Notes
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[*]
Adresse email : Myriam.Simard@ucs.inrs.ca
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[1]
Dans le cadre de cet article, les néo-ruraux réfèrent à des individus qui vivaient en milieu urbain et qui ont fait le choix de s’installer en permanence en milieu rural depuis moins de vingt ans. Les villégiateurs, touristes ou banlieusards ne sont pas pris en compte, puisqu’ils relèvent d’autres problématiques que celle explorée ici. À noter qu’au Québec, la dénomination néo-ruraux ne renvoie pas aux évènements de mai 1968 comme en France et n’implique pas nécessairement une migration rurale liée au rejet de la société de consommation.
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[2]
Cette recherche est financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et dirigée par Myriam Simard (INRS UCS). Pour plus de détails, consulter le site Web du Groupe de recherche sur la migration ville/campagne et les néo-ruraux à l’adresse suivante www.neoruraux.ucs.inrs.ca.
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[3]
Le groupe Mairie-Conseils, dont l’objectif est d’informer et d’accompagner les élus locaux en leur proposant divers documents thématiques, a réalisé une enquête portant sur l’accueil des nouveaux habitants et leurs incidences sur la vie locale auprès de 2 178 individus, dont 65 % étaient des maires, 29 % des secrétaires de mairie et 7 % des adjoints ou conseillers municipaux (2005).
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[4]
La définition de municipalité rurale adoptée dans cette recherche se base sur la typologie de Statistique Canada qui comprend tout le territoire situé à l’extérieur des agglomérations de recensement (10 000 hab. ou plus) et des régions métropolitaines de recensement (100 000 hab. ou plus) (Du Plessis et al., 2002). De ce fait, les nouveaux résidents des villes de Cowansville et de Bromont (Brome-Missisquoi) et de Victoriaville (Arthabaska) ne font pas partie de la recherche.
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[5]
Par migrants de retour, nous entendons des individus ayant déjà vécu en permanence dans la MRC dans laquelle ils décident de s’installer à nouveau.
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[6]
Au total, 111 ruraux de longue date bromisquois et 45 Arthabaskiens furent colligés par 22 organisations locales.
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[7]
Dès le début de l’entrevue, tous les acteurs étaient conviés à répondre à cette question : En général, que pensez-vous de l’arrivée de nouvelles populations dans votre MRC ?
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[8]
La question posée à chacun des acteurs est la suivante : À votre avis, quels sont les impacts positifs ou négatifs de l’arrivée des nouvelles populations dans votre MRC sur les plans économique, communautaire et culturel ainsi que politique et environnemental ?
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[9]
Afin de ne pas alourdir la présentation des résultats, les codes abrégés suivants sont privilégiés : BM = Brome-Missisquoi ; AR = Arthabaska ; LD = rural de longue date ; DO = dirigeant d’organisme ; EM = élu municipal.
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[10]
Une analyse comparative est présentement en cours afin d’explorer entre autres les rapports des néo-ruraux et des ruraux de longue date à la gouvernance territoriale, notamment par leurs interactions collaboratives ou conflictuelles avec les élus municipaux et les dirigeants d’organismes.
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[11]
Une particularité de Brome-Missisquoi réside dans son réseau routier qui compte plusieurs chemins municipaux non asphaltés.
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[12]
Des précautions s’imposent ici car les questions posées les invitaient d’abord à répondre en général sur les services et activités à mettre en place pour les nouveaux résidents, puis au besoin, à spécifier surtout sur l’accueil.
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[13]
La municipalité de Chesterville est exemplaire en ce sens, car elle offre gratuitement des terrains pour accueillir de jeunes familles. À Warwick, les nouveaux arrivants bénéficient de l’appui économique de la municipalité et d’institutions financières locales pour la construction d’une maison. De plus, un comité est à instaurer un système d’accueil pour les nouveaux résidents (Ville de Warwick, 2008).
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[14]
Ainsi, la municipalité de Lac-Brome a mis sur pied en 2008 une politique familiale pour contrer l’embourgeoisement rural qu’elle connaît, en offrant aux nouveaux résidents potentiels des solutions pour l’achat ou la location d’une habitation. De plus, elle compte acheter des propriétés et les revendre au prix coûtant tout en envisageant d’exempter ou de réduire les taxes foncières et celles sur les mutations immobilières.
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[15]
Voir l’article de Guimond et al. (accepté) qui étudie l’espace social des néo-ruraux et des ruraux de longue date, venant ainsi compléter l’analyse des trois acteurs présentée ici.
Introduction
1Une revue des études internationales et nationales sur les nouvelles installations dans les campagnes permet de constater rapidement que l’accent est surtout mis sur les expériences des nouveaux ruraux, souvent dénommés néo-ruraux au Québec [1], et peu sur les populations locales qui les accueillent. On remarque également une vision généralement négative, et ce tant dans les médias que dans l’opinion publique, autour de certains enjeux dont l’embourgeoisement rural et l’exclusion des moins nantis, la hausse de la valeur foncière, les conflits et tensions sur l’aménagement du territoire, etc. Qu’en est-il de la réalité ? C’est à partir de ce questionnement que nous avons constaté le besoin d’un éclairage supplémentaire pour saisir les dynamiques complexes entre différents acteurs ruraux.
2Des données qualitatives recueillies dans le cadre d’une recherche menée dans deux municipalités régionales de comté (MRC) au Québec (Brome-Missisquoi et Arthabaska) offrent la possibilité de faire une incursion dans les représentations et les pratiques de divers acteurs sur ce sujet des nouvelles installations rurales [2]. Trois catégories d’acteurs sont considérées dans le but d’obtenir une vision complémentaire et plus globale des interactions en milieu rural, à savoir les ruraux de longue date, les dirigeants d’organismes locaux et régionaux, et les élus municipaux. Ceci permet, en retour, d’approfondir leurs ouvertures et/ou leurs replis à l’égard des néo-ruraux, ainsi que les formes et le sens des nouvelles pratiques qui apparaissent. En outre, l’originalité de cet article consiste à explorer les nuances et les paradoxes ressortant des propos et des actions de ces acteurs. Précisons que les ruraux de longue date comprennent tant les individus qui sont nés dans les MRC sélectionnées et qui y vivent toujours (malgré parfois des migrations temporaires), que ceux qui y habitent en permanence depuis plus de vingt ans sans y être nés. Il faut prendre garde d’associer automatiquement les dirigeants d’organismes et les élus municipaux à des ruraux de longue date, car certains d’entre eux sont des nouveaux résidents établis depuis peu à la campagne, comme on le verra plus loin.
3L’article est construit en quatre parties. Dans la première, sont exposés quelques repères théoriques. La méthodologie est décrite dans la deuxième partie, abordant d’abord la triple perspective comparative de l’étude pour ensuite définir les acteurs concernés. La troisième s’attarde à relever les représentations des acteurs sur les mutations marquant leur territoire à la suite de l’arrivée d’ex-citadins. Quant à la quatrième partie, elle se centre sur les pratiques de ces acteurs à propos de ce repeuplement. Tout au long de la discussion des résultats, une attention est portée à la cohérence de leurs propos et pratiques afin de mieux relever les convergences et les divergences entre acteurs et territoires, pour terminer par les paradoxes prédominants. La conclusion fait un rappel des principaux constats et soulève certaines questions à explorer ultérieurement.
1 – Des pistes fragmentaires dans la littérature
4Notre réflexion s’inscrit dans la foulée des travaux en sociologie et en géographie où l’acteur est au cœur de l’analyse des phénomènes sociaux (Crozier et Friedberg, 1977 ; Gumuchian et al., 2003 ; Touraine, 1984). Nous nous démarquons ainsi du courant de pensée plus structurel en accordant une importance centrale à la position de différents acteurs, dont des acteurs-citoyens ou décisionnels, et en mettant en relief leurs pratiques et représentations en lien avec la recomposition sociodémographique des campagnes. En effet, le croisement de la position d’acteurs variés fut peu effectué dans cette production scientifique, bien que certains repères soient éclairants. Ces pistes, que l’on puise surtout dans la littérature sur le développement régional et la gouvernance, sont toutefois indirectes et insuffisantes.
5Dans le contexte du désengagement de l’État-providence, de la décentralisation, de la privatisation et de la responsabilisation du milieu, les sciences régionales se sont approprié la notion de gouvernance pour faire valoir la contribution de divers acteurs dans le développement des régions (Chiasson et al., 2003 ; Simard et Chiasson, 2008 ; Tranda-Pittion, 2008). Selon Jean et Bisson, « pour analyser la gouvernance locale, il faut d’abord en identifier les principaux acteurs, leur leadership et leur positionnement face aux autres acteurs » (2008 : 552). D’après eux, ces acteurs, qu’ils soient partie prenante du pouvoir politique local, du secteur privé et de la société civile ou des organismes communautaires, seraient à l’avant-scène d’une nouvelle façon d’exercer le pouvoir et de prendre des décisions (ibid.). Pour d’autres, la gouvernance renvoie plutôt à la relation entre l’action collective et le développement local (Klein, 1996). Or, malgré cette valorisation de l’action et de la participation citoyenne et démocratique dans la littérature sur la gouvernance, l’accent est principalement mis sur la prise de décision et les rapports de pouvoir des élus. Qu’en est-il des nouvelles responsabilités des citoyens et des dirigeants d’organismes dans le contexte de mutations et de diversification des besoins des milieux ruraux ? Une revue de la littérature nationale et internationale à ce sujet s’est avérée incomplète, puisque nous avons constaté que les recherches se centraient principalement sur la gestion des acteurs en position de pouvoir décisionnel politique et économique (Douillet, 2003 ; Roux, 2007).
6Nous avons également examiné le corpus scientifique sur la recomposition sociodémographique des campagnes afin de voir si les positions de tous les acteurs étaient prises en compte dans la compréhension de ce phénomène. Hormis les enquêtes menées par IPSOS (2003a, 2003b) et Mairie-Conseils [3] (2005) en France, peu d’écrits portent sur les représentations et les pratiques croisées des acteurs quant à ces mutations. Les résultats colligés dans ce pays correspondent d’ailleurs sensiblement à ceux obtenus dans le cadre de notre recherche, qui était toutefois plus modeste. Conséquemment, des parallèles avec la France sont parfois apportés dans cet article pour dégager les convergences et les divergences entre les positions des divers acteurs français et québécois.
7Certaines études s’appuient également sur une pluralité d’acteurs pour mesurer les conséquences précises des nouvelles installations. Notons la contribution de Ghose (2004) qui a analysé l’embourgeoisement rural aux États-Unis à partir d’entrevues qualitatives réalisées auprès de nouveaux venus, de ruraux de longue date, des élus et autres responsables, des promoteurs et des militants communautaires. Elle y relève les intérêts divergents entre acteurs mais, malheureusement, sans comparer explicitement les positions de chacun. Par ailleurs, en Grèce, Sotiropoulou (2007) croise l’expérience des leaders locaux (actuels comme anciens), des présidents d’associations, d’instituteurs et des prêtres ainsi que des villageois d’origines diversifiées pour étudier les tensions et conflits façonnant le « nouveau visage du rural ». Selon elle, les conflits concernent surtout la gestion du développement local et surviennent principalement entre résidents permanents et individus originaires du milieu mais qui vivent désormais en ville tout en gardant des liens très étroits avec leur village d’origine. En Irlande, Mahon s’est attardée à comparer les différentes conceptualisations de la campagne des « natifs » et des « non-natifs » de trois milieux périurbains, sans toutefois étudier les représentations qu’ont ces groupes l’un de l’autre (2007).
8En France, Mamdy insiste sur le rôle primordial des élus dans l’accueil et l’intégration de ces populations (2004) et, avec sa collègue, il précise que les élus ruraux s’investissent désormais dans des actions concrètes en faveur de l’accueil de nouveaux résidents (Guillot et Mamdy, 2004). Dans une perspective légèrement différente, Manceron (2005) scrute les tensions et les conflits autour de la gestion des étangs français de la Dombes (Ain, Rhône-Alpes). Elle met en évidence les rapports de pouvoir non seulement entre néo-ruraux et ruraux de longue date, mais aussi entre d’autres acteurs tels chasseurs, agriculteurs, propriétaires terriens citadins, décideurs… Bien qu’elles soient indirectement liées à la problématique qui nous intéresse, l’ensemble de ces études internationales offrent des pistes d’analyses intéressantes puisqu’elles rappellent l’importance de tenir compte des représentations et des pratiques d’acteurs variés.
9Au Québec, les écrits scientifiques sur la migration de la ville à la campagne et la néo-ruralité sont peu nombreux et donnent rarement une vision d’ensemble, se centrant habituellement sur l’expérience des néo-ruraux (Simard, 2007). Notons toutefois les travaux de Solidarité Rurale du Québec (SRQ) qui a considéré divers acteurs, dont des entrepreneurs, des néo-ruraux, des « natifs » et des élus, pour mieux saisir les transformations suscitées par la néo-ruralité dans certaines collectivités (2008). Par ailleurs, un numéro spécial récent sur les nouveaux ruraux québécois et français fait ressortir que, de part et d’autre de l’Atlantique, peu d’études se font sur l’ensemble des acteurs, les chercheurs se préoccupant davantage des rapports entre néo-ruraux et ruraux de longue date (Simard, 2011c).
10Notre ambition est donc d’analyser la cohérence des représentations et des pratiques de trois groupes d’acteurs, citoyens ou décideurs, à propos de l’installation et des besoins des néo-ruraux, afin d’affiner la compréhension du processus d’interaction entre ces acteurs et les nouvelles populations. Vu la démocratisation de l’action collective et les nouveaux pouvoirs des municipalités rurales, il est pertinent de savoir si la gestion et l’accueil sont inclusifs à l’égard de ces nouveaux résidents, souvent considérés comme « étrangers » par les populations plus anciennes (Mathieu, 2008).
2 – Méthodologie
2.1 – Une triple perspective comparative
11Cet article découle d’une triple comparaison basée sur des entrevues semi-directives approfondies, d’une durée moyenne d’une heure et demie et réalisées en 2006 et 2007 au Québec. La première comparaison, qui s’appuie sur les représentations et les pratiques de différents acteurs au sujet de la néo-ruralité, sert de fil conducteur à cet article. Au total, 46 acteurs ont été interrogés sur plusieurs thèmes, dont leur appréciation générale des néo-ruraux et leurs expériences positives ou négatives avec eux. Ils sont constitués de 24 ruraux de longue date et de 22 décideurs locaux détenant des postes dans la société civile (dont 12 dirigeants d’organismes et 10 élus municipaux). En ce qui concerne les ruraux de longue date, ils ont été sélectionnés en tant que citoyens afin d’évaluer leurs perceptions des changements occasionnés par les néo-ruraux. Le point de vue des dirigeants d’organismes entraîne un éclairage nouveau sur ce phénomène, puisque leur position administrative et de direction dans les organisations locales et régionales favorise une solide connaissance de leur milieu. Ces derniers œuvrent dans des secteurs diversifiés : éducation, santé et services sociaux, communications, arts et culture, environnement, jeunesse, développement économique. Quant aux élus, leur rôle dans des postes décisifs pour l’attribution des ressources et le développement territorial rend possible de brosser un portrait des représentations et des pratiques davantage du point de vue d’acteurs politiques, en matière des nouvelles installations rurales.
12La deuxième comparaison découle du croisement entre les représentations et les pratiques de ces acteurs, ce qui apporte des nuances significatives. Nous évaluons d’abord leurs représentations de l’établissement des néo-ruraux, leurs appréciations générales de ceux-ci, leurs visions des impacts multiples et leurs positions sur l’accueil de ces nouveaux résidents. Ensuite nous analysons certaines pratiques concrètes à l’intention de ces populations. Ceci permet de contrebalancer leurs représentations par leurs pratiques, afin d’évaluer la cohérence de leurs propos et de mieux comprendre les actions concrètes au regard des changements sociodémographiques que connaît leur milieu.
13La troisième comparaison est effectuée entre deux territoires contrastés tant en termes physique et historique qu’économique et social. Si nous les avons choisis, c’est qu’ils nous offrent la possibilité de brosser un portrait plus général du phénomène québécois de néo-ruralité. La MRC de Brome-Missisquoi est localisée au sud du Québec, aux limites de l’Estrie, de la Montérégie et du Vermont (États-Unis) (carte 1). Le dernier recensement canadien de 2011 dénombre une population de 55 621 personnes (francophones et anglophones) dispersées dans 21 municipalités surtout rurales [4]. En raison de sa proximité avec Montréal et de ses attraits majeurs (massif des Monts Sutton, lac Brome), qui en font une importante destination touristique et de villégiature au Québec, le phénomène de néo-ruralité y est relativement ancien. Le secteur touristique y est donc prédominant comparativement à la deuxième MRC étudiée. Parmi les néo-Bromisquois, on compte surtout des retraités et, dans une moindre mesure, des jeunes. Les différents impacts de l’arrivée de ces populations sont perceptibles, dont l’embourgeoisement rural.
14De son côté, la MRC d’Arthabaska se situe dans la région du Centre-du-Québec. La néoruralité y est plus récente. En 2011, sa population s’élevait à 69 237 habitants (en quasitotalité francophones) répartis dans 24 municipalités, presque exclusivement rurales. Les secteurs industriels, commercial et agricole étant particulièrement développés, cette MRC attire une main-d’œuvre variée et qualifiée. Conséquemment, les nouvelles populations s’y distinguent de celles de Brome-Missisquoi car elles sont plus jeunes et comptent sur la présence de migrants de retour [5]. Pour plus de détails, voir l’analyse approfondie de ces deux territoires et de leurs nouveaux résidents (Simard et Guimond, 2009 ; 2010).
2.2 – Brève description des acteurs
15Les trois types d’acteurs ont été recrutés grâce à la collaboration d’organismes dans les deux MRC. Suite à l’autorisation de la Commission d’accès à l’information du Québec, près de 500 organisations locales ont été invitées à nous transmettre une liste de noms de ruraux de longue date répondant à certains critères, dont les principaux étaient : 1) avoir une bonne connaissance de leur milieu et des changements engendrés par l’arrivée des nouveaux résidents ; 2) être natifs de la MRC ou avoir vécu plus de 20 ans au sein de la même MRC étudiée [6]. Parallèlement, nous avons sélectionné des municipalités qui semblaient les plus touchées par la migration ville-campagne et contacté leurs décideurs (dirigeants d’organismes et élus municipaux) pour ensuite choisir ceux qui étaient les plus familiers avec cette problématique. Des précautions ont été prises pour inclure une grande variété de dirigeants afin de refléter l’ensemble des organisations locales et régionales. De plus, nous nous sommes assurées que les élus représentaient des municipalités diversifiées en termes de population et de géographie.
Localisation des deux MRC à l’étude
Localisation des deux MRC à l’étude
16Les 24 ruraux de longue date comptent tant les individus qui sont nés dans les MRC étudiées et qui y vivent toujours malgré des migrations temporaires (21), que ceux qui y habitent en permanence depuis plus de vingt ans sans y être nés toutefois (trois). Ils sont répartis quasi également entre les hommes (11) et les femmes (13). Ces ruraux de longue date sont mobiles, alors que la majorité a déjà vécu à l’extérieur des deux MRC (18) pour plusieurs motifs tant scolaires, que familiaux, professionnels ou personnels. Seuls six d’entre eux n’ont jamais quitté leur milieu. Ces ruraux de longue date sont plutôt âgés, la plupart ayant entre 40 et 59 ans (dix) ou 60 ans et plus (11). Rares sont les jeunes adultes de 25 à 39 ans (trois). Dix sont à la retraite alors que les autres sont des actifs (14). Ils ont des niveaux d’étude variables : primaires ou secondaires (huit) ; cours professionnel ou collégial (dix) ; baccalauréat (six). Pratiquement tous ces ruraux de longue date sont impliqués, souvent bénévolement, dans la vie locale (21). Cette participation marquée est sans aucun doute liée au fait qu’ils devaient bien connaître leur milieu. Ceci peut représenter un certain biais et nécessite de la prudence dans l’interprétation des résultats.
17En ce qui concerne les douze dirigeants d’organismes locaux ou régionaux, ils comptent aussi bien des femmes (sept) que des hommes (cinq) et sont d’âges variés se situant entre 25 et 39 ans (quatre) ; 40 et 59 ans (six) ; 60 ans et plus (deux). Ce sont en majorité des actifs (10) et le même nombre a des études universitaires. Précisons que parmi les dirigeants, cinq sont des néo-ruraux. Lors de l’analyse, il faudra garder en tête ce double statut dans leur MRC. Se sentant directement interpellés par le phénomène de néo-ruralité, leurs entrevues sont particulièrement riches.
18Enfin, l’ensemble des dix élus municipaux ont plus de 40 ans et sont exclusivement des hommes. La majorité occupe un emploi dans les secteurs du transport, des ventes, de la gestion, de l’agriculture et de la sylviculture (sept), alors que trois sont à la retraite. Leurs niveaux de scolarité se répartissent ainsi : études secondaires (quatre) ; cours professionnel ou collégial (trois) ; études universitaires (trois). Si la quasi-totalité a passé leur jeunesse ou leur vie d’adulte principalement dans les MRC sélectionnées, deux élus ne sont pas natifs de celles-ci, mais y vivent toutefois respectivement depuis 33 et six ans. La moitié des élus n’ont jamais vécu à l’extérieur de leur MRC, alors que les autres ont séjourné en milieu urbain soit pour leur scolarisation ou pour des raisons familiales ou professionnelles.
3 – L’installation des néo-ruraux : une représentation positive de tous les acteurs… mais accompagnée de réserves sur les incidences réelles
19L’analyse révèle une appréciation unanime et positive des trois types d’acteurs à propos de l’installation de nouveaux résidents sur leurs territoires [7]. D’emblée, tous évoquent les apports communautaires et culturels découlant de leur arrivée. Cette représentation favorable est renforcée par les réponses catégoriques et brèves des ruraux de longue date dont la quasi-totalité estime ne pas se sentir envahis par les nouveaux résidents. Cependant, derrière ce consensus de façade se manifestent des différences puisque les acteurs sont divisés sur les incidences réelles de ces migrations. En effet, leurs opinions sont nuancées par leurs évaluations des impacts – aussi bien positifs que négatifs – de l’établissement d’ex-urbains sur leur territoire [8]. Leurs témoignages concernent maints aspects de la vie locale, ce qui permet de mieux les positionner et d’opposer leurs représentations. Précisons qu’il se dégage une division claire entre les visions des acteurs de Brome-Missisquoi et d’Arthabaska. Ces derniers ont effectivement une conception plus partagée et cohérente entre eux, en mettant davantage l’accent sur les aspects positifs du repeuplement.
3.1 – Des impacts positifs partagés par tous
20En concordance avec leur appréciation commune favorable, tant les ruraux de longue date que les décideurs des deux MRC s’entendent sur les incidences positives liées à l’installation des néo-ruraux. C’est surtout sur les plans économique, communautaire et culturel ainsi que sociodémographique que tous les acteurs expriment les avantages, même s’ils évoquent rapidement certaines incidences positives politiques, environnementales et patrimoniales. Ces apports diversifiés contribuent au dynamisme et à la revitalisation globale du milieu rural, tendance habituellement relevée dans la littérature nationale et internationale (Roussel, 2000 ; Simard, 2011b ; SRQ, 2008).
21D’abord, tous les acteurs reconnaissent que les nouvelles populations provoquent une diversification d’activités sur le plan économique par leurs demandes de services, la création de nouvelles entreprises et l’essor de la consommation locale. Les néo-ruraux soutiennent les commerces existants, dont ceux liés à la rénovation, la construction et l’entretien des maisons. De plus, ils valorisent les produits locaux, plus spécialement ceux du terroir, tel qu’observé en Australie occidentale (Walmsley et al., 1998). Les élus municipaux des deux MRC s’entendent pour dire que la hausse de la valeur foncière des propriétés liée à leur arrivée allège le fardeau fiscal des municipalités et contribue au maintien et à l’amélioration des services. Une minorité, autant ruraux de longue date que décideurs, spécifie que cette hausse est profitable aux vendeurs qui peuvent demander un prix plus élevé lors de la vente de leur résidence.
22Ensuite, les résidents de longue date et les décideurs apprécient l’implication bénévole des nouveaux résidents sur les plans communautaire et culturel. Ils soulignent favorablement la présence active de néo-ruraux retraités au sein de diverses organisations locales, puisqu’ils donnent un nouveau souffle aux bénévoles déjà impliqués. Cette contribution est bien documentée aux États-Unis et en France (Brown et Glasgow, 2008 ; Callois et al., 2003 ; Roussel et Vollet, 2004). Ils ajoutent qu’ils amènent une « plus-value » au milieu, ce qui crée des échanges intéressants, de nouvelles connaissances et des savoir-faire différents. Les dirigeants d’organisme déclarent que ces nouveaux ruraux deviennent des alliés et des personnes ressources importantes au bon fonctionnement de leur organisation. D’autres mentionnent les collaborations qui se créent entre les diverses populations rurales ainsi que les expertises offertes par les néo-ruraux :
Moi je crois beaucoup à la collaboration, à la coopération puis à la complémentarité de tous. […] C’est un côté [de l’arrivée des néo-ruraux] qui est définitivement positif.
[Les néo-ruraux] apportent des expériences, des expertises qu’on n’a pas nécessairement dans nos coins. […] Nous autres, on en a profité.
[L’arrivée des néo-ruraux] a ajouté des nouvelles façons de voir et de penser dans nos associations, parce que très souvent, c’est des gens qui ont un degré d’instruction assez élevé et qui sont capables de bien s’exprimer puis d’apporter leur point de vue. Donc au niveau social, ça a été un enrichissement pour notre paroisse.
26En effet, d’après les ruraux de longue date et les décideurs rencontrés, les nouveaux résidents sont des gens instruits mettant au profit du milieu rural leurs multiples compétences, réseaux et expériences. Leur participation à la vie locale et leur bénévolat servent d’amorce à de nouvelles relations sociales entre les anciennes et nouvelles populations (Guimond et Simard, 2011). Cette tendance est corroborée par les trois types d’acteurs qui stipulent avoir des contacts généralement positifs bien que superficiels avec les néo-ruraux. À cet égard, une autre analyse démontre que la rencontre entre les nouveaux résidents et les ruraux de longue date s’avère timide et que leurs interactions sont surtout réservées à l’espace public et communautaire, les liens intimes étant plus rares (Guimondet al. accepté).
27En ce qui concerne l’apport culturel des nouveaux résidents, tous les acteurs signalent la consolidation du secteur artistique et culturel par de nouvelles initiatives entreprises par les néo-ruraux, surtout dans Brome-Missisquoi. À l’exception des élus dans ce territoire qui sont plus réservés, ils avancent que les nouveaux ruraux contribuent à la « richesse culturelle » de leur milieu. Ce résultat appuie ceux obtenus lors d’une recherche précédente confirmant l’attractivité des territoires ruraux par des facteurs culturels (Simard et Bricault, 2009). Des données récentes indiquent d’ailleurs que plus du quart des artistes canadiens (26 %) vivent à la campagne (Hill Strategies Research Inc.?Recherche Inc., 2010). En outre, il est précisé que Bolton-Ouest et Sutton, toutes deux de la MRC de Brome-Missisquoi, figurent parmi les douze petites villes et municipalités rurales québécoises ayant en 2006 les concentrations d’artistes les plus élevées, soit respectivement 10,5 % et 2,5 %.
28Du point de vue sociodémographique, les ruraux de longue date et les décideurs locaux observent d’un commun accord que l’installation des néo-ruraux engendre le renouvellement de la population et assure la pérennité des services de proximité, tels les écoles. Dans Arthabaska, les acteurs spécifient que l’arrivée des nouveaux résidents permet de « garder la communauté vivante » et d’endiguer le vieillissement démographique que connaissent beaucoup de municipalités rurales.
29Finalement, au regard des incidences politiques, environnementales et patrimoniales, ce sont davantage les décideurs qui se sont exprimés avantageusement sur l’implication des nouveaux résidents dans ces domaines. Ils affirment que ces populations entraînent de nouvelles idées et des projets novateurs ainsi que des changements envers de vieilles mentalités et des guerres de clochers, tel que le soutient ce dirigeant d’organisme :
Les personnes qui viennent d’ailleurs sont exigeantes. Au niveau des services de proximité, ils en veulent plus que ce qu’il y a là. Ce sont des personnes d’action. […] Elles tiennent à faire partie d’un comité. […] Les gens qui arrivent d’ailleurs ont une autre oreille. Ah oui, cela a été bon pour toutes les tranches d’âge, d’avoir du monde nouveau
31Les néo-ruraux peuvent donc être considérés comme porteurs d’un renouveau sur ces derniers aspects politiques et environnementaux. Par surcroît, ils partagent un souci de préservation, de rénovation et de valorisation du patrimoine bâti et naturel, à l’instar de ce que l’on relève tant en France qu’en Angleterre et au Québec (Bossuet, 2005 ; Paquette et Domon, 2003 ; Phillips, 2005). Toutefois, cette vision positive sur les plans politique, environnemental et patrimonial se révèle paradoxale, en particulier dans Brome-Missisquoi, car elle ne concorde pas toujours avec les autres données de la recherche faisant état également de tensions et de conflits.
3.2 – Des impacts négatifs relevés surtout par les acteurs bromisquois
32En plus des impacts positifs, les résidents de longue date et les décideurs ont généralement identifié certains effets pervers liés à l’établissement de nouvelles populations, en particulier dans Brome-Missisquoi. En effet, les acteurs d’Arthabaska paraissent attacher moins d’importance à ces répercussions négatives, bien que leurs critiques portent sur les mêmes aspects que leurs pairs bromisquois. Celles-ci concernent la scène politique, l’environnement et l’embourgeoisement rural.
33Sur le premier point, les trois types d’acteurs des deux MRC blâment les réflexes urbains des néo-ruraux et considèrent que certaines demandes sont inappropriées dans un contexte rural. Des acteurs, surtout les élus bromisquois, décrivent les néo-ruraux comme étant des personnes « suivant les lois à la lettre » et tenant au strict respect de la réglementation. Quelques ruraux de longue date et dirigeants d’organismes reprochent parfois aux nouveaux résidents d’utiliser la campagne et le paysage à des fins purement individuelles sans se préoccuper des impératifs collectifs. Ces allégations s’apparentent aux oppositions qui se manifestent en France envers les nouveaux ruraux. Maires et anciens résidents redoutent en effet des « demandes excessives » en équipements et services ainsi que des tensions et difficultés à « s’habituer aux habitudes des gens du pays » (IPSOS, 2003b : 3). Ces éléments négatifs du repeuplement rural supposent une certaine illégitimité des demandes et besoins des anciens citadins, comme l’allègue ce répondant :
Ces gens-là sont habitués en milieu urbain […] Là, ils arrivent ici puis ils veulent imposer les mêmes lois qu’il y avait en ville
35Du point de vue environnemental, les ruraux de longue date et les décideurs déplorent les nombreux désaccords et conflits occasionnés souvent par les représentations idylliques de la campagne des nouveaux résidents. Les sujets d’affrontement portent notamment sur les nuisances liées à l’agriculture et sur la préservation du patrimoine naturel et paysager. À travers ces clivages, c’est l’affirmation de repères sociaux et spatiaux, de valeurs, de mentalités, de conceptions et d’intérêts différents qui s’affichent tel que mentionné dans la littérature (Brennan et Cooper, 2008 ; Cloke et Thrift, 1987 ; Jarosz et Lawson, 2002 ; Smith et Krannich, 2000). Les acteurs dépeignent alors les néo-ruraux comme des personnes exigeantes s’opposant par moments à des projets ou activités sans tenir compte des contraintes du développement rural. Des plaintes et altercations en lien avec leurs visions estimées « idéalisées » sont là pour l’attester :
The new people want it all to be cute, with a bunch of flowers and clean and tidy, because they don’t know what farming is. So they ask the farmers to clean up and that causes all kinds of problems. Then they have huge fights at the municipal level and people get fined
Les personnes qui arrivent des grands centres […] voient la campagne comme une carte postale : il y a aucune activité qui se fait là, c’est le calme, la rivière qui coule doucement, les petits oiseaux. Mais quand elles réalisent qu’il y a des activités, soit agricoles ou peu importe, puis que cela amène du bruit ou d’autres inconvénients liés à la qualité de l’environnement… […] des fois, ça apporte des questionnements à la municipalité.
38Toujours sur le plan environnemental, certains ruraux de longue date expriment une inquiétude quant à la perte de la vocation agricole du milieu, aux changements des paysages ainsi qu’au manque de ressources en eau potable, enjeu qui mobilise particulièrement Brome-Missisquoi :
Il y a des gens qui s’installent et qui sont respectueux de l’environnement puis du paysage, et il y a en a qui ne trouvent pas cela important […] et qui arrivent avec leurs habitudes d’urbains. […] Des gens coupent les arbres sur tout le terrain pour avoir la vue, ou bien pour s’installer une grosse maison, et là, il n’y a plus d’arbres. Puis il y a toute la question de l’eau aussi. Ils se font creuser des étangs […] et il y en a qui ne se contentent pas juste d’un. […] Cela coupe les sources pour ceux qui habitent en aval, alors à un moment donné il y a un manque d’eau. Cela me brûle.
40En somme, tous ces extraits indiquent que des représentations divergentes de la campagne sont à la base de conflits entre les divers ruraux, comme l’ont souligné d’autres auteurs (Boucquey et al.; Kirat et Torre, 2006, 2007 ; Pham et al.).
41Un troisième impact négatif est soulevé par les résidents de longue date et les décideurs qui reprochent aux néo-ruraux l’augmentation de la valeur foncière et des taxes. Cet aspect réfère à l’embourgeoisement des campagnes (rural gentrification) bien examiné au Royaume-Uni depuis une vingtaine d’années (Cloke et Thrift, 1987 ; M. Phillips, 1993, 2005 ; Smith et D.A. Phillips, 2001). Bien que l’embourgeoisement rural soit un phénomène complexe, les acteurs interrogés ont tendance à en évoquer surtout les effets négatifs sur les seuls aspects économiques et sociodémographiques. Ils critiquent alors les hausses du prix des taxes, maisons, terrains et loyers menant à l’exclusion notamment des jeunes, tant urbains que de longue date, qui souhaiteraient s’installer définitivement en milieu rural. Selon eux, cela engendre un déséquilibre sociodémographique où les retraités cossus sont surreprésentés par rapport aux jeunes :
[Nom de la localité] va devenir un village-dortoir parce que les jeunes qui n’ont pas pu acheter de maison vont s’installer à Montréal ou ailleurs, là où il y a des loyers ou des prix abordables pour les maisons et de l’emploi. [Cette même localité] va devenir un village de retraités, de gens qui ont un petit peu de fric. À mon avis, ce ne sera plus une communauté vivante. Et ça, on en voit déjà les premiers signes actuellement.
L’impression qu’on a, c’est que les maisons sont trop chères pour que des gens ordinaires qui auraient le goût de venir vraiment faire leur vie ici avec leur famille puissent les acheter
44Il faut spécifier que les acteurs d’Arthabaska se sont peu exprimés sur l’embourgeoisement rural, cette MRC étant moins touchée par ce phénomène contrairement à Brome-Missisquoi où les effets d’exclusion sont plus évidents (Guimond et Simard, 2010 ; Simard et Guimond, 2012).
3.3 – Quelques paradoxes : divergences entre représentations variées
45De l’analyse sur les représentations, il ressort trois principaux paradoxes qui sont plus vifs dans Brome-Missisquoi. Ils concernent des divergences entre les discours recueillis sur l’appréciation des néo-ruraux. D’abord, alors que les acteurs des deux MRC ont une opinion très positive de leur installation, ils nuancent tous leurs propos de départ. Ils mentionnent entre autres les plaintes, les rigidités légales et les réflexes urbains qui risquent à terme de poser problème pour la cohésion sociale.
46Ensuite, on remarque des réserves principalement chez les acteurs bromisquois, surtout les élus municipaux, qui se disent pourtant réceptifs à la participation des nouveaux résidents. Pour ces élus, la présence de ces derniers semble moins souhaitée dans certains champs plus litigieux et susceptibles de créer des conflits, tels la préservation de l’environnement ou le partage du pouvoir politique local. Par ce positionnement, il est légitime de s’interroger sur les appréhensions des élus, surtout que l’attitude des dirigeants d’organismes est plus modérée puisqu’ils insistent davantage sur les contributions positives des néo-ruraux dans tous les domaines.
47Enfin, les incidences économiques des migrations sont perçues de façon ambivalente par les acteurs bromisquois. D’une part, elles sont ressenties positivement en termes de flux financiers. D’autre part, elles sont vécues négativement car l’embourgeoisement rural qui en découle tend à modifier les équilibres sociodémographiques locaux du fait qu’il implique un processus d’exclusion des moins nantis. Les acteurs paraissent tiraillés entre la recherche de revenus municipaux supplémentaires et leur désir de préserver une équité d’accès au milieu rural pour tous les citoyens. En période de décentralisation où les municipalités ont des responsabilités accrues, leurs besoins financiers accentuent ce paradoxe (Leclerc, 2008). La crise économique actuelle vient certainement aggraver cette situation.
4 – Un désir commun d’accueil des néo-ruraux par les décideurs… mais des pratiques concrètes différenciées
48Contrairement à la partie précédente où nous nous sommes concentrées sur les visions des trois types d’acteurs, à savoir les ruraux de longue date, les dirigeants d’organismes et les élus municipaux, nous confrontons ici les représentations et les pratiques des seuls décideurs quant aux nouvelles installations. En effet, ces derniers devaient répondre à une section spécifique de la grille d’entretien visant à cerner leur gestion à ce sujet dans leurs organisations respectives. Suivant notre triple analyse comparative, nous demeurons attentives encore une fois aux convergences et divergences ainsi qu’aux paradoxes qui en découlent.
4.1 – Représentations mitigées des décideurs sur les besoins et demandes des néo-ruraux
49Les décideurs des deux MRC ont d’abord été conviés à répondre à une question concernant leurs représentations des besoins et des demandes des nouveaux résidents. Or, ils se sont davantage attardés sur les demandes de ces derniers, parce qu’elles viennent perturber manifestement leurs pratiques administratives quotidiennes :
Il y a [des néo-ruraux] qui ne s’en viennent pas ici en roi et maître, ils vont vraiment essayer de s’impliquer dans la municipalité. Puis il y a en a d’autres qui viennent ici vraiment plus pour essayer de chambouler la municipalité
C’est des choses qu’il faut gérer souvent, de mettre des freins à ceux [les néo-ruraux] qui sont trop ambitieux, mais quand même de donner de l’espace à ceux qui amènent des nouvelles idées
52En fait, la participation citoyenne des néo-ruraux apporte non seulement des innovations sociales, telles de nouvelles façons de faire, de nouveaux projets et un type de gestion renouvelé comme le signalent des auteurs (Klein et al., 2009), mais également des requêtes et des doléances déstabilisantes pour le pouvoir local.
53Pour ce qui est de la nature des demandes des nouveaux résidents, tous les décideurs précisent que celles-ci sont liées à leur intégration dans la campagne et concernent surtout les services de proximité, entre autres en santé et en éducation (disponibilité, lieu, services offerts). Certains mentionnent aussi leurs sollicitations en matière de réglementation municipale, de normes de construction et d’amélioration des infrastructures, plus particulièrement les routes :
[Les néo-ruraux demandent] d’avoir des routes bien entretenues, de limiter la vitesse puis de mettre de l’abat-poussière sur les chemins
La santé et les services sociaux, l’accès à un médecin de famille sont les principales préoccupations des gens. Puis ils demandent quels types de services sont disponibles localement. […] Les services communautaires et des fois, les écoles, les centres de petite enfance, ou même la recherche d’emploi, etc. C’est l’adaptation au milieu au fond
56En fait, pour plusieurs décideurs, les requêtes des nouveaux résidents ressemblent à celles de l’ensemble de la population qui revendique des services convenables :
Les nouveaux résidents ne nous demandent rien de différent des autres [citoyens]. Les citoyens nous demandent de leur fournir un service adéquat.
58Cependant une distinction se remarque entre les deux MRC, les décideurs arthabaskiens rajoutant les demandes des nouveaux résidents potentiels. Cette ouverture démontre leur souci d’attraction de futures populations. À titre d’exemples, ils évoquent leur recherche de maisons disponibles ou de terrains pour construire, ainsi que d’emplois locaux :
Des gens qui cherchent la fermette, pas chère, plus belle. J’ai eu des demandes comme cela, des gens qui cherchaient, soit des emplois, soit des propriétés.
60Quant aux décideurs bromisquois, en particulier les élus, ils se démarquent car ils s’expriment plus souvent sur la légitimité des demandes des néo-ruraux en les qualifiant « d’exagérées ». Ce constat laisse teinter une représentation ambivalente des nouveaux arrivants perçus alors comme des citoyens ayant des requêtes urbaines irréalistes, tel que souligné par les acteurs ruraux dans d’autres études françaises et québécoises (Cognard, 2004 ; IPSOS, 2003b ; Veillette et al., 2008). Ils jugent excessives leurs demandes et actions, particulièrement dans les domaines du développement durable, de l’environnement, de la préservation du paysage et du patrimoine [10]. De ce fait, ils semblent oublier par moments la contribution active des néo-ruraux dans divers dossiers locaux, notamment culturels. Ces témoignages d’élus bromisquois illustrent à quel point les demandes des nouveaux résidents sont parfois vues comme irréalistes et irritantes pour la communauté :
Il y a des demandes que peut-être pour eux [les néo-ruraux] elles sont réalistes, mais pour nous, elles ne le sont pas [comme l’asphaltage des routes [11] ou la mise sur pied d’un] grand théâtre dans notre petite municipalité. Il y a toujours [le critère de] la masse critique à considérer.
Les suggestions [des néo-ruraux] sont toujours bienvenues, [par exemple] pour améliorer les réglementations et les manières de faire. Mais lorsque cela arrive à un degré d’imposition de leurs idées et qu’ils disent : Vous allez faire ça. […] Mes purs et durs des fois qui se présentent, qui veulent tout bouleverser, on est plus réticents.
63Des nuances s’imposent car les demandes rapportées par les acteurs décisionnels ne correspondent pas nécessairement aux besoins réels des nouveaux résidents. À cet effet, une analyse réalisée dans le cadre de notre recherche indique que ces besoins effectifs sont beaucoup plus hétérogènes que ne le laissent percevoir les propos des acteurs (Desjardins et Simard, 2009). Il y a donc un décalage entre les représentations des décideurs sur cet aspect et les besoins concrets des néo-ruraux. Ceci s’apparente aux résultats recueillis auprès des maires des communes françaises qui affirment que les nouveaux arrivants les sollicitent pour les services et les infrastructures, alors que ces derniers disent être davantage préoccupés par la disponibilité d’emplois locaux (IPSOS, 2003a).
4.2 – Nécessité de services ou d’activités spécifiques pour les nouveaux résidents ?
64L’ensemble des décideurs des deux MRC partagent la même volonté de prioriser l’implantation de services de base servant à accueillir les nouveaux résidents (comité d’accueil, distribution de paniers de bienvenue, etc.) [12]. Deux variantes se présentent toutefois selon les territoires. Dans Arthabaska, on pressent une volonté chez les dirigeants d’organismes et les élus que les services et activités souhaités deviennent plus structurés et formels. Ils évoquent des politiques familiales et résidentielles pour respectivement mieux desservir les jeunes familles et à développer les zones résidentielles municipales. Quelques-uns aimeraient qu’un effort de sensibilisation soit fait par les organisations du milieu auprès des employeurs afin que ces derniers embauchent davantage les nouveaux résidents, en particulier les personnes d’origine immigrée. Ces souhaits, dont certains se transforment en actions concrètes (cf. section suivante), laissent présager une perspective globale chez ces décideurs arthabaskiens qui éprouvent le besoin de créer des activités autant formelles qu’informelles pour encourager l’intégration des néo-ruraux. Sous-jacent, se décèle un souci d’attraction et de rétention ayant des visées à long terme.
65Dans Brome-Missisquoi, tous les décideurs semblent prêts à élaborer des stratégies facilitant l’accueil des nouveaux résidents, mais des nuances appréciables se détectent dans leurs propos. En effet, ils se représentent généralement les néo-ruraux comme étant des personnes autonomes, bien équipées et bénéficiant de réseaux, bref comme des individus de classes supérieures à fort capital social et économique. Ils semblent alors déduire que ces derniers ont des besoins limités vis-à-vis des services et activités spécifiques. L’accueil réservé par les décideurs de cette MRC à leur égard est donc minimal et à court terme. Selon leurs dires, c’est aux nouveaux résidents de s’adapter et de faire leurs propres démarches d’intégration :
[Les nouveaux résidents] peuvent s’organiser par eux-mêmes. […] Il y a toujours la masse critique [à tenir compte].
Les nouveaux arrivants, c’est eux qui doivent faire les démarches [pour s’intégrer].
68Il est surprenant que, dans les deux territoires, peu de décideurs s’expriment sur la question de l’emploi alors que l’insertion professionnelle est souvent au cœur de l’enracinement durable en milieu rural. En outre, ils ne sont guères volubiles sur d’autres dimensions de l’insertion des néo-ruraux, notamment celles en lien avec la famille et la qualité de vie. Pourtant, les recherches à cet effet sont éloquentes, dont celles réalisées auprès de jeunes ou d’immigrants en région (Gauthier et al., 2003 ; Simard, 2009 ; Simard et al., 2011). Les facteurs de rétention des migrants régionaux sont effectivement très complexes et variés, interpellant des motifs autant professionnels que socioculturels et communautaires, familiaux, personnels, financiers et environnementaux (Simard, 2011a). Les milieux ruraux doivent donc agir au-delà de l’accueil et intensifier leurs efforts afin de retenir à plus long terme ces nouvelles populations.
4.3 – Des pratiques distinctes à l’intention des nouvelles populations rurales et les projets d’avenir
69Dans les deux MRC, tous les dirigeants d’organismes et les élus municipaux affirment sans hésitation que la question de l’intégration des nouvelles populations rurales est à l’ordre du jour dans leurs organisations respectives. Il s’agit d’un sujet qui les préoccupe puisque, par leurs fonctions de décideurs, ils sont en contact régulier avec les néo-ruraux et ont à répondre à leurs demandes, tel qu’évoqué ci-dessus. Mais que vont-ils poser comme actions concrètes pour appuyer leur insertion et quels sont leurs projets d’avenir en ce sens ?
70L’étude met en évidence une nette différence entre les deux territoires de référence. C’est davantage dans Arthabaska que se retrouvent des services et des activités mis en place spécifiquement pour les nouveaux résidents. Ceux-ci sont diversifiés et sont destinés à non seulement les attirer, mais aussi les accueillir et faciliter leur intégration durable. Plusieurs exemples en témoignent : rencontre personnelle de chaque nouvel arrivant par le maire ; remise d’une trousse d’information (règlements municipaux, bons d’achat pour les produits locaux, bottin téléphonique des organisations du milieu, etc.) ; mise en place de politiques et de mesures facilitant l’accès des jeunes familles à la propriété (dons de terrains, exemption de taxes pendant les premières années…) [13]. Toujours dans Arthabaska, des efforts sont déployés pour attirer des jeunes ayant quitté cette MRC et qui souhaitent y revenir pour faire un stage professionnel et éventuellement s’y installer. Certaines autres initiatives sont mentionnées par les décideurs arthabaskiens, dont l’entretien et le renouvellement des équipements municipaux, qui profitent à l’ensemble de la population, nouvelle comme ancienne.
71En général, les décideurs sont souvent monopolisés par une gestion à court terme et d’urgence (infrastructures, respect des normes environnementales…) et ont peu de temps à consacrer au dossier de l’intégration des nouveaux résidents. Pour contourner cet obstacle, ils initient des relations de collaboration avec des acteurs variés d’Arthabaska en vue d’établir une réelle concertation entre eux. Ceci montre que leur politique de développement est basée sur le capital social des acteurs, c’est-à-dire sur leur capacité de travailler ensemble et de construire des alliances et des réseaux pour soutenir la cohérence de cette politique. Se perçoivent aussi une synergie entre les décideurs et une vision commune qui font partie des conditions gagnantes d’une réelle gouvernance (Jean et Bisson, 2008). Un souci de coordination entre les divers acteurs de la MRC émerge de leurs propos :
Nous, on travaille plus avec les employeurs. La commission scolaire, ça va être davantage ce qui concerne la formation. Carrefour jeunesse emploi, c’est les jeunes. Chacun travaille dans son domaine, mais on veut s’assurer qu’on s’arrime en quelque part. Il y a beaucoup de mandats qui sont donnés mais avec peu de ressources.
73Quant aux projets d’avenir des décideurs arthabaskiens, ils cherchent à implanter à plus long terme des mesures pour retenir la population de façon durable, plus particulièrement les jeunes et les travailleurs actifs. Celles-ci s’appliqueraient non seulement aux néo-ruraux éventuels et ceux déjà installés, mais aussi l’ensemble de la population. Ils mettent également l’accent sur l’attraction de nouvelles populations en quête de qualité de vie :
On a des projets, pour l’année qui s’en vient, de développer du côté résidentiel pour les nouvelles familles qui voudraient s’établir dans la municipalité… C’est important d’avoir un créneau familial pour les petites municipalités comme la nôtre. On n’a peut-être pas les services des grandes villes mais on a une qualité de vie ici. Donc, c’est un dossier qui nous tient bien à cœur.
75À l’opposé des décideurs arthabaskiens, ceux de Brome-Missisquoi stipulent n’avoir pratiquement aucune activité ou service déjà mis en place, hormis l’implantation de certains projets pour les jeunes (planchodrome, parcs) ou les autres citoyens (jardin communautaire, ententes inter-municipales pour l’utilisation conjointe de services). Mais cela concerne l’ensemble de la population, sans jamais être destiné uniquement aux néo-ruraux. Par ailleurs, une collaboration entre diverses organisations paraît émerger, toujours au bénéfice de toute la communauté bromisquoise. De plus, leurs actions s’inscrivent dans le court terme. Par manque de moyens et étant accaparés par une multitude de dossiers urgents, les élus doivent remettre à plus tard le dossier de l’intégration des nouvelles populations :
Nous avons beaucoup d’autres projets en cours qui nous tiennent à cœur et qui prennent pas mal de notre temps, parce qu’on est des élus à temps partiel. […] La solution qu’on étudie, puisqu’on n’a pas eu le temps de faire encore, ce serait plutôt un genre de kit d’information de tout ce qui est disponible localement. […] Ce n’est pas à l’ordre du jour présentement, je vais être franc avec vous.
77Pour les projets d’avenir, les décideurs de cette MRC semblent adopter une approche moins proactive que dans Arthabaska. Ils évoquent quelques plans futurs destinés avant tout à accueillir et à informer l’ensemble des nouveaux ruraux et à favoriser l’installation de jeunes familles par un accès plus facile à la propriété [14]. Plus secondairement, d’autres projets visent à préserver les attraits de Brome-Missisquoi (paysage, patrimoine architectural…) afin d’inciter les nouveaux résidents potentiels à s’y installer. Cependant, il faut garder en tête que ces propos représentent la situation de 2007, année où les entrevues furent réalisées. Depuis, un exercice de consultation et de planification stratégique fut entrepris et finalisé dans Brome-Missisquoi. À cet effet, le plan stratégique 2008-2014 prévoit dorénavant des mesures prioritaires et spécifiques cherchant à attirer des néo-ruraux, surtout des jeunes, et à devenir une région verte où dominent des valeurs de préservation de l’environnement (MRC et CLD de Brome-Missisquoi, 2008). Cet exercice figure comme un exemple de synergie et d’action concrète entre différents acteurs bromisquois, puisque citoyens et dirigeants socio-économiques furent invités à mener une réflexion collective sur les divers enjeux régionaux.
78Pour clore cette analyse des pratiques concrètes, les politiques d’accueil et d’aide à l’installation en région paraissent accuser un certain retard au Québec, voire au Canada, en comparaison de la France où fut rédigée en 2005 une Charte nationale de l’installation en milieu rural. Celle-ci cherche à soutenir l’attractivité des milieux ruraux ainsi que leur potentiel d’accueil et d’intégration des nouvelles populations tout en favorisant le bien-être et la rétention de ces dernières (Collectif Ville Campagne, 2003, 2004 ; Exiga et Mamdy, 2004 ; Lardon et al., 2009 ; Moquay et Roussel, 2002). Sans un appui semblable, les municipalités et les MRC québécoises sont-elles moins bien outillées pour promouvoir l’établissement des nouveaux ruraux ?
79Bien sûr, diverses formes d’aide et certains incitatifs fiscaux ont été proposés ou existent déjà. Au niveau fédéral, le Projet de loi C-288 envisageait d’offrir un crédit d’impôt non remboursable pouvant aller jusqu’à huit milles dollars (environ 5000 euros) sur trois ans pour les nouveaux diplômés travaillant en région. Ce projet de loi, déposé en 2009, est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections de 2011. Au niveau provincial, le Pacte rural, via la Politique nationale de la ruralité 2007-2014, met à la disposition des collectivités des ressources financières permettant de soutenir des projets susceptibles de contribuer à leur développement sous plusieurs aspects : accueil et installation ; agriculture et terroir ; habitation ; infrastructures et transport ; services de proximité… De plus, Solidarité rurale du Québec dispose d’un carnet de route s’intitulant S’établir en milieu rural (2006) destiné aux personnes désireuses de s’implanter à la campagne. Depuis le printemps 2010, un magazine québécois intitulé Vivre à la campagne est publié quatre fois l’an comme guide de la vie rurale. Hormis ces initiatives, rares sont les projets concrets dédiés spécifiquement aux nouvelles installations en milieu rural.
4.4 – Quelques paradoxes : hiatus entre représentations et pratiques
80Deux paradoxes se démarquent à l’analyse et relèvent d’un hiatus entre les représentations et les pratiques des décideurs bromisquois. Car, tout comme ceux de la section précédente, ces paradoxes sont exacerbés dans Brome-Missisquoi par contraste à Arthabaska. Le premier a trait à l’écart entre d’une part la conscience qu’ont ces décideurs des demandes et besoins des néo-ruraux et leur affirmation qu’il s’agit là d’une priorité, et d’autre part le peu de mesures prises par eux. Cette réalité peut être mise au compte d’un manque de consensus entre les décideurs quant aux actions essentielles à prendre. Ou encore, elle peut être due à une évaluation critique des demandes exprimées par les néo-ruraux et censurées par les élus. Il peut également s’agir d’une démarche à visée électorale dans un contexte de diminution du budget municipal.
81Le deuxième paradoxe renvoie à une contradiction entre les deux MRC. L’une (Arthabaska) semble choisir une attitude plus proactive que l’autre (Brome-Missisquoi), initiant des mesures diversifiées qui visent à pérenniser durablement les nouvelles installations. Il y a là adéquation entre les représentations et les pratiques des décideurs arthabaskiens, car cet enjeu de la néo-ruralité est au centre des stratégies de développement de leur MRC. Ils poursuivent cette démarche, même si certains effets pervers liés à la migration d’ex-citadins s’y font moins sentir, comme l’embourgeoisement rural. De leur côté, les décideurs bromisquois déplorent ce dernier phénomène mais semblent rester plus en retrait. Leurs représentations sont mitigées et leurs actions davantage réservées, malgré une connaissance des incidences négatives en lien avec le repeuplement. L’une des raisons pouvant expliquer cette attitude est que leurs priorités de développement touchent plutôt la villégiature, le tourisme de plein air et l’agrotourisme. Rappelons que ce sont ces secteurs qui sont particulièrement soutenus jusqu’à présent pour dynamiser cette MRC. On ne peut donc négliger l’influence des caractéristiques socioéconomiques des deux territoires pour expliquer ces axes prioritaires contrastés et les mesures effectives qui en découlent.
Conclusion
82Les représentations et les pratiques des trois types d’acteurs interrogés (ruraux de longue date, dirigeants d’organismes locaux et régionaux, élus municipaux) à propos de l’arrivée des nouvelles populations dans les campagnes révèlent une situation complexe. Les ruraux de longue date regardent en général d’un œil favorable les néo-ruraux en raison de leurs liens de proximité avec eux au quotidien. Les dirigeants d’organismes des deux MRC ont une sensibilité et une vision plus globale de la néo-ruralité en lien avec la question de la revitalisation rurale. Ainsi, dans leurs pratiques, ils ont tendance à encourager tout à la fois l’attraction et l’intégration de nouveaux résidents.
83En revanche, une démarcation s’instaure entre les élus des deux MRC. Ceux d’Arthabaska sont en adéquation avec les autres acteurs de leur territoire et montrent une cohérence entre leurs représentations et leurs pratiques. L’arrivée de nouveaux résidents est perçue comme un élément moteur du développement local et pour cette raison, ils ont des stratégies concrètes facilitant l’intégration des néo-ruraux. Ceux de Brome-Missisquoi sont davantage partagés sur cette question, mettant ainsi en évidence les interprétations hétérogènes sur ce repeuplement et les ruptures entre leurs représentations et leurs pratiques. Deux logiques s’affirment alors selon les territoires étudiés. L’une privilégie l’intégration des nouveaux résidents, l’autre, par un nombre plus limité d’actions spécifiques semble ne pas vouloir créer de distinction entre anciens et nouveaux résidents.
84Par conséquent, pouvons-nous conclure à une réelle ouverture ou plutôt à une fermeture au regard de l’installation des nouvelles populations rurales au Québec ? Ces néo-ruraux demeurent-ils des étrangers pour les populations qui les accueillent ? Les ruraux de longue date et les décideurs acceptent-ils les mutations actuelles qui modifient leur campagne ? Nous observons que les propos des acteurs analysés sont, d’emblée, inclusifs. Par contre, des précautions s’imposent puisque certaines réticences et méfiances sont décelées à l’égard des néo-ruraux. Le sont-elles par méconnaissance de ces individus, ou plutôt par effet de saturation ou encore par d’autres facteurs ? La question est complexe et nécessite des investigations complémentaires, notamment sur la gouvernance territoriale ainsi que sur les modalités d’insertion des néo-ruraux et les relations sociales qu’ils tissent avec les autres acteurs [15]. Ceci permettra une compréhension plus fine des processus à l’œuvre et des métissages éventuels qui en résultent.
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Mots-clés éditeurs : paradoxes, représentations, acteurs ruraux, pratiques, Québec, migration ville-campagne, néo-ruraux
Date de mise en ligne : 16/05/2013.
https://doi.org/10.3166/ges.15.25-46Notes
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[*]
Adresse email : Myriam.Simard@ucs.inrs.ca
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[1]
Dans le cadre de cet article, les néo-ruraux réfèrent à des individus qui vivaient en milieu urbain et qui ont fait le choix de s’installer en permanence en milieu rural depuis moins de vingt ans. Les villégiateurs, touristes ou banlieusards ne sont pas pris en compte, puisqu’ils relèvent d’autres problématiques que celle explorée ici. À noter qu’au Québec, la dénomination néo-ruraux ne renvoie pas aux évènements de mai 1968 comme en France et n’implique pas nécessairement une migration rurale liée au rejet de la société de consommation.
-
[2]
Cette recherche est financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et dirigée par Myriam Simard (INRS UCS). Pour plus de détails, consulter le site Web du Groupe de recherche sur la migration ville/campagne et les néo-ruraux à l’adresse suivante www.neoruraux.ucs.inrs.ca.
-
[3]
Le groupe Mairie-Conseils, dont l’objectif est d’informer et d’accompagner les élus locaux en leur proposant divers documents thématiques, a réalisé une enquête portant sur l’accueil des nouveaux habitants et leurs incidences sur la vie locale auprès de 2 178 individus, dont 65 % étaient des maires, 29 % des secrétaires de mairie et 7 % des adjoints ou conseillers municipaux (2005).
-
[4]
La définition de municipalité rurale adoptée dans cette recherche se base sur la typologie de Statistique Canada qui comprend tout le territoire situé à l’extérieur des agglomérations de recensement (10 000 hab. ou plus) et des régions métropolitaines de recensement (100 000 hab. ou plus) (Du Plessis et al., 2002). De ce fait, les nouveaux résidents des villes de Cowansville et de Bromont (Brome-Missisquoi) et de Victoriaville (Arthabaska) ne font pas partie de la recherche.
-
[5]
Par migrants de retour, nous entendons des individus ayant déjà vécu en permanence dans la MRC dans laquelle ils décident de s’installer à nouveau.
-
[6]
Au total, 111 ruraux de longue date bromisquois et 45 Arthabaskiens furent colligés par 22 organisations locales.
-
[7]
Dès le début de l’entrevue, tous les acteurs étaient conviés à répondre à cette question : En général, que pensez-vous de l’arrivée de nouvelles populations dans votre MRC ?
-
[8]
La question posée à chacun des acteurs est la suivante : À votre avis, quels sont les impacts positifs ou négatifs de l’arrivée des nouvelles populations dans votre MRC sur les plans économique, communautaire et culturel ainsi que politique et environnemental ?
-
[9]
Afin de ne pas alourdir la présentation des résultats, les codes abrégés suivants sont privilégiés : BM = Brome-Missisquoi ; AR = Arthabaska ; LD = rural de longue date ; DO = dirigeant d’organisme ; EM = élu municipal.
-
[10]
Une analyse comparative est présentement en cours afin d’explorer entre autres les rapports des néo-ruraux et des ruraux de longue date à la gouvernance territoriale, notamment par leurs interactions collaboratives ou conflictuelles avec les élus municipaux et les dirigeants d’organismes.
-
[11]
Une particularité de Brome-Missisquoi réside dans son réseau routier qui compte plusieurs chemins municipaux non asphaltés.
-
[12]
Des précautions s’imposent ici car les questions posées les invitaient d’abord à répondre en général sur les services et activités à mettre en place pour les nouveaux résidents, puis au besoin, à spécifier surtout sur l’accueil.
-
[13]
La municipalité de Chesterville est exemplaire en ce sens, car elle offre gratuitement des terrains pour accueillir de jeunes familles. À Warwick, les nouveaux arrivants bénéficient de l’appui économique de la municipalité et d’institutions financières locales pour la construction d’une maison. De plus, un comité est à instaurer un système d’accueil pour les nouveaux résidents (Ville de Warwick, 2008).
-
[14]
Ainsi, la municipalité de Lac-Brome a mis sur pied en 2008 une politique familiale pour contrer l’embourgeoisement rural qu’elle connaît, en offrant aux nouveaux résidents potentiels des solutions pour l’achat ou la location d’une habitation. De plus, elle compte acheter des propriétés et les revendre au prix coûtant tout en envisageant d’exempter ou de réduire les taxes foncières et celles sur les mutations immobilières.
-
[15]
Voir l’article de Guimond et al. (accepté) qui étudie l’espace social des néo-ruraux et des ruraux de longue date, venant ainsi compléter l’analyse des trois acteurs présentée ici.