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Article de revue

Gérer les faits religieux au travail : le rôle d’un club de réflexion pour partager et déployer des dispositifs de gestion

Pages 37 à 48

Notes

Introduction

1Dans le contexte du travail, les salariés peuvent choisir d’exprimer leur religiosité selon divers degrés de manifestations et de revendications (Hicks, 2003 ; King et al., 2009), ou de la masquer, voire de la « détourner » (Clair et al., 2005) face aux risques identifiés (Exline et Bright, 2011 ; Gebert et al., 2014). Chaque salarié négocie ainsi avec ses différentes identités (Kreiner, Hollensbe & Sheep, 2006), et peut décider de ne pas dévoiler ses croyances, de dévoiler ce qui pourrait le/la stigmatiser (Ahmad et al., 2018), d’affirmer son athéisme ou, à l’autre extrémité du continuum, d’opter pour des comportements radicalisés (Honoré, 2016 ; De Maison Rouge, 2017). Les entreprises sont dès lors potentiellement confrontées à différents faits religieux, pouvant aller de demandes personnelles (absences, temps de prière…) à des revendications transgressives (refus de serrer la main, de recevoir des ordres…) (OFRE [1], 2019). Ces faits ont longtemps été cachés, considérés comme « un sujet tabou » (Galindo et Surply, 2010), en particulier dans le contexte d’une France attachée à la laïcité, et dans des entreprises préférant ne pas interférer dans la vie privée de leurs employés. Les questions de religion au travail ont alors été reléguées à une dimension immergée de l’iceberg des diversités, et le plus souvent peu gérées (Cui et al., 2015).

2Les entreprises ont cependant été contraintes d’agir. La dernière enquête de l’OFRE (2019) soulignait ainsi que plus de 70 % des entreprises répondantes avaient rencontré dans l’année, régulièrement ou occasionnellement, des situations d’ordre religieux à gérer, contre 44 % en 2014. Tout en restant encore sensibles (Chan-Serafin, Brief & George, 2013), plus de la moitié de ces différentes manifestations de la religiosité de certains salariés auraient nécessité une intervention managériale en 2019 (contre un quart en 2014 selon l’OFRE). Ce sujet devient ainsi « une affaire de société » et, dans le même temps, s’inscrit au cœur des champs de la GRH « sensible », où l’action et l’analyse sont délicates (Renzetti et Lee, 1993 ; Condomines et Hennequin, 2013).

3Dans cet article, nous nous demandons justement : « Comment concevoir les outils de gestion qui permettent de gérer les faits religieux en entreprise en France ? » Nous répondrons à cette question en utilisant les principaux concepts de la littérature sur les outils et dispositifs de gestion, qui a été développée en France depuis le début des années 1980. Nous utilisons cette grille de lecture pour analyser les processus des conceptions de dispositifs de gestion des faits religieux présentées dans le cadre des réunions mensuelles d’un club professionnel de réflexion, qui a regroupé pendant trois ans de grandes organisations, publiques et privées, travaillant en France. Notre rôle d’animateur, central dans ce club, nous a permis de recueillir des données dans de nombreuses entreprises (26) sur un sujet sensible que les entreprises hésitent encore très largement à évoquer publiquement (Marinos, 2018). Notre démarche correspond donc à celle d’un cas génératif (Siggelkow, 2007), qui permet de produire des connaissances à la fois sur le management des faits religieux et sur les dispositifs de gestion.

Vers la gestion des faits religieux par les entreprises en France

4La littérature traduit la complexité et la diversité de la gestion des faits religieux au travail. Elle est aujourd’hui de moins en moins consacrée à l’analyse du « pourquoi (est-ce un sujet) ? » (Galindo et Surply, 2010) ou « quels en sont ses contours ? » (Vickers, 2015), et étudie davantage le « comment (appréhender ce sujet) ? » (Syed et al., 2018). L’enjeu réside donc aujourd’hui, tant dans les organisations que dans les analyses, à savoir comment ces situations de gestion peuvent être gérées.

Une évolution significative dans les pratiques des entreprises comme dans la littérature qui en rend compte

5L’analyse de la littérature montre qu’après une première phase d’étonnement, les réponses des entreprises se sont alors progressivement organisées. Nous avons repéré quatre phases dans cette évolution :

Phase 1 – L’étonnement

6Les faits religieux au travail constituent un phénomène ancien (Galindo et Surply, 2010). Toutefois, les années 2000 marquent un tournant (Honoré, Galindo & Zannad, 2019). Les salariés souhaitent de plus en plus que soit reconnue leur identité globale, et donc leurs pratiques liées à leurs croyances religieuses (King et al., 2009). L’émergence de ces demandes a d’abord laissé les entreprises déconcertées. Alors qu’elles invitent leurs salariés à dévoiler davantage qui ils sont, à travers des politiques croissantes de conciliation vie privée/vie professionnelle, elles voient émerger des attentes d’un nouveau genre, à la fois ancrées dans l’intime de chacun (forum internum), mais aussi visibles par le biais de certaines pratiques (forum externum). Ainsi, de plus en plus de salariés extériorisent leurs croyances religieuses et leur religiosité (Guillet et Brasseur, 2019), dans une logique d’équilibre ou, à l’extrême, de fusion entre leurs identités.

7Rapidement, le constat est partagé par les entreprises. Leur première réaction fut souvent de contourner ou de nier ces questions. Des responsables de la diversité déclarent alors « on est démunis », « on est paralysés face à cette question » (Galindo et Surply, 2010). Kirton et Greene (2015, p. 3) soulignent eux aussi : « Bien que des politiques préventives existent en particulier dans les pays occidentaux pour éliminer la discrimination religieuse, les organisations adoptent généralement une approche moins proactive pour traiter cette question » [2]. Si la résolution par les managers au cas par cas du sujet (Banon et Chanlat, 2014) est d’abord de mise, elle laisse peu à peu place à une volonté d’homogénéiser les réponses.

Phase 2 – L’appui sur des références juridiques

8Passée la phase d’étonnement, beaucoup d’entreprises (de grande taille essentiellement) se penchent sur les règles juridiques pouvant leur permettre de faire face à ces faits religieux. Le principe de laïcité ne s’appliquant pas dans le contexte des entreprises privées, trois piliers juridiques sont repérés par les entreprises. L’enjeu est de garantir à leurs salariés la liberté de croire et de ne pas croire (selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) et l’article L. 1121-1 du code du travail). Les entreprises doivent aussi permettre à leurs salariés de manifester leurs croyances (l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme). Enfin, l’égalité de traitement (l’article 1 de la Constitution française de 1958 et la directive 78/2000/CE) doit être également assurée, et les salariés ne doivent pas être discriminés pour leurs croyances (l’article L. 1132-1 du code du travail). Cependant, cette quête de fondements normatifs à leurs actions laisse subsister des zones grises entre les repères juridiques. Comment, par exemple, s’assurer que garantir la liberté des uns ne se fera pas au détriment d’une égalité de traitement dans l’emploi ?

Phase 3 – La production de guides de « bonnes pratiques » pour appuyer les entreprises

9Les contentieux juridiques qui se multiplient conduisent les entreprises à rechercher d’autres références (Pastor, 2016). Dès les années 2000 aux États-Unis, des guidelines sont construites pour proposer des réponses aux entreprises. Cash et Gray (2000) listent par exemple les questionnements auxquels les entreprises peuvent se rapporter pour proposer des réponses managériales les plus efficaces possibles à ces demandes religieuses. En France, la Halde (aujourd’hui Défenseur des Droits) précise, dans sa délibération du 6 avril 2009, que la liberté́ de religion et de conviction du salarié doit « pouvoir s’exercer dans les limites que constituent l’abus du droit d’expression, le prosélytisme ou les actes de pressions à l’égard d’autres salariés ». Il s’agit de faciliter le bon fonctionnement de l’entreprise (la revendication de la religion ne doit pas entraver les aptitudes pour le travail, l’organisation de la mission et l’intérêt commercial de l’entreprise), d’empêcher toute forme de prosélytisme, et de préserver la santé et la sécurité des salariés. Des organismes se mettent aussi à élaborer des guides pour accompagner les entreprises dans leurs questionnements [3]. Ces repères, produits à l’extérieur des entreprises, par des tiers associatifs ou académiques, facilitent l’appréhension des faits religieux et incitent à la contextualisation des réponses apportées. Ils ne permettent cependant pas de s’assurer que tous les managers auront ces références et les postures adéquates pour répondre à leurs subordonnés ou à leurs collègues.

Phase 4 – La production de règles de contrôle par les entreprises

10La diversité des questions posées et la nécessité de diffuser des « bonnes pratiques » partagées par tous en interne conduisent alors un nombre croissant d’organisations à formaliser leurs pratiques et leurs réponses en élaborant des outils de gestion (Cintas et al., 2013 ; Galindo et Zannad, 2014). Dès lors, chaque organisation produit en interne ses propres repères, identifiés et hiérarchisés selon ses critères (Chan-Serafin et al., 2013). L’objectif de ces nouvelles règles de contrôle est bien ici « de peser sur la régulation des salariés, de chercher à contrôler les zones de liberté et d’autonomie qu’ils s’octroient » (Reynaud, 1988, p. 10). Souvent des guides dédiés au sujet sont élaborés, combinant des rappels des principes juridiques et des mises en situation concrètes qui illustrent des questions/réponses pour gérer les faits religieux (Ludlum, 2016). Les organisations déploient également une diversité d’actions, notamment des formations (Gaillard et Jolivet, 2019), pour sensibiliser le plus grand nombre à ces questions et aux réponses à y apporter.

11Les entreprises ont ainsi avancé pas-à-pas face à ce sujet sensible qu’est la gestion des faits religieux au travail. Beaucoup de grandes entreprises sont ainsi passées d’une attitude passive à une posture active sur ce sujet, en allant vers la production de leurs propres règles de contrôle et la mise en place de dispositifs de gestion.

Les apports de la littérature sur les dispositifs de gestion

12À partir des travaux de Girin (1981) et Berry (1983), une très riche littérature s’est développée, en particulier en France, sur les outils de gestion puis sur les dispositifs de gestion. Les concepts proposés par cette littérature sont particulièrement utiles pour proposer des solutions aux entreprises qui souhaitent concevoir des outils de gestion pour gérer les faits religieux.

13Tout d’abord, cette littérature définit les outils de gestion comme une « formalisation de l’action organisée » (Moisdon, 1997, p.7). Elle montre qu’ils sont des « constructions sociales » (Gilbert, 1998 ; Akrich et al., 2006). Ce concept est crucial, parce que, par leur dimension technique, les outils de gestion sont souvent considérés par les acteurs des organisations comme des « donnés » (Lorino, 2005). En particulier, les utilisateurs considèrent que ces outils s’imposent tels qu’ils sont, qu’ils ne pourraient être autres et qu’ils ne peuvent pas être transformés. Pour illustrer ce point, nous pouvons citer les travaux de Bayart (1995). En faisant l’histoire du concept de « qualité » dans l’industrie, l’auteur montre que ce que l’on croit intuitivement comme un état donné, immuable et indiscutable (une production est de qualité ou elle ne l’est pas) est en réalité le résultat d’une véritable histoire, construction sociale, qui requiert du temps et le développement de nombreux outils et savoirs (parmi lesquels, en particulier, une théorie du contrôle statistique). Les recherches sur les outils de gestion ont révélé que cette vision « représentationniste » des outils de gestion, qui considère ces derniers comme le reflet fidèle d’une réalité opérationnelle, ne constitue pas une conceptualisation pertinente des outils de gestion (Lorino, 2018). Au contraire, ceux-ci sont des constructions sociales et le fruit d’interactions complexes entre des acteurs aux intérêts divergents (Chiapello et Gilbert, 2013). De ce fait, ils pourraient être très différents de ce qu’ils sont actuellement. La forme qui sera finalement retenue pour un outil de gestion fait complètement disparaître le « tourbillon » des conditions sociales de sa conception (Woolgar et Latour, 1988 ; Latour, 1992 ; Dreveton, 2010).

14Ce concept est crucial pour penser les outils de gestion des faits religieux, parce qu’il indique que leur conception se fait dans le cadre juridique rappelé ci-dessus, mais qu’elle est ensuite aussi structurée par des logiques d’acteurs et des contextes spécifiques à une organisation donnée. La conception des outils de gestion du fait religieux doit donc être analysée comme un véritable acte managérial, par lequel les différentes coalitions d’acteurs dans les entreprises organisent collectivement les compromis sur leur manière de gérer les faits religieux.

15Ensuite, cette littérature met en évidence que les outils de gestion peuvent prendre des formes très différentes (notes de service, guides, systèmes plus ou moins formalisés de récompenses et de sanctions, etc.) (Brivot et Gendron, 2011). Ce faisant, elle souligne surtout l’importance de ne pas limiter l’analyse à un seul outil de gestion (Rabardel, 1995 ; Rabardel et Bourmaud, 2003). La prise en compte de la seule dimension technique d’un unique outil de gestion conduit l’analyse à passer à côté de ce qui fait le cœur de la dynamique d’un outil de gestion (Hatchuel et Weil, 1992 ; Labatut et al., 2011). Cette littérature démontre ainsi qu’il est nécessaire de s’intéresser aux dispositifs de gestion, c’est-à-dire aux agencements complexes de multiples humains et non-humains, acteurs et outils de gestion ici considérés sur un plan d’égalité (Boussard et Maugeri, 2003 ; Akrich et al., 2006). Les dispositifs de gestion doivent donc être pensés comme s’inscrivant au cœur d’une interaction entre les individus, leur travail et l’organisation (Rabardel et Bourmaud 2003).

16Enfin, cette littérature souligne l’importance d’analyser la dynamique d’usage et d’évolution des outils de gestion. Le concept d’appropriation joue ici un rôle central (de Vaujany, 2006). Les outils de gestion ne sont jamais appliqués tels que les concepteurs prévoient qu’ils le soient (Aggeri et Labatut, 2010). Certains usages sont conformes, mais la plupart d’entre eux ne correspondent pas à ce que les concepteurs initiaux prévoyaient (Grimand, 2012). Les usages imprévus par les concepteurs initiaux constituent ainsi le cœur de l’appropriation des outils de gestion. Ils sont si présents que, par un effet retour, ils contribuent souvent à transformer l’outil de gestion lui-même (Oiry, 2011).

17En synthèse, la littérature sur les outils de gestion développée en France depuis les années 1980 propose des concepts, que nous estimons particulièrement utiles pour identifier comment concevoir les dispositifs de gestion des faits religieux en entreprise. Elle propose en particulier de considérer les outils de gestion :

  • comme des dispositifs (et pas des outils de gestion isolés),
  • co-construits par de multiples acteurs dans l’entreprise,
  • pour répondre à des défis spécifiques à leur organisation,
  • et qui s’inscrivent dans une dynamique temporelle longue de transformation.

Design de la recherche

18Nous nous situons ici dans une méthodologie de cas « génératif » (Siggelkow, 2007). Ce cas nous permet à la fois d’analyser nos données grâce aux concepts proposés par la littérature sur les dispositifs de gestion, et d’enrichir cette littérature et celle consacrée aux faits religieux dans les entreprises. Malgré son actualité majeure, ce sujet reste sensible (Chan-Serafin, Brief & George, 2013), et les entreprises hésitent encore à avouer leurs difficultés, et donc à laisser les chercheurs analyser leurs pratiques. Pour contourner cette difficulté et obtenir simultanément un nombre important de cas d’entreprises, nous avons mis en place un dispositif de recherche-action (David, 2001), en animant pendant trois ans des réunions d’échanges d’un club.

Miniature du XVe siècle, réunion antique sur le bornage des champs

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Miniature du XVe siècle, réunion antique sur le bornage des champs

« Un club de responsables d’entreprises peut être assimilé à un réseau d’organisations, c’est-à-dire à une collection d’acteurs qui poursuivent et répètent des relations entre eux, sans pour autant qu’il y ait une autorité organisationnelle légitime. »
Photo © Tarker/ BRIDGEMAN IMAGES

Le club comme mode de recueil des données

19Un club de responsables d’entreprises peut être assimilé à un réseau d’organisations, c’est-à-dire à un regroupement d’acteurs qui poursuivent et répètent des relations entre eux, sans pour autant qu’il y ait une autorité organisationnelle légitime (Podolny et Page, 1998). Plusieurs vertus sont notamment prêtées à ce type de lieu de collaborations ou d’échanges (Marinos, 2018). La connaissance tacite y est développée à travers des partages d’informations et d’expériences, ce qui rend d’ailleurs les entreprises plus enclines à adopter des solutions innovantes (Bevort, 2006 dans Marinos, 2018). Le capital social des membres du club est renforcé ; le club leur permet de densifier leurs relations et d’occuper une position à la frontière entre leurs entreprises, les autres organisations, et plus largement leur environnement. Ces membres appartiennent alors à une communauté d’intelligence (Cucchi, 1999 ; Polge, 2009), réunie autour d’« un engagement mutuel (réciprocité car on donne du temps dans l’attente d’un retour), une entreprise commune (il existe bien une structure), un répertoire partagé (comme des ressources pour communiquer) » (Marinos, 2018, p. 124).

20Nos données ont été recueillies dans le contexte d’un club dédié aux partages d’informations et de pratiques sur le sujet du fait religieux. L’objectif de ce club converge avec celui d’autres clubs : « Les membres œuvrent dans des métiers différents, dans des organisations distinctes et les productions de connaissance débouchent sur des outils opérationnalisables et non sur de bonnes pratiques directement opérationnelles » (Polge, 2009, p. 229). Il réunissait, sur des périodes de trois à cinq mois, une fois par mois, des DRH, responsables de la diversité, directeurs juridiques et directeurs de la sécurité, et ce, de 2016 à 2019 (Tableau 1).

Tableau 1

Réunions et membres du club

AnnéesNombre de réunionsMembres du clubNombre d’interventions de chercheursNombre de témoignages de représentants d’entreprises
20165ADP, Atlantic, Bouygues, CDC, Covea, EDF, Egide, Danone, MMA, Michelin, Orange, Pôle Emploi, RTE, SNCF, Société Générale, Veolia95
20173Atlantic, BPCE, CDC, Covea, Leroy Merlin, Orange, RATP, RTE, Safran, SEB, SNCF, Veolia55
20171Réunion ouverte (membres du club et autres entreprises)2-
20193BPCE, Enedis, Essilor, Française des Jeux, Pôle Emploi, Leroy Merlin, Orano, RATP, RTE, Safran, Total45

Réunions et membres du club

21Comme le souligne ce tableau, ce club réunit principalement de grandes entreprises françaises, publiques, EPIC et privées. Chaque séance du club est rythmée par des interventions de chercheurs et du pilote scientifique du club, et des témoignages de représentants d’entreprises (appartenant ou non au club).

La posture du chercheur-animateur du club

22L’enjeu pour le chercheur a été d’être à la fois apporteur de connaissances et de mises en perspectives, et animateur des échanges. Progressivement, la richesse des interactions et des documents recueillis a conduit le chercheur à vouloir mobiliser toutes ces données à des fins de recherche. Le chercheur accompagnait les interactions entre les membres du club sans intervenir pour chacune des entreprises représentées. Notre posture peut dès lors être rapprochée d’une observation participante, c’est-à-dire une méthode de recherche qui renvoie à « des situations dans lesquelles le chercheur observe une collectivité sociale dont il est lui-même membre » (Platt, 1983 dans Berger-Douce, 2010, p. 135). Elle consiste à la fois à participer aux échanges et à observer, avec le prisme du chercheur, les données récoltées. Elle est privilégiée pour accéder aux données éminemment confidentielles sur le sujet tabou du fait religieux en entreprise, et aller vers un niveau de compréhension et de réflexion quasi inédit que proposent « des situations d’interactions non conçues au départ comme des occasions de recherche » (Crespo-Febvay et Loubès, 2019, p. 85). La qualité de ces données traduit en définitive la confiance octroyée par les membres du club au chercheur (identifié en tant que tel).

Les données recueillies

23Nous avons bénéficié d’un positionnement privilégié en tant que pilote scientifique et animateur des différentes séances du club pour récolter une variété de données (voir Tableau 2 page suivante). Nous avons en effet mené des entretiens préalables à tous les témoignages de représentants d’entreprises (d’une durée allant de 30 minutes à 2 h 30). Des prises de notes détaillées ont été faites à chaque séance, complétées ultérieurement par les écoutes des enregistrements de certains échanges et les comptes-rendus (effectués par un tiers) de ces séances. Des documents (diapositives PowerPoint, guides, chartes…) ont été également collectés lors de ces séances.

Tableau 2

Les données recueillies pour la recherche

AnnéeTypes de données recueillies
20165 entretiens semi-directifs préparatoires aux séances du club
Questionnaire préparatoire sur les actions mises en œuvre pour gérer les faits religieux (11 réponses)
5 comptes-rendus des séances de travail
4 guides ou chartes
3 présentations PowerPoint des démarches mises en œuvre par les entreprises
Enregistrements audios des séances de débats
Prises de notes systématiques lors de chaque séance
20175 entretiens semi-directifs préparatoires aux séances du club
5 présentations PowerPoint des démarches mises en œuvre par les entreprises
2 guides ou chartes
Enregistrements audios des séances de débats
4 comptes-rendus des séances de travail
Prises de notes systématiques lors de chaque séance
20195 entretiens semi-directifs préparatoires aux séances du club
4 présentations PowerPoint des démarches mises en œuvre par les entreprises
2 guides ou chartes
3 comptes-rendus des séances de travail
Prises de notes systématiques lors de chaque séance

Les données recueillies pour la recherche

24En adoptant l’analyse thématique « pas-à-pas » décrite par Braun et Clarke (2006), nous avons d’abord cherché à nous approprier la variété des matériaux de recherche. Pour ce faire, nous avons procédé, indépendamment, à une relecture systématique de chaque type de données récoltées, afin de commencer à dégager les concepts et idées clefs.

25Nous avons déterminé les thèmes principaux de notre analyse après ces lectures attentives : facteurs déclencheurs, acteurs impliqués, étapes du processus, durées, outils mis en place, freins, leviers, modifications des dispositifs. Par la suite, nous avons mené :

  • des analyses thématiques verticales : où chaque type de données a été découpé en différents thèmes (principaux, secondaires et émergents) ;
  • des analyses thématiques horizontales : où ont été rapprochées les données concernant chaque thème, ce qui nous a permis d’aller progressivement vers une triangulation des données.

26Ce « bricolage » dans l’analyse des données, décrit par Dumez (2016), nous est apparu indispensable pour conserver la variété des données et continuer d’aller vers leur rapprochement. En aucun cas, il ne s’agissait de chercher à idéaliser les processus mis en œuvre, mais plutôt à reconnaître les biais possibles (Creswell, 2013) et à mentionner les incidents ou cas déviants (Bisel et Barge, 2011) qui viennent perturber l’homogénéité des démarches initiées par les entreprises.

Résultats

27Les données issues du club soulignent à la fois la diversité des enjeux poursuivis par les entreprises et la très progressive évolution de celles-ci vers l’élaboration de dispositifs de gestion plus « systémiques ».

Des entreprises contraintes de penser des dispositifs de gestion

28Confirmant ce qui a été identifié dans la littérature pendant de nombreuses années, les entreprises françaises présentes dans ce groupe ont adopté des attitudes réactives vis-à-vis des situations rencontrées en lien avec les faits religieux. Certaines participent au club dans l’attente d’agir : « Nous sommes à la recherche d’une conviction sur le sujet [4] ». Toutefois, la plupart sont déjà engagées dans un processus de production de règles, qui trouve ses origines dans trois types d’événements :

  • La mise en conformité avec les dispositifs légaux : pour certaines entreprises publiques ou à missions de service public, il est parfois nécessaire de rappeler l’application et la portée du principe de laïcité. Ainsi, la rédaction d’une clause de neutralité ouvre la porte à des réflexions plus larges sur sa mise en œuvre, et enclenche un processus d’outillage dans ce domaine.
  • L’intégration dans une démarche inclusive plus globale : des démarches plus générales de gestion de la diversité sont aussi engagées dans nombre d’entreprises. Un des volets de ces politiques est celui de la diversité religieuse. Par exemple, la politique en faveur de la diversité et l’inclusion présente cinq priorités pour une des entreprises du club, parmi lesquelles celle sur les origines, elle-même découpée en sous-thèmes, à savoir les minorités, l’interculturel et les faits religieux. Ce dernier point est dès lors introduit dans la lignée des autres dispositifs mis en place, et devient un sujet auquel sont attachés des dispositifs de gestion.
  • Une réaction à un événement : pour certaines entreprises, le point de départ est associé à un événement marquant. Pour l’une, une salle de prière clandestine trouvée dans les locaux de la direction et une DRH qui veut « dégainer fort » ou, pour une autre, un salarié pris en photo en train de prier à côté de son camion et en tenue de travail. Les réactions des entreprises découlent aussi parfois d’un faisceau d’événements, pas forcément marquants, mais qui conduisent à l’identifier comme un sujet devant désormais être géré. Les remontées du terrain, le plus souvent sous forme de questions, sont ainsi mentionnées comme étant à l’origine de dispositifs de gestion. Il s’agit donc de sortir de l’exhortation au « bon sens », au « bien vivre ensemble » formulés par certains, pour aller vers le management de ce type de situations organisationnelles. L’enjeu est alors de « donner des clefs de compréhension aux managers » partagées par tous.

29Ainsi, les dispositifs pour gérer la religion sont souvent initiés en réaction à un contexte soit propice à ce type de réflexions, soit dans l’attente de réponses rapides. Participer à ce club est aussi un moyen pour d’autres de s’initier au sujet, de commencer à penser aux dispositifs qui pourraient éventuellement être mis en œuvre si une démarche telle était initiée.

Des dispositifs qui incluent des formations et des processus organisés de diffusion

30Lorsqu’elles conçoivent des dispositifs de gestion des faits religieux, ces entreprises s’appuient sur trois dimensions complémentaires.

Les outils au centre des dispositifs

31La recherche de régulation conduit nombre d’entreprises à produire leurs propres repères. Elles visent alors les managers pour les aider à faire face aux situations à gérer : « pour donner la clef de compréhension aux managers ». Selon les cas, elles choisissent de produire une charte, un guide ou de mobiliser un guide existant : « On remet une pochette le jour de la formation avec le guide élaboré par le ministère du Travail ». Dans tous les cas, ces supports de gestion sont composés de rappels juridiques et de mises en situation pour les managers de proximité. Un outil formalisé apparaît ainsi nécessaire pour caractériser les politiques et pratiques initiées, et celles à adopter à l’avenir. Ces outils sont perçus comme un moyen de normaliser et d’homogénéiser les réponses, et d’engager des discussions autour de repères partagés (notamment juridiques) : « C’est un outil pour la discussion avec les collaborateurs ». Tous ces outils signalent en interne que des règles et des voies de réponses existent, dont la connaissance est attendue de la part de tous. Ils sont au cœur de toutes les démarches initiées en ce sens. Ils sont cependant non contraignants et n’ont pas de valeur juridique : il s’agit de « produire un cahier de ‟bonnes pratiques pour accompagner les demandes des managers” ». Dans de rares cas, les chartes sont présentées comme plus contraignantes pour les salariés : « Ils doivent tous la signer ».

La formation perçue comme indispensable

32Toutes les entreprises, sans exception, placent la formation au centre de leurs dispositifs. En présentiel, pour amener les managers à considérer le contexte (notamment légal) de ces situations professionnelles, pour organiser des mises en situation ou pour sensibiliser à des sujets sensibles (par exemple, celui de la radicalisation) : « Ça donne du sens, une grille de lecture ». Ces formations se déroulent aussi parfois en ligne, via des serious games, de courtes vidéos sur certains sujets (comme la laïcité). Elles amènent les acteurs de proximité à s’exprimer sur ce sujet sensible, « on entend les langues se délier au fil de la journée », à connaître et à s’approprier les outils déployés, mais aussi permettent de faire remonter certains cas méconnus par les directions de ces entreprises. Elles sont aussi le lieu d’échanges entre les managers, leur permettant de sortir de l’isolement parfois ressenti face à ces situations.

La diffusion organisée

33Les outils produits sont associés à des modes de diffusion contextualisés selon les entreprises. Donnés en mains propres après une formation dans l’une : « Il faut suivre la journée de formation pour avoir le guide », diffusés sur l’intranet « après 15 clics pour le trouver » ou conservés au niveau des responsables de la diversité et des DRH « au cas où » dans une autre. Pour faciliter l’appropriation de ces outils, un jeu de questions/réponses ou des QCM est parfois mis en place. Dans la plupart des entreprises concernées, cette diffusion est graduée, comme pour cette entreprise qui a d’abord prévu une diffusion pour les managers et les RH, et ensuite (sans horizon déterminé) une diffusion « peut-être à tous et plus large ». La diffusion des outils produits est parfois aussi optionnelle : « Les guides sont donc diffusés selon le bon vouloir des managers ; ils n’y sont pas obligés ». Les membres du club semblent davantage croire à une diffusion « naturelle » plutôt qu’à « une marche forcée » : « Beaucoup de personnes parlent de la formation… ça a infusé ».

34Le cas de l’entreprise A permet de voir comment ces trois dimensions peuvent être articulées concrètement (voir Encadré 1, page suivante).

Encadré 1 : Exemple de dispositif de gestion mis en place dans l’entreprise A

  1. Production d’un guide « du bien-vivre ensemble » élaboré par un groupe de travail associant des opérateurs de terrain.
    Le guide est composé d’études de cas et d’une grille d’action managériale.
  2. Diffusion du guide : via des réunions de déploiement auprès de tous les salariés sur les sites.
  3. Formations auprès de tous les acteurs et appui sur un jeu de cartes pour familiariser les salariés aux différents types d’acteurs et de réactions dans les entreprises.
  4. Des relais : des experts de la diversité sont nommés et formés : « Les experts passent des messages et, en cas d’incident, incitent à ne pas laisser la situation en l’état mais à aller parler à la personne concernée ».

Les caractéristiques des dispositifs de gestion mis en place

35Ces dispositifs sont développés dans une logique que l’on peut qualifier de prudente et « inclusive » :

Une mise en place sur un temps long

36Les entreprises ont pris du temps (entre 1 an et 2,5 ans selon les témoignages recueillis) entre l’initiation de la démarche et la diffusion des dispositifs de gestion. Elles se sont engagées dans un processus, souvent décrit comme une succession d’étapes clefs (par exemple, les présentations aux directions, la constitution de groupes de travail, les premiers ateliers de formation). Surtout, les outils mis en place sont, dans la plupart des cas, repensés, voire reconstruits après quelques mois ou années (Figure 1 ci-dessous).

Figure 1

Un dispositif mis en place en longitudinal dans l’entreprise E

Figure 1

Un dispositif mis en place en longitudinal dans l’entreprise E

37Comme le souligne la chronologie précédente, la mise en place des dispositifs dans l’entreprise E s’est déroulée en dynamique sur plusieurs années (Encadré 2 ci-dessous).

Encadré 2 : Les éléments clefs du dispositif de gestion mis en place dans l’entreprise E

La première version considérée comme « assez molle par rapport à la posture donnée » a cependant permis d’initier le processus, et d’organiser son évolution.
  1. Des entretiens ont été conduits avec des managers des métiers pour identifier les cas rencontrés, deux déplacements organisés sur le terrain, des rencontres avec des chercheurs initiées… afin d’affiner la nouvelle démarche.
  2. Un comité de pilotage, composé des pôles innovation, diversité et performance au travail, de représentants des métiers, des fonctions éthique ou sécurité et intelligence économique, a ensuite plus précisément permis de retravailler le contenu de la nouvelle version du guide, plus axé sur « des études de cas et des grilles d’actions managériales ». Cette démarche a permis à l’entreprise de passer d’une posture « uniquement portée sur le salarié demandeur » à une posture où l’entreprise se questionne : « Quels sont ses droits vis-à-vis du salarié ? Et quels sont les devoirs du salarié à l’égard de l’entreprise ? » (responsables de la diversité).
  3. Contrairement à la première version, un ensemble de démarches sont prévues : relectures et présentations avant la diffusion à différentes parties prenantes (managers identifiés, comité de direction, filières RH et juridique, syndicats…).
  4. La démarche de diffusion est également prévue à travers des formations, des serious games… afin de permettre à l’ensemble des acteurs d’« assimiler » les outils.
  5. Enfin, une veille et un pilotage dans la durée sont organisés via un réseau de correspondants de la diversité et des métiers, et la direction de l’éthique et de la conformité, afin de veiller à la cohérence des réponses apportées et à identifier de nouvelles problématiques éventuelles.

38Cet exemple est emblématique de la mise en œuvre progressive des dispositifs de gestion et des différentes versions proposées dans les entreprises au fil du temps. D’autres entreprises ont ainsi retravaillé les outils mis en œuvre (guides actualisés notamment), mais ont surtout repensé l’ensemble des dispositifs en associant davantage d’acteurs, en prévoyant des canaux de diffusion et d’actualisation.

Des précautions initiées par les directions générales

39Tout au long de ce processus, certains membres du club relatent les blocages initiaux de leur direction, voire ses revirements : « On a d’abord eu un veto du président, en disant : ‟On ne va pas faire comme ça”, puis qui nous a obligés à commencer par interroger les 100 dirigeants de l’entreprise en France et qui nous a dit : ‟On commence par le haut” » (responsable de la diversité). Force est de constater que même si les demandes proviennent de situations de terrain, l’initiation de la démarche est prise en main par la direction, dans une logique top-down, avec des visées d’homogénéisation mais aussi de préservation de la réputation de l’entreprise, car le sujet est considéré comme stratégique pour certaines : « Chez nous, c’est un moyen d’affirmer que notre entreprise doit avoir ses valeurs ». Ces précautions se traduisent par l’obligation de « devoir peser tous les mots » et d’accepter que ces démarches soient menées « pas-à-pas ». Les directions se positionnent comme les « garantes » du processus et exigent qu’elles puissent valider chacune des étapes du développement du dispositif. Le fait qu’une direction en fasse un sujet stratégique a un effet ambivalent, certaines fois cela accélère le processus de mise en œuvre : « Le sujet est porté par la direction générale pour donner du sens » ; d’autres fois, cela le ralentit, parce qu’un surplus de précisions est demandé.

La co-construction par une diversité d’acteurs

40Le processus de mise en place des dispositifs de gestion associe, dans toutes les entreprises, différents types d’acteurs, ce qui permet, d’un côté, d’assurer la pluralité des points de vue sur le sujet et, d’un autre, de contribuer indéniablement à le ralentir. Certains acteurs sont considérés comme des moteurs « évidents » de ces processus. Les responsables de la diversité sont souvent en première ligne, en tant qu’initiateurs, porteurs et garants de ces dispositifs. Ils travaillent en collaboration avec d’autres fonctions de l’entreprise : « La démarche a été initiée par le DRH Groupe en association avec les responsables diversité, juridiques, éthique et sécurité ». De fait, une multiplicité d’acteurs, avec des pratiques et temporalités différentes, se retrouvent associés à ce sujet, parfois sous la forme d’un groupe-projet dédié à la production d’outils ou du moins de réponses face aux situations les plus récurrentes : « On a mis en place un groupe de travail sur ‟comment répondre à une femme voilée” ». Les syndicats jouent aussi des rôles différenciés : moteurs dans une entreprise « vous n’allez pas assez loin… vous auriez dû même être plus stricts », collaborateurs dans certaines entreprises « la charte a été co-écrite avec les organisations syndicales », « les syndicats ont été à l’écoute pour trouver des solutions ensemble », suiveurs dans d’autres « les syndicats sont très discrets », mais très rarement bloquants (Encadré 3 ci-dessous).

Encadré 3 : Exemple de co-construction avec les acteurs de l’entreprise C

  1. État des lieux des situations à gérer : par les responsables de la diversité
  2. Questionnaire auprès de tous les salariés et de la direction
  3. Groupe-projet (14 personnes) : actions de sensibilisation et diffusion des résultats du questionnaire
  4. Production d’un cahier de recommandations par le groupe-projet
  5. Production d’un guide par le groupe-projet

41Les précautions prises et l’implication d’une variété d’acteurs à différentes étapes conduisent à retarder le processus, parfois même à le bloquer ou à le réviser. Dans tous les cas, les entreprises avancent prudemment face à ces questions, et n’hésitent pas à ralentir le projet afin de le sécuriser au maximum. Le temps pris pour mettre en place le dispositif permet de penser la complémentarité de pratiques pouvant intégrer ces dispositifs de gestion.

Des dispositifs spécifiques à chaque pays

42Ces dispositifs de gestion sont souvent présentés comme étant contextualisés au cas français. En effet, les spécificités locales sont avancées pour justifier de dispositifs restreints au contexte national : « On est extrêmement prudents par rapport à une perspective mondiale », « on n’a pas de possibilité de politique commune ; la France est un cas particulier par rapport au sujet ». Les dispositifs de gestion ne concernent donc pas et ne sont pas diffusés dans d’autres contextes, par exemple celui des États-Unis où « la religion est partout », ou certains pays où « les femmes sont voilées, et ça ne pose pas de questions ». Toutefois, beaucoup de ces entreprises soulignent aussi le rôle « exemplaire » du cas français : « La posture en France est regardée à l’international ».

Des dispositifs qui répondent aux difficultés des managers

43« Avant, les managers étaient livrés à eux-mêmes. Ils ont [aujourd’hui] un outil pour la discussion » ou « [pour] gérer l’inconfort », « on apporte de l’info » et « le fait de réaffirmer une règle a un impact très important ». Ces dispositifs permettent de produire des réponses claires et cohérentes (« On a une cohérence des réponses ») et de sortir de cas conflictuels et/ou périlleux pour l’image de l’entreprise : « Ça nous a permis de ‟dépiéger” le sujet », « on met en place des pare-feu ». L’objectif ultime est, dans ce contexte, de « vivre ensemble », de « bien travailler ensemble » ou de « vivre en paix », expressions largement mobilisées dans le club pour envisager les enjeux des questionnements en cours. Mais il est important de souligner que ce n’est pas une réponse idéale qui est ici recherchée, mais plutôt une réponse managériale respectant les principes juridiques et appuyée sur la culture de l’entreprise.

Discussion

44Sur la base des repères conceptuels proposés par la littérature sur les dispositifs de gestion, l’analyse des données recueillies propose plusieurs contributions théoriques et managériales.

Contributions théoriques

45Alors que de très nombreux travaux soulignent la « gestionnite » ambiante, à savoir le développement permanent et rapide de nouveaux outils qui peinent à prendre sens par rapport aux pratiques des managers (Detchessahart et Journé, 2007), nos données mettent en avant que, dans le domaine des faits religieux, les entreprises font preuve d’une conception que l’on pourrait qualifier d’« exemplaire » des dispositifs de gestion. En effet, nos données montrent que les entreprises prennent leur temps, font évoluer leurs outils, construisent des dispositifs riches qui articulent différents outils, pensent la formation et les processus de diffusion. On retrouve ici toutes les caractéristiques du « management polyphonique » du changement (Pichault, 2013). Elles se plaignent alors de « résistances au changement » (Bareil, 2009) d’outils qui ne produisent pas les effets attendus et qui sont abandonnés peu de temps après leur conception (Chiapello et Gilbert, 2013). Confrontées à une GRH sensible (Renzetti et Lee, 1993 ; Condomines et Hennequin, 2013), il semble que les entreprises redécouvrent l’importance de ces dimensions du « management polyphonique » : inscrites dans une dynamique temporelle longue, elles font preuve de prudence et construisent le sens de leurs outils en impliquant le plus d’acteurs possibles. Les précautions prises par les entreprises pour construire des politiques sur des sujets RH sensibles apparaissent ici comme de bonnes pratiques qu’il conviendrait sans doute de suivre dans tous les domaines de la GRH.

46Nos données soulignent également de nombreux cas de « réussite » de dispositifs de gestion incitatifs et non pas contraignants. Ces résultats mettent en évidence que les dispositifs de gestion, construits en respectant les caractéristiques identifiées ci-dessus, n’ont pas besoin de s’appuyer sur un mécanisme de récompenses et de sanctions pour être utilisés et produire des effets dans les organisations. Pour faire le parallèle avec les recherches sur les rémunérations variables (Landry et al., 2017), il ressort que les dispositifs de gestion des faits religieux devraient donc être « informants » plutôt que « contrôlants ». Les modes de gestion des faits religieux tels qu’attendus par l’organisation seraient ainsi valorisés a posteriori plutôt qu’imposés a priori.

47Ce faisant, notre travail propose une vision alternative, positive, qui met en valeur les « dispositifs de gestion exemplaires » mis en place par les entreprises, alors que la littérature sur la gestion des faits religieux au travail accentue quasi systématiquement les difficultés associées à ce sujet comme le soulignait récemment Miller (2020) [5]. Comme cet auteur, sans nier les « forces conflictuelles » liées à ce sujet, nous démontrons ici comment les dispositifs de gestion peuvent soutenir une approche faith-friendly (Miller et Ewest, 2015) ou faite « d’accommodements » (Galindo et Zannad, 2014), et ainsi converger vers des lignes directrices d’actions communes, alors que le sujet de la religion est considéré comme éminemment contextualisé (Honoré et al., 2019).

48Cette recherche repositionne aussi les outils/dispositifs de gestion au centre des démarches pour la diversité. Elle se différencie ainsi des nombreux travaux centrés sur les politiques, et leurs enjeux, initiées par les entreprises, ou centrés sur les spécificités et expressions individuelles de la diversité (Héliot et al., 2020). Elle se situe à un niveau intermédiaire, éclairant les pratiques et les processus effectivement mis en œuvre dans les organisations. Elle place ces actions dans le paradigme émergent de la gestion de la diversité, identifié par Thomas et Ely (1996) sous l’appellation Learning Effectiveness. L’enjeu pour les entreprises correspond en effet ici à cette nouvelle approche, c’est-à-dire vouloir à la fois reconnaître et valoriser les différences des salariés, dans un effort commun d’apprentissage. Notre recherche se démarque ainsi des approches de gestion de la diversité traditionnellement inscrites dans les deux premiers paradigmes identifiés par ces auteurs et basés sur une vision normalisante (où tous les individus devraient être assimilés dans une norme commune), ou différenciante (où les individus seraient reconnus par leurs différences). Nos résultats qui présentent des dispositifs de gestion (et non uniquement des outils), et les précautions prises pour leur conception, apparaissent comme une possibilité de donner un contenu réel à cette approche renouvelée et inclusive de la diversité.

Implications managériales

49Ce travail revêt un caractère pragmatique pour les entreprises qui souhaitent mettre en place ou développer des actions pour gérer la diversité religieuse au travail. Il incite à penser de manière systémique cette démarche, et à aller au-delà d’une vision souvent focalisée sur un outil (les guides) et initiée par mimétisme. Il souligne également que tous les acteurs de l’organisation doivent y être associés, la direction générale pour contribuer à donner du sens, mais aussi l’ensemble des managers et des employés pour s’assurer de leur appropriation de ces dispositifs. Alors que les démarches pour la diversité suivent souvent une logique top-down (Thomas et Ely, 1996), ce travail remet en lumière les rôles de démarches bottom-up afin d’appréhender les attentes des managers et plus largement des salariés, et recueillir leurs feedbacks sur les dispositifs initiés. Il confirme enfin que la prudence doit guider tous les processus, quitte à les ralentir si le dispositif ne semble pas répondre aux enjeux diversifiés des uns et des autres. Enfin, notre recherche souligne l’intérêt du club de réflexion pour ces entreprises, source d’améliorations croisées, formelles et informelles, et d’incitations à agir entre les membres, au-delà des informations a priori recherchées.

Perspectives futures de recherche

50Comme toutes les recherches, cette analyse connaît des limites qui constituent autant de pistes d’étude. En particulier, ce travail repose sur des données recueillies à l’occasion de réunions d’un club, lors d’échanges entre les membres d’organisations ayant déjà mis en œuvre ces dispositifs, ou commençant ces démarches. Ces organisations bénéficient ainsi d’un benchmark et d’un apprentissage croisé, qui les a conduites à adopter la vision systémique et prudente décrite précédemment. Il sera intéressant à l’avenir d’étudier les dispositifs de gestion mis en œuvre par d’autres entreprises, n’appartenant pas à ce club et ayant des caractéristiques très différentes, par exemple les PME et les ETI. Auront-elles le même type de démarche face à ce sujet sensible ? Cette même question pourrait être posée à des entreprises évoluant dans un autre contexte national, notamment anglo-saxon, marqué par des différences historiques, juridiques et culturelles déterminantes pour envisager la gestion des faits religieux au travail (Honoré et al., 2019).

51Il serait aussi opportun d’étudier la diffusion de ces méthodes à d’autres thématiques de la diversité. Des politiques et des pratiques ont en effet été mises en place pour les dimensions émergées de la diversité (le genre, l’âge, le handicap), et ont ensuite souvent été mobilisées pour d’autres « dimensions immergées de la diversité » (Cui et al., 2015). Est-ce que la gestion de la diversité religieuse pourrait initier un processus inverse, en apportant une vision renouvelée des démarches déjà mises en œuvre – ou qui pourraient l’être – pour d’autres types de diversité ?

52Enfin, l’avenir de ces processus est à interroger. Les entreprises de notre échantillon sont allées au-delà de « l’apprentissage émergent » mis en évidence par Galindo et Surply (2013). Avec ces dispositifs de gestion, elles sont entrées dans une phase d’intégration, qui leur a permis d’aller vers une compréhension partagée du sujet en interne et vers une coordination par ajustement mutuel. Il sera intéressant de voir comment elles pourraient passer à l’étape ultime de cet apprentissage : l’institutionnalisation (Crossan et al., 1999), ou la mise en place de routines et de répétitions des actions. Reste à savoir, cependant, si les entreprises ont pour ambition d’aller vers la systématisation des réponses sur ce sujet aussi sensible et imprévu qu’est la religion au travail…

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Date de mise en ligne : 02/03/2021.

https://doi.org/10.3917/geco1.143.0037

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