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Article de revue

Ni vieux ni jeunes : les vieillesses bourgeoises et la recherche d’un troisième terme

Pages 219 à 232

Notes

  • [1]
    L’équivalent français le plus proche est celui des résidences autonomie. Dans le contexte suisse, ces lieux spécifiques ne sont pas pris en charge par les assurances sociales.

Vieillesse et classe sociale

1Si le concept de classe sociale est au fondement de l’analyse des expériences de vieillissement par la gérontologie des années 1970 et 1980 (Townsend, 1981 ; Walker, 1981) et de travaux pionniers dans le contexte français (Guillemard, 1972 ; Lenoir, 1979), cette grille d’analyse – s’estompant devant la montée en puissance des théories de l’individualisme à l’orée des années 1980 – n’est plus aussi centrale dans le programme de recherche actuel de la sociologie du vieillissement (Burnay et Hummel, 2017). Toutefois, l’analyse des rapports sociaux et des inégalités sociales n’est pas tout à fait absente des études contemporaines des processus de vieillissement. Les travaux de Stéphane Alvarez (2017), de Virginie Vinel (2017), de Marie Baeriswyl (2017) soulignent respectivement des rapports distincts aux injonctions au « bien-vieillir », à la prévention, au corps, à la santé, et à la participation, en fonction des parcours de socialisation socialement situés et des inégalités en termes de ressources économiques et culturelles. Il n’en reste pas moins que les enquêtes qualitatives menées en sociologie de la vieillesse sur des milieux sociaux spécifiques sont relativement rares, (Mallon, 2017) en particulier lorsque ceux-ci concernent les classes supérieures. Dès lors, comment qualifier les vieillesses des classes supérieures ?

2Cet article vise à répondre à cette question en partant d’une étude, réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat en sociologie, des processus de vieillissement des personnes âgées (+ de 65 ans) issues des classes sociales supérieures et plus spécifiquement identifiées comme appartenant à la bourgeoisie.

3Si les vieillesses bourgeoises sont multiples, hétérogènes, propres à chaque parcours de vie, les vingt-six entretiens que nous avons réalisés entre 2012 et 2015 avec des personnes âgées issues des classes supérieures permettent de mettre en lumière à partir d’une analyse des dispositions mises en mots dans ce que nous qualifions de « formation discursive » (Foucault, 1976) un « désir de neutre » (Barthes, 2002). Nous présenterons d’abord une description de notre terrain de recherche et des caractéristiques sociodémographiques de notre population d’enquête. Après une brève introduction des concepts qui structurent la réflexion au centre de cet article, nous présenterons comment trois dispositions récurrentes quant au rapport que les membres de la bourgeoisie entretiennent à leur vieillesse peuvent être appréhendées comme l’expression d’un « désir de neutre » avant d’étayer cette analyse en conclusion de cet article.

Entretiens avec les vieillesses bourgeoises

4Entre 2012 et 2015, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec vingt-six personnes âgées appartenant aux classes supérieures. C’est par l’intermédiaire de recommandations que nous avons pu obtenir ces entretiens en spécifiant notre intérêt de rentrer en contact avec des personnes âgées appartenant à la bourgeoisie. Vingt entretiens ont été réalisés dans le cadre d’une thèse de doctorat en sociologie et six lors d’une courte recherche postdoctorale de six mois auprès des résidents des maisons de retraite « luxueuses » [1].

5Méthodologiquement, ces deux terrains ont été approchés selon une même démarche qualitative. Outre le relevé systématique de données socio-démographiques, ces entretiens ont suivi un canevas relativement simple construit en une série de questions générales (description de leur trajectoire de vie, de leur quotidien, de leurs activités, de leur état de santé, de leur réseau social) et de relances sur des thématiques plus spécifiques (leur évaluation de leur degré d’autonomie, leur compréhension du terme « bien-vieillir », l’usage des services extérieurs, leur rapport à l’intimité, à leur lieu de vie, ainsi qu’à leur fin de vie). Après avoir transcrit l’ensemble des entretiens enregistrés, c’est par une analyse de contenus, selon la récurrence des thématiques, que nous avons cherché à mettre en évidence un ensemble de dispositions caractéristiques à ces vieillesses bourgeoises.

6Mentionnons finalement quelques phases discrètes d’observation in situ, le plus souvent dans le cadre du domicile de la personne. Les extérieurs comme les intérieurs, autant que les spécificités géographiques et sociales des lieux de résidences ont fait l’objet d’une description.

Une population d’enquête située dans l’« espace social »

7Si notre intérêt s’est porté sur la réalisation d’entretiens avec des membres de la bourgeoisie – identifiés avant tout par leur patronyme –, c’est parce que ceux-ci, conscients de leur intérêt collectif et disposant des moyens nécessaires pour le défendre, constituent une classe en soi et pour soi (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2007). Seize des personnes âgées interrogées dans le cadre de cette recherche appartiennent à la bourgeoisie. Situées dans l’une des portions supérieures de l’« espace social » (Bourdieu, 1984) l’ensemble des personnes ayant participé à cette enquête disposen de conséquentes ressources en termes de capital économique, culturel, social et symbolique. Le niveau de formation ainsi que la principale occupation professionnelle poursuivie durant la vie active, autant qu’un ensemble d’activités culturelles ainsi qu’un haut degré de culture générale constituent plusieurs indicateurs du capital culturel. Dix-sept sur vingt-six de ces individus ont suivi et achevé une formation de degré tertiaire. Quinze d’entre eux ont exercé une profession intellectuelle ou d’encadrement ou une profession libérale et quatre une activité d’indépendant. Sept femmes ont soit été employées dans une diversité d’emplois, soit se sont chargées, en tant que maîtresses de maison, de l’intendance et de l’éducation des enfants.

8Le niveau économique est lui renseigné par le revenu et la fortune, lorsque ces informations nous sont communiquées. S’agissant du revenu, celui-ci varie de 2 700 € à 99 000 € par mois ; quant à la fortune, elle s’échelonne de 900 000 € à 9 000 000 € et provient principalement de rentes immobilières, d’actions et de possessions. Les quatorze personnes rencontrées à leur domicile sont propriétaires et, le plus souvent, possèdent plusieurs biens immobiliers. Douze ont vendu, plus souvent que légué, à leur descendance leurs anciennes propriétés au profit de la location d’un appartement – un logement protégé – dans des maisons de retraite « luxueuses ».

9Ces éléments susmentionnés offrent des premières indications quant au capital symbolique associé au statut social de ces individus. La plupart de ces lieux d’habitation se situent dans différents espaces de « l’entre-soi » bourgeois. Outre les titres scolaires de niveau universitaire, les responsabilités professionnelles, les possessions d’œuvres d’art et d’imposantes bâtisses, c’est aussi l’expression d’un fort « capital cosmopolite » (Wagner, 2007), d’une connaissance du monde et d’une aisance de déplacement au sein de sa spatialité qui renforce l’appréciation de la mesure de ce capital symbolique.

10À cette ouverture au monde correspondent des relations sociales proximales principalement orientées vers l’entretien d’un réseau d’interconnaissances extrafamilial. Interrogés sur la fréquence et la qualité des liens avec d’autres membres de la famille, c’est principalement la norme de l’indépendance intergénérationnelle (Roux, Deschamps, Doise et Clémence, 1994) ainsi que des logiques affinitaires (Attias-Donfut, Lapierre et Segalen, 2002) qui apparaissent dans le discours de ces protagonistes. Le plus souvent séparés de leurs descendants par une conséquente distance géographique, ceux-ci sont rarement, voire jamais cités comme appartenant à leur réseau de soutien.

11Afin de compléter la description, cette population est composée de dix-sept femmes et de neuf hommes. L’âge moyen est de 81 ans. Il varie entre 65 et 89 ans pour les quatorze personnes vivant à domicile et de 75 à 99 ans pour les douze résidents vivant en institution privée. Seize sur vingt-six sont de confession protestante. Trois sont de confession catholique et les autres n’ont pas de confession particulière. Ils se définissent comme athées ou agnostiques. La moitié d’entre eux sont encore aujourd’hui mariés, onze sont veuves ou veufs et les individus restants sont célibataires.

Dispositions, formation discursive et « désir de neutre »

12Selon une approche dispositionnaliste, notre attention lors de cette enquête s’est focalisée sur l’identification d’un habitus, d’un style de vie ou encore d’un ensemble de dispositions caractéristiques à cette population quant au rapport qu’elle entretient à la vieillesse. Simplement présenté, l’habitus selon Pierre Bourdieu relève d’un ensemble de dispositions durables et transposables acquises lors des processus de socialisation primaire et secondaire, d’expériences passées et de référents culturels déterminant notre régime d’action ainsi que notre rapport au monde : « l’habitus est un avoir acquis qui s’est transformé en être » (Accardo, 1997). Ces dispositions, durables pour P. Bourdieu, infiniment renouvelables selon d’autres auteurs (Darmon, 2010 ; Lahire, 2001), doivent être comprises comme autant de manières de penser, d’agir, de faire, de dire notre rapport au monde.

13Malgré l’hétérogénéité des vieillesses bourgeoises, l’un des résultats de cette étude tient à la mise en lumière du recueil d’un ensemble de récits très homogènes concernant le rapport et les styles de vie que les membres de la bourgeoisie entretiennent à leurs vieillesses, que nous qualifions ici de « formation discursive ». Ce concept, élaboré par Michel Foucault lors de son étude de la sexualité dans les sociétés modernes dès le XVIIe siècle, ne correspond ni à l’ampleur du matériel mobilisé dans cette étude ni tout à fait à la définition qu’en donne l’analyse de discours le présentant comme un outil de « structuration de l’espace social par différentiation des discours » (Achard, 1995, p. 84). Cependant, notre démarche relève bien d’une accumulation de textes (archives privées et publiques familiales) et de récits (vingt-six entretiens semi-directifs) formant un « registre discursif » cohérent.

14Dans la continuité de cette réflexion, il nous est apparu fécond, suite à la lecture des travaux de R. Barthes, de caractériser cet ensemble de dispositions comme l’expression d’un « désir de neutre ». Pour Roland Barthes, le « désir de neutre » équivaut à un renoncement au sens au profit de la recherche de la nuance, à l’abandon d’un vouloir-savoir s’effaçant devant l’expression d’un vouloir-vivre (Longuet-Marx, 1996). L’idée est alors de dépasser un ensemble d’oppositions sémantiques significatives, de brouiller des entités langagières productrices de sens et d’y substituer une recherche d’un troisième terme (Barthes, 2002, p. 37). Les dispositions que nous présenterons de manière détaillée dans les sections suivantes de cet article caractérisant les vieillesses bourgeoises s’emploient ainsi à brouiller certains dispositifs et catégories produits par le champ disciplinaire de la gérontologie : le troisième et quatrième âge, l’autonomie, la dépendance, la retraite, l’assignation à une vieillesse consumériste, ainsi qu’à l’institutionnalisation des fins de vie. Elles reflètent ainsi l’expression d’un « désir de neutre », par la présentation d’un espace temporel ou identitaire, même si ce terme est insatisfaisant à plusieurs égards, qui ne relève ni fondamentalement de la vieillesse ni fondamentalement de l’âge adulte, mais d’une vie à inventer (Lalive d’Épinay, 1991). En somme, une étape du parcours de vie dont il reste à construire le sens en infléchissant ou en perturbant des oppositions significatives : jeune/vieux ; production/consommation ; dépendance/autonomie ; domicile/établissements médico-sociaux ; mobilité/immobilité.

La vocation et la négation du droit au repos

15La première spécificité à mentionner quant au rapport que les membres de la bourgeoisie entretiennent à leur processus de vieillissement tient à la non-reconnaissance de la vieillesse comme un droit au repos. Présentant quelques affinités électives avec le modèle de la « retraite troisième âge » (Guillemard, 2002), les activités rémunérées ou non s’inscrivant dans une forme de « néo-bénévolat-productif » (Barthe, Clément et Drulhe, 1990) prennent une place centrale dans leur quotidien. Le sport, la culture, ainsi que de fréquents engagements philanthropiques et associatifs propres à une « retraite utilité » sont fréquemment investis à l’instar d’une participation active sur le marché du travail caractéristique d’une « retraite activité » (Caradec, 2009). Jean-Pierre (99 ans) l’explique en ces termes :

16

On crée soi-même sa propre vieillesse. Il faut travailler, rester en forme.

17À distance du fantasme barthésien d’une vieillesse oisive marquant une mutation radicale avec les étapes précédentes du parcours de vie, la retraite légale s’offre comme une excellente occasion de poursuivre plus librement, avec moins de contraintes, une vocation, comme le dit Josiane dans ce passage d’entretien depuis deux ans à la retraite :

18

On a aussi des activités qui nous passionnent, donc on est des workaholic d’une certaine façon. On mise beaucoup sur le travail et finalement ce qui compte c’est le travail et la famille. On a quelques amis, et pas beaucoup de détente.

19Comme l’exprime R. Barthes, la retraite est signifiée. Elle devient signifiante par son contenu. La poursuite d’activités détermine ainsi une forme d’organisation, avec des horaires, des habitudes « la façon dont le corps en retraite tisse le travail » (Barthes, 2002, p. 185). Chacun organise ses journées selon un horaire bien déterminé assez proche de celui de la vie active.

20De manière déterminante, la poursuite du travail bien après l’âge légal de la retraite offre un avantage, dès lors qu’elle n’occasionne pas de rupture identitaire et produit un sentiment de continuité utile pour tenir à distance le « sentiment d’être vieux » (Caradec, 2004). Cette résistance paraît d’autant plus facilitée lorsque la profession exercée exige plutôt la mobilisation d’un capital culturel que l’efficacité mécanique d’une force physique.

21En voici quelques exemples. Âgé de 88 ans, Serge ancien professeur d’université s’adjoint encore les services d’une secrétaire, continue ses recherches, participe à divers colloques scientifiques et publie des articles. Damien, âgé de 69 ans use de son otium pour retaper un lieu de villégiature au bord de la mer Méditerranée, tout en continuant de travailler pour divers organismes internationaux comme consultant. Désirée, âgée de 74 ans, s’est engagée dans une association afin de dispenser des cours de langues à des personnes issues de l’immigration tout en étant active dans la rédaction de procès-verbaux au sein de diverses commissions étatiques. Si cela paraît déjà surprenant pour des personnes âgées qui étaient dans la majorité des cas en « bonne santé », ce rapport à l’activité professionnelle se retrouve également chez les résidents des maisons de retraite luxueuses affectés par certaines limitations fonctionnelles. Christiane, âgée de 86 ans, continue de publier des livres dans le domaine du spiritualisme et du développement personnel et reçoit volontiers quelques clients pour des séances individuelles. Georges, contraint par un cancer, aime toujours à 86 ans être présent au conseil d’administration de son ancienne entreprise et sa maladie est une motivation supplémentaire pour terminer un très ancien projet : la rédaction d’une monographie sur son expérience de soldat de la Wehrmacht lors de la Seconde Guerre mondiale.

22Le droit au repos associé à l’idée de retraite ne fait pas sens pour cette population enquêtée. À 69 ans, Fabienne, l’exprime ainsi :

23

Euh, je ne sais pas ce que l’on appelle la retraite. Pour moi, cela ne veut rien dire la retraite.

24Celle-ci exprime une résistance farouche à l’assignation des personnes âgées à un statut d’improductifs, d’inutiles et d’exclus du marché du travail, comme l’avait consacré en son temps l’institutionnalisation de la retraite pour les classes laborieuses. À sa manière, Fanny (75 ans), qui se situe plutôt dans la classe moyenne, ayant fait sa fortune grâce à la vente de la maison de son mari décédé, observe et critique cette disposition chez les autres co-résidents :

25

Et cela, ça m’énerve, ces gens qui ont trop d’ego et qui travaillent encore lorsqu’ils vont bientôt mourir, moi je trouve cela ridicule !

26On peut ainsi identifier l’expression d’un « désir de neutre » concernant une première opposition sémantique au regard de l’association entre l’idée de travail et de vie active et celle du non-travail et de la retraite. C’est aussi l’assignation de la production à la vie active et du statut de consommateur associé à la vieillesse qui se trouve perturbée. Et ces divers engagements soulignent clairement une résistance de la consécration du statut de consommateur associé à la personne âgée.

27Cet argumentaire du brouillage d’opposition sémantique significative trouve un prolongement dans le fait que ces engagements dans le travail et sur le marché du travail, ne se disent pas comme tels. Le vocable « travail » est finalement relativement absent de leurs discours et se déguise sous les notions de plaisir, de passion ou encore de vocation, comme l’exprime Fabienne (69 ans) décrivant son activité en tant que professeure de chant :

28

Non, moi je prends ça comme un loisir payé, dans le sens que c’est ce qui me fait le plus plaisir […] donc je considère cela comme un grand privilège.

29Autrement dit, c’est à la fois une affirmation d’une disposition et l’expression d’un refus de perdre l’une des prérogatives de ces anciennes familles bourgeoises quant à leur participation aux biens collectifs qui s’exprime par leurs très nombreux engagements dans des activités philanthropiques, associatives ou encore charitables.

30Quoi qu’il en soit, la poursuite de ces styles de vie actifs autant que les nombreux engagements sur le marché du travail susmentionnés brouillent l’opposition sémantique significative entre production/vie active et consommation/retraite. D’autant plus que la consommation, par exemple le fait de réaliser des voyages et de faire des excursions touristiques, recouvre des pratiques relativement absentes de leur discours. Si on voyage, c’est pour se déplacer de la résidence principale à des résidences secondaires ou pour visiter ses descendants disséminés dans différentes parties du monde. La participation à des voyages organisés, à des visites culturelles en groupe, n’est jamais évoquée, ce qui en creux signale leur réprobation. Certes, la consommation n’est pas absente, mais elle correspond aux normes en vigueur dans ce groupe social et ne correspond pas aux offres de la silver économie. Ainsi, on se rend au marché local afin d’assurer des stratégies prophylactiques efficaces, on fréquente avec plaisir les salles de théâtre, les ballets, les opéras, ainsi que les concerts de musique classique, moins souvent le cinéma, si ce n’est pour voir un film ayant reçu une reconnaissance honorifique (palme de Cannes, etc.). La lecture occupe une place considérable dans l’usage de leur temps, comme le souligne la présence ostentatoire d’une imposante bibliothèque dans les pièces communes, ainsi que les nombreuses suggestions de lecture de tel livre édifiant ou de tel écrivain remarquable qui me sont proposées.

Le soi, le corps et l’affirmation d’une autonomie

31La seconde expression d’un « désir de neutre » s’observe dans cette volonté de perturber l’opposition sémantique significative qui associe la vieillesse à la dépendance et l’âge adulte au plein exercice de l’autonomie. En ce sens, les styles de vie poursuivis par les personnes enquêtées semblent particulièrement bien alignés avec un ensemble d’injonctions normatives contenues dans le modèle du « bien-vieillir ». Et cela se comprend lorsqu’émerge dans leur discours une très forte association entre la condition d’être vieux et d’être dépendant, comme le définit le modèle biomédical de la « vieillesse dépendante ». Le maintien de diverses activités professionnelles ou bénévoles après l’âge de la retraite participe à l’expression de cette autonomie, à l’instar de pratiques sportives et culturelles, tout comme l’absence de tiers aidants proches ou professionnels dans leur réseau de soutien, ainsi que de l’entretien d’un entre-soi et d’une « altérité légère » lorsque par exemple Désirée rend visite à son ancienne employée de maison placée dans un établissement médico-social. Ces diverses micro-démonstrations d’une autonomie conservée confortent leur certitude de maîtriser la plupart des aspects de leur existence.

32

Je pense avant tout… c’est prendre conscience de soi-même. Comment dire cela, s’assumer. Cela c’est l’essentiel. Puis, se maintenir en forme physiquement et mentalement. On doit faire un effort pour cela. Pour essayer d’être le moins possible gênant pour les autres. […] Cela se résume à assez peu de choses, en fait. Moi, je ne me sens pas différent de qui j’étais à quarante ans.
(Paul, 77 ans)

33Dans un contexte où l’injonction à l’autonomie est portée par le modèle dominant de production sociale de l’individu moderne (De Singly, 2000) et où ces injonctions normatives s’adressent d’abord au corps (Bourdieu, 2003), celui-ci est surinvesti (Le Breton, 1992) dès lors qu’il devient la principale ressource et expression de maîtrise de soi (Feillet et Roncin, 2006). Ainsi, le corps devient le bastion d’expression de la mise en scène publique de l’autonomie. L’exposition du corps autonome se fait affirmation incarnée d’un « désir de neutre » et cela particulièrement à l’intérieur des modèles de vieillissement contemporain où l’âge social et l’âge biologique ne sont plus des marqueurs convaincants de l’entrée dans cette étape du parcours de vie. Il est alors un enjeu de taille qui reçoit de ses membres une attention et un entretien tout à fait particulier qui relèvent, même si cette démonstration est ardue à présenter, comme le résultat de la poursuite d’un style de vie que l’on peut qualifier d’ascétique. À 99 ans, c’est bien ce que revendique Stephan résident d’une maison de retraite luxueuse :

34

Avant, je faisais beaucoup de marche en montagne ; des courses en montagne également, sinon des balades dans les Préalpes. Maintenant, je fais ma petite gymnastique tous les matins avant de lire le journal.

35Il est fondé sur l’exigence de poursuivre un exercice répété du corps, d’un rapport préventif à sa santé, d’un ensemble de stratégies prophylactiques qui prennent place, non pas dans la vieillesse, mais dans les étapes précédentes du parcours de vie.

36

J’ai beaucoup fait de sport durant ma vie et entretenu ma santé. Je nageais dans le lac et puis après je nageais dans la piscine mais l’eau était trop froide, le médecin ne voulait pas. Et puis ma fille a cherché une piscine avec de l’eau plus chaude alors chaque semaine j’allais jusqu’à 89 ans. Maintenant, je ne fais plus que la gymnastique que le thérapeute me demande de faire.
(Jeanne, 90 ans)

37C’est aussi par l’expression d’un corps arpentant l’espace que s’affirme cette autonomie. Le capital cosmopolite n’est pas juste relatif à une connaissance du monde, mais aux diverses ressources nécessaires pour s’y déplacer. Il est en l’occurrence une expression de mobilité qui tout comme l’autonomie fonctionne comme résistance à une quelconque assignation à la vieillesse. Ces associations de la mobilité comme expression de la vie et de l’immobilité comme quelque chose qui se rapproche d’une fin de vie sont particulièrement prégnantes chez les résidents des maisons de retraite luxueuses, qui malgré leurs limitations fonctionnelles, me présentent un corps en mouvement en privilégiant nos rencontres dans des espaces publics ou communs. L’immobilité a quelque chose d’effrayant puisque cet état n’est plus tout à fait propre à une condition humaine. Dans ce sens, bien que cela relève clairement d’un biais de sélection, l’hexis des corps des personnes âgées que j’ai eu l’occasion d’interroger sur le terrain des vieillesses bourgeoises exprime toujours l’action plutôt que la passivité. Ces corps mobiles et mouvants, dont les postures et l’esthétique rappellent « le souci de l’apparence et du contrôle de soi » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2002, p. 37), expriment constamment une intention, une inertie du faire, un objectif à atteindre, une activité à poursuivre.

L’invisibilisation du corps dépendant

38À la mise en scène d’un corps autonome correspondent, lorsque celui-ci ne peut plus faire la démonstration de son autonomie, des pratiques d’invisibilisation du corps dépendant. L’absence de visibilité qui relève d’un biais de sélection évident, de ces corps malades, souffrants, agonisants, arborant les stigmates du « grand âge » souligne en creux un ensemble de tactiques individuelles et de stratégies collectives orientées vers la conservation d’une représentation sociale d’une « vieillesse enchantée » (Gourdon, 2001).

39Pour ce faire, la plus évidente des stratégies est l’organisation d’un filet de soutien, afin de permettre à la personne de décéder « chez soi » dans un environnement qui lui est familier et selon les principales composantes de la « bonne mort ». Lorsque le maintien au domicile n’est pas ou plus envisageable, de nouveaux lieux de vie, plus appropriés à leurs conditions médicales, sont investis, comme les chambres des cliniques privées autant que les appartements des maisons de retraite luxueuses. Et si pour une raison ou une autre, une quelconque forme de prise en charge est inenvisageable, le recours à des formes contemporaines du mourir comme le suicide assisté ou à une éventuelle forme d’euthanasie clandestine est évoqué.

40Du point de vue des stratégies collectives, les maisons de « retraites luxueuses » qui se construisent sur le modèle de l’hôtellerie et selon un réseau d’interconnaissances quelque peu exclusif offrent également une ressource importante pour brouiller la distinction entre domicile et maison de retraite. Si ce sont bien des logements protégés non subventionnés, ils ne sont jamais qualifiés comme tels. Gaëlle (90 ans) me corrige sur ce point lors de l’entretien :

41

C’est une résidence ! Pas un appartement protégé.

42Ce vocable est absent du langage de mes protagonistes, d’autant plus que ces lieux de fin de vie s’offrent comme une alternative indispensable à la prise en charge publique institutionnelle des vieillesses. On vit dans son appartement, que l’on regrette souvent de n’avoir pu acheter, sur le modèle d’un grand hôtel. Si l’on se contente encore de ce statut de locataire, l’opprobre serait de terminer sa vie dans un établissement médico-social et de ne plus pouvoir tenir à distance cette assignation à la vieillesse.

43Le cas de Gaëlle, âgée de 90 ans, vivant dans un appartement d’une maison de retraite luxueuse est exemplaire quant à l’expression de cette volonté de rendre invisible et de masquer une quelconque forme de dépendance, alors que de nombreux éléments directement objectivables, en situation, témoignent du contraire. Opérée des deux genoux, du bras droit, qu’elle ne peut plus soulever qu’avec peine, de la hanche et de sa jambe gauche, elle a en sus d’importants problèmes d’audition et de vue. La présence d’un déambulateur, qu’elle a renommé affectueusement « sa petite voiture », d’une pince pour ramasser les objets par terre, du téléphone avec des numéros de taille très importante, ne l’empêche pas de défendre dans son discours sa grande indépendance.

44

J’ai toujours été très autonome. J’ai toujours été très indépendante. […] Aujourd’hui, je ne dirais pas que je suis dépendante, mais je dois me débrouiller. J’ai la possibilité de me faire servir donc…

45Les proches autant que les institutions privées, non subventionnées, peuvent être ainsi conceptualisés comme autant de gatekeepers. Si l’accès aux maisons de retraite luxueuses n’est pas spécifique à cette population d’enquête, il reste néanmoins nécessaire de disposer d’importantes ressources financières pour accéder à ces lieux miniaturisés de l’entre-soi bourgeois. Le loyer mensuel d’un tel lieu de vie va de 6 000 € à 12 208 €. Le logement protégé non subventionné fonctionne ainsi comme un dispositif de brouillage d’une opposition sémantique significative entre domicile et maison de retraite, entre indépendance et dépendance, entre vivre chez soi et vivre en institution. Quoi qu’il en soit, l’exposition publique des vieillesses dépendantes est contrôlée et sous contrôle, entretenant ainsi une représentation tronquée d’une « vieillesse enchantée » (Gourdon, 2001) autant que d’une classe sociale qui semble échapper aux effets délétères de l’âge.

Une discrète légitimité comme ressort de neutralisation

46Deux éléments semblent favoriser ce processus de neutralisation des oppositions sémantiques significatives, autrement dit, la possibilité de les perturber pour mettre en scène une vieillesse qui ne se dit pas et ne se montre pas : un régime de discrétion qui prend forme lorsqu’il est possible d’exposer un corps autonome ainsi qu’un régime d’invisibilisation, lorsque le corps ne répond plus à cette normativité.

47Si, comme le présente M. Foucault (1976), le modèle de l’hétérosexualité conjugale porté par les classes bourgeoises victoriennes profite d’un régime de discrétion par sa conformité avec la rationalité scientifique s’exprimant à son sujet (Foucault, 1976), les vieillesses bourgeoises qui sont en conformité, d’un certain point de vue, avec le modèle théorico-normatif du « bien-vieillir » et qui fonctionnent comme une technologie positive du pouvoir, jouissent d’un espace de discrétion, comme le démontre avec aisance leur faible problématisation tant au niveau politique que scientifique. À la différence des vieillesses ouvrières ou populaires ainsi que des types de vieillesses plus périphériques qui ont fait l’objet de larges études et qui questionnent les limites de la réflexion gérontologique, les vieillesses bourgeoises restent encore aujourd’hui très largement sous-documentées.

48Au regard du « désir de neutre » exprimé par Roland Barthes, il apparaît que cette discrétion dont jouissent les vieillesses bourgeoises et le désintérêt tant scientifique que politique qu’elles suscitent, ainsi que la légitimité de leur conformité à la rationalité scientifique actuelle sur les processus de vieillissement, leur offrent cet espace de neutralisation, de perturbation, voire de redéfinition d’un ensemble d’oppositions sémantiques significatives. La possibilité d’exprimer un « désir de neutre » paraît alors d’autant plus renforcée par la possession d’abord d’un capital culturel qui permet de tenir à distance certaines assignations et catégorisations théoriques produites par les sciences du vieillissement, autant que par la possession d’un capital santé et économique, fruit de la poursuite d’un style de vie ascétique dans les étapes précédentes du parcours de vie, qui offre les ressources nécessaires à la réalisation des modèles de vieillissement portés par ces « formations discursives ». Enfin, lorsque le corps ne permet plus de faire la démonstration d’un style de vie orienté sur la participation aux biens collectifs et de l’exposition du corps autonome, le régime de discrétion se fait plus dur et se transforme en régime d’invisibilisation, selon les procédés décrits ci-dessus.

49Bien que les vieillesses bourgeoises soient plurielles et infiniment plus variées que les descriptions présentées dans cet article, les discours recueillis dans le cadre de cette recherche mentionnent chacun à leur manière la centralité des trois dispositions susmentionnées. Selon notre hypothèse, cette « formation discursive » met en scène une disposition à produire un troisième terme original, à distance des oppositions sémantiques significatives productrices de sens quant à la vieillesse. Une vieillesse « réussie » en somme dépossédée de ses apories : sans dépendance, sans limitations fonctionnelles, sans perte de rôle, de statut, d’identité voire même sans processus de déprise, autrement dit, une vieillesse sans processus de vieillissement, une vieillesse « plate », comme le dit Roland Barthes : « gommée, propre, celle qui se refoule, qui refoule son nom, son être, celle qui n’ose dire son nom » (Barthes, 2002, p. 192) : vieillesse !

50À noter que ces modèles de vieillesse caractéristiques des classes supérieures sont particulièrement bien compris par les directeurs des maisons de retraite luxueuses. Ces lieux de vie organisés sur le modèle de l’hôtellerie – très à distance des représentations que l’on peut se faire des établissements médico-sociaux (Ehpad) – s’alignent sur le style de vie de leurs résidents : les appartements entre 60 et 80 mètres carrés permettent de reproduire en miniature leur ancien lieu de vie, meublés selon leur convenance ; un principe de non-ingérence dans la vie privée est strictement respecté ; le personnel médical intervient en habit civil ; les rythmes quotidiens ne sont que rarement contraints ; les restaurants disposent d’une carte et d’un chef étoilé, pour certains ; les activités s’orientent vers le maintien d’une autonomie physique et cognitive en proposant des exercices physiques, des cours pour le maintien de l’équilibre, des cours d’anglais, de grec, des séances de lecture, des conférences avec des personnalités locales. En somme, tout est organisé pour reproduire un style de vie adopté dans les étapes précédentes du parcours de vie et pour alimenter l’illusion d’un quotidien en adéquation avec les dispositions des résidents.

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Mots-clés éditeurs : bourgeoisie, vieillesse, classe sociale

Date de mise en ligne : 31/12/2021

https://doi.org/10.3917/gs1.166.0219

Notes

  • [1]
    L’équivalent français le plus proche est celui des résidences autonomie. Dans le contexte suisse, ces lieux spécifiques ne sont pas pris en charge par les assurances sociales.

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