Notes
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Auteur correspondant : claudio.pirrone@dremm.net
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[1]
Cet article est basé sur la communication portée au Colloque « Sustainable Development, Territories and Firms Location Decisions : toward a Sustainable Attractivity ? », organisé par le LAREFI, Bordeaux, 15 et 16 septembre 2011. Nous remercions notre rapporteur, Mme Marie Coris, ainsi que les rapporteurs anonymes qui ont évalué notre texte pour leurs questions et commentaires qui ont permis d’améliorer notre contribution.
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[2]
Pour un aperçu du débat en la matière, cf. (Viveret, 2009).
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[3]
Souligné en caractères gras par les auteurs.
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[4]
Nous préférons la notion de « soutenabilité » à celle de « durabilité », laquelle nous paraît plus imprécise, bien que l’usage réel des deux termes ait tendance à en faire des synonymes parfaits.
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[5]
Géographiques, physique, historiques et ainsi de suite.
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[6]
Cf. en ce sens : (Pecqueur, 2001), (Ternaux et Pecqueur, 2005), (Ritchot, 1992 ; 1999), (Ritchot et Desmarais, 1991), (Leloup et al., 2005), (Antheaume et Giraut, 2005), (Blais et al., 2007), (Talandier et Davezies, 2009). À noter que la notion ici évoquée n’est pas à confondre avec les bassins de vie « statistiques » construits par l’INSEE (2012). En effet, ces derniers reposent sur l’évaluation d’un flux théorique d’accès aux équipements, la méthodologie privilégiant de manière partiellement arbitraire la gamme intermédiaire (ex. parfumerie) au détriment des équipements de proximité (ex. médecin généraliste) et de la gamme supérieure (ex. gare, hypermarché) qui peuvent jouer un rôle important dans la structuration de l’espace vécu.
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[7]
En plus de son activité de consultant et auteur, Simon Anholt collabore activement avec le Ministère des Affaires Etrangères du Royaume Uni et ses travaux ont été récompensés en 2009 par le “Nobels Colloquia Prize for Economic Leadership”, décerné par un jury de dix prix Nobel d’économie. (http://www.gfkamerica.com/newsroom/press_releases/single_sites/005069/index.en.html).
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[9]
http://www.gfkamerica.com/practice_areas/roper_pam/placebranding/cbi/index.en.html.
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[10]
Un des exemples les plus éclatants de ce phénomène était la nette préférence exprimée par le consommateur américain à acheter des Toyota Corolla et non pas des Geo Prizm, alors qu’il s’agissait exactement de la même voiture, construite dans la même usine, et que la Corolla était assez chère et la Prizm assez économique. Mais l’une étant perçue comme une voiture japonaise, l’autre américaine, la première bénéficiait d’un a priori positif (Anholt, 2007a).
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[11]
Un exemple en est le « règlement spécial » du Guichet Unique pour les Entreprises de la Ville de Novara (Piémont) dans sa version de 1999, intégralement rédigé par nos soins en tant que responsable de la structure. Ce texte avançait que la Ville « poursuit l’objectif d’un développement économique soutenable et durable dans le temps, fondé sur les avantages défendables que notre territoire peut montrer au marché des opportunités d’entreprise, en se plaçant comme un moyen et un acteur pour les choix des politiques économiques locales qui seront mises en place par les organisations compétentes ». Novatrice au moment de son adoption à Novara, cette approche a été largement reprise en Italie avant que la législation ne soit modifiée.
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[12]
Traduction française, phrases soulignées par les auteurs.
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[13]
Source : site officiel de l’Anholt-GfK Roper Nation Brands Index (http://www.gfkamerica.com/practice_areas/roper_pam/nbi_index/index.en.html)
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[14]
Traduction des auteurs. Pour une analyse plus complète, cf. (Pirrone, 2009), ainsi que le site officiel de GfK (cf. note 10).
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[15]
Cela est particulièrement problématique quand l’attention se porte sur des espaces administratifs appartenant à un territoire métropolitain plus vaste. L’attractivité consolidée de Neuilly sur Seine ou celle en devenir de Plaine Commune, à titre d’exemple, héritent largement de la marque « Paris ». De même, la réputation de la Capitale se construit également sur les réussites économiques des communes limitrophes. On touche là une des plus grandes limites du NBI/CBI comme guide direct pour l’action locale.
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[16]
Pour une conclusion proche, à partir d’un cheminement logique très différent, cf. (Thouément et al., 2005).
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[17]
Pour une justification approfondie de l’AL se référer à (Pirrone, 2012b).
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[18]
Pour un exemple des impacts des indicateurs de résultat sur la définition des politiques, en particulier dans le cas du BNB, cf. (Ezechieli, 2003).
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[19]
Un cas limite, mais pertinent dans notre société médicalisée, est celui des malades incurables tenus en vie à grand renfort de machines et traitements, frôlant parfois l’acharnement thérapeutique. Il ne fait pas de doute que ces pratiques influencent l’espérance de vie, mais la situation est bien différente par rapport à un vieillissement qui permet de rester pleinement actifs. Le même raisonnement peut être étendu aux systèmes éducatifs : la présence d’élèves sur les bancs d’école ne dit rien sur la qualité des enseignements et des apprentissages. Et on est en droit de se poser la question de comment évaluer en termes de développement les systèmes éducatifs dans des régimes dictatoriaux où l’école est parfois utilisée comme instrument de propagande de masse. Certes, ces régimes obtiennent le résultat d’améliorer la scolarisation, mais cela peut même réduire la sphère des libertés.
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[20]
Parmi les sources citées, une réflexion explicite en ce sens est présente en (Tovar et Bourdeau-Lepage, 2013).
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[21]
À titre d’exemple, rappelons le débat sur l’exigence de microfonder l’analyse macroéconomique, bien synthétisé par De Vroey (2009) ou celui sur la collective agency au sein de l’AC (Fukuda-Parr, 2003 ; Dubois et Renouard, 2008) ou encore le riche débat en matière de théorie du choix social.
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[22]
« Les éléments, que nous venons d’identifier, dressent le tableau d’un territoire définissable comme une métasociété peuplée de méta-individus en relation d’influence réciproque. En particulier, on y trouve des individus-personnes, des individus-organisations (entreprises, associations, institutions publiques…), et des individus-corps sociaux. » (Pirrone 2012b : 230)
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[23]
Dans les pages suivantes nous supposons une valeur constante de la monnaie, ce qui est suffisant pour évaluer l’évolution d’un territoire singulier dans le temps. En revanche, l’utilisation de la Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) (European Commission et Eurostat, 2012) est nécessaire pour les comparaisons interterritoriales, ce qui complexifie légèrement les formules ici proposées.
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[24]
La pertinence de la logique a été testée en pondérant les données du PIB de différents pays par l’indicateur de liberté produit par Freedom House (Puddington et al., 2008). Malgré les limites de l’indicateur de Freedom House, uniquement focalisé sur la liberté « négative » (Berlin, 1958), ces simulations ont montré combien la perception du développement des différents pays et leur classement relatif peuvent changer significativement par rapport à une simple vision productive. Cf. (Pirrone 2012b : 299-303).
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[25]
C’est un point qui différencie la VED de la plus grande partie des indicateurs multidimensionnels de bien-être, plus axés sur les paramètres de résultat. Cf. (OECD-JRC, 2008 ; Ravallion, 2010b ; Ravallion, 2010a).
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[26]
Cf. (Pirrone et Charles 2011, tab. 1). Les paramètres monétaires en italique sont évalués de façon indirecte au sein des libertés dans l’attente de méthodologies plus fiables pour leur valorisation.
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[27]
Pensons, à titre d’exemple, aux possibilités de survie offertes par l’autoproduction alimentaire ou à la contribution des systèmes éducatifs à la liberté de faire.
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[28]
Pour un aperçu non exhaustif de la question, (Robeyns, 2000 ; Saith, 2001 ; Alkire, 2002 ; Fukuda-Parr, 2003 ; Kuklys et Robeyns, 2004 ; Chiappero Martinetti, 2009).
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[29]
On retrouve ici l’opposition entre liberté réelle et liberté formelle qui fait écho aux critiques portées par Sen (2010) à la vision de Rawls (1971).
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[30]
Dans le cadre restreint d’une CMS stable, l’augmentation de l’ITLF tend à correspondre à une réduction des inégalités, suite à l’amélioration du volet « moyens individuels » qui ne peut se faire que par répartition. Si l’on desserre la contrainte de la CMS stable, on retrouve néanmoins une situation où le progrès économique profite essentiellement aux moins favorisés. Tout cela se renforçant par l’accès diffus et croissant au savoir-faire et au travail choisi.
Contexte et problématique [1]
1Depuis de nombreuses années, l’amalgame entre croissance et développement, symbolisé par l’importance accordée au PIB comme mesure de référence, est soumis à la critique. Cependant, cette mesure issue de la comptabilité nationale reste, peut-être plus que jamais (Gadrey et Jany-Catrice, 2005), l’indicateur central dans la plupart des approches du développement et, par ricochet, de l’attractivité territoriale. Que le sujet soit abordé sous l’angle des effets d’agglomération sur le secteur productif (Krugman, 1980 ; 1991), de l’attractivité « résidentielle » (Davezies, 2008 ; 2009), des processus endogènes de différentiation compétitive (Benko et Lipietz, 1992 ; 2000) ou tout simplement des techniques de marketing territorial (Hatem, 2007), la réflexion sur l’attractivité se démarque rarement, à notre avis, de celle sur le développement économique des territoires.
2Dans ce contexte culturel, la prise de conscience progressive de l’exigence de prendre en compte les aspects environnementaux et de durabilité sociale dans le développement s’est heurtée aux difficultés, réelles, de mettre en cohérence les trois dimensions évoquées. Cela a favorisé l’émergence de nombreux indicateurs partiels et de mesures multiples, souvent présentés sous forme de tableaux de bord. Cette approche, qui présente des avantages certains en termes de précision des mesures [2], est aussi un frein pour l’essor de nouveaux paradigmes économiques. À ce titre, le bien connu « Rapport Stiglitz » (2009) remarque avec clarté que : « Bien que l’estimation de la qualité de la vie exige une pluralité d’indicateurs, une demande pressante s’exprime en faveur de la mise au point d’une mesure synthétique unique [3] ».
3Dans cette « longue marche », pour reprendre l’heureuse formule de Jany-Catrice (2010), plusieurs pistes ont été explorées par la littérature. À titre d’exemple, la proposition de l’Indicateur de Santé Sociale (ISS) (Jany-Catrice et Zotti, 2008 ; 2009 ; Jany-Catrice et Marlier, 2013) ; la vaste gamme de contributions liées à la spatialisation de l’approche par les capacités (AC) (Tovar, 2008 ; Loubet et al., 2011 ; Tovar et BourdeauLepage, 2013) et de l’indicateur de développement humain (IDH) (Silva et Lopes, 2012) ; l’expérience des QUARS (Index of Regional Quality of Development) en Italie (Segre et al., 2011) ; ou encore la relecture particulière de l’AC, appelée par les auteurs « approche par les libertés » (AL) et qui fonde le concept d’Espace de Développement (ED) (Pirrone et Charles, 2011), montrent l’étendue et la richesse du débat.
4Dans cet article, nous montrons que l’AL favorise une attractivité réellement soutenable [4] des territoires, c’est-à-dire une attractivité qui sait être au service d’un développement plus vaste, qui ne se réduit pas à sa simple dimension économique.
5L’argumentaire suit trois étapes :
- le partage de notre compréhension de l’attractivité territoriale soutenable, en nous appuyant sur les réflexions de S. Anholt sur la réputation des territoires ;
- un rappel synthétique de l’AL et des indicateurs qui s’y relient ;
- l’illustration de la cohérence synergique entre les deux modèles.
1 – L’Attractivité Territoriale Soutenable (ATS) et les apports de S. Anholt
6Aborder le sujet de l’ATS oblige à un effort préliminaire de définition. En effet, les trois mots qui composent la locution se prêtent à la discussion. À titre d’exemple, on peut évoquer le concept de territoire, pour lequel la littérature (Antheaume et Giraut, 2005 ; Pecqueur, 2001) a proposé, au fil du temps, différentes clés de lecture [5]. Ainsi, selon le critère d’interprétation retenu, la vision que l’on restituera pourra être sensiblement différente.
7Pour les finalités de cet écrit, regarder le territoire sous l’angle du « construit social permanent » (Leloup et al., 2005), nous est apparu comme le choix à la fois le plus utile et le mieux fondé. En effet, bien que la notion de territoire reste relativement ambiguë (Faure, 2004), il nous semble qu’un certain consensus se dégage pour le considérer comme un fait humain, résultat structurellement instable de la réinterprétation continue d’éléments objectifs et de symboles par une communauté sur un bassin de vie [6]. Dans cette optique, la notion de territoire tend à inclure une dimension de « projet », voire même d’« idéologie » (Lussault, 2007). Ainsi l’optique « territoriale » s’avère distincte de la dimension « locale », plus liée à l’espace et à la dimension administrative, bien que les deux se superposent partiellement.
8Si le territoire est donc ce « construit social », comment appréhender son « attractivité » ? La manière la plus instinctive de le faire réside dans l’analogie physique avec les phénomènes gravitationnels, le territoire attractif ayant un « poids » suffisant pour exercer une force centripète sur son environnement supérieur aux pressions centrifuges. Ainsi, le territoire attractif stimule les acteurs socio-économiques extérieurs, y compris les populations, à s’y installer tout autant qu’il incite les acteurs déjà installés à ne pas le quitter.
9Nous partageons cet avis. Cependant, il nous semble que parfois on confond attractivité et attraction effective, autrement dit nous estimons que l’existence, à titre d’exemple, d’un flux d’IDE conséquent est la manifestation de l’attractivité plutôt que l’attractivité en soi.
10Enfin, si l’attractivité est la capacité du territoire à exercer cette force évoquée précédemment, notre sentiment est que son caractère « soutenable » ne peut être utilement regardé autrement que par le prisme du Rapport Brundtland (WCED-UN 1987), ce qui, par analogie, nous porte à considérer l’ATS comme l’aptitude des modèles d’attractivité à être efficaces dans le présent sans compromettre l’attractivité future. Par conséquent, la réflexion sur l’ATS doit se concentrer sur les éléments constitutifs de l’attractivité, afin d’évaluer si les politiques concrètement mises en œuvre sont susceptibles de les renforcer dans le présent tout en consolidant un « capital d’attractivité » dans le temps.
11Dans cette activité, un support précieux est fourni par les travaux de Simon Anholt [7], qui ont conduit à la mise en place de plusieurs indicateurs, dont les plus connus sont le « National Brand Index » (NBI) [8] et le « City Brand Index » (CBI) [9].
12Issu du monde du marketing, Anholt se penche depuis la fin des années 90 sur l’« effet du pays d’origine » [10], afin d’en saisir les déterminants. En analogie avec la terminologie utilisée en marketing, Anholt avance l’idée de l’existence d’une valeur-marque propre à un territoire identifiable et identifié par l’extérieur. Les États, des régions, certaines villes possèdent ce minimum de notoriété qui permet la naissance d’un ensemble de connaissances et de croyances qui vont constituer la réputation du territoire. Toutefois, prendre conscience du fait que les territoires sont une marque, que cela soit voulu ou pas, et que cette marque possède une certaine réputation ne veut nullement dire que cette réputation soit bonne.
13Par conséquent, c’est le raisonnement d’Anholt, il est nécessaire de mettre au point une méthodologie pour mesurer la valeur-marque. Positive ou négative, cette estimation essaiera de mettre en évidence si la réputation d’un territoire aide ou entrave sa capacité à trouver une place dans le monde compétitif de la globalisation, prise comme un élément de contexte sur lequel le territoire n’a aucune emprise.
14D’ailleurs, il est utile de noter que cette réflexion s’insère dans le contexte des années 90, particulièrement favorable en raison de l’essor du marketing territorial (MT) qui a marqué cette période, les professionnels se divisant déjà essentiellement en deux camps, philosophiquement opposés. D’un côté, ceux qui pensaient que le rôle du MT était simplement de « vendre » le territoire et qui, donc, prônaient des actions de promotion ciblées et une politique de « prix territoriaux » agressive, comme, à titre d’exemple, poursuivre des exonérations d’impôts locaux pour les nouvelles installations industrielles. De l’autre, ceux qui pensaient que le rôle du MT était d’aider le territoire à mettre en valeur ce qu’il est et ce qu’il veut devenir tant auprès du client extérieur que du client local, en estimant qu’un objet aussi complexe qu’un territoire ne peut être approché comme un produit banal [11]. Compte tenu de cette opposition, il est aisément compréhensible que des équivoques aient pu naître autour du mot « marque », et particulièrement en langue anglaise où « brand », la marque, et « branding », la construction de la marque, prêtaient à confusion.
15Dans cette dichotomie, le choix de Anholt est clair : « La plupart des territoires ont acquis au fil du temps une certaine image en raison des choses qu’ils ont faites, des choses qu’ils ont produites, de la manière dont ils ont fait ou produit ces choses, ou peut-être en raison des choses qu’ils n’ont pas faites ou produites. Ces éléments créent petit à petit un ensemble très stable et très profondément enraciné de croyances ou des préjudices quant au territoire concerné. […] une réputation ne peut pas être construite. Elle peut seulement être gagnée. Évaluer la marque d’un territoire est une approche stratégique de définition de politiques, conçues pour aider les territoires à construire sur les forces qui leur feront gagner une meilleure réputation. Cela requiert du temps, de l’engagement, de l’imagination, du leadership et de l’énergie. Il demande la coordination étroite entre le gouvernement, les entreprises et la société civile : parce que chacun des trois est copropriétaire et codirecteur de la marque de la Nation ou de la ville » (Anholt 2007b) [12].
16Ce long passage nous renseigne sur plusieurs éléments intéressants. Tout d’abord, il est clairement dit que la valeur de la marque territoriale n’est nullement un caractère intrinsèque et réel du territoire : il s’agit d’un ensemble de préjugés, positifs ou négatifs, qui influencent la représentation qu’on se fait d’un certain endroit. Cependant, ce qu’Anholt affirme, c’est que pour faire évoluer ces préjugés il est nécessaire de s’appuyer sur des éléments réels, sur des choses faites et pas faites, produites et pas produites, et sur une volonté partagée au sein du territoire, volonté qui s’incarne dans un système de gouvernance assurant la coordination de la « stratégie de définition des politiques ». L’autre élément essentiel, qui rompt à la fois avec l’accent sur la promotion et ses retours attendus de manière relativement immédiate et l’idée de hiérarchie entre territoires, c’est la dimension du futur, voire du long terme, ce qui introduit un élément dynamique dans l’approche de la compétitivité et de l’attractivité territoriales.
17Si on se focalise sur la valeur-marque des nations, la méthodologie identifie six familles de facteurs qui contribuent à la déterminer, constituant chacune le sommet d’un hexagone [13] :
- Tourisme
- Export
- Gouvernance
- Investissements extérieurs et immigration
- Culture et héritage
- Gens [14]
18Utilisée comme support pour le développement territorial, l’approche portée par le NBI se prête à discussion. En particulier, Anholt prend, parfois de manière implicite, des hypothèses qui contribuent à orienter la réflexion dans un sens déterminé, telles que l’identité logique entre échelons administratifs et territoires [15], l’irréversibilité de la globalisation, l’idée que seul un bon positionnement sur le marché globalisé des territoires, économique, politique, et d’influence, peut permettre à ces derniers d’atteindre leurs vrais objectifs et donc de progresser dans leur développement.
19Ces éléments méritent d’être débattus. Néanmoins, la démarche a sa cohérence et sa logique. En effet, si le positionnement du territoire dans la globalisation est déterminant pour sa trajectoire, alors l’objectif d’augmenter la valeur-marque reconnue par le marché global des territoires est un objectif rationnel [16].
20Il est intéressant de noter que, dans la démarche d’Anholt, rien n’est dit sur un modèle spécifique de développement. Au contraire, l’accent est porté sur les choses « faites ou pas faites » et, dans l’optique de stratégie territoriale, sur celles qu’on choisit de faire ou de ne pas faire. Pour utiliser les mots de Sen, tout le discours de l’évaluation de la valeur de marque peut être lu comme une réflexion sur les « fonctionnements territoriaux que le territoire a, ou a eu, des raisons de valoriser ». Autrement dit, sur une capacité territoriale et le degré d’adhésion qu’elle stimule chez l’observateur extérieur.
21Cette absence assumée d’indications directes sur une trajectoire précise à suivre, qui fait écho peut-être involontaire au débat entre Sen et Nussbaum sur l’opportunité d’établir une liste finie de capacités essentielles (Nussbaum 2000), renvoie à l’exigence de la création d’une « identité compétitive », l’émergence de quelque chose « d’entièrement nouveau : une synthèse en devenir de la théorie et la pratique des secteurs public et privé qui pourrait, et devrait, révolutionner la façon de gérer les territoires dans le futur » (Anholt 2007a).
22À partir des éléments ici rapidement rappelés, plusieurs considérations s’imposent. Tout d’abord, renforcer la réputation d’un territoire apparaît comme la manifestation d’une volonté, d’un projet, d’une idéologie territoriale fondés sur le partage d’une identité souhaitée. Autrement dit, l’approche d’Anholt prend tout son sens uniquement dans le cadre d’un territoire comme construit social permanent, ce qui est cohérent avec les prémisses explicitées plus haut.
23Deuxièmement, conforter la valeur-marque est en soi-même une démarche d’attractivité, certes parfois implicite, puisque celle-ci consiste dans le fait de pouvoir offrir, grâce à la mobilisation de ressources territoriales, matérielles et immatérielles, des conditions de localisation des investissements, des personnes et des dépenses, plus intéressantes que celles des territoires concurrents pour les projets mobiles (Hatem 2007).
24Enfin, une telle démarche répond au critère de la soutenabilité ici adopté. En effet, puisque la valeur de la marque se consolide au travers d’une stratification « historique », toute activité réduisant le potentiel d’attractivité futur provoquerait une baisse de l’indicateur, ce qui, par les effets de stratification évoqués plus haut, serait un handicap difficile à rattraper.
25Ainsi, si le concept subjacent au NBI ne donne pas d’indications sur les politiques à mener, il permet néanmoins de détecter des trajectoires réussies dans la construction de l’ATS.
2 – L’approche par les libertés (AL)
26Le même concept de territoire « comme un construit social permanent », manifestation de la liberté et de la volonté des acteurs de se reconnaître dans une vision de ce que l’on est et de ce que l’on veut être, constitue le cadre dans lequel l’AL et la réflexion théorique sur l’espace de développement (ED) s’inscrivent.
27Cette approche définit le développement comme la trajectoire que le territoire parcourt pour réaliser ses propres finalités autodéterminées. En cela, elle accepte de manière explicite que des territoires différents puissent avoir des finalités différentes, reconnaissant à chaque territoire la liberté (Sen 2000) de choisir librement son propre modèle du futur. Pour résumer dans une formule, si le territoire est un projet, le développement en mesure la progression [17].
28Accepter cette liberté territoriale de choix implique l’exigence de renoncer à toute démarche d’indicateurs de résultat en tant que mesure du développement [18]. Par ce constat, l’AL se positionne en continuité de la réflexion de Sen en matière d’évaluations de potentiel (Sen, 1980 ; 2000). Si cela ne peut pas être parfaitement neutre (Cartier-Bresson et al., 2009), il nous semble cohérent avec le concept de développement adopté.
29Néanmoins, évaluer le potentiel à un moment donné n’est pas suffisant pour apprécier la dynamique, progressive ou régressive, du territoire sur le chemin de la réalisation de son projet. Cela demande une comparaison intertemporelle, ce qui conduit à l’exigence d’une mesure de variation de potentiel. Pouvons-nous considérer la variation de potentiel comme un indicateur de développement et plus particulièrement de développement soutenable ? Plusieurs raisons plaident en ce sens.
30Tout d’abord, on peut faire référence à l’argumentaire, vaste et étayé, de Sen (2000) en faveur de l’élargissement des capacités, repris et développé par Dubois (2006) et par la fleurissante littérature en matière d’opérationnalisation de l’AC, ainsi qu’à l’importance de la capacité des territoires à questionner en permanence leur modèle de développement, ce qui constitue un élément de résilience (Folke et al., 2002). Cela ne serait pas possible si le potentiel futur était décroissant et sa variation, par conséquent, négative.
31Ainsi, en ce qui concerne la soutenabilité prise ici aussi au sens du Rapport Brundtland, toute action et décision « non soutenables » prises dans le présent se traduisent dans une variation négative du potentiel dans le futur. Des indicateurs de développement conçus dans la logique de la variation de potentiel en restituent une vision plus complète puisqu’ils intègrent dès le départ la soutenabilité, évitant ainsi les difficultés intrinsèques aux démarches d’adaptation d’indicateurs existants telle, à titre d’exemple, celle concernant le PIB « vert » (Alfsen et al., 2006).
32Par ce choix, l’AL emprunte un chemin proche de l’IDH (UNDP 2010). Toutefois, plusieurs éléments distinguent les deux approches. Tout d’abord, bien que l’ambition de l’IDH ait été exactement celle d’être un indicateur de potentiel, on peut estimer que l’objectif est loin d’être atteint. Les trois composantes de l’indicateur, longévité, éducation et niveau de vie, sont elles-mêmes des indicateurs de résultat. Et il est aisé de montrer que les progrès en termes de longévité et de scolarisation ne sont pas nécessairement liés à l’élargissement des libertés [19].
33D’ailleurs, cette limite est également présente dans les démarches d’opérationnalisation de l’AC. En effet, tant le cadre conceptuel de l’AC est riche, tant sa mise en œuvre empirique se heurte à de nombreuses difficultés (Robeyns, 2000 ; 2005 ; Chiappero Martinetti, 2008 ; Tovar, 2008). Ainsi, l’évaluation des capacités se fait usuellement à partir d’un ensemble sélectionné de fonctionnements réalisés, donc d’indicateurs de résultat, dont le lien avec une ou plusieurs capacités est théoriquement justifié [20]. Néanmoins, il nous semble que ces liens ont certes du sens à l’intérieur d’une approche « ad hoc », typique de la spatialisation de l’AC, mais que leur établissement s’avère plus délicat dans un cadre d’analyse général.
34Autre élément de différenciation, la définition de « liberté » adoptée au sein de l’AL se démarque légèrement des capacités de Sen. Dans l’AL, elle est définie comme : « la possibilité concrète et effective pour chaque porteur de volonté de définir librement ses objectifs, de les poursuivre selon des modalités librement choisies et de les réaliser effectivement » (Pirrone, 2012b : 227). Bien qu’une analyse précise des implications de cette nuance demanderait un développement qui ne peut ici trouver sa place, on peut remarquer que, si les capacités se réfèrent à la liberté de réaliser les fonctionnements qu’on a « des raisons de valoriser » (Sen 2000), le concept ici adopté aborde, ne fût-ce que de manière implicite, la possibilité réelle de donner de la valeur aux fonctionnements. En cela, le terme de liberté résonne plutôt avec le « freedom » utilisé par Sen (1993 : 273-274), bien que le Nobel de 1998 en ait explicitement abandonné l’idée d’une évaluation directe, indépendante de celle des capacités.
35Notons ici que l’action de donner de la valeur impliquant un jugement est à la fois manifestation d’une volonté et témoignage de l’existence d’une liberté. Dès lors, il est essentiel de saisir quels acteurs on doit prendre en compte pour évaluer le potentiel territorial de développement. L’option la plus répandue dans la littérature est sans aucun doute celle de privilégier l’analyse à l’échelle de l’individu-personne [21]. Le chemin emprunté par l’AL est différent.
36En effet, en s’appuyant sur le célèbre théorème d’Arrow (1951), il est défendu l’existence d’une marge d’autonomie dans la détermination de la volonté des instances collectives par rapport aux volontés des individus qui les composent. En cela, l’AL prend des positions proches de certains institutionnalistes, parfois situés au-delà de la sphère purement économique (Sapir, 2005 ; Dulong 2012), et de spécialistes de l’organisation d’entreprise (Costa et al., 1986). Dès lors, tout ensemble collectif est interprété en tant que « méta-individu » [22] porteur d’une liberté propre qui doit être prise en compte, identique en dignité à celle de tous les autres méta-individus (Pirrone 2012b : 230-232).
2.1 – La Valeur et la Création d’Espace de Développement
37La mesure proposée par l’AL pour évaluer le potentiel de développement à l’échelle territoriale est la « Valeur de l’Espace de Développement » (VED). L’indicateur est conçu comme la pondération de la richesse nette présente sur le territoire, c’est-à-dire ses « capacités monétaires » (CMS) [23], par un indicateur composite de « liberté » (ITL) variable entre 0 et 1 [24] et regroupant deux dimensions fondamentales, la liberté d’être (ITLE) et la liberté de faire (ITLF), elles aussi variables entre 0 et 1.
39Avant même de détailler le contenu de chaque élément, on remarque que, dans sa simplicité apparente, la forme fonctionnelle retenue exprime plusieurs idées fondamentales marquantes de l’AL. Tout d’abord, l’accent est mis, bien que de manière implicite, sur les manques de liberté : si une des deux facettes des libertés est pleinement satisfaite, elle devient redondante. Et si un seul des trois paramètres tombe à zéro, la VED dans son ensemble devient nulle. Les liens avec l’AC sont une fois de plus manifestes.
40Deuxièmement, la VED ne peut excéder les CMS : à égalité de liberté, et a fortiori quand celle-ci est complète, c’est l’ensemble des moyens disponibles sur le territoire qui détermine le potentiel de développement. Il s’agit en même temps d’une passerelle et d’une critique non anodines vers les approches économiques standards qui tendent à considérer les acteurs toujours libres de leur choix, en particulier dans un contexte de marché.
41Enfin, il est constitutif de l’AL de considérer que le développement est une question de choix. Or, chaque action concrète sur un territoire induit des effets potentiellement contradictoires sur les trois dimensions prises en compte. À titre d’exemple, l’installation d’une nouvelle industrie génère de l’emploi et des salaires mais elle entraîne également la perte d’espace disponible pour d’autres usages et une augmentation de la pollution de l’environnement. À ce propos, la VED suggère de s’interroger en permanence sur la balance de ces effets et d’accepter comme progrès sur le chemin du développement toute initiative qui se solde par une Création d’Espace de Développement (CED) positive
43Établir cette balance exige que l’indicateur permette une forme de compensation entre les trois éléments [25]. La forme multiplicative choisie garantit cette possibilité tout en s’assurant qu’aucune dimension de la VED ne peut être négligée et que, en présence d’équipondération, la priorité soit accordée aux aspects qui présentent le plus de manques.
44Cela est manifeste en exprimant la CED sous forme de ratio :
46Étant donné qu’une trajectoire de développement réussie implique une CED positive, les actions qui permettent d’atteindre cet objectif se caractérisent par :
- l’amélioration conjointe de tous les paramètres (type A) ;
- l’amélioration d’au moins un paramètre, sans retombées négatives sur les autres (B) ;
- l’augmentation plus que proportionnelle d’un paramètre par rapport aux baisses enregistrées ailleurs (C).
47Les trois typologies ayant une efficacité dégressive passant du type A au type C.
48En effet, là où l’estimation de la VED permet d’avoir une image statique des possibilités de développement d’un territoire donné, un « indice de valeur », pour reprendre la terminologie chère à Pareto (1906), la CED, permet de porter un regard plus dynamique, se proposant comme support de l’analyse ex-ante et ex-post des trajectoires alternatives qui se présentent au territoire.
49La méthode présente ainsi plusieurs avantages. Tout d’abord, elle est pertinente pour une large variété d’échelles territoriales telles les ensembles socio-économiques relativement homogènes (zones d’emploi, territoires de projet,…), les périmètres administratifs dotés de pouvoirs pouvant affecter de manière importante l’espace des libertés (États, l’UE mais également les régions à forte autonomie comme les Länder allemands ; plus de réserve sur les régions françaises), les territoires virtuels où les acteurs partagent la même idée de développement (ex. l’espace de l’économie globalisée). D’autre part, elle répond aux exigences de simplicité et d’universalité, posées comme références d’un indice approprié de développement ; par l’approche indirecte fondée sur la contraction/ expansion de l’espace de développement, elle permet également de dépasser le clivage entre « soutenable » et « économique » en les rendant mutuellement cohérents dans une perspective de territoire ; et en mettant au centre du concept même de développement l’Homme et ses libertés, elle met l’accent sur les objectifs du développement plus que sur ses moyens, tels la croissance économique.
50Cependant, la VED présente également une limite de taille. En effet, si le concept est intéressant, si des projets de mesure empirique existent, on ne peut pas encore considérer cet indicateur comme pleinement opérationnalisé, malgré des simulations encourageantes (Pirrone, 2012a).
2.2 – Évaluer les degrés de liberté
51Le Tableau 1 résume les paramètres à prendre en compte dans l’analyse, bien que la liste ne puisse être considérée comme exhaustive. Par cette synthèse, il est immédiatement évident qu’à côté d’informations qui peuvent être collectées auprès d’institutions que l’on peut estimer suffisamment fiables, coexistent des paramètres beaucoup moins univoques.
Exemple des paramètres à prendre en compte pour la VED [26]
Exemple des paramètres à prendre en compte pour la VED [26]
52À titre d’exemple, une chose est de connaître le revenu disponible des ménages, une autre est d’estimer la capacité de remise en question des acteurs territoriaux ou même la valeur nette d’une production non marchande. Et si les problèmes posés par ces données indisponibles ou peu fiables pour l’évaluation des CMS peuvent être contournés déplaçant l’apport du non marchand directement sur les libertés [27], l’évaluation des degrés de liberté est sans doute un exercice méthodologiquement périlleux dont les difficultés et les risques font écho à ceux liés à l’opérationnalisation de l’AC [28].
53En ce qui concerne la liberté d’être, elle est constituée de deux sous-ensembles d’égale importance : la liberté de ne pas voir sa vie mise en danger par le comportement d’autrui et celle de pouvoir se projeter au-delà de son individualité. Le concept d’existence est ici utilisé de manière extensive, incluant tant la dimension de la survie stricte, assimilable à l’aspect physique pour les personnes ou à l’accès au crédit pour les entreprises, qu’une dimension plus large, faisant référence à l’unicité de chaque méta-individu et donc à l’exigence de respect de son intégrité morale. De même, les aspects de projection dans le temps et dans l’espace sont explicitement reconnus. Cela constitue à notre avis un des points essentiels pour s’assurer que le développement mesuré par la VED soit effectivement « durable » au sens du rapport Brundtland.
54D’autre part, la liberté de faire est abordée selon quatre volets : la disponibilité individuelle de moyens, la liberté de projet, la liberté de choix et la liberté de participation, c’est-à-dire la possibilité de participer effectivement à la construction de la volonté territoriale au-delà même de l’existence éventuelle de mécanismes formels consacrés à cette fin [29].
55Comme cela a été rappelé précédemment, l’objectif de l’évaluation est de mettre en évidence les manques de liberté. Et il est intuitif que l’absence de liberté quant à un élément conditionne lourdement le bilan global. C’est la raison pour laquelle l’agrégation des différents volets au sein de l’ITLE et de l’ITLF se fait par moyenne géométrique équipondérée des sous-composantes. Cela conduit à des effets similaires, bien que non identiques, à la combinaison simple utilisée pour aboutir à l’ITL général.
56En revanche, l’estimation des paramètres élémentaires (ex. la liberté de projet) présente des criticités que seules des expériences empiriques concrètes pourront dissiper.
57En particulier, il est nécessaire de prendre en compte le fait que les éléments de support à l’évaluation, même quand ils peuvent être mesurés quantitativement (ex. le nombre de dossiers de financement refusés), n’ont pas de valeur en eux-mêmes mais uniquement en termes de retombées sur la liberté : « compte tenu des informations que j’ai pu recueillir, dans quelle mesure ce méta-individu est-il libre ? », telle est la question à laquelle l’évaluateur doit répondre. Plus que d’un travail statistique au sens strict, il s’agit donc d’une activité d’interprétation, d’où le constat d’une subjectivité forte, porteuse de danger puisqu’elle met en cause la stabilité dans le temps de la méthodologie, sans doute davantage que la qualité ponctuelle des estimations. Par conséquent, il est nécessaire de s’efforcer de la réduire.
58Une première question qu’on peut se poser est le choix de mettre en place des enquêtes de terrain, et donc de laisser en quelque sorte les méta-individus autoévaluer leurs degrés de liberté, où confier l’activité à des évaluateurs adoptant une posture d’observateur impartial (Smith, 1790). Dans cette alternative, le premier choix semble plus risqué que le deuxième. En effet, à partir du moment où l’on ferait le choix d’enquêtes directes on s’exposerait à un risque fort d’avoir des réponses biaisées.
59Parmi les nombreux biais qui peuvent affecter les questionnaires d’enquête (Choi et Pak, 2005), deux demandent une attention particulière. Tout d’abord, notamment quand la situation n’est pas vécue positivement, les répondants peuvent fournir des réponses inexactes, tant consciemment que de manière inconsciente. Parmi les typologies de biais répertoriées dans la littérature qui peuvent être rapprochées de la thématique, on peut évoquer la préférence pour les réponses centrales et relativement neutres, la satisfaction positive, la désirabilité sociale, la révélation inacceptable. Ainsi, par la convergence de ces réactions, la possibilité qu’une enquête restitue l’image d’une situation modérément positive sans aucun lien avec la réalité subjacente est élevée.
60D’autre part, en ce qui concerne les méta-individus qui ne sont pas des personnes, il est tout simplement impossible de les interroger de manière pertinente. À titre d’exemple, interroger le responsable d’une organisation reviendrait à identifier les deux sujets, ce qui contredit les fondements méta-individuels de l’AL et conduirait à un biais structurel de sélection.
61Compte tenu de ces risques, la piste des évaluateurs « impartiaux » paraît préférable, tout en étant conscients du fait que l’impartialité reste relative, même en présence d’un personnel spécifiquement formé à la collecte et à l’interprétation de données, ce qui demande un savoir-faire spécifique et une authentique capacité de détachement.
62Un deuxième point concerne l’échelle d’évaluation. En effet, la logique demanderait que l’on adopte une échelle continue, définie sur l’intervalle [0,1]. Toutefois, la prudence suggère l’adoption d’une échelle discrète, relevant d’un compromis à trouver entre précision, afin d’éviter les biais liés aux choix forcés, et l’exigence d’identifier des situations réellement différentes, afin de réduire la possibilité que deux évaluateurs assignent des valeurs différentes à des situations comparables, rendant vaine l’adoption de l’échelle non continue.
L’échelle d’évaluation des degrés de liberté
L’échelle d’évaluation des degrés de liberté
63Par ailleurs, afin de réduire les incertitudes liées à la perception des options intermédiaires de la part de l’évaluateur, le processus d’évaluation est décomposé en deux choix simples, ci-contre montrés en ligne et colonne, le jugement se positionnant à l’intersection identifiée, les valeurs numériques étant ensuite attribuées selon les correspondances indiquées dans le Tableau 2.
La grille de choix
La grille de choix
64Enfin, des doutes peuvent être exprimés quant à l’agrégation des évaluations individu par individu à l’échelle territoriale. Suivant l’idée d’égale importance de la liberté de chaque méta-individu, il est suggéré par la littérature disponible de considérer chaque paramètre (ex. la liberté de projet) comme la moyenne arithmétique des évaluations individuelles. Cela génère des effets de compensation lesquels, bien que mitigés par l’impossibilité de dépasser la valeur limite de 1 pour chaque paramètre et chaque individu et justifiés théoriquement comme un moyen pour représenter l’intérêt du « plus grand nombre » (Pirrone 2012b : 262), méritent d’être regardés avec prudence.
3 – Politiques d’amélioration de la VED et ATS
65Puisque la logique du NBI nous permet de détecter une stratégie d’attractivité soutenable et que la VED veut être un repère pour le choix des stratégies, les deux approches ne se chevauchent pas. Cependant, elles partagent la même vision globale de la soutenabilité et il est donc utile de vérifier si elles sont mutuellement cohérentes.
66Dans la section précédente nous avons montré les trois typologies de changements pouvant conduire à une variation de la VED. Ici, nous pouvons maintenant les mettre en relation avec les sommets de l’hexagone de Anholt pour vérifier, au moins d’un point de vue théorique, les impacts de l’amélioration des uns sur la valeur des autres. Pour ce faire, on se positionnera d’abord, fictivement, dans le cas d’actions de type B. Ensuite, on s’intéressera globalement à une situation hypothétique où les trois volets de la VED (CMS, ITLE, ITLF) auraient atteint des valeurs élevées.
67Si on se concentre sur l’augmentation des capacités monétaires à égalité de liberté, il est normal d’anticiper des effets légèrement positifs sur tous les six aspects de la valeur de marque. Tout d’abord, puisque plus de richesse tend à impliquer « plus » et « mieux » d’activité, il y a une relation étroite entre la variation de capacité monétaire et la perception des secteurs plus strictement économiques, tels le tourisme et le commerce extérieur. De même, le fait d’associer richesse en croissance et liberté stable, devrait favoriser l’attractivité au sens strict, tant en termes d’investissements que de population. À ce propos, on peut rappeler le fait que dans l’approche des libertés tant les personnes que les organisations, dont les entreprises, sont considérées comme des individus porteurs de liberté. Ainsi, à titre d’exemple, dans la liberté d’être on retrouve le juste accès aux financements, l’absence de délits et crimes financiers, l’absence d’atteintes à l’intégrité morale. Par conséquent, si on assimile les manques de liberté à un coût de localisation, la croissance de la richesse totale laisse la promesse d’une meilleure rentabilité, ce qui est cohérent avec une attractivité accrue.
68Par consolidation, la situation fictive ici décrite, aura aussi tendance à véhiculer une image positive des habitants et de la gouvernance, puisque le territoire se montre capable de gérer raisonnablement ses dynamiques. Enfin, une richesse en croissance à égalité de liberté pourra, vraisemblablement, libérer des ressources destinées aux activités, par exemple, culturelles et sportives, avec à la clé le renforcement des aspects contemporains de l’héritage.
69En ce qui concerne la liberté d’être, l’amélioration de ce paramètre tendra à induire des retombées fortes sur tous les volets du NBI, à l’exception de l’export. La réduction des pollutions dangereuses et des agressions sont des éléments à même de favoriser le tourisme et l’attractivité au sens strict. Une amélioration du volet de projection a des conséquences directes en termes de gouvernance. La capacité améliorée d’être « territoire » implique un savoir-faire accru en termes de valorisation de l’héritage culturel et patrimonial. Et tout cela contribue à donner une image de gens qui savent vivre. En revanche, les activités d’exportation peuvent ne pas être stimulées directement, car aucun paramètre de la liberté d’être ne se relie strictement aux criticités des activités exportatrices.
70En ce qui concerne la liberté de faire, son augmentation est censée avoir des effets positifs sur tous les sommets de l’hexagone d’Anholt, avec une intensité probablement plus forte en ce qui concerne la gouvernance et l’attractivité au sens strict. En effet, une plus grande liberté de faire implique directement une amélioration de la première de par ses volets « participation » et « choix », alors que la deuxième est renforcée par la possibilité accrue de mener à bien les projets « individuels », que cela concerne les personnes ou les entreprises.
71En ce qui concerne les autres sommets, nous pouvons noter que l’augmentation de l’ITLF à égalité de CMS et ITLE, contribue à véhiculer l’image d’une société plus juste [30], où les personnes peuvent se prendre en charge. De même, les activités productives et touristiques se développent grâce à une autonomie financière croissante, une certaine facilité de projet et à la capacité de se remettre en question en permanence trouvant de nouvelles réponses pour des nouvelles clientèles. Enfin, dans ce développement, elles génèrent des conflits, ne fût-ce que d’usage, de moins en moins critiques, contribuant à créer de l’espace de liberté pour la population entière, au lieu de constituer une contrainte.
72La synthèse de ces effets est proposée dans le tableau ci-dessous :
Amélioration de la VED et retombées sur le NBI
Amélioration de la VED et retombées sur le NBI
73Bien que la comparaison reste forcément abstraite, notamment à cause de l’indisponibilité de mesures adaptées, nous pensons pouvoir dire que poursuivre un développement soutenable, au sens de l’approche des libertés, constitue également, de manière implicite, une démarche de stimulation de l’attractivité soutenable au sens du NBI. En effet, bien que les approches subjacentes à la VED et au NBI soient radicalement différentes, des passerelles et des interrelations existent.
74Pour un territoire, avoir une VED élevée implique, en même temps, d’être caractérisé par une certaine aisance et des niveaux de liberté proches de l’unité. Ce qui implique, compte tenu de la formule d’agrégation choisie, qu’il n’y ait, virtuellement, aucun « individu » (personne, organisation ou corps social) à ne pas être considérablement libre. Un tel territoire aurait toutes les chances d’avoir une valeur de marque élevée, et donc d’être durablement attractif. En effet, la gouvernance y est nécessairement bonne, le territoire véhicule une identité claire, on y vit bien ; on y a structuré une culture de la liberté, donc de l’opportunité, qui le rend attrayant pour les personnes extérieures ; l’économie tourne de manière équilibrée et efficace.
Conclusions
75Les approches subjacentes à la VED/CED et au NBI sont radicalement différentes. Toutefois, les deux convergent sur un concept de soutenabilité bien abouti, qui dépasse même la simple recherche de cohérence entre les dimensions économique, écologique et sociétale, pour s’insérer dans un authentique processus historique et culturel. Si le NBI se positionne dans une logique d’évaluation ex post et s’il n’est pas en mesure, du propre aveu de Anholt, de suggérer autre chose que l’exigence d’une stratégie territoriale, l’approche des libertés fournit aux territoires une grille plus immédiate pour remplir leurs stratégies de contenus. Par la mise en parallèle des deux approches, nous avons montré qu’il n’existe pas de réelle différence entre politiques d’attractivité territoriale soutenable et recherche du développement, si par développement on entend les progrès que le territoire accomplit dans la réalisation de soi-même en tant que projet. En effet, ce type de démarche consolidera la réputation du territoire prioritairement auprès des acteurs extérieurs qui partagent le même type de projet. Par conséquent, le territoire tendra à attirer les activités qu’il considère responsables et à haute intégrabilité, alors que celles incohérentes, et donc indésirables, tendront à se détourner du territoire favorisant une sélection spontanée, respectueuse du projet du territoire d’accueil. En particulier, l’importance donnée dans la VED au respect de l’autre tant par le choix d’une fonction d’agrégation égalitaire que par la mise en valeur de paramètres spécifiques, tels l’absence d’atteintes à l’intégrité morale, renforce cette attractivité sélective, repoussant les activités et les organisations qui adoptent des stratégies prédatrices, tant en termes de ressources que de liberté. Enfin, le rapprochement entre VED/CED et NBI montre aux territoires aisés, où les marges de progression de la croissance économique sont relativement limitées, que l’action en faveur des libertés effectives (ITLE/ITLF) est à la fois un levier de développement et une manière de conforter le capital marque, par la stratification d’effets cumulatifs dans le temps.
Acronymes utilisés
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Mots-clés éditeurs : territoire, durabilité, attractivité, VED, développement
Mise en ligne 14/10/2014
https://doi.org/10.3166/ges.16.275-296Notes
-
[*]
Auteur correspondant : claudio.pirrone@dremm.net
-
[1]
Cet article est basé sur la communication portée au Colloque « Sustainable Development, Territories and Firms Location Decisions : toward a Sustainable Attractivity ? », organisé par le LAREFI, Bordeaux, 15 et 16 septembre 2011. Nous remercions notre rapporteur, Mme Marie Coris, ainsi que les rapporteurs anonymes qui ont évalué notre texte pour leurs questions et commentaires qui ont permis d’améliorer notre contribution.
-
[2]
Pour un aperçu du débat en la matière, cf. (Viveret, 2009).
-
[3]
Souligné en caractères gras par les auteurs.
-
[4]
Nous préférons la notion de « soutenabilité » à celle de « durabilité », laquelle nous paraît plus imprécise, bien que l’usage réel des deux termes ait tendance à en faire des synonymes parfaits.
-
[5]
Géographiques, physique, historiques et ainsi de suite.
-
[6]
Cf. en ce sens : (Pecqueur, 2001), (Ternaux et Pecqueur, 2005), (Ritchot, 1992 ; 1999), (Ritchot et Desmarais, 1991), (Leloup et al., 2005), (Antheaume et Giraut, 2005), (Blais et al., 2007), (Talandier et Davezies, 2009). À noter que la notion ici évoquée n’est pas à confondre avec les bassins de vie « statistiques » construits par l’INSEE (2012). En effet, ces derniers reposent sur l’évaluation d’un flux théorique d’accès aux équipements, la méthodologie privilégiant de manière partiellement arbitraire la gamme intermédiaire (ex. parfumerie) au détriment des équipements de proximité (ex. médecin généraliste) et de la gamme supérieure (ex. gare, hypermarché) qui peuvent jouer un rôle important dans la structuration de l’espace vécu.
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[7]
En plus de son activité de consultant et auteur, Simon Anholt collabore activement avec le Ministère des Affaires Etrangères du Royaume Uni et ses travaux ont été récompensés en 2009 par le “Nobels Colloquia Prize for Economic Leadership”, décerné par un jury de dix prix Nobel d’économie. (http://www.gfkamerica.com/newsroom/press_releases/single_sites/005069/index.en.html).
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[9]
http://www.gfkamerica.com/practice_areas/roper_pam/placebranding/cbi/index.en.html.
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[10]
Un des exemples les plus éclatants de ce phénomène était la nette préférence exprimée par le consommateur américain à acheter des Toyota Corolla et non pas des Geo Prizm, alors qu’il s’agissait exactement de la même voiture, construite dans la même usine, et que la Corolla était assez chère et la Prizm assez économique. Mais l’une étant perçue comme une voiture japonaise, l’autre américaine, la première bénéficiait d’un a priori positif (Anholt, 2007a).
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[11]
Un exemple en est le « règlement spécial » du Guichet Unique pour les Entreprises de la Ville de Novara (Piémont) dans sa version de 1999, intégralement rédigé par nos soins en tant que responsable de la structure. Ce texte avançait que la Ville « poursuit l’objectif d’un développement économique soutenable et durable dans le temps, fondé sur les avantages défendables que notre territoire peut montrer au marché des opportunités d’entreprise, en se plaçant comme un moyen et un acteur pour les choix des politiques économiques locales qui seront mises en place par les organisations compétentes ». Novatrice au moment de son adoption à Novara, cette approche a été largement reprise en Italie avant que la législation ne soit modifiée.
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[12]
Traduction française, phrases soulignées par les auteurs.
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[13]
Source : site officiel de l’Anholt-GfK Roper Nation Brands Index (http://www.gfkamerica.com/practice_areas/roper_pam/nbi_index/index.en.html)
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[14]
Traduction des auteurs. Pour une analyse plus complète, cf. (Pirrone, 2009), ainsi que le site officiel de GfK (cf. note 10).
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[15]
Cela est particulièrement problématique quand l’attention se porte sur des espaces administratifs appartenant à un territoire métropolitain plus vaste. L’attractivité consolidée de Neuilly sur Seine ou celle en devenir de Plaine Commune, à titre d’exemple, héritent largement de la marque « Paris ». De même, la réputation de la Capitale se construit également sur les réussites économiques des communes limitrophes. On touche là une des plus grandes limites du NBI/CBI comme guide direct pour l’action locale.
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[16]
Pour une conclusion proche, à partir d’un cheminement logique très différent, cf. (Thouément et al., 2005).
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[17]
Pour une justification approfondie de l’AL se référer à (Pirrone, 2012b).
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[18]
Pour un exemple des impacts des indicateurs de résultat sur la définition des politiques, en particulier dans le cas du BNB, cf. (Ezechieli, 2003).
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[19]
Un cas limite, mais pertinent dans notre société médicalisée, est celui des malades incurables tenus en vie à grand renfort de machines et traitements, frôlant parfois l’acharnement thérapeutique. Il ne fait pas de doute que ces pratiques influencent l’espérance de vie, mais la situation est bien différente par rapport à un vieillissement qui permet de rester pleinement actifs. Le même raisonnement peut être étendu aux systèmes éducatifs : la présence d’élèves sur les bancs d’école ne dit rien sur la qualité des enseignements et des apprentissages. Et on est en droit de se poser la question de comment évaluer en termes de développement les systèmes éducatifs dans des régimes dictatoriaux où l’école est parfois utilisée comme instrument de propagande de masse. Certes, ces régimes obtiennent le résultat d’améliorer la scolarisation, mais cela peut même réduire la sphère des libertés.
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[20]
Parmi les sources citées, une réflexion explicite en ce sens est présente en (Tovar et Bourdeau-Lepage, 2013).
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[21]
À titre d’exemple, rappelons le débat sur l’exigence de microfonder l’analyse macroéconomique, bien synthétisé par De Vroey (2009) ou celui sur la collective agency au sein de l’AC (Fukuda-Parr, 2003 ; Dubois et Renouard, 2008) ou encore le riche débat en matière de théorie du choix social.
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[22]
« Les éléments, que nous venons d’identifier, dressent le tableau d’un territoire définissable comme une métasociété peuplée de méta-individus en relation d’influence réciproque. En particulier, on y trouve des individus-personnes, des individus-organisations (entreprises, associations, institutions publiques…), et des individus-corps sociaux. » (Pirrone 2012b : 230)
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[23]
Dans les pages suivantes nous supposons une valeur constante de la monnaie, ce qui est suffisant pour évaluer l’évolution d’un territoire singulier dans le temps. En revanche, l’utilisation de la Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) (European Commission et Eurostat, 2012) est nécessaire pour les comparaisons interterritoriales, ce qui complexifie légèrement les formules ici proposées.
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[24]
La pertinence de la logique a été testée en pondérant les données du PIB de différents pays par l’indicateur de liberté produit par Freedom House (Puddington et al., 2008). Malgré les limites de l’indicateur de Freedom House, uniquement focalisé sur la liberté « négative » (Berlin, 1958), ces simulations ont montré combien la perception du développement des différents pays et leur classement relatif peuvent changer significativement par rapport à une simple vision productive. Cf. (Pirrone 2012b : 299-303).
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[25]
C’est un point qui différencie la VED de la plus grande partie des indicateurs multidimensionnels de bien-être, plus axés sur les paramètres de résultat. Cf. (OECD-JRC, 2008 ; Ravallion, 2010b ; Ravallion, 2010a).
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[26]
Cf. (Pirrone et Charles 2011, tab. 1). Les paramètres monétaires en italique sont évalués de façon indirecte au sein des libertés dans l’attente de méthodologies plus fiables pour leur valorisation.
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[27]
Pensons, à titre d’exemple, aux possibilités de survie offertes par l’autoproduction alimentaire ou à la contribution des systèmes éducatifs à la liberté de faire.
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[28]
Pour un aperçu non exhaustif de la question, (Robeyns, 2000 ; Saith, 2001 ; Alkire, 2002 ; Fukuda-Parr, 2003 ; Kuklys et Robeyns, 2004 ; Chiappero Martinetti, 2009).
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[29]
On retrouve ici l’opposition entre liberté réelle et liberté formelle qui fait écho aux critiques portées par Sen (2010) à la vision de Rawls (1971).
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[30]
Dans le cadre restreint d’une CMS stable, l’augmentation de l’ITLF tend à correspondre à une réduction des inégalités, suite à l’amélioration du volet « moyens individuels » qui ne peut se faire que par répartition. Si l’on desserre la contrainte de la CMS stable, on retrouve néanmoins une situation où le progrès économique profite essentiellement aux moins favorisés. Tout cela se renforçant par l’accès diffus et croissant au savoir-faire et au travail choisi.