Notes
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[1]
C’est en effet le responsable d’équipe technique qui conserve l’autorité sur ses techniciens mandatés comme chargés de surveillance, y compris ceux qui sont détachés au service du projet, et ce, même si lui-même n’en fait pas partie et n’en connaît ni les contraintes ni les exigences.
Introduction
1Le site industriel que nous étudierons dans cet article appartient à la catégorie des « organisations à haute fiabilité » (High Reliability Organizations, HRO), qui font de la sûreté leur priorité (ROBERTS, 1990). À l’instar d’autres organisations de type HRO, cette entreprise se trouve confrontée à une montée en puissance des objectifs de performance industrielle, comme l’ont bien constaté Starbuck et Farjoun dans leurs travaux (2005). Désormais, la contrainte de la performance économique s’accroît, elle doit être combinée avec les objectifs, classiques, de sûreté de l’installation et de sécurité des personnels, qui restent toujours prioritaires. Cette évolution ne manque pas de mettre les activités opérationnelles sous tension, en particulier les opérations de maintenance qui doivent être effectuées avec le même niveau de qualité, mais dans des délais mieux maîtrisés (GENTIL et TILLEMENT, 2015). L’enjeu est de réduire le temps durant lequel les installations sont à l’arrêt pour cause de maintenance, de manière à accroître le temps consacré à la production.
2Pour faire face à ces nouveaux enjeux, l’entreprise, bien consciente de l’importance de la coordination opérationnelle pour construire une performance articulant fiabilité et performance économique, a fait le choix d’un management par projet pour piloter ses opérations de maintenance. Elle a développé au fil du temps de nombreux dispositifs visant à « outiller » la communication autour du travail opérationnel de manière à piloter le projet de maintenance au plus près de l’activité. Ces dispositifs ont conduit à une multiplication des espaces de communication quotidienne entre les acteurs du projet et les acteurs représentant les différents métiers impliqués dans la maintenance. Toutefois, ces dispositifs n’ont pas produit tous les effets escomptés, le site faisant face non seulement à des problèmes persistants de performance industrielle (les durées des arrêts dépassant les délais planifiés), mais aussi, ces dernières années, à des tensions en matière de qualité de vie au travail.
3Dans ce contexte, la direction des Ressources humaines, très vite soutenue par la direction industrielle du groupe, a fait appel, en 2013, à notre équipe de recherche. Notre étude a consisté en l’élaboration d’un diagnostic et en l’accompagnement d’une démarche de transformation de l’organisation afin de repenser le design des espaces de communication pour en faire de véritables espaces de discussion sur le travail (DETCHESSAHAR, 2013), dans lesquels se construise la performance globale d’un projet de maintenance. Il s’agissait de sortir de la situation paradoxale à laquelle avaient finalement conduit les dispositifs de communication opérationnelle déployés dans l’entreprise : le travail demeurait très largement silencieux, au sens où il restait absent des arènes de dialogue qui avaient été ouvertes dans le cadre de la gestion des projets de l’entreprise, alors que la communication devenait de plus en plus cacophonique, les différents lieux de coordination délivrant une information surabondante, mais jugée peu fiable, voire contradictoire, par les acteurs. C’est finalement la question de la conception ou de l’ingénierie des espaces de dialogue sur le travail qui est en jeu, dans ce cas (DETCHESSAHAR, 2013 ; DETCHESSAHAR et al., 2015 ; ROCHA, 2014 ; ROCHA et al., 2015 ; BONNEFOND, 2016 ; MERCERON, 2016 ; CLOT et GOLLAC, 2014…).
4Dans un premier temps, nous reviendrons sur les enjeux de l’articulation entre le « réglé » et le « géré » inhérents aux organisations à haut risque, et nous montrerons comment les espaces de discussion sur le travail peuvent constituer des lieux de résolution de problèmes concrets où s’articulent entre eux le « réglé » et le « géré », à condition d’en penser correctement l’ingénierie. Nous exposerons ensuite les principaux résultats empiriques de notre recherche et nous analyserons, pour conclure, les difficultés de la conception et de l’animation des espaces consacrés à la discussion du travail.
Revue de la littérature
5L’organisation étudiée dans cet article appartient à la catégorie des HRO (High Reliability Organizations, organisations à haute fiabilité). Ces organisations se caractérisent par l’importance qu’elles accordent à la sûreté afin d’éviter tout accident industriel majeur (ROBERTS, 1990). Les HRO sont traversées de tensions contradictoires particulièrement puissantes (WILDAVSKY, 1988), qui en font des organisations duales (BOURRIER, 1999) et paradoxales (JOURNÉ, 1999, 2003 ; DEKKER, 2003). Leurs performances découlent précisément de la gestion active de ces contradictions (JOURNÉ, 2009). Il s’agit, pour l’essentiel, d’articuler un très haut niveau de planification et de prescription formelle de l’activité avec un flux permanent d’événements imprévus qui requiert des capacités d’ajustement et d’improvisation in situ de l’organisation et des collectifs de professionnels responsables de sa bonne exploitation. Toute la difficulté réside dans l’articulation de ces deux stratégies qui renvoient à deux conceptions opposées de l’organisation (JOURNÉ, 2009) : d’un côté, une vision mécaniste tournée vers « l’anticipation », la sécurité « réglée » (DANIELLOU et al., 2010), et, de l’autre, une vision organique tournée vers la résilience du système, la sécurité « gérée » (op. cit). La sécurité réglée correspond à la capacité qu’a l’organisation d’anticiper, de prévoir le mieux possible, de manière à éviter toutes les défaillances prévisibles. La sécurité gérée renvoie, quant à elle, à la capacité qu’a l’organisation de faire face aux aléas qui n’ont pu être anticipés.
6La question – déjà délicate – de la bonne articulation entre le « réglé » et le « géré » est complexifiée par la montée spectaculaire des objectifs de performance industrielle, économique et financière qui sont assignés aux organisations à hauts risques (STARBUCK et FARJOUN, 2005). Cette nouvelle situation est incarnée par la montée en puissance du management par projet, dont la philosophie consiste justement à concilier les objectifs parfois contradictoires de qualité, de coûts et de délais. Starbuck et Farjoun (2005) montrent que dans certains cas, comme à la NASA, les projets reposent sur des slogans tels que « better, faster, cheaper » et visent explicitement à faire mieux avec moins de ressources, et ce, sur toutes les dimensions de la performance. Or, cela revient à supprimer tous les « slacks » (les « surplus » de ressources) qui seuls permettent la réflexivité, l’adaptation et l’apprentissage de l’organisation, au cœur de la sécurité « gérée ». Les auteurs y voient la cause directe des accidents des navettes Challenger (1996) et Columbia (2001) et, de manière générale, la mise en danger du modèle HRO.
7Au croisement du « réglé » et du « géré », du prescrit et du réel, de nombreux travaux ont montré l’importance du travail d’organisation (TERSSAC et LALANDE, 2002) ou d’articulation (STRAUSS, 1992) pour gérer les contingences inhérentes aux activités. Travailler, c’est alors « bricoler » des solutions, inventer de nouvelles façons de faire, réguler. Or, ces régulations reposent sur des dynamiques communicationnelles (GROSJEAN et LACOSTE, 1999) qui prennent la forme de « dialogues » ou de « discussions » au travers desquels les acteurs expriment les tensions et contradictions qu’ils rencontrent et en définissent collectivement les voies de résolution. En sciences de gestion, plusieurs travaux ont interrogé la façon dont l’organisation peut équiper ces dynamiques communicationnelles afin de soutenir les régulations à l’œuvre (DETCHESSAHAR, 2003 ; GENTIL, 2012), à l’articulation entre le « réglé » et le « géré ». Ces dialogues et discussions entre acteurs n’ont en effet rien de spontané ou de naturel. À la faveur du développement d’outils de gestion (lean manufacturing) visant tout à la fois l’excellence opérationnelle et l’autonomie des salariés (UGHETTO, 2012), le travail réel, dans ses dimensions de régulation et de dialogue, a fini par devenir « invisible » (GOMEZ, 2013) aux yeux de l’organisation et du management. Des travaux ont décrit les risques inhérents à une organisation qui reste « silencieuse » sur l’activité et le travail réel (MORISSON et MILIKEN, 2000 ; ROCHA et al., 2015) ou qui envoie des messages surabondants, contradictoires et porteurs d’effet de cacophonie (RIVIERE, 2006). Dans ce dernier cas, les acteurs, pourtant très impliqués, sont placés dans l’incapacité de gérer correctement les contraintes de l’activité et ont du mal à savoir ce qui est attendu d’eux. Cela n’est pas sans conséquence en termes de qualité de vie au travail (CLOT, 2010 ; ASQUIN et al., 2007).
« Acrobates et taureau », peinture murale représentative de l’Art minoen (XVIe siècle avant J. C.) découverte dans le Palais de Cnossos, Musée archéologique d’Héraclion (Grèce, Île de Crète)
« Acrobates et taureau », peinture murale représentative de l’Art minoen (XVIe siècle avant J. C.) découverte dans le Palais de Cnossos, Musée archéologique d’Héraclion (Grèce, Île de Crète)
« La sécurité réglée correspond à la capacité qu’a l’organisation d’anticiper, de prévoir le mieux possible, de manière à éviter toutes les défaillances prévisibles. La sécurité gérée renvoie, quant à elle, à la capacité qu’a l’organisation de faire face aux aléas qui n’ont pu être anticipés. »8En dépit d’une montée en puissance des impératifs productifs et économiques, l’organisation étudiée dans cet article se caractérise justement par l’attention qu’elle prête à l’activité opérationnelle. C’est là toute la spécificité des organisations HRO qui, dotées d’une culture industrielle de sécurité, portent une attention extrême aux opérations concrètes réalisées sur le terrain (WEICK et SUTCLIFFE, 2007). Bien consciente de la mise en tension actuelle du travail, l’organisation a ainsi travaillé à soutenir, « outiller » la bonne coordination opérationnelle pour construire une performance globale. Mais rattrapée par des problèmes de performance industrielle et de qualité de vie au travail, force est de constater que l’entreprise se heurte à la difficulté d’organiser la discussion ou le dialogue sur le travail.
9Il apparaît dès lors nécessaire de penser les conditions organisationnelles et managériales d’une véritable mise en discussion de l’activité en se focalisant sur les dispositifs de gestion qui les portent. C’est ce que propose le concept d’« espace de discussion » (DETCHESSAHAR, 2003, 2013 ; DETCHESSAHAR et JOURNÉ, 2011 ; ROCHA et al., 2015). Celui-ci se présente comme un dispositif réflexif « à travers lequel se réalise l’ensemble des arrangements, compromis et bricolages que supposent l’incomplétude de la prescription et le caractère irréductiblement erratique de l’activité concrète » (DETCHESSAHAR, 2013). Dans le cadre des HRO, cet espace est le lieu de résolution de problèmes concrets dans lequel s’articulent les dimensions réglées et gérées de la sécurité. Mais la capacité des espaces de discussion à remplir cette fonction, qui s’apparente au « travail d’organisation » (TERSSAC et LALANDE, 2002), dépend de la manière dont ces espaces ont été conçus et dont ils sont animés. À ce titre, toute réunion ne constitue pas un espace de discussion. Cela suppose une réelle ingénierie (DETCHESSAHAR, 2013) qui définisse clairement les participants, la fréquence, les modalités d’animation managériale et les connexions avec le reste de l’organisation. C’est de cette question de la délicate ingénierie des espaces de discussion sur le travail dans une organisation HRO dont nous nous emparons dans cet article.
Méthodologie
Présentation du cas étudié
10Le cas étudié est une entreprise industrielle de type HRO disposant de plusieurs unités de production. Elle emploie près de 1 400 salariés et environ 450 sous-traitants travaillent au quotidien sur ses installations. Chaque année, l’usine est conduite à arrêter une ou plusieurs de ses unités de production afin d’entretenir ses installations. À cette occasion, le nombre de sous-traitants est multiplié par deux. La maintenance est organisée sur le site sous la forme de projets appelés « arrêts de maintenance ». Ces projets font intervenir une multitude de services et de fonctions différents.
11Chaque arrêt de maintenance est tout d’abord animé par une équipe projet constituée d’un chef de projet et de responsables sous-projets, qui pilotent une partie des activités de maintenance à l’interface entre plusieurs métiers. Selon la nature des opérations réalisées, les projets de maintenance font intervenir différents « corps de métiers » (électricité, robinetterie, logistique, etc.) en coordination avec le service de pilotage des installations. Au sein de ces « métiers », on retrouve différentes fonctions. Les chargés d’affaires de chaque métier organisent les opérations de maintenance (analyse de risques, procédures…) et se coordonnent avec les intervenants. Le temps de l’arrêt, les chargés d’affaires se voient attribuer une équipe de chargés de surveillance, qui sont des techniciens délégués au projet de maintenance. Le rôle de ces derniers est de contrôler le travail des intervenants afin de prévenir les problèmes de non-qualité de la maintenance. En effet, pour la plupart, les interventions de maintenance sont réalisées par des opérateurs externes placés sous la surveillance de leur chef de chantier.
Le dispositif méthodologique de la recherche
12L’étude a été proposée par la direction des Ressources humaines du groupe, qui était préoccupée par les questions de qualité de vie au travail soulevées par l’actuelle organisation des arrêts, conjointement avec la direction industrielle. La prolongation fréquente des arrêts nécessitant un rythme de travail extrêmement intense apparaissait comme difficilement tenable dans la durée. Le site étudié s’était proposé pour la réalisation d’une étude pilote sur le sujet en vue, d’une part, d’apporter au site « des réponses simples et relativement faciles à tester » (directeur du site) et, d’autre part, de proposer une méthodologie d’intervention qui permît ensuite de répliquer l’étude sur d’autres sites.
13Cette recherche-intervention, réalisée par quatre chercheurs, se poursuit actuellement. Elle s’est déroulée en trois phases. La première phase, celle de collecte des données, principalement sur la base d’entretiens et d’observations, a eu lieu entre juillet 2013 et février 2014. L’observation visait à repérer les dynamiques organisationnelles en jeu et à saisir notamment la manière dont les aléas et les perturbations étaient gérés entre le projet et les équipes métiers, en fonction des contraintes organisationnelles. Cela supposait différentes modalités d’observation (JOURNÉ, 2005) :
- l’observation de lieux susceptibles de jouer le rôle d’espaces de discussion, comme les locaux du comité de pilotage du projet (un vaste open space), la salle de pilotage, le bureau des consignations où les prestataires viennent retirer les autorisations de travaux,
- l’observation de réunions (12 types de réunion, quotidienne ou hebdomadaire, prévus dans l’« horloge projet »),
- le suivi d’acteurs (12 personnes aux fonctions différentes, appartenant tant à l’équipe projet qu’aux différents métiers).
14Se sont ajoutés 33 entretiens individuels avec des acteurs de toutes les catégories concernées, y compris des prestataires extérieurs. L’analyse a été ensuite présentée et discutée lors de quatre séances de restitution sur le site, avec l’équipe projet, le comité de direction, le comité de pilotage de l’étude (constitué des chefs de services métiers et des chefs de projet) et un groupe de travail opérationnel, afin d’engager avec eux un travail sur le plan d’action à construire en réponse aux différents points soulevés par le diagnostic.
15La deuxième phase de l’intervention a consisté en des séances de travail avec le comité de pilotage de l’étude et un groupe de travail opérationnel sur la circulation de l’information et sur la gestion des imprévus. Un travail a été réalisé, d’une part, avec le comité de pilotage (constitué principalement des chefs de services métiers et des chefs de projet) et, d’autre part, avec des opérationnels réunis en groupe de travail, pour analyser les espaces de discussion existants, la manière dont ceux-ci permettaient ou non la gestion des imprévus et l’élaboration collective de solutions, et pour identifier les circuits effectifs de circulation de l’information, en amont et en aval de ces espaces.
16La troisième phase de l’intervention (encore en cours) voit des chercheurs plus en retrait, mais maintenant un contact étroit avec les acteurs du site pour suivre la manière dont ils se sont saisis des propositions élaborées lors de la phase précédente, et ce que leur mise en œuvre a produit. En parallèle, suite à une restitution au siège du groupe, un travail de mise en commun des résultats de l’étude a été initié avec des chercheurs du service de R&D propre à l’organisation afin d’élaborer des propositions qui puissent être proposées à l’ensemble des sites.
17Nous précisons que l’intervention en elle-même ne fera pas l’objet de cet article qui se concentrera sur la partie « diagnostic ».
Diagnostic de l’organisation étudiée
18Sur le site étudié, la circulation de l’information et, de façon générale, la maîtrise de la communication sont appréhendées comme un facteur clé de succès d’un projet d’arrêt pour maintenance. L’organisation a consacré des efforts importants à cette question et de nombreux dispositifs de coordination ont été développés, en particulier pour faciliter l’articulation entre le planning et la gestion des imprévus, entre le « réglé » et le « géré ». Pour autant, ces efforts n’ont pas produit tous les effets escomptés. De façon générale, l’ensemble des acteurs du projet semble être encore bien en peine d’obtenir des informations précises sur le niveau d’avancement des activités opérationnelles, qui demeure une sorte de « boîte noire ». Nous allons décrire ci-après les dispositifs de coordination qui ont été développés pour permettre la communication entre l’équipe projet et les métiers, et montrer comment ces dispositifs conduisent finalement à produire un « silence » sur l’activité elle-même, tout en générant un effet de cacophonie, du point de vue de l’organisation, du fait des mécanismes de compensation qu’ils génèrent.
Un effort significatif d’articulation entre le « réglé » et le « géré »
19Chaque projet d’arrêt pour maintenance est préparé des mois à l’avance. Cette phase de préparation consiste en la planification et l’organisation (intervenants, outils, pièces de rechange, autorisations…) des opérations de maintenance qui seront réalisées au cours de l’arrêt. Elle permet de procéder aux analyses de risques et d’anticiper de potentiels aléas techniques afin de mettre en place les parades adaptées. Elle participe donc de la sécurité « réglée » du projet de maintenance. Pour beaucoup d’acteurs, sur le site, cette phase est la clé de la performance d’un arrêt : « L’élément primordial d’un arrêt ? La préparation ! : il faut tout prévoir… » (chef de projet).
20Pourtant, en phase de « réalisation », le planning du projet est profondément déstabilisé par les nombreux aléas qui se présentent et qui génèrent des demandes d’intervention de maintenance supplémentaires. « Je voyais les gens se décomposer entre la manière dont on prépare l’arrêt de maintenance et le premier jour ; dès la première minute, l’agenda construit pendant six mois tombait par terre. Une volonté de maîtrise totale et une énergie dépensée pour… ça ! Et, en temps réel, il fallait tout réinventer, et tout re-bricoler… » (RH, siège de l’entreprise). C’est par exemple le cas lorsqu’un dysfonctionnement se produit sur les chantiers de maintenance (une panne, une casse) ou lorsqu’un intervenant découvre une anomalie à traiter sur une installation. Les imprévus peuvent être aussi le fait de demandes d’intervention supplémentaires émanant du « national » par rapport à l’activité prescrite initialement. Par définition, ces aléas n’ont pu être anticipés : la réponse doit être conçue en temps réel. Elle requiert souvent une réorganisation des activités, en lien avec le planning du projet. Dans un système marqué par de multiples interdépendances, la gestion des aléas impose des arbitrages entre les priorités des différents métiers et les objectifs du projet (disponibilité des installations, coûts du projet, qualité de la vie au travail (QVT)…), tout en garantissant la sécurité des installations : par exemple, reporter voire annuler une opération de maintenance au profit d’une autre jugée plus urgente ou prioritaire, mobiliser les opérateurs en astreinte (ce qui génère un coût supplémentaire et peut aussi, en cas de répétition, impacter la qualité de vie au travail) afin de tenir les délais, etc.
21La performance des projets repose donc sur la capacité des équipes à « gérer » des aléas et à les articuler avec le planning des interventions « réglées » construit en phase de préparation. Sur le site, plusieurs dispositifs ont été pensés pour articuler le « réglé » et le « géré ». Il s’agit, en premier lieu, de la « professionnalisation » du pilotage du projet. Le projet est piloté par une équipe projet (constituée du chef de projet et des responsables sous-projets) qui dispose d’une vision globale du planning et des activités critiques, à l’interface entre les différents métiers. Les arbitrages et la coordination que requièrent les réorganisations d’activités pour absorber les imprévus sont supposés en être facilités. En second lieu, pas moins d’une vingtaine de réunions (quotidiennes ou hebdomadaires) ont été instituées dans le but de faciliter l’articulation entre le « réglé » et le « géré ». Les principaux points de rencontre de cette « horloge » doivent soutenir la coordination entre les projets et les métiers, comme le synthétise le Tableau 1 de la page suivante.
Les principales réunions de l’horloge
Les principales réunions de l’horloge
22Au-delà des réunions, plusieurs dispositifs sont supposés faciliter l’articulation entre le « géré » et le « réglé » en supportant la remontée d’informations, depuis l’activité opérationnelle jusqu’à l’équipe projet. Les métiers doivent, par exemple, renseigner un outil destiné à suivre l’avancement des activités. Une procédure d’alerte spécifique à la gestion des aléas a également été instituée. Elle impose aux métiers de communiquer à l’équipe projet tout retard de plus de 30 minutes impactant le planning.
Le risque d’une communication sur-outillée masquant un silence sur l’activité
23L’organisation a donc produit une foule de dispositifs censés supporter la communication sur le site et contribuer à une bonne articulation entre gestion des imprévus et déroulement du planning. Notre étude révèle que les acteurs projets comme les acteurs métiers passent effectivement un temps important en réunion, au téléphone, à alimenter des outils, etc. Pourtant, chacun, à son niveau, dénonce des difficultés à obtenir des informations « fiables » sur l’état d’avancement du travail réel sur les chantiers de maintenance. « En termes d’énergie dépensée et de temps dépensé pour trouver l’info, pour moi, on n’est pas… [grimace] », commente un acteur projet. L’activité opérationnelle reste une « boîte noire » pour l’ensemble de ces acteurs. Comment, dès lors, expliquer ce paradoxe entre un « équipement » massif de la communication sur le site et le ressenti, chez les acteurs, d’un silence sur l’activité opérationnelle ?
Des dispositifs de coordination qui « ratent » l’activité concrète
24Parmi les dispositifs de coordination développés sur le site, nos observations révèlent qu’en définitive, peu d’entre eux atteignent l’activité opérationnelle. La réunion de pilotage du projet illustre bien ce constat : « Ce qui se dit en réunion de pilotage, c’est axé planning. On ne parle que du critique de l’arrêt » (correspondant métier). Comme le présente le Tableau 1 ci-dessus, cet espace de coordination réunit le chef de projet, les responsables sous-projets et les correspondants des différents métiers. Dans un souci d’efficacité et de fiabilité, la structure de la communication y est extrêmement formatée. La réunion démarre par une présentation des indicateurs par le chef de projet. Celui-ci expose ensuite les priorités et les opérations critiques pour la journée. La parole est alors donnée aux responsables sous-projets qui affinent les priorités. Les correspondants métiers ne s’expriment en définitive que sur les questions qui leur sont directement adressées sur tel problème ou telle priorité. Ainsi, « la réunion de pilotage n’est pas un lieu de résolution de problèmes » (chef de service). Ces derniers sont traités au sein de réunions ad hoc, auxquelles sont « convoqués » les acteurs de terrain concernés (nous y reviendrons). Dans les réunions de pilotage, chacun est exhorté à ne prendre la parole que si cela est nécessaire, et de le faire de manière extrêmement synthétique. Par exemple, un mémo affiché au regard de tous dans la salle de réunion rappelle les règles de communication : « Je m’interdis de me plaindre sur les sujets transverses récurrents… ».
25Dans l’ensemble, l’organisation et le déroulement de ces réunions sont plutôt mal vécus par les acteurs métiers. Les correspondants métiers n’ont la parole qu’au moment où ils sont « mis à la question » ou « mis en exigence » par l’équipe projet. Il est dès lors fréquent qu’ils n’aient pas de réponses à apporter à l’équipe projet sur ces points précis, puisqu’ils ne sont pas eux-mêmes au contact de l’activité opérationnelle. La non-association des interlocuteurs « terrain » à ces espaces porte ainsi préjudice à la coordination, puisque personne n’est en mesure de rendre compte de l’avancement réel des chantiers de maintenance et des problèmes qui se posent en lien avec les priorités du jour. Par ailleurs, ces espaces ne constituent pas seulement des lieux de partage d’informations, ils mettent également en jeu des mécanismes sociaux et symboliques plus profonds de reconnaissance, de confiance et de structuration du collectif. Les acteurs supposés être plus « opérationnels », tels que les chargés d’affaires, souffrent d’en être exclus. « Les CA se sentent exclus. Moi, je serais frustré à leur place. (…) Avant, ils allaient en réunion de pilotage. C’est valorisant, devant le chef de projet… » (chef de service). Par conséquent, ils ne sont pas toujours enclins à partager avec les correspondants métiers les informations dont ils sont en possession (« on fait face à de la rétention d’information », déplore un correspondant métier), ce qui vient renforcer le phénomène décrit précédemment : ces derniers ne sont parfois pas en mesure de répondre aux questions qui leur sont adressées dans ces réunions et se retrouvent publiquement « mis en porte-à-faux », ce qui suscite chez eux un sentiment de non-reconnaissance de leurs compétences et de leur légitimité.
Des dispositifs qui ne pensent pas, voire « empêchent », la coordination à l’intérieur de la « boîte noire »
26Si les interlocuteurs « terrain » ne sont pas associés aux réunions de pilotage, la connaissance de l’activité réelle par ces opérationnels et leur capacité à la restituer à l’équipe projet sont elles-mêmes souvent remises en question. Les interprétations entre équipe projet et métiers divergent sur ce point.
27Aux yeux de l’équipe projet, les métiers censés rendre compte de l’avancement des chantiers de maintenance ne passent pas suffisamment de temps sur « le terrain ». Par ailleurs, l’équipe projet soupçonne les métiers de ne pas toujours partager et défendre les impératifs du projet en termes de tenue des délais, ce qui ne les inciterait pas à communiquer d’éventuels retards pris sur le planning, par crainte de voir les impératifs de délai primer sur d’autres objectifs. Sur le site, la définition même du « collectif » projet et de ses frontières ne fait pas l’unanimité : ne concerne-t-il que le chef de projet et ses responsables sous-projets, ou bien regroupe-t-il l’ensemble des acteurs (équipe projet et métiers) autour d’objectifs communs ? Nos observations montrent effectivement que les métiers ne semblent pas être concernés au même titre que l’équipe projet par les impératifs de délais :
- ainsi, lors d’une séquence d’observation, un acteur du pilotage de l’installation demande au chef de projet : « Où en es-tu de “ton” critique ? » ;
- lors d’un entretien, un correspondant métier explique : « Je donne la priorité, d’un point de vue opérationnel, à (…) la sécurité et à la qualité… (…) Le planning, c’est “la cerise sur le gâteau” ! ».
28Dès lors, l’équipe projet, exprimant un « défaut de confiance » vis-à-vis des métiers, se méfie des informations qui lui parviennent sur l’état d’avancement des activités : « On m’enfume sur la com’ ! On ne voit pas les choses en réel… » (responsable sous-projet).
29Si les métiers reconnaissent avoir des difficultés à obtenir des informations sur l’activité réelle, ils mettent de leur côté l’accent sur les empêchements auxquels ils font face. Ne disposant pas d’une autorité hiérarchique [1] sur les chargés de surveillance (CS) censés être leurs « yeux sur le terrain », ils ne parviennent pas toujours à identifier leurs interlocuteurs pour la journée. Ainsi, ils ne sont pas informés des plannings de travail des CS : qui est absent ? Qui est en formation ?, etc.
30Par ailleurs, paradoxalement, alors que de multiples temps et dispositifs de coordination entre l’équipe projet et les métiers ont été conçus, la coordination au sein des métiers, et entre les métiers, ne semble pas avoir été « pensée » dans l’horloge des réunions. Cette dernière se concentre sur l’interface projets/métiers, mais elle n’envisage pas de temps de rencontre à l’intérieur de « la boîte noire » de l’activité. Quels temps de coordination entre chargés d’affaires, chargés de surveillance (ou leur responsable) et intervenants (techniciens internes ou prestataires) ? Quelle organisation des métiers pour préparer les réunions de pilotage auxquelles participeront les correspondants métiers, et pour « redescendre » les informations importantes, à l’issue de ces réunions ? Les chargés d’affaires évoquent finalement des difficultés à libérer du temps pour se rendre sur les chantiers de maintenance, et donc pour obtenir des informations sur l’activité opérationnelle… du fait même d’une multiplication des dispositifs de communication du projet pourtant supposés faciliter la coordination ! La sur-sollicitation des métiers, « pollués » par de trop nombreux interlocuteurs en demande d’informations (nombreuses réunions, appels téléphoniques, passages dans les bureaux…) est vivement dénoncée sur le site. « Les chargés d’affaires sont dérangés en permanence, parce que le processus est compliqué… » ; « On peut avoir 4 personnes qui posent la même question à 10 minutes d’intervalle ! » (chefs de service). « On a créé des organisations qui nous empêchent de travailler » ; « On n’est quasiment plus sur le terrain (…) Il y a beaucoup de gens qui travaillent autour de nous et qui nous empêchent de bosser » (chargés d’affaires). Les acteurs métiers voient leur journée structurée par l’horloge des réunions du projet auxquelles ils sont tenus d’assister ou pour lesquelles ils sont extrêmement sollicités pour transmettre des informations, autant de temps qu’ils ne peuvent passer à échanger sur l’activité opérationnelle. Les outils de gestion développés sur le site produisent des effets similaires. Les métiers n’ont pas toujours le temps de communiquer l’état d’avancement de chaque opération à l’aide de l’outil prévu à cet effet, en particulier lorsque le volume d’activités est important : « On n’y arrive pas » ; « c’est le temps qui manque » (chargés d’affaires). La procédure d’alerte en cas de retard de planning donne lieu, quant à elle, à de fréquents contournements : « L’alerte, tu la fais quand tu as résolu le problème, parce que tu as trop d’appels… Sinon, au moment où tu donnes l’alerte !… » (chef de service). Les métiers considèrent qu’en définitive, l’équipe projet demande trop d’informations : « Le projet, ils voudraient avoir l’info avant que l’on ait fini, avant de commencer. Nous on gère beaucoup plus d’infos que le responsable sous-projet, qui ne gère que l’activité critique » (chargé d’affaires) ; « On est un certain nombre à le penser : le projet demande trop d’informations… » ; « Le projet appelle pour se rassurer » (chefs de service).
Système d’horlogerie développé par Christiaan Huygens (1629-1695)
Système d’horlogerie développé par Christiaan Huygens (1629-1695)
« Paradoxalement, alors que de multiples temps et dispositifs de coordination entre l’équipe projet et les métiers ont été conçus, la coordination au sein des métiers, et entre les métiers, ne semble pas avoir été “pensée” dans l’horloge des réunions. »31Au final, les acteurs métiers se retrouvent confrontés à une situation paradoxale, dans laquelle les dispositifs supposés soutenir la communication produisent au contraire des « empêchements » à communiquer sur l’activité opérationnelle. La sur-instrumentation de la communication à travers de multiples espaces, temps et outils de gestion produit une cacophonie organisationnelle qui, loin d’ouvrir la « boîte noire » du travail opérationnel, laisse au contraire l’activité dans un profond silence.
Des mécanismes de compensation aux effets pervers
32Pour s’approcher de la « boîte noire » de l’activité opérationnelle de manière à piloter le projet, à gérer les aléas et à se coordonner en disposant d’informations fiables sur la réalité du « terrain », plusieurs réponses ont été apportées ou développées sur le site (voir le Schéma 1 ci-après). Ces améliorations le plus souvent efficaces pour gérer l’activité sont cependant perçues par les acteurs comme des « mécanismes de compensation » de la mauvaise remontée de l’information du terrain. Ils les qualifient parfois même de « rustines », ce qui n’est pas sans révéler l’insatisfaction des acteurs vis-à-vis de ces dispositifs ou de ces bricolages et des effets qu’ils produisent. Quatre dispositifs peuvent être distingués ici, qu’illustrent quatre figures :
- le stéthoscope : nous entendons ici les fonctions de coordination créées pour faire davantage de lien entre l’équipe projet et les métiers (par exemple, les correspondants métiers institutionnalisés peu avant notre arrivée) afin, en principe, de l’alimenter en informations plus accessibles sur le travail des métiers. Or, ces personnes aux fonctions « intermédiaires » ne sont elles-mêmes jamais sur le terrain qu’elles sont censées représenter et n’ont, le plus souvent, ni la compétence ni les connaissances nécessaires.
- les infiltrés : c’est ainsi que nous avons qualifié les fonctions de coordination, plus récentes, en prise directe avec les chantiers de maintenance, qui ont été créées afin de constituer « les yeux du projet sur le terrain « , comme la fonction de coordinateur opérationnel. Ils sont constamment en contact avec le terrain et sont censés constituer des points d’entrée pour porter, au quotidien, les enjeux du projet.
- la sonde : nous avons appelé ainsi les incursions quotidiennes de l’équipe projet sur les chantiers de maintenance, pour « aller voir, en local ». Les acteurs de l’équipe projet sortent ici de leurs missions propres et des canaux de communication « officiels » qui supposent de passer par les correspondants métiers ou les chargés d’affaires.
- la convocation : nous faisons référence ici aux réunions organisées par l’équipe projet en lien direct avec les prestataires, sans passer par les acteurs métiers, en vue de régler des questions directement avec les acteurs concernés. Citons ici les « points » et réunions ad hoc déclenchés lors de la réunion de pilotage du projet pour résoudre les problèmes identifiés ou lors de certaines phases du projet : s’ils sont efficaces pour résoudre les imprévus, ils court-circuitent néanmoins les acteurs concernés.
Les mécanismes de compensation développés sur le site
Les mécanismes de compensation développés sur le site
33Parmi ces dispositifs, les deux premiers ont été produits et institutionnalisés par l’organisation elle-même, pour pallier la difficulté de pénétrer dans la boîte noire de l’organisation. Mais ils se sont avérés insuffisants, soit parce que les fonctions créées n’étaient pas au contact de l’activité (le « stéthoscope »), soit parce que les acteurs, au contact de l’activité (les « infiltrés »), ne sont pas dans les espaces de coordination. Par conséquent, deux autres réponses ont été développées, cette fois-ci par les acteurs eux-mêmes (les pratiques de la « sonde » et de la « convocation »).
34Du fait qu’ils associent les opérationnels (chefs de chantier) et les acteurs décisionnaires (équipe projet), certains de ces dispositifs participent de la qualité de décisions qui sont, dès lors, prises sur la base d’une information fiable. Ils ont ainsi largement fait leurs preuves aux yeux des différents acteurs, y compris du côté des métiers. Face aux imprévus, les solutions sont co-construites en tenant compte des différentes contraintes (délais, contraintes techniques de réalisation, moyens…). On observe dans ces dispositifs le rôle fondamental qu’y jouent les acteurs opérationnels non seulement pour informer la décision (sur la réalité locale), mais aussi pour être force de proposition dans la construction des solutions.
35Parmi les réponses organisationnelles développées, d’autres sont vivement dénoncées par les acteurs métiers ou par les intervenants comme produisant des effets délétères sur la performance du système pris dans son ensemble. Si ces « mécanismes de compensation » jouent un rôle indéniable dans la capacité du système à « sortir la production », ils complexifient considérablement l’organisation, la fragilisent, la mettent en tension et font peser, à plus long terme, des risques sur sa performance.
36En premier lieu, ces divers ajouts et mécanismes de compensation désorganisent fortement le site. Les sollicitations en direct des intervenants par l’équipe projet viennent interrompre et perturber le déroulement des activités opérationnelles (téléphone, venue des « chefs », etc.). Les décisions prises par l’équipe projet de prioriser tel chantier en contournant les processus formels de communication viennent, elles aussi, mettre le système en tension (du retard est dès lors pris dans la réalisation des interventions dont les démarches avaient été faites dans les temps). On constate sur le site de multiples glissements de tâches, opérés à différents niveaux, qui se traduisent en particulier par des pratiques de « facilitation » du travail des prestataires (aller chercher pour eux une pièce de rechange, trouver un créneau pour une manutention en urgence, malgré un délai officiel « incompressible » de 48 heures, etc.). L’équipe projet disposant des leviers nécessaires pour « faciliter » le travail des intervenants, le contact direct équipe projet/intervenant (sous-traitant ou agent interne) est grandement facilité au détriment des acteurs métiers, qui sont les interlocuteurs officiels des opérationnels : « Le prestataire en joue beaucoup », notent les acteurs métiers.
37Par ailleurs, l’information circulant de manière désorganisée, ces arrangements viennent eux-mêmes défiabiliser les processus de communication : des informations contradictoires remontent par différents canaux, et l’on ne sait plus qui a la bonne information. « Tout le monde court après le ballon… » (directeur projet). Par conséquent, les décisions prises par l’équipe projet ne s’accommodent pas toujours bien des contraintes métiers et de la réalité opérationnelle. Les acteurs métiers soupçonnent ainsi l’équipe projet de se focaliser sur la gestion du critique et la tenue des délais en faisant fi de leurs propres contraintes (contraintes techniques ou logistiques, ressources disponibles, aléas à traiter…). Ils doivent dès lors composer avec des décisions qui ne sont pas adaptées à la réalité locale, ce qui les met parfois en difficulté (par exemple, « être mis en exigence » sur une intervention à réaliser en astreinte, alors qu’ils n’ont plus d’opérateur disponible, tout en ayant atteint leur quota d’heures fixé par la législation).
38Ces mécanismes de compensation génèrent en définitive fatigue et frustrations pour l’ensemble des acteurs impliqués dans les projets de maintenance. « J’en ai ras-le bol : l’équilibre entre vie pro et vie familiale, y’en a plus : (…) la journée, c’est des horaires pas possibles, tous les jours ! » (chargé d’affaires). « On s’épuise, on a besoin de savoir que ça va changer ! » (correspondant métier). Du côté de l’équipe projet, la « compensation » se traduit par des amplitudes horaires déraisonnables. L’équipe s’épuise. Elle souffre dans le même temps d’un manque de reconnaissance de son travail, puisque celui-ci est constitué de plus en plus de bricolages, de glissements de tâches invisibles, par définition, du point de vue de l’organisation formelle du travail. L’attractivité des postes – en particulier, de ceux de chef de projet – s’en trouve elle-même impactée, ce qui participe d’un cercle vicieux : face à la pénurie de chefs de projet, ceux-ci sont sollicités pour préparer ou piloter de plus en plus de projets sur l’année, ce qui contribue à leur épuisement. L’équilibre qui existait autrefois entre phase de réalisation, très intense, et phase de préparation disparaît au profit d’une succession ininterrompue de phases de projets très intenses, avec des chevauchements entre la fin d’un projet en retard et la préparation du projet suivant.
39En conclusion, ces « mécanismes de compensation », s’ils permettent à l’équipe projet de mieux maîtriser l’information opérationnelle, produisent d’importantes désorganisations, ce qui renforce la cacophonie organisationnelle et met en péril la performance globale du projet. Ils demeurent des « rustines », car ils ne font que compenser le fait que l’ingénierie de la discussion du travail n’a pas été suffisamment pensée.
Discussion : les difficultés de conception et d’animation des espaces de discussion
40Si un très gros effort a été fait pour concevoir de multiples espaces de communication opérationnelle dans l’organisation (comme en témoigne la densité de l’horloge projet), ceux-ci souffrent de multiples défauts de conception sur plusieurs des dimensions essentielles d’une telle ingénierie. Ainsi, a) les espaces de communication ne portent pas sur les bons objets, b) ils ne réunissent pas les acteurs au contact de l’activité, c) leurs modes d’animation sont peu favorables au dialogue et, enfin, d) ces différents espaces souffrent d’un manque de connexion les uns avec les autres. Ils ne jouent donc pas le rôle d’espaces de discussion sur le travail.
Les espaces de discussion ne portent pas sur les bons objets
41Comme l’analyse précédente l’a démontré, les espaces de discussion mis en place dans cette organisation n’ont pas pour objet principal l’activité, pas plus que le travail réel. Ils portent avant tout sur le « prescrit », sur le planning et sur son respect, notamment celui des tâches critiques. L’activité demeure une « boîte noire » dont les acteurs ont bien des difficultés à se saisir. Le planning et son respect sont au cœur des préoccupations. Même sur ce registre, la définition du périmètre considéré n’est pas partagée. Tandis que l’équipe projet a les yeux rivés sur les tâches dites critiques, celles-ci ne constituent jamais l’enjeu essentiel des équipes des métiers de maintenance. Pour elles, il est nécessaire d’articuler ces perturbations avec le flux permanent des centaines de tâches quotidiennes qui ne sont pas à ce stade « critiques », mais qu’il est indispensable d’effectuer dans les temps pour éviter justement qu’elles ne le deviennent. Par ailleurs, il est apparu que la question de la coordination entre métiers, centrale pour les acteurs de la maintenance, n’est traitée dans aucun des espaces existants, tous pensés à partir du projet. Finalement, les acteurs savent que les véritables enjeux se jouent en dehors des espaces officiels qui ne leur sont que d’une utilité réduite en termes de coordination effective.
Les espaces de discussion ne réunissent pas les acteurs au contact de l’activité
42Pour que le travail réel soit au cœur des échanges de manière à soutenir la coordination, il faudrait que les acteurs présents dans ces espaces soient en contact direct avec les opérations. Or, seuls sont présents les chefs de service, chefs de projet, responsables de sous-projets et correspondants métiers (ou parfois les chargés d’affaires) qui ne voient l’activité qu’à distance, sans pénétrer dans la « boîte noire ». Les seules réunions qui permettent réellement de traiter efficacement les imprévus rencontrés sont les réunions ad hoc, auxquelles sont convoqués les acteurs de terrain concernés. Mais, de manière ordinaire, les acteurs de terrain, qui sont pourtant les seuls à disposer de l’information exacte sur l’avancement des opérations, manquent d’espaces de coordination. De la même manière, les canaux de circulation de l’information entre les instances décisionnelles et le terrain ne sont pas pensés. Plus encore, la multiplication des réunions de l’horloge projet empêche les acteurs métiers de dégager suffisamment de temps pour ouvrir des espaces de discussion locaux qui les mettent au contact de leurs propres équipes, et, par conséquent, avec les données du terrain. En réunions de pilotage du projet, ils se retrouvent par conséquent dépourvus des informations attendues, et donc de légitimité face à une équipe projet en position de force, car souvent mieux informée que tous les autres sur les sujets traités. Cette situation ne manque pas d’alimenter un fort sentiment de non-reconnaissance et un profond malaise chez les acteurs métiers.
Le mode d’animation de ces espaces ne permet pas le dialogue
43Les réunions de coordination sont, en réalité, des chambres d’enregistrement des tâches réalisées et des anomalies repérées, ainsi que des espaces de communication descendante dans lesquels l’équipe projet rappelle avec force les priorités à respecter. L’analyse de la réunion de pilotage du projet révèle ainsi combien, jusque dans ses modalités d’animation, la discussion est rendue extrêmement difficile par un style de communication qui est soit essentiellement informatif, soit plus coercitif, à travers le rappel des principaux jalons du projet et la mise en exigence des acteurs métiers.
Enfin, les espaces ne sont pas connectés entre eux
44Un gros effort d’ingénierie a porté sur « l’horloge projet », qui déroule pas moins de vingt réunions quotidiennes censées porter la coordination. Toutefois, à aucun moment jusqu’à notre intervention, ce travail sur « l’horloge projet » n’avait conduit à interroger « les horloges métiers », c’est-à-dire le cadencement des réunions opérationnelles à l’intérieur de chaque métier, au plus près de l’activité opérationnelle. La recherche-intervention que nous avons proposée sur le sujet a mis en évidence à quel point ces « horloges métiers » n’avaient jamais été véritablement formalisées par les chefs de service et que le cadencement des quelques réunions opérationnelles existantes n’était pas harmonisé avec celui de « l’horloge projet ». Bref, aucune offre institutionnelle claire et harmonisée de dialogue n’existait pour les acteurs au contact de l’activité : chargés d’affaires, chargés de surveillance, techniciens et prestataires. Il n’est pas surprenant dans ces conditions qu’une information fiable et actualisée sur l’état d’avancement des chantiers de maintenance demeure le talon d’Achille de l’organisation. Ni que se multiplient des stratégies de compensation visant à extraire l’information du terrain, au risque de la cacophonie…
45Il résulte d’une telle ingénierie que les dispositifs développés ne le sont pas d’une manière qui permette d’en faire de véritables espaces de discussion sur le travail donnant voix à l’activité. L’organisation demeure sourde aux réalités opérationnelles. Les espaces de coordination conçus sont plus des espaces d’information que des espaces de résolution des problèmes ; ils sont beaucoup plus centrés sur le rappel des exigences du projet que sur le partage et la résolution des difficultés opérationnelles. Certes, les acteurs projet ont inventé chemin faisant des mécanismes de compensation parfois efficaces pour extraire l’information opérationnelle manquante et réguler l’activité. Certains de ces dispositifs accueillent de véritables dynamiques dialogiques à des fins de bonne coordination opérationnelle. Il n’en demeure pas moins que ces mécanismes ont de nombreux effets pervers. Les circuits de communication se sont tellement multipliés que l’organisation devient cacophonique et que l’on ne peut pas toujours distinguer qui porte la « bonne » information. Cela contraint les acteurs projets à de multiples boucles e vérification et à d’incessantes interactions pour arriver à transmettre par la suite une information de qualité. Dans cette cacophonie, les acteurs projets s’épuisent… Du côté des acteurs métiers, dont l’identité et les possibilités d’action dans l’organisation dépendent de la maîtrise technique, logistique et informationnelle des opérations de maintenance, domine un sentiment de relégation et d’assujettissement à la logique du projet.
46Si l’on est bien ici face à des actes de résilience, un des apports du présent article est donc de montrer qu’il existe des formes de résilience non efficaces, qui épuisent les acteurs en même temps qu’elles désorganisent entièrement le système. Cette résilience « forcée » (EYDIEUX et al., 2016) n’est pas directement liée aux aléas, mais s’explique plutôt par les insuffisances d’une organisation qui ne pense pas suffisamment les structures de dialogue permettant de se saisir de ces aléas, et donc de l’activité, et qui passe de fait à côté de la mise en discussion du travail.
47Si l’ingénierie des espaces de coordination s’avère défaillante, c’est parce qu’elle a été essentiellement conçue par les acteurs projet sans y associer pleinement les métiers. En effet, l’industrialisation des projets et la professionnalisation de leur pilotage se sont accompagnées d’une modification des équilibres politiques de l’organisation en faveur des acteurs projet. Ces derniers sont les porteurs privilégiés de l’une des dimensions de la performance industrielle, la maîtrise du temps, un objectif qui a largement présidé au design des espaces de communication dédiés au pilotage des projets. Dès lors, il n’est pas surprenant que les exigences et les préoccupations des métiers y soient peu représentées et qu’à l’extrême, l’horloge conçue pour le projet puisse se présenter comme un empêchement à la bonne coordination à l’intérieur des services de maintenance.
48Face à ce constat, l’équipe de recherche a été mandatée pour retravailler l’ingénierie des espaces de coordination avec un collectif réunissant des acteurs projet (chefs de projet et responsables sous-projets) et des acteurs métiers, y compris des chargés d’affaires, des chargés de surveillance et des techniciens. Le comité de pilotage de la recherche-intervention a décidé de repenser les dispositifs qui structurent l’action commune des acteurs projet et des acteurs métiers…, pour la première fois, en commun ! L’enjeu consistait alors à ouvrir un espace de discussion de niveau méta conduisant enfin les acteurs à « confronter sur une même scène leurs logiques et leurs positions hétérogènes pour faire œuvre commune » (BEGUIN, 2004).
Conclusion
49Là où les stratégies d’adaptation, les « mécanismes de compensation » et les arrangements informels entre les acteurs sont souvent salués comme d’utiles outils permettant de « mettre de l’huile dans les rouages », le cas que nous avons étudié révèle les effets pervers que la résilience peut produire sur la performance globale, lorsque celle-ci n’est elle-même pas – ou mal – « anticipée ». Ce cas démontre en effet qu’il ne suffit pas « d’intensifier et de densifier les interrelations entre les acteurs » (WEICK et ROBERTS, 1993) pour bâtir une stratégie de résilience pertinente permettant de faire face à l’irréductible incomplétude des règles caractérisant les stratégies d’anticipation. Comme on le voit bien ici, la multiplication des moments de travail collectif entre les acteurs ne suffit pas à produire du « collective mind » (op. cit.) ni à instituer un collectif de travail, c’est-à-dire un groupe d’individus partageant une commune convention de qualité – une définition commune du bon travail – et réuni par un bon niveau de confiance (CAROLY, 2010). Cette recherche montre que la stratégie de résilience doit elle-même faire l’objet d’un patient travail d’anticipation visant notamment à définir la nature des participants, les objets autour desquels ils se réunissent et les modes d’animation, ainsi que les liens entre les différents espaces, de manière à garantir la bonne reconnexion entre les produits de la discussion et le travail opérationnel (HENDRY et SEIDL, 2003). Ainsi, c’est à une véritable ingénierie des espaces de discussion du travail qu’appelle cette étude (DETCHESSAHAR, 2011, 2013). Les questions posées par une telle ingénierie ouvrent un programme de recherche autour des dispositifs susceptibles d’étayer le travail d’enquête des acteurs de la situation (JOURNÉ et RAULET-CROSET, 2008) et de nourrir au mieux les processus dialogiques. Ces dispositifs ont une nature spécifique : ils visent en effet à déclencher moins des logiques de conformation que des dynamiques efficaces d’exploration du nouveau (MOISDON, 2007). Ils appellent les chercheurs à mieux éclairer la nature des équipements susceptibles de soutenir les « arènes de régulation conjointe » (PARADEISE, 2003) ou, pour le dire autrement, à mieux éclairer les modalités d’organisation du « travail d’organisation » (TERSSAC, 2003).
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Notes
-
[1]
C’est en effet le responsable d’équipe technique qui conserve l’autorité sur ses techniciens mandatés comme chargés de surveillance, y compris ceux qui sont détachés au service du projet, et ce, même si lui-même n’en fait pas partie et n’en connaît ni les contraintes ni les exigences.