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Article de revue

Prévention du vieillissement et de la maladie d'Alzheimer

Pages 109 à 114

Notes

  • [1]
    Women’s Health Initiative Study Group. Design of the Women’s Health Initiative Clinical Trial and Observational Study. Controlled Clin Trials 1998; 19 : 61-109.
  • [2]
    Forette F., Seux M.L., Staessen J.A. et al. Prevention of dementia in randomised double-blind placebo-controlled Systolic Hypertension in Europe (Syst-Eur) trial. Lancet 1998; 352 : 1347-1351.
  • [3]
    Systolic SHEP Cooperative Research Group : Prevention of stroke by antihypertensive drug treatment in older persons with isolated systolic hypertension. Final results of the Hypertension in the Elderly Program (SHEP). JAMA 1991; 265 : 3255-3264.
  • [4]
    Schenk D., Seubert P., Lieberburg et al. b-Peptide Immunization. A possible new treatment for Alzheimer’s disease. Arch Neurol 2000; 57 : 934-936.

1Le vieillissement cérébral et la démence seront un des problèmes majeurs de Santé Publique du XXIe siècle particulièrement dans les pays en voie de développement. Les données basées sur une centaine d’études de prévalence réalisées depuis un quart de siècle montrent que la prévalence varie de 1,1% au Niger, 4,6% à Shanghai, 5% en France, 10,3% à Boston, ce qui illustre bien la relativité des crtères. La prévalence est liée à l’âge et double tous les 5 ans de 65 à 85 ans; d’où l’intérêt de tenter de retarder son apparition. Un retard d’apparition de 5 ans permet de diminuer la prévalence de moitié, un retard de 10 ans la réduit des trois quarts. L’amélioration de l’espérance de vie dans les pays en voie de développement impliquera qu’en 2025 le nombre de patients y sera plus élevé que dans les pays développés. Dans ces derniers, les projections indiquent que le nombre de cas passera de 10 millions en l’an 2000 à 36,7 millions en 2050. Mais, dans les pays en voie de développement, le nombre de déments passera de 8.6 millions à 67,9 millions.

2Il est clair que de nombreux mécanismes aboutissent, au cours du vieillissement et de la maladie d’Alzheimer, à la production et au dépôt de la protéine beta-amyloïde toxique. L’intervention sur certains de ces processus est à la base de nouveaux essais.

LE PROCESSUS INFLAMMATOIRE ET IMMUNITAIRE

3Un certain nombre d’observations fait évoquer une hyperactivité immunitaire au cours de la maladie d’Alzheimer : réaction microgliale autour de la plaque sénile, prolifération astrocytaire, production de cytokines inflammatoires dont certaines (Interleukine-1 and interleukine-6) augmenteraient la synthèse du précurseur de la protéine amyloïde. Plusieurs études ont montré une relation inverse entre la survenue de maladie d’Alzheimer ou la détérioration cognitive et la prise d’anti-inflammatoires. Un essai utilisant l’indométhacine tend à soutenir cette hypothèse.

4Les nouveaux anti-inflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de la COX 2, mieux tolérés, devraient encourager cette piste. La propentofylline par son action sur la microglie et les astrocytes devrait agir aussi par le même mécanisme.

NEUROPROTECTION : LES INHIBITEURS CALCIQUES

5L’effet limité dans le temps des traitements substitutifs peut s’expliquer par la progression de la mort neuronale. Les inhibiteurs calciques pourraient jouer un rôle neuroprotecteur en s’opposant à l’influx intracellulaire de calcium responsable d’une activation enzymatique et d’une destruction cellulaire. Des travaux conduits avec la nimodipine montrent un ralentissement de la détérioration chez les sujets traités. Les inhibiteurs calciques antihypertenseurs pourraient avoir la même propriété (voir plus loin les facteurs vasculaires).

LES FACTEURS DE CROISSANCE NERVEUSE

6On connaît depuis longtemps le rôle trophique du facteur de croissance nerveuse au niveau des neurones et en particulier des neurones cholinergiques. Il n’est pas sûr, cependant, que cette approche ait un avenir en raison d’une possible toxicité à long terme, de doutes sur l’efficacité et de difficulté du mode d’administration.

7Le facteur de croissance nerveuse ne traversant pas la barrière hémato-encéphalique, l’équipe suédoise qui a fait la première application à l’homme a utilisé une pompe intra-ventriculaire avec des résultats, pour l’instant, modestes sur le plan clinique. Le développement, par génie génétique, de sous-unités du facteur de croissance nerveuse humain capables de traverser la barrière et la mise au point de molécules capables de potentialiser l’activité du facteur de croissance nerveuse, représentent des approches plus facilement utilisables en clinique. De très nombreux facteurs trophiques, brain-derived neurotrophic factor, ciliary neurotrophic factor, basic fibroblast growth factor et insulin-like growth factor sont l’objet d’études dans ce domaine.

LES TRANSPLANTATIONS NEURONALES

8Les greffes neuronales dont le but est de promouvoir la régénération et la fonction d’un cerveau lésé par la transplantation d’un tissu neuronal actif, sont au stade purement expérimental. Les recherches continuent malgré leur caractère plus complexe. Elles profiteront des progrès faits dans le domaine du Parkinson relativement plus simple.

LES ŒSTROGÈNES

9L’hypothèse d’un effet favorable des œstrogènes est basée sur l’effet bénéfique des œstrogènes sur la mémoire de femmes ménopausées ou âgées, le risque accru de maladie d’Alzheimer chez les femmes carencées en œstrogènes, la plus grande réponse aux traitements cholinergiques des femmes qui reçoivent un traitement substitutif œstrogénique. L’étude de Kawas longitudinale mais non randomisée a montré l’incidence inférieure de la maladie d’Alzheimer chez les femmes soumises au traitement substitutif. De grands essais randomisés (Women Health Initiative) [1] sont en cours pour vérifier ces hypothèses. Certains travaux montrent que les œstrogènes pourraient réguler le métabolisme de l’APP en favorisant les voies non-amyloïdogènes et en s’opposant à l’action des radicaux libres.

LES TRAITEMENTS ANTI-RADICALAIRES

10Il est reconnu que le cerveau est particulièrement vulnérable au stress oxydatif. Certains travaux accordent aux radicaux libres un rôle important dans le développement de la neurotoxicité de la protéine amyloïde, la formation des dégénérescences neurofibrillaires et, in fine, la mort cellulaire. Les liens entre la trisomie 21 caractérisée par un excès du gène superoxide dismutase1 (SOD1) et la maladie d’Alzheimer confortent cette hypothèse. Le stress oxydatif pourrait jouer à tous les stades du développement de la maladie, d’où l’idée d’une protection possible du cerveau par les antioxydants. L’étude de Sano avec la vitamine E et ou la Selegiline a remarquablement démontré le retard à l’apparition de critères de progression de la maladie : perte d’activités de la vie quotidienne, démence sévère, institutionnalisation ou décès.

LA PRISE EN CHARGE DES FACTEURS VASCULAIRES

11Un certain nombre de travaux et en particulier l’étude de Rotterdam a mis en évidence le rôle important de facteurs vasculaires dans le développement non seulement des démences vasculaires mais aussi de la maladie d’Alzheimer. L’étude Syst-Eur [2] vient de démontrer que le traitement de l’hypertension systolique isolée du sujet de plus de 60 ans réduisait, en intention de traiter, de 50% (p < 0,05) l’incidence des démences (de 7,7 à 3,8 cas pour 1000 patient-années) et de 60% (p < 0,03) en analyse perprotocole. Cette réduction a concerné aussi bien les maladies d’Alzheimer que les démences vasculaires ou mixtes. Le mécanisme de la prévention des démences reste spéculatif. Si l’on considère les résultats négatifs observés dans l’étude SHEP [3] menée avec des diurétiques, on peut proposer l’hypothèse que les inhibiteurs calciques (nitrendipine) utilisés dans l’étude Syst-Eur en première intention aient pu avoir un rôle de neuroprotection. La réduction de moitié des démences, de 40% des accidents vasculaires cérébraux et de 30% des complications cardiovasculaires démontrée par l’étude Syst-Eur constitue de forts arguments pour traiter systématiquement l’hypertension du sujet âgé.

LES AGENTS AGISSANT SUR LA PROTEINE AMYLOÏDE

12L’approche thérapeutique logique est de tenter d’intervenir sur la production, le dépôt ou la neurotoxicité de la protéine à un stade précoce de la maladie chez les sujets à risque. Plusieurs voies sont possibles : l’inhibition des enzymes protéolytiques susceptibles de scinder de façon inappropriée ou trop importante le précurseur (l’enjeu serait d’inhiber les beta ou gamma secrétases au profit des alpha secrétases qui favorisent la production de proteines solubles non amyloïdogéniques); l’inhibition de la neurotoxicité; la réduction de la synthèse du précurseur APP; l’inhibition de la réaction inflammatoire au niveau de la plaque sénile; la prévention ou le ralentissement de la polymérisation des protéines solubles en fibrilles amyloïde etc…

13Le rôle de l’Apo-e4 sur la pathogénie de la formation des plaques et des dégénérescences neurofibrillaires est l’objet d’hypothèses qui pourraient conduire à des pistes thérapeutiques. Si les effets de l’Apo-e4 sur la promotion et la neurotoxicité de la protéine amyloïde A4 et la déstabilisation des microtubules sont vérifiés, on peut imaginer des molécules qui reproduiraient ou renforceraient l’action de l’Apo-e3 ou de l’Apo-e2 chez les patients porteurs de l’allèle 4.

14La mise au point de souris transgéniques exprimant la protéine amyloïde humaine a soulevé l’espoir d’un « vaccin » qui préviendrait la production des plaques séniles [4]. En effet, l’injection répétée de protéine amyloïde humaine à ces souris permet d’éviter la formation et le dépôt de cette protéine lorsque les souris sont immunisées avant la date d’apparition des lésions. Elle diminuerait l’intensité des lésions lorsque l’immunisation est faite après le début de la maladie. Le vaccin permettrait en outre de réduire les troubles de comportement constatés chez ces souris transgéniques. Dans l’état actuel des essais, on sait que la tolérance du vaccin est correcte chez l’homme mais seuls des essais d’efficacité permettront de savoir si la régression des lésions observées chez la souris peut être reproduite chez l’homme.

15Dans la mesure où aucune approche physiopathologique et génétique n’est exclusive des autres, on peut penser que les approches thérapeutiques seront complémentaires. Un traitement préventif ou intervenant au stade précoce de la maladie, chez des sujets dont on peut mesurer la prédisposition (âge, niveau d’éducation, petit déficit cognitif, facteurs de risques vasculaires, facteurs génétiques), sera à notre disposition dans un avenir relativement proche. Toutes les approches préventives doivent être confirmées, mais certaines d’entre elles (œstrogènes, traitement antihypertenseur) dont les effets dans d’autres domaines ont été prouvés par des essais randomisés peuvent être appliquées dès maintenant chez les sujets à risque.

16Mais, dès aujourd’hui, depuis l’avènement des traitements substitutifs, la maladie d’Alzheimer est une maladie que le médecin peut traiter, soulager et accompagner en attendant, demain, de la prévenir ou d’en ralentir le cours.

Bibliographie

RÉFÉRENCES

  • La bibliographie est accessible au lecteur dans la référence n° 1, revue générale (86 références).

Mise en ligne 01/04/2009

https://doi.org/10.3917/gs.097.0109

Notes

  • [1]
    Women’s Health Initiative Study Group. Design of the Women’s Health Initiative Clinical Trial and Observational Study. Controlled Clin Trials 1998; 19 : 61-109.
  • [2]
    Forette F., Seux M.L., Staessen J.A. et al. Prevention of dementia in randomised double-blind placebo-controlled Systolic Hypertension in Europe (Syst-Eur) trial. Lancet 1998; 352 : 1347-1351.
  • [3]
    Systolic SHEP Cooperative Research Group : Prevention of stroke by antihypertensive drug treatment in older persons with isolated systolic hypertension. Final results of the Hypertension in the Elderly Program (SHEP). JAMA 1991; 265 : 3255-3264.
  • [4]
    Schenk D., Seubert P., Lieberburg et al. b-Peptide Immunization. A possible new treatment for Alzheimer’s disease. Arch Neurol 2000; 57 : 934-936.
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