1L’énorme entre dans le cabinet. D’abord je ne le vois pas car la personne qui l’amène est toute normale. Elle souffre, certes, mais ça c’est normal en début de thérapie.
2Elle dépose sa souffrance à mes pieds :
3– enlevez-la moi, dit-elle.
4– j’aimerais bien, réponds-je, mais je n’ai pas de baguette magique. Si j’en avais une, je m’en servirais, mais je n’en ai pas. Il va falloir qu’on fasse ça ensemble.
5– Ah, ensemble… c’est dommage.
6– Oui, et ça va prendre un peu de temps.
7À la 36e séance, elle dit dans un chuchotement :
8– J’ai un énorme.
9– Un énorme.
10Nous suspendons simultanément nos souffles pour écouter l’émotion nous traverser.
11Je lui propose de dessiner l’énorme.
12Elle dessine. Il est costaud et il faut beaucoup de feuilles de papier. On scotche les feuilles les unes aux autres pour que l’énorme tienne ensemble. Ça scotche l’énorme aussi. Puis elle l’enroule soigneusement, bien serré. Je lui propose de choisir un ruban pour le tenir. Elle en choisit deux, l’un en velours gris, l’autre en satin de la même couleur :
13– un pour vous, un pour moi… Puisqu’on fait ça ensemble, rajoute-t-elle timidement.
14On noue l’énorme.
15– On dirait… Elle rit : On dirait une sorte de grande baguette, une baguette magique.
16***
17Toute ressemblance avec un énorme réel est totalement fortuite.