Notes
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[1]
Données INSEE, au 1er janvier 2014. Cette valeur désigne les résidences principales, vacantes et occupées à titre de résidence secondaire.
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[2]
L’Institut négaWatt a été créé en 2009 sous l’égide de l’Association négaWatt, organisme à but non lucratif rassemblant des professionnels de l’énergie à l’origine de la démarche négaWatt (sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables) et du scénario négaWatt. L’institut est la filiale de l’association travaillant pour la mise en œuvre de la transition énergétique à travers la formation professionnelle, les études et l’accompagnement d’acteurs.
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[3]
Cette littérature mentionne différents dispositifs et organisations qui mettent les artisans en position d’offrir du conseil et de nouveaux services en matière d’efficacité énergétique : mise en œuvre de garanties de performances énergétiques, approches thermiques intégrées au projet, création de clubs de petites entreprises afin de capter de nouveaux clients.
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[4]
Source : Diagnostic de territoire, Cabinet INDDIGO.
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[5]
Ces deux intercommunalités ont fusionné le 1er janvier 2014 pour former la Communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans (CCCPS). La commune de Crest, longtemps hors de toute association intercommunale, a rejoint le périmètre de la Biovallée au moment de son entrée dans la CCCPS.
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[6]
Chargée de mission-C Biovallée, le 5 décembre 2013.
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[7]
Le bureau d’études-E est spécialisé en énergétique du bâtiment et expérimenté en matière de conduite de projets de bâtiment performants.
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[8]
Chambre des métiers de l’artisanat, les centres de formation (Néopolis, Greta), la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment de la Drôme (CAPEB), la Fédération Française du Bâtiment Drôme-Ardèche (FFB).
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[9]
L’expérience DORéMI vise à faire émerger une offre de rénovation globale pour la maison individuelle, à coûts maîtrisés, avec une cible de performance énergétique de 50 kWhep/m2/an. La méthode employée (les « solutions techniques de références ») consiste en une obligation de moyens et non en une obligation de résultats (cf. 3.4.).
-
[10]
Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment.
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[11]
Fédération Française du Bâtiment Drôme-Ardèche.
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[12]
Propos rapportés par la chargée de mission-C Biovallée, entretien du 14 décembre 2012.
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[13]
« Assemblage » sera utilisé ici avec une portée métaphorique relative « aux manières de joindre des éléments pour former un tout ».
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[14]
Artisan-A, formation préalable DORéMI, entretien du 28 novembre 2012
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[15]
Artisan-B, formation préalable DORéMI, entretien du 28 novembre 2012
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[16]
Biovallée, compte-rendu du comité de pilotage du 13 décembre 2012, 12 p.
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[17]
Inventaire des corps d’état : l’isolation intérieure et plancher bas, l’isolation extérieure avec isolant sous enduit, l’isolation extérieure avec bardage, l’isolation toitures et planchers hauts, les menuiseries extérieures et occultations, la ventilation mécanique contrôlée, le chauffage/eau chaude sanitaire/régulation, l’électricité, enfin, l’étanchéité à l’air.
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[18]
Les élus de la Biovallée souhaitent soutenir la démarche et demandent que tous les groupements qui remplissent les pré-requis soient retenus – à condition que l’équipe technique trouve les compléments de financement. Par la suite deux autres groupements seront retenus.
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[19]
« Les artisans diois de la rénovation énergétique », « Rénoénergibat », « BIORéNOV », « FASILARéNO », « Rénovateur Basse Consommation ».
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[20]
Le CALD constitue un centre de ressources de proximité et est souvent la porte d’entrée pour les particuliers en matière d’information sur l’amélioration de leur logement.
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[21]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 11 avril 2013.
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[22]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 11 avril 2013.
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[23]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 24 janvier 2014.
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[24]
Nous avons pu suivre trois de ces visites.
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[25]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[26]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[27]
Le comité technique rassemble des représentants des syndicats du bâtiment (FFB, CAPEB), de la région Rhône-Alpes, de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Drôme, du Cluster Rhône-Alpes Eco-énergies, des communautés de communes de la Biovallée, des chargés de mission DORéMI de la Biovallée, et de l’Institut négaWatt.
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[28]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[29]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[30]
Le comité de pilotage écarte ce qu’il appelle les « granges », c’est-à-dire des bâtiments anciens faisant l’objet d’une rénovation complète. Ces dernières sont trop peu représentatives des chantiers de rénovation thermique auxquels les artisans seront confrontés et sont portés par une clientèle disposant de fonds propres importants, peu représentative des ménages de la Biovallée.
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[31]
Exercice que nous avons pu mener avec les artisans à deux reprises.
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[32]
Il consiste à consigner l’état : des murs extérieurs, des planchers bas, de la toiture, des parois vitrées, des accès, puis des équipements techniques (ventilation, chauffage, eau chaude sanitaire), enfin équipements électroménagers.
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[33]
Ce prêt accessible sans condition de ressources, pour une durée de 15 ans, permet de financer les travaux d’économie d’énergie pour un montant maximum de 30 000 euros.
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[34]
Pour une maison de 100 m2, consommant 20 000 kWh/an de gaz et 4 000 kWh/an d’électricité.
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[35]
Institut négaWatt, présentation publique de DORéMI à des délégations de territoire, le 24 janvier 2014.
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[36]
Chargée de mission-C Biovallée, entretien du 9 décembre 2014.
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[37]
Biovallée (2015) Plateforme locale de la rénovation énergétique du logement privé en Biovallée, 29 janvier 2015. Source : adilobs.dromenet.org
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[38]
M.S., réunion avec les pilotes de groupement DORéMI, le 24 janvier 2014.
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[39]
Les aides et sources de financement sont nombreuses et s’accompagnent de critères d’éligibilité et de cahiers des charges différents : aides nationales (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat [ANAH] ; programme « Habiter mieux »), aides départementales et régionales pour lutter contre la précarité énergétique (aide de solidarité écologique [ASE] ; aide du Conseil Général de la Drôme ; aide de la Région Rhône-Alpes), appels à projet (« 1 000 rénovations »), certificats d’économie d’énergie, prêts (Eco-PTZ, prêt classique).
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[40]
La notion d’agence fait porter la discussion sur les capacités d’action d’un agencement (elle renvoie plutôt au terme agency par rapport au terme agencement). Prothèse et habilitation sont deux configurations types d’agence.
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[41]
Les solutions techniques de référence indiquent des résistances thermiques (parois, planchers, menuiseries…) et ne sont pas prescriptives d’un type de matériaux ou d’un type de finition. En revanche, associées à des contraintes de coûts fortes – comme ce fut le cas dans cette expérimentation, elle propose un raisonnement combinatoire et déductif qui rend l’ « offre » résistante, du fait de sa forte cohérence interne, aux souhaits du client.
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[42]
Au sens d’une prothèse qui aide à agir en même temps qu’elle limite les scénarios d’action possibles.
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[43]
La Biovallée a été financée par l’ADEME et la Région Rhône-Alpes dans le cadre de l’AMI « Plateformes locales de rénovation énergétique du parc de logement privé » proposé par l’ADEME en septembre 2014.
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[44]
L’expérimentation Biovallée a reçu le prix « Initiatives locales pour la rénovation énergétique », par Mme Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du logement, le 13 décembre 2013 à Paris.
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[45]
L’action à plusieurs engage les individus dans l’action, au même moment, sans soucis des autres ; l’action ensemble implique une coopération sans l’abandon de relations de concurrence ; l’action commune est caractérisée par le partage d’un même but et se réalise grâce à des liens de solidarité qui permettent l’atténuation des erreurs individuelles.
Introduction
1Le parc immobilier résidentiel existant constitue un gisement majeur d’économie d’énergie et de réduction des gaz à effet de serre. Une fraction non négligeable de ce parc (56 %) est constituée de maisons individuelles en propriété privée [1].
2En Europe, depuis le début des années 2000, la directive européenne sur l’efficacité énergétique des bâtiments (EPBD, 2002), puis sa version révisée (EPBD, 2010) tentent d’accélérer la réalisation d’économies d’énergie, notamment pour la maison individuelle. La voie empruntée consiste à inciter le particulier à rénover son bâti et à choisir des équipements – en particulier de chauffage, plus économes. Toute obligation de rénovation par le biais de normes contraignantes apparaît comme une voie politiquement trop délicate pour être empruntée.
3À la suite du Grenelle de l’environnement, la France a adopté des objectifs ambitieux d’efficacité énergétique : réduire de 38 % les consommations d’énergie des bâtiments existants d’ici à 2020 et d’au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre avant cette date. Pour autant, elle n’a pas modifié l’orientation européenne consistant à inciter plutôt qu’à contraindre à la rénovation. La politique française procède par incitations (prêt à taux zéro, crédit d’impôt) articulées à l’obligation européenne transposée dans le droit français de réaliser un diagnostic de performance énergétique (DPE). Or, les diagnostiqueurs qui délivrent un DPE n’ont souvent pas les moyens ni le niveau de compétences requis pour faire des diagnostics précis, à mêmes de guider le particulier dans une stratégie de rénovation. Ce dispositif apparaît aux yeux de certains experts thermiciens, « complexe, mal adapté au marché de la rénovation et à la réalité du secteur du bâtiment en France. L’essentiel du marché privé de la rénovation concerne l’habitat individuel. C’est donc à l’artisanat et aux très petites entreprises qui vont avoir à réaliser ces travaux qu’il faut s’adresser en priorité » (Sidler, 2008 : 12). Comment dès lors déclencher une politique ambitieuse de rénovation de la maison individuelle ?
4Cet article suit une expérimentation pilote initiée en 2010 par le territoire de coopération intercommunale Biovallée et l’Institut négaWatt [2], au cœur de la vallée de la Drôme. Celle-ci promeut une politique de l’offre plutôt que de la demande. Le pari est de s’attaquer au marché de la rénovation de la maison individuelle, encore peu structuré, avec l’ambition de faire la démonstration au niveau national qu’une offre de rénovation globale et performante (basse consommation) à coûts maîtrisés (30 K€) est accessible à tous.
1 – Cadre conceptuel et méthodes
5Cette expérimentation d’une politique de l’offre de rénovation de la maison individuelle modifie la façon d’aborder la réalisation d’économies d’énergie. En France, les politiques d’efficacité dans le secteur résidentiel s’organisent historiquement autour de la demande. Les aides financières et les incitations proposées au particulier se trouvent enchâssées dans un processus très administratif, peu engageant pour les banques, avec un lien ténu aux questions techniques. Dans ce contexte, la réorganisation d’un tissu de petites entreprises de la rénovation dans la Biovallée préfigure un espace de coordination marchande inédit. Cet article propose de suivre pas à pas ces recompositions et les formes de coordination qu’elles suscitent en lien avec leur territoire de déploiement.
6La littérature de sciences sociales sur les processus de rénovation du secteur résidentiel est en plein essor. Elle fait porter ses analyses sur l’action des particuliers, au travers de l’auto-rénovation (Peng, 2013), et sur le repositionnement du rôle des architectes, au regard de leurs nouvelles missions de conseil et de passeur d’innovation en matière d’efficacité énergétique (Fischer and Guy, 2009 ; Davies and Osmani, 2011). Parmi les acteurs de la construction, la contribution des artisans à ces politiques de rénovation est moins interrogée. Ils sont parfois réduits au rôle de super-exécutants, capables de sortir dans un temps court des prestations performantes standards (Rovers, 2014).
7Rares sont les analyses qui étudient la recomposition du secteur des petites entreprises de la rénovation et leur repositionnement sur l’offre de nouveaux services. Parmi celles-ci, la notion de « middle-out approach » (Janda and Parag, 2013 ; Janda, Killip and Fawcett, 2014) propose de caractériser l’action des artisans, en matière de rénovation très basse consommation, selon des processus d’innovation distincts des approches descendantes - engagées par l’État, et ascendantes, suscitées par la demande des consommateurs – tout en y étant articulées et complémentaires. Les artisans sont plus que de simples intermédiaires destinés à promouvoir de nouveaux services : l’antériorité de leur entreprise, leur expérience (Parag and Janda, 2014), voire leur ancrage dans un territoire – c’est un aspect au cœur de cet article, leur confèrent des capacités relationnelles qui restent à comprendre au cœur de ces processus d’innovation. Si ces analyses valorisent la capacité d’initiative et d’adaptation des artisans, elles suivent peu les processus d’apprentissage au travers desquels les professionnels recomposent leurs organisations et leurs relations aux particuliers. Les artisans occupent des niches de marché très variées [3], dont les contours et les possibilités de développement apparaissent encore difficiles à cerner (Killip, 2013 ; Horne and Dalton, 2014).
8Pour étudier un marché de la rénovation en construction, cet article propose de mobiliser l’approche de la sociologie des agencements marchands (Callon, 1998 ; Callon, Millo and Muniesa, 2007 ; Callon et al., 2013). Cette approche développe une critique de la représentation économique usuelle des marchés, désignée par Callon sous le terme de « marchés-interfaces ». Cette représentation classique des marchés conçoit que : l’ « offre » et la « demande » sont séparées et autonomes, les biens sont extérieurs aux agents, l’appropriation des biens s’opère par la compétition et la formation des prix résulte de cette compétition. Une telle représentation du fonctionnement d’un marché tend à occulter le long travail du concepteur pour profiler et singulariser un bien, le long travail du vendeur pour intéresser et rassurer l’acheteur, ainsi que le rôle des dispositifs et instruments destinés à orienter et construire le choix marchand. Cet article propose donc de suivre les processus de construction d’une offre (de rénovation), de stabilisation de ses qualités, d’intéressement et d’activation d’une demande, et de leur attachement mutuel. En ce sens, « offre » et « demande » ne sont pas séparées. Elles sont prises dans un travail d’ensemble d’élaboration d’un nouvel agencement marchand.
9Le cas d’étude – la rénovation globale de maisons individuelles, possède des spécificités qui le distinguent des agencements marchands abordés au sein de cette littérature (e.g. Houdart et Thiery, 2011 : marchés de produits, du travail, financier, de consommations intermédiaires). Les offres de rénovation portent sur des biens (les maisons) pré-existants à la relation marchande, non-délocalisables, avec une grande hétérogénéité de configurations constructives, et des attachements pluriels et forts avec leurs habitants (titre de propriété, statut social, dimension patrimoniale et enjeu de transmission, qualité architecturale et d’usage…) comme en témoigne l’étude des usages (Raymond et al., 1966 ; Ségaud, 2010 ; Subrémont, 2010). Ceci fait de la maison individuelle un objet non-standard vis-à-vis duquel la rénovation apparaît peu praticable pour de grandes entreprises de construction. Cette « inertie » dans le développement d’un marché de prestation autour de la rénovation met en position plus favorable les petits artisans, situés à proximité de ces biens « immobiles » et capables de passer du temps avec le client – un tel marché organisé autour de standards ambitieux de performance énergétique reste malgré tout à construire.
10Ceci appelle à ouvrir le questionnement porté par la sociologie des agencements marchands relatif à la qualification des produits, à leur positionnement, à leur mise en circulation entre vendeurs et acheteurs, à une configuration géographique originale. En effet, le rapport de ce marché émergent au territoire n’est pas celui d’une économie mondialisée dont les produits sont constitués (études de marché, démonstration…) au gré de leur passage en des lieux dispersés (Caliskan, 2010), ni celui d’une fluidification des matières premières (ex. le « fleuve blanc » du lait) pour accroître leur circulation au sein d’un vaste bassin de consommation (Vatin, 1990). Dans le cas étudié, une grande partie des « travailleurs de la qualification » - c’est-à-dire des intermédiaires qui participent à doter un bien de qualités marchandes (Callon, Méadel et Rabeharisoa, 2013) se trouvent dans un même espace. Ceci attire l’attention sur le rôle de la proximité entre ces acteurs et avec leurs clients, aux formes de coordination qu’elle suscite afin d’instaurer un marché de la rénovation. Ainsi, comment le territoire est-il convoqué pour cadrer et porter cette expérience de marché autour de biens « immobiles », et quelle est son incidence en retour sur le territoire ?
11Ce cas d’étude se prête donc à suivre la formation d’un « espace de coordination marchande » – la question spatiale étant ici sous-tendue par des enjeux concrets de relations et d’attachements, de matérialité et de proximité. La période d’observation s’est déroulée de septembre 2012 à décembre 2014, ce qui nous a permis de suivre les débuts de cette expérience pilote de rénovation globale de la maison individuelle. Les méthodes employées relèvent de l’observation participante (suivi de journées de formation théorique et pratique des artisans, de comités technique et politique, de visites de particuliers avec le conseiller en énergie partagé, de visites de particuliers avec les artisans, de réunions d’élaboration des programmes de travaux, de réunions avec les banques, de visites de chantier, des journées TEPOS) et d’entretiens semi-directifs (14) (élus, chargés de mission, Institut négaWatt, bureau d’études-E, artisans, particuliers). Nous distinguons trois étapes dans la constitution de ce marché à dimension territoriale, dont seules les deux premières sont activées à ce jour : les chantiers écoles (groupements d’artisans accompagnés, concurrence volontairement neutralisée entre les groupements), le pré-marché (premières opérations non accompagnées, concurrence très faible entre des groupements encore peu nombreux), le marché.
2 – Construire un marché local de la rénovation, redimensionner le potentiel des économies d’énergie
2.1 – Héritages, proximités et visions d’innovation
12L’espace Biovallée [4] est composé de quatre intercommunalités regroupant 102 communes : la communauté de communes du Grand Crestois (CCGC), celle du Pays de Saillans (CCPS) [5], celle du Diois (CCD) et celle du Val de Drôme (CCVD). Son périmètre recouvre approximativement le bassin versant de la rivière Drôme qui la longe depuis sa source à Bâtie-des-Fonds dans les Préalpes du sud à sa confluence avec le Rhône.
13Cet espace de coopération politique à large échelle est un héritage d’une expérience pionnière en matière de gestion de la rivière de la Drôme au début des années 1990. « Notre rivière était un égout, les eaux usées s’y déversaient, on ne s’y baignait plus », rappelle le président de la Biovallée. En 1992, la Loi sur l’eau permet aux collectivités locales d’instaurer un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Les quatre intercommunalités sont identifiées au niveau national comme un bassin pilote pour mettre en œuvre un SAGE ainsi que la première commission locale de l’eau de France. Cette expérience, saluée au niveau international, ouvrit la voie à de nouveaux développements en matière d’agriculture biologique et de tourisme fondées sur de meilleurs standards au début des années 2000.
14En 2005, la Région Rhône-Alpes initie une politique de développement durable au travers de Grands Projets (initiales locales, visées politiques ambitieuses, rayonnement international). En 2009, quelques maires de la Biovallée ambitionnent de faire de leur territoire un « Fribourg rural », en référence à la ville allemande pionnière en matière d’éco-quartier (i.e. Fribourg-en-Brisgau). Ils obtiennent un soutien financier important (10 M€ de la région Rhône-Alpes, 5 M€ du conseil général de la Drôme) pour développer des expérimentations innovantes, notamment en matière d’efficacité énergétique. Plutôt que de débuter par la réalisation d’un plan climat énergie territorial (PCET), pas assez mobilisateur, les élus forment un comité scientifique et explorent la meilleure façon de fédérer les énergies localement. « Dans la tête des élus, le projet prime sur la procédure » [6]. En octobre 2010, les élus convient différents experts à ce comité scientifique dont le bureau d’études-E [7], situé sur leur territoire.
15En décembre 2010, un noyau d’élus et de techniciens de la Biovallée échangent avec M. S., le directeur du bureau d’études-E, pour découvrir son approche de la rénovation. Celle-ci consiste à parier sur les artisans pour en faire des ambassadeurs de la rénovation de la maison individuelle dans ses aspects énergétique, financier et bien sûr de réalisation technique. Les élus sont intéressés, cette démarche leur permet d’affirmer le rôle de « territoire école » de la Biovallée. C’est pour le bureau d’études-E l’opportunité d’accéder à un vaste territoire d’expérimentation à proximité de son siège, à Félines-sur-Rimandoules. Ceci intéresse également l’Institut négaWatt, organe opérationnel de l’association éponyme dont M. S. est un des fondateurs. Implanté à Alixan, non loin de la Biovallée, il ambitionne de compléter l’exercice des scénarios (négaWatt, 2012) par une première expérience pilote de rénovation de la maison individuelle au niveau facteur 4.
16Pour le bureau d’étude-E et l’Institut négaWatt, l’enjeu de cette expérimentation est clairement national. La Biovallée doit démontrer qu’une rénovation globale au niveau BBC et à un coût moyen de 300 €/m2 est une réalité pour la maison individuelle. Cette vision est bien accueillie par les élus. Localement, le défi est de diminuer la facture énergétique des ménages et d’accroître leur pouvoir d’achat, de développer de nouvelles sources de revenus pour les artisans, enfin d’inciter les gens à rester au pays grâce à des logements de meilleure qualité. Cette convergence entre experts et élus repose sur une équivalence ambiguë entre « territoire démonstrateur » et « territoire école ». La démonstration appelle la mise en place d’une expérience sous contrôle afin de porter au regard d’un « public » constitué pour l’occasion les avantages d’un nouveau dispositif sociotechnique, et éventuellement d’en masquer les inconvénients (Rosental, 2009) – elle peut susciter des stratégies médiatiques multiples aux effets parfois difficilement maîtrisables (Labussière, 2015). La notion de « territoire école » – telle que nous l’avons observé, augure davantage l’idée d’un renouveau du développement local par des actions innovantes ; c’est la revendication d’un droit à l’expérimentation. Cette tension entre deux visions de l’innovation – non antagonistes a priori, éclaire la façon dont ce marché de la rénovation prend forme et mobilise le territoire.
2.2 – Construire une « offre », stabiliser ses qualités : mettre les artisans en groupement
17La construction d’une « offre » appelle un long travail pour s’accorder sur une qualité et un prix. M. S. puise dans son expérience de bureau d’études de nombreux éléments de cadrage pour guider ce travail. Tout d’abord, il propose une formulation du problème initial : le propriétaire d’une maison individuelle est désorienté, il n’a pas une idée claire de son besoin en matière de rénovation et, de ce fait, risque de mal investir, voire de ne pas investir du tout – laissant donc un gisement d’économies d’énergie inexploité. Cette vision de la « demande » est au fondement de l’idée d’une « offre globale ». Le terme « global » désigne autant le fait que la prise en charge du particulier par l’artisan doit être complète, que la rénovation doit être tous corps d’états, enfin, que le prix est optimisé grâce à un contrôle de l’ensemble des coûts – et ne résulte pas d’une addition de devis. Cette notion d’ « offre globale » prend sa place dans « l’espace des biens » (Callon, Méadel et Rabeharisoa, 2013) en revendiquant une différence nette vis-à-vis des autres possibilités de travaux qui pourraient s’offrir aux particuliers : la rénovation élément par élément et l’auto-rénovation. Ces dernières, ponctuelles et mal maîtrisées techniquement par les acteurs du bâtiment et les particuliers, ne suscitent que peu d’économies d’énergie et, donc, peu d’allègement de charges. En associant cette offre à une mesure de performance (50 kWhep/m2/an) et à un prix de référence (300 euros/m2), l’ « offre globale » est même conçue pour apparaître incomparable – les autres possibilités de rénovation ne pouvant par avance afficher une mesure et un prix. L’« espace des biens » se trouve donc requalifié par la distinction introduite entre l’ « offre globale » et les autres approches (rénovation partielle, auto-rénovation).
18L’expérimentation de cette « offre globale » ne peut se déployer sans les artisans. Durant l’été 2011, un élu et une technicienne de la Biovallée rencontrent les institutions du secteur du bâtiment de la Drôme avec l’espoir que celles-ci mobilisent les artisans [8]. Dans cette phase amont, le projet DORéMI [9] n’est que partiellement défini, les réactions sont diverses. Les rivalités entre syndicats du bâtiment, la CAPEB [10] et la FFB [11], obligent à trouver un équilibre dans le portage du projet, sous peine d’amoindrir sa légitimité. Un comité de pilotage est mis en place à l’automne 2011, qui rassemble la diversité de ces institutions. Malgré cela, les organismes professionnels laissent à l’équipe Biovallée la tâche de mobiliser les artisans, eux-mêmes peinant depuis deux ans à structurer la profession en groupements. Fin 2011, la démarche DORéMI est approuvée par le comité de pilotage et les quatre intercommunalités de la Biovallée.
19La collectivité locale est donc mise au défi d’intervenir au sein d’une filière professionnelle, celle des petits artisans, afin de susciter des regroupements. Cet interventionnisme des pouvoirs publics dans le secteur privé et la forme inédite de sa territorialisation distinguent la démarche DORéMI de la politique de l’habitat portée par l’État. La collectivité propose aux artisans une formation-action (théorique, pratique et un suivi sur chantier). Elle organise un appel à la profession dans l’amphithéâtre de l’éco-site d’Eurre le 14 mars 2012. Le représentant de la FFB harangue ses confrères : « Les gars, il y a un train qui part. Ça fait des années qu’on nous parle des groupements… Il faut monter dans le train qui commence à bouger. C’est le marché de demain ». M. S. positionne son « offre » sans détour en présence de l’État venu exposer le programme « Habiter mieux » : « on sort du cadre, on va se lancer dans autre chose. On va changer d’échelle et pas seulement suivre une situation en train de se détériorer. Il faut rénover à 50 kWh ! » [12]. La notoriété de M. S. sera un facteur décisif – exprimé par les artisans lors de nos entretiens, pour crédibiliser cette démarche inédite.
20À l’hiver 2012, il n’y a pas l’ombre d’un groupement d’artisans. Le bureau d’étude-E les convie à des journées de « formation initiale » pour leur présenter la démarche DORéMI et répondre à leurs questions. L’exercice prend parfois l’allure d’un « grand oral » : l’animateur-formateur, M. S., est questionné sans relâche par les artisans sur les implications techniques, économiques, juridiques de la démarche DORéMI. M. S. joue un rôle crucial, se faisant tour à tour le porte-parole de l’urgence climatique, des inquiétudes du particulier, des exigences légitimes d’un futur pilote de groupement d’artisans. Ces journées de formation sont un succès, elles drainent 71 artisans du territoire. Elles sont aussi cruciales pour faire émerger des groupements d’artisans candidats à la démarche DORéMI. À l’instar des analyses de la sociologie des agencements marchands (Callon, 2013), un bien existe au travers d’un processus de « passivation », visant à le doter de qualités intrinsèques, stabilisées et reconnaissables – ce à quoi s’évertuent les producteurs afin que l’acheteur authentifie le bien par « ses » qualités, voire les associe au bien comme ses attributs « naturels ». Dans le cas présent, la capacité de la démarche DORéMI à promettre une offre de rénovation authentifiable et stable (une offre globale, à coûts maîtrisés, au niveau BBC), c’est-à-dire reproductible, est étroitement conditionnée au travail d’assemblage [13] des artisans en groupement.
21À ce titre, les journées de « formation initiale » sont l’occasion d’une pédagogie quant à la façon de lier les artisans entre eux et avec les particuliers (Bureau d’étude-E, 2012). La garantie de qualité est conditionnée par le fait d’avoir un groupement multi-compétents, avec un pilote authentifié, porteur de la démarche commerciale et positionné comme l’interlocuteur unique auprès du particulier. Ce schéma relationnel est discuté par certains artisans de la vallée de la Drôme car il bouscule les valeurs et pratiques ancrées dans l’activité de leurs petites entreprises :
- une pratique consiste à éviter les conflits de loyauté avec des confrères installés de longue date sur un secteur géographique : « le diois, c’est un gros village, on se connaît tous, il y a déjà des règles en place » lance un artisan [14] – or, le groupement doit être « insécable », les membres formés à la démarche DORéMI devront être ceux qui interviendront sur le chantier, ils ne peuvent pas être remplacés par un artisan établi dans la localité mais non formé, au risque de dégrader la cohérence et la performance globale de la rénovation ;
- une autre pratique consiste à laisser le client libre d’orienter la commande (le « client est roi ») : « si le client préfère Yannick pour poser sa chaudière, je dois lui céder ma place ! » [15]. Dans la démarche DORéMI, l’optimisation des coûts est recherchée par le dialogue entre le client et le pilote de groupement, et non plus par la mise en concurrence des devis pour un même lot technique. Cela confère au pilote une posture nouvelle, celle d’un assistant maître d’ouvrage chargé de maîtriser la performance énergétique et les coûts du projet.
22Les artisans suivent également des journées de « formation pratique » à l’INEED, un centre de ressources en éco-construction et en éco-innovation. Ils s’exercent notamment à la pose d’isolant et de menuiseries, à leur bonne articulation sur des modules pré-fabriqués grandeur nature. Dans ce grand hangar, l’heure est à l’apprentissage des gestes techniques afin de donner corps à un groupement cohérent, aux compétences ajustées les unes par rapport aux autres.
23Le projet DORéMI est financé pour accompagner 5 groupements sur 10 chantiers pilotes. À l’issue des journées de formation, 7 groupements déposent leur candidature, engageant 38 entreprises. Des critères sont retenus [16] pour sélectionner les groupements. Ce processus de sélection par le comité de pilotage poursuit le travail de « passivation » engagé, c’est-à-dire de stabilisation du jeu de relations qui permettra de faire advenir des « groupements » et de déployer l’« offre » commerciale DORéMI. Parmi ces critères, celui de l’origine géographique vise à privilégier des entreprises de la Biovallée. Il s’agit d’éviter que des artisans extérieurs au territoire profitent d’un marché émergent de la rénovation BBC. Cette territorialisation de l’opération pilote concourt à instaurer une relation de confiance entre les artisans, les collectivités locales et les animateurs-formateurs. Les entreprises sont également sélectionnées selon : leur domaine de compétence (l’entreprise propose au moins un des huit corps d’état inventoriés [17]), leur expérience (l’entreprise peut attester d’une formation FEEBAT et d’une pratique sur des chantiers de rénovation thermique), leur appartenance éventuelle à un groupement constitué, leur motivation (écarter les opportunistes) et le respect des engagements de la démarche DORéMI [18]. Cinq groupements sont retenus pour accéder aux chantiers pilotes dès janvier 2013 [19], deux dans le Diois et trois dans le bas de la vallée de la Drôme.
2.3 – Aiguiller le particulier, trier le parc immobilier : façonner la « demande »
24Les particuliers susceptibles d’entreprendre une rénovation énergétique globale de leur logement constituent un gisement diffus, difficile à appréhender, d’environ 15 000 maisons dans la vallée de la Drôme. Les trois chargés de mission de la CCVD se coordonnent avec le Centre d’amélioration du logement de la Drôme (CALD) [20], point d’entrée usuel pour les particuliers en matière de rénovation de l’habitat. Selon le profil des demandeurs (projet, revenus…), la CCVD informe sur les aides à la pierre classiques, et peut diriger une personne vers le CALD pour une prise en charge administrative et technique. Quant au CALD, il déploie la politique traditionnelle de l’habitat et renvoie certains demandeurs vers la CCVD si leur profil peut être congruent avec la démarche de rénovation globale DORéMI. Les chargés de mission insistent auprès des élus pour créer ce lien direct avec les particuliers et ne pas déléguer le premier contact téléphonique au CALD. « Même si on est débordé, ça vaut le coup… Par la suite, on n’aurait pas pu avoir la même analyse, avoir le même ressenti » [21].
25L’accueil téléphonique est le lieu de la première expression des besoins. « On sent au téléphone s’ils sont prêts à entendre parler de rénovation globale. C’est pas toujours le cas. Des fois, ce sont des petites mamies qui veulent juste rénover leurs fenêtres, alors je leur dis appelez le CALD. Il y a des gens… je me dis je vais quand même passer le deuxième niveau [leur présenter DORéMI]. J’essaie de leur dire attention, si vous faites quelque chose, c’est peut-être le moment d’aller vers une rénovation globale » [22]. Ce dispositif est fait pour susciter la confiance des particuliers en diffusant l’information par des canaux de proximité. « Les gens s’adressent à nous parce qu’on n’a rien à vendre » [23].
26En décembre 2012, à partir de 76 contacts téléphoniques, le conseiller en énergie partagée réalise 35 visites de maisons [24]. Il les accomplit seul ce qui lui permet d’avoir un échange personnalisé avec le particulier. L’échange débute par une présentation du projet DORéMI et du fonctionnement par groupements d’artisans. Le conseiller s’intéresse ensuite à l’économie du ménage pour positionner le maître d’ouvrage vis-à-vis des aides existantes, puis établir une estimation de sa consommation en kWep/m²/an (surface de la maison, type de chauffage et consommation annuelle). Il en déduit au regard de l’objectif de 50 kWep/m²/an, le montant des économies annuelles d’énergie et de budget. Enfin, il inventorie les aspects constructifs et techniques de la maison (année de construction, date d’acquisition, travaux éventuels, présence d’isolation, type de ventilation, etc.). Au cours de cet état des lieux, les échanges sont aussi porteurs d’une dimension pédagogique (qu’est-ce qu’un pont thermique ?) et de conseils (ex. l’isolant sous toiture serait à remplacer). La visite se termine par l’ extérieur de la maison : « l’attachement à la façade, c’est un passage obligé. C’est un investissement ta maison. Quand tu décides d’acheter, l’apparence extérieure a beaucoup d’importance » [25].
27Cette prise en charge du particulier par la collectivité locale (accueil téléphonique, re-direction partenariale, visite à domicile) en amont des travaux, en dehors de toute transaction commerciale, place celui-ci dans un climat de confiance. Cette politique de la rénovation trouve son crédit au travers d’un processus de territorialisation fondé sur une proximité spatiale, revendiquée et mise en scène, entre la collectivité positionnée comme un intermédiaire neutre, des artisans volontaires et le particulier. En cela, elle est porteuse d’un potentiel pour mettre le particulier en capacité de choix – celui-ci pouvant encore à ce stade opter pour DORéMI ou profiter des conseils obtenus pour s’orienter vers une rénovation progressive ou de l’auto-rénovation. Cette prise de contact participe à façonner la « demande » nécessaire à la démonstration, mais elle n’est pas suffisante.
28À la suite de ces premières visites sont sélectionnées une dizaine de maisons vouées à devenir des chantiers écoles pour les artisans DORéMI. Leur sélection a donné lieu à des « discussions très controversées » [26] au sein du comité technique [27]. Au départ, les chargés de mission de la Biovallée s’intéressaient à « tous les bâtiments mal isolés de la Biovallée » [28]. « Nous, à Biovallée, l’intérêt premier, ce sont les économies d’énergie, mais pour M.S., c’est de produire des références » [29]. Ce dernier choisit de privilégier des résidences principales [30], sans isolation, sans changement de destination dans les usages, et nécessitant des travaux multiples (isolation, chauffage, ventilation…). Cela désigne un type de bâti prioritaire : la « maison de maçon » d’avant 1975, en béton, aux surfaces standards, aux volumes simples, avec du simple vitrage partout. Cette fraction du gisement est à la fois porteuse de difficultés et d’apprentissages pour les artisans, et présente une relative homogénéité qui rend comparable les résultats en matière de performances et de coûts de rénovation. Dix maisons sont retenues pour les chantiers écoles : neuf projets en bas de vallée et un projet en vallée de Quint.
2.4 – Les chantiers écoles : standardiser des missions de maîtrise d’œuvre pour les rendre manipulables par les artisans
29Le déploiement des chantiers écoles rend perceptible la tension entre un processus inédit de territorialisation de la politique de l’habitat et un processus de démonstration national qui en contraint les formes locales de coordination. Le processus type consiste pour un groupement d’artisans à faire un état des lieux architectural et technique chez le particulier, à élaborer un programme de travaux sur la base de ces observations, à produire un devis, à le négocier avec le particulier, enfin, à réaliser les travaux. Cet article n’a pas vocation à fournir une évaluation d’ensemble de ces processus. Il propose d’en analyser deux qui illustrent les tentatives et les difficultés rencontrées pour déployer un espace de coordination marchande, c’est-à-dire articuler une « offre » - prise dans un processus et des dispositifs de « passivation » de ses qualités, et une « demande » - dont il s’agit à la fois de constituer les capacités de choix et de décision.
30La démarche DORéMI soutient qu’une politique de rénovation permettant d’atteindre les objectifs de facteur 4 n’est pas atteignable sans mettre les « artisans en première ligne ». Elle considère que ces derniers parce qu’ils sont déjà dans les territoires, sont les plus à mêmes de rencontrer les particuliers et d’intervenir sur des rénovations très spécifiques. Ceci conduit à redéfinir la place et le rôle des artisans, en adjoignant à leur activité traditionnelle – la réalisation des travaux, des missions d’ordinaire portées par l’architecte (conception du programme de travaux, suivi de chantier) et par le bureau d’études (études spécialisées, dimensionnement de solutions techniques). Cette réattribution de missions est justifiée par des contraintes économiques et techniques : une politique de rénovation de masse n’est pas envisageable si le particulier doit supporter les honoraires d’un architecte et ceux d’un bureau d’étude thermique. Par ailleurs, la conception d’une maison étanche à l’air requiert une simulation thermique dynamique (STD) alors que de nombreux bureaux d’études s’en tiennent au calcul réglementaire. Comment doter les groupements d’artisans d’une capacité renouvelée d’intervention sans l’appui d’un acteur susceptible d’orchestrer la maîtrise d’œuvre ? Nous analysons en suivant les tentatives déployées au cœur du projet pour standardiser certaines missions de maîtrise d’œuvre afin de favoriser leur appropriation par des artisans.
31Le premier processus concerne l’élaboration d’un programme de travaux pour une rénovation globale de niveau BBC. Pour élaborer le contenu d’une telle « offre », la coordination entre les artisans du groupement est cruciale. Elle se fait sur les chantiers écoles [31], en plusieurs étapes. Le travail du groupement débute avec l’état des lieux architectural et technique. Une demi-douzaine d’artisans, M. S., le conseiller énergie, se rendent chez le particulier. Un bref échange ouvre la rencontre. Il vise à recueillir des informations clés (possibilités de financement, souhaits en matière de travaux). L’exercice suit un ordre prédéfini par le bureau d’étude-E [32]. Les artisans prennent des photos de toutes les pièces, relèvent de premières côtes, vérifient les plans. Ces observations peu à peu assemblées confèrent au groupement une image partagée du chantier. En particulier, ils discutent in situ l’état de l’enveloppe thermique du bâtiment et les moyens possibles pour son optimisation.
32Grâce à ces traces, les artisans emmènent avec eux le « problème » pour l’analyser lors d’une réunion de travail en salle. Ces réunions d’élaboration de programme de travaux, animées par le bureau d’études, mobilisent l’ensemble du groupement. Les artisans visionnent les photos prises sur site, analysent les systèmes constructifs et leurs spécificités (enduits…), puis discutent des éléments de programme (isolation intérieur/extérieur, menuiserie…). Le dimensionnement de chaque élément est établi à partir de « Solutions thermiques de référence » (STR). Les STR sont une méthode d’intervention simplifiée, imaginée en 2004 par le bureau d’études-E, afin de faciliter la rénovation de bâtiment à très basse consommation sans être obligé de procéder à des calculs complexes et coûteux (Bureau d’études-E, 2010). La méthode repose sur une obligation de moyens à mettre en œuvre pour les différents éléments du bâtiment et ses équipements techniques afin d’atteindre les 50 kWh/m²/an. Elle résulte d’apprentissages sur des opérations réelles, analysées à l’aide de simulations thermiques dynamiques et instrumentées afin d’en suivre les consommations. L’outil STR se présente comme un tableau structuré en dix chemins possibles de rénovation, classés en deux grandes familles (isolation intérieure : 4 configurations ; isolation extérieure : 6 configurations). Le choix d’une STR s’opère par exclusion. Il appelle de la part des artisans l’exercice d’un raisonnement combinatoire consistant, selon les spécificités et les contraintes du bâti, à compenser les résistances thermiques entre les différents postes d’intervention (murs, plancher bas, toiture, vitrage, ventilation). En synthétisant les résultats issus d’expériences et de calculs menés en bureau d’études et en les formalisant dans un langage pré-opérationnel, cet outil confère aux artisans une capacité de dimensionnement de la réponse technique – sans avoir à procéder à des calculs thermiques. En revanche, pour être efficace l’outil exige des artisans une mobilisation importante à chaque étape. Il fait appel à la mémoire collective pour re-spatialiser les éléments du bâti et réactiver les questions soulevées lors de la visite. Il appelle aussi un long et patient travail d’ajustement de leurs solutions techniques pour les rendre compatibles et les faire exister au sein d’une STR.
33Le second processus vise l’élaboration d’une « offre » commerciale de rénovation. La maîtrise financière de cette offre est envisagée grâce à la contractualisation d’un éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ) [33] par le particulier. La démarche DORéMI se saisit de ce dispositif national comme principal levier de financement pour accéder à une rénovation globale. La maîtrise du coût de l’offre commerciale opère, au sein de ce dispositif, selon deux axes principaux.
34Un effort considérable est fourni par les artisans pour optimiser leurs devis. M. S. invite les artisans à détailler les matériaux et le type de pose envisagés. Il exerce un contrôle sur les solutions techniques et leurs coûts afin d’éliminer les redondances entre les différents lots. Le suivi des cinq groupements lui permet de comparer l’ensemble des devis, de contrôler les écarts de coûts, et de diffuser des préconisations auprès des artisans. Cela produit progressivement une sorte de norme interne entre les groupements, les meilleures prestations (qualité/coût) devenant la référence à atteindre par les autres. Il n’est pas rare que les artisans engagent deux cycles de devis avant sa présentation au propriétaire. Pour autant, comment attacher un particulier à une « offre » de rénovation globale, comment le convaincre de sa pertinence et de sa faisabilité ?
35La démarche DORéMI aborde cette question en générant, à partir d’un outil de calcul simple, des visions d’investissement qui mettent le particulier en capacité de raisonner ses charges et ses gains. L’outil, élaboré par le bureau d’études-E, inclut en données d’entrée les paramètres de la maison (surface, consommations énergétiques, charges d’énergie), les prix de l’énergie et leur évolution, enfin, les paramètres du plan de financement (coût envisagé des travaux, montant de l’Eco-PTZ, montant du prêt classique, apport éventuel). Il génère un bilan cumulé de trésorerie qui rend visible, sur vingt ans, le bilan annuel des charges (remboursement des prêts pour travaux, charges énergétiques) et des gains (économies d’énergie revalorisées à l’aune de la hausse des prix de l’énergie). Il produit un effet de conviction en ce qu’il rend visible, pour une maison standard [34], le nombre d’années à partir duquel l’investissement rapportera au particulier plus qu’il ne lui coûte. Ce faisant, cet outil permet de supplanter le raisonnement selon le taux de retour sur investissement (TRI), qui tend à accroître la frilosité de l’investisseur en ne montrant que l’étalement de la dépense dans le temps. Il génère une vision d’investissement dotée d’un potentiel économique futur pour le ménage. Avec cet outil, les gens voient qu’avant « ils payaient des factures qu’ils ne maîtrisaient pas, alors qu’après ils maîtrisent les mensualités qu’ils remboursent » [35]. Les groupements d’artisans sont directement parties prenantes de ce processus destiné à doter le particulier de nouvelles capacités de calcul en matière de gestion patrimoniale.
2.5 – Multiplication des interlocuteurs et difficile émergence d’une relation commerciale
36La démarche DORéMI tente de formaliser des missions d’ordinaire portées par la maîtrise d’œuvre (architecte, bureau d’études thermique) afin d’accroître l’autonomie de groupements d’artisans. L’enjeu est de faire advenir un modèle d’action plus intégré, synonyme de réduction des délais, des coûts et d’une garantie de performance. Ce modèle d’action fait appel à des outils et à des dispositifs qui ont montré certaines limites lors de l’expérimentation.
37La prise en charge des maisons par les artisans (cf. 2.4.) conduit, en un temps court, à un processus de compréhension par « déconstruction » des faiblesses techniques du bâti déstabilisante pour les artisans comme pour les particuliers. « C’est la ruche, les propriétaires ne comprennent rien à ce qui se passe ». [36] Cet état des lieux centré sur les enjeux techniques suscite une compréhension à retard des souhaits et des craintes des particuliers, et aboutit parfois à l’annulation de projets bien engagés. Ce déficit d’exploration par les artisans des attachements des particuliers à leur habitat (qualités architecturales, d’usage, enjeu de transmission) se traduit donc par un dispositif très mobilisateur et incertain.
38Le calcul des prix a également suscité des interrogations au cours de l’expérimentation. Les programmes de travaux DORéMI visent un montant de dépense qu’un Eco-PTZ peut garantir. Le prix de 300 €/m2 a été utilisé au début de l’expérience dans la communication d’approche auprès des clients potentiels. Les groupements ont eu beaucoup de difficultés lors des premiers chantiers pilotes à concrétiser leur programme de travaux à partir de cette valeur annoncée. Dans ces conditions, l’optimisation des devis devient un processus chronophage pour les artisans, et l’allongement des délais une source de démotivation pour le client. Les premiers chantiers pilotes sont réalisés avec des prix de 416 €/m2 SHAB [37]. Les groupements s’inquiètent de cet écart. Un apprentissage de ces opérations pilotes consiste à repositionner les groupements au sein d’une relation commerciale qui permette de mieux comprendre les attentes et les possibilités du client – sans cadrer trop précocement la relation par un prix.
39Enfin, le système français des aides à la rénovation est si complexe qu’il ne peut être assumé par les artisans. « Au départ, j’avais dit qu’on vous formerait sur ça, maintenant c’est un vrai casse-tête, il faut que quelqu’un soit capable de monter le dossier » [38]. En Biovallée, c’est une chargée de mission qui se substitue aux artisans pour accompagner les particuliers dans l’élaboration de leur plan de financement [39]. La tâche est ardue, il s’agit de monter un plan de financement spécifique à la situation de chaque propriétaire (âge, revenus, types de travaux, arbitrage avec d’autres investissements souhaités…), dans un contexte de règles nationales mouvantes. Cette ingénierie financière est également compliquée par le fait que les banques « boudent » l’Eco-PTZ, lequel exige de leur part de contrôler les programmes de travaux pour garantir le bon usage du crédit.
40Les difficultés observées en phase pilote (appréhension tardive des souhaits du particulier, annonce précoce d’un prix de référence, plan de financement complexe) perturbent le modèle initial d’une « offre globale » (énergétique, financière et technique) portée par un groupement d’artisans. En d’autres termes, ces derniers sont encore difficilement opérationnels sans une organisation collective étendue qui les mette en capacité d’agir. Ceci est rendu visible dans l’expérience en cours par la délégation de missions – initialement attribuées aux artisans, auprès d’acteurs tiers (collectivité locale, bureau d’études-E).
3 – Potentiel d’économie d’énergie, potentiel de recompositions territoriales
3.1 – Qu’est-ce qu’un potentiel d’économies d’énergie pour la maison individuelle ?
41À propos des agencements sociotechniques, Callon (2008) distingue une configuration (i.e. appelée « prothèse ») qui étend la capacité de l’individu tout en disciplinant ses relations au monde, l’inscrivant dans des séquences d’action fortement normées et peu nombreuses, et une configuration (i.e. appelée « habilitation »). qui augmente la capacité d’interaction entre l’individu et son environnement lui redonnant une part d’autonomie dans la définition de son projet.
42L’approche DORéMI propose un cadrage qui vise à « habiliter » les artisans. Il porte sur des connaissances (formations théoriques et pratiques), sur des relations entre artisans (groupement insécable, pilote référent), sur la performance thermique du bâti (recours aux solutions techniques de référence), sur la prise en charge d’une économie domestique (optimisation des devis, plan de financement, outil de calcul en trésorerie cumulée) et enfin, sur l’articulation entre les gestes techniques requis (chantiers-écoles). Ce cadrage vise à simplifier le monde de la rénovation en standardisant un certain nombre de procédures – administratives, financières, d’expertise thermique, afin de les rendre manipulables par des artisans. Ce faisant, il s’agit de faciliter l’émergence d’un nouveau marché en diminuant le nombre d’intermédiaires (architecte, bureau d’études thermiques) et en favorisant la diffusion d’une offre globale.
43Malgré tout, il se heurte à deux écueils. Tout d’abord, ce cadrage, très mobilisateur pour les artisans, ne parvient pas à se déployer dans sa phase expérimentale sans l’intervention d’un collectif élargi qui les met en capacité d’agir (optimisation des devis, plan de financement). Ceci marque un pas de côté vis-à-vis du modèle initial visant une prise en charge complète des aspects commerciaux, financiers, techniques, opérationnels par les artisans. Le fait que cette agence [40] - au sens de ce qui fait agir, soit davantage distribuée n’est pas un défaut en soi mais elle apparaît en contradiction avec la vision initiale d’une offre portée par un groupement d’artisans « autonome ». Par ailleurs, ce cadrage offre aux particuliers à ce moment de l’expérimentation une capacité de choix réduite (sélection des maisons pilotes, forte cohérence interne des STR [41], non comparabilité des options de rénovation). Il est mis en position d’agir au prix d’un parcours très dirigé – ce qui lui confère davantage une agence de type prosthetic [42]. Ceci se traduit par la prise en compte tardive de dimensions (architecture, transmission des biens…) qui singularisent l’attachement d’un particulier à sa maison. Il résulte de l’ensemble de ces observations une relation commerciale fragile entre le groupement d’artisans et le particulier.
44Par ailleurs, cette analyse montre que le potentiel d’économies d’énergie ne réside pas uniquement dans le processus de formation et d’habilitation de groupements d’artisans. Il émerge aussi au travers de l’action des collectivités locales lesquelles mènent un travail inédit de territorialisation de la politique de l’habitat (accueil téléphonique, première visite à domicile du conseiller énergie, réalisation du plan de financement). Cette territorialisation suscite la confiance grâce à des relations renouvelées entre collectivités territoriales, artisans et particuliers. Ceci suggère qu’il n’y a pas un produit nominal – appelé à être testé et généralisé, qui serait l’ « offre » et un produit marginal – rassemblant des fonctions d’aide à son déploiement (ex. ingénieries financière et commerciale) qui viserait la « demande ». Le défi est d’imaginer un système global de relations qui ne sépare plus « offre » et « demande », et c’est bien tout le défi auquel s’affronte l’opération DORéMI.
3.2 – Comment dimensionner ce potentiel d’économies d’énergie ?
45Lorsque Michel Callon propose le concept d’ « agencement marchand » (Callon, 2013), il insiste sur l’importance de rendre visible l’ « ingénierie politique » qui oriente les marchés et la diversité de leurs configurations. La question spatiale n’est pas associée à ce concept même si certains marchés, comme celui de la rénovation de maisons individuelles, y semblent étroitement liés. La rénovation nous met face à l’évidence matérielle d’un bien non délocalisable. Cet article montre la façon dont un marché de la rénovation en voie d’organisation est bel et bien informé par un ensemble de spécificités locales (tissu entrepreneurial local, types de bâti et spécificités constructives, profils socio-économiques des ménages, etc.). Ceci invite à penser la question spatiale, non comme un donné, mais comme une dimension structurante d’un potentiel d’économies d’énergie en émergence (Labussière, 2016). Le territoire est pris dans un processus de recomposition de ses liens (entre les élus, les artisans, les habitants) autour de nouvelles visions de la rénovation (facteur 4, coûts maîtrisés). C’est pourquoi, nous employons l’expression d’ « espace de coordination marchande » afin de rendre compte des visions de marché qui ont progressivement émergé au cours de l’expérimentation DORéMI et de leurs différents degrés d’articulation au territoire.
46(1) une première configuration de marché est celle au cœur de l’expérimentation DORéMI. Le client est désorienté, un groupement d’artisans lui apporte une « offre » globale (technique, économique, conseil). Cette « offre » internalise des missions autrefois dispersées et propose des services nouveaux (coordination technique, optimisation des coûts). Cette formulation « internaliste » minimise les appuis dont l’« offre » a besoin pour construire son marché au sein des territoires et être attachée à de nouveaux clients. Elle concentre les enjeux sur la formation des artisans et leur constitution en groupement. Par son caractère standard, elle tend à privilégier un gisement relativement homogène de maisons présentant des configurations constructives similaires. Dans cette voie, l’Institut négaWatt s’est engagé dans un travail de massification de l’approche DORéMI après l’avoir traduite dans les termes d’un programme de formation-action générique. Elle est en cours de déploiement dans les régions Rhône-Alpes, Alsace et Centre.
47(2) une deuxième configuration émerge au gré des épreuves traversées en Biovallée. Cette offre de rénovation globale mobilise un système d’acteurs élargi (collectivité, association) pour mettre les groupements d’artisans en capacité d’agir. Les missions d’appui assumées ponctuellement durant la phase test pourraient être intégrées à une organisation qui les pérennise sur le territoire et capitalise sur les apprentissages des artisans. Ceci revalorise la proximité comme une dimension structurante d’un « espace de coordination marchande », et favorise son ouverture à une plus grande hétérogénéité de bâti. Ceci ouvre la voie à une territorialisation accrue de l’offre globale de rénovation – par exemple, comme cela est engagé en Biovallée, par la mise en place d’une « plateforme territoriale de la rénovation » [43] afin de créer un lieu d’appui aux groupements (e.g. expertise thermique mutualisée) comme aux particuliers (e.g. information publique, ingénierie financière personnalisée). Cette structuration est débattue au sein de la Biovallée, certaines parties estimant qu’elle complexifie le déploiement de l’ « offre » initiale (1) et que la priorité est de simplifier le système des aides à la rénovation au niveau national plutôt que d’alourdir la tâche des territoires. Toujours est-il que l’ancrage de cette politique d’efficacité énergétique accroît son potentiel de contribution à des problématiques de territoire (soutenir une filière émergente) et à des enjeux qualitatifs (accompagner les particuliers dans leurs projets de rénovation).
48(3) une troisième configuration de marché consiste à rediscuter la structuration de l’ « espace des biens » – c’est-à-dire la manière dont l’offre globale est positionnée et est rendue incomparable par rapport aux deux autres offres (auto-rénovation, rénovation partielle). Pour des élus locaux désireux de mener une politique d’efficacité énergétique sur leur territoire, il est concevable de rendre compatibles les différentes offres de rénovation en laissant le choix au particulier de procéder par étapes et selon une diversité de chemins. Ceci renforce le besoin d’une « plateforme de rénovation » vers laquelle le particulier puisse se tourner pour comparer les différentes options. En Biovallée, la plateforme rénovation expérimente le « Passeport rénovation » visant à accompagner le particulier dans une rénovation par étape compatible avec l’objectif du facteur 4, ainsi que l’entrée d’une part d’auto-rénovation dans un chantier de rénovation globale mené par un groupement d’artisans DORéMI. Ceci pourrait revaloriser non seulement la proximité comme dimension structurante d’un « espace de coordination marchande » mais encore la prise en charge des relations entre le particulier et son habitat.
3.3 – Comment gouverner ce potentiel d’économies d’énergie ?
49C’est en partie pour pallier l’absence d’un cadre réglementaire contraignant, susceptible d’accélérer le rythme des rénovations de maisons individuelles en France, que l’expérience DORéMI a vu le jour. La tentative est d’obtenir par la création d’un nouveau marché, celui de la rénovation globale, des résultats plus conséquents que ceux produits par une politique étatique d’aides au particulier. Cette voie alternative attire l’attention sur la gouvernementalité (objectifs performantiels, rythme de déploiement, nouvelles organisations collectives entre artisans, nouvelle instrumentation nécessaire…) des potentiels d’économie d’énergie.
50Dans le cas de DORéMI, cette gouvernementalité s’élabore à la croisée de deux processus d’innovation : l’un vise par un exercice de démonstration à produire des opérations de référence, l’autre tente par une territorialisation inédite de la politique de l’habitat de renouveler la coordination entre collectivités locales, experts, artisans et habitants en Biovallée. Ces deux processus s’articulent au travers de tensions et de complémentarités.
51L’enjeu de la démonstration est qu’une offre de rénovation globale puisse être accessible à tous. Pour prétendre à une telle massification, les opérations pilotes menées à DORéMI mobilisent des dispositifs de cadrage de l’offre comme de la demande. Notre analyse a montré que cette démonstration, malgré ces dispositifs de contrôle, ne peut advenir sans un système territorial qui la rende possible. Plus encore, son ancrage territorial lui confère une certaine stabilité à mesure que les opérations pilotes se déploient. Ainsi, comme d’autres expériences de démonstration, le projet DORéMI a été consacré avant termes [44], ce qui peut générer des troubles dans les apprentissages collectifs et des renversements subits de notoriété (Labussière, 2015). Conscients de cela, les élus et techniciens de la Biovallée ont développé des éléments de marketing territorial. Ainsi, face à la démobilisation de certains artisans découragés par les exigences DORéMI, les élus apaisent leurs inquiétudes en soulignant l’utilité et la noblesse de leur rôle de « précurseurs du territoire ».
52La question de la gouvernementalité de ces potentiels émergents d’économie d’énergie est aussi une question de plus long terme, une fois les chantiers écoles terminés. Les collectivités locales de la Biovallée s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre l’accompagnement des groupements d’artisans sur le territoire. Comment être sûr que les futures rénovations seront bien globales, que les devis seront optimisés et que la démarche DORéMI ne sera pas dévoyée ? Les entretiens menés avec les deux premiers groupements ayant achevé leurs chantiers pilotes montrent que si l’un s’est résolument positionné sur l’offre globale, l’autre reste ouvert à une diversité de demandes de travaux. La mise en place d’une plateforme de la rénovation témoigne de la volonté des collectivités locales de continuer à jouer un rôle actif dans la construction de ce marché.
53La distinction proposée par Pierre Livet (1994) entre l’action à plusieurs, l’action ensemble et l’action commune [45] est ici éclairante de formes de coordination qui peuvent aussi être comprises comme des paliers de potentiel. Ainsi, dans le cas de la Biovallée, le passage de l’action à plusieurs à l’action ensemble s’apparente à la tentative de passer d’un marché atomisé à un marché structuré autour de groupements d’artisans. Le passage de l’action ensemble à l’action commune renvoie à l’effort des techniciens et des élus pour inscrire ce nouvel agencement marchand dans un espace de coordination marchande qui ouvre le territoire à un potentiel plus grand que les seules économies d’énergie (emplois, parc de logements attractif, solvabilité des ménages).
Conclusion
54En France, les expériences de groupements d’artisans se multiplient appelant à clarifier et à sécuriser ses modalités organisationnelles (Basili et Nappi-Choulet, 2014). L’expérience initiée en Biovallée illustre cette tendance novatrice, voire elle participe de son dynamisme. En couplant la formation et l’accompagnement des artisans sur des chantiers-écoles, elle ouvre des perspectives économiques réelles et stimulantes pour un secteur en crise. Toutefois, les recompositions suscitées en vue de l’émergence d’un marché de la rénovation globale appellent à être analysées en lien avec les organisations sociales et territoriales que ce marché émergeant convoque, en ce qu’elles peuvent participer de son potentiel quantitatif comme qualitatif.
55Cet article met en avant la difficile articulation d’une politique d’efficacité innovante à une approche renouvelée de la demande, capable d’intégrer une diversité de dimensions autres que thermique (usage, architecture, intimité, transmission). En ce sens, l’expérience étudiée présente des processus de construction de potentiels d’économie d’énergie souvent fragiles et encore très organisés autour de la compétence technique. Pour autant, ces potentiels émergents ne sont pas univoques. C’est l’apport d’une analyse par les « espaces de coordination marchande ». Elle montre qu’une diversité de voies est possible en la matière : former un potentiel « standard », davantage territorialisé, voire plus co-construit entre collectivités-artisans-habitants. De la même façon qu’il existe une diversité d’attachements d’un habitant à son habitat, il existe une diversité de façons d’organiser les artisans en groupement et d’ouvrir un groupement aux territoires et aux logiques d’usage.
56Ces observations appellent à approfondir une analyse « relationnelle » des politiques de rénovation thermique. Il est intéressant de concevoir le bâti, au travers des attachements qui le constituent, comme une entité pluridimensionnelle – c’est-à-dire constituée par un entrelacs de dimensions et de problématiques (usage, architecture, intimité, transmission). Il s’agit alors de comprendre par quelles réorganisations collectives il devient possible de prendre en charge ces attachements pour, en quelque sorte, les détacher de la matérialité existante du bâti et rendre négociable leur ré-attachement à un bâti rénové. Cette approche ‘relationnelle’ évite de séparer l’habitat de l’habitant. Elle peut analyser par quels processus d’innovation (méthodes, organisations collectives, marchés émergents) un potentiel d’économie d’énergie mieux « dimensionné » peut être porteur de contributions supplémentaires au service d’un territoire (valorisation patrimoniale du bâti, assainissement de la capacité financière d’un ménage, création d’emplois).
Remerciements
Cet article est issu du projet de recherche CLIMENCORED, financé par l’ADEME et coordonné par Alain Nadaï (CIRED). L’auteur remercie l’ADEME et les chercheurs de ce projet pour les échanges dont a bénéficié cet article.Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : potentiel d’économie d’énergie, offre globale de rénovation, Biovallée, groupement d’artisans, espace de coordination marchande, maison individuelle
Mise en ligne 18/05/2017
https://doi.org/10.3166/ges.19.2017.0011Notes
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[1]
Données INSEE, au 1er janvier 2014. Cette valeur désigne les résidences principales, vacantes et occupées à titre de résidence secondaire.
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[2]
L’Institut négaWatt a été créé en 2009 sous l’égide de l’Association négaWatt, organisme à but non lucratif rassemblant des professionnels de l’énergie à l’origine de la démarche négaWatt (sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables) et du scénario négaWatt. L’institut est la filiale de l’association travaillant pour la mise en œuvre de la transition énergétique à travers la formation professionnelle, les études et l’accompagnement d’acteurs.
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[3]
Cette littérature mentionne différents dispositifs et organisations qui mettent les artisans en position d’offrir du conseil et de nouveaux services en matière d’efficacité énergétique : mise en œuvre de garanties de performances énergétiques, approches thermiques intégrées au projet, création de clubs de petites entreprises afin de capter de nouveaux clients.
-
[4]
Source : Diagnostic de territoire, Cabinet INDDIGO.
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[5]
Ces deux intercommunalités ont fusionné le 1er janvier 2014 pour former la Communauté de communes du Crestois et du pays de Saillans (CCCPS). La commune de Crest, longtemps hors de toute association intercommunale, a rejoint le périmètre de la Biovallée au moment de son entrée dans la CCCPS.
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[6]
Chargée de mission-C Biovallée, le 5 décembre 2013.
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[7]
Le bureau d’études-E est spécialisé en énergétique du bâtiment et expérimenté en matière de conduite de projets de bâtiment performants.
-
[8]
Chambre des métiers de l’artisanat, les centres de formation (Néopolis, Greta), la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment de la Drôme (CAPEB), la Fédération Française du Bâtiment Drôme-Ardèche (FFB).
-
[9]
L’expérience DORéMI vise à faire émerger une offre de rénovation globale pour la maison individuelle, à coûts maîtrisés, avec une cible de performance énergétique de 50 kWhep/m2/an. La méthode employée (les « solutions techniques de références ») consiste en une obligation de moyens et non en une obligation de résultats (cf. 3.4.).
-
[10]
Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment.
-
[11]
Fédération Française du Bâtiment Drôme-Ardèche.
-
[12]
Propos rapportés par la chargée de mission-C Biovallée, entretien du 14 décembre 2012.
-
[13]
« Assemblage » sera utilisé ici avec une portée métaphorique relative « aux manières de joindre des éléments pour former un tout ».
-
[14]
Artisan-A, formation préalable DORéMI, entretien du 28 novembre 2012
-
[15]
Artisan-B, formation préalable DORéMI, entretien du 28 novembre 2012
-
[16]
Biovallée, compte-rendu du comité de pilotage du 13 décembre 2012, 12 p.
-
[17]
Inventaire des corps d’état : l’isolation intérieure et plancher bas, l’isolation extérieure avec isolant sous enduit, l’isolation extérieure avec bardage, l’isolation toitures et planchers hauts, les menuiseries extérieures et occultations, la ventilation mécanique contrôlée, le chauffage/eau chaude sanitaire/régulation, l’électricité, enfin, l’étanchéité à l’air.
-
[18]
Les élus de la Biovallée souhaitent soutenir la démarche et demandent que tous les groupements qui remplissent les pré-requis soient retenus – à condition que l’équipe technique trouve les compléments de financement. Par la suite deux autres groupements seront retenus.
-
[19]
« Les artisans diois de la rénovation énergétique », « Rénoénergibat », « BIORéNOV », « FASILARéNO », « Rénovateur Basse Consommation ».
-
[20]
Le CALD constitue un centre de ressources de proximité et est souvent la porte d’entrée pour les particuliers en matière d’information sur l’amélioration de leur logement.
-
[21]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 11 avril 2013.
-
[22]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 11 avril 2013.
-
[23]
Chargée de mission-V Biovallée, entretien du 24 janvier 2014.
-
[24]
Nous avons pu suivre trois de ces visites.
-
[25]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
-
[26]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[27]
Le comité technique rassemble des représentants des syndicats du bâtiment (FFB, CAPEB), de la région Rhône-Alpes, de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Drôme, du Cluster Rhône-Alpes Eco-énergies, des communautés de communes de la Biovallée, des chargés de mission DORéMI de la Biovallée, et de l’Institut négaWatt.
-
[28]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
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[29]
Chargé de mission-O Biovallée 4, entretien du 24 janvier 2013.
-
[30]
Le comité de pilotage écarte ce qu’il appelle les « granges », c’est-à-dire des bâtiments anciens faisant l’objet d’une rénovation complète. Ces dernières sont trop peu représentatives des chantiers de rénovation thermique auxquels les artisans seront confrontés et sont portés par une clientèle disposant de fonds propres importants, peu représentative des ménages de la Biovallée.
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[31]
Exercice que nous avons pu mener avec les artisans à deux reprises.
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[32]
Il consiste à consigner l’état : des murs extérieurs, des planchers bas, de la toiture, des parois vitrées, des accès, puis des équipements techniques (ventilation, chauffage, eau chaude sanitaire), enfin équipements électroménagers.
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[33]
Ce prêt accessible sans condition de ressources, pour une durée de 15 ans, permet de financer les travaux d’économie d’énergie pour un montant maximum de 30 000 euros.
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[34]
Pour une maison de 100 m2, consommant 20 000 kWh/an de gaz et 4 000 kWh/an d’électricité.
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[35]
Institut négaWatt, présentation publique de DORéMI à des délégations de territoire, le 24 janvier 2014.
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[36]
Chargée de mission-C Biovallée, entretien du 9 décembre 2014.
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[37]
Biovallée (2015) Plateforme locale de la rénovation énergétique du logement privé en Biovallée, 29 janvier 2015. Source : adilobs.dromenet.org
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[38]
M.S., réunion avec les pilotes de groupement DORéMI, le 24 janvier 2014.
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[39]
Les aides et sources de financement sont nombreuses et s’accompagnent de critères d’éligibilité et de cahiers des charges différents : aides nationales (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat [ANAH] ; programme « Habiter mieux »), aides départementales et régionales pour lutter contre la précarité énergétique (aide de solidarité écologique [ASE] ; aide du Conseil Général de la Drôme ; aide de la Région Rhône-Alpes), appels à projet (« 1 000 rénovations »), certificats d’économie d’énergie, prêts (Eco-PTZ, prêt classique).
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[40]
La notion d’agence fait porter la discussion sur les capacités d’action d’un agencement (elle renvoie plutôt au terme agency par rapport au terme agencement). Prothèse et habilitation sont deux configurations types d’agence.
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[41]
Les solutions techniques de référence indiquent des résistances thermiques (parois, planchers, menuiseries…) et ne sont pas prescriptives d’un type de matériaux ou d’un type de finition. En revanche, associées à des contraintes de coûts fortes – comme ce fut le cas dans cette expérimentation, elle propose un raisonnement combinatoire et déductif qui rend l’ « offre » résistante, du fait de sa forte cohérence interne, aux souhaits du client.
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[42]
Au sens d’une prothèse qui aide à agir en même temps qu’elle limite les scénarios d’action possibles.
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[43]
La Biovallée a été financée par l’ADEME et la Région Rhône-Alpes dans le cadre de l’AMI « Plateformes locales de rénovation énergétique du parc de logement privé » proposé par l’ADEME en septembre 2014.
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[44]
L’expérimentation Biovallée a reçu le prix « Initiatives locales pour la rénovation énergétique », par Mme Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du logement, le 13 décembre 2013 à Paris.
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[45]
L’action à plusieurs engage les individus dans l’action, au même moment, sans soucis des autres ; l’action ensemble implique une coopération sans l’abandon de relations de concurrence ; l’action commune est caractérisée par le partage d’un même but et se réalise grâce à des liens de solidarité qui permettent l’atténuation des erreurs individuelles.