Notes
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[1]
Paul Lacroix, « Notice sur M. P. L. Jacob », in Soirées de Walter Scott à Paris, t. I, Paris, Renduel, 1829 (2e éd.), p. 5-13, 7.
-
[2]
Paul Lacroix, Les deux fous. Histoire du temps de François Ier, 1524, Paris, Renduel, 1830, p. xii.
-
[3]
Voir Romantisme, 2013, no 160, consacré aux « Conquêtes du roman » au xixe siècle.
-
[4]
En témoigne le titre d’une revue réputée au xixe siècle, l’Album de la mode. Chroniques du monde fashionable.
-
[5]
Paul Lacroix, 1994. Les amateurs de vieux livres, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 15 (éd. orig. Bulletin du bibliophile, 1840-1841).
-
[6]
Voir Paul Lacroix, Catalogue des livres et des manuscrits la plupart relatifs à l’histoire de France, composant la bibliothèque du bibliophile Jacob, Paris, Techener, 1839. Ce catalogue de vente, répertoriant 1 945 pièces, offre un état des documents relatifs à l’histoire que Paul Lacroix possédait en 1839.
-
[7]
Paul Lacroix, Préface à L’homme au masque de fer, Paris, Magen, 1837, p. vii-viii.
-
[8]
Nouvelle insérée dans Médianoches, Paris, Dumont, 1835.
-
[9]
Paul Lacroix, Le commerce des livres anciens, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 21 (éd. orig. La librairie, 1876).
-
[10]
Paul Lacroix, Les amateurs de vieux livres, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 14 (éd. orig. Bulletin du bibliophile, 1840-1841).
-
[11]
Ibid. : 19.
-
[12]
AN, F/17/12979. Ministère de l’Instruction publique, service des missions. Dossier « missions littéraires de Paul Lacroix en Allemagne et en Italie », rapport de Paul Lacroix adressé à l’empereur, février 1860.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
Bien loin des 310 000 francs fixés par les compagnies d’assurances. Ibid.
-
[15]
Arsenal, 9623-2559. Lettre d’Émile Deschamps à Paul Lacroix, s. d.
-
[16]
Ibid., jeudi 29 mars [1835 ?].
-
[17]
AN, F/17/2896, 169. Division des Sciences et Lettres du ministère de l’Instruction publique, dossier « Histoire du 16e siècle en France par M. Lacroix ».
-
[18]
Publication en quatre volumes vendus 7,50 francs. Elle est ensuite interrompue, car les manuscrits brûlent dans l’incendie des entrepôts de la rue du pot-de-fer, le 13 décembre 1835.
-
[19]
AN, F/17/2896, 169. Division des Sciences et Lettres du ministère de l’Instruction publique, dossier « Histoire du 16e siècle en France par M. Lacroix ».
-
[20]
Parue entre 1833 et 1836 puis refondue de 1837 à 1854.
-
[21]
Roman publié par Paul Lacroix en trois volumes chez Renduel en 1834.
-
[22]
AN, F/18. Enregistrements des déclarations des imprimeurs parisiens.
- [23]
-
[24]
C’est le cas pour les Soirées de Walter Scott à Paris (1829) (AN, F/18/118/A, f. 822), Les deux fous (1830) (AN, F/18/(II)/19, no d’enregistrement 166), Le roi des Ribauds (1831) (AN, F/18/(II)/21, no d’enregistrement 2388), La danse macabre (1832) (AN, F/18/56/B, f. 634).
-
[25]
Notamment Quand j’étais jeune, souvenirs d’un vieux (1833), 1 400 exemplaires ; Suite de la convalescence du vieux conteur (1836), 1 500 exemplaires ; Romans relatifs à l’histoire de France (1838), 1 600 exemplaires.
-
[26]
Voir également la revue Tapis-franc, A.A.R.P, consacrée à la littérature populaire.
-
[27]
Le format in-octavo correspond à celui dont la feuille imprimée, pliée en 8, forme un cahier de 16 pages recto-verso. Les dimensions varient entre 20 et 25 cm de longueur en fonction de la taille de la feuille imprimée initiale (Fouché, Péchoin et Schuwer 2005 : 266). Il correspondrait environ à l’actuel format A5.
-
[28]
Le prix total des romans publiés en trois tomes s’élève à 22,50 francs, soit l’équivalent de 120 euros actuels. D’après Mollier 2015 : 195.
-
[29]
Le format in-18 correspond à celui dont la feuille imprimée, pliée en 18, forme un cahier de 36 pages recto-verso. Il s’agit donc d’un petit format, dont la longueur varie entre 10 et 14 cm (Fouché, Péchoin et Schuwer 2005 : 266).
-
[30]
Arsenal, ms. 9668. Lettre de Joseph Bry à Paul Lacroix, 11 juillet 1849.
-
[31]
Arsenal, ms. 9634. Fiches bibliographiques rédigées par Paul Lacroix.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Arsenal, ms. 9623-2528, 14. Lettre d’Eugène Renduel à Paul Lacroix, s. d. [1832 ?].
-
[34]
Arsenal, ms. 9623-2528, 20. Lettre d’Eugène Renduel à Paul Lacroix, [février ?] 1836.
-
[35]
Arsenal. Dossier administratif de Paul Lacroix, non coté.
-
[36]
Lettre de Théophile Thoré, octobre 1842. (Cottin [1900] : 82).
-
[37]
Paul Lacroix, Catalogue des autographes, la plupart de la Révolution française et de l’Empire, provenant du cabinet de M. de Fr…, Paris, Alliance des arts, 1844.
-
[38]
Sur l’affaire Libri, voir par exemple Barnett 1987 : 110-111.
-
[39]
Paul Lacroix, Catalogue d’autographes réunis par les soins de l’Alliance des arts, Paris, Alliance des arts, 1844.
-
[40]
Ibid. : 3.
-
[41]
Paul Lacroix, Lettre insérée dans le Bulletin des arts, 10 avril 1847 : 354.
-
[42]
Arsenal, ms. 13427 (22), 108. Brouillon de lettre de Paul Lacroix, s. d. [1858].
-
[43]
Arsenal, ms. 9623-947, 1 et ms. 9623-1101, 16. Lettres d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[44]
Arsenal, ms. 9623-947, 1. Lettre d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[45]
Médiathèque Émile-Zola. de Montpellier, fonds Lacroix, liasse xvi, papiers divers de Paul Lacroix, ms. 67.
-
[46]
Arsenal, ms. 9623-1101, 20. Lettre d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[47]
Ibid., 23.
1Robert Darnton a exhumé le rôle souterrain joué dans la France prérévolutionnaire par les « Rousseau des ruisseaux », écrivains obscurs et déconsidérés pourtant acteurs d’un monde clandestin de l’édition au xviiie siècle (Darnto n 2010 : 47-82). Dans une perspective voisine, des travaux défendent l’étude de ces minores de l’histoire littéraire formant un nouveau prolétariat des lettres au xixe siècle (Thérenty 2003), et plaident pour une réévaluation du mythe de l’écrivain-prophète romantique (Bénichou 1977) dans la première moitié du siècle (Vaillant 2003). Malgré sa fortune, ce mythe évacue la portée d’une nouvelle donne économique et culturelle qui s’affirme sous la monarchie de Juillet : au premier chef, l’émergence d’une « culture-marchandise » indépendante du mécénat, où sae définit la valeur d’un produit culturel désormais monnayable (Kalifa 1999). Elle impose à l’ensemble de ses acteurs, de l’éditeur à l’imprimeur, aux patrons de presse, aux écrivains et aux journalistes de s’inscrire dans la logique d’un marché de l’écrit progressivement inféodé à l’émergence d’une « littérature-livre » (Vaillant et Terouanne 1999). Un aspect célèbre de cette mutation est l’irruption du roman-feuilleton au bas des colonnes du journal à partir de 1836 (Guise 1983 ; Queffélec 1999), incarnant l’avènement d’une littérature « industrielle » (Sainte-Beuve 1839) exploitée par les hommes de lettres (Glinoer 2009). Cette catégorie floue de l’homme de lettres héberge ainsi des hommes de plume doublés d’entrepreneurs des lettres, à l’image d’Honoré de Balzac ruiné par son activité d’imprimeur-fondeur en 1828, avant l’écriture de la Comédie humaine (Felkay 1987). À côté d’autres grands ténors tels Victor Hugo, Eugène Sue ou Alexandre Dumas, de nombreux seconds couteaux participent à une vie économique nourrie par la place croissante, la valeur et le prix accordés à l’écrit qu’ils marchandent.
2Parmi ces figures oubliées, Paul Lacroix (1806-1884) dit le « bibliophile Jacob » est un écrivain-bibliophile parisien fécond, réputé pour ses romans historiques sous la monarchie de Juillet. Ce polygraphe doit attendre 1855 pour obtenir un poste de conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal. Il vit entretemps d’un commerce polymorphe de l’écrit, collecté et produit, dont la spécificité est d’être guidé par un intérêt constant pour l’histoire. Le goût de l’histoire s’affirme au xixe siècle, y compris hors des sphères institutionnelles (Bann 1984), comme un mouvement culturel et politique puissant lié à une quête des origines de la nation (Venayre 2013). Ses expressions sont multiples : quête de documents d’archives, de manuscrits et de livres anciens, publication de la Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France par Petitot et Monmerqué (1819-1829), succès du musée des monuments français d’Alexandre Lenoir (1795), fondation du musée de Cluny par Alexandre du Sommerard en 1843 (Poulot 1997 et 2011). Cet engouement se double de l’ambition de ressusciter l’histoire grâce au récit, entre grandes histoires de France publiées par Prosper de Barante, Augustin Thierry, François Guizot ou Jules Michelet, et vogue du roman historique portée par Walter Scott.
3Dès la fin de la Restauration, Paul Lacroix s’empare de ce créneau lucratif à la croisée de l’histoire et de la littérature. Il en fait un fonds de commerce professionnel alimenté par sa bibliophilie et son érudition. Du document d’histoire exhumé à l’écriture de ses romans historiques, il s’agit pour l’écrivain de convertir leur valeur symbolique en valeur marchande, donc de fabriquer des objets de spéculation dotés d’un prix. Faire ainsi profession de ces écrits soulève la question de la mesure de leur valeur et donc de leur prix : quel est le prix de l’histoire, voire quels sont les prix de l’histoire ? Paul Lacroix la marchande au gré d’entreprises protéiformes qui révèlent d’une part la capacité de l’écrivain-bibliophile à fixer les prix de l’écrit associé à l’histoire et, d’autre part, mettent en évidence combien le marché de la librairie en pleine évolution lui impose, pour tirer profit d’un capital de connaissances et d’une production littéraire, des compétences d’homme d’affaires, sinon de publicitaire. Sa pratique bibliophilique, matrice de ce commerce, lui permet d’orchestrer une opération de marketing érudit grâce au pseudonyme du bibliophile Jacob, tout en livrant romans et travaux historiques puisant à la source de sa passion pour le livre ancien. Mais faute de réussir à légitimer un statut d’historien professionnel, l’écrivain doit lui-même monnayer jusqu’en 1855 le prix de son nom et de ses écrits, entre presse et librairie. Et, faute d’en dégager des revenus suffisants, il se livre à des commerces souterrains de l’histoire exploitant sous d’autres formes, parfois à la limite de la légalité, sa culture du marché bibliophilique tant à la façon d’un commissaire-priseur que comme nègre d’Alexandre Dumas.
État du fonds Paul Lacroix
Le bibliophile Jacob : prix du nom, prix de l’écrit
Un marketing érudit
4Fort d’une sociabilité parisienne héritée d’un réseau familial issu de la bourgeoisie d’Empire, Paul Lacroix débute dès 1825 une carrière d’homme de lettres en fréquentant les cénacles parisiens et les antichambres de la presse (Glinoer et Laisney 2013). Il brigue sans succès une carrière de dramaturge, promesse de fortune sous la Restauration. Sa conquête d’un nom littéraire est assurée grâce au roman qui, malgré sa réputation de genre vil, séduit un public de plus en plus large (Lyon-Caen 2006). La renommée de Paul Lacroix est en effet scellée en 1829 avec la publication d’un recueil de récits historiques, les Soirées de Walter Scott à Paris, dont le succès tient à la restitution d’une histoire pittoresque où se dessine un curieux et sombre Moyen Âge romantique autant qu’à la fabrication d’un pseudonyme : le bibliophile Jacob.
5Si cette pratique du pseudonyme est fréquente chez les romantiques, habiles publicitaires artisans de « scénographies auctoriales » (Diaz 2007), celui de Paul Lacroix se distingue par le recours à l’érudition comme support d’une opération de marketing. Il s’agit de doter la valeur de ses récits historiques d’une plus-value, grâce à l’invention du personnage fictif du bibliophile Jacob, contemporain de la fin de l’Ancien Régime doué d’une connaissance encyclopédique.
6Cette mise en scène repose sur la supercherie d’un patriarche octogénaire né en 1740, donc capable de mettre par écrit la mémoire vivante d’un temps révolu. La promesse est affichée dans la préface des Soirées de Walter Scott à Paris : « J’ai vu la Pompadour, j’ai vu la Dubarry, j’ai vu Louis XVI, j’ai vu Robespierre, j’ai vu Bonaparte [1] ! » De telles références renvoient au genre prisé du roman historique dont Paul Lacroix entend être le Walter Scott français. Le second versant de la supercherie inscrit le bibliophile Jacob dans la filiation plus confidentielle du père Louis Jacob de Saint-Charles, un moine bibliographe du xviie siècle tenu pour le fondateur de la science bibliographique française (Malcles 1960). Ce procédé assure à l’écrivain la réputation d’un « homme-livre » (Uzanne 1884 : 680) érudit, féru de textes anciens et de bibliophilie. Le mythe du bibliophile Jacob convainc dès 1830 un public persuadé de découvrir les arcanes de l’histoire grâce aux écrits d’un ancêtre du monde contemporain. En témoigne, par exemple, la surprise de la rencontre avec l’écrivain relatée dans un ouvrage des imprimeurs-typographes Joseph Décembre et Édmond Alonnier. Face à un jeune homme, et non à un « vieillard usé, cacochyme, goutteux », ils ajoutent : « dans les imprimeries on a été jusqu’à croire qu’il était contemporain de Merlin » (Décembre-Alonnier 2002 [1864] : 114-115). On peut supposer qu’une large partie du public n’a jamais levé le voile de la supercherie. Il est en revanche plus aisé d’avancer l’hypothèse qu’elle a rejailli sur la réputation de l’écrivain et a contribué à légitimer le statut presque professionnel d’un bibliophile incontournable.
7Paul Lacroix exploite ce filon aurifère comme levier de sa production d’une série de « romans-histoire [2] » durant la monarchie de Juillet, au rythme moyen d’un roman par an. La course à l’histoire de France romancée se dessine depuis les années 1820 de façons diverses : théâtre historique de Ludovic Vitet – destiné à la lecture –, projet avorté de mise en roman de l’histoire de France d’Augustin Thierry (Hartog 1988 : 111), tentatives d’Honoré de Balzac (Labouret 2007 : 227-237), sans compter le succès remporté par la Chronique de Charles IX (1829) de Mérimée, ou celui de Notre-Dame de Paris (1831). Le récit historique, plébiscité tant par le public que par les historiens romantiques (Walch 1986), trouve son expression dans le roman qui concurrence le genre roi qu’est alors la poésie [3]. Il s’affirme comme le seul capable de proposer « un espace d’invention du présent et de l’avenir à la mesure des incertitudes historiques » (Charle 2011 : 55), tandis que la Restauration est confrontée à un « impossible deuil national » après la Révolution (Fureix 2009 : 273). Dans ce contexte, l’ambition de Paul Lacroix est l’écriture d’une histoire de France pittoresque ressuscitée au prisme de la nostalgie du « bon vieux temps », qui draine en filigrane une réflexion sur la question de l’ordre social et politique. L’écrivain déroule une série de romans, influencés par l’esprit des chroniques médiévales et du roman gothique, où s’égrène une histoire de France médiévale et moderne. Au Moyen Âge dépeint dans Les deux fous. Histoire du temps de François Ier, 1524 (1830), Le roi des Ribauds. Histoire du temps de Louis XII (1831), La danse macabre. Histoire fantastique du quinzième siècle (1832), Les Francs-Taupins. Histoire du temps de Charles VII, 1440 (1834), succèdent les tableaux de l’époque moderne : Pignerol, histoire du temps de Louis XIV, 1680 (1836), Le chevalier de Chaville, histoire du temps de la Terreur (1841)… La marque de fabrique publicitaire du bibliophile Jacob assure ainsi une valeur historique à l’écrit romanesque et le public plébiscite les « romans du bibliophile ». L’image du bibliophile englouti sous les poussiéreux livres d’histoire et les parchemins devient fashionable, selon l’expression consacrée par l’époque pour qualifier ce qui est à la mode [4].
Du bibliophile fashionable…
8Le pseudonyme renvoie pourtant au rapport réel de l’écrivain à la bibliophilie. Dès la Restauration, sa collecte des livres anciens, dispersés depuis la Révolution française mais plus épargnés qu’une idée longtemps répandue le laissait croire (Varry 1991), lui permet de se forger une vaste bibliothèque. Elle traduit un culte de la trace écrite du passé commun aux bibliophiles et aux historiens romantiques, Augustin Thierry (1795-1856) ou Jules Michelet (1798-1874), avec qui Paul Lacroix partage la recherche d’une méthode heuristique d’écriture du passé (Pety 2010 : 42-55). La qualité matérielle des écrits récoltés importe moins que leur fonction de « bribes d’érudition ramassées [5] », de caisses de résonance de l’histoire : chroniques médiévales – Froissart, Saint-Denis –, chartes médiévales et modernes, registres du parlement, mémoires-journaux de Pierre de l’Estoile, côtoient les imprimés recherchés tels que les incunables, Elzévirs, exemplaires rares de textes des libertins érudits du xviie siècle, etc., autant de documents historiques exhumés, acquis ou consultés en bibliothèques, dans lesquels il puise les éléments de ses récits historiques [6]. La Servante [de Rabelais], 1535 (1835) témoigne par exemple d’une reconstitution historique de la ville de Montpellier empruntée à la grande histoire de Montpellier publiée au xviiie siècle par Charles d’Aigrefeuille (1668-1743).
9Paul Lacroix met en scène dans ses textes ce rapport fusionnel, sinon fétichiste, à l’écrit et participe de la construction d’une valeur symbolique conférée à l’objet-livre et aux manuscrits anciens, dotés du statut de reliques inestimables. La préface romancée de sa dissertation historique L’homme au masque de fer (1837) décrit par exemple la dangereuse quête du bibliophile Jacob prompt à braver un soleil de plomb pour dénicher, dans les cartons des bouquinistes des quais de Seine, une trace originale de la Révolution :
« Par un de ces soleils caniculaires que les bibliophiles seuls osent supporter en face, sans craindre une fièvre cérébrale ou une ophtalmie, je me promenais sur le quai Voltaire, en flairant le veau et le mouton rôtis et calcinés par une chaleur de vingt-cinq degrés Réaumur. […]. Je cherchais, parmi des tas de brochures insignifiantes, quelqu’un de ces petits pamphlets anonymes que la révolution éparpillait sur le sol de la liberté [7]. »
11Dans sa nouvelle L’archevêché et le choléra (1835) [8], l’écrivain fait du bibliophile Jacob le héros fictif de l’épisode du pillage de la bibliothèque de l’archevêché de Paris, dévasté par une émeute républicaine en février 1831. Il entreprend d’en protéger les collections d’imprimés et de manuscrits, sauvant ainsi un incunable datant de 1499 au péril des baïonnettes de la Garde nationale et d’un grand in-folio transformé en projectile. Incunables, imprimés et autographes partagent la fonction de média d’histoire mis en scène comme des objets précieux dignes d’exposer sa vie. La conversion romanesque de sa pratique bibliophilique en objet de mode lucratif est une des réussites les plus probantes de l’auteur.
12La représentation idéalisée d’une posture intellectuelle gomme pourtant mal une réalité économique : le prix marchand réel des livres anciens ne cesse de croître à partir de 1830, conséquence de leur raréfaction (Viardot 1990 : 390). Déjà en 1836, Nodier constate avoir « assez vécu pour voir changer notablement la valeur des signes en or et en argent » (Barrière 1989 : 45-46), loin du temps de la Révolution et du début de l’Empire où l’on pouvait acquérir au poids, pour des sommes dérisoires, des livres qui avaient une grande valeur aux xviie et xviiie siècles (Rheims 1979 : 83-84). Dans la seconde moitié du siècle, Paul Lacroix se remémore à son tour les trésors accessibles en 1822, ces « épaves de la France monarchique » jonchant les échoppes de la rue du Carrousel où se rencontraient « pour 2 à 3 francs une édition gothique, un vieux poète, qui se vendrait aujourd’hui vingt-cinq louis [9] ». Sa connaissance du marché du livre ancien et des circuits fermés de la bibliophilie (Pety 2003 : 166) s’observe dans sa typologie des « amateurs de vieux livres », des bouquinistes aux épiciers, bibliophiles et bibliomanes (1840-1841). Y sont détaillés les ressorts de la valeur et des prix accordés aux livres. Au bouquiniste à la mode, pour qui le livre « vaut bien une plume, une canne, un encrier, ou tout autre relique d’un savant [10] », pourvu qu’il se vende bien, il oppose le bouquiniste traditionnel et ses prix inamovibles qui « ne suivent pas la variation progressive de l’ancienne librairie [11] ». Cette compétence lui assure tout au long de sa carrière une réputation de bibliophile hors pair, capable de fixer le prix de l’écrit tel un commissaire-priseur. En 1860, Napoléon III lui confie par exemple la mission d’évaluer la bibliothèque d’Alexander von Humboldt (1769-1859) à Berlin lorsqu’il envisage de l’acquérir pour la France à la mort du savant. Dans le rapport rédigé à cette occasion, Paul Lacroix décèle la surévaluation de la bibliothèque par des assureurs peu scrupuleux et fait la part entre valeur vénale et valeur affective projetée par le valet d’Humboldt [12]. Le bibliophile assigne à ces ouvrages un double intérêt : la rareté d’exemplaires pour moitié inconnus en France, et surtout, l’estampille prestigieuse de la signature autographe d’Humboldt. Il plaide pour l’acquisition de cette bibliothèque évaluée à 40 000 francs, dont la provenance serait source d’un rayonnement culturel universel pour la France en conquérant « une partie de la renommée cosmopolite de Humboldt [13] ». L’empereur y renonce, tandis que les 17 000 volumes seront acquis pour plus de 10 000 taler – environ 36 000 francs – par la librairie berlinoise Asher and Co (Eichorn 1959 : 213), peut-être sur la base des 40 000 francs estimés par le bibliophile [14].
13La réputation du bibliophile Jacob est enfin appuyée par un commerce épistolaire du renseignement d’histoire. La correspondance est bien « génératrice d’une forme de collectif social » (Hoock-Demarle 2008 : 10) pour l’écrivain, entérinant dans la sphère des hommes du livre son statut de bibliophile spécialiste du détail et des curiosités historiques. Ses échanges avec l’écrivain Émile Deschamps sont emblématiques. Ce dernier sollicite par exemple Paul Lacroix pour la rédaction du livret de l’opéra à succès de Meyerbeer joué en 1836, Les huguenots : « Mon cher et aimable confrère, Vous savez tout. Vous saurez donc ceci : avant la Saint-Barthélemy, les protestants avaient-ils dans Paris un temple, un oratoire, un lieu quelconque où ils se rassemblaient pour leurs prières et leurs offices. – avaient-ils des cimetières particuliers – et où tout cela était-il [15] ? » ; puis à propos de la couleur de la livrée de Charles IX : « Pouvez-vous me jeter cette livrée par la poste, sans trop d’ennui pour vous. Tout l’opéra vous remercie [16] ». Paul Lacroix obtiendra en retour une entrée au spectacle : le prix de son renseignement est intégré à une sociabilité culturelle parisienne. Un prix social se dégage en quelque sorte de cette correspondance érudite. Une fois les portes de l’Arsenal ouvertes à Lacroix en 1855, la caution érudite du bibliophile s’institutionnalise, comme un prolongement naturel du marchandage de l’écrit – collecté ou produit – pendant une trentaine d’années.
14Si l’écrivain réussit à obtenir tardivement un poste dans une bibliothèque, il échoue en revanche à légitimer la valeur scientifique de ses travaux et à convertir le bibliophile fashionable en historien reconnu.
… à l’impossible historien
15Sans revenus autres que le produit de ses écrits jusqu’en 1855, Paul Lacroix instrumentalise ses romans historiques pour accréditer ses travaux d’historien et vice-versa, afin d’acquérir une reconnaissance institutionnelle. L’un des procédés consiste à prolonger ses romans-histoires grâce à des dissertations érudites développant les sujets centraux des romans, qui doivent en rehausser la valeur historique. Le roman Pignerol. Histoire du temps de Louis XIV, 1680 (1836) est par exemple construit comme l’illustration de sa thèse dévoilant l’identité supposée de l’homme au masque de fer : Nicolas Fouquet, le surintendant des finances emprisonné dans la forteresse de Pignerol par Louis XIV. Il est suivi dès l’année suivante d’un essai historique, L’homme au masque de fer (1837).
16En 1834-1835, les débuts de la publication d’une grande entreprise scientifique, initiée par l’historien et ministre de l’Instruction publique François Guizot (1787-1874), offrent à l’écrivain l’occasion de se vendre comme historien. Ce projet, voué à réunir une vaste somme de documents inédits relatifs à l’histoire de France, est doté d’un budget conséquent de 120 000 francs, témoignant de l’intérêt politique qu’il suscite (Amalvi 2005 : 76). En 1834, Paul Lacroix sollicite François Guizot pour défendre la valeur de ses travaux fondés sur la collecte de documents d’archives inédits, destinés à être publiés sous le titre des Chroniques, mémoires, et documents de l’histoire de France [17]. S’il n’en paraîtra qu’un volume, les Chroniques de Jean d’Auton (1834-1835), la doléance de Paul Lacroix trahit sa volonté de bénéficier de la protection du ministre, donc d’une parcelle de la retombée médiatique des Documents relatifs à l’histoire de France qui lui conférerait une légitimité de fait. Une demande conjointe de souscription pour son Histoire du seizième siècle en France, d’après les originaux, manuscrits et imprimés, publiée en 1834-1835, relève de la même logique [18]. Le rapporteur en charge du dossier juge la valeur de son travail surestimée, mais en comprend la teneur : arborer la caution du ministre [19]. Cet ouvrage lui vaut la légion d’honneur en 1836, mais la stratégie de conversion du bibliophile en historien ne dépasse pas cette gratification honorifique. C’est un échec, imputable à une écriture prisonnière d’une « historiographie documentaire » (Carbonell 1976) relevant de la compilation de sources, et d’une difficulté à trancher entre les voix de l’historien et celles du romancier. Ses écrits sont rapidement dépassés par exemple par ceux de son disciple Henri Martin (1810-1883), dont l’Histoire de France en quinze volumes (1833-1836 [20]) est le prélude à l’incontestable succès de cet historien républicain, d’une chaire d’enseignement de l’histoire à la Sorbonne en 1848 à un fauteuil d’académicien en 1878 (Leterrier 2004 : 211).
17Reste donc à Paul Lacroix comme source de revenus, avant une rémunération régulière à partir de 1855, le commerce de l’histoire mise en romans sous des formes plurielles qu’il monnaye entre presse et librairie.
Monnayer l’histoire entre presse et librairie
Cote éditoriale du bibliophile Jacob
18L’oubli du nom de Paul Lacroix romancier amorcé dès la seconde moitié du xixe siècle ne rend pas justice à ses débuts. Dans les premières années de la décennie 1830, le bibliophile Jacob jouit d’une popularité attestée par la cote éditoriale de ses romans. Ils contribuent alors à forger la fortune d’Eugène Renduel (1798-1874), qui incarne par la suite la figure du grand éditeur romantique (Jullien 1897). En témoigne la menace de Théophile Gautier (1811-1872) à Eugène Renduel, révélatrice du pic de popularité des romans du bibliophile autour de 1834 : « Si vous ne me payez pas, je vous prendrai votre cheval ou l’édition entière des Francs-Taupins [21] » (Durand et Glinoer 2005 : 153). Cette remarque est d’autant plus précieuse que la connaissance des tirages des romans dépend de sources lacunaires, les déclarations des imprimeurs parisiens [22]. Le tirage de ses romans retrouvés entre 1829 et 1843 le situent dans la catégorie moyenne des auteurs destinés à alimenter les cabinets de lecture [23], soit environ 1 000 exemplaires [24], exception faite de quelques titres tirés autour de 1 500 exemplaires [25]. La fin de la décennie signe pourtant un étiolement de son succès, moins lié à la question d’un pseudonyme démasqué qu’à un nom devenu captif d’une production romanesque dont la mode s’essouffle, dépassée par le roman-feuilleton d’Eugène Sue ou d’Alexandre Dumas.
19Malgré ce déclin, Paul Lacroix continue à tirer parti d’une économie de l’histoire reliée aux évolutions de la librairie, qui s’inscrivent dans le contexte de la profonde rupture culturelle de 1830, identifiée par Dominique Kalifa comme l’amorce d’une « sorte de protohistoire du régime de masse » (Kalifa 1999 : 10). Elle donne naissance à une littérature dite populaire (Vareille 1994 [26]), soumise aux évolutions des formats des volumes, visant à garantir des prix de vente de plus en plus compétitifs face à la concurrence des contrefaçons belges. Dans un premier temps, la plupart des romans de Paul Lacroix sont publiés dans le traditionnel format in-octavo [27] qui s’impose après 1830, destiné à pourvoir les cabinets de lecture (Mollier 2015 : 99). Ces romans sont proposés à la vente en deux, voire trois volumes en général, mais au prix encore relativement élevé de 7,50 francs par volume [28]. En 1838, la révolution Charpentier inaugure la course à la baisse des prix en lançant le format compact in-18 [29] vendu 3,50 francs (Mollier 2015 : 199). Celle-ci affecte peu les formats d’édition de l’écrivain qui se tourne plus volontiers vers la réédition de compilations de ses romans historiques, tels les Romans relatifs à l’histoire de France (1838). En revanche, une nouvelle étape franchie par l’éditeur Joseph Bry est propice à un recyclage de ses succès passés. En 1848, Joseph Bry lance le format de la livraison illustrée promis à un bel avenir avec la collection des Veillées populaires (Mollier 1988 : 164). L’innovation réside dans la vente par livraisons successives de fascicules illustrés de seize pages, au prix de 20 centimes formant une fois brochés les « romans à quatre sous » (Witkowski 1982). Or, malgré une réputation de romancier qui s’éteint, Paul Lacroix dispose d’un volumineux capital de romans publiés entre 1830 et 1848. En 1849, Joseph Bry envisage de rééditer quelques-uns de ses romans dans les Veillées populaires, au titre du « concours des célébrités littéraires de notre époque [30] ». Paul Lacroix accepte en échange d’un retour sur investissement : il réussit à obtenir en 1853-1854 la réédition de soixante-sept de ses romans et nouvelles sous forme de livraisons. Le recueil paraît en cent livraisons détachées [31] formant cinq volumes brochés, sous le titre des Œuvres illustrées du bibliophile Jacob ou Chroniques nationales, Nouvelle Histoire de France racontée à tout le monde en romans et en nouvelles historiques. Paul Lacroix a rapidement compris l’intérêt des collections à bas coût et monnaye les derniers feux de sa réputation, au prix d’une reconversion opportuniste de ses romans : parfois taxés d’immoralité dans les années 1830, les voici pourtant intégrés – moyennant quelques aménagements – à une entreprise populaire d’« instruction et [de] moralisation du Peuple des Classes déshéritées [32] ». Ils sont désormais l’un des rouages d’un panthéon populaire à valeur pédagogique et morale au début du Second Empire, rejoignant en cela l’orientation politique conservatrice de l’auteur.
20Cette négociation est emblématique d’une seconde grande évolution de la librairie : l’autonomisation des métiers du livre (Mollier 2015 : 161-191) d’où émerge la figure puissante de l’éditeur romantique (Durand et Glinoer 2005 ; Mollier 1984). La correspondance de Paul Lacroix avec ses éditeurs laisse entrevoir la marchandisation de son travail imposée à l’écrivain qui, au cœur d’un système à la réglementation encore mal définie, doit adopter le costume d’un monteur d’affaires pour négocier ses contrats et s’assurer une rétribution optimale entre presse et librairie.
Contrats et rétributions
21L’activité économique et littéraire de l’écrivain est inséparable d’une sociabilité et d’une géographie parisiennes. Entre 1833 environ et 1855, il élit domicile rive droite dans le quartier de la Nouvelle Athènes, caractérisé sociologiquement par une concentration de cercles où gravitent, non loin des théâtres, artistes, écrivains et comédiens. Grâce à un réseau dans la presse, une connaissance fine du marché de l’édition, et l’exploitation de sa marque de fabrique bibliophilique, Paul Lacroix fait circuler ses textes. Entre volumes imprimés, livraisons, articles et feuilletons dans les journaux, il les morcelle ou les compile au gré d’une « machinerie culturelle » (Thérenty et Vaillant 2005 : 274), promesse de leur rentabilité à moindre frais. Ce système induit des négociations permanentes de contrats avec les éditeurs, puis, à partir de 1836, avec les directeurs de feuilletons des journaux lorsque ces romans, introduits dans les rez-de-chaussée du Siècle et de la Presse pour fidéliser le lectorat, sont désormais payés à la ligne avant d’être reconvertis en volumes. Les rapports de force avec les éditeurs témoignent d’une comptabilité méticuleuse. À l’image d’un xixe siècle qui dénombre (Thérenty 2008), Paul Lacroix et ses éditeurs comptent : les pages, les volumes, les lignes, les chiffres, les feuillets, les gravures, les dettes, les avoirs. D’après les contrats et les correspondances avec les éditeurs retrouvés, ses romans se négocient entre 1829 et 1832 en moyenne à plus ou moins 500 francs par volume, prix moyen auquel un débutant pouvait aspirer (Tableau 1). Et ce non sans exclure les tentatives d’escroqueries souvent présentées comme l’apanage d’éditeurs bourreaux des auteurs, mais l’inverse se vérifie bien souvent : en 1832 par exemple, payé 600 francs par Eugène Renduel pour le roman Vertu et tempérament, Paul Lacroix tente d’imposer 200 francs supplémentaires en livrant deux volumes au lieu de l’unique prévu [33]. Jusqu’à la fin des années 1830, il est ensuite en mesure de monnayer un triplement de sa rétribution, soit 1 500 francs par volume (Tableau 1, romans nos 4 et 5), pour chuter à la valeur de ses débuts à partir de 1840 lorsque sa popularité s’essouffle.
Montant des règlements (retrouvés) versés à Paul Lacroix par ses éditeurs
Montant des règlements (retrouvés) versés à Paul Lacroix par ses éditeurs
22Dans un court laps de temps, entre 1834 et 1838, ses gains approchent ou s’alignent sur ceux des ténors, Victor Hugo ou Paul de Kock, payés jusqu’à 3 000 ou 4 000 francs pour un roman (Thérenty 2003 : 32). Mais exception faite de cette période, les revenus dégagés de ses romans peuvent au mieux lui faire espérer approcher le traitement d’un professeur de cinquième au collège Bourbon, qui reçoit 150 francs par mois en 1829 (Thérenty 2003 : 32).
23La presse est ainsi un complément de revenus indispensable pour cet écrivain-journaliste au cœur de l’émergence « d’une civilisation du journal » (Kalifa et al. 2011). Paul Lacroix livre d’abord des contributions littéraires ou des essais historiques divers à de nombreuses grandes revues, entre autres Le Figaro, Le Mercure du dix-neuvième siècle, la Revue de Paris, L’artiste, L’Europe littéraire. Puis à partir de 1836, il fournit en feuilletons l’un des deux grands journaux à l’origine de cette innovation, Le Siècle. C’est le cas par exemple de la Sœur du Maugrabin ou du Chevalier de Chaville, qui paraissent ensuite en volumes. On peut déduire grâce à George Sand (1804-1876) que Paul Lacroix monnaye correctement en 1833 le prix de ses contributions à une célèbre revue littéraire, la Revue de Paris : George Sand exige en effet de son directeur un taux de rétribution équivalent à Paul Lacroix et Paul de Kock (1793-1871), réclamant ainsi le « droit de bourgeoisie », soit une rémunération supérieure au « misérable billet » de 300 francs (Sand 1964-1987 : 234).
24Dans l’économie de ces périodiques, l’exclusivité de l’écrit représente l’une des principales sources d’attention des directeurs de feuilletons ou de revues et des éditeurs. Nombreux sont les litiges relatifs à l’annonce de la publication d’un texte, soit dans un journal concurrent devançant ainsi le journal lésé, soit dans une revue avant impression en volumes. En 1836, l’éditeur Eugène Renduel est en proie à un mécontentement non dissimulé lorsqu’il aperçoit, dans la Revue de Paris, l’annonce d’un article intitulé L’homme au masque de fer, supposant à juste titre que Paul Lacroix déflore le roman Pignerol avant sa publication [34]. Ce va-et-vient circulaire des textes entre presse et librairie est pour l’écrivain gage de subsistance, avant que son statut de conservateur lui assure, à partir de 1855, le bénéfice d’un appointement de 3 000 francs par an [35] grâce auquel il atteint la tranche basse du seuil de l’aisance, « qu’on situe à l’époque entre 3 000 à 6 000 francs de revenu annuel » (Charle 1990 : 160).
25Sans doute l’une des principales réussites à son actif relève-t-elle de l’attention précoce portée à l’iconographie. Fer de lance du marché de l’édition romantique, elle engage l’écrit dans la voie d’une « litho-littérature » (Foucault 1994 [1978]). Paul Lacroix comprend rapidement la valeur montante des œuvres illustrées, et la promesse d’une plus-value pour les romans historiques dotés d’illustrations de belle facture. Son intérêt se mesure dès 1831 à la lumière de son association avec le célèbre illustrateur Tony Johannot (1803-1852), qui livre à la fois deux vignettes pour les Contes du bibliophile Jacob à ses petits-enfants et le frontispice de la première édition du Roi des Ribauds (Figure 1).
Vignette dessinée par Tony Johannot in Paul Lacroix, Le Roi des Ribauds. Histoire du temps de Louis XII, 1831
Vignette dessinée par Tony Johannot in Paul Lacroix, Le Roi des Ribauds. Histoire du temps de Louis XII, 1831
26Pour être en mesure de vivre de sa passion de l’histoire et de la bibliophilie, l’écrivain doit ainsi déployer, non sans précarité, des compétences assurant la transformation de ses écrits en objets marchands. On comprend ainsi sa participation à un commerce souterrain de l’histoire qui mobilise les compétences variées du polygraphe, de l’expert bibliophile trempant dans le commerce suspect des autographes, au statut de nègre d’Alexandre Dumas.
Commerces souterrains de l’histoire
Autographes et spéculation
27La monarchie de Juillet abrite dès 1835 un commerce florissant d’autographes (Lalanne et Bordier 1851 : 8) déjà moqué par Balzac dans La muse du département (1837). Il se développe au même rythme que l’intérêt croissant pour l’histoire et s’accompagne d’une économie souterraine de la contrefaçon. Celle-ci, loin d’être l’apanage du xixe siècle, se rencontrait déjà dans l’Antiquité (Grafton 1993), mais se cristallise au cours du siècle autour de la vogue des autographes qui suscite les convoitises, y compris chez des spéculateurs a priori hors de soupçons parfois compromis dans un trafic aux marges de la légalité (Bessy et Chateauraynaud 1995).
28Paul Lacroix y participe en fondant une entreprise à but lucratif en 1842, l’Alliance des arts, destinée à l’expertise et à la vente de livres, de manuscrits et d’objets d’art. Il prend en charge la partie relative à l’écrit, les arts revenant au collectionneur Théophile Thoré qui exprime dès 1842 ses espoirs : « Me voilà devenu marchand, comme mes ayeux. Je vous assure que je suis un fort bon industriel [36] ». Avant de péricliter en 1847-1848, cette entreprise devient l’un des rouages du marché des autographes. Elle est assortie du Bulletin de l’Alliance des arts (1842-1845) auquel succède le Bulletin des arts (1845-1848), diffusant les annonces et descriptions des ventes aux enchères, ensuite reproduites en guise de préfaces des catalogues de ventes. Dans ce système où l’Alliance des arts est conçue comme une plate-forme de mise en relation des vendeurs avec les acquéreurs, le statut d’intermédiaires de ses fondateurs doit leur assurer une commission sur le montant total des ventes. Paul Lacroix, ayant donc tout intérêt à faire monter les prix, exploite l’espace des catalogues de ventes pour en justifier la valeur des autographes proposés.
29Ces catalogues témoignent, du côté des spéculateurs, d’une activité qui fixe les prix des pièces en provenance des époques modernes et révolutionnaires, leur conférant en amont une légitimité. Parfois conservés avec la mention des prix d’adjudication, les catalogues donnent, du côté des acquéreurs, la mesure du succès des pièces autographes relatives à l’époque moderne, tandis que les pièces révolutionnaires gagnent de la valeur lorsqu’elles émanent des acteurs sanglants de la Révolution. Leur prix dépend de la sensation véhiculée par leur provenance. En 1844, sont acquis aux enchères pour 24,50 francs un ordre d’exécution du tribunal révolutionnaire de la main de Fouquier-Tinville et un arrêté du Comité de salut public avec signatures de Carnot et Robespierre, quand un autographe d’un conventionnel moins célèbre, Garnier de Saintes, est adjugé 1 franc [37].
30Mais d’un autre côté, ces mêmes catalogues prouvent l’existence d’un circuit économique frauduleux des autographes. Avant même la fondation de l’Alliance des arts, Paul Lacroix est impliqué dans les malversations de Guillaume Libri (1803-1869) [38], escroc qui talonne de près au xixe siècle les faussaires Feuillet de Conches et Vrain Lucas (Bordier et Mabille 1870). Ce mathématicien amateur de livres, élu à l’Académie des sciences (1833), puis professeur à la Sorbonne, se fait nommer inspecteur général des bibliothèques de France chargé de cataloguer leurs manuscrits (1841). Il peut y laisser libre cours à sa kleptomanie, pillant nombre d’établissements pour revendre ses larcins et ses faux : « Pour lui, les documents de toute nature n’étaient qu’une marchandise qu’on pouvait frelater et dont le cours pouvait être facticement surélevé par les réclames les plus éhontées » (Delisle 1888 : xxiii). En 1849-1850, son retentissant procès divise le monde littéraire : Prosper Mérimée (1803-1870) et Paul Lacroix le défendent sans retenue. Et pour cause, Paul Lacroix a fait office de prête-nom écoulant les manuscrits subtilisés ou falsifiés par Libri. Le catalogue de la vente du 25 mai 1840 et ses deux cent quarante-quatre autographes, présentés comme propriété de Paul Lacroix, est un modèle du genre. La comparaison entre ce catalogue et un inventaire des pièces volées dans les bibliothèques publiques en 1851 permet à des justiciers de retrouver deux cent vingt-six autographes volés provenant, entre autres, d’Anne d’Autriche, Catherine de Médicis, Du Bellay, Henriette d’Angleterre, Jansénius ou Rubens (Lalanne et Bordier 1851 : 294-295). Leur authenticité est parfois douteuse car il faut compter avec les faux abondamment injectés dans le circuit.
31Il est donc probable que l’Alliance des arts ait eu pour fonction le blanchiment de tels autographes. L’un des catalogues au moins fait suspecter la poursuite de cette association de malfaiteurs en avril 1844 [39]. Dans sa préface, Paul Lacroix se défausse quant à l’origine des deux cent soixante-dix-huit pièces recensées : « Mais, d’où viennent ces autographes ? demandera-t-on. Eh ! qu’importe leur origine, pourvu qu’ils soient authentiques, rares et curieux [40] ». Sa participation à ce commerce relève sans doute d’une complicité dans le détournement de pièces authentiques ou non, sous couvert d’un aveuglement opportun. Si Paul Lacroix a bénéficié de commissions, il y a fort à parier qu’elles furent également d’ordre documentaire grâce au détournement de certaines pièces à son compte. Entre expérience de l’Alliance des arts et réputation du bibliophile Jacob, Paul Lacroix réussit pourtant à faire autorité dans le monde des autographes. Un de ses contemporains nous apprend que le bibliophile est consulté dans les années 1860 comme un « oracle […] dont l’avis fait arrêt » en matière d’authenticité des autographes, non sans scepticisme lorsqu’il ajoute espérer que ce dernier « révélât sa méthode infaillible d’investigation » (Lescure 1865 : 126). Elle laisse en effet à désirer quand Paul Lacroix arbore en 1847 deux autographes authentiques de Rabelais, identifiés « par des preuves historiques, grammaticales et graphiques [41] », alors qu’ils lui ont été transmis par le faussaire Feuillet de Conches.
32En 1848, Paul Lacroix est ruiné par la faillite de l’Alliance des arts. Il écrira à ce sujet en 1858 : « Les combinaisons littéraires sont les plus aléatoires du monde : on joue, on perd. J’ai perdu à ce jeu-là mes dernières mises [42] ». À partir de 1847-1848, l’écrivain pris à la gorge s’emploie à un autre commerce de l’ombre, en tant que nègre au service d’Alexandre Dumas.
Vendre l’histoire à Alexandre Dumas
33Entre 1849 et 1854, Paul Lacroix succède à Auguste Maquet (1813-1888) dans cet exercice périlleux, eu égard à la réputation de « vampire littéraire » (Sangsue 1989) d’Alexandre Dumas. La nature de son travail s’apparente essentiellement à celle d’un scénariste officieux, doublé d’une fonction de documentaliste (Dumas 2008 [1852] : 811-816). Il contribue aux scénarios, entre autres, des Mille et un fantômes (1849), de la Femme au collier de velours (1850) (Le Bail et Rion 2015), d’Olympe de Clèves (1852) pour un prix de 500 francs par volume, voire 200 francs lorsqu’un troisième collaborateur intervenait [43]. L’association achoppe certainement suite aux malversations financières d’Alexandre Dumas qui trafique les comptes. Son collaborateur rectifie une des lettres avançant le décompte de quatre volumes pour les Mille et un fantômes payés chacun 500 francs : selon Paul Lacroix, Alexandre Dumas omet deux volumes pour lui extorquer ainsi 1 000 francs [44]. Avec Alexandre Dumas, le prix de l’écrit dû se renverse en prix à payer, celui de l’escroquerie. Paul Lacroix réussit en effet à récupérer à grand-peine le manuscrit du plan d’un roman projeté par Alexandre Dumas, La machine infernale de la rue Saint-Niçaise [45]. En revanche, cette association témoigne aussi de l’indéniable source érudite de renseignements d’histoire représentée par le bibliophile. Leur correspondance fourmille d’injonctions d’Alexandre Dumas exigeant hic et nunc un renseignement historique précis. En 1849, alors qu’Alexandre Dumas rédige le Testament de M. Chauvelin publié dans le Constitutionnel, il écrit à Paul Lacroix : « Pouvez-vous cher ami me donner en passant quelque renseignement sur le voyage à Nantes de Mr. de Villenave. J’en suis là il me les faudrait le plus rapidement possible. Je n’ai pas besoin de la brochure, j’ai besoin du fait [46] ». C’est cependant le plus souvent au bibliographe qu’il s’adresse pour obtenir de nombreuses références – histoire de la Maison de Savoie (Dumas 2008 [1852] : 812), conjuration d’Amboise ou mort de François II [47]. La transmission de renseignements d’histoire, au crédit de Paul Lacroix, n’a semble-t-il pas donné lieu à un dédommagement financier de la part de son débiteur en retour, et frôle ainsi l’exploitation. La fin de cette collaboration informelle correspond sans surprise à l’installation de Paul Lacroix à la bibliothèque de l’Arsenal.
Conclusion
34C’est ainsi non sans risques que Paul Lacroix contribue à une économie plurielle de l’histoire. Entre prix symbolique, prix de vente et prix social de l’histoire, il tente, non sans mal, d’articuler ces trois facettes d’un marchandage de l’écrit destiné autant à vendre ses récits historiques, qu’à conforter sa position sociale d’homme de lettres et d’expert de l’écrit. Ses romans-histoires, dissertations historiques ou histoire de France trahissent, au même titre que le commerce des autographes, la délicate conversion de la valeur symbolique du document d’histoire en produit marchand. Le point commun de ces entreprises semble résider dans la quête de légitimité engagée par l’écrivain-bibliophile pour faire autorité. Outre l’indispensable légitimité d’un nom et d’une réputation, celle des documents collectés, comme des écrits historiques qui s’en inspirent, n’est pas moins à prouver. Grâce à un jeu de va-et-vient entre écrits historiques et historiens, Paul Lacroix fait feu de tout bois et nous donne à voir combien leurs valeurs se fabriquent en fonction de paramètres plus ou moins tangibles influant sur leurs prix. Outre leur rareté, la provenance des écrits est un facteur déterminant. Derrière un manuscrit autographe comme derrière un roman historique, le nom associé à une marque devient garant du prix s’il est en mesure de transmettre une « présence sensible » (Fureix 2013) de l’histoire : les noms des acteurs de la Terreur font grimper les prix des autographes en flèche, tandis que le nom du bibliophile Jacob lui assure l’écoulement de nombreux romans. Mais la connaissance empirique du marché licite ou illicite de l’écrit est tout aussi déterminante. Qu’il s’agisse de se vendre comme historien, de négocier ses contrats, de recycler ses romans, de frayer avec la presse, avec des faussaires, de se procurer et de vendre des autographes, ou de s’associer avec Alexandre Dumas, le rôle d’expert de l’écrit endossé par Paul Lacroix se façonne au fil d’une pratique sur le terrain et à la faveur d’un réseau étendu. À ce sujet, Jean Viardot écrivait en 1985 qu’il serait utile, pour mesurer la façon dont « se crée et se fixe la valeur des livres » dans la sphère bibliophilique, d’étudier « dans quel champ de concurrence, entre quels intervenants (groupes affrontés de collectionneurs, de marchands spécialisés, de bibliothécaires, etc.) et à travers quelles institutions spécifiques (revues, ventes publiques, catalogues à prix marqués, etc.) se nouent et se joue ce jeu singulier » (Viardot 1990 [1985] : 386). Les outils que représentent désormais les bases de données informatiques pourraient permettre d’envisager un tel chantier, qui donnerait accès à une connaissance plus fine de cette mesure du prix de l’écrit d’histoire, et plus largement, du prix de l’écrit au xixe siècle.
Sources
- Sources manuscrites
- Archives nationales
- F/17/2896, 169. Division des Sciences et Lettres du ministère de l’Instruction publique. « Histoire du 16e siècle en France par M. Lacroix ».
- F/17/12979. Ministère de l’Instruction publique, service des missions. « Missions littéraires de Paul Lacroix en Allemagne et en Italie », rapport de Paul Lacroix adressé à l’empereur, février 1860.
- F/18. Enregistrements des déclarations des imprimeurs parisiens.
- F/18/(II)/19, no d’enregistrement 1666 (Ducessois, Les deux fous).
- F/18/(II)/21, no d’enregistrement 2388 (Cosson, Le roi des Ribauds).
- F/18/56/B, f. 634 (Cosson, La danse macabre).
- F/18/56/B, f. 1191 (Cosson, Quand j’étais jeune, souvenirs d’un vieux).
- F/18/118/A, f. 822 (Tilliard, Soirées de Walter Scott à Paris).
- F/18/159, f. 4684 (Vve Dondey-Dupré, Suite de la convalescence du vieux conteur).
- F/18/159, f. 4545 (Vve Dondey-Dupré, Romans relatifs à l’histoire de France). - Bibliothèque de l’Arsenal
- Dossier administratif de Paul Lacroix, non coté.
- Ms. 9623-947, 1. Lettre d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
- Ms. 9623-1101, 16, 20. Lettres d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
- Ms. 9623-2528, 14, 20. Lettres d’Eugène Renduel à Paul Lacroix, s. d. [1832 ?] et [février ?] 1836.
- Ms. 9623-2528. Contrat entre Eugène Renduel et Paul Lacroix.
- Ms. 9623-2559. Deux lettres d’Émile Deschamps à Paul Lacroix, s. d. et jeudi 29 mars [1835 ?].
- Ms. 9634. Fiches bibliographiques rédigées par Paul Lacroix.
- Ms. 9668 (1) et (2). Dossiers de lettres adressées à Paul Lacroix par les éditeurs E. Renduel, J. Dumont, L. de Potter et R. Pornin.
- Ms. 9668. Lettre de Joseph Bry à Paul Lacroix, 11 juillet 1849.
- Médiathèque Émile-Zola de Montpellier
- Fonds Lacroix, liasse xvi. Papiers divers de Paul Lacroix, ms. 67.
- Sources imprimées
- Bordier, Henri et Émile Mabille. 1870. Une fabrique de faux autographes, ou Récit de l’affaire Vrain Lucas. Paris, Techener.
- Décembre-Alonnier, Joseph. 2002 [1864]. Typographes et gens de lettres. Bassac, Plein chant : 114-115.
- Delisle, Léopold. 1888. Catalogue des manuscrits des fonds Libri et Barrois. Paris, Honoré Champion.
- Lacroix, Paul. 1829. « Notice sur M. P. L. Jacob », Soirées de Walter Scott à Paris, t. I. Paris, Renduel, 2e éd. : 5-13, 7.
- Lacroix, Paul. 1830. Les deux fous. Histoire du temps de François Ier, 1524. Paris, Renduel : xii.
- Lacroix, Paul. 1835. « La servante, 1535 », in Le bon vieux temps, suite des Soirées de Walter Scott, t. 2. Paris, Dumont : 113-295.
- Lacroix, Paul. 1835. Médianoches. Paris, Dumont.
- Lacroix, Paul. 1836. Pignerol. Histoire du temps de Louis XIV, 1680. Paris, Renduel.
- Lacroix, Paul. 1837. Préface à L’homme au masque de fer. Paris, Magen : vii-viii.
- Lacroix, Paul. 1839. Catalogue des livres et des manuscrits la plupart relatifs à l’histoire de France, composant la bibliothèque du bibliophile Jacob. Paris, Techener.
- Lacroix, Paul. 1840. Catalogue analytique des autographes, la plupart relatifs à l’histoire de France, provenant du cabinet du bibliophile Jacob. Paris, Techener.
- Lacroix, Paul. 1844. Catalogue d’autographes réunis par les soins de l’Alliance des arts. Paris, Alliance des arts.
- Lacroix, Paul. 1844. Catalogue des autographes, la plupart de la Révolution française et de l’Empire, provenant du cabinet de M. de Fr…, Paris, Alliance des arts.
- Lacroix, Paul. 1847. Lettre insérée dans le Bulletin des arts, 10 avril : 354.
- Lacroix, Paul. 1994 [1840-1841]. Les amateurs de vieux livres. Paris, Éd. des Cendres : 14. Paru dans le Bulletin du bibliophile, 1840-1841.
- Lacroix, Paul. 1994 [1876]. Le commerce des livres anciens. Paris, Éd. des Cendres : 21. Paru dans La librairie, nov.-déc. 1876.
- Lalanne, Ludovic et Henri Bordier. 1851. Dictionnaire de pièces autographes volées aux bibliothèques publiques de la France. Paris, Panckoucke.
- Lescure, Alphonse de. 1865. Les autographes et le goût des autographes en France et à l’étranger. Paris, Gay.
- Sand, George. 1964-1987. Correspondance, vol. 2 : 1832-juin 1935, éd. par Georges Lubin. Paris, Garnier.
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Ouvrages cités
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- Witkowski, Claude. 1982. Monographie des éditions populaires. Les romans à quatre sous, les publications illustrées à 20 centimes, 1848-1870. Paris, Jean-Jacques Pauvert.
Notes
-
[1]
Paul Lacroix, « Notice sur M. P. L. Jacob », in Soirées de Walter Scott à Paris, t. I, Paris, Renduel, 1829 (2e éd.), p. 5-13, 7.
-
[2]
Paul Lacroix, Les deux fous. Histoire du temps de François Ier, 1524, Paris, Renduel, 1830, p. xii.
-
[3]
Voir Romantisme, 2013, no 160, consacré aux « Conquêtes du roman » au xixe siècle.
-
[4]
En témoigne le titre d’une revue réputée au xixe siècle, l’Album de la mode. Chroniques du monde fashionable.
-
[5]
Paul Lacroix, 1994. Les amateurs de vieux livres, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 15 (éd. orig. Bulletin du bibliophile, 1840-1841).
-
[6]
Voir Paul Lacroix, Catalogue des livres et des manuscrits la plupart relatifs à l’histoire de France, composant la bibliothèque du bibliophile Jacob, Paris, Techener, 1839. Ce catalogue de vente, répertoriant 1 945 pièces, offre un état des documents relatifs à l’histoire que Paul Lacroix possédait en 1839.
-
[7]
Paul Lacroix, Préface à L’homme au masque de fer, Paris, Magen, 1837, p. vii-viii.
-
[8]
Nouvelle insérée dans Médianoches, Paris, Dumont, 1835.
-
[9]
Paul Lacroix, Le commerce des livres anciens, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 21 (éd. orig. La librairie, 1876).
-
[10]
Paul Lacroix, Les amateurs de vieux livres, Paris, Éd. des Cendres, 1994, p. 14 (éd. orig. Bulletin du bibliophile, 1840-1841).
-
[11]
Ibid. : 19.
-
[12]
AN, F/17/12979. Ministère de l’Instruction publique, service des missions. Dossier « missions littéraires de Paul Lacroix en Allemagne et en Italie », rapport de Paul Lacroix adressé à l’empereur, février 1860.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
Bien loin des 310 000 francs fixés par les compagnies d’assurances. Ibid.
-
[15]
Arsenal, 9623-2559. Lettre d’Émile Deschamps à Paul Lacroix, s. d.
-
[16]
Ibid., jeudi 29 mars [1835 ?].
-
[17]
AN, F/17/2896, 169. Division des Sciences et Lettres du ministère de l’Instruction publique, dossier « Histoire du 16e siècle en France par M. Lacroix ».
-
[18]
Publication en quatre volumes vendus 7,50 francs. Elle est ensuite interrompue, car les manuscrits brûlent dans l’incendie des entrepôts de la rue du pot-de-fer, le 13 décembre 1835.
-
[19]
AN, F/17/2896, 169. Division des Sciences et Lettres du ministère de l’Instruction publique, dossier « Histoire du 16e siècle en France par M. Lacroix ».
-
[20]
Parue entre 1833 et 1836 puis refondue de 1837 à 1854.
-
[21]
Roman publié par Paul Lacroix en trois volumes chez Renduel en 1834.
-
[22]
AN, F/18. Enregistrements des déclarations des imprimeurs parisiens.
- [23]
-
[24]
C’est le cas pour les Soirées de Walter Scott à Paris (1829) (AN, F/18/118/A, f. 822), Les deux fous (1830) (AN, F/18/(II)/19, no d’enregistrement 166), Le roi des Ribauds (1831) (AN, F/18/(II)/21, no d’enregistrement 2388), La danse macabre (1832) (AN, F/18/56/B, f. 634).
-
[25]
Notamment Quand j’étais jeune, souvenirs d’un vieux (1833), 1 400 exemplaires ; Suite de la convalescence du vieux conteur (1836), 1 500 exemplaires ; Romans relatifs à l’histoire de France (1838), 1 600 exemplaires.
-
[26]
Voir également la revue Tapis-franc, A.A.R.P, consacrée à la littérature populaire.
-
[27]
Le format in-octavo correspond à celui dont la feuille imprimée, pliée en 8, forme un cahier de 16 pages recto-verso. Les dimensions varient entre 20 et 25 cm de longueur en fonction de la taille de la feuille imprimée initiale (Fouché, Péchoin et Schuwer 2005 : 266). Il correspondrait environ à l’actuel format A5.
-
[28]
Le prix total des romans publiés en trois tomes s’élève à 22,50 francs, soit l’équivalent de 120 euros actuels. D’après Mollier 2015 : 195.
-
[29]
Le format in-18 correspond à celui dont la feuille imprimée, pliée en 18, forme un cahier de 36 pages recto-verso. Il s’agit donc d’un petit format, dont la longueur varie entre 10 et 14 cm (Fouché, Péchoin et Schuwer 2005 : 266).
-
[30]
Arsenal, ms. 9668. Lettre de Joseph Bry à Paul Lacroix, 11 juillet 1849.
-
[31]
Arsenal, ms. 9634. Fiches bibliographiques rédigées par Paul Lacroix.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Arsenal, ms. 9623-2528, 14. Lettre d’Eugène Renduel à Paul Lacroix, s. d. [1832 ?].
-
[34]
Arsenal, ms. 9623-2528, 20. Lettre d’Eugène Renduel à Paul Lacroix, [février ?] 1836.
-
[35]
Arsenal. Dossier administratif de Paul Lacroix, non coté.
-
[36]
Lettre de Théophile Thoré, octobre 1842. (Cottin [1900] : 82).
-
[37]
Paul Lacroix, Catalogue des autographes, la plupart de la Révolution française et de l’Empire, provenant du cabinet de M. de Fr…, Paris, Alliance des arts, 1844.
-
[38]
Sur l’affaire Libri, voir par exemple Barnett 1987 : 110-111.
-
[39]
Paul Lacroix, Catalogue d’autographes réunis par les soins de l’Alliance des arts, Paris, Alliance des arts, 1844.
-
[40]
Ibid. : 3.
-
[41]
Paul Lacroix, Lettre insérée dans le Bulletin des arts, 10 avril 1847 : 354.
-
[42]
Arsenal, ms. 13427 (22), 108. Brouillon de lettre de Paul Lacroix, s. d. [1858].
-
[43]
Arsenal, ms. 9623-947, 1 et ms. 9623-1101, 16. Lettres d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[44]
Arsenal, ms. 9623-947, 1. Lettre d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[45]
Médiathèque Émile-Zola. de Montpellier, fonds Lacroix, liasse xvi, papiers divers de Paul Lacroix, ms. 67.
-
[46]
Arsenal, ms. 9623-1101, 20. Lettre d’Alexandre Dumas à Paul Lacroix, s. d.
-
[47]
Ibid., 23.