Genèses 2020/2 n° 119

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Article de revue

Les manifestations de casseroles de 2012 au Québec, entre réparation politique et éveil civique

Pages 209 à 223

Notes

  • [1]
    L’auteure tient à remercier Alain Deneault et Iulia Hasdeu-Miric, de même que deux évaluateurs anonymes, pour leurs commentaires et suggestions.
  • [2]
    On mentionnera ici deux exceptions notables : la contribution de Marie-Lise Drapeau-Bisson, Francis Dupuis-Déri et Marcos Ancelovici à l’ouvrage collectif dirigé par les deux derniers (2014), ainsi que l’article à paraître de Ricardo Peñafiel (N.D.L.R. : publié en 2015).
  • [3]
    Les réflexions élaborées dans cet article, suscitées par la thématique du colloque « Les temps de la rupture », s’inscrivent dans une recherche en cours, plus ample. Dans cet article, je fais appel à un corpus de données construit à partir de mes observations lors de ces manifestations, de l’analyse des pages Facebook dédiées à ces manifestations, de même que des articles de journaux, des entretiens et des témoignages publiés depuis les événements.
  • [4]
    En fait, les associations étudiantes ont refusé le dispositif organisationnel du forum de Québec très contraignant qui ne prévoyait que trois minutes par intervention, ce qui empêchait le débat (Leroux 2013).
  • [5]
    De nombreux professeurs ont exprimé leur soutien, mais ils n’ont pas participé au mouvement en tant qu’acteurs principaux.
  • [6]
    Voir le document mis en ligne par le GAPPA (Guet de activités paralogiques, propagandiste et anti-démocratiques), « Le jour où la grève est devenue un boycott ». URL : https://docs.google.com/document/d/1LZOrBxZTxgiHF2q0QnH80brOZBKJR_ecAhA5y21owdw/edit (page consultée le 15 septembre 2014, vérifiée en avril 2020).
  • [7]
    Voir « Le droit de grève n’est pas un simple boycott : historique et perspectives », par l’Association des juristes progressistes (URL : https://www.facebook.com/notes/association-des-juristes-progressistes-ajp/la-gr%C3%A8ve-%C3%A9tudiante-nest-pas-un-simple-boycott-historique-et-perspectives/276453995763244 ; page consultée le 17 mars 2014, vérifiée en avril 2020), ainsi que le billet « Grève ou boycott » de Benoit Lacoursière, le 11 avril 2012 (URL : http://profscontrelahausse.org/billets/greve-ou-boycott/ ; page consultée le 17 mars 2014).
  • [8]
    Voir « Le droit de grève n’est pas… », déjà cité.
  • [9]
    Georges Leroux, Christian Nadeau et Guy Rocher, « L’argument de la “juste part” des étudiants. Lettre ouverte aux professeurs d’université », Le Devoir, 14 mars 2012.
  • [10]
    La Révolution tranquille est une série des réformes dans les années 1960 qui ont mis le Québec sur la voie de la modernité, notamment, en éducation, en santé et en économie (Rioux 1977).
  • [11]
    Voir « Le jour où la grève… », déjà cité.
  • [12]
    Une injonction est une demande adressée à un tribunal d’intervenir juridiquement dans un conflit de travail.
  • [13]
    En 2011, au Québec, 42,3 % des étudiants à temps plein de 15 à 24 ans occupaient un emploi pendant l’année universitaire, soit de septembre à avril, période qui n’inclut pas le travail d’été (Gauthier 2013).
  • [14]
    Radio-Canada, « Amnistie et la Ligue des droits dénoncent des abus policiers lors de manifestations étudiantes », Nouvelles, 4 mai 2012. URL : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/05/04/004-manif-droits-police.shtml (page consultée le 15 mars 2014).
  • [15]
    La grande manifestation du 22 mars qui a réuni plus de 200 000 personnes dans les rues de Montréal (un record pour le Québec) témoigne de cette solidarité intergénérationnelle et intercatégorielle.
  • [16]
    Pendant les manifestations étudiantes, se déroulaient les auditions d’une commission publique (« Charbonneau ») sur la corruption dans l’industrie de la construction, transmises en direct sur une chaîne de télévision, ce qui a contribué à une certaine « coagulation » des mécontentements, sans toutefois prendre une allure formelle.
  • [17]
    Il reste cependant à étudier l’ampleur et les significations de cette participation.
  • [18]
    Au Québec, il existe des partis provinciaux, qui ont une couverture provinciale et participent aux élections législatives, et des partis municipaux, qui ne représentent que les électeurs de leur municipalité. Ils n’entretiennent pas de rapports formels directs, bien que certaines affinités idéologiques puissent exister. La police, « service de police de la Ville de Montréal » (SPVM), est un service municipal.
  • [19]
    Michelle Courchesne, « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent », Assemblée nationale du Québec, 39e législature, 2e session, mai 2012. URL : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-78-39-2.html.
  • [20]
    En fait, il s’agissait du projet de loi 78 qui deviendra, après l’adoption par l’Assemblée nationale, la loi 12. Elle est cependant restée dans la mémoire collective et l’imaginaire sur la mobilisation de cette période comme « la loi 78 », surnommée aussi « la loi matraque ».
  • [21]
    Qui pouvaient aller de 1 000 $ à 5 000 $ par individus et entre 25 000 $ et 125 000 $ pour les associations.
  • [22]
    Stéphane Beaulac cité par Émilie Bilodeau, Paul Journet et Anabelle Nicoud, « Conflit étudiant : une loi sans précédent », La Presse, 19 mai 2012.
  • [23]
    Cette loi avait été mise en application par le Premier ministre du Canada, Pierre-Elliott Trudeau, à la demande du gouvernement libéral québécois de l’époque, qui s’était estimé incapable de résoudre une crise interne produite par les gestes radicaux posés par le Front de libération du Québec, mouvement révolutionnaire indépendantiste, dont principalement l’enlèvement de l’attaché commercial de la Grande-Bretagne à Montréal et d’un ministre québécois (ce dernier sera assassiné). Pendant quelques jours, des centaines de personnes avaient été arrêtées sans qu’aucun chef d’accusation ne soit formulé à leur encontre.
  • [24]
    La plupart des régimes autoritaires développent des cadres législatifs et administratifs de contrôle très strict des flux humains et de surveillance policière des espaces présentant à leurs yeux un potentiel de rassemblements anti-régime : des rues, des parcs, des places publiques.
  • [25]
    Guillaume Bourgault-Côté, « 68 pour, 48 contre – La loi 78 est adoptée », La Presse canadienne, 18 mai 2012.
  • [26]
    Lisa-Maria Gervais, « L’ONU fait la leçon à Québec sur sa loi spéciale », Le Devoir, 31 mai 2012.
  • [27]
    Guillaume Bourgault-Côté, « 68 pour, 48 contre », art. cité.
  • [28]
    Émilie Bilodeau, « Loi spéciale : la fédération des journalistes craint les abus », La Presse, 19 mai 2012.
  • [29]
    Patrice Bergeron, « Le Québec se rapproche d’un “État totalitaire”, disent les syndicats », La Presse canadienne, 18 mai 2012.
  • [30]
    Jessica Nadeau, « Une “tentation fasciste”. Jacques Parizeau pourfend le projet de loi 78 du gouvernement Charest », Le Devoir, 24 août 2012 (URL : http://www.ledevoir.com/societe/education/357623/une-tentation-fasciste ; page consultée le 15 septembre 2014, vérifiée en avril 2020).
  • [31]
    La CLASSE a même initié un site www.arretezmoiquelquun.com qui encourageait la désobéissance civile et invitait les opposants à la loi spéciale à s’y exprimer (le site n’existe plus).
  • [32]
    Tommy Chouinard, « Conflit étudiant : “On va contester la loi spéciale” », La Presse, 18 mai 2012.
  • [33]
    Collectif, « Un collectif de profs dénonce la loi 78 », Le Devoir, 19 mai 2012.
  • [34]
    Marco Bélair-Cirino, « Grand tintamarre contre la loi 78 - Les casseroles s’en mêlent », Le Devoir, 24 mai 2012.
  • [35]
    Ce mode de mobilisation politique n’est pas nouveau. Ricardo Peñafiel rappelle brièvement les versions chilienne, argentine, islandaise, algérienne des casseroles, tout en proposant quelques hypothèses quant au tintamarre acadien (« Le sens des casseroles », art. cité). Des protestations de casseroles ont été également signalées au Venezuela, en Uruguay, en Bulgarie, en Turquie, en France. L’histoire de son déplacement géographique reste à être reconstituée.
  • [36]
    La participation aux manifestations de casseroles a varié en fonction du temps disponible de chacun·e, en allant d’un quart d’heure (tel qui fut suggéré sur la page Facebook initiatrice du mouvement) jusqu’à quelques heures. C’est ainsi qu’il y a toujours eu des manifestations jusqu’à tard dans la nuit.
  • [37]
    Et cela, malgré le fait que les libéraux avaient déclaré à plusieurs reprises, sûrs d’une réussite électorale, que seules les élections pouvaient résoudre le conflit étudiant.
  • [38]
    Le « carré rouge » est un petit carré en feutre rouge, symbole matériel de « nous sommes dans le rouge ». Il a été porté épinglé sur les manteaux, les sacs à dos, et retrouvé par la suite en grand format, accroché aux balcons, aux fenêtres.
  • [39]
    Daniel Boucher, billet de 26 avril 2012 sur son blogue, repris dans l’anthologie du Printemps québécois (Bonenfant, Glinoer et Lapointe 2013 : 145).
  • [40]
    Philippe Teisceira-Lessard, « Bachand approuve des manifestations de casseroles », La Presse, 25 mai 2012.
  • [41]
    La formule « réinvention de soi » est une adaptation concentrée du témoignage de Martine Delvaux : « Tu n’es plus la même. Ton visage a changé. Voilà ce que tu vois. Le printemps t’a réinventée ».
  • [42]
    Ces citations sont extraites des entretiens que j’ai menés avec des participants aux manifestations de casseroles, des anciens militants des années 1970 et 1980, mais de moins en moins actifs les dernières années.
  • [43]
    Imperfections dénoncées et critiquées ces dernières années, qui consistent notamment en un éloignement des principes de l’État social, tel que s’est longtemps défini le Québec, et l’adoption d’une ligne idéologique et politique conservatrice, de même que l’intrusion des pratiques de corruption dans la vie politique et économique de la province.
  • [44]
    Le règlement municipal est toujours en vigueur sous le nom neutre de P6 et, depuis le printemps 2013, c’est lui qui justifie les nombreuses souricières (parfois de centaines de protestataires) pratiquées par le SPVM.
  • [45]
    Il s’agit du débat qui a entouré le projet de loi concernant la laïcisation des services publics au Québec (Drainville 2013).
  • [46]
    Le PQ n’a obtenu que 30 sièges, contre 70 pour le PLQ. Lors des élections de 2012, la différence entre les deux partis n’avait été que de 4 sièges.
  • [47]
    Le directeur général des élections du Québec, Résultats des élections du 7 avril 2014 (URL : http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/provincial/resultats-electoraux/elections-generales.php?e=74&s=2#s ; page consultée le 6 mai 2014) ; La presse canadienne, « Élections : taux de participation de 71,21 % », La Presse, 7 avril 2014 ; Le directeur général des élections du Québec, Rapport des résultats officiels du scrutin. Élections générales du 4 septembre 2012, Québec, 2012.
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1Les manifestations de casseroles du Québec ont commencé en mai 2012, après l’adoption d’urgence d’une loi spéciale par l’Assemblée nationale de cette province canadienne [1]. Son objectif déclaré était de mettre fin à la grève générale illimitée des étudiant·e·s, déclenchée trois mois auparavant comme réponse à l’annonce du gouvernement libéral d’augmenter les droits d’inscription à l’université. Cependant, certains de ses articles portaient atteinte aux droits et libertés de rassemblement de l’ensemble de la population. Ces manifestations ont réuni pendant plusieurs semaines des milliers de citoyens dans les rues des villes, tapant sur leurs casseroles. Inattendues en tant qu’actes politiques et très intenses comme moyens d’expression publique, elles ont bousculé la vie politique de la province.

2Le discours historique sur le mouvement étudiant, en cours d’élaboration, ne mentionne le plus souvent que de manière elliptique les manifestations de casseroles. Elles sont alors présentées comme un épiphénomène du mouvement étudiant, dont la portée est imprécise. On en a par exemple fait état soit comme d’un divertissement carnavalesque (« concerts de casseroles ») ou des « manifestations populaires de joie » [2], alors que ceux qui y ont participé en traitent, dans le cadre d’entretiens ou de témoignages, comme d’un moment politique singulier, certes lié étroitement au mouvement étudiant, mais également autonome.

3C’est précisément cette construction politique particulière que cet article se donne comme objet d’étude [3]. L’enjeu consiste à comprendre les manifestations de casseroles dans l’économie des protestations du Québec de 2012, désignées communément par l’expression « le printemps érable », englobant, de manière solidaire, métaphorique et analogique, celle de « printemps arabe ». Pour penser la situation, je ferai état de ruptures parce que cette approche permet à la fois un examen ponctuel et une analyse temporelle de la situation. Qu’on les appelle « bifurcations » (Grossetti 2010), « événements » (Bensa et Fassin 2002) ou même « ruptures » (Roux 2009), il s’agit de désigner des irruptions auparavant impensables, des changements soudains, des positionnements devenant imprévisibles et se faisant irréversibles (Grossetti 2010). C’est un processus en vertu duquel quelque chose n’est pas reconnu, n’est pas rendu familier (Roux 2009).

4Je considérerai cette rupture-processus à la manière dont Alban Bensa et Éric Fassin envisagent l’événement, comme un « choc [… qui] posa les conditions à partir desquelles l’univers local devait se réorganiser » (Bensa et Fassin 2002). Que ce soit la migration, le renversement du pouvoir ou la création d’un nouveau rituel central, il s’agit d’« événements clés, démographiques et politiques, qui président à l’ordonnancement des situations, des pratiques et des représentations d’aujourd’hui » (id.).

5Bensa et Fassin proposent de concevoir l’événement à la manière de Gilles Deleuze, comme « une ligne de partage, dont le présent ne se comprend qu’entre un passé et un futur », comme une césure entre deux mondes différents, celui d’avant et celui d’après, chacun avec ses principes d’intelligibilité. Approcher l’événement revient à reconstituer sa temporalité et, corolairement, à retracer l’histoire qui le dévoile en tant que tel. Comme le montre Éric Fassin en analysant les scandales sexuels des années 1990 aux États-Unis (Fassin 2002), c’est apercevoir la « contradiction » qui annonce l’événement, saisir comment la logique du sens se déplace, analyser l’« avalanche logorrhéique » explicative qui le suit et qui préfigure les nouvelles conditions d’intelligibilité.

6Comment donc appréhender le sens des manifestations de casseroles en tant qu’événement-rupture ? En les situant dans leur contexte historique, en saisissant les moments marquants, en analysant en quoi elles font basculer les principes d’intelligibilité d’ordre politique, juridique et social. Premièrement, je montrerai en quoi le refus du gouvernement québécois de traiter la mobilisation étudiante en tant que grève s’impose comme signe annonciateur des ruptures à venir. Deuxièmement, j’examinerai le déplacement des actions du gouvernement du politique vers le policier. Je m’attarderai notamment sur les nouveaux principes mis en œuvre, en matière de droit de la manifestation, par les mesures législatives adoptées pour l’occasion. Troisièmement, j’analyserai en quoi les manifestations de casseroles incarnent un événement-rupture et quelles sont les significations de ce mouvement sur le plan individuel et collectif-politique. Je conclurai par une réflexion sur la suite ouverte dans le temps par la grève étudiante et sur le rôle paradoxal des manifestations de casseroles, à la fois comme réparation politique et comme éveil civique.

La mobilisation étudiante comme « boycott » dans la rhétorique gouvernementale

7Le 13 février 2012, les étudiant·e·s du Québec déclenchaient la « grève générale illimitée » contre la décision du gouvernement libéral de Jean Charest d’augmenter les droits d’inscription universitaires de 1 675 dollars canadiens sur cinq ans (1 100 euros), soit une augmentation de 75 %. Le gouvernement allait de l’avant avec cette mesure sans avoir consulté les étudiant·e·s, sous prétexte qu’en 2010, les étudiants s’étaient retirés du cadre de consultation prévu par les autorités publiques [4]. Deux ans plus tard, cette sortie sera interprétée par le gouvernement comme un rejet du dialogue.

8La grève a été votée par les associations membres des trois organisations représentant les étudiant·e·s québécois·es [5] : la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et la Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). La reconduction hebdomadaire de la grève par le vote direct organisé lors d’assemblées générales de chaque association membre a assuré la plus importante mobilisation d’étudiant·e·s durant une grève. Elle s’est traduite par un grand nombre de participant·e·s (320 000 sur 420 000 en avril – Leroux 2009), la longue durée du conflit (plus de sept mois) et le rythme intense des actions organisées pendant cette période (souvent plusieurs actions par jour).

9Si pour les étudiant·e·s cette action collective portait le nom de « grève », le gouvernement québécois, les établissements universitaires et une partie de la presse écrite adoptaient, eux, pour désigner le mouvement, le terme de « boycott » [6]. Pour ces derniers, seul le Code du travail permettait de définir formellement une situation de grève, en référence donc aux travailleurs. Or, les étudiant·e·s n’étaient pas considéré·e·s comme tel·le·s formellement. Diverses interprétations ont au contraire légitimé en tant que telle la grève estudiantine, soit en faisant appel à des arguments juridiques qui invoquent la Charte canadienne des droits et libertés (1982), la Charte québécoise des droits et libertés (1975) ou le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) qui consacrent le droit de grève comme un droit fondamental, soit à un raisonnement sociohistorique qui met de l’avant des cas d’ailleurs pour montrer que la grève est une forme de protestation qui dépasse le cadre restreint du travail [7]. De plus, le Québec avait connu dans le passé plusieurs mobilisations étudiantes qui avaient toujours été traitées nommément comme des « grèves ». Avec le mouvement de 2012, pour la première fois de l’histoire du Québec, un gouvernement refusait de reconnaitre une grève étudiante.

10Comme de nombreuses personnalités publiques et groupements professionnels l’ont exprimé, cette interprétation restrictive des dispositions législatives et des précédents historiques québécois était l’expression d’une vision marchande et individualiste de l’éducation, soit un bien privé dans lequel les étudiants investissent [8]. C’est d’ailleurs cette nouvelle perspective gestionnaire qui avait soustendu la décision d’augmenter les droits d’inscription à l’université, incarnée dans l’argument de la « juste part ». Selon celui-ci, l’étudiant·e, comme « principal bénéficiaire », doit contribuer financièrement à son éducation en tant qu’il s’agit d’un investissement. Dans une lettre publique [9], Georges Leroux, Christian Nadeau et Guy Rocher soulignaient à quel point cet argument a consisté explicitement à remettre en question le principe de justice et à disloquer le réseau de solidarité propre à la société québécoise depuis la Révolution tranquille [10]. Autant de soucis qui indiquaient, pour reprendre les termes de Bensa et Fassin (2002), le basculement imminent.

11Le refus du gouvernement de considérer la mobilisation étudiante en tant que grève et en tant que problème politique faisait partie des conditions de la crise à venir. L’usage du terme « boycott » – avec sa déclinaison principale, « boycotter les cours » – dans la presse écrite et les documents officiels « a introduit le lecteur à une nouvelle réalité sociale [11] ». En ce sens, « les requêtes en injonction [12] » demandées par des étudiants contre la grève, et surtout les décisions des juges de la Cour supérieure, ont fait prévaloir les « droits individuels de nature contractuels » sur les « droits collectifs de nature politique », en favorisant une perspective individualiste à la base du contrat entre un établissement et un étudiant. Couplé à la rengaine de la « juste part » et à sa question rhétorique corolaire, à savoir « qui payera la facture des étudiants ? », ce recours répétitif à ces tournures a contribué à la création d’une image médiatique des étudiant·e·s en tant que consommateurs privilégiés refusant de participer à l’effort collectif. Toutefois, ces discours ne faisaient pas état du fait que les étudiant·e·s étaient aussi des contribuables payant des impôts et surtout des taxes à la consommation, et que nombre d’entre eux travaillaient pendant la période de leurs études [13].

12Plus qu’une question spécifiquement liée à la question formelle du « conflit de travail », le choix terminologique de « boycott » opéré par le gouvernement québécois exprimait la nouvelle lecture idéologique. Ce qui se passait au Québec depuis le déclenchement de la grève traduisait la volonté d’imposer les logiques individualiste, marchande et gestionnaire en tant que fondements sociétaux, faisant fi à la fois des fortes oppositions citoyennes et des gains politiques et sociaux qui avaient fait de cette province un « État social ».

Du politique au policier et au législatif

13La conséquence la plus importante de la position du gouvernement est due au transfert du conflit du registre politique vers ceux des ordres public et législatif. Approuvant la position gouvernementale, les dirigeants d’établissements collégiaux et universitaires ont limité les activités des grévistes sur leurs campus, par exemple en les signalant à la justice. Par conséquent, la plupart des actions grévistes se sont déroulées dans les rues des villes, donnant lieu à une programmation d’événements très chargée. Les manifestations, les blocages et les occupations temporaires n’étaient pas considérés comme des actions relevant du conflit de travail, donc du droit, mais comme du désordre, contre lequel il fallait faire appel aux forces de l’ordre. Impensable auparavant, l’apparition des policiers à cheval, à vélo ou à pied, s’est faite quotidienne dans le paysage urbain, tandis que les arrestations de masse, en « souricières », et les cas d’abus et de violence envers les protestataires se sont multipliés.

14Ce tournant policier a consterné une bonne partie des Québécois pour qui les grèves et les mouvements revendicateurs sont devenus depuis les années 1960 des références de la vie politique et de la culture civique locales. Comme le faisait remarquer Georges Leroux : « […] Le refus de parler à la jeunesse confinait au mépris, la violence policière nourrissait l’humiliation, personne ne se reconnaissait dans le visage de cet État brutal […] » (Leroux 2013 : 12). Bien que dénoncées notamment par les associations d’étudiant·e·s et les organismes nationaux et internationaux de défense des droits et libertés individuelles, tels que l’ONU, Amnesty International et la Ligue des droits et libertés du Québec [14], les violences policières ne cesseront pas. Les vidéos diffusées intensément sur les réseaux sociaux et les témoignages des participants sur les violences policières ont contribué à l’émergence d’une solidarité de plus en plus soutenue avec les grévistes ; pensons aux groupements Profs contre la hausse, Les Mères en colère et solidaires ou Têtes blanches contre la hausse. De même, aux manifestations du 22 de chaque mois [15] se sont ajoutées les manifestations dites « du soir » qui réunissaient, lors de longues marches urbaines, des étudiant·e·s et des professeur·e·s contre la marchandisation des universités ; des parents contre la brutalité policière ; des activistes écologistes et des militant·e·s contre la privatisation des services publics ; des citoyens inquiets quant à l’exploitation démesurée de ressources naturelles et soucieux quant à la transparence de la vie politique de la province [16]. Cet élargissement important du mouvement étudiant à d’autres catégories sociales et à d’autres types de revendications [17] témoigne de l’atteinte du seuil de l’inacceptable et des fortes inquiétudes d’une partie de la population quant au changement des principes d’ordonnancement de la vie politique.

15Presque trois mois après le déclenchement de la grève générale illimitée, dans ce contexte de méfiance politique et d’escalade de la violence, deux mesures législatives qui resserraient entre autres les conditions de rassemblements publics ont été adoptées d’urgence, presque en même temps, les 17 et 18 mai 2012. La première, le « Règlement modifiant le Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics », et sur l’utilisation du domaine public, plus connu sous le nom de « règlement anti-masque », a été adoptée par le conseil municipal de l’Hôtel de Ville de Montréal [18]. Il s’agit de l’ajout de deux articles à un règlement qui existait déjà, un qui interdit aux manifestants « d’avoir le visage couvert sans motif raisonnable, notamment par un foulard, une cagoule ou un masque » et l’autre qui oblige les manifestants à fournir aux policiers leur itinéraire, et donc, les noms des organisateurs, sans quoi le rassemblement est considéré comme illégal. Ces dispositions sont accompagnées d’amendes pouvant aller jusqu’à 3 000 $. Les critiques très nombreuses tenues surtout sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, ont dénoncé la procédure d’adoption d’urgence et l’absence d’un débat citoyen ouvert sur les questions de fond, en l’occurrence la liberté d’expression et de rassemblements publics, et l’attribution de pouvoirs discrétionnaires aux forces de l’ordre.

16La deuxième mesure, « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent [19] », connue sous le nom simplifié de « loi 78 » [20], a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec. Plusieurs sections représentent des dispositions très strictes et minutieuses pour la reprise des cours, destinées tant aux étudiants qu’aux enseignants : elles obligent les étudiants à rentrer en classe et les enseignants à dispenser des cours, faute de quoi des mesures administratives et civiles, de même que des sanctions pénales, seront appliquées ; elles interdisent les actions de mobilisation sur les campus et autour des bâtiments universitaires ; elles menacent avec le retrait du financement des associations ; elles prévoient des amendes très élevées [21] à caractère exemplaire ; elles incitent à la délation, etc. Paradoxalement, bien que le gouvernement ait refusé systématiquement de considérer ce conflit comme une grève, les dispositions de cette loi renvoient explicitement aux lois spéciales émises auparavant « pour forcer le retour au travail, éloigner les piquets de grève et imposer des amendes salées aux associations [22] ».

17Le projet de loi 78 est important dans une égale mesure pour une section qui porte sur les dispositions « à préserver la paix, l’ordre et la sécurité publique », qui visent la population entière. Ainsi, toute personne ou organisation qui prévoit un rassemblement public de plus de 10 participant·e·s (50 dans la version finale) doit informer la police huit heures avant sa tenue, en précisant l’heure, l’itinéraire et la durée. Il convient de mentionner que, en dépit du fait que dans de nombreux pays démocratiques, l’organisation des manifestations est strictement réglementée et l’accord des autorités toujours exigé, ces nouvelles dispositions de la loi spéciale rompaient avec la tradition telle qu’elle fonctionne au Québec depuis la Révolution tranquille. Ces procédures rappelaient aux Québécois de mauvais souvenirs liés à la Loi sur les mesures de guerre émise pendant la crise d’octobre 1970, qui avait suspendu de facto les droits et libertés des citoyens du Québec [23]. De même, ceux qui avaient connu les régimes autoritaires de l’Amérique latine, de l’Europe de l’Est de l’époque communiste ou du Maghreb, qui étaient très sensibles aux mesures liberticides [24], se demandaient perplexes si c’était bien au Canada que cela arrivait, le pays qu’ils considéraient comme l’un des plus démocratiques au monde.

18De nombreuses critiques, venant du Barreau du Québec [25], d’Amnesty International et de l’ONU [26], ont fait valoir que les dispositions concernant les rassemblements publics et la libre expression de l’opinion, de même que les « sanctions démesurées [27] », portaient atteintes aux droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, dont le Québec est signataire. Les fédérations étudiantes ont annoncé le dépôt d’une requête en nullité (à laquelle se joindront plus de 70 associations et organisations) pour faire invalider la loi. La fédération des journalistes s’est montrée alarmée par le fait que la loi pouvait instaurer une atmosphère de peur au Québec [28], tandis que les syndicats parlaient d’un « État totalitaire [29] » et que l’ex-premier ministre québécois Jacques Parizeau voyait en ce dispositif légal une « tentation fasciste [30] ». La possibilité de désobéir à cette loi a été soulevée par le co-porte-parole d’une des associations d’étudiants, la CLASSE [31], et reprise par un député du parti de gauche Québec solidaire [32].

19Le déplacement des principes d’ordonnancement de la vie publique, annoncé par le basculement vers un contrôle accru des protestataires, se consolidait formellement avec l’élaboration des cadres législatifs où le policier devenait une figure emblématique de la vie civique, la manifestation était vouée à être désormais une parade et le désaccord à être un consensus. Ces changements législatifs ont entraîné également de nouveaux rapports des citoyens au cadre juridique et à la norme, préfigurés d’une certaine manière par la « judiciarisation du politique » à travers les « requêtes en injonction ».

20Les fondements mêmes de la vie publique politique de la province étaient transformés, comme l’indiquait explicitement un collectif de professeur·e·s. Pour eux, la loi 78 était une « agression […] contre les droits fondamentaux qui ont sous-tendu l’action sociale et politique depuis des décennies au Québec » : c’était un acte qui « remet en cause le principe de la primauté du droit dans la résolution des conflits [33] ». En plus d’étouffer le mouvement étudiant par des moyens coercitifs, ces deux mesures imposaient une restriction sévère des droits de rassemblements publics et des libertés d’expression de tous les citoyen·ne·s, jusque-là jamais remis en question par un pouvoir public depuis la Révolution tranquille.

Les manifestations de casseroles comme actes de désobéissance civile

21Pendant la nuit des débats sur le projet de loi de l’Assemblée nationale, le professeur de CEGEP François-Olivier Chené lançait une page Facebook intitulée « Nos casseroles contre la loi spéciale [34] ». En s’inspirant des caceroleos chiliens, il proposait de sortir avec une casserole, tous les soirs à 20 h 00, sur le balcon [35]. Les premières se sont fait entendre le lendemain de l’adoption de la loi. Une rupture venait de se produire.

22Les manifestations de casseroles ont été indubitablement la grande surprise du « printemps érable ». Spontanées, sans chef ni trajet déclaré à la police, défiant ainsi les nouvelles mesures adoptées, ces manifestations ont réuni à Montréal et dans d’autres grandes villes et banlieues des milliers de citoyens. Dès les premiers jours, quelques milliers de personnes marchaient dans les rues de Villeray, un quartier du nord de la ville, avec une grande banderole rouge sur laquelle se lisait « Villeray désobéit ! » C’était la première fois que la désobéissance civile était affichée ouvertement par un nombre si élevé de participants.

23Sur la page Facebook « Nos casseroles contre la loi spéciale », devenue le moyen le plus efficace de communication, des cartes avec les endroits de rencontres des casseroles étaient actualisées quelques minutes avant 20 h 00 (les administrateurs de la page avaient demandé aux contributeurs d’être prudents et de ne publier que des récits, photos et vidéos des soirées précédentes). Une autre page Facebook a été créée, « Le SPVM veut connaître nos itinéraires ? Collaborons ! », qui a donné lieu à un déluge d’annonces humoristiques « de déclarations à la police » de trajets routiniers et familiaux. Dans le même registre, une avalanche d’appels téléphoniques au SPVM avec les annonces de trajets de groupes fictifs ont fait bloquer les connexions.

24Si au début les gens sortaient timidement sur leurs balcons, ils sont assez vite descendus devant leurs maisons et aux coins des rues, rejoindre des amis, des voisins et/ou des inconnus. Arrivés dans les carrefours, ils traversaient par les passages piétons et attendaient le feu vert, manière d’exprimer ironiquement l’absurdité de cette loi en la respectant à la lettre. Il s’avérait vite que le nombre croissant de participants limitait les déplacements et que la traversée devenait une occupation territoriale, malgré les efforts des policiers qui essayaient de contrôler le trafic et de retenir la foule sur les trottoirs. Ces occupations de rues ne duraient pas longtemps, les protestataires sillonnaient leurs quartiers pendant quelques heures [36], dans une atmosphère festive et joyeuse, en criant dans une langue vernaculaire : « La loi spéciale / on s’en câlisse ! », « Non à la loi spéciale », « Restons ! / Restons ! / Restons groupés ! » ou, de manière narquoise, « On est plus que 50 ! On est plus que 50 ! » Des petits groupes ou des grands se réunissaient, se séparaient pour se retrouver plus loin ou pour se joindre aux marches des autres quartiers afin de traverser la ville dans tous les sens. Bien que les revendications principales aient visé l’annulation de la loi 78 et les droits de scolarité (le gel ou la gratuité totale), d’autres n’ont cessé de se diversifier en reprenant les requêtes des manifestations nocturnes et d’autres encore.

25Les manifestations de casseroles ont eu lieu tous les soirs, pendant plusieurs semaines, mais de moins en moins nombreuses au cours de l’été. L’annonce du gouvernement libéral d’organiser des élections anticipées a été perçue comme un premier signe de recul de la part du premier ministre libéral et de son parti [37], ce qui a contribué à la diminution en intensité de ces protestations, remplacées malgré elles par la campagne électorale.

26Inattendues, intenses et massives, les manifestations de casseroles ont été des « ruptures » sur deux plans. Premièrement, par rapport au contexte politique et juridique produit par la mise en application de la loi 78 et, à Montréal, du règlement municipal. Elles ont constitué ainsi la réponse collective et populaire de refus d’« absorber » (Bensa et Fassin 2002) la nouvelle approche juridique et policière du gouvernement libéral pour traiter les conflits.

27En contestant ces dispositions législatives, considérées injustes et porteuses de dérives autoritaires, les participants aux manifestations de casseroles ont revendiqué publiquement et ouvertement la désobéissance civile. D’une part, la présence physique collective dans la rue, concrète et bien visible, a enfreint l’interdiction de manifester à plus de 50 personnes dans la rue sans avoir l’approbation de la police. D’autre part, à travers les inscriptions diverses, le port de masques ou d’autres signes, les citoyens ont exprimé leur opposition aux lois. C’est ainsi que le carré rouge, symbole de la grève et du soutien à la cause étudiante contre la hausse des frais de scolarité [38], est devenu une marque de désobéissance civile, de « résistance à ce que le Québec est en train de devenir [39] ». Après l’annonce des élections anticipées, des parlementaires de l’opposition ayant affiché le carré rouge et frappé les casseroles, comme Pauline Marois, la future Première ministre, abandonneront ces signes en reprenant les symboles électoraux.

28En assumant la désobéissance civile, les « casseroleurs » se sont mis volontairement hors la loi, en posture d’éventuels contrevenants, risquant de recevoir des amendes ou de se faire arrêter. Cependant, la mise en application de la loi 78 dans le contexte des casseroles a été ambiguë et hésitante. La police a toujours accompagné les manifestants, sans procéder à des arrestations ou à des gestes de violence. En même temps, on pouvait remarquer la présence constante des hélicoptères du SPVM au-dessus des grandes manifestations, comme cela a été souvent le cas dans le Villeray. Cette double mesure pratiquée par les policiers lors de leurs interventions, l’arbitraire de leurs décisions, de même que le profilage et la violence lors des manifestations nocturnes, qui continuaient pendant ce temps-là dans le centre-ville, ont entretenu le sentiment d’incertitude parmi les citoyens. Dans le même sens, peut être vu aussi l’intérêt pour les manifestations de casseroles exprimé par les médias opposés ouvertement à la grève. Leurs éditoriaux et articles ont changé de ton, devenant sympathiques à l’égard de ces manifestations joyeuses, « bon enfant », retenues et pacifiques. Le ministre des Finances Raymond Bachand les a même appréciées comme un bon moyen d’exprimer d’une manière festive et pacifique le désaccord, sans affecter l’image touristique de Montréal [40].

29Deuxièmement, les manifestations de casseroles ont représenté une coupure par rapport à la vie urbaine habituelle. En plus d’être des ruptures espace-temps comme toute manifestation, elles se sont déployées dans un espace inhabituel à ce type de pratiques, à savoir les rues et les squares des quartiers, et dans un temps aussi atypique, en l’occurrence le soir et la nuit. Les manifestations de casseroles ont ainsi rejoint les gens chez eux, beaucoup se sentant directement interpelés par cette présence collective à leur porte. « Je ne pouvais pas ne pas sortir, la manif était devant ma porte », me disait un des participants, tandis que pour un autre, la manifestation avait pris un caractère personnalisé par la proximité et la connivence qu’elle installait avec son quartier, par la liberté de s’exprimer à sa guise sans suivre des codes stricts que les manifestations plus organisées imposent, de la rejoindre et de la quitter en fonction de ses autres activités, « c’est ma manif à moi ». Le bruit des casseroles était un signe annonçant la présence de la manifestation, « il y a une manif dans mon quartier », mais aussi, un signe de reconnaissance des convictions politiques, « nous sommes tous du même bord ». Cependant, étant des marches, ces interruptions du rythme de la vie du quartier n’étaient qu’un « débordement épisodique », avec son caractère temporaire bien apprécié par certains manifestants qui ne voulaient pas déranger par le passage bruyant de la manifestation ceux qui travaillent ou les enfants qui dorment. Avec l’éloignement des manifestants, la routine était de retour, aucune trace matérielle ne témoignait de leur présence, comme si rien ne s’était passé. En cela, les manifestations de casseroles sont des ruptures paradoxales puisque l’« après » se confond avec l’« avant » ; la rupture n’est ici qu’une séquence temporelle et matérielle qui témoigne de l’existence d’un problème.

30Pourtant, des traces demeurent, ce sont les expériences vécues par les protestataires. Il s’agit de la rupture par rapport à la pratique civique des années précédentes, vues par de nombreux manifestant·e·s comme appauvrie, repliée, voire invisible. La rupture est alors synonyme d’une « révolution individuelle » (Matteu 2012), une « réinvention de soi [41] » (Delvaux 2012), de l’éveil d’une « conscience politique civique » qui va du partage sensible des actions de rues au partage des valeurs, elles-mêmes en transformation : « Quelque chose a changé. Il faudrait tout revoir en profondeur, cesser d’avoir peur. Devenir solidaires, transparents, informés » (Marois 2012). Il s’agissait aussi du sentiment d’« être ensemble », de « ne plus être le marginal regardé de travers par les autres pour ses options politiques », d’appartenir à une « communauté », même minoritaire, qui a le courage de s’exprimer publiquement, après tant d’années de pessimisme, d’angoisse, de passivité politique [42].

Les manifestations de casseroles : réparation politique et éveil civique

31Les manifestations de casseroles sont apparues contre la loi 78, mais aussi contre la hausse des frais de scolarité, et plus largement, contre les nouveaux principes marchands, clientélistes et individualistes que le gouvernement libéral tentait d’imposer depuis quelque temps dans tous les domaines de la société québécoise. L’argument de la « juste part » mis de l’avant par les adeptes de l’augmentation des droits scolaires sous-tendait une question plus profonde, « Qui payera la facture ? » Le refus du gouvernement de traiter la mobilisation étudiante comme boycott et de lui refuser ainsi le caractère politique, de même que les violences policières envers les protestataires, ont eu une influence cruciale sur l’élargissement du mouvement à d’autres catégories sociales et sur la prise de conscience concernant les conséquences d’un tel basculement. L’adoption de la loi 78 et du règlement « antimasque » a consolidé formellement la mutation entamée clairement exprimée par le gouvernement, celle de substituer les acquis de la Révolution tranquille par d’autres principes sociaux et politiques. Les manifestations de casseroles se sont ainsi posées en réponse à celle-ci, en devenant elles-mêmes une rupture.

32En revendiquant ouvertement la désobéissance civile par rapport au règlement municipal et à la loi 78, les participants aux manifestations de casseroles ont collectivement exigé l’annulation de ces mesures et le retour aux principes sociaux et politiques d’avant (non pas aux pratiques de gouvernance qui s’en étaient éloignées de plus en plus). En dépit de leurs imperfections [43], ces principes valorisaient le débat public politique inclusif, la solidarité intergénérationnelle et intercatégorielle. La campagne pour les élections anticipées a canalisé les revendications dans le sillage politique de la démocratie représentative, en donnant en même temps aux manifestations de rue un horizon temporel.

33L’agencement de l’action politique, des cadres judiciaires et législatifs, des actes de désobéissance civile, de la « mise en scène » collective, visible, expressive, démultipliée dans la ville, des risques physiques et civiques, a fait des manifestations de casseroles des révélateurs des dynamiques de l’espace public québécois, de ses limites normatives, mais aussi de ses possibilités intégratives et de ses ouvertures politiques. Les manifestations de casseroles de 2012, en tant que ruptures-prises de conscience individuelles, ont rendu possibles des expériences civiques et politiques à la fois individuelles et collectives. Qu’il s’agisse de l’éveil d’un « soi-même civique », d’une autre manière de penser le collectif ou d’une invention d’autres moyens d’expression, ces expériences à caractère transformateur sont faites d’émotions et de créations artistiques, d’actions avec les autres, de confiance et d’espoir.

34Après la défaite électorale du Parti libéral du Québec et la portée au pouvoir du Parti québécois en septembre 2012, ce dernier a respecté ses promesses de campagne : faire annuler la loi 78 et procéder au gel des frais de scolarité [44]. Ces gestes politiques, équivalant à un retour aux principes d’intelligibilité qui avaient précédé l’annonce des changements tarifaires scolaires par le Parti libéral du Québec, ont en quelque sorte consacré les manifestations de casseroles en tant que « mouvement de restauration ». Cependant, le Parti québécois a poursuivi le programme économique de privatisation des ressources naturelles entamé par ses prédécesseurs, en plus d’ouvrir en 2013 un débat public à caractère identitaire sur les « valeurs québécoises » qui a divisé la population du Québec [45] et a fait surgir publiquement des discours et des pratiques racistes et xénophobes contre les immigrants, notamment les femmes musulmanes. À la lumière de ces développements, les manifestations de casseroles apparaissent alors plutôt comme un mouvement de « réparation » : faire annuler les mesures qui ont déclenché la mobilisation étudiante et les protestations populaires. Elles n’ont pas pu empêcher une ligne politique contraire à plusieurs égards à ce que les protestataires demandaient.

35Les résultats du scrutin électoral de 2014 confirment la complexification du paysage électoral et politique québécois : un an et demi après les manifestations de casseroles, le Parti libéral du Québec est revenu au pouvoir et a formé un gouvernement majoritaire, le Parti québécois subissant la plus sévère défaite de son existence [46]. Il semble que la charte des valeurs proposée par le PQ, de même que la propulsion d’un milliardaire comme candidat sur ses listes, ait éloigné une bonne partie de ses électeurs, qui ont voté soit pour le PLQ (les anti-indépendantistes), soit pour le parti de gauche Québec solidaire (les indépendantistes) [47]. Il reste cependant à mener des analyses approfondies pour comprendre les résultats du vote lors de ces élections. Il existe, certes, un intérêt considérable pour les questions publiques, prouvé, entre autres, par l’augmentation du taux de participation de plus de 30 % aux élections de 2012 par rapport à celles de 2008, tendance maintenue en 2014, malgré une baisse légère de 4 %. De plus, il existe un bon nombre d’opposants à ce système politique qui préfèrent s’abstenir lors des élections, qui sont assez présents dans les débats publics, mais absents des statistiques électorales.

36Le « printemps érable » avec ses moments marquants a représenté la plus importante mobilisation citoyenne depuis l’arrivée au pouvoir du Parti libéral du Québec en 2003, contre ses tentatives de mettre fin à l’héritage social et politique de la Révolution tranquille et d’imposer de nouveaux principes de société. Finalement, cette séquence, commencée avec la grève étudiante et achevée avec les dernières manifestations de casseroles, a ouvert une nouvelle série d’événements « Qui payera la note ? », qu’on voit démultipliée dans la question des paradis fiscaux ou des plans de développement et d’exploitation des ressources naturelles, mais aussi dans les nombreuses mobilisations ponctuelles.

Article initialement paru en 2014 :
Coman, Gabriela. 2014. « Les manifestations de casseroles de 2012 au Québec, entre réparation politique et éveil civique », Encyclo. Revue de l’école doctorale ED 382 Université Sorbonne Paris Cité : 17-34.
HAL ID : hal-01158302.
URL : https://hal-univ-diderot.archives-ouvertes.fr/hal-01158302.

Bibliographie

Ouvrages cités

  • Bensa, Alban et Éric Fassin. 2002. « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, no 38 : 5-20.
  • Bonenfant, Maude, Anthony Glinoer et Martine-Emmanuelle Lapointe (dir.). 2013. Le Printemps québécois. Une anthologie. Montréal, Écosociété.
  • Delvaux, Martine. 2012. « Autoportrait en miettes », in Collectif, Printemps spécial. Montréal, Héliotrope : 27-33.
  • Drainville, Bernard. 2013. Projet de loi no 60 : Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement, Québec, Éditeur officiel du Québec.
  • Drapeau-Bisson, Marie-Lise, Francis Dupuis-Déri et Marcos Ancelovici. 2014. « La grève est étudiante, la lutte est populaire ! », in Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri (dir.), Un printemps rouge et noir. Regards croisés sur la grève étudiante de 2012. Montréal, Écosociété : 150-182.
  • Fassin, Éric. 2002. « Événements sexuels. D’une “affaire” l’autre : Clarence Thomas et Monica Lewinsky », Terrain, no 38 : 21-40.
  • Gauthier, Marc-André, avec la collaboration de Marie-Pier Labrie. 2013. « Le travail rémunéré chez les étudiants québécois : portrait de trente années d’évolution », Institut de la statistique du Québec, no 23, février.
  • Grossetti, Michel. 2010. « Imprévisibilités et irréversibilités : les composantes des bifurcations », in Marc Bessin, Claire Bidart et Michel Grossetti (dir.), Bifurcations. Les sciences sociales face aux ruptures et à l’événement. Paris, La découverte : 147-159.
  • Leroux, Georges. 2013. « Préface. De la révolte à l’archive personnelle. Une chronique personnelle », in Maude Bonenfant, Anthony Glinoer et Martine-Emmanuelle Lapointe (dir.), Le Printemps québécois. Une anthologie. Montréal, Écosociété : 7-18.
  • Marois, André. 2012. « Je n’étais pas là », in Collectif, Printemps spécial. Montréal, Héliotrope : 35-40.
  • Matteu, Samuel. 2012. « Cri de terrain », in Collectif, Je me souviendrai 2012 : Mouvement social au Québec. Antony, La boîte à bulles : 176-179.
  • Peñafiel, Ricardo. 2015. « Le sens des casseroles. Charivaris, cacerolazos et création d’espaces publics transgressifs dans et par le bruit », Cahiers des imaginaires, no 11 : 9-28.
  • Rioux, Marcel. 1977. La question du Québec. Montréal, Parti pris.
  • Roux, Jacques. 2009. « L’événement de la rupture. L’accident du point de vue de la physique des matériaux et de la sociologie », Agôn [en ligne], no 2. URL : http://agon.enslyon.fr/index.php?id=1020.

Notes

  • [1]
    L’auteure tient à remercier Alain Deneault et Iulia Hasdeu-Miric, de même que deux évaluateurs anonymes, pour leurs commentaires et suggestions.
  • [2]
    On mentionnera ici deux exceptions notables : la contribution de Marie-Lise Drapeau-Bisson, Francis Dupuis-Déri et Marcos Ancelovici à l’ouvrage collectif dirigé par les deux derniers (2014), ainsi que l’article à paraître de Ricardo Peñafiel (N.D.L.R. : publié en 2015).
  • [3]
    Les réflexions élaborées dans cet article, suscitées par la thématique du colloque « Les temps de la rupture », s’inscrivent dans une recherche en cours, plus ample. Dans cet article, je fais appel à un corpus de données construit à partir de mes observations lors de ces manifestations, de l’analyse des pages Facebook dédiées à ces manifestations, de même que des articles de journaux, des entretiens et des témoignages publiés depuis les événements.
  • [4]
    En fait, les associations étudiantes ont refusé le dispositif organisationnel du forum de Québec très contraignant qui ne prévoyait que trois minutes par intervention, ce qui empêchait le débat (Leroux 2013).
  • [5]
    De nombreux professeurs ont exprimé leur soutien, mais ils n’ont pas participé au mouvement en tant qu’acteurs principaux.
  • [6]
    Voir le document mis en ligne par le GAPPA (Guet de activités paralogiques, propagandiste et anti-démocratiques), « Le jour où la grève est devenue un boycott ». URL : https://docs.google.com/document/d/1LZOrBxZTxgiHF2q0QnH80brOZBKJR_ecAhA5y21owdw/edit (page consultée le 15 septembre 2014, vérifiée en avril 2020).
  • [7]
    Voir « Le droit de grève n’est pas un simple boycott : historique et perspectives », par l’Association des juristes progressistes (URL : https://www.facebook.com/notes/association-des-juristes-progressistes-ajp/la-gr%C3%A8ve-%C3%A9tudiante-nest-pas-un-simple-boycott-historique-et-perspectives/276453995763244 ; page consultée le 17 mars 2014, vérifiée en avril 2020), ainsi que le billet « Grève ou boycott » de Benoit Lacoursière, le 11 avril 2012 (URL : http://profscontrelahausse.org/billets/greve-ou-boycott/ ; page consultée le 17 mars 2014).
  • [8]
    Voir « Le droit de grève n’est pas… », déjà cité.
  • [9]
    Georges Leroux, Christian Nadeau et Guy Rocher, « L’argument de la “juste part” des étudiants. Lettre ouverte aux professeurs d’université », Le Devoir, 14 mars 2012.
  • [10]
    La Révolution tranquille est une série des réformes dans les années 1960 qui ont mis le Québec sur la voie de la modernité, notamment, en éducation, en santé et en économie (Rioux 1977).
  • [11]
    Voir « Le jour où la grève… », déjà cité.
  • [12]
    Une injonction est une demande adressée à un tribunal d’intervenir juridiquement dans un conflit de travail.
  • [13]
    En 2011, au Québec, 42,3 % des étudiants à temps plein de 15 à 24 ans occupaient un emploi pendant l’année universitaire, soit de septembre à avril, période qui n’inclut pas le travail d’été (Gauthier 2013).
  • [14]
    Radio-Canada, « Amnistie et la Ligue des droits dénoncent des abus policiers lors de manifestations étudiantes », Nouvelles, 4 mai 2012. URL : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/05/04/004-manif-droits-police.shtml (page consultée le 15 mars 2014).
  • [15]
    La grande manifestation du 22 mars qui a réuni plus de 200 000 personnes dans les rues de Montréal (un record pour le Québec) témoigne de cette solidarité intergénérationnelle et intercatégorielle.
  • [16]
    Pendant les manifestations étudiantes, se déroulaient les auditions d’une commission publique (« Charbonneau ») sur la corruption dans l’industrie de la construction, transmises en direct sur une chaîne de télévision, ce qui a contribué à une certaine « coagulation » des mécontentements, sans toutefois prendre une allure formelle.
  • [17]
    Il reste cependant à étudier l’ampleur et les significations de cette participation.
  • [18]
    Au Québec, il existe des partis provinciaux, qui ont une couverture provinciale et participent aux élections législatives, et des partis municipaux, qui ne représentent que les électeurs de leur municipalité. Ils n’entretiennent pas de rapports formels directs, bien que certaines affinités idéologiques puissent exister. La police, « service de police de la Ville de Montréal » (SPVM), est un service municipal.
  • [19]
    Michelle Courchesne, « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent », Assemblée nationale du Québec, 39e législature, 2e session, mai 2012. URL : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-78-39-2.html.
  • [20]
    En fait, il s’agissait du projet de loi 78 qui deviendra, après l’adoption par l’Assemblée nationale, la loi 12. Elle est cependant restée dans la mémoire collective et l’imaginaire sur la mobilisation de cette période comme « la loi 78 », surnommée aussi « la loi matraque ».
  • [21]
    Qui pouvaient aller de 1 000 $ à 5 000 $ par individus et entre 25 000 $ et 125 000 $ pour les associations.
  • [22]
    Stéphane Beaulac cité par Émilie Bilodeau, Paul Journet et Anabelle Nicoud, « Conflit étudiant : une loi sans précédent », La Presse, 19 mai 2012.
  • [23]
    Cette loi avait été mise en application par le Premier ministre du Canada, Pierre-Elliott Trudeau, à la demande du gouvernement libéral québécois de l’époque, qui s’était estimé incapable de résoudre une crise interne produite par les gestes radicaux posés par le Front de libération du Québec, mouvement révolutionnaire indépendantiste, dont principalement l’enlèvement de l’attaché commercial de la Grande-Bretagne à Montréal et d’un ministre québécois (ce dernier sera assassiné). Pendant quelques jours, des centaines de personnes avaient été arrêtées sans qu’aucun chef d’accusation ne soit formulé à leur encontre.
  • [24]
    La plupart des régimes autoritaires développent des cadres législatifs et administratifs de contrôle très strict des flux humains et de surveillance policière des espaces présentant à leurs yeux un potentiel de rassemblements anti-régime : des rues, des parcs, des places publiques.
  • [25]
    Guillaume Bourgault-Côté, « 68 pour, 48 contre – La loi 78 est adoptée », La Presse canadienne, 18 mai 2012.
  • [26]
    Lisa-Maria Gervais, « L’ONU fait la leçon à Québec sur sa loi spéciale », Le Devoir, 31 mai 2012.
  • [27]
    Guillaume Bourgault-Côté, « 68 pour, 48 contre », art. cité.
  • [28]
    Émilie Bilodeau, « Loi spéciale : la fédération des journalistes craint les abus », La Presse, 19 mai 2012.
  • [29]
    Patrice Bergeron, « Le Québec se rapproche d’un “État totalitaire”, disent les syndicats », La Presse canadienne, 18 mai 2012.
  • [30]
    Jessica Nadeau, « Une “tentation fasciste”. Jacques Parizeau pourfend le projet de loi 78 du gouvernement Charest », Le Devoir, 24 août 2012 (URL : http://www.ledevoir.com/societe/education/357623/une-tentation-fasciste ; page consultée le 15 septembre 2014, vérifiée en avril 2020).
  • [31]
    La CLASSE a même initié un site www.arretezmoiquelquun.com qui encourageait la désobéissance civile et invitait les opposants à la loi spéciale à s’y exprimer (le site n’existe plus).
  • [32]
    Tommy Chouinard, « Conflit étudiant : “On va contester la loi spéciale” », La Presse, 18 mai 2012.
  • [33]
    Collectif, « Un collectif de profs dénonce la loi 78 », Le Devoir, 19 mai 2012.
  • [34]
    Marco Bélair-Cirino, « Grand tintamarre contre la loi 78 - Les casseroles s’en mêlent », Le Devoir, 24 mai 2012.
  • [35]
    Ce mode de mobilisation politique n’est pas nouveau. Ricardo Peñafiel rappelle brièvement les versions chilienne, argentine, islandaise, algérienne des casseroles, tout en proposant quelques hypothèses quant au tintamarre acadien (« Le sens des casseroles », art. cité). Des protestations de casseroles ont été également signalées au Venezuela, en Uruguay, en Bulgarie, en Turquie, en France. L’histoire de son déplacement géographique reste à être reconstituée.
  • [36]
    La participation aux manifestations de casseroles a varié en fonction du temps disponible de chacun·e, en allant d’un quart d’heure (tel qui fut suggéré sur la page Facebook initiatrice du mouvement) jusqu’à quelques heures. C’est ainsi qu’il y a toujours eu des manifestations jusqu’à tard dans la nuit.
  • [37]
    Et cela, malgré le fait que les libéraux avaient déclaré à plusieurs reprises, sûrs d’une réussite électorale, que seules les élections pouvaient résoudre le conflit étudiant.
  • [38]
    Le « carré rouge » est un petit carré en feutre rouge, symbole matériel de « nous sommes dans le rouge ». Il a été porté épinglé sur les manteaux, les sacs à dos, et retrouvé par la suite en grand format, accroché aux balcons, aux fenêtres.
  • [39]
    Daniel Boucher, billet de 26 avril 2012 sur son blogue, repris dans l’anthologie du Printemps québécois (Bonenfant, Glinoer et Lapointe 2013 : 145).
  • [40]
    Philippe Teisceira-Lessard, « Bachand approuve des manifestations de casseroles », La Presse, 25 mai 2012.
  • [41]
    La formule « réinvention de soi » est une adaptation concentrée du témoignage de Martine Delvaux : « Tu n’es plus la même. Ton visage a changé. Voilà ce que tu vois. Le printemps t’a réinventée ».
  • [42]
    Ces citations sont extraites des entretiens que j’ai menés avec des participants aux manifestations de casseroles, des anciens militants des années 1970 et 1980, mais de moins en moins actifs les dernières années.
  • [43]
    Imperfections dénoncées et critiquées ces dernières années, qui consistent notamment en un éloignement des principes de l’État social, tel que s’est longtemps défini le Québec, et l’adoption d’une ligne idéologique et politique conservatrice, de même que l’intrusion des pratiques de corruption dans la vie politique et économique de la province.
  • [44]
    Le règlement municipal est toujours en vigueur sous le nom neutre de P6 et, depuis le printemps 2013, c’est lui qui justifie les nombreuses souricières (parfois de centaines de protestataires) pratiquées par le SPVM.
  • [45]
    Il s’agit du débat qui a entouré le projet de loi concernant la laïcisation des services publics au Québec (Drainville 2013).
  • [46]
    Le PQ n’a obtenu que 30 sièges, contre 70 pour le PLQ. Lors des élections de 2012, la différence entre les deux partis n’avait été que de 4 sièges.
  • [47]
    Le directeur général des élections du Québec, Résultats des élections du 7 avril 2014 (URL : http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/provincial/resultats-electoraux/elections-generales.php?e=74&s=2#s ; page consultée le 6 mai 2014) ; La presse canadienne, « Élections : taux de participation de 71,21 % », La Presse, 7 avril 2014 ; Le directeur général des élections du Québec, Rapport des résultats officiels du scrutin. Élections générales du 4 septembre 2012, Québec, 2012.
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