Notes
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[1]
Les relations entre la Chine et la Norvège, pays pourtant incontournable sur la scène arctique, ont connu, pour le moins, un froid polaire à la suite de l’attribution du prix Nobel de la Paix au dissident chinois Liu Xiaobo en 2010. En 2016, les relations entre les deux pays sont toujours délicates.
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[2]
Rapport d’information du sénateur André Gattolin, au nom de la commission des Affaires européennes du Sénat, « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global », 2014.
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[3]
Bien que les routes maritimes arctiques offrent potentiellement une réduction des distances de près de moitié entre l’Asie et l’Europe, leur intérêt stratégique réside avant tout dans la possibilité d’une alternative à la mer de Chine méridionale, en cas de blocage.
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[4]
La visite du secrétaire adjoint américain à la Défense, Robert O. Work, en Islande en septembre 2015 est venue démontrer un intérêt renouvelé des États-Unis, sur le plan militaire, vis-à-vis de l’Islande, dans un contexte marqué par les tensions entre les pays occidentaux et la Russie mais également par la présence pour le moins visible de la Chine en Islande.
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[5]
Redaktionen (Rédaction), « USA betragter Grønland som deres territorie » (Les États-Unis considèrent le Groenland comme leur territoire), disponible sur Sermitsiaq.ag, 3 août 2013, http://sermitsiaq.ag/usa-betragter-groenland-territorie.
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[6]
Betænkning afgivet af Selvstyrekommissionen (Rapport présenté par la Commission groenlandaise relative à l’autonomie renforcée). http://naalakkersuisut.gl/da/Naalakkersuisut/Selvstyre/Selvstyrekommissionen/Betaenkning-afgivet-af-Selvstyrekommissionen.
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[7]
Arctic Council Secretariat, Kiruna Declaration, 15 mai 2013 : https://oaarchive.arctic-council.org/bitstream/handle/11374/93/MM08_Final_Kiruna_declaration_w_signature.pdf?sequence=1&isAllowed=y.
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[8]
Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, « Une politique arctique intégrée de l’Union européenne », 27 avril 2016, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=JOIN:2016:21:FIN&from=EN
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[9]
« (L’Union européenne) œuvre pour le développement durable de l’Europe (…) ». Article 3-3 du Traité de l’Union européenne. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT.
1De périphérie à nouvelle frontière des relations internationales, l’Arctique a connu sous l’effet du réchauffement climatique un regain d’intérêt, cette fois globalisé. La dimension stratégique de la région n’est pas nouvelle : déjà du temps de la guerre froide, la zone avait été au centre du jeu, entre Russie et États-Unis.
2Seule région à lier les trois principaux blocs économiques mondiaux que sont l’Amérique, l’Europe et Asie, l’Arctique est à de nombreux égards un laboratoire des enjeux du XXIe siècle. Vitrine du changement climatique, la région est aujourd’hui l’illustration la plus marquante de l’impact de ce dernier sur les relations internationales et devient, de par le potentiel des routes maritimes arctiques, un accélérateur de la mondialisation. Le Conseil de l’Arctique, forum intergouvernemental de haut niveau créé en 1996, comprend les huit États de la région (le Canada, le Danemark via le Groenland, les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède) et de nombreux observateurs ainsi que les représentants des peuples autochtones de la région. L’ensemble des acteurs du G7/G8 sont présents dans l’Arctique à différents niveaux. Sorte de mini G20, le Conseil de l’Arctique compte depuis 2013 parmi ses observateurs permanents des puissances comme l’Inde et la Chine. L’intérêt de cette dernière pour la région a d’ailleurs globalisé l’attention sur les enjeux de l’Arctique. Un engouement chinois dont ont su profiter, dans un premier temps, les pays nordiques [1] – cible privilégiée du soft power chinois dans la région – puis la Russie, du fait des sanctions occidentales suite à la crise ukrainienne et de son désir de développer son Nord.
Le match Chine - États-Unis dans l’Arctique
3Alors que les rivalités sino-américaines se poursuivent en mer de Chine méridionale, un autre théâtre d’affrontement, cette fois-ci dans le cadre d’une approche essentiellement douce, s’est ouvert depuis plusieurs années dans l’Arctique, autrement dit dans l’arrière-cour des États-Unis. La symbolique de la présence de bâtiments de la marine chinoise en mer de Béring, début septembre 2015, au moment où le président américain, Barack Obama, visitait l’État arctique des États-Unis, l’Alaska, est venue officialiser ce second acte. L’Islande est l’illustration la plus visible de ce match, tandis que le Groenland est le lieu le plus sensible de cette confrontation sino-américaine dans l’Arctique.
4Pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle à l’Arctique ? La Chine maintient depuis longtemps une présence scientifique dans les régions polaires. L’étude du réchauffement climatique est en effet capitale pour un pays comme la Chine où l’augmentation du niveau des mers, du fait de la fonte des glaces, est susceptible d’avoir des conséquences dramatiques. La recherche scientifique dans l’Arctique sert également de porte d’entrée à de nombreux acteurs non régionaux, dont la Chine, afin de légitimer un intérêt pour la région. Au-delà des actes, les mots sont également utilisés afin d’affirmer un positionnement : ainsi, la Chine serait un « État presque riverain [2] ». Outre le laboratoire climatique que représente l’Arctique, la région offre un potentiel considérable en ressources naturelles (hydrocarbures, minerais, ressources halieutiques, eau, etc.), un raccourcissement des distances entre Asie et Europe, tant sur le plan du commerce maritime [3] que sur celui des échanges par le biais des câbles sous-marins, pour ne citer que quelques exemples en mesure de présenter un intérêt pour la Chine.
5Dans la région arctique, la Chine s’est particulièrement intéressée depuis un certain nombre d’années à l’Islande. L’île représente à la fois une porte d’entrée dans le marché européen, dans l’Arctique, dans l’Atlantique et s’est avérée être une sorte de stress test du monde occidental (tentative d’acquisition par des intérêts asiatiques, en réalité chinois selon certains, de 95% d’une des principales banques islandaises en 2013). Premier État européen à avoir signé avec la Chine un accord de libre-échange (2013), l’Islande a été, de par notamment son appartenance au marché intérieur européen, le pays ayant eu la plus forte probabilité d’intégrer l’Union européenne, lorsque sa candidature était d’actualité. Ainsi, bien que motivé en grande partie par des intérêts arctiques, l’investissement conséquent de la Chine sur l’Islande ces dernières années peut également être lu dans le contexte du travail d’influence chinois vis-à-vis de l’Union européenne, comme cela se voit actuellement dans des pays candidats comme la Serbie. L’Islande offre par ailleurs à la Chine un terrain de jeu propice à la compétition avec les États-Unis. Seul État membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) à ne pas disposer d’armée, l’Islande se situe géographiquement au centre de la relation transatlantique et a, dès 1951, conclu un accord de défense bilatéral avec les États-Unis. L’histoire ne dit pas ce qu’il serait advenu de la percée chinoise en Islande si l’armée américaine n’avait pas quitté [4] la base de Keflavík (Islande) en 2006. La compétition que se livrent la Chine et les États-Unis en Islande va devenir visible de tout un chacun avec le futur bâtiment de l’ambassade des États-Unis à Reykjavík, prévu pour être plus imposant que l’ambassade de Chine, déjà hors norme pour une capitale comme Reykjavík. Cette dernière comprend également un second bâtiment, de taille plus modeste, dédié au bureau du conseiller économique et commercial de l’ambassade. C’est dire la nature de l’intérêt chinois en Islande.
6L’Islande forme un ensemble indissociable avec le Groenland, lorsqu’il s’agit de l’intérêt de la Chine dans l’Arctique. Le Groenland est potentiellement le lieu le plus sensible de la compétition sino-américaine dans l’Arctique. Géographiquement nord-américain, considéré comme homeland [5] par les États-Unis, le territoire a acquis en 2009 une autonomie renforcée au sein du Royaume de Danemark, statut lui ouvrant la possibilité de devenir, un jour, un État. En réalité, les enjeux de sécurité relatifs au Groenland sont tels qu’une éventuelle étatisation du territoire ne s’accompagnerait pas d’une pleine indépendance. L’une des bases les plus stratégiques de l’armée américaine, la base de Thule, se situe au nord du Groenland, et il ressort d’un rapport [6] de la commission groenlandaise relative à l’autonomie renforcée daté de 2003, que « les États-Unis seront toujours attentifs à ce qu’aucune autre puissance ne prenne possession du Groenland ».
7Or une prise de contrôle du Groenland peut s’effectuer de manière économique. Selon un observateur au Danemark, l’intérêt premier de la Chine pour le Groenland ne concerne pas les ressources ou l’Arctique, mais la compétition avec les États-Unis. Si la Chine souhaitait provoquer les États-Unis dans son arrière-cour, dans le cadre du second acte de confrontation entre les deux puissances évoqué précédemment, il lui suffirait d’« acquérir » le Groenland par le biais de quelques investissements suffisamment conséquents pour contrôler de facto l’économie groenlandaise. L’enjeu du Groenland ne commence pas au stade d’une éventuelle étatisation, mais se joue dès à présent. Que le Groenland reste un territoire autonome ou devienne un État, l’enjeu sera inchangé.
8Presque tout investissement étranger au Groenland, de par les caractéristiques du territoire, peut comporter un degré de risque sécuritaire, variable en fonction de trois principaux critères : le poids de l’investissement dans l’économie groenlandaise, l’origine – ou les origines – des fonds, et la localisation du projet. Dans l’incapacité d’avoir ses propres forces armées, à l’instar de l’Islande, un État groenlandais serait dépendant des intérêts de l’acteur – ou des acteurs – assurant sa défense. Autrement dit, l’indépendance du Groenland resterait toute relative. Entre désir d’investissements étrangers, en particulier en provenance de Chine, et dépendance sécuritaire vis-à-vis de l’Occident, essentiellement des États-Unis, le Groenland devra sans doute, sous l’impulsion de la future élite du territoire, repenser le schéma devant l’amener vers une dépendance moindre vis-à-vis du Danemark. Ceci en tenant compte d’un paramètre d’importance : la population groenlandaise est limitée et déclinante. Le Groenland devra gagner en attractivité vis-à-vis de sa propre population, en particulier auprès de la frange la plus éduquée dont le niveau de compétences peut conduire à une émigration faute de perspectives adéquates.
9Depuis plusieurs années, les relations entre le Groenland et l’Islande se sont intensifiées (création d’une chambre de commerce groenlando-islandaise, ouverture d’un consulat général d’Islande à Nuuk…). L’Islande semble inspirer un certain nombre de Groenlandais, mais le fossé est considérable, à de nombreux égards, entre les deux territoires. Ce rapprochement incite cependant à s’intéresser davantage à l’ensemble Groenland-Islande afin de comprendre les enjeux du Groenland et les stratégies d’acteurs externes, comme la Chine, dans la région. Il n’est plus possible, depuis plusieurs années, de comprendre pleinement les enjeux géopolitiques du Groenland sans observer certains développements en Islande. Au risque de prendre un temps de retard.
10À l’horizon 2020 et au vu des enjeux géopolitiques exposés, un événement sera à suivre : la présidence islandaise du Conseil de l’Arctique (2019-2021). Qu’en sera-t-il, durant cette période, des activités du premier cercle de la gouvernance arctique, les pays du « A5 », riverains de l’océan Arctique (le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Norvège et la Russie) ? Est-ce que la Chine, qui a le temps long, réussira à profiter de l’occasion, après tant d’années d’investissement sur l’Islande, afin d’avancer son agenda sur la scène institutionnelle arctique ?
L’Union européenne et l’enjeu du Conseil de l’Arctique
11S’il est un acteur malmené dans ce grand jeu arctique, c’est bien l’Union européenne. En 2013, un État au profil plus tropical que polaire, Singapour, a obtenu le statut d’observateur permanent au sein du Conseil de l’Arctique. Au même moment, l’Union européenne avait le droit à un traitement inédit concernant sa candidature au même statut : cette dernière était reçue positivement dans l’attente d’« une décision finale [7] ». Les réunions ministérielles du Conseil de l’Arctique n’ayant lieu que tous les deux ans, cela signifiait une nouvelle attente interminable pour des institutions européennes qui n’ont cessé de chercher à démontrer, en particulier lors de conférences, la légitimité arctique de l’Union. Pourtant, d’un point de vue géographique, le plus important en apparence, cela ne fait aucun doute, de par les régions arctiques suédoises et finlandaises. L’implication financière de l’Union européenne dans la recherche polaire ne pouvait en outre qu’aller dans le sens d’une obtention de ce statut. Dans un premier temps, en 2013, c’est le Canada qui a bloqué cette obtention, du fait d’un différend avec l’UE suite à l’interdiction du commerce de produits dérivés du phoque au sein du marché de l’Union. Ce différend réglé, l’Union européenne se dirigeait vers une décision finale en sa faveur lors de la réunion ministérielle de 2015. C’était sans compter sur l’impact des sanctions vis-à-vis de la Russie, du fait de la crise ukrainienne. L’UE sera fixée sur son sort en 2017, lors de la prochaine réunion ministérielle. Quel pourrait être le prochain blocage, et surtout, quelle position adopter dans ce cas ? De toute évidence, un intérêt trop marqué de l’Union européenne pour le grand jeu arctique ne serait pas du goût de certains acteurs souhaitant garder leur position de force dans la région.
12En avril 2016, une communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, intitulée « Une politique arctique intégrée de l’Union européenne », a été présentée. Dès le premier paragraphe, une ambition apparaît : « l’UE a stratégiquement intérêt à jouer un rôle central dans cette région [8]. » Parmi les membres de l’Union, trois sont membres du Conseil de l’Arctique (le Danemark, la Finlande et la Suède) et sept observateurs permanents (l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, le Pays-Bas et la Pologne). L’un des fondements de l’Union européenne étant le développement durable [9], l’Arctique, de par ses caractéristiques, offre à l’Union européenne l’opportunité de se distinguer d’une manière qui rendrait service aux autres acteurs arctiques, en assurant par exemple, au travers de son partenariat avec le Groenland, le développement économique durable d’un territoire aussi stratégique pour l’équilibre géopolitique de l’Arctique. Cela passe notamment par la formation de la future élite groenlandaise. Or l’Union européenne contribue annuellement à hauteur de 30 millions d’euros, dans le cadre de la programmation 2014-2020, au financement du système éducatif groenlandais. Un montant considérable, qui souligne l’enjeu pour un territoire grand comme environ quatre fois la France et dont la population avoisine celle d’une ville comme Chambéry.
13Les enjeux de développement durable prennent, dans le contexte arctique, tout leur sens. Quand certaines régions du monde connaissent un risque politique élevé, l’intérêt des investisseurs se voit confronté dans l’Arctique à un risque environnemental parmi les plus élevés au monde. De fait, le risque de réputation des entreprises est important et il a conduit à une certaine prise de conscience des enjeux de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises devant les perspectives de développement économique dans l’Arctique.
La France à l’heure de l’Arctique
14Il fut un temps où les activités de recherche polaire d’un État lui suffisaient à intégrer, en tant qu’observateur permanent, le Conseil de l’Arctique. Ce fut le cas de la France en 2000. Depuis, le changement climatique a ouvert de nouvelles opportunités dans la région arctique, attisant les convoitises et attirant aux portes du Conseil de l’Arctique un grand nombre de candidats.
15La France est présente depuis longtemps dans la région, tant sur le plan scientifique et économique que militaire. Une feuille de route nationale sur l’Arctique, dont les grandes lignes ont été annoncées par le président de la République, François Hollande, en octobre 2015 lors d’un déplacement en Islande, a été présentée en juin 2016 au ministère des Affaires étrangères et du Développement international. La préparation de la Conférence de Paris sur le changement climatique (COP21) et de cette feuille de route a donné lieu à plusieurs rapports parlementaires français consacrés à l’Arctique, dont deux du sénateur André Gattolin, vice-président de la commission des Affaires européennes du Sénat, qui s’inscrivaient également dans le contexte de la préparation de la politique arctique de l’Union européenne. La France étant également un pays concerné par l’Antarctique, il est à noter que la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale a consacré un rapport à l’Arctique et à l’Antarctique, dans le cadre d’une mission d’information présidée par le député et ancien ministre Hervé Gaymard.
16Incontestablement, la préparation de la COP21 a contribué en France à une prise de conscience politique des enjeux de l’Arctique. Dans un contexte sécuritaire évolutif en zone arctique, il est essentiel que cet intérêt français à haut niveau s’inscrive dans la durée. L’Arctique ne se limite pas à un exemple des conséquences du changement climatique : c’est un véritable laboratoire des enjeux du XXIe siècle.
L’Arctique : un eldorado ?
17En 2007, le drapeau russe déposé à la verticale du pôle Nord avait marqué le début d’un intérêt médiatique pour les nouveaux enjeux de l’Arctique. Les articles de presse décrivant l’Arctique comme un nouvel eldorado n’ont depuis pas manqué. Si la région connaît encore aujourd’hui un engouement international du fait notamment des opportunités créées par le réchauffement climatique, elle oblige, de par notamment ses caractéristiques environnementales, à la prudence en termes d’investissements. En dix ans, les perspectives dans le secteur de l’énergie ont connu de profonds changements, non sans impact sur les développements arctiques. Les enjeux géopolitiques au sein de la région arctique ont également évolué de manière significative au cours des dix dernières années, ce qui n’a pas manqué de se ressentir sur l’intérêt des investisseurs, tout du moins occidentaux. À quoi ressemblera l’Arctique à l’horizon 2030 ? Il serait bien aventureux de le prévoir aujourd’hui, tant le sujet est évolutif.
18En dix ans, l’attention autour des potentiels de développement économique en Arctique s’est portée dans un premier temps sur les hydrocarbures, puis sur les minerais (notamment les terres rares), avant de connaître un engouement ces dernières années pour un potentiel touristique permettant de cibler particulièrement les classes moyennes et supérieures. Dans tous les cas, l’enjeu du développement des infrastructures dans la région reste central. C’est d’autant plus vrai pour un territoire comme le Groenland, qui souhaite, en ce qui concerne le tourisme, s’inspirer de la progression exponentielle de ce secteur chez son voisin islandais. Un autre secteur connaît un intérêt croissant du fait des enjeux de sécurité énergétique et des tensions entre pays occidentaux et la Russie : les énergies renouvelables. Le potentiel (géothermie, hydraulique, éolien, etc.), actuel ou à développer, d’un axe nord-atlantique allant du Groenland à la Norvège est considérable. Un projet de longue date visant à relier l’Islande au grid européen par un câble sous-marin via le Royaume-Uni a trouvé dans ce contexte un regain d’intérêt, illustré notamment lors de la visite du Premier ministre britannique David Cameron en Islande en octobre 2015.
Conclusion
19Laboratoire du changement climatique, l’Arctique met au défi, de par ses caractéristiques et une pression internationale grandissante face aux risques environnementaux dans la région, les grandes puissances et les acteurs économiques de réussir un développement économique durable. Les conditions extrêmes de la région obligent également à une coopération régionale, malgré des périodes de tension sur la scène internationale, en vue d’assurer autant que possible la sécurité d’un développement économique de la région (recherche et sauvetage en mer…). Enfin, l’Arctique, où se retrouvent les grandes puissances mondiales, offre une lecture originale des relations internationales où les rapports de force sur la scène internationale ne sont pas nécessairement transposés de la même façon à l’échelle régionale arctique. Il sera intéressant de suivre les compétitions et collaborations que la fonte des glaces arctiques pourra engendrer entre les États-Unis et la Chine, les États-Unis et la Russie, la Chine et la Russie, la Chine et l’Inde, car malgré les tensions, le laboratoire du changement climatique et de la diplomatie climatique qu’est l’Arctique offre à ces puissances la possibilité de se retrouver autour d’un enjeu climatique commun.
Notes
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[1]
Les relations entre la Chine et la Norvège, pays pourtant incontournable sur la scène arctique, ont connu, pour le moins, un froid polaire à la suite de l’attribution du prix Nobel de la Paix au dissident chinois Liu Xiaobo en 2010. En 2016, les relations entre les deux pays sont toujours délicates.
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[2]
Rapport d’information du sénateur André Gattolin, au nom de la commission des Affaires européennes du Sénat, « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global », 2014.
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[3]
Bien que les routes maritimes arctiques offrent potentiellement une réduction des distances de près de moitié entre l’Asie et l’Europe, leur intérêt stratégique réside avant tout dans la possibilité d’une alternative à la mer de Chine méridionale, en cas de blocage.
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[4]
La visite du secrétaire adjoint américain à la Défense, Robert O. Work, en Islande en septembre 2015 est venue démontrer un intérêt renouvelé des États-Unis, sur le plan militaire, vis-à-vis de l’Islande, dans un contexte marqué par les tensions entre les pays occidentaux et la Russie mais également par la présence pour le moins visible de la Chine en Islande.
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[5]
Redaktionen (Rédaction), « USA betragter Grønland som deres territorie » (Les États-Unis considèrent le Groenland comme leur territoire), disponible sur Sermitsiaq.ag, 3 août 2013, http://sermitsiaq.ag/usa-betragter-groenland-territorie.
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[6]
Betænkning afgivet af Selvstyrekommissionen (Rapport présenté par la Commission groenlandaise relative à l’autonomie renforcée). http://naalakkersuisut.gl/da/Naalakkersuisut/Selvstyre/Selvstyrekommissionen/Betaenkning-afgivet-af-Selvstyrekommissionen.
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[7]
Arctic Council Secretariat, Kiruna Declaration, 15 mai 2013 : https://oaarchive.arctic-council.org/bitstream/handle/11374/93/MM08_Final_Kiruna_declaration_w_signature.pdf?sequence=1&isAllowed=y.
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[8]
Communication conjointe au Parlement européen et au Conseil de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, « Une politique arctique intégrée de l’Union européenne », 27 avril 2016, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=JOIN:2016:21:FIN&from=EN
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[9]
« (L’Union européenne) œuvre pour le développement durable de l’Europe (…) ». Article 3-3 du Traité de l’Union européenne. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT.