. Il pourrait également être en charge du contrôle et du compte-rendu d’utilisation des moyens et de l’atteinte des objectifs (contrôle des résultats, tableau de bord avec les principaux indicateurs comme les taux de fréquentation et leurs niveaux de réalisation par rapport aux prévisions). Des représentants des parties prenantes clés de la station (directeurs des principales organisations et associations, représentant des écoles privées) le composeraient et il serait coordonné par un Président du comité indépendant des politiques et disposant d’une compétence reconnue. En lien avec ces trois entités, la potentielle mise en place d’une « Direction des opérations », garante de la mise en œuvre de la politique dans le domaine du sport-loisirs et du reporting vers le Comité de l’Office de Tourisme, et composée du Directeur de l’Office du Tourisme, du Responsable du Service des Sports et Directeur de TVG SA, permettrait un suivi opérationnel.
48Le schéma ci-après résume les propositions d’aménagements possibles en termes de gouvernance.
49En l’espèce et compte tenu de la difficulté à amener des acteurs à collaborer, la formalisation d’un plan directeur à moyen-long terme, associé à un plan d’action annuel pourraient être des conditions-cadres de réussite de la mise en œuvre des politiques. L’Office du Tourisme devrait s’occuper de la promotion de la station à petite, large et très large échelle. Il serait un opérateur de communication et de valorisation des offres et des évènements sportifs proposés sur le territoire, et coordonnerait les actions de communication et de promotion des activités touristiques et sportives. Le service des Sports serait en charge de la politique sportive évènementielle tandis que l’Office de Tourisme valoriserait et mettrait en œuvre.
50Par ailleurs, la gouvernance devrait s’inscrire plus globalement dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire. En remettant la gouvernance, observée ici à l’échelle micro, dans un contexte plus large, celui du canton, de la région (également au sens économique) ou du pays, on peut vérifier notamment que : les politiques de développement n’entrent pas en concurrence localement, les ressources territoriales sont valorisées de manière vraiment spécifique à chaque territoire, la stratégie choisie est adaptée à l’échelle. On vérifie également que le territoire gouverné est compétitif dans un contexte national, voire plus encore international ou mondial et que son développement, sa trajectoire, est donc pérenne si ce n’est durable. Le schéma ci-dessous résume les types (politico-administratif, mais aussi stratégico-économique) et niveaux (du national au local) de gouvernance territoriale.
Emboîtement d’échelles et gouvernance locale
Emboîtement d’échelles et gouvernance locale
51Les territoires étant découpés sur une base politico-administrative (la localité, la commune, le district, le canton et la confédération) ou de « projet » stratégico-économique (le domaine skiable et la commune ; les Alpes vaudoises ; la Région du Chablais portant sur deux cantons -Vaud et Valais-, la région du Léman). Dans ce cadre, les politiques touristiques et sportives conçues ou adoptées localement devraient tenir compte du principe de subsidiarité en la matière.
52Les politiques sportives sont purement à construire avec, ou en fonction, des échelons politico-administratifs supérieurs, tandis que d’autres politiques, comme c’est le cas pour l’économie et le tourisme sont très souvent pensées à travers de nouveaux niveaux de territoires stratégiques. Ainsi, la gestion du développement du tourisme sportif, à l’interface du sport et du tourisme, au travers des politiques idoines, devrait se faire à la fois en tenant compte de logiques globales ou macro et de logiques locales ou micro. Par exemple, dans le cas présenté ici, la Région Chablais dans laquelle est englobée la localité de Villars sur Ollon tente actuellement de coordonner des investissements pour les équipements sportifs d’envergure nationale (équipements présentés dans ce travail) ou internationale (Centre Mondial du Cyclisme à Aigle, par exemple).
53Les partenariats stratégiques composant la gouvernance locale devraient donc tenir compte de la complexité des logiques inhérentes à chaque échelle territoriale, mais aussi aux différents domaines d’action touchant le tourisme et le sport, tout en se fixant un objectif de compétitivité vis-à-vis d’autres territoires aux caractéristiques et au rayonnement similaires.
54La nouvelle gouvernance qui transparait ici revient à faire interagir des acteurs locaux autour d’un objectif partagé et clairement établi dans un contexte complexe mieux maitrisé.
Conclusion
55L’étude de ce cas a permis de s’interroger sur les conditions qui amènent à construire un partenariat stratégique entre les acteurs et à mieux identifier les conditions de pilotage et de gouvernance d’une station de moyenne montagne soumise à des défis d’avenir. Pour engager les acteurs dans une communauté de destin, la thèse défendue est de construire les bases d’un partenariat stratégique dans la gouvernance de la station. Ces éléments fondamentaux doivent permettre de renforcer la confiance et la coordination entre les acteurs de la gouvernance de la station, et les acteurs institutionnels du sport et du tourisme interagissant à une échelle territoriale plus large. Suivant la même logique, la question des investissements et des offres de pratiques et d’évènements devrait également s’intégrer dans une politique plus globale, notamment au niveau cantonal, ou suivant de nouvelles stratégies de mutualisation dans le cadre des territoires de projet. En outre, la stratégie de développement d’une station touristique ne peut s’abstraire d’un contexte concurrentiel. Elle doit nécessairement tenir compte de l’histoire d’un lieu, d’un territoire, et des échanges ou de proximités organisationnelles ou cognitives avec d’autres stations touristiques proches ou similaires (Marcelpoil et François 2008, Plumecocq 2012). À l’avenir ce travail pourrait donc s’enrichir d’une mise en perspective avec les politiques d’aménagement du territoire ou d’organisation des gouvernances territoriales existantes dans ce domaine ailleurs en Suisse, mais aussi dans les autres pays de l’arc alpin, ce qui n’a jusqu’alors jamais été effectué.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : station touristique, politique sportive, gouvernance locale, partenariat, réseaux d’acteurs
Mise en ligne 21/03/2017
https://doi.org/10.3917/gmp.051.0087Notes
-
[1]
Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne, Quartier UNIL-Mouline, Bâtiment Géopolis, CH-1015 Lausanne ; emilie.jaccard@unil.ch ; +4121.692.33.19 ; doctorante. (personne à contacter)
-
[2]
Entretiens réalisés : Acteurs privés (Directeur de l’Ecole Suisse de Ski de Villars, Directeur de la 2ème école de ski présente dans la station « Villars Ski School », Directeur d’une école privée et représentant de l’ensemble des écoles privées, Directeur de la société des remontées mécaniques : TGV SA) ; Acteurs associatifs (Président de Golf Club de Villars, Président du Tennis-Club de Villars-Gryon, Président du Ski-Club de Villars) ; Acteurs publiques ou mixtes (Syndic d’Ollon, Directeur de l’Office du Tourisme, Ancien-Syndic, Directeur du Centre des Sports)
-
[3]
Sites internet : www.villars.ch ; http://www.ollon.ch/
-
[4]
Rapport de l’Ecole Hôtelière de Lausanne (EHL 2013), Statistiques fédérales du tourisme CH, Rapport de la CITAV, … (télécabines, train à crémaillère, bus…). Elle est donnée gratuitement aux personnes séjournant au minimum une nuit dans la station. Elle est gratuite pour les enfants de moins de 9 ans, sinon à vendre à la journée 10.- ou saison 55.-, auprès de l’OT.
-
[5]
Source : Echange de mails avec le secrétaire municipal
-
[6]
Source : Entretien avec l’ancien directeur de l’Office de tourisme (janvier 2014)
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[7]
Free Access Card : carte permettant à son détenteur de bénéficier de la gratuité auprès d’offreurs proposant des activités sportives ou culturelles (initiation au golf, tennis, accès à la patinoire, ballade découverte du patrimoine, …) et lors de l’utilisation des transports sur la commune
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[8]
Sources : Entretiens avec acteurs commerciaux
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[9]
Source : entretien avec un acteur de la gouvernance.
-
[10]
Source : entretien avec acteur privé fort
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[11]
Source : entretien avec acteur associatif
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[12]
Source : entretien avec acteur privé commerçant
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[13]
Ne sont pas comptabilisées, les évènements de plus petite envergure organisés régulièrement ou ponctuellement par les associations ou clubs sportifs (courses internes Ski-Club, tournois internes Tennis-Club, matchs Hockey-Club, …) ou par des structures commerciales (randonnées thématiques organisées par Villars Ski School ou ESS durant la saison estivale, descentes aux flambeaux par l’ESS, …)
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[14]
Source : plusieurs acteurs privés
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[15]
Source : étude de type benchmarking réalisée en 2014 auprès de 1 station italienne, 2 stations autrichiennes et 7 stations des Alpes Suisses