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Article de revue

Les nouvelles situations d’intermédiation territoriale : l’exemple des « quart-lieux » périphériques (espaces de coworkation)

Pages 31 à 52

Notes

Introduction

1Un nombre croissant d’individus, travailleurs du savoir, deviennent géo-indépendants, c’est-à-dire indépendants du lieu de l’employeur, du client ou du donneur d’ordre. Une majeure partie de leur activité se déroule en dehors du temps et de l’espace de référence, c’est-à-dire le « bureau » et les horaires de travail habituels. Qualifiés de digitals nomads (DN) ou nomades numériques, certains de ces travailleurs adoptent un mode de vie sans contrainte géographique liée à un lieu de production (Kuzheleva-Sagan, Nosova, 2017). Leurs activités sont a priori a-territoriales. La liberté choisie par le nomade numérique lui impose, comme une contrepartie nécessaire à l’autonomie acquise, de se créer les conditions permettant la réalisation de l’équilibre entre performance au travail et épanouissement dans la vie personnelle. C’est pour répondre à cette situation professionnelle originale et à l’injonction à la productivité et la créativité (Bouquillon, Miège, Moeglin, 2014) que les tiers-lieux (Jeffres et al., 2009), privilégiant l’intermédiation entre espace individuel et espace de travail, sont souvent choisis par les travailleurs numériques (Suire, 2016).

2En complément des tiers-lieux qui hébergent de manière temporaire une grande partie d’entre eux, un autre type de lieux se développe depuis quelques années, que l’on pourrait qualifier de « quart-lieux » (Aelbrecht, 2016 ; Marinos, 2018 ; Morrison, 2019). L’idée portée par ces nouveaux lieux de travail est le fait qu’intégrer un tiers-lieu classique, tel un espace de coworking d’une grande ville, même étrangère et lointaine, ne suffirait plus. Les quart-lieux sont ainsi des lieux qui, tout en ayant les attributs des tiers-lieux (Oldenburg, 1989 ; Moriset, 2014), offrent l’originalité d’être dédiés prioritairement à ces nomades numériques, autrement dit des télétravailleurs, des entrepreneurs et des travailleurs indépendants, venus d’ailleurs et qui s’y installent pour y travailler le temps d’une mobilité résidentielle temporaire.

3Ce faisant, ces lieux peuvent être désignés comme des espaces de coworkation, néologisme associant coworking + vacation. Les acteurs de cette pratique définissent la notion de coworkation comme un séjour combinant coworking et activités de loisirs, détente et découverte, dans un cadre différent de l’ordinaire. S’y ajoute un esprit collaboratif et communautaire basé sur le partage d’expériences, savoirs, compétences, idées, contacts et autres informations qui, selon ceux qui les vivent, en fait un élément distinctif essentiel (voir les récits qu’en font ces coworkationners[1]).

4Fondés sur la désintermédiation numérique et proposés à des travailleurs mobiles et a priori déterritorialisés, les quart-lieux favoriseraient une forme de re-territorialisation spécifique en offrant des exemples de situations d’intermédiation territoriale originales à plusieurs niveaux : intermédiation entre les membres de la communauté des nomades numériques, intermédiation entre les lieux et l’écosystème territorial où ils sont implantés, et intermédiation entre les quart-lieux eux-mêmes constitués parfois en réseau. Parmi les espaces de coworkation dédiés à l’accueil des nomades numériques, ceux qui nous intéressent spécifiquement se situent dans des territoires relativement éloignés et en marge des grandes métropoles mondiales du système urbain globalisé. S’ils bénéficient bien souvent d’attraits touristiques (Gagnon, 2007), ces territoires n’en constituent pas moins des périphéries, plus ou moins intégrées selon la nomenclature de Reynaud (1981). Exigeant un temps de voyage augmenté, ces quart-lieux jouent de leur éloignement géographique vis-à-vis des grands centres urbains comme d’un attrait et d’une justification supplémentaire à leurs valeurs intrinsèques. C’est bien là leur caractéristique fondamentale.

5L’objet de cet article est d’analyser ces nouvelles situations d’intermédiation territoriale permises par ces lieux de coworkation dont la fréquentation et l’usage s’inscrivent dans un contexte de voyage. Considérant le cas de ces espaces de travail et de loisir situés sur des territoires éloignés des centres de décisions métropolitains, notre analyse met à jour la pluralité des formes et niveaux d’intermédiation territoriale dans un contexte de forte périphéricité.

6Après avoir précisé l’état des recherches sur les digital nomads (DN) et les tiers-lieux, nous exposons le cadre méthodologique de notre réflexion. Puis, dans un second temps, nous décrivons les configurations d’intermédiation que les quart-lieux révèlent. Enfin, nous discutons les résultats et suggérons que les quart-lieux réinterrogent de manière plus générale le lien des individus au territoire qu’ils investissent.

1 – Du tiers-lieu au quart-lieu : une nouvelle dimension dans l’intermédiation territoriale

7Selon Nadou (2013), l’intermédiation territoriale est constituée d’un ensemble d’instruments mobilisés pour la production et la révélation d’interactions entre les acteurs, afin de créer des normes, des apprentissages, des visions d’actions partagées et des innovations. La production d’une intermédiation territoriale émane des relations horizontales entre acteurs locaux et invite à expliquer les conditions du dialogue entre acteurs dans des lieux ou espaces plus ou moins organisés. Cette perspective est pertinente pour l’analyse des tiers-lieux et des espaces de coworkation.

1.1 – Tiers-lieux et intermédiation territoriale

8Le terme tiers-lieu tire son origine de celle de « troisième lieu » défini par le sociologue américain Ray Oldenburg (1989). Par ce terme, il cherchait à qualifier une désocialisation de la société américaine associée à une forme d’individualisation (extension pavillonnaire des villes, transports individuels, moyens de communication dématérialisés). Selon l’auteur, la société de l’époque manque de troisièmes lieux favorisant des rencontres informelles et l’échange de services non marchands, autrement dit des lieux où les personnes pourraient se rencontrer en dehors du domicile (premier lieu) et du travail (second lieu).

9Depuis, de nombreux auteurs issus des sciences sociales ont poursuivi les réflexions sur les tiers-lieux (Scaillerez, Tremblay, 2017). L’émergence des espaces collaboratifs comme les espaces de coworking et les fablabs dans les années 2000 a nourri de multiples travaux de recherche principalement en gestion, économie, sociologie et géographe-urbanisme. Certains d’entre eux mettent en avant leur potentiel d’innovation collaborative pour les territoires (Suire, 2013 ; Le Nadant et al., 2018), d’autres insistent sur les enjeux plus généraux qu’ils soulèvent en termes de développement local (Besson, 2017 ; Moriset, 2017) même si le tiers-lieu se définit moins par un lieu physique que par la configuration sociale qu’il propose (Burret, 2017 ; Fredriksson et Duriaux, 2018). Le tiers-lieu se distingue ainsi par les caractéristiques suivantes : rencontres informelles, interactions sociales, flexibilité, convivialité, carrefour de communautés, initiative, projet… et ouverture sur son territoire.

10Le tiers-lieu peut ainsi être considéré comme un intermédiaire territorial, assimilable à une plateforme d’intermédiation contribuant au développement de nouveaux nœuds et activant les relations sociales (Fabbri, Charue-Duboc, 2016) et des proximités (Le Nadant et al., 2018). En combinant des connaissances et faisant émerger des projets, il génère des externalités positives pour les acteurs et le territoire (Ferchaud, 2017). Bococ et al. (2014) estiment que la sociabilisation dans les tiers-lieux découle précisément de quatre étapes : coprésence dans un lieu (1), affinités entre les membres (2), entraide et partage de ressources (3) et coopération et développement de projets (4). Le tiers-lieu serait même, selon Liefooghe (2018), un nouvel outil du développement des territoires créatifs par leur position de middleground (Cohendet et al., 2013), c’est-à-dire situé à la croisée entre un monde productif, composé d’acteurs reconnus et de grande taille et une diversité d’acteurs à la marge, diversité qualifiée de « foisonnante et exploratoire ». Bien que ces espaces aient d’abord émergé dans les centralités urbaines qui abritaient un écosystème numérique et d’innovation (Suire, 2013), on en recense de plus en plus dans les territoires dits périphériques (Marinos, Krauss, 2017), ce qui constitue un élargissement de leur aire géographique mais également une diversification des usages et pratiques des territoires, y compris pour les jeunes actifs nomades [2] dont il est question dans cette recherche.

1.2 – Les digital nomads (DN), leurs pratiques de mobilité et le lien au territoire

11Makimoto et Manners (1997) prédisaient que l’essor de la technologie numérique annonçait une nouvelle ère nomade. Vingt ans plus tard, comme le souligne de façon critique Pascal Lardellier (2017), « la mobilité, érigée en valeur cardinale de la société nomade, s’appuie désormais sur un arsenal de technologies (nouvelles et forcément progressistes), d’infrastructures (cf. le développement exponentiel de l’industrie du transport, autoroutier, ferroviaire, aérien), de discours politiques, médiatiques hyper-valorisant la mobilité ». D’un point de vue ontologique, la « pensée nomade » a d’ailleurs été adoptée par un nombre croissant de philosophes postmodernes, tels que Grisoni (1976), Deleuze et Guattari (1980), Baudrillard (1993) et Braidotti (1994). Le nomade est devenu un symbole de flux, d’hybridité et de mobilité dans un monde en voie de globalisation. Comme le souligne Mattelart (2017), « l’hypothèse générale est que la dimension dite globale participe à la reconfiguration des identités, à la construction de nouveaux imaginaires au sein même du travail mental des gens ». De nouveaux paysages (scapes), nous dit l’anthropologue indien Arjun Appadurai (1996), émergent, balayant toutes les sphères de la société : « ethnoscapes, mediascapes, technoscapes, financescapes, ideoscapes ». Par exemple, l’ethnopaysage est remodelé par les migrations, contraintes ou volontaires, qui donnent naissance à des « communautés imaginées » transnationales d’un type nouveau, organisées en « sphères publiques diasporiques », irréductibles à un seul État, même lorsqu’elles revendiquent l’appartenance à une nation (Mattelart, 2017).

12Si cette mobilité est avant tout professionnelle et a vu le jour avec la globalisation économique, elle est également migratoire, mais aussi touristique. En effet, les travaux s’intéressant aux voyages des jeunes générations (générations Y et Z) montrent une forte progression des types de mobilités (Richards, Wilson, 2004). Hannam et Ateljevi (2008) annoncent même la fin du tourisme avec le passage vers la « nomadologie » et au paradigme de la mobilité, même si ces propos sont à nuancer aujourd’hui, notamment avec la persistance de mobilités touristiques classiques à l’échelle mondiale. Il n’est donc pas surprenant que le nombre de DN soit en constante augmentation.

13À l’origine, il s’agit surtout des habitants des mégapoles connectés aux réseaux sans fil. Ces nomades individualistes emmènent leur travail avec eux en s’installant temporairement dans des lieux aux modes de vie et de loisirs attractifs (Richards, 2015). Selon Aude Lenoir [3], « leur travail ne nécessite pas de voyager, mais il ne les contraint pas non plus à rester au même endroit. Par leur usage des technologies informatiques, ces nomades numériques, encore appelés technomades, ont créé une nouvelle manière de travailler. Ils choisissent de voyager quelques mois, quelques années, voire leur vie entière, tout en travaillant à partir de leur ordinateur et en conservant les relations professionnelles établies dans leur lieu d’origine ».

14Dans leur revue de littérature consacrée aux nomades numériques, Wang et al. (2018) définissent ces individus comme des travailleurs mobiles, voyageant sans date de fin dans plusieurs destinations, tout en continuant à assumer des activités professionnelles liées et impliquant des technologies numériques. Les auteurs distinguent trois dimensions qui ont été analysées :

  1. la dimension culturelle considère le nomadisme numérique comme s’inscrivant dans la tendance du « lifehacking »[4] ;
  2. la dimension économique qui questionne la dichotomie traditionnelle entre les facteurs de production ;
  3. la dimension technologique qui s’intéresse à l’impact des contraintes technologiques, y compris les infrastructures de télécommunications et la configuration des plates-formes de communication informatisées.

15Le rapport au territoire des nomades numériques n’apparaît cependant pas formellement parmi les thématiques de recherche. Pourtant, le besoin d’ancrage géographique et de lieux physiques continue d’exister chez les nomades numériques, mais sous des formes plus mobiles et flexibles (O’Brien, 2011). Ils utilisent leur liberté de déplacement pour fréquenter des territoires bien souvent « exotiques », du point de vue occidental, et se caractérisent par ailleurs par un style de vie où les frontières entre travail, voyage et loisirs sont poreuses (Reichenberger, 2018). Pour Trimoldi (2018), les mobilités spécifiques des nomades numériques en font une catégorie de voyageurs à part entière qui essaient de s’intégrer à la communauté locale, tout en évitant les contraintes du « système » (Richards, 2015). Le nomade n’est pas l’opposé du résident mais il peut devenir un résident périodique à différents endroits, selon la qualité de la connexion Internet, la météo et les personnes rencontrées en cours de route (Richards, 2015). Ce dernier point est intéressant pour comprendre le rôle d’intermédiation territoriale que jouent les lieux d’accueil des DN ou quart-lieux.

16La question des lieux et des territoires pour ces nomades numériques reste principalement abordée sous l’angle de la réponse politique et des impacts économiques que provoque leur présence sur les territoires concernés. Ils ont, par exemple, contribué à modifier l’économie du village d’Ubud sur l’île indonésienne de Bali, le faisant passer en quelques années d’un petit village touristique à une ville internationale aux activités économiques relativement diversifiées (MacRae, 2016). Les autorités locales ont par ailleurs accompagné cette opportunité en installant la fibre optique sur le territoire. Progressivement, ces nouvelles activités s’encastrent dans l’économie régionale avec l’arrivée de travelpreneurs venant profiter des programmes d’accélération et de mentorat proposés par les structures locales (Hart, 2015). Dans la même perspective, d’autres territoires non métropolitains comme les villes de Byron Bay et Southern Tablelands en Australie ont vu leur tissu économique fortement impacté par la venue de nomades numériques (D’Andrea, 2006, Black, 2018).

17Guidés par le coût de la vie, l’héliotropisme, l’offre de loisirs, ou encore l’intensité de vie la culturelle, les DN privilégient certains territoires et certains espaces. L’île de Bali et la ville de Chiang-Maï en Thaïlande sont ainsi devenues en quelques années des capitales du nomadisme numérique. Elles abritent en 2019 des dizaines d’espaces de coworkation proposant des prestations de coworking et de coliving (Schlagwein, 2018).

18Malgré les nombreuses recherches s’intéressant aux nomades numériques, rares sont celles qui se sont penchées sur les lieux spécifiques qu’ils fréquentent, et sur leurs caractéristiques. Pourtant, tout comme les tiers-lieux, ils pourraient être des révélateurs des transformations contemporaines de l’économie et de l’emploi (Liefooghe, 2018). Pour Thompson (2018), ce sont bien les lieux fréquentés par les DN et leurs spécificités qu’il faudrait étudier. C’est ce que nous proposons dans cet article à travers l’analyse de leurs liens au territoire et leurs rôles d’intermédiation.

1.3 – Du tiers-lieu au quart-lieu (du troisième au quatrième lieu ?)

19Le terme de quatrième lieu a été proposé par Morrison (2019) qui considère, dans un contexte métropolitain, qu’il s’agit d’espaces où les frontières entre les dynamiques sociales et privées, le travail et les loisirs, le réseautage et les interactions sociales, la collaboration et la compétition sont poreuses. L’auteur défend l’idée que le quatrième lieu constitue une forme hybride entre le premier lieu (la maison), le deuxième lieu (le travail) et le troisième lieu dans son acception la plus large, celle d’Oldenburg (1989), c’est-à-dire des lieux où les gens se rencontrent et apprécient de se tenir compagnie, comme les bars, les cafés et les bibliothèques. Dans notre approche, nous prenons nos distances avec cette définition trop restrictive à nos yeux, et proposons de définir le quart-lieu comme un tiers-lieu hors du territoire de vie habituel de ses usagers, ou hors du territoire d’origine pour les DN complètement déterritorialisés (i.e. ceux qui n’ont plus de domicile et de lieu de résidence régulière).

20Les quart-lieux présentent les spécificités des tiers-lieux traditionnels auxquelles s’ajoute une dimension supplémentaire. Comme les tiers-lieux, ils se définissent par une forme d’indifférenciation des temps personnels et professionnels, une connexion internet haut-débit qui permet une instantanéité des échanges avec le monde entier, des échanges informels favorisés entre les usagers du lieu, et une individualisation de leurs pratiques professionnelles numériques. En revanche, ce qui les distingue des lieux de coworking traditionnels tient au fait qu’ils prennent en compte, dans leur fonctionnement et leur aménagement, de l’hypermobilité propre aux nomades numériques et qu’ils intègrent la dimension touristique du territoire sur lequel ils sont implantés.

21Le positionnement singulier des quart-lieux est ainsi de mixer à la fois le coworking et le coliving, tout en insistant sur le côté inspirant du site et des spécificités du territoire. Il suggère aussi l’idée d’un séjour créatif et productif mais aussi la possibilité de profiter des dimensions touristiques et ludiques propres à leur territoire. Ainsi, ces espaces de coworkation qui regroupent des activités mêlant « travail – domicile – tourisme » favorisent l’émergence de nouvelles pratiques. Celles-ci catalysent des activités économiques et sociales nouvelles pour les territoires concernés. Si elles peuvent accentuer les dynamiques territoriales (innovations sociales, développement local des territoires), elles peuvent aussi faire l’objet d’une certaine instrumentalisation des territoires de la part des gestionnaires de ces lieux et de leurs usagers (cf. partie 2).

22Cette dimension touristique, intervenant en réponse à la mobilité des DN, confère au quart-lieu son caractère distinctif. Étant entendu que ces lieux sont situés « hors du lieu de résidence habituelle » des nomades numériques, leur accessibilité et leur mise en visibilité constituent un défi à relever. Ce défi peut être l’occasion d’une réévaluation de la position du territoire par les acteurs du quart-lieu. Ainsi, ces lieux se construisent et argumentent sur d’autres centralités : professionnelle et géographique.

23La mondialisation des destinations, y compris les plus périphériques, représentée par les quart-lieux (cf. Carte 1) suit les logiques liées à l’impérialisme économique des pays occidentaux. Les usagers et la plupart des gérants des lieux émanent ainsi principalement des pays du Nord (Duhamel, Kadri, 2011). De même, comme ces lieux représentent un modèle de développement touristique et une source potentielle de profit, les acteurs classiques du tourisme d’affaires tendent à copier les modèles de ces quart-lieux pour l’organisation de voyages ou incentives classiques (comme les agences Restation ou Wolfhouse).

24Cependant, en constituant la typologie de ces lieux, force est de constater que beaucoup de formes existent, les uns tendant vers des modèles classiques de tourisme d’affaires, les autres vers des formes hybrides beaucoup plus originales que nous allons analyser ci-après.

1.4 – Les quart-lieux éloignés et situés en périphérie : de nouvelles situations d’intermédiation territoriale ?

25Parmi les espaces de coworkation dédiés à l’accueil des nomades numériques, ceux qui nous intéressent spécifiquement se situent dans des territoires périphériques. La périphérie recouvre des situations diverses mais toujours définies par rapport à une dépendance vis-à-vis d’un centre (Reynaud, 1981). Dans ces quart-lieux périphériques, les actifs mondialisés et hypermobiles (Cohen, Gössling, 2015) trouvent une forme d’ancrage local à travers leurs activités quotidiennes : rencontre avec les acteurs locaux, immersion dans les communautés culturelles locales, adoption de pratiques culturelles (gastronomie par exemple). Les quart-lieux représentent des environnements sociaux émergents d’un nouveau type au sein des territoires. Vecteurs de valorisation et de promotion du territoire sur lequel les animateurs et créateurs ont choisi de les implanter, ces lieux permettent à leurs usagers de nouer dans les espaces de travail, mais aussi via des pratiques de loisirs et des instants de vie, des relations dépassant celles de travail pour évoluer vers des processus de socialisation plus classiques, entre eux dans un premier temps (cf. Partie 2.1) mais aussi avec les acteurs locaux de l’environnement proche (cf. Partie 2.2).

26Par conséquent, la problématique de notre recherche est d’identifier dans quelles mesures les quart-lieux, fréquentés par des usagers hypermobiles et a priori a-territorialisés, produisent-ils des situations inédites d’intermédiation territoriale.

27Pour y répondre, la recherche se concentre sur le cas des quart-lieux éloignés. Notre analyse empirique s’appuie sur un recensement et une étude approfondie des sites internet des quarts-lieux, que nous avons complétés par quatre enquêtes de terrain.

28Au total, soixante-dix quart-lieux ont été identifiés et sélectionnés sur le critère de périphéricité, c’est-à-dire un éloignement géographique des grandes métropoles et/ou des réseaux économiques. Les îles constituent un terrain privilégié, les quart-lieux en situation insulaire représentant en effet près de la moitié des lieux recensés (49 %). Bali en est l’exemple emblématique, avec pas moins de douze structures. La moitié des sites (48 %) sont localisés dans des espaces ruraux (moins de 20 000 habitants). La répartition zonale s’organise comme suit : 44 % des sites sont en Europe, 35 % en Asie et 23 % en Amérique latine. Toutefois, si les lieux sont isolés, ils restent le plus souvent accessibles en quelques heures depuis l’aéroport le plus proche et l’accessibilité aux réseaux numériques reste toujours un élément mis en avant.

29Précisons que les gestionnaires des lieux identifient eux-mêmes leurs lieux comme des espaces de coworkation par un auto-référencement sur les sites spécialisés dans les lieux dédiés aux DN, en estimant que ces derniers n’entrent pas dans des catégories existantes (ni vraiment hébergement touristique, ni vraiment espace de coworking). Les données recueillies portent sur trois thématiques : les caractéristiques du lieu (type de lieu, de projet, hébergement en propre ou location) ; son fonctionnement et les prestations offertes (professionnelles, vie quotidienne, loisirs) ; et l’environnement dans lequel il s’inscrit (situation géographique, accessibilité, attraits touristiques) avec une attention particulière portée aux contenus exprimant les rapports au territoire.

30Le choix méthodologique de l’analyse de sites internet (Barats, 2013) se justifie car ces structures communiquent essentiellement par le biais de dispositifs numériques (site internet, réseaux sociaux), dans la perspective d’être visibles auprès d’un public géographiquement dispersé, d’une part, et pour compenser leur périphéricité par la proximité numérique, d’autre part (Loillier, 2010). Leur présence sur la toile apparaît donc intrinsèquement liée à la nature et aux objectifs de leurs activités. Les dispositifs numériques représentent d’ailleurs une forme d’intermédiation entre les DN et les territoires (cf. Partie 2.2).

31Le matériau relatif aux sites internet est complété par quatre enquêtes de terrain réalisées dans des territoires périphériques et ultrapériphériques (au sens de l’Union Européenne) : Tenerife (Canaries), Açores (Portugal), Sagres (Portugal) et Audierne (France), menées entre novembre 2018 et avril 2019. Quinze entretiens semi-directifs d’une durée moyenne d’une heure y ont été menés à la fois auprès des usagers des lieux (8) mais aussi de leurs gérants et animateurs (7). Comme pour les sites internet retenus, le choix des terrains se justifie d’abord par leur positionnement périphérique mais il est aussi le résultat d’un opportunisme méthodologique (Girin, 1984), certains gestionnaires de lieux étant réticents vis-à-vis de notre proposition de rencontre.

32Les terrains ont été menés par l’ensemble des auteurs, issus de disciplines différentes (géographie, sciences économiques, sciences de l’information et de la communication, sciences de gestion). Ils ont tous utilisé les mêmes outils de collecte des données (guide d’entretien, grilles d’analyse des sites) et protocoles d’investigation (dans le cadre des visites des quart-lieux). Cette multi-angulation des disciplines mobilisées a permis d’enrichir la lecture et les interprétations des résultats.

2 – Des lieux singuliers d’intermédiation territoriale dans un contexte de globalisation

33En interrogeant le rapport que ces lieux, à travers leurs gestionnaires-animateurs et leurs usagers, entretiennent avec le territoire et ses différentes parties prenantes (responsables et acteurs locaux, habitants et communautés), nous avons pu identifier deux situations principales d’intermédiation agissant chacune à plusieurs niveaux. La première a trait au lien qui émerge au sein du territoire à travers ces lieux : ce sont les intermédiations que nous avons qualifiées d’intra-territoriales. La seconde situation concerne la relation entre l’échelle globale et l’échelle locale : ce sont les intermédiations interterritoriales.

34Les différentes situations renvoient aux échanges informationnels, aux actions communicationnelles mais aussi aux relations individuelles et sociales qui s’opèrent entre les quatre protagonistes impliqués par l’existence du quart-lieu (Figure 1). Le principe est que ces relations d’intermédiation se réalisent entre des acteurs qui interagissent deux-à-deux, par similarités et relations d’affiliations (Maffesoli, 1988), ou via des mobilités effectives. Présentées sous la forme de flèches à double sens entre deux types d’interlocuteurs, ces intermédiations s’exercent de manière tangentielle au quart-lieu du territoire qu’elles laissent en dehors de leurs échanges.

Figure 1

L’archipel des quart-lieux périphériques

Figure 1

L’archipel des quart-lieux périphériques

35L’ensemble des intermédiations possiblement permises par le quart-lieu, qu’elles soient intra ou interterritoriales, sont représentées dans la Figure 1. Nous postulons que c’est l’hybridation (Gwiazdzinski, 2016) à laquelle renvoient ces lieux qui construit des situations d’intermédiation territoriale originales. Ces dernières correspondent aux différentes relations qui s’établissent sur le territoire et en interaction directe avec le quart-lieu. Ce sont des situations où l’intermédiation est territoriale puisqu’elle s’opère avec et sur le territoire d’implantation du quart-lieu. L’intermédiation entre les DN et le territoire passe par le quart-lieu et ses parties prenantes (gérants, animateurs et autres DN). Il intervient comme un passage obligé et une porte d’entrée sur le territoire et explique sa position centrale sur la Figure 1. Les situations d’intermédiation territoriale y sont schématisées par deux flèches qui vont et partent du quart-lieu vers les quatre protagonistes principaux de celui-ci qui sont : 1) les acteurs locaux, 2) les nomades numériques qui sont temporairement installés dans le quart-lieu et qui y agissent à la fois individuellement et en tant que communauté temporaire, 3) la communauté mondiale des nomades numériques et 4) les autres quart-lieux et territoires qui existent à l’échelle mondiale.

2.1 – Les situations d’intermédiation intra-territoriale : le quart-lieu comme passage obligé

36Les situations d’intermédiation intra-territoriale que nous avons identifiées se déclinent en deux axes majeurs. Premièrement, le quart-lieu est un médiateur entre la communauté des nomades numériques et le territoire et ses parties prenantes. Deuxièmement, le quart-lieu est un médiateur entre tous les nomades numériques qui y sont temporairement installés et la communauté éphémère qu’ils représentent (Figure 2, page 42).

Figure 2

Quart-lieu et situations d’intermédiation territoriale

Figure 2

Quart-lieu et situations d’intermédiation territoriale

2.1.1 – Situation d’intermédiation intraterritoriale #1 : DN/Territoire

37Si nous considérons les relations des DN avec les parties prenantes du territoire, le quart-lieu est la porte d’entrée pour accéder au territoire et à ses habitants. Les opportunités d’interactions avec la population locale y sont affichées dans les discours des quart-lieux comme des éléments distinctifs, ceci par comparaison à l’hôtellerie traditionnelle. Dès lors, résider dans un quart-lieu permettrait de « vivre comme un local ». Ce positionnement est important dans la mesure où les usagers des lieux ne se considèrent pas comme des touristes. Il y a un besoin de distinction exprimé par les DN qui ne se perçoivent ni comme des expatriés, ni comme des touristes, ni comme des routards (backpackers) (Trimoldi, 2018). Suivant cette logique, R., nomade français habitué des quart-lieux, témoigne de son plaisir à fréquenter les lieux des habitants (cafés d’habitués, plages des locaux, etc.) et à adopter leur rythme lors de ses voyages.

38Le discours explicite des fondateurs de certains quart-lieux révèle que la motivation du déplacement vers la destination peut tenir autant à la renommée du quart-lieu qu’aux représentations et à l’imaginaire que la destination et la culture locale véhiculent. Par exemple, Arctic Coworking Lodge, dans l’environnement extrême de l’archipel des Lofoten en Norvège, attire une population internationale en recherche de dépaysement et de nature, avec des « spots de surf encore vierges » et « la vue à couper le souffle du haut des fjords », mais également en recherche d’authenticité dans la relation avec les habitants. Le site internet promet ainsi « de faire de son mieux pour intégrer ses hôtes dans la communauté locale du petit village de pêcheurs de Tangstad ». Dans cette relation d’intermédiation, les animateurs des quart-lieux ont un rôle de passeur avec le territoire. Cette responsabilité est régulièrement affirmée par les animateurs-gestionnaires. Ainsi, le fondateur du réseau Coworksurf, un réseau de lieux de coworkation, confirme que : « c’est important d’être connecté avec la communauté locale, les DN sont en recherche de cela ».

39Les liens des quart-lieux avec la communauté locale consistent aussi à s’appuyer sur les acteurs locaux pour développer leur propre structure et le réseau de formateurs avec, par exemple, l’Academy du quart-lieu Sun & Co dans la petite ville de Javea en Espagne, ou le Angkor Hub à Siem Reap au Cambodge. Dans le cadre d’espaces plus spécialisés, ces lieux offrent des programmes d’incubation et d’accompagnement à la création d’entreprise.

40Les parties prenantes du territoire sur lequel le quart-lieu est implanté rassemblent les responsables et acteurs locaux, les habitants et les communautés locales. Pour ces dernières, le quart-lieu permet d’avoir accès aux communautés de nomades numériques. En ce sens, le potentiel de développement local qu’ils constituent offre une situation d’intermédiation particulière.

41Ainsi, si les DN apprécient les échanges avec la communauté locale, les parties prenantes du territoire et la population locale peuvent, elles aussi, tirer parti de ces échanges. Situé dans les îles San Cristobal au Panama, le discours du quart-lieu CocoVivo souligne entretenir des « relations fortes avec la communauté locale de Tierra Oscura en offrant des opportunités d’emplois et de débouchés pour les produits locaux ». L’ambition de cette mise en lien est de vouloir « soutenir le développement régional » et d’« améliorer le niveau de vie », voire de changer le monde : « Êtes-vous intéressé pour changer le monde en mieux ? Faire du monde un lieu plus habitable pour tout le monde ? Connectez-vous aux personnes intéressées par ce changement. » [5]. Allant plus loin, diverses structures adoptent une posture que nous qualifions de militante convergeant avec les logiques du tourisme solidaire et sa mythologie (Cousin, 2016). Par exemple, le quart-lieu Angkor Hub fournit aux nomades numériques qui viennent y séjourner l’opportunité d’être membres d’un programme de volontariat et s’occupe de les mettre en relation avec des ONG du territoire. La plate-forme américaine Numundo propose d’ailleurs une sélection de quart-lieux à travers le monde orientée vers le développement durable et solidaire.

42Cependant, l’activité des quart-lieux reste parfois mal connue des parties prenantes du territoire. En effet, même s’ils offrent des prestations d’hébergement et/ou de restauration et s’ils organisent ou facilitent des activités en lien avec les acteurs économiques locaux, les gestionnaires des quart-lieux revendiquent une singularité vis-à-vis des acteurs touristiques « classiques ». Les acteurs et décideurs locaux ne connaissent ou ne reconnaissent souvent pas bien ces lieux hybrides. C’est notamment le cas aux Açores où K., cofondateur d’un quart-lieu explique qu’il n’a pu obtenir une aide financière à l’installation. En cause, la non-reconnaissance de son activité : ni auberge de jeunesse, ni chambre d’hôtes. Aux Canaries, A., la gérante du quart-lieu Nine Coliving a, elle aussi, la volonté de ne pas être référencée en tant qu’acteur de l’hôtellerie mais plutôt à travers la spécificité de son activité hybride. Elle milite en ce sens auprès des acteurs institutionnels locaux pour la mise en place d’une labellisation propre à l’activité de coworkation. Du point de vue des acteurs du territoire, l’enjeu serait donc d’intégrer les quart-lieux à leur offre territoriale et à leur stratégie d’attractivité économique et touristique.

2.1.2 – Situation d’intermédiation intraterritoriale #2 : DN/DN

43Le quart-lieu est aussi un médiateur entre les nomades numériques localisés temporairement et la communauté éphémère qu’ils représentent dès lors sur place. Les bromads pour brother et nomad désignent les pairs rencontrés par les nomades numériques lors de leurs voyages. Cette dénomination témoigne des liens forts entre les DN et signale l’appartenance à une communauté. Bien que le concept de communauté reste difficile à apposer tant les réalités qu’il peut recouvrir sont protéiformes et les domaines concernés nombreux, il semble pourtant devoir s’imposer de facto pour effectivement identifier et qualifier ces acteurs sociaux.

44Sur un plan plus individuel, l’espace de coworkation joue un rôle d’intermédiaire pour mettre en contact les DN qui le fréquentent. Dans leurs offres de séjour, les gestionnaires-animateurs s’attachent à décliner la promesse de rencontres professionnelles riches. Par exemple, le quart-lieu Home for creativity, situé dans la petite ville de Montalto Uffigo en Italie, assure que son espace « crée un environnement inspirant, propice au partage de connaissances et d’idées ». Pour répondre à l’injonction de la créativité performative, les quart-lieux s’appliquent à rassurer sur le retour sur investissement du temps passé ensemble dans l’espace de coworkation. Les discours autour de cette idée foisonnent : « les dîners qui s’éternisent donnent parfois lieu à des idées innovantes et des partenariats stratégiques » annonce le quart-lieu Sende installé dans un petit hameau de la campagne galicienne en Espagne ; « nous vous offrons un espace tranquille et les installations nécessaires pour que vous atteigniez le summum de votre productivité. Restez en contact avec vos clients, maintenez vos ventes et rencontrez vos collègues de travail du monde entier » indique Sundesk, quart-lieu implanté dans la station balnéaire de Taghazout au Maroc. Dans cette même logique, les quart-lieux construisent leurs offres de services, d’animations et de prestations de manière à être associés à l’imaginaire d’espaces professionnels performants qui proposent des conditions optimales de mise en relation avec d’autres DN, toutes formes d’échanges étant susceptibles d’être porteuses d’innovation et/ou d’opportunités. Ces discours suggérant la réussite soulignent que l’accompagnement de la mise en relation du DN avec les autres DN par l’intermédiaire du quart-lieu existe à tous les stades du projet professionnel et personnel : « nous aidons nos hôtes à prototyper leurs idées de business, à échanger des compétences et des services », assure ainsi le quart-lieu Casa Netural installé à Matera dans le sud de l’Italie. Dans la même perspective, le quart-lieu WorkationX, situé dans l’Himalaya indien, explique qu’il œuvre à « encourager les DN, freelancers et entrepreneurs à créer des synergies entre eux et à trouver des solutions à leur problème à travers des pratiques collaboratives ». L’argumentaire sur les atouts de cette mise en contact aléatoire du DN avec d’autres DN, lors d’un séjour temporaire, permet de souligner que le quart-lieu fonctionne bien comme un accélérateur de sérendipité, à la manière des espaces de coworking (Moriset, 2017). Cette mise en lien et en réseau des DN co-localisés dans le quart-lieu est systématiquement valorisée comme le prouve la récurrence des contenus tels que « interagir avec d’autres esprits créatifs et […] profiter du plaisir de partager ». Dans le discours des quart-lieux, l’accent est mis sur le fait que chacun des DN présents peut mettre en avant sa capacité à offrir des connexions utiles par de simples échanges ou sous la forme de conférences et d’ateliers de travail.

45Il faut toutefois nuancer. Ces deux situations d’intermédiation intra-territoriale (DN/Territoire et DN/DN) ne sont pas toujours des évidences. Certains quart-lieux insistent sur le fait qu’ils offrent aussi des configurations de séjour proches de la « bulle » et du « nid ». Il s’agit dès lors de souligner que rien n’oblige à l’échange avec l’extérieur et les communautés locales. On peut choisir de résider dans le quart-lieu sans chercher à interagir, cela dans un objectif d’introspection et de retraite. Par ailleurs, les processus de socialisation favorisent la constitution de communautés éphémères qui engendrent un entre-soi évident. Par exemple, le quart-lieu Novovento organise des sessions de « life coaching » offrant à ses hôtes un séjour axé sur la réflexion et la réorientation tant personnelle que professionnelle. À l’inverse du point de vue plutôt critique de Thompson (2018) qui décrit cette démarche sous l’angle de l’incapacité à échapper à ses carcans sociaux, les gestionnaires-animateurs présentent ces offres sous un angle positif. Ainsi, non seulement cette dimension est affichée de façon très explicite mais aussi de manière très positive. Évoquant « les bonnes vibrations nécessaires aux échanges dans notre petite communauté entre individus qui partagent des intérêts communs », il s’agit alors d’apporter aux DN intéressés « des outils et des idées propres au life design ». Dans ce cas, le quart-lieu se positionne comme un refuge rassurant et protecteur où l’intermédiation territoriale n’intervient pas ou très peu, elle serait même reniée puisque comme Thompson (2018) l’explique, les DN qui cherchent à intégrer ces communautés vivent de manière isolée, s’enfermant dans une bulle, emportant avec eux leur environnement de classe moyenne occidentale dans n’importe quel endroit dans le monde, tout en excluant la population et les contextes culturels locaux.

2.2 – Les situations d’intermédiation interterritoriale : les tensions entre le local et le mondial

46Le quart-lieu reflète un processus de glocalisation, entendue comme les formes d’internationalisation, à l’échelle locale, de logiques et de pratiques globalisées. Il interroge en ce sens le rapport entre les échelles locale et globale.

2.2.1 – Situation d’intermédiation interterritoriale #1 : Territoire périphérique/Logique économique globalisée

47Le développement des pratiques des nomades numériques contribue à (ré)évaluer certains territoires considérés comme en marge des grands flux de l’économie de la connaissance et des grandes centralités mondiales. Par l’intermédiaire des quart-lieux, ces territoires se connectent aux flux de mondialisation et s’insèrent progressivement dans les chaînes internationales de valeur. Les DN sont mobiles certes, mais ils exercent toujours leur activité professionnelle de manière située. Dès lors, le développement des quart-lieux contribue à rebattre les cartes du « marché des lieux » (Dollfus, 2007) que produit la mondialisation en mettant en concurrence les lieux et les territoires où les plus périphériques semblaient par nature désavantagés.

48Ce positionnement « glocal » trouve aussi sa traduction dans la valorisation par les sites internet des profils des individus fréquentant le quart-lieu. Le site internet de Sende cite en exemple la présence de salariés de multinationales comme Disney, The Guardian, Marvel, Worpress, Booking, Cartoon Network, Boeing. « Créatifs, ingénieurs, avocats des grandes multinationales adorent venir travailler à Sende ! ». Dans le même sens, les salariés de Google ou de Mozilla qui fréquentent et coordonnent leurs équipes à distance depuis le quart-lieu Sun and Co, à Javea, contribuent ainsi à rendre visible la petite station espagnole sur la carte du monde. Les Açores et Les Canaries sont, à ce titre, intéressants. Leurs situations géographiques centrales en termes de fuseau horaire sont mises en avant par les espaces de coworkation. Travailler avec des partenaires situés en Europe, en Amérique du nord ou sud et même en Asie y est aisé. C’est un véritable avantage comparatif que met en avant l’espace de coworking UnOffice (Punta Delgada, Açores) : « Des vols directs permettent aux équipes du monde entier de se retrouver facilement en un lieu de rencontre central ». Le site précise que le lieu est à 4 heures en vol direct de Boston ou de Londres. M., sa gérante, insiste sur sa localisation à 4 heures de New York et 2 heures de Lisbonne. Rien d’étonnant que l’entreprise « Doist » ait choisi l’archipel en 2019 pour y organiser sa retraite annuelle qui réunit l’ensemble de ses employés installés aux quatre coins du globe. Autrement dit, plus besoin d’être Londres, Paris ou New York pour abriter une population de travailleurs numériques.

49Si la périphéricité reste toujours une notion relative, il est intéressant de souligner la façon dont elle est parfois recomposée ou apprivoisée sur les sites internet des structures étudiées. L’éloignement devient aussi maîtrisé et négocié par les gestionnaires des lieux. Il s’agit ainsi de transformer et recomposer une situation périphérique en nouvelle centralité. Ces lieux font jouer ensemble périphéricité et réticularité, éloignement et connexion au réseau internet et au réseau communautaire des nomades numériques. Si l’éloignement géographique est nécessaire et qu’il fait partie de l’offre, la périphéricité est apprivoisée et, d’une certaine façon, normalisée.

50Par ailleurs, le quart-lieu intervient comme une porte d’entrée virtuelle sur le territoire au sens où les nomades numériques l’appréhendent d’abord par l’intermédiaire d’une communication numérique de valorisation et de mise en avant sur les réseaux sociaux, stratégie plus ou moins ciblée vis-à-vis de la communauté des nomades numériques. N., développeuse web d’origine sibérienne rencontrée aux Açores, admet avoir choisi Novovento en surfant sur Instagram. Le lieu lui semblait plaisant au regard de l’image renvoyée sur le réseau social. Depuis son installation, elle a fait connaissance avec les commerçants du village et apprécie de s’immerger dans la culture locale.

51Pour que la situation d’intermédiation opère, il faut aussi une certaine correspondance entre les temps sociaux de travail du nomade numérique et ceux avec qui il est en relation dans le cadre de son travail. En d’autres termes, se localiser dans un fuseau horaire trop éloigné crée une distorsion entre les temps de travail et par conséquent contraint à différer le temps de loisirs du DN in situ. Il faut travailler au sein d’une « time zone » compatible avec celle de ses collaborateurs pour pouvoir profiter du temps de loisirs de son quart-lieu. Un nomade numérique australien favorisera Bali, ce sera plus difficile pour un Européen si ces partenaires professionnels sont majoritairement sur l’ancien continent. Ainsi, N. peut travailler dès 5 heures du matin depuis les Açores avec la Russie et profiter de ses après-midi pour découvrir les environs. De même, A., la gérante de Nine coliving aux Canaries déclare qu’il est facile pour les Américains de venir dans cette région de l’Europe.

52En somme, le statut de DN autorise la création de ponts entre des territoires jusqu’à présent faiblement reliés et qui entrent, par cet intermédiaire, dans une logique de flux mondialisés. Les contraintes liées à la périphérie géographique semblent ainsi se réduire par la présence de nomades numériques.

2.2.2 – Situation d’intermédiation interterritoriale #2 : le quart-lieu dans un réseau mondial de lieux

53La mise en réseau des quart-lieux se décline de deux façons. Elle découle d’une part d’un choix des gestionnaires de rejoindre ou de créer un réseau de lieux, et d’autre part, elle se construit à partir des pratiques numériques et de mobilité propres aux nomades numériques.

54Nous distinguons plusieurs cas de figure. Les sites peuvent par exemple être affiliés à une même structure (Outsite, Coworkite, Tribe Theory Startup Hostels, Coworksurf, etc.) Coworksurf rassemble ainsi six structures, situées logiquement dans des pays où la culture du surf est très présente (Portugal, Norvège, Sri Lanka). Estimant que le nombre de DN attachés à cette pratique est important, J., son fondateur londonien rencontré à Sagrès au Portugal, souhaite développer, à l’échelle mondiale, un réseau de lieux où se réunissent les fans de surf désireux de pratiquer leur passion tout en travaillant. De son côté, le quart-lieu Coconat, situé dans une région rurale à une centaine de kilomètres de Berlin affiche des partenariats avec onze espaces de coworking et de coworkation, notamment la Mutinerie Village dans le Perche français. Autre configuration, des quart-lieux indépendants choisissent d’être référencés par des plateformes affichant des valeurs et des objectifs communs. C’est l’exemple de Numundo, association dont le siège social est à San Francisco et qui construit un « réseau décentralisé » de dizaines lieux de coworkation orientés vers l’échange d’expérience autour de modes de développement personnel et/ou économique alternatifs (économie sociale et solidaire, permaculture, life design, etc.).

55On voit donc se dessiner un ensemble de réseaux de quart-lieux et, par extension, émerger des territoires-réseaux. À cet égard, la mise en réseau passe par des flux de circulation plus informels des DN. Les prises de contacts et les rencontres lors de séjours et via les réseaux sociaux numériques fréquentés par les DN produisent et entretiennent eux-mêmes des liens entre les quart-lieux. Ainsi, D. parcourt les quart-lieux européens depuis près de deux ans et retrouve régulièrement des DN déjà croisés lors de séjours précédents. Il estime que ces interrelations jouent pour beaucoup dans ses choix de destination. Cette situation d’intermédiation fait référence à une forme de réseautage des DN avec les autres espaces et territoires d’accueil à l’échelle mondiale. Ainsi, les DN se font recommander leur prochain quart-lieu par le bouche-à-oreille. Il est important de se renseigner avant d’y séjourner. Le DN, qui doit anticiper et prévoir ses futurs prochains séjours et mobilités, s’informe auprès des autres DN présents, et discute avec les gestionnaires-animateurs sur les autres quart-lieux pour s’aider à les sélectionner. Cela suggère qu’il y aurait une forme de cheminement progressif entre certains quart-lieux et pays. Bien qu’elles soient presque invisibles, ces intermédiations entre territoires et quarts lieux suggèrent qu’il existe des « routes mondiales », certes informelles, de quart-lieux, à la façon du « Grand Tour » des jeunes nobles anglais précurseurs du développement touristique au XVIIIe siècle.

56En contrepoint, même si le nomade numérique souhaite circuler librement, son itinéraire reste borné et rythmé par la validité du titre de son visa de touriste. Cette singularité a conduit l’Estonie à créer un visa spécial, à côté du visa touristique, qui autorise à résider pendant un an dans l’espace Schengen. Puisqu’il s’agit de travailler partout avec un simple visa de touriste, les quart-lieux, comme nouveaux espaces d’intermédiation, interrogent l’ancrage au territoire.

57Loin de l’idéologie libertaire souvent prônée par les DN, se pose également la question de leur ancrage fiscal. On atteint ici les limites d’un usage imaginé libre du territoire-monde par le DN : ce dernier est toujours en préparation de sa future mobilité, avec un départ parfois imposé par la durée du visa selon sa destination-résidence du moment. En conséquence, le territoire-réseau des quart-lieux est malgré tout façonné par des frontières nationales et le « pouvoir » de circuler que lui confère son passeport.

3 – Discussion et conclusion : vers une intermédiation territoriale augmentée par les quart-lieux, les réseaux socionumériques des DN ré-interrogent le lien au territoire

58Dans cette dernière partie conclusive, nous questionnons cette forme de complexification du territoire via l’émergence de quart-lieux et des pratiques de leurs usagers. Les nomades numériques dessinent un usage du monde à la fois singulier et normatif par les quart-lieux fréquentés, leurs itinéraires et leurs pratiques spatiales.

59Les lieux que nous avons présentés ont la particularité d’être tous situés dans des territoires excentrés, loin des centralités économiques des grandes métropoles mondiales. En analysant le discours des gestionnaires de ces lieux et des DN, nous notons une forme d’instrumentalisation de la périphéricité qui se traduit par une volonté de relativiser l’éloignement tout en en conservant les spécificités. Cette ambivalence entre proximité et distance révèle un double positionnement : une présence physique bien affirmée sur le territoire d’implantation et, en même temps, un rayonnement à l’échelle mondiale que les réseaux numériques accentuent encore.

3.1 – Des quart-lieux sur un territoire élargi/augmenté

60Ces réseaux, fondés notamment sur les formes prises par la communication via Internet (sites, réseaux sociaux numériques, forums) et sur de modèles nouveaux « de production (logiciels libres), d’information (wikis) et de distribution (commerce électronique), sont centrés autour de la coopération au sein de communautés aux frontières évolutives » (Benghozi, 2006). Cette circulation de savoirs, constitués de discours, de codes et de pratiques, produits et réappropriés par la communauté numérique, affirme non seulement une porosité des domaines de la vie sociale tels que le travail et les loisirs mais plus largement une manière particulière de penser le monde. Ce fonctionnement et cette culture, voire ces idéologies, bien évidemment propres aux DN et à leurs usages numériques puisque les quart-lieu faisant partie de leur univers, ont pour conséquence de créer un niveau supra d’intermédiation territoriale, créant un territoire que l’on pourrait qualifier d’augmenté.

61En effet, la communauté des nomades numériques met en récit de façon singulière des spatialités « décriv[ant] […] une relation de l’habitant à son territoire par les lieux qu’il raconte et dont il exprime virtuellement les propriétés dans des communautés d’usagers connectés » (Benghozi, 2006). Utilisant de façon assidue le numérique pour communiquer, les nomades numériques et leurs quart-lieux produisent ainsi des données (commentaires et photographies géo-référencés) offrant une lecture singulière des territoires. L’analyse des pratiques online permet d’enrichir la notion de territoire en considérant, par exemple, le réseau social numérique Facebook comme un « descripteur territorial original, complémentaire des outils traditionnels de l’analyse spatiale » (Vienne et al., 2017).

62Par conséquent, représentant un usage singulier du monde, les pratiques numériques des usagers de ces quart-lieux interrogent les notions de temps et d’espace à l’échelle des territoires. Ces emplacements réels pourraient ainsi venir en « contestation à la fois mythique et réelle de l’espace où nous vivons » (Foucault, 2001 [1984]). De la sorte, ils pourraient s’apparenter en partie à des hétérotopies (emplacements « autres ») qui « ont la curieuse propriété d’être en rapport avec tous les autres emplacements, mais sur un mode tel qu’ils suspendent, neutralisent, ou inversent l’ensemble des rapports qui se trouvent par eux, désignés, reflétés ou réfléchis » (Foucault, 2001 [1984]).

3.2 – La circulation des quart-lieux par le numérique

63Enfin, par la circulation constante de ces discours sur les réseau\x socio-numériques, ces quart-lieux existent ainsi sur des territoires élargis et diffus, à la fois physiques et numériques. Ils peuvent être considérés comme des êtres culturels en soi (Jeanneret, 2008). Entendus de la sorte, ils sont construits par la circulation de leurs formes. En effet, au-delà de leur matérialité physique (lieux physiques et géo-localisés), ces quart-lieux existent par des processus sociaux de production de savoirs et de représentations plus larges et animés activement par cette communauté (sites, forums, réseaux sociaux). En effet, la production constante de ces discours numériques crée une multitude de représentations virtuelles des territoires où sont situés les quart-lieux. Par leurs spécificités, ces représentations sont autant de symboles codifiés dans lesquels se reconnaissent les nomades numériques. Elles leur permettent par exemple de choisir leurs futurs quart-lieux et donc, par là même, leur future destination et de confirmer leur appartenance à une même communauté.

64Si cette médiatisation singulière des quart-lieux donne lieu à une convergence vers une promesse commune, elle interagit au niveau du territoire réel de multiples façons comme tout discours médiatique. Elle peut, par exemple, en mettant en visibilité certains territoires jusque-là préservés de la massification touristique, engendrer un phénomène de mode et agir sur l’attractivité des lieux concernés. N’oublions pas non plus que les DN eux-mêmes, par leurs fonctions et leurs métiers (influenceurs entre autres), peuvent être considérés comme des leaders d’opinion pour leurs communautés et leurs clientèles.

65Ce processus de normalisation touristique enclenché peut aussi à terme déclasser l’intérêt de la destination et son attractivité. Pour preuve, la massification touristique dont fait l’objet Bali est un élément qui menace son positionnement sur la carte des destinations des DN, qui risquent de préférer reporter leur choix vers des territoires moins fréquentés et plus confidentiels.

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Mots-clés éditeurs : territoires, nomades numériques, intermédiation, quart-lieux

Date de mise en ligne : 25/05/2021

https://doi.org/10.3166/ges.2021.0002

Notes

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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