Notes
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[1]
Thierry Côme est maître de conférences habilité en sciences de gestion, membre du CNU, VP CNU, CNESER, directeur du SIOU-BAIP de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, thierry.come@univ-reims.fr.
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[2]
Gilles Rouet est professeur en sciences de gestion, directeur de l’Institut Supérieur de Management de l’Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, Chaire Jean Monnet ad personam en études interdisciplinaires sur l’Union européenne, gilles.rouet@uvsq.fr.
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[3]
Le GCI (Glass Celling Index) est de l’ordre de 1,7. Voir pour plus de détails sur l’égalité femmes-hommes dans l’enseignement supérieur le rapport publié par le MENESR « Vers l’égalité femmes-hommes, les chiffres clefs », septembre 2016.
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[4]
L’HCERES est l’organisme indépendant français qui produit des rapports d’évaluation des équipes de recherche, des formations universitaires et des établissements, qui sont utilisés par le Ministère de l’enseignement supérieur pour les accréditations. La France n’a en effet pas choisi d’autoriser des agences indépendantes à procéder aux accréditations.
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[5]
Cf. la lettre de Christophe Mileschi qui explique pourquoi il refuse de ses soumettre à « toute forme d’évaluation individuelle systématique et récurrente », sur
<http://www.cnu.lautre.net/IMG/pdf/Lettre_de_Christophe_Mileschi.pdf>. - [6]
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[7]
« Il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de travail de l’ensemble de la communauté universitaire, de renforcer les formations pour une meilleure réussite des étudiants et de développer l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche », extrait de la présentation de la loi de 2007, sur http://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/cid55933/presentationautonomie-des-universites.html.
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[8]
L’article L952-3 du Code de l’éducation précise que « Les fonctions des enseignants-chercheurs s’exercent dans les domaines suivants : 1° L’enseignement incluant formation initiale et continue, tutorat, orientation, conseil et contrôle des connaissances ; 2° La recherche ; 3° La diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel ; 4° La coopération internationale ; 5° L’administration et la gestion de l’établissement ».
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[9]
Les dossiers des candidats sont classés par chaque section CNU dans trois groupes, A pour les 20 % les meilleurs, satisfaisant pleinement aux critères, B pour les 30 % suivant et C pour les 50 % restant. Ces derniers peuvent d’ailleurs également pleinement satisfaire aux critères et donc recevoir pour chacun des critères retenus une évaluation de A, mais les quotas imposés à la section impose un classement et les empêchent d’obtenir la note globale de A.
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[10]
Texte voté par le sénat académique le 6 novembre 2008, en application du § 82 alinéa 7 de la loi n° 131/2002 sur les universités et aux modifications apportées le 15 juin 2008 par le Parlement slovaque. Le document original est disponible sur <https://www.umb.sk/app/cmsFile.php?ID=4093>.
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[11]
L’article L123-3 du code de l’éducation définit les missions du service public de l’enseignement supérieur et l’article L952-3 organise les fonctions des enseignants-chercheurs en 5 domaines : « 1° L’enseignement incluant formation initiale et continue, tutorat, orientation, conseil et contrôle des connaissances ; 2° La recherche ; 3° La diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel ; 4° La coopération internationale ; 5° L’administration et la gestion de l’établissement », parmi lesquels seules les 1, 2 et 5 font vraiment l’objet d’une évaluation par le Conseil National des Universités.
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[12]
Entretiens réalisés auprès de 14 universitaires (assistants, docent et professeurs) de l’Université Matej Bel de Banska Bystrica, en février 2015, issus de 4 facultés différentes (Faculté des sciences humaines, Faculté des sciences politiques et relations internationales, Faculté d’économie, Faculté des sciences naturelles).
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[13]
Il n’existe pas d’équivalent en Slovaquie du maître de conférences, mais plutôt une position de maître-assistant pour lequel il n’existe pas de liste de critères : seule la détention d’un PhD est obligatoire avant l’audition par une commission de recrutement.
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[14]
Comme l’activité de publication des membres d’une université contribue à la détermination d’une partie de la subvention publique, chaque composante a intérêt à inciter les universitaires à publier le plus possible. Chaque universitaire ne reçoit pas directement de prime liée à cette activité, mais a la possibilité de négocier ses obligations de service, par exemple, ou ses conditions de travail, un élément très important alors qu’en Slovaquie bon nombre d’universitaires travaillent dans plusieurs universités à la fois, pour s’assurer un meilleur revenu (un professeur des universités expérimenté a un salaire net mensuel inférieur à 1 000 euros).
Introduction : pourquoi et comment évaluer les enseignants-chercheurs ?
1La question du comment évaluer les intervenants est une question récurrente des politiques de ressources humaines, plus particulièrement dans le cadre du management des services (Chanut & Rojot, 2011). Elle est toutefois inséparable de la question du pourquoi. Dans une organisation, l’évaluation a pour but principal l’amélioration de la performance, avec en corollaire la conformité aux objectifs fixés et leur adaptation à l’évolution de l’environnement, mais aussi l’intégration des normes sociales et culturelles en vigueur dans celle-ci et le partage d’une vision commune. Pour ce faire l’évaluation doit assurer la pérennité de la régulation et limiter tout risque de conflit interne, sa méthode d’élaboration s’inscrit donc dans un principe de neutralité. L’évaluation des agents doit permettre de connaître et d’améliorer la réponse de l’organisation aux attentes et besoins réels des consommateurs, de vérifier le bien-fondé et l’exécution des objectifs et leur adéquation avec la pratique et le contexte et d’en fixer leur niveau en fonction des ressources disponibles, mobilisables et mobilisées. Elle doit être considérée comme juste par l’ensemble des agents et refléter pour eux la réalité de leurs actions. Dans une économie de service, et plus spécifiquement au sein d’une économie de la connaissance dans une « société apprenante » (Béjean, Monthubert, 2015), la question de l’évaluation des prestataires est indissociable de la mesure de la performance du système. Ainsi l’évaluation des universitaires s’inscrit dans une démarche plus large d’évaluation des universités, de leur efficacité, de leur performance.
2En effet l’évolution du système d’enseignement supérieur en Europe, entre processus de Bologne et généralisation des principes du New Public Management (NPM), contraint les universités, devenues autonomes, mais soumises à une injonction de concurrence (Zeller, 2015), à mettre en place un système d’auto-évaluation et à respecter des procédures de contrôle de la qualité de leur formation et de leur recherche puisque leurs ressources dépendent désormais principalement de leurs performances. L’universitaire, élément de base de la production de l’Université, ne peut plus échapper à l’évaluation. Cependant, pour de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur, s’il est légitime vis-à-vis des citoyens, dans le cadre en particulier de l’organisation d’un service public, de soumettre les enseignants-chercheurs à une procédure d’évaluation, de nombreux aspects sont remis en cause : pour qui, comment, pourquoi évaluer ces professionnels et qui doit le faire ? Quelle est l’efficacité réelle d’une démarche d’évaluation, en termes de coûts certains de la mesure rapportés aux éventuels bénéfices : l’élimination ou la remise au travail de personnels en latence, mais aussi en souffrance, l’incitation accrue pour la grande majorité des enseignants-chercheurs à se conformer au modèle, au risque de supprimer toute démarche originale et également toute innovation pédagogique (Côme & Rouet, 2014) ?
3Pour autant, l’évaluation des enseignants-chercheurs est loin d’être une nouveauté. Bien avant l’objectif, le constat ou la critique, de l’installation d’une « culture de l’évaluation » au sein des établissements, les promotions, la création de chaires, les prix, les programmes de recherche, les ouvertures de formation étaient certes des moyens de motiver et d’impliquer les universitaires, mais fondaient surtout leur réputation et constituaient donc des formes d’évaluation. Cet argument est récurrent en France dans les critiques et les fortes oppositions à l’évaluation telle que prévue par la loi LRU de 2007 et mise en place par le décret statut consolidé du 2 septembre 2014 et le décret du 31 août 2015 relatif au Conseil National des Universités (CNU). Aujourd’hui, l’amélioration de la formation des universitaires, l’accroissement de leur potentiel et de leurs performances par la motivation et l’implication, l’organisation de leur suivi de carrière pour permettre la mise en place d’une gestion prévisionnelle des compétences dans le cadre d’une politique d’accréditation sont des enjeux majeurs en matière de ressources humaines pour tout système d’enseignement supérieur public. L’évaluation doit être un instrument d’amélioration continue du système, une partie intégrante d’une démarche qualité au sein de l’établissement.
4Le système d’évaluation doit permettre d’impliquer et de motiver au mieux les universitaires pour que leurs comportements soient conformes aux objectifs fixés. Les notions de transparence, de justesse, d’équité et d’acceptabilité du système d’évaluation deviennent des conditions nécessaires de réussite et de pérennité du système. « Les perceptions de justice permettent aux salariés d’évaluer la qualité des relations qui les lient à leur employeur. » (Manville, 2008, p. 530). Le système d’évaluation des universitaires doit donc être ressenti comme juste pour être accepté et surtout pour participer au développement de leur implication. L’acceptation de l’évaluation par la personne évaluée, avant même son désir, est un préalable obligé à l’efficacité du système d’évaluation comme facteur d’implication et d’amélioration continue. L’objectif d’amélioration du système universitaire en priorité pour ses usagers doit certes servir de base à toute évaluation, mais la communication préalable des objectifs et des procédures est indispensable. Si l’évaluation n’est perçue par les agents évalués que comme un système légitimant des sanctions, même juste et transparent, elle ne peut pas être acceptée sans justification et légitimation des objectifs qui lui sont assignés. Le message tout autant que la méthode deviennent des conditions de succès de toute mise en place d’un système d’évaluation.
5Pour établir des recommandations managériales publiques en matière de politique de ressources humaines dans le domaine de l’enseignement supérieur, il est utile de comparer des systèmes d’évaluation, dans une approche proche du benchmarking, pour comprendre, d’une part ce qui en permet l’acceptation et l’intériorisation et, d’autre part, ce qui entraîne une hausse de l’implication et de la motivation des personnels évalués. L’analyse d’un autre exemple européen permet ainsi de comprendre comment des systèmes considérés par les acteurs comme « justes » et « équitables » s’avèrent à la fois moins contestés, moins chers et, au final, plus performants. La comparaison du système français, basé sur un équilibre entre pouvoir local et structure nationale, avec le système slovaque d’évaluation, système accepté et intégré par la population universitaire évaluée, permet d’apporter des premiers enseignements, utiles notamment pour la mise en place d’une évaluation en France et induit ainsi une réflexion sur les principes de justice organisationnelle devant présider à son élaboration dans un souci de recherche de performance.
6Cet article s’appuie sur des travaux théoriques sur l’évaluation, le management des établissements d’enseignement supérieur et la justice organisationnelle mais aussi sur les expériences française et slovaque en termes d’évaluation afin de savoir quel serait le système le plus juste.
7Nous détaillons dans une première partie plus théorique les éléments constitutifs d’une évaluation juste, tant dans les critères que dans les procédures utilisées, qui rendent notamment possible son acceptation par les agents évalués. Nous présentons ensuite, dans une deuxième partie, une approche comparée des systèmes français et slovaque d’évaluation des enseignants-chercheurs et les principes de justice organisationnelle qui y sont mis en œuvre.
1 – Une évaluation juste ?
1.1 – Critères, jugements et dispositifs
8L’étymologie du terme évaluation éclaire, illustre ou résume à la fois une problématique bien actuelle et des controverses récurrentes. En effet, en ancien français, avaluer signifie, par construction classique, « fixer la valeur » de quelque chose (ou de quelqu’un ?). La valeur est au centre d’une partie fondamentale de l’histoire de la pensée économique et le double sens, dans les usages et les pratiques, de fixation d’un prix et d’estimation d’une valeur, en concomitance, induit la conjugaison d’une démarche subjective d’approximation (cette « estimation », liée à l’« estime », de soi ou des autres, le désir mimétique) avec une procédure de fixation précise d’un prix, d’un score, d’un résultat, d’un indicateur, procédure objectivée par le jugement partagé de l’autre, l’acheteur, le consommateur, plus globalement le marché.
9L’évaluation est ainsi un rapport entretenu avec la valeur (Vial, 2012), voire avec les valeurs, en intégrant les sens économiques, bien évidemment, mais aussi symboliques, idéologiques, sociaux. Ces valeurs sont mobilisées pour asseoir, légitimer une mesure d’une valeur d’objets, de services, de produits en la présentant comme la valeur admise, rationnelle, réglementaire ou universelle de ces objets, services, produits. Elles sont surtout utilisées pour renforcer et vérifier la conformité des pratiques, des écrits, des comportements (par exemple, un enseignant-chercheur est-il bien « conforme » à un champ disciplinaire, une question centrale en France dans le système d’évaluation des personnels). Bien évidemment, cette valeur, dans le cas de l’évaluation de personnes (ou plutôt de l’évaluation du dossier d’une personne par rapport à son activité ou à sa propre explicitation de cette activité, posture, représentation, etc.), ne se concrétise pas par la fixation d’une valeur monétaire (du moins pas directement, même si les aspects financiers sont importants, pour les intéressés comme pour les gestionnaires des fonds publics, dans le cas de l’évaluation des enseignants-chercheurs pour le passage d’une catégorie à une autre ou pour l’obtention de congés formation ou recherche), mais par un jugement, un choix, un score, une mise en rang. Curieusement, alors que la notion de valeur ajoutée est abondamment utilisée pour évaluer les performances des établissements scolaires (Felouzis, 2005), voire des universités, l’appréciation du potentiel d’un universitaire et l’évaluation de ses travaux à l’aune de ce potentiel n’est jamais envisagée. Le jugement par les pairs implique également des tabous et n’exclut aucunement les pratiques inégalitaires, comme le confirme la persistance d’un fort plafond de verre dans l’enseignement supérieur en France ou en Europe au détriment, ce qui est malheureusement une évidence, des femmes [3].
10Le développement des procédures d’évaluation normatives, basées sur des critères qu’il s’agit de définir, de choisir (sachant que certains critères ne peuvent pas, in fine, intégrer à une démarche d’objectivation de l’appréciation), semble parallèle avec une évolution très importante des modalités de ces évaluations : dans beaucoup de domaines, le recours à des procédures d’auto-évaluation est massif, permettant de « préparer » une évaluation ou bien de légitimer, a priori, des résultats, ou encore les deux. L’auto-évaluation basée sur l’analyse par les acteurs eux-mêmes de leur conformité à des critères préétablis (et bien explicités) peut constituer un facteur d’apaisement social, de prévention des conflits, une aide au travail des évaluateurs. Mais l’auto-évaluation ne remplace pas l’évaluation par des opérateurs extérieurs, reconnus (cette reconnaissance devant être établie par les évalués). Les agences d’évaluation ou d’accréditation, au sein du Processus de Bologne, ont ainsi mis en place des procédures de recrutement et la transparence des CV des évaluateurs (en ligne) qui doivent se conformer à une charte et à une déontologie.
1.2 – « Fairness » et évaluation
11Les dispositifs, conscients ou non, mobilisés par les évaluateurs pour mesurer la « valeur » à partir des dossiers qui leur sont proposés, sont liés à des processus mentaux qui aboutissent à un jugement, une « évaluation », ce dernier terme étant souvent préféré par ses initiateurs, car n’induisant pas (ou moins) la subjectivité pourtant évidente du processus. Toutefois la défiance relativement à cette subjectivité est une caractéristique des évolutions sociales actuelles. Le refus de toutes nouvelles formes d’évaluation des employés, ressentie comme un contrôle ou une oppression supplémentaire et surtout comme un coin individualiste dans la régulation collective des rapports salariaux, caractérise de fait la majorité des positions syndicales sur le sujet même si une évolution de leur position peut être notée lorsque l’évaluation s’intègre dans un dispositif de soutien et de conseil aux agents, permettant dès lors un traitement individualisé et contingenté de leurs éventuelles difficultés. Cette évaluation-prévention, destinée à réduire notamment les risques psychosociaux au travail (RPS), est en particulier prônée par la CFDT. Le dispositif de suivi de carrière des enseignants-chercheurs en France s’inspire largement de cette approche dans la présentation qui en est faite par les syndicats dits réformistes. Elle s’inscrit également dans une logique d’équilibration des pouvoirs et des décisions entre le local et le national, qui caractérise la gestion des enseignants-chercheurs.
12Il n’existe bien évidemment pas d’évaluation parfaitement « objective », mais des dispositifs plus ou moins acceptés par les acteurs. Qu’il s’agisse de quantifier (ce qui est souvent contesté par rapport à une « qualification » par les pairs ou experts) ou non, une question centrale est celle des critères : à quelles questions un évaluateur doit-il répondre s’il s’agit d’émettre un avis sur une formation au niveau du Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES) [4], quels sont les critères que devraient remplir les candidats à la qualification aux fonctions de maître de conférences par le CNU ?
13Dans le cas de l’évaluation des membres d’un corps professionnel, il est important d’obtenir une légitimation des critères par les intéressés. Pour autant, l’établissement de critères ne constitue pas une objectivation en lui-même, mais doit s’inscrire dans une démarche d’implication des acteurs, ce qui n’est pas souvent le cas.
14Ainsi, l’évaluation, comme outil d’aide à la décision, permet de faciliter les jugements et les interrogations sur la valeur, réalisés par des « experts », évaluateurs légitimes par leurs expériences, maturité, compétences. Globalement, même si les objectifs, démarches et outils sont variables, il s’agit bien de mettre en évidence un tableau de bord, un « ensemble d’indicateurs peu nombreux (5 à 10) conçus pour permettre aux gestionnaires de prendre connaissance de l’état de l’évolution des systèmes qu’ils pilotent et d’identifier les tendances qui les influenceront sur un horizon cohérent avec la nature de leurs fonctions » (Bouquin, 2008, p. 241).
15L’indicateur doit avoir une pertinence opérationnelle, mais il n’indique pas seulement au manager comment fonctionne son organisation, mais sa création même propose un cadre pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi d’une stratégie facilitant le processus d’appropriation des indicateurs de performance par les acteurs eux-mêmes (Derujinski-Laguecir, Kerne & Lorino, 2011). Dès lors que les universités publiques françaises s’inscrivent dans cette logique, la mise en place de dispositifs d’évaluation ne relève pas d’une conséquence de la marchandisation du secteur ou bien de la privatisation du secteur public, mais bien d’une tentative d’opérationnalisation d’un nouveau « management des ressources humaines » d’une administration en cours d’évolution qui tente de suivre processus, résultats et impacts dans le contexte de l’organisation d’un service public en s’appuyant sur ce qui en fait la force et en constitue l’unité : les universitaires.
1.3 – Acceptation de l’évaluation et justice organisationnelle
16Toutes ces questions sinon posent problème au moins sont au centre de discussions, de contestations, de dénonciations, s’inscrivant dans des manœuvres dilatoires syndicales classiques, mais pouvant aller jusqu’à des refus de se soumettre à la loi [5]. Comme les enseignants-chercheurs seraient déjà soumis à de nombreuses évaluations (pour le recrutement, les promotions en particulier), alors à quoi bon ajouter un nouveau dispositif ? Un autre argument est lié à la démarche même de recherche : collective pour beaucoup de chercheurs. Il faudrait donc des évaluations collectives et non individuelles et en s’accordant sur une démarche qui éviterait d’induire des comportements dictés par une volonté de satisfaire à une norme, ce qui apparaît contradictoire avec toute démarche créatrice ou novatrice qui justement, fait avancer la recherche.
17Les discussions sur son organisation comme sur son utilisation sont certainement symptomatiques d’un malaise, voire d’une difficile adéquation entre les identités professionnelles (Dubar, 1991) et certaines évolutions institutionnelles. Les fondements de l’identité professionnelle des enseignants-chercheurs restent en effet liés à un mode de recrutement par les pairs qui peut d’ailleurs être variable (Pigeyre & Sabatier 2012), et à un « regard sur soi » peu nourri par une démarche cohérente et partagée d’auto-évaluation (Fave-Bonnet, 2010) voire à un manque de posture réflexive par rapport aux résultats obtenus, en particulier en recherche (Alter, 2001). L’évolution du statut de l’enseignant-chercheur, la baisse de notoriété des « Professeurs de facultés » concomitantes à une baisse des pouvoirs d’achat sont autant d’éléments explicatifs d’un repli sur la discipline (Fave-Bonnet in Bourdoncle & Demailly, 1998, p. 434) très souvent constatable dans les débats relatifs au CNU.
18L’identité professionnelle des enseignants-chercheurs repose sur leur liberté pédagogique (ils n’ont pas d’inspection), et sur leur autonomie, spécifique pour un agent de l’État, ce qui leur permet en particulier d’exercer leur métier de chercheur en toute liberté académique. Ainsi, les évaluations consécutives à leur demande sont sinon légitimées, du moins acceptées (notamment dans le cadre de ces évaluations par les pairs) quand il s’agit de recrutement ou de promotion, mais la mise en place d’une démarche régulière pose problème : dans un tel dispositif, le travail de l’enseignant-chercheur est lié à des objectifs imposés, ce qui est considéré, souvent, comme une restriction de sa capacité de jugement, un déni de son niveau de compétences et de fait comme une entrave aux libertés fondamentales.
19Dans la représentation la plus commune des universitaires, les politiques publiques utilisent les outils du management (public) sans que les acteurs ne les aient toujours légitimés. Ils dénoncent souvent, une politique publique définie par des résultats d’évaluations et par la mise en œuvre d’un benchmarking, outil de recherche de pratiques performantes dans un marché concurrentiel, qui, en s’appuyant sur des indicateurs peu discutés ou contestés (en particulier pour l’évaluation de la recherche), aboutit à une perte du pouvoir des décideurs (et des chercheurs eux-mêmes).
20Ainsi, même s’il semble bien que, par principe, une évaluation obligatoire et régulière de tous les agents des services publics est acceptable, si l’objectif est lié à la performance de ces services, d’une part, et à la carrière et à la reconnaissance du travail des agents, d’autre part, la question de la méthode demeure entière (Meriade, 2011) d’autant plus si la notion même de performance n’est pas explicitée.
21Globalement, en Europe, en même temps que le recrutement des enseignants-chercheurs s’effectue dans une logique de choix entre pairs et que les dispositifs institutionnels font l’objet de plus en plus d’évaluations diligentées par des experts extérieurs, des dispositifs d’auto-évaluation se généralisent : pour la préparation des accréditations comme pour le recrutement des enseignants-chercheurs. La question devient alors de comment relier les auto-évaluations avec les décisions finales ?
22Plusieurs aspects sont importants :
- Les auto-évaluations doivent s’appuyer sur des critères compréhensibles, clairs, légitimes par rapport aux textes réglementaires, par exemple, à la définition des missions des personnes concernées ou encore à la conception partagée d’un corps professionnel ou d’un champ disciplinaire.
- L’utilisation des auto-évaluations par les commissions ou évaluateurs ayant à statuer, in fine. Ces derniers doivent aussi être légitimés. L’intégration d’évaluateurs étrangers dans beaucoup de pays est une manière d’éviter une trop forte endogamie.
23De plus, l’auto-évaluation peut aussi inciter à l’adoption d’une posture réflexive, responsabiliser les acteurs, favoriser une recherche collective de sens, d’intelligibilité d’activités, par exemple administratives. Enfin, l’auto-évaluation peut être intégrée à une démarche de benchmarking, ce qui est souvent sous-entendu dans la démarche de mise en évidence et de communication des « bonnes » pratiques, au niveau de l’Agence Executive Education, Audiovisuel et Culture (EACEA) [6].
24L’apport des recherches sur la « justice organisationnelle » permet de fournir un cadre théorique intéressant sur les procédures et les évaluations des personnels dans toute organisation. Ces recherches sont centrées sur le rôle de l’équité dans le monde du travail (Adam, 1963 ; Greenberg, 1990 ; Cohen-Charash & Spector, 2001). Notamment, il s’agit de s’interroger sur la perception par les employés du caractère équitable des procédures d’évaluations, de promotion, de réponses à leurs demandes, en termes de rémunération comme de conditions de travail, par exemple (Sweeney & McFarlin, 1993), et d’étudier comment cette perception peut influer sur les attitudes et les comportements, ou bien quels en sont les impacts positifs ou négatifs sur la productivité des salariés ou bien la performance individuelle et collective. Il est également intéressant d’étudier comment la perception de l’équité des situations détermine, au moins en partie, une évolution des comportements professionnels.
25Comme la perception du niveau d’équité est évidemment subjective, liée à des situations particulières pouvant être décrites par de multiples caractéristiques, cette notion de justice organisationnelle n’est souvent mise en évidence que lorsqu’une violation du « juste », de l’équitable, apparaît. Il en est ainsi, par exemple, pour les différences de rémunération entre hommes et femmes dans une même entreprise, à travail et positions égales, ou encore de licenciements arbitraires.
26Les auteurs ont mis en évidence trois types distincts de la justice organisationnelle : distributive, procédurale et interactionnelle.
27La « justice distributive » (Adams, 1965) repose sur la théorie de l’équité et s’intéresse aux résultats distribués proportionnellement aux intrants, niveau d’éducation, expérience, productions, etc. Dans un contexte de travail, il peut s’agir de rémunération, de reconnaissance sociale, de sécurité de l’emploi, d’opportunité de carrière et de promotions. La question centrale est bien entendu de pouvoir établir un rapport entre contributions et résultats, en particulier dans une situation contrainte (par exemple nombre de promotions possibles pour les professeurs d’université). Une évaluation est donc nécessaire, mais qui s’apparente souvent à un jugement en termes relatifs qui, quand il est formé entre pairs élus à cet effet, peut aboutir à privilégier une dimension politique, s’éloignant ainsi d’une logique d’équité.
28Dans de nombreuses organisations, les politiques en matière de ressources humaines sont largement standardisées (conventions collectives, accords de branche, etc.) et les employés connaissent – et souvent légitiment – les procédures, y compris quand il s’agit, à partir de leurs résultats évalués, de bénéficier d’une montée en grade ou d’une augmentation de salaire.
29Néanmoins, il peut arriver que l’employé perçoive un caractère inéquitable de situations : une promotion d’un collègue qu’il ne juge pas méritée, par exemple. La transparence des procédures ne suffit alors pas : il faut pouvoir prouver que les contributions d’un employé sont bien significativement différentes de celles d’un autre. Quand les règles, relatives à l’évaluation des contributions, sont clairement établies, alors l’employé non promu va tenter, par son comportement, de satisfaire aux critères pour une promotion. Si les règles ne sont pas claires, ou bien qu’elles sont interprétées par rapport à d’autres textes supérieurs, alors il est possible, en particulier pour un fonctionnaire, de renoncer à toute promotion et d’adopter un comportement particulier, avec une activité pouvant être peu performante. Toute comparaison internationale doit notamment tenir compte des variations interculturelles (Storey, 2000, Friedberg, 2005) et il est nécessaire de relativiser le poids de l’équité par rapport, notamment, à un principe d’« égalité ».
30La « justice procédurale » est liée à la perception de l’équité du processus de décision conduisant à un résultat particulier. Les employés peuvent en effet être prêts à accepter un résultat indésirable s’ils considèrent que le processus de décision qui en découle a été mené conformément aux principes de justice organisationnelle. Il est ainsi possible que la perception de l’équité du processus de décision aboutisse à une légitimation d’un résultat pourtant non équitable d’un point de vue de justice distributive. Greenberg (1994) a, par exemple, constaté que les employés fumeurs acceptaient mieux l’interdiction de fumer sur leur lieu de travail quand ils estimaient avoir reçu des informations complètes sur le changement de politique de l’entreprise. Ainsi, un maître de conférences non qualifié par le CNU pour les fonctions de professeur des universités peut accepter la situation s’il est convaincu que le système utilisé est transparent et exempt de partialité. Un des principaux aspects de ce type d’analyse réside dans l’information sur les procédures et leur application. L’implication des employés dans des logiques participatives accroît la qualité de la réception de ce type d’information (Storey, 2000) qui, si elle reste hiérarchique, peut être perçue comme une manipulation. La perception du caractère équitable des procédures est donc liée aux modes de commandement, à la politique des ressources humaines, à la culture des organisations et à la participation des employés, parties prenantes. Les procédures doivent effet, pour être perçues comme « justes », être accessibles, efficaces et impartiales.
31Leventhat et al. (1980) ont mis en évidence d’autres critères qui peuvent contribuer à la perception par les employés d’un processus de décision équitable : la permanence des procédures, appliquées pour tous de manière systématique ; la neutralité, les décisions doivent s’appuyer sur des éléments factuels vérifiables, parfois obtenus par différentes sources ; la précision, les informations utilisées en justification de la décision ne doivent pas être approximatives ; une voie de recours, des dispositions existent et sont accessibles pour contester les décisions ; la représentativité, le processus doit concerner tous les employés correspondant aux critères et, bien entendu, l’éthique.
32La « justice interactionnelle », troisième type de justice organisationnelle, se réfère à la qualité du traitement interpersonnel des employés au sein des organisations, notamment dans le cadre des procédures officielles de prise de décision (Tyler & Lind, 1992). Les perceptions liées à l’autorité d’un dirigeant ou d’un gestionnaire peuvent affecter les jugements de justice procédurale, par rapport à la confiance, la neutralité et le respect des droits. Ainsi, la perception du caractère équitable des décisions sera liée au niveau de confiance accordée aux décideurs et à l’appréciation, par les employés, de leurs intentions comme de leurs comportements. De plus, une neutralité reconnue amène les employés à considérer les décisions comme impartiales.
33Certaines configurations organisationnelles et certains types de comportement des dirigeants favorisent la justice distributive, procédurale et/ou interactionnelle, ce qui profite à la fois aux employés qui considèrent qu’ils sont traités de manière équitable, comme à l’organisation qui peut mettre en œuvre des procédures acceptées et, donc, susceptibles d’être efficaces.
34Les individus peuvent réagir de différentes manières à une injustice perçue, avec des degrés variables d’impact sur l’organisation, et de nombreux facteurs peuvent influencer la décision d’agir après une situation ressentie comme injuste (DiFabio & Bartolini, 2009). Turnley & Feldman (1999) mettent en évidence quatre possibles comportements en réponse à une situation perçue comme injuste : le départ, permanent ou temporaire, de l’organisation ; le retrait ou le renoncement, avec une réduction de l’implication et des efforts ; la loyauté envers l’organisation, ce qui permet d’ignorer ou de rationaliser l’injustice et la recherche d’un recours, la dénonciation de l’injustice qui peut ou non aboutir à réparation. Dans le cas d’organes décisionnels comme le CNU, les voies de recours, par exemple pour les promotions, peuvent ne pas exister, mais les acteurs peuvent tenter une action en direction des syndicats ou groupes représentés, ce qui revient alors à un jeu politique.
35Le comportement le plus nuisible pour les organisations est le retrait ou le renoncement, car non seulement la situation n’est pas résolue, mais la contribution des employés stagne ou diminue. Dans les pays où les universitaires ne sont pas fonctionnaires, comme en Slovaquie, le retrait est rare, car les employés, sous contrat à durée déterminée pour la grande majorité d’entre eux, sont soumis à une obligation d’évaluation par rapport à des objectifs, déterminante pour le renouvellement de leurs contrats.
36Les apports des travaux sur la justice organisationnelle sont très intéressants pour le problème traité dans cet article. Les injustices et inéquités perçues ne semblent en effet pas vraiment compensées par des comportements de loyauté vis-à-vis de l’institution universitaire, en France et il faudrait adopter une approche permettant la révision des systèmes et des procédures pour éliminer complètement les cas d’injustices graves (Brumback, 2005). En particulier, il est indispensable de s’assurer de l’utilisation de critères de performance appropriés (pour les universitaires en France, par exemple en relation avec les missions officielles de l’Université), et de la compétence des évaluateurs, ce qui n’est pas forcément le cas dans la situation où les membres du CNU sont élus entre pairs.
37Certains travaux, notamment de Sharpe (2006), montrent que la perception de l’équité a une incidence sur la manière dont les employés acceptent et ajustent les changements organisationnels. Une analyse de la mise en place de l’architecture des formations universitaires dans le cadre du Processus de Bologne, dans différents pays européens, peut illustrer ce constat. Il est en effet manifeste, d’après différentes recherches (Côme & Rouet, 2011, Lips, 2016) que les universitaires slovaques, par exemple, ont légitimé et organisé une évolution radicale de leurs formations bien plus vite que les universitaires français. Bien entendu, il ne s’agit que d’une cause possible parmi d’autres…
2 – L’évaluation des enseignants-chercheurs : une approche comparée France-Slovaquie
38Cette recherche empirique s’appuie sur de nombreux rapports officiels sur le système français tant d’origine politique (rapports du Sénat) qu’administrative (rapports IGAENR notamment). Des entretiens réalisés auprès d’universitaires slovaques en 2015 nous ont permis d’affiner notre connaissance de leur système d’évaluation et surtout d’en connaître leur appréciation. Les expériences au sein des établissements universitaires français et slovaques des auteurs, ainsi qu’au sein d’instances nationales d’évaluation comme le CNU, l’AERES (devenue HCERES) ou le CNESER ou dans le cadre de programmes européens sont également mobilisées dans une démarche réflexive, en particulier sur les pratiques d’évaluation. Nous avons aussi étudié la littérature produite par ces différentes instances d’évaluation ainsi que les analyses et commentaires des organisations syndicales. Le croisement de toutes ces données nous a permis d’analyser et de comprendre la différence d’approche et d’appréhension du système d’évaluation des universitaires français et slovaques. Une dernière source, plus subjective, nous a permis une triangulation par la confrontation entre les données recueillies et notre expérience d’experts internationaux ayant participé à plusieurs jumelages institutionnels financés par la Commission européenne, ayant pour objectif la réforme de la réglementation des universités, et en particulier de l’évaluation des enseignants-chercheurs et de l’accréditation des programmes et des établissements, dans une démarche de co-construction entre experts de différents pays. Ce regard extérieur nous a permis de mieux cerner les spécificités de chacun des systèmes français et slovaques.
39Les modalités d’évaluation et de validation des candidatures et/ou des nominations des enseignants-chercheurs en Europe semblent bien différentes d’un pays à l’autre. Il est cependant possible de dégager différents types de dispositifs, à partir de deux variables : la validation nationale et/ou locale, d’une part, et la méthode d’évaluation des candidatures, d’autre part. Une validation uniquement locale peut aboutir à renforcer l’effet réputation des établissements dans un contexte peu ou mal préparé à une telle évolution rapidement. C’est le cas en Bulgarie où la commission nationale héritée de l’ancien régime a été supprimée en 2009 (Rouet, 2012). Les recrutements des universitaires relèvent désormais de la stratégie des établissements, ce qui favorise le localisme dans la plupart des établissements, sauf dans les universités réputées où la sélection des candidats est plus intense, sur la base essentiellement d’une évaluation de l’activité scientifique et avec des dispositifs d’examen des candidatures par des pairs. La mise en place d’une commission nationale de vérification des nominations est régulièrement demandée par certaines oppositions politiques, sans succès.
40On retrouve, dans les débats sur ce sujet, la relation dogmatique entre autonomie des établissements d’enseignement supérieur, en matière de recrutement au moins, et développement d’une démocratie libérale, un débat qui a également été assez vif en Pologne où, finalement, un dispositif de vérification des nominations a été rétabli, comme dans tous les pays d’Europe centrale. À la différence du cas français, les dispositifs mis en place, qui devaient rompre avec un héritage administratif soviétique, prévoient une vérification (et/ou une nomination) nationale après les recrutements, et non avant, ce qui pose le problème de la validité des candidatures a priori. En effet, à l’inverse, la France a choisi, depuis 1992, d’instaurer une « qualification », un contrôle donc a priori des candidatures à des postes universitaires (après avoir expérimenté un système de contrôle a posteriori).
2.1 – L’évaluation des enseignants-chercheurs en France, un système bloqué ?
41En France, un des éléments de cette démarche, l’évaluation des enseignants-chercheurs, est au centre de polémiques et de controverses. Les universités publiques ont suivi, en France, une tendance assez générale en Europe : celle de « l’autonomie », et depuis la loi du 10 août 2007, les universités françaises peuvent devenir « gestionnaires » de leurs emplois et masses salariales (Balme & Cytermann, 2012). Ce transfert de la gestion du personnel est apparu comme un cadeau empoisonné voire comme « le défi le plus redoutable de l’autonomie » (Gillot, Dupont, 2013). Les Présidents élus par leurs seuls Conseils d’Administration ont désormais un rôle accru en matière de gestion des ressources humaines [7] ce qui implique(rait) la mise en place d’un dispositif d’évaluation régulier des différents membres du personnel, dispositif partout mis en place pour les personnels administratifs et techniques. Les entretiens professionnels pour ces dernières catégories sont désormais une réalité dans toutes les universités. Pour les chercheurs et les enseignants-chercheurs, dont les missions sont larges et inscrites dans la loi [8], la mise en place d’une évaluation régulière et surtout acceptée reste un objectif difficile. En effet, certaines missions peuvent effectivement faire l’objet d’une évaluation au niveau de l’établissement tandis que d’autres peuvent, comme cela a été choisi, être réalisées par le Conseil National des Universités, dont la structure et l’organisation reposent néanmoins sur les « disciplines », souvent construites historiquement à partir d’une logique d’enseignement d’ailleurs, plus que de recherche.
42Jusqu’à récemment, en pratique, un universitaire français pouvait échapper à toute évaluation au cours de sa carrière, dès lors qu’il n’était pas candidat ni à une promotion, ni à un changement de grade, ni à un congé de recherche, ni à une prime d’encadrement doctoral (auquel cas son dossier est évalué par le CNU et/ou par les instances locales, selon des modalités propres aux sections CNU et aux conseils élus). Un décret du 23 avril 2009 institue une procédure d’évaluation périodique des enseignants-chercheurs, précisée, suite à une forte contestation par l’ensemble des sections du CNU, par un décret du 2 septembre 2014 qui instaure le « suivi de carrière » et sa mise en place expérimentale. Depuis 2016, ce suivi de carrière est devenu effectif en lien avec les évaluations quinquennales des établissements. Pour la première fois, un dispositif d’évaluation des enseignants-chercheurs serait généralisé et obligatoire, mais dans le cadre de critères définis par les sections CNU.
43Cette mesure systématique ne change pas en profondeur le dispositif qui repose toujours sur la définition de critères, pas forcément en transparence, par des membres élus ou nommés par le gouvernement, des différentes sections disciplinaires du CNU. Cette organisation est bien entendu en contradiction avec l’évolution des pluridisciplinarités, d’une part, et ne permet pas de légitimer un dispositif de GPEC au niveau de l’établissement, puisqu’il n’y pas d’homogénéité de traitement selon les sections CNU (un universitaire français étant obligé d’être affilié à une seule section), ni d’éviter les comportements de retrait ou de renoncement.
44En effet, l’évolution des modes de management des universités françaises amène un élément de crispation sur cette question. Cette évaluation régulière est destinée désormais aux Présidents, gestionnaires d’équipements publics et il est nécessaire de mettre en application cette disposition réglementaire alors que, d’une part la « profession » n’est pas prête à un sacrifice supposé de sa « liberté », et d’autre part que tout dispositif contrôlé principalement au niveau de l’établissement est susceptible d’être considéré comme un instrument de management de plus.
45Il est, bien sûr, possible d’objecter que l’intégration d’une pratique de benchmarking dans une situation budgétaire sinon confortable au moins acceptable ne peut pas être envisagée de la même façon que dans une situation de contrainte permanente. Mais cette contrainte externe aux établissements publics, en termes de quotas de promotion ou de PEDR [9] par exemple, rend impossible à pratiquer une politique RH autonome.
46La distorsion est donc importante, entre la légitime introduction d’une pratique d’évaluations comparatives, souvent centrées sur les institutions dans le cas des universités publiques, et la mise en place d’un dispositif d’évaluation régulière des acteurs de ces établissements. Mais est-il vraiment possible de réaliser la première sans mise en place de la deuxième ?
47En France, le CNU est basé sur des élections entre pairs et non sur une sélection selon les compétences. Malgré les critiques et les nombreuses attaques qu’il subit, pour les uns parce qu’il est le symbole du conservatisme universitaire, pour les autres parce qu’il est une affreuse institution mandarinale ou qu’il promeut des procédures claniques, le CNU comme institution est légitime pour la profession. Le succès de la pétition lancée pour maintenir son rôle qui a recueilli un tiers des signatures de l’ensemble des universitaires en moins d’une semaine (17 000 signatures sur 51 000 enseignants-chercheurs) l’a bien démontré. Le choix alternatif crédible que constituait la suppression de la procédure nationale de qualification et son remplacement par une procédure uniquement locale a clairement été refusé. Ce respect d’un principe d’une convention au sens de Lewis (Côme, Diemer, 1995) souligne bien la légitimation de l’institution chez les enseignants-chercheurs. Pour autant, son rôle réel et son organisation sont mal connus, ses procédures apparaissent toujours aussi floues, le moindre écart dans ses pratiques (autopromotion, plagiat, effet réseau, dérive disciplinaire, bibliométrie comme unique critère, etc.) est aussitôt commenté, dénoncé, reproché sur tous les réseaux sociaux sans que pour autant ces pratiques supposées frauduleuses soient réellement analysées. Par exemple, peut-on réellement parler d’autopromotion dans des sections lorsque le taux de promotion des membres du CNU, qu’ils soient élus ou nommés, des suppléants et celui des collègues présents sur les listes est inférieur au taux moyen des membres de la section ? Les craintes exprimées par les universitaires sur la mise en place du suivi de carrière et sa conduite par le CNU portent autant sur l’utilité réelle du système que sur leur représentation du fonctionnement de l’institution. Le CNU, par le biais de sa Commission Permanente (CP CNU) et de son bureau, a réagi et mis en place de nouvelles règles de déontologie (Chappoz, Côme, Dorbaire, Pupion, 2016), a rendu plus transparentes ses procédures, a entrepris une démarche d’homogénéisation des pratiques de ses sections. Rien n’y fait, le suivi de carrière par le CNU comme processus d’évaluation ne fait toujours pas, et loin de là, l’unanimité. La légitimité d’une institution ne garantit pas l’intériorisation des procédures d’évaluation qu’elle met en place. Seule une participation active de l’évalué à sa propre évaluation peut le permettre. Le volontariat, puis l’élection ou la nomination par le ministère ne mobilisent pas du tout le même mécanisme, induit par le processus d’identification professionnelle décrit plus haut.
2.2 – L’auto-évaluation en Slovaquie au centre d’un dispositif en évolution rapide
48L’exemple du dispositif slovaque en matière de recrutement et d’évaluation des enseignants-chercheurs est significatif d’un double choix de procédure : d’une part, instaurer un contrôle a posteriori des nominations, plus ou moins sévères d’ailleurs selon les gouvernements et les pays et parce qu’il était assez difficile de concevoir un système de contrôle a priori dans des pays qui tentait de rompre avec un héritage administratif centralisateur. La Slovaquie est un exemple intéressant également parce que le pays a connu une assez brève période de reconstruction administrative entre 1990 et 1992 (dans le cadre d’une nouvelle Tchécoslovaquie), puis a mis en place, de manière essentiellement pragmatique et en s’inspirant de différents modèles européens, un État nouveau, à partir du 1er janvier 1993.
49L’Université slovaque est encore aujourd’hui majoritairement publique ; l’enseignement est gratuit et garantit des services aux étudiants (restauration, hébergement sous condition d’éloignement, de ressources et de résultats académiques) (Kosova & Rouet, 2013). Moins de 20 % des étudiants sont inscrits dans le secteur privé. Sur ce plan, la situation paraît ainsi proche de celle de la France, d’autant plus que les Régions, collectivités autonomes, s’intéressent aussi aux Universités. Les établissements publics sont sous tutelle du ministère qui, par exemple, contrôle et autorise les structures internes (par exemple modification ou création de composantes), mais ils sont autonomes pour la gestion des bâtiments comme des personnels, depuis une dizaine d’années, et pour la définition de leur stratégie d’offre de formations (sous réserve d’accréditation par l’agence indépendante). Les accréditations des formations et diplômes reposent en particulier sur des critères de « soutenabilité » et de cohérence académique : ne peuvent être titulaires d’un cours qu’un enseignant-chercheur ayant effectivement publié dans la thématique.
50Le système d’enseignement supérieur slovaque est caractérisé par
- une mobilité des étudiants dès la première année : en effet, l’accès aux études s’effectuant par sélection (sur dossier et/ou concours), les candidats tentent d’intégrer plusieurs universités, choisies en fonction de leur réputation (un ranking national est publié annuellement) et d’autres critères (services). Comme les logements étudiants sont assez facilement disponibles (hors Bratislava), et que les transports sont faciles et assez peu onéreux, les étudiants hésitent peu à sortir de leur milieu familial pour faire leurs études. Cette mobilité assez précoce explique en partie l’intérêt des étudiants pour le dispositif Erasmus.
- un financement par l’État assez faible (moins, en proportion, qu’en France : 0,60 % du PIB contre 0,76 %) : les établissements tentent de trouver des ressources propres (projets de recherche nationaux et internationaux, accueil d’étudiants étrangers hors UE qui doivent s’acquitter de frais de scolarité de 6 000 euros par an au moins).
- un mode de calcul original : différents critères sont utilisés (nombre d’étudiants, surfaces des locaux, etc.) et en particulier les publications et productions scientifiques de chaque membre de chaque université sont valorisées en termes budgétaires et abondent les dotations de l’État aux établissements. Cette collectivisation de l’activité scientifique ne profite directement aux enseignants-chercheurs qu’au travers du fonctionnement de chaque faculté et de chaque université.
51Globalement, l’implémentation des grandes lignes du processus de Bologne n’a pas fait l’objet d’opposition, étant considérée par l’ensemble des acteurs plutôt europhiles comme un instrument d’adhésion à l’UE (Gura & Rouet, 2011), et la Slovaquie s’est largement inspirée de certains dispositifs pour mettre en place plusieurs méthodologies d’évaluation des établissements et des acteurs, en particulier pour l’évaluation des enseignants-chercheurs, au niveau de leur recrutement, du bilan de leur activité, de leur renouvellement de contrat ou, enfin, de leur accession à une catégorie supérieure. Les gouvernements successifs ont évité toute augmentation budgétaire et introduit progressivement des outils de contrôle budgétaire et des possibilités réglementaires permettant aux établissements publics de dégager des ressources propres (par exemple en autorisant la location des locaux).
52Une des grandes ruptures entre l’ancien et le « nouveau » régime après la chute du mur a été l’abandon du fonctionnariat et l’adoption de contrats à durée déterminée pour tous les personnels des universités. Les universitaires doivent concourir régulièrement, ce qui ne les empêche pas de rompre un contrat en cours pour se faire embaucher dans une autre université. Le recrutement, comme le renouvellement, n’est possible que pour des candidats pouvant justifier de critères précis relatifs à leurs activités scientifiques, pédagogiques, de valorisation, d’administration, de gestion de projet et de rayonnement international. On retrouve les missions définies par la réglementation en France, mais avec un accent particulier mis sur le rayonnement international et, surtout, des modalités de constitution des grilles de critères qui intègrent, localement et selon les champs de recherche, les acteurs concernés.
53Le recrutement commence, comme ailleurs, souvent au doctorat. Les étudiants docteurs peuvent postuler à un poste de maître-assistant et pour cela doivent remplir certains critères (publications, activités scientifiques, etc.) qui sont, de facto, faciles à remplir, car déjà prévus dans le programme d’études doctorales. Après quelques années, un maître-assistant peut passer une habilitation et ensuite, s’il peut à son tour satisfaire à une nouvelle série de critères, concourir pour accéder à la docentura (maître de conférences habilité). Les nominations font l’objet d’un contrôle a posteriori par le ministère. L’accès aux fonctions de professeur des universités suit la même procédure à la différence que le Président de la République nomme les professeurs après la transmission des dossiers par le ministère, et a ainsi un droit de veto. Régulièrement (deux fois par an) une cérémonie au Palais présidentiel est organisée pour formaliser ces nominations).
54Le ministère définit une base réglementaire pour les critères (plus ou moins contraignante selon les options politiques des différents gouvernements) et chaque établissement peut adapter ces listes, mais un contrôle est toujours susceptible d’être organisé et aucune université n’a d’intérêt à déroger ou tenter de faire passer un candidat ne répondant pas aux critères.
55Il est intéressant d’analyser les critères par eux-mêmes, d’une part, et les modalités d’établissement de ces critères, d’autre part. Dans le premier cas, cette analyse contribue à connaître les profils attendus des candidats et de leur activité. Les listes de critères sont établies, in fine, à partir d’une base générale (la réglementation et les missions des enseignants-chercheurs), par les équipes et validés par les sénats (conseils) académiques des facultés et des universités qui adaptent aux politiques des établissements, d’une part, et aux caractéristiques des champs de recherche, d’autre part, dans le cadre d’un pragmatisme qui ne permet pas d’opposer des champs à d’autres (par exemple les sciences exactes aux sciences humaines).
56Le tableau n° 1 est la traduction du tableau officiel des critères voté par la Faculté d’économie de l’Université Matej Bel de Banska Bystrica [10]. Les candidatures, pour être valides, doivent satisfaire à tous les critères obligatoires (O), à au moins deux critères facultatifs appropriés (F) et à au moins 6 critères supplémentaires (S). Il s’agit ainsi de remplir les conditions qui correspondent aux différentes missions des enseignants-chercheurs, mais tout en ayant la possibilité de s’inscrire dans différents profils.
Critères de validité des candidatures aux postes de Docent (MCF HDR) et de Professeur des universités*
Critères de validité des candidatures aux postes de Docent (MCF HDR) et de Professeur des universités*
* 1 supervision d’étudiant en doctorat et une thèse soutenue57Toutes les formes de publication sont considérées. Il est obligatoire pour tout candidat de prouver la publication d’articles dans des revues internationales à comité de lecture, référencés dans une base de données (SCOPUS, Web of Science, DOAJ, EBSCO, Index Copernicus, etc.). La preuve est d’autant plus facile à apporter que les enseignants-chercheurs doivent faire état régulièrement de leurs publications et abonder une base de données vérifiée, gérée au niveau de chaque faculté (une partie des budgets des facultés est calculée en fonction de l’intensité de l’activité de publication des équipes).
58La validité des candidatures ne s’appuie pas sur des publications dans des listes particulières de revues scientifiques, champ disciplinaire par champ disciplinaire. La qualification disciplinaire des revues peut être prise en compte au moment du concours de recrutement, mais pas au moment de la compilation des critères. En effet, d’une part aucune commission en Slovaquie n’établit de liste de revues ou d’éditeurs, mais ne prend en compte que l’existence d’un comité de lecture, le référencement dans des bases de données et, éventuellement (de plus en plus) le facteur d’impact, d’autre part les postes proposés ne sont pas liés à des « disciplines », mais plutôt à des « domaines ». Le poids des livres et chapitres d’ouvrage est important et les publications pédagogiques sont également considérées. Ainsi, plutôt que de contraindre, par des critères particuliers, les universitaires à tenter de publier dans une liste réduite de revues, la Slovaquie a choisi d’établir des catégories générales de publication, intégrant aussi des publications professionnelles, techniques, des catalogues ou des notices et donc en correspondance avec l’ensemble des missions des universitaires. Cependant, comme le critère relatif aux publications dans des revues internationales est difficile à satisfaire, les réglementations laissent la possibilité d’adapter les critères (et de réduire le nombre de 10 à 6, par exemple, pour une candidature à un poste de professeur), à condition qu’un nombre suffisant d’articles dans des revues nationales à comité de lecture ait été publié.
59Les candidats doivent apporter la preuve de leur participation (ou de la coordination pour les candidats au professorat) de projets scientifiques nationaux et internationaux. Ce critère est certainement le plus difficile à satisfaire pour beaucoup de candidats, d’où la recherche permanente de partenariats scientifiques et la valorisation des projets obtenus, en particulier européens.
60Du point de vue de l’expérience antérieure, les candidats doivent justifier de 5 ou 10 ans d’enseignement selon les grades dans le « domaine » du poste visé ou un « domaine connexe », le candidat comme les membres de la commission ensuite ayant toute latitude pour apprécier ce caractère connexe (ou l’argumenter). Comme pour les publications, il ne s’agit donc pas de recrutement par sections disciplinaires, mais bien sur profils qui peuvent être (et sont souvent de facto) inter ou pluridisciplinaires. Les « domaines » ne font d’ailleurs pas l’objet d’une définition exacte, mais s’inscrivent plutôt dans une démarche dynamique.
61En général, l’édition de monographies scientifiques en Slovaquie reste facile, chaque université ayant son propre programme de publication (les facultés développant également leurs revues scientifiques, désormais soumises à une obligation de référencement et donc de publication en langues étrangères), mais la participation aux conférences et revues étrangères reste onéreuse et problématique surtout pour des problèmes de langues. La tendance est donc de rechercher à publier plutôt qu’à contribuer à des colloques. De plus, concernant les activités à l’étranger, un grand nombre d’universitaires slovaques valide des activités dans les pays limitrophes. Plus rares sont ceux qui peuvent faire état d’activités dans d’autres pays, ce qui est souhaité par la politique ministérielle.
62Les universitaires slovaques citent volontiers leurs collègues qui leur rendent la pareille, car il faut faire la preuve des citations et éviter le recours aux autocitations, facilement décelables. Il est devenu habituel, à chaque fois qu’un universitaire réussit à publier dans une revue référencée, d’insérer des citations de collègues, même si les sujets sont peu en cohérence. Ce comportement ne semble d’ailleurs pas avoir d’incidences particulières.
63La mise en place de cette démarche de critérisation a eu plusieurs conséquences intéressantes :
- sur le profil et l’activité des universitaires : les critères a minima imposent une activité, et sa validation, sur l’ensemble des missions et non des spécialisations trop marquées : un enseignant-chercheur n’est pas un chercheur et les listes de critères prennent en compte ses différentes missions. Cette situation est d’autant plus intéressante que contrairement à la France [11], la loi slovaque sur l’enseignement supérieur ne détaille pas les différentes fonctions des enseignants-chercheurs. La critérisation induit donc un profil général de poste qui ne hiérarchise pas de facto les aspects pédagogiques, de recherche ou de coordination de projet. Les fonctionnements, en France, des sections du CNU privilégient généralement les publications dans des revues listées préalablement et ne tiennent ainsi pas compte des autres aspects des missions des enseignants-chercheurs, ou alors à la marge, ce qui induit un profilage particulier.
- sur la préparation des candidatures : la grille de critères, validée et légitimée par la communauté académique (via les sénats académiques) est publiée et est utilisée par les candidats qui préparent ainsi leur dossier, souvent avec l’aide de collègues [12]. Une fois que les candidats se jugent prêts, les dossiers sont déposés quand un concours est ouvert. Ainsi, une pratique d’auto-évaluation s’est généralisée en Slovaquie tandis que la vérification des critères s’inscrit dans une logique administrative. Le coût des recrutements est donc très inférieur, relativement, à celui en France, car il n’existe pas de commission nationale d’universitaire à réunir, ni avant ni après les recrutements, mais une seule commission locale, d’une part, et un contrôle administratif des critères s’effectue par un personnel administratif sur la base des preuves apportées en local, pour la validation des candidatures, puis, éventuellement, après le recrutement par l’administration centrale.
64Le dispositif conjugue ainsi trois logiques : auto-évaluation, vérification administrative (qui n’est donc pas une évaluation) et évaluation par les pairs.
2.3 – Quels enseignements tirer d’une comparaison France/Slovaquie ?
65Une expérience a été tentée pour mettre en perspective le processus slovaque (significatif des processus de recrutement en Europe centrale) et le processus français. Trois CV d’universitaires (deux candidats à une qualification de professeur et un candidat à une qualification de maître de conférences) ont été soumis à cette liste de critères (qui correspond donc au domaine « économie et gestion », incluant par exemple le management du sport). Il a été impossible d’utiliser les CV produits pour le CNU français (et formaté par rapport aux critères annoncés par les sections disciplinaires) et l’analyse a été effectuée à partir de CV complets des candidats. Les deux candidats à la qualification de professeur des universités auraient validé les critères en Slovaquie et donc auraient pu prétendre à candidater tandis que le candidat pour la qualification aux fonctions de maître de conférences répond à la plupart des critères pour candidater à un poste de docent (en dehors de l’HDR) [13]. Cette expérience met en évidence des limites du système français de vérification de la validité des candidatures (« qualification ») basées sur une appréciation partielle des missions de l’universitaire : les trois candidats avaient en effet vérifié par eux-mêmes la satisfaction des critères énoncés par la section CNU et ont été étonnés du résultat final. Une procédure « entre pairs » peut en effet difficilement se réduire à une vérification administrative de critères et les commissions procèdent forcément à une évaluation des dossiers des candidats, alors même que ces candidats pourraient mieux correspondre à des profils proposés par des universités localement qu’à un profil national, théorique.
66Il s’agit aussi d’un système basé sur la confiance et non sur la suspicion : les CV ne sont pas disséqués pour en trouver les failles supposées, mais pour mettre en évidence les critères à satisfaire. La démarche inscrit dès le début les universitaires dans une posture responsable, qu’ils auront à maintenir pendant toute leur carrière. En effet, l’auto-évaluation est désormais, une pratique générale et légitimée, depuis 2002, qui semble bien participer à la dédramatisation d’une situation particulière : les universitaires sont soumis en Slovaquie à deux types d’évaluations, indépendamment des procédures de renouvellement des contrats de 1, 3 ou 5 ans, et pratiquent donc à chaque étape une auto-évaluation de leur activité.
67En premier lieu, chaque université organise une évaluation obligatoire des enseignants par les étudiants et les résultats sont transmis aux autorités des facultés et de l’université. Bien évidemment, les enseignants sont avertis des résultats et s’ils sont problématiques, convoqués pour un entretien. Cette évaluation peut avoir des répercussions sur les renouvellements de contrat (comme d’ailleurs des objectifs non remplis). L’autre évaluation est annuelle et systématique et s’apparente plutôt à une vérification administrative. Chaque enseignant-chercheur doit chaque année faire état de ses publications (cf. annexe), de ses activités scientifiques, de ses distinctions ou encore activités d’expertise. Ce travail peut se faire au fur et à mesure de l’intégration dans la base de données des publications, en particulier, et est vérifié par un service administratif en liaison avec l’administration centrale. Ainsi, alors qu’en France les relations entre les services centraux des universités et ceux de l’administration centrale échappent globalement aux enseignants-chercheurs, le cas est bien différent en Slovaquie où chaque universitaire abonde directement une base de données utilisée à la fois pour la vérification de son activité, pour la documentation du dossier d’accréditation et pour le calcul d’une partie du budget attribuée par l’État [14]. À l’évidence, ce dispositif participe à la responsabilisation des acteurs.
68Dans le cas français, la situation est difficilement améliorable : en effet, le maintien d’un système d’examen des candidatures par les pairs, même encadré par une liste de critères correspondant aux fonctions des enseignants-chercheurs, devrait s’appuyer sur une critérisation dont la normalisation est difficile puisqu’il s’agit de définir un profil national, et non un ensemble de profils prenant en compte les différentes fonctions. De ce point de vue, le recours à un système de vérification administrative, sur la base d’une critérisation quantitative, est non seulement intéressant d’un point de vue financier, mais aussi par rapport aux candidats eux-mêmes qui disposent d’une possibilité d’anticipation et d’évolution de leur activité par rapport à un projet professionnel. L’auto-évaluation engage et responsabilise.
Comparaisons des éléments positifs et négatifs des dispositifs d’évaluation français et slovaque
Comparaisons des éléments positifs et négatifs des dispositifs d’évaluation français et slovaque
69Le système d’évaluation des enseignants-chercheurs, en France, est plutôt basé sur une justice procédurale et les procédures sont garanties par la légitimité du CNU qui relève du système électif entre pairs. Cependant, de nombreux aspects (cf. tableau précédent) montrent les limites de cette légitimation quand il est question des promotions, changements de grade, etc., car chaque enseignant-chercheur doit tenter de comprendre et de s’adapter à des critères souvent flous et fluctuants, dont l’application n’est pas garantie. L’appréciation institutionnelle, collective, est globalement positive (à en juger par les résultats de nombreuses pétitions de défense du CNU), pendant qu’à titre individuel, le nombre de comportements de retraits ou de renoncement reste très important (par exemple, en section 6, sciences de gestion, moins de 10 % des membres demandent une PEDR alors que potentiellement 20 % pourraient l’obtenir).
70En Slovaquie, les évaluations, préparées par des auto-évaluations souvent partagées au sein des équipes, reposent sur une base nationale dans un processus organisé localement, ce qui relève plutôt d’une justice interactionnelle, dans une logique de prise en compte de toutes les missions des universitaires. Les universitaires acceptent d’autant plus la procédure qu’elle donne lieu à discussion (et adaptation) au niveau local, une situation inverse en France où la peur d’un arbitraire local pousse à légitimer un dispositif national, même s’il s’avère souvent critiqué.
Conclusion : évaluation, auto-évaluation et vérification administrative
71La mise en perspective des situations en France et en Slovaquie apporte des éléments sur la problématique de l’équilibre entre contrôle et validation nationaux, d’une part, et autonomie locale de recrutement et de performance, d’autre part (Côme & Meskova, 2011).
72En Slovaquie, les établissements gèrent un personnel académique soumis à des objectifs et donc à une obligation de résultat. La pratique de l’auto-évaluation à partir d’une grille de critères discutés et validés a été généralisée, pour le suivi de l’activité comme pour les recrutements et promotions (pour lesquels les publications scientifiques ont plus de poids). La dimension internationale est centrale dans toute cette démarche générale et l’incitation à la mobilité est donc très importante. Cette logique n’est pas seulement liée à la taille du pays, mais aussi à des choix politiques qui ont abouti à conjuguer une approche critériée très rarement contestée (peut-être justement à cause du traitement « administratif » des critères), qui induit des pratiques d’auto-évaluation et des stratégies d’acteur permettant aux universitaires de se confronter localement à leurs pairs pour une embauche ou une évolution de carrière. La contestation réside plus dans les moyens accordés aux universités publiques, et donc aux possibilités d’ouverture de postes d’universitaire, que dans les processus utilisés pour le recrutement et l’évaluation régulière, et même si cette contestation sort peu, de facto, des cercles universitaires.
73La démarche permet aussi de trouver un équilibre entre l’autonomie locale et le contrôle national, tout en ne sacrifiant pas à une logique disciplinaire qui aurait très vite trouvé ses limites dans le contexte slovaque. Les autorités comme les acteurs du système ont certainement envisagé que les champs disciplinaires ne pouvaient pas être définis en référence uniquement aux activités scientifiques slovaques, mais dans un champ plus large.
74Ainsi, globalement, il faudrait vérifier précisément l’hypothèse que cette généralisation de grilles de critères induisant des pratiques d’auto-évaluations et une vérification administrative, avant l’évaluation par une commission de pairs, permet, en Slovaquie (comme dans la plupart des autres pays d’Europe centrale), de réaliser recrutement et suivi des activités des universitaires en minimisant les coûts de procédure, en laissant ouverte la discussion sur les frontières disciplinaires sans prendre à revers les mécanismes d’identification professionnelle et en permettant à chaque universitaire de gérer sa propre évolution professionnelle.
75Ce dispositif est clairement vécu par les acteurs comme garant d’une identité professionnelle, d’autant plus que les critères utilisés semblent bien prendre en compte toutes les missions des enseignants-chercheurs. Les universitaires semblent ainsi avoir intégré (voire accepté) cette logique qu’ils ne considèrent d’ailleurs pas particulièrement « néo-libérale ». En définitive, l’analyse des recrutements et des renouvellements sur une dizaine d’années, pour plusieurs universités du pays, montre que peu d’universitaires subissent des sanctions (non-renouvellement de contrat) suite à des difficultés à remplir leurs objectifs et que l’incitation financière collective se révèle être un outil de motivation utile et relativement efficace. A contrario, ce dispositif pousse les universitaires à agir en fonction des critères et, par exemple, comme la participation à des colloques sans publication reconnue (à comité de lecture) est peu prise en compte, des comportements opportunistes sont faciles à constater.
76Les universitaires sont ainsi soumis (ou contribuent) à des systèmes d’évaluation assez différents d’un pays à l’autre et il serait très intéressant de pouvoir prolonger cette mise en perspective des dispositifs par une analyse de leurs effets sur les comportements des universitaires, en particulier les plus jeunes. Si les universitaires slovaques sont moins incités à prendre part à des conférences, les universitaires français tentent surtout de publier des articles dans des revues inscrites dans des listes établies par des commissions nationales. Il est en effet improductif pour la carrière d’un jeune maître de conférences de publier un livre, en France ou ailleurs, ou bien un article dans une revue russe, polonaise, brésilienne, indienne ou allemande, eût-elle un facteur d’impact significatif (ce critère n’étant pas pris en compte). La conformisation aux critères des différents dispositifs a évidemment des effets rapides sur les comportements des universitaires et, en conséquence, sur l’attractivité même de l’université.
77L’équité, la transparence des décisions, la reconnaissance de leur justesse participent bien évidemment à cette intégration des règles et des objectifs du système par les universitaires et à leur acceptabilité. Les effets réseaux, les effets de conformisme et les effets de réputation, ne sont pas en soi garants d’une plus forte implication des universitaires, mais ce sont bien les dispositifs d’évaluation et leur adéquation aux caractéristiques et comportements des enseignants-chercheurs de chaque pays ainsi que, plus largement, aux facteurs nationaux de contingences, qui en déterminent l’efficacité.
78Au-delà des questions de performance des dispositifs d’évaluation et d’identité professionnelle, l’analyse de l’évolution des pratiques, induite par ces dispositifs, pourra rapidement constituer une source d’évaluation de ces derniers, par rapport, cette fois, au rôle de l’université dans la construction et la diffusion des savoirs au niveau mondial.
Formulaire d’évaluation des publications
79Université Matej Bel, Banska Bystrica, Faculté de Sciences Humaines et Sociales
80L’évaluation est établie à partir de la liste et des preuves des publications enregistrées par l’université et envoyées au ministère à la section des subventions ministérielles.
81Cf. http://www.library.umb.sk/index.php?module=articles&id=105&language=1 rotations.
82Note : il faut fournir les originaux, des photocopies au minimum des couvertures et première et dernière pages, du sommaire et du n° ISBN ou autre, l’enregistrement est effectué sur une base nationale. En fonction des scores de chaque membre des facultés, une partie de la subvention est calculée. Chaque université et chaque faculté peut adapter le dispositif à partir des critères établis au niveau national. Cette procédure est effectuée à la fin de chaque période. Nombre optimal de points (100%) et professeur et docent = 100 points ; maître assistant = 80 points.
Difficultés : le degré de difficulté dépend du travail fourni, du temps et du nombre de personnes impliquées dans l’élaboration de monographies (min. 60 p.).Au final, les points sont affectés sur la base de ces trois différentes catégories d’indicateurs.
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Mots-clés éditeurs : évaluation, Processus de Bologne, personnel académique, autonomie des établissements, nouveau management public
Date de mise en ligne : 21/03/2017
https://doi.org/10.3917/gmp.051.0061Notes
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[1]
Thierry Côme est maître de conférences habilité en sciences de gestion, membre du CNU, VP CNU, CNESER, directeur du SIOU-BAIP de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, thierry.come@univ-reims.fr.
-
[2]
Gilles Rouet est professeur en sciences de gestion, directeur de l’Institut Supérieur de Management de l’Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, Chaire Jean Monnet ad personam en études interdisciplinaires sur l’Union européenne, gilles.rouet@uvsq.fr.
-
[3]
Le GCI (Glass Celling Index) est de l’ordre de 1,7. Voir pour plus de détails sur l’égalité femmes-hommes dans l’enseignement supérieur le rapport publié par le MENESR « Vers l’égalité femmes-hommes, les chiffres clefs », septembre 2016.
-
[4]
L’HCERES est l’organisme indépendant français qui produit des rapports d’évaluation des équipes de recherche, des formations universitaires et des établissements, qui sont utilisés par le Ministère de l’enseignement supérieur pour les accréditations. La France n’a en effet pas choisi d’autoriser des agences indépendantes à procéder aux accréditations.
-
[5]
Cf. la lettre de Christophe Mileschi qui explique pourquoi il refuse de ses soumettre à « toute forme d’évaluation individuelle systématique et récurrente », sur
<http://www.cnu.lautre.net/IMG/pdf/Lettre_de_Christophe_Mileschi.pdf>. - [6]
-
[7]
« Il s’agit d’améliorer les conditions de vie et de travail de l’ensemble de la communauté universitaire, de renforcer les formations pour une meilleure réussite des étudiants et de développer l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche », extrait de la présentation de la loi de 2007, sur http://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/cid55933/presentationautonomie-des-universites.html.
-
[8]
L’article L952-3 du Code de l’éducation précise que « Les fonctions des enseignants-chercheurs s’exercent dans les domaines suivants : 1° L’enseignement incluant formation initiale et continue, tutorat, orientation, conseil et contrôle des connaissances ; 2° La recherche ; 3° La diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel ; 4° La coopération internationale ; 5° L’administration et la gestion de l’établissement ».
-
[9]
Les dossiers des candidats sont classés par chaque section CNU dans trois groupes, A pour les 20 % les meilleurs, satisfaisant pleinement aux critères, B pour les 30 % suivant et C pour les 50 % restant. Ces derniers peuvent d’ailleurs également pleinement satisfaire aux critères et donc recevoir pour chacun des critères retenus une évaluation de A, mais les quotas imposés à la section impose un classement et les empêchent d’obtenir la note globale de A.
-
[10]
Texte voté par le sénat académique le 6 novembre 2008, en application du § 82 alinéa 7 de la loi n° 131/2002 sur les universités et aux modifications apportées le 15 juin 2008 par le Parlement slovaque. Le document original est disponible sur <https://www.umb.sk/app/cmsFile.php?ID=4093>.
-
[11]
L’article L123-3 du code de l’éducation définit les missions du service public de l’enseignement supérieur et l’article L952-3 organise les fonctions des enseignants-chercheurs en 5 domaines : « 1° L’enseignement incluant formation initiale et continue, tutorat, orientation, conseil et contrôle des connaissances ; 2° La recherche ; 3° La diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel ; 4° La coopération internationale ; 5° L’administration et la gestion de l’établissement », parmi lesquels seules les 1, 2 et 5 font vraiment l’objet d’une évaluation par le Conseil National des Universités.
-
[12]
Entretiens réalisés auprès de 14 universitaires (assistants, docent et professeurs) de l’Université Matej Bel de Banska Bystrica, en février 2015, issus de 4 facultés différentes (Faculté des sciences humaines, Faculté des sciences politiques et relations internationales, Faculté d’économie, Faculté des sciences naturelles).
-
[13]
Il n’existe pas d’équivalent en Slovaquie du maître de conférences, mais plutôt une position de maître-assistant pour lequel il n’existe pas de liste de critères : seule la détention d’un PhD est obligatoire avant l’audition par une commission de recrutement.
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[14]
Comme l’activité de publication des membres d’une université contribue à la détermination d’une partie de la subvention publique, chaque composante a intérêt à inciter les universitaires à publier le plus possible. Chaque universitaire ne reçoit pas directement de prime liée à cette activité, mais a la possibilité de négocier ses obligations de service, par exemple, ou ses conditions de travail, un élément très important alors qu’en Slovaquie bon nombre d’universitaires travaillent dans plusieurs universités à la fois, pour s’assurer un meilleur revenu (un professeur des universités expérimenté a un salaire net mensuel inférieur à 1 000 euros).