Notes
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[1]
Le présent article a été en grande partie nourri par les réflexions et discussions menées dans le cadre de l’équipe de recherche Medips, qui a bénéficié pour cette exploitation de l’enquête HID d’un soutien de la Mission de la recherche (Mire). Nous remercions particulièrement Florence Weber pour sa relecture de ce texte. Nous sommes également reconnaissants aux lecteurs et membres du comité de rédaction de Genèses pour leurs commentaires constructifs sur une précédente version de ce texte.
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[2]
C’est-à-dire ni en maison de retraite, ni à l’hôpital, ni en internat, etc.
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[3]
La loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances des handicapés constitue une première traduction législative de la nécessité de penser ensemble et d’apporter des réponses communes à ces deux formes de difficultés de vie quotidienne. Une unification des différents dispositifs, sans distinction d’âge, est ainsi prévue à l’échéance 2011.
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[4]
Il faut préciser que nous n’avons conservé que les personnes déclarant des difficultés dans la vie quotidienne, alors que l’enquête HID comporte aussi quelques individus ne rencontrant aucune difficulté (dont la présence est indispensable dans une logique d’extrapolation des résultats à l’ensemble de la population française, ce qui n’est pas du tout notre propos).
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[5]
La Classification internationale des handicaps, publiée en 1980 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), distingue, à la suite des travaux de Philippe Wood, trois niveaux de handicap : les déficiences (des « pertes de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique »), les incapacités (« réductions, partielles ou totales, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans des limites considérées comme normales pour un être humain ») et le désavantage (conséquence des précédentes qui limite l’accomplissement d’un rôle social « normal »).
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[6]
Nous avons choisi ici de faire apparaître l’analyse des correspondances dans un second temps, en tentant d’expliciter les choix qui ont présidé à sa construction (voir encadrés 2 et 3), précisément pour rompre avec cette assignation au statut de « préalable » de cette technique.
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[7]
Il faut toutefois souligner que l’enquête ne permet que difficilement d’étudier la mobilisation du groupe familial élargi, le questionnaire étant centré sur les aidants effectivement déclarés et non sur l’ensemble des personnes potentiellement impliquées dans la décision de maintien à domicile.
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[8]
Pour des questions d’effectifs, nous avons été conduits à regrouper aide mixte et aide strictement professionnelle. Cet intérêt pour le recours à des aidants professionnels en complément ou non d’aidants familiaux a des conséquences sur les résultats obtenus.
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[9]
La création de la Prestation spécifique dépendance, en 1997, s’est en effet traduite par la suppression du droit à l’ACTP (Allocation compensatrice de tierce personne) pour les handicapés de plus de soixante ans. Ceux-ci ont ainsi perdu l’accès aux prestations financières accordées par la Cotorep (Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel), qui ne conserve qu’un rôle de reconnaissance administrative (carte invalidité, carte de station debout pénible…).
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[10]
Bien avant l’utilisation des techniques de régression, François Simiand critiquait cette recherche d’effets purs en considérant que cela reviendrait à « comparer les comportements d’un renne au Sahara et d’un chameau au pôle Nord » (Halbwachs 1972)… autrement dit à postuler l’invraisemblable.
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[11]
Sur la construction détaillée de cet indicateur, voir Eideliman et Gojard 2008.
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[12]
Un tel tâtonnement n’est nullement spécifique à l’analyse statistique : on ne présente pas forcément tous les entretiens effectués, ni dans leur exhaustivité, et la majeure partie des journaux de terrain reste dans les cartons des ethnographes.
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[13]
Le graphe des valeurs propres (non reproduit ici) nous indique que les deux premiers axes se distinguent des suivants : le premier représente 9,6 % de l’inertie et le second 8 % alors que les suivants sont en dessous de 5,5 %. Ces valeurs peuvent paraître faibles, mais elles découlent mécaniquement du grand nombre de modalités actives introduites dans l’analyse et ne signalent pas une moindre valeur de l’analyse (parce que nous travaillons en analyse des correspondances sur des variables qualitatives).
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[14]
Les dates d’apparition des incapacités sévères sont précisées dans l’enquête, ce qui permet d’opposer les cas où les différentes incapacités sont apparues successivement aux cas où elles se sont toutes présentées simultanément.
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[15]
L’analyse pourrait se poursuivre (et s’est poursuivie), notamment en réitérant des régressions sur les arrangements pratiques (et non plus sur l’aide) – intégrant ainsi certains des acquis des analyses factorielles – ou en affinant les critères de sélection de la population étudiée (Biland 2008 ; Eideliman et Gojard 2008).
1En 2003, l’équipe Medips (Modélisation de l’économie domestique et incidences des politiques sociales) a souhaité prolonger son analyse du fonctionnement des économies domestiques en testant, à l’échelle statistique, les hypothèses issues de ses enquêtes monographiques (Weber, Gojard et Gramain 2003) [1]. Il s’agissait en particulier d’étudier comment les familles dont un membre âgé, handicapé ou malade connaît des difficultés à vivre seul s’organisent matériellement pour permettre son maintien à domicile. Nous nous sommes alors engagés dans le traitement secondaire de l’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (encadré 1). Les monographies de familles avaient montré que l’existence d’importantes limitations au quotidien n’entraîne pas automatiquement une prise en charge, et que les formes mêmes de la solidarité familiale autour d’une personne dépendante apparaissent très variables selon les dispositifs institutionnels accessibles. L’enquête HID devait permettre d’affiner ces premiers résultats et d’examiner les conditions du maintien à domicile des personnes en situation d’incapacité.
Encadré 1 : L’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID)
Intervenant à une période où l’étanchéité entre les politiques publiques du handicap (pour les actifs) et de la dépendance (pour les personnes âgées) commence à être contestée [3], l’enquête vise à réunir des données, jusque-là éparses, sur ces deux populations (Ravaud, Letourmy et Ville 2002 : 545). Elle vise en particulier à estimer le nombre de personnes affrontant des difficultés dans leur quotidien et à étudier les aides existantes et les « besoins non satisfaits ». Pour ce faire, elle interroge des individus de tous âges, répartis sur l’ensemble du territoire national, en surreprésentant ceux qui déclarent rencontrer des difficultés dans leur vie quotidienne [4]. C’est en mettant en relation les déficiences et incapacités [5] déclarées avec les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés et de leurs aidants que l’équipe Medips a analysé les liens entre dispositifs institutionnels et soutien familial dans la prise en charge du handicap.
2Quels outils mobiliser, quels indicateurs construire pour répondre statistiquement à des questions formulées à partir de résultats ethnographiques ? Nous proposons ici de rendre compte du parcours de recherche qui a été le nôtre, des difficultés que nous avons rencontrées et des solutions choisies pour les surmonter. « Mettre à l’épreuve une théorie » par les outils statistiques conduit à se confronter à « une série de problèmes pratiques » (Lebaron 2006 : 1), à commencer par la délicate recherche des méthodes d’analyse les plus appropriées. Notre enquête a mobilisé des outils issus de chacune des « deux familles de méthodes statistiques » (Desrosières 1995 : 26) : l’analyse des correspondances (associée aux tris croisés) d’une part, la régression logistique, d’autre part. C’est donc à une réflexion, par l’exemple, sur les usages croisés de ces deux méthodes que cet article invite.
3Présentées dans la plupart des manuels contemporains, en histoire (Lemercier et Zalc 2008) comme en sociologie (Cibois 2007), comme les outils les plus classiques du quantitativiste, ces deux méthodes n’en ont pas moins été longtemps opposées et ce d’autant plus que « la querelle sur les paradigmes se répercute inéluctablement sur les outils » (Rosental 1997 : 195). L’analyse des correspondances, largement utilisée par la sociologie bourdieusienne depuis les années 1970, est habituellement perçue comme un outil exploratoire, permettant de faire émerger des « traits saillants dans le magma des données » (Lemercier et Zalc 2008 : 58) ou encore de « visualiser la diversité de son échantillon » (des Nétumières 1997 : 277). À la visée descriptive de ce premier outil s’opposerait l’ambition explicative, voire prédictive, de la régression.
4La formule usuelle du « raisonnement toutes choses égales par ailleurs » (ou ceteris paribus) illustre bien la démarche causale et la volonté d’approcher la situation expérimentale qui sous-tendent cette méthode économétrique. Dans l’étude dont les résultats sont présentés au fil de cet article, les méthodes logistiques ont servi à comprendre l’effet de l’âge de la personne considérée sur sa plus ou moins grande chance d’être aidée dans la vie quotidienne, indépendamment de son revenu, de la gravité et de la nature de ses incapacités et de toutes les autres variables introduites dans le modèle (dont on trouvera la liste en annexe I). Dans la mesure où nous travaillons sur des variables qualitatives (telles que « vivre en couple », « vivre seul », « vivre avec ses enfants »…), la régression estime l’effet de chaque modalité sur la probabilité d’être aidé en fixant les modalités de toutes les autres variables à la valeur choisie pour être la « modalité de référence » : c’est en ce sens qu’elle met en œuvre un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » et que les effets cernés sont dits « propres » (c’est-à-dire indépendants de ceux des autres variables). On dira, par exemple, que les chances de recevoir une aide sont augmentées ou diminuées par l’état de santé ou par des caractéristiques sociales : une telle formulation tend à accréditer l’idée d’une causalité entre ces variables et l’aide reçue. En d’autres termes, il existe une asymétrie entre cette dernière, considérée comme variable expliquée, et les autres, considérées comme explicatives (Peretti-Watel 2004).
Une telle asymétrie n’existe pas entre les différentes variables qui servent à construire les axes de l’analyse factorielle (dites variables actives, contrairement aux variables supplémentaires, projetées sur les axes déterminés par les variables actives, voir encadré 2). Ainsi, la proximité graphique (voir graphique I) entre la modalité indiquant que l’individu est aidé par sa famille uniquement et celle signalant qu’il est atteint de déficiences intellectuelles signifie que les individus qui sont aidés par leur famille sont aussi plus souvent atteints de telles déficiences, mais ne présume en rien du sens de la liaison. En somme, l’analyse factorielle laisse une marge d’interprétation importante et limite le risque de postuler trop vite des liens de causalité erronés.
6Au travers de ces exemples, on voit que ces deux techniques paraissent diffuser des représentations différentes, voire concurrentes, du monde social : l’analyse des correspondances promouvrait une vision holiste et un raisonnement fondé sur la structure et les classes (Desrosières 1995 : 26-27), tandis que la régression serait porteuse d’une vision individualiste, d’une « sociologie des variables » (Rouanet et Lebaron 2006 : 2). De surcroît, les usages sociaux de ces différentes techniques ne sont pas les mêmes, ce qui contribue encore à leur opposition (Desrosières 2008). La logique sous-jacente aux régressions serait ici plutôt de repérer de quoi dépend l’aide (afin d’agir, ensuite, en concevant de nouvelles politiques sociales), tandis que la logique sous-jacente aux analyses factorielles serait de décrire l’espace des personnes rencontrant des difficultés dans la vie courante. L’analyse factorielle est d’ailleurs souvent cantonnée à un préalable descriptif [6], permettant de faire le tri entre des variables (Lebaron 2006 : 80) et parfois utilisée – surtout dans le cas de la data analysis à l’anglaise – pour faire émerger des hypothèses ensuite testées au moyen de modèles économétriques (Desrosières 2001 : 127).
7Bien que les modèles, à la fois mathématiques et sociologiques, qui inspirent ces deux méthodes s’inscrivent dans des constructions différentes, de plus en plus d’auteurs insistent sur leur complémentarité (des Nétumières 1997), voire plaident pour l’élaboration de nouveaux outils statistiques à même de les synthétiser (Rouanet, Lebaron et al. 2002). Notre propos s’inscrit dans ce mouvement de rapprochement entre les méthodes d’analyse et vise à montrer que, si chaque méthode « comporte des difficultés et requiert des précautions d’emploi » (Rouanet et Lebaron 2006 : 11), leur usage maîtrisé et comparé enrichit l’analyse des phénomènes sociaux.
Séparer les influences : la régression logistique
8Les organisations domestiques auxquelles recourent les personnes vivant à domicile et confrontées à des difficultés au quotidien sont très diverses. Tandis que certaines ont aménagé leur environnement pour pouvoir s’arranger seules, avec éventuellement des aides techniques, d’autres recourent à des aides humaines qui peuvent être au moins en partie professionnelles, d’autres encore restreignent leurs activités au strict minimum. Nous avons proposé le concept d’arrangement pratique pour rendre compte de ces différentes manières d’être ou de ne pas être aidé (Eideliman et Gojard 2008). Pour comprendre qui recourt préférentiellement à quel type d’arrangement, de nombreuses variables peuvent être prises en compte, depuis le type de ménage dans lequel vit l’individu concerné jusqu’à la nature de ses éventuelles déficiences, en passant par ses caractéristiques sociodémographiques et son inscription dans une configuration familiale spécifique [7].
9Notre questionnement initial autour des déterminants du recours à l’aide humaine nous portait spontanément vers une analyse logistique, qui permet aisément de raisonner sur des choix binaires. En l’occurrence, les variables décrivant l’aide reçue étaient de bonnes candidates pour une telle analyse : on pouvait ainsi espérer expliquer quels étaient les facteurs, individuels (état de santé, genre, âge, diplôme, profession du père) ou collectifs (revenu et structure du ménage), qui étaient susceptibles d’augmenter ou de diminuer la probabilité d’être aidé dans sa vie quotidienne et de recourir pour ce faire à des aidants professionnels.
10Nous avons ainsi mené deux régressions logistiques emboîtées l’une dans l’autre. La première visait à déterminer quelles variables influençaient le fait de recourir à un ou plusieurs aidants, tandis que la seconde permettait de savoir, parmi les personnes recevant une telle aide, lesquelles recouraient à des aidants professionnels (seuls ou en complément d’aidants familiaux).
Être ou ne pas être aidé
11Comme on pouvait s’y attendre, la première régression souligne le poids de la nature et du degré de handicap sur le recours à l’aide humaine. Celle-ci est bien plus fréquente lorsque le handicap est sévère et lorsqu’il touche les fonctions motrices ou cérébrales. Ces variables sont cependant loin d’expliquer à elles seules la prise en charge. Le moment d’apparition des difficultés est lui aussi fondamental, quoique difficile à saisir : faut-il privilégier l’âge auquel apparaissent les premiers problèmes, ou plutôt le temps écoulé depuis l’apparition des derniers ? Dans le premier cas, on fait l’hypothèse que le moment du cycle de vie où les difficultés apparaissent est déterminant ; dans le second, on envisage de possibles effets de routine, qui permettraient aux individus subissant depuis longtemps les mêmes difficultés de mieux savoir les affronter ou les contourner. Ces effets sont difficiles à séparer les uns des autres, d’autant qu’ils sont partiellement dépendants de l’âge de l’individu interrogé : les personnes n’ayant pas connu de nouvelles difficultés depuis longtemps, mais aussi celles qui en ont vu apparaître tardivement, sont à l’évidence surreprésentées parmi les personnes les plus âgées de l’échantillon. C’est ici que la régression logistique facilite considérablement l’interprétation : en saisissant les « effets propres » des différentes variables, elle permet de conclure à l’existence d’effets cumulatifs entre plusieurs facteurs ou, au contraire, d’affirmer qu’un seul d’entre eux est véritablement influent.
12D’après les résultats de la première régression, les effets de l’âge actuel et de l’âge d’apparition des premiers problèmes suivent une courbe en « U » : on est plus aidé aux âges extrêmes (en-deçà de dix-huit ans et au-delà de soixante-quinze ans), ou quand on a eu des difficultés aux âges extrêmes (avant six ans ou après soixante ans). En revanche, les effets d’ancienneté de la dernière difficulté suivent une courbe décroissante : plus le dernier problème est ancien, moins on est aidé. Les deux effets, cycle de vie et mise en place de routines, coexistent donc : ceux qui sont aidés depuis leur jeune âge ont tendance à continuer à l’être à l’âge adulte, davantage que ceux qui ont connu des difficultés en cours de vie active ; toutefois la mise en place de routines permet aux personnes ayant les dernières difficultés les plus anciennes de se débrouiller davantage seules. Concernant ce dernier point, on pourrait aussi faire l’hypothèse que les aidants potentiels sont moins mobilisés lorsque les difficultés sont anciennes, contraignant les personnes qui y sont confrontées à s’arranger davantage seules. Comme on l’a signalé en introduction, la régression souligne l’effet de tel ou tel facteur (ici l’ancienneté des difficultés), mais laisse en partie ouverte la question de l’interprétation des corrélations établies.
Aidants familiaux et aidants professionnels
13La seconde régression, dont les résultats sont présentés en détail en annexe I, porte uniquement sur les personnes ayant déclaré des aidants. Elle permet de repérer les variables qui déterminent le recours à des aidants professionnels (seuls ou en complément d’aidants familiaux) [8]. La nature et la sévérité du handicap ne sont cette fois-ci pas aussi déterminantes que dans la première régression. Le mode de construction de la population enquêtée explique sans doute en partie ce résultat : en étudiant uniquement des personnes vivant en ménage ordinaire, nous négligeons vraisemblablement les plus isolées et les moins autonomes, qui ont toutes chances de vivre en institution, et d’y bénéficier d’une aide professionnelle intense (Désesquelles et Brouard 2003).
14Le rôle de l’âge reste en revanche capital : l’aide uniquement familiale est la plus développée aux âges intermédiaires, tandis que l’aide professionnelle est forte avant dix-huit ans et augmente à partir de soixante ans, avec une nette accélération après soixante-quinze ans. Par rapport à ceux qui ont rencontré leurs premières difficultés entre soixante et soixante-quinze ans, ceux qui les ont affrontées tardivement (après soixante-quinze ans) ont plus tendance à avoir recours à une aide professionnelle, tandis que ceux qui les ont rencontrées jeunes ont davantage de chances d’avoir recours à une aide strictement familiale. Enfin, la probabilité de faire appel à des aidants uniquement familiaux diminue quand la dernière difficulté est apparue très récemment : les aidants professionnels seraient ainsi particulièrement mobilisés dans les moments qui suivent immédiatement l’apparition des incapacités, mais se désengageraient des difficultés au long cours, assumées par la seule famille. Rappelons une nouvelle fois que ces explications ne valent que pour les gens restés à domicile : une partie importante des personnes qui voient leurs incapacités augmenter sont tôt ou tard admises en institution… et disparaissent alors de notre échantillon. Celles qui parviennent malgré tout à rester à domicile constituent donc une population « sursélectionnée », ayant pu profiter d’incapacités moins handicapantes, des politiques publiques récentes favorisant le maintien à domicile, ou bien d’un entourage particulièrement mobilisé.
15D’autres variables enfin deviennent significatives, qui ne l’étaient pas dans la première régression. Conformément aux résultats déjà établis sur les inégalités de genre (Cambois, Désesquelles et Ravaud 2003), les hommes ont plus recours que les femmes à une aide strictement familiale. Le revenu et l’origine sociale ont eux aussi une influence non négligeable : les ménages disposant d’un revenu supérieur à 16 500 francs par mois ont moins de chances d’avoir recours à une aide strictement familiale que les ménages disposant d’un revenu mensuel de 4 950 à 8 500 francs par mois. Inversement, les enfants d’agriculteurs exploitants, d’ouvriers et d’employés se caractérisent par un recours plus important à une aide strictement familiale. Ce résultat est lui aussi à moduler par la sélection sous-jacente à notre population, puisqu’on sait par ailleurs que les personnes d’origine ouvrière ou employée sont celles qui sont le plus susceptibles d’un placement en institution (Mormiche et Boissonnat 2003).
16Par ailleurs, l’impact de certaines variables est difficile à interpréter en raison d’effets de circularité (on parle aussi d’endogénéité) : les individus qui vivent seuls ont moins de chances d’être aidés uniquement par leur famille que ceux qui vivent en couple sans enfants, alors que les couples avec enfants, ou avec d’autres cohabitants, ont au contraire plus de chances d’être aidés uniquement par leur famille et moins de probabilités de recourir à une aide professionnelle. Mais les liens entre aide et structure du ménage ne sont pas univoques (indépendamment de l’effet de sélection de l’échantillon mentionné ci-dessus) : est-ce, par exemple, parce qu’une personne âgée vit avec ses enfants que ceux-ci l’aident, ou parce qu’elle avait besoin d’aide qu’ils vivent ensemble (ou encore parce qu’ils ne pouvaient pas envisager un placement en institution) ? La formulation de la régression tendrait à faire pencher pour la première de ces hypothèses, ce qui n’a rien d’évident.
Quand toutes choses ne sont pas égales par ailleurs
17Malgré cette dernière remarque, au vu de nos questions de départ, on pourrait se contenter des résultats qui viennent d’être présentés. On peut jauger le poids de chaque variable prise isolément et mesurer ainsi les facteurs qui rendent plus probable le recours à des aidants et, le cas échéant, qui favorisent l’appel à des professionnels. La comparaison entre régression et tris croisés éclaire toutefois les limites de ce premier outil.
18La deuxième régression montre, par exemple, que le fait d’avoir obtenu une reconnaissance institutionnelle d’un handicap augmente les chances de faire appel à des aidants professionnels. Les tris croisés semblent pourtant indiquer l’inverse (tableau 1).
Statut des aidants et reconnaissance institutionnelle
Statut des aidants et reconnaissance institutionnelle
19Ils indiquent en effet une nette surreprésentation de l’aide strictement familiale en cas de reconnaissance institutionnelle du handicap. Pour expliquer cette contradiction apparente, il faut rappeler que la reconnaissance institutionnelle du handicap a été construite pour les personnes d’âge actif (Amar et Amira 2003) : elle vise à aider leur insertion sur le marché du travail davantage qu’à contribuer à leur maintien à domicile. Les personnes ayant obtenu cette reconnaissance ont pour l’essentiel moins de soixante ans [9]. Or le recours à une aide professionnelle est plus fréquent chez les personnes les plus âgées (et chez celles dont les premières difficultés apparaissent au-delà de soixante ans) ; il n’y a donc rien d’étonnant à ce que reconnaissance institutionnelle du handicap et recours à des aidants strictement familiaux aillent de pair.
20Ainsi, en faisant comme si toutes choses étaient égales par ailleurs, la régression laisse de côté les interactions entre les variables : elle fait, par exemple, comme si jeunes et vieux avaient autant de chances d’avoir des difficultés anciennes. On est ici confronté à ce que Jean-Claude Passeron appelle le « paradoxe de Simiand » (à travers l’exemple célèbre du chameau transporté dans les régions polaires) [10] : la dissociation d’effets propres des modalités des différentes variables risque de conduire à envisager des situations hautement improbables dans la réalité sociale, où les choses ne sont pas égales par ailleurs, mais où au contraire les attributs sociaux sont regroupés selon des configurations récurrentes (Passeron 1991 : 128).
21Dans ce cas précis, la régression montre que parmi les personnes appartenant à une même tranche d’âge (par exemple les âges actifs), reconnaissance du handicap et aide professionnelle vont de pair. Toutefois, raisonner « à âge égal » brouille la compréhension des situations réelles car l’âge a été socialement construit comme critère de distinction de deux populations, les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes, relevant de systèmes de prise en charge distincts (Frinault 2005). Isoler le poids d’un facteur n’est donc pas toujours la meilleure solution pour comprendre ses effets.
22La régression n’apporte donc pas le seul point de vue valable sur la réalité. En particulier, les interprétations conjointes des tris croisés et des régressions nous ont conduits à l’idée que nos distinctions initiales (bénéficier d’une aide ou non, d’une part, recourir à des professionnels ou non, d’autre part) n’étaient peut-être pas les plus pertinentes pour rendre compte des configurations observées.
23Nous avons donc construit un indicateur synthétique qui permet d’aller au-delà de la simple opposition aide/non aide et qui distingue les situations en fonction de la nature des activités pour lesquelles une aide est mentionnée. Nous avons ainsi distingué les aides apportées pour des activités vitales (nécessaires à une vie dite « ordinaire », telles que manger ou se lever de son lit), les aides permettant d’avoir une vie sociale conforme au regard des normes de notre société (entendre une conversation, sortir de son domicile) et, enfin, des aides relatives à des activités substituables, pour lesquelles un service professionnel existe, y compris pour les personnes sans incapacité, sous réserve de solvabilité (préparer ses repas, faire les tâches domestiques) [11].
Combiner les influences : l’analyse factorielle
24C’est au moyen d’une analyse des correspondances multiples (ACM) que nous avons ensuite examiné le lien entre ce nouvel indicateur et les autres variables décrivant la situation des individus (résultats détaillés présentés en annexe ii). Le principe de ce type d’analyse est de regrouper entre elles les modalités qui sont positivement corrélées et de les opposer à celles auxquelles elles le sont négativement. La représentation graphique fait ainsi apparaître comme proches les modalités qui sont communes à un grand nombre d’individus. Pour aider la lecture du graphique, nous avons choisi de faire apparaître en italiques les modalités qui contribuent à la détermination du premier axe et en gras celles qui contribuent à la détermination du second.
25Nous avons retenu comme variables actives : l’aide reçue (en fonction des types d’activités présentés ci-dessus), le statut des aidants (familiaux, professionnels, familiaux et professionnels), les principales déficiences, l’ancienneté de la dernière difficulté, le caractère cumulatif ou simultané de l’apparition des difficultés et la reconnaissance institutionnelle du handicap. La dernière variable retenue, essentielle pour appréhender d’éventuels effets de routine, est l’âge de manifestation de la première difficulté. Ce choix suscite des difficultés de deux ordres : il nous conduit à ne pas retenir l’âge des individus comme variable active (encadré 2) ainsi qu’à éliminer une partie des enquêtés de la population prise en compte dans l’ACM (encadré 3).
Encadré 2 : Variables actives et supplémentaires : un exemple d’arbitrage
Encadré 3 : Le problème des non-réponses en analyse factorielle
26Le premier axe [13], horizontal (graphique), oppose deux arrangements pratiques que l’on a qualifiés « d’autonomie domestique » et de « handicap ». L’idée d’autonomie domestique ne suggère pas forcément que l’individu concerné se débrouille entièrement seul, mais plutôt que l’organisation domestique quotidienne dans laquelle il est pris lui permet de vivre normalement sans considérer qu’il a recours à des « aidants » (alors même que certaines personnes peuvent effectivement l’aider, notamment son conjoint quand il existe). Ainsi, cet arrangement regroupe notamment des individus qui ne déclarent aucun aidant et des personnes qui ne bénéficient d’aucune reconnaissance institutionnelle de leur handicap, ainsi que des situations où la vie quotidienne est ponctuée de difficultés plus ou moins importantes.
Autonomie domestique, handicap, dépendance et aménagement
Autonomie domestique, handicap, dépendance et aménagement
27À l’opposé, se trouvent rassemblés les individus qui sont aidés par leur famille, seule ou avec recours à des professionnels, ceux qui bénéficient d’une aide pour des activités vitales ou sociales, ceux dont les difficultés sont apparues de manière successive [14] et ceux qui bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle. Cet arrangement correspond largement à la définition politique et institutionnelle du handicap, aussi le qualifions-nous par ce terme.
28Le second axe, vertical, est structuré en grande partie par les modalités d’ancienneté des incapacités. On trouve à un pôle les individus dont les premières difficultés sont apparues dans l’enfance, ou bien au cours de la vie active, ainsi que ceux dont les dernières incapacités remontent à plus de dix ans. Au pôle opposé, sont regroupés les individus dont les premiers problèmes sont apparus tardivement (entre soixante et soixante-quinze ans, ou après soixante-quinze ans), ainsi que ceux dont les dernières incapacités sont récentes (moins de deux ans). Nous avons qualifié ce deuxième pôle de « dépendance » dans la mesure où il correspond assez bien à la catégorie administrative des personnes âgées dépendantes : faible reconnaissance institutionnelle d’un handicap mais fort recours à des aidants professionnels (seuls ou en complément d’aidants familiaux), notamment pour des activités substituables. L’arrangement pratique décrit par le premier pôle est plus difficile à définir, d’autant qu’aucune modalité d’aide ne lui est spécifiquement associée, alors même que la reconnaissance d’un handicap est fréquente. Nous l’avons qualifié d’« aménagement » dans la mesure où il s’agit d’individus qui ne déclarent ni plus ni moins d’aide que les autres, mais qui ont sans doute développé des routines leur permettant de faire face à des difficultés anciennes. Par ailleurs, ce sont plus souvent des personnes entre trente et soixante ans, comme en témoigne la projection de l’âge en variable supplémentaire, et l’on peut donc faire l’hypothèse que l’on est face à des situations de sous-déclaration d’une aide apportée au sein du ménage (Eideliman et Gojard 2008).
29Alors que les régressions logistiques partaient d’une opposition préconstruite entre, d’une part, recevoir une aide et ne pas en recevoir et, d’autre part, recevoir une aide exclusivement familiale et avoir recours à des professionnels, l’analyse factorielle brouille des lignes de fracture qu’on croyait bien établies. On constate ainsi que l’aide mixte (familiale et professionnelle) fait partie des rares modalités (avec la reconnaissance institutionnelle) qui contribuent à la construction des deux axes : si elle se projette bien du côté de l’aide exclusivement professionnelle dans les configurations de dépendance, c’est en revanche avec l’aide familiale qu’elle se regroupe dans les configurations de handicap.
30Grâce à l’ACM, les effets des différentes variables isolées par la régression prennent aussi un sens nouveau. On voit, par exemple, que la mise en place de routines (pôle d’aménagement) concerne surtout des ménages d’âge actif, alors que les ménages plus âgés sont plus souvent dans des situations de dégradation rapide de leur état de santé : passés soixante-dix ans, les incapacités apparaissent trop nombreuses et trop rapprochées pour que les individus parviennent à mettre en place des routines et l’effet cycle de vie l’emporte alors sur l’effet mise en place de routines (Biland 2008).
31* * *
32Notre questionnement initial, qui portait sur les déterminants du recours à l’aide humaine, nous a conduits à mener en premier lieu des régressions logistiques pour pouvoir raisonner sur le poids de chaque variable « à incapacité donnée ». Mais la réflexion sur l’interprétation des résultats et la mise en perspective avec l’analyse factorielle montrent qu’il s’avère impossible de distinguer clairement le « besoin » de l’aide apportée car on ne parvient jamais à définir ce qu’est la difficulté en dehors de l’arrangement pratique plus général dans lequel elle s’insère. En d’autres termes, entre une personne qui affronte seule malgré des difficultés les activités de la vie quotidienne et une personne aidée de diverses manières, on ne pourra jamais savoir si leur « situation de base », c’est-à-dire en dehors de toute aide, serait identique. Car l’aide reçue peut diminuer l’autonomie de la personne aidée en lui épargnant de se confronter à certaines tâches (Eideliman et Gojard 2008). On rencontre ici une autre version du paradoxe de Simiand, qui ne concerne plus seulement un croisement improbable entre deux variables explicatives, mais une interaction problématique entre la variable expliquée et les variables explicatives (endogénéité). Les tâtonnements suscités par l’analyse statistique nous ont ainsi conduits à recourir à différents outils, tout en adaptant notre problématique et en construisant de nouveaux indicateurs à partir des données disponibles. En témoigne l’évolution de notre terminologie : partis d’une problématique initiale en termes de soutien familial et de prise en charge, nous avons commencé par constater l’importance numérique des individus ne déclarant pas d’aidants, ce qui nous a conduits à parler plutôt de « situations de vie » (Biland et al. 2004) ; l’accent mis sur les activités quotidiennes, mais également des réflexions sur la question de la sous-déclaration de l’aide apportée au sein du ménage nous ont ensuite amenés à parler de « modes d’organisation quotidienne » (Biland 2008) puis d’« arrangements pratiques » (Eideliman et Gojard 2008), ce dernier terme présentant en outre l’avantage d’insister sur le caractère fluide et peu formalisé de certaines des configurations observées.
33Ces arrangements pratiques s’opposent les uns aux autres en fonction de deux critères principaux : l’importance de l’aide d’un côté (qui est liée à la sévérité des difficultés rencontrées) et, de l’autre, l’ancienneté des difficultés. Le recours à la régression logistique permet d’insister sur de nombreux autres facteurs : toutes choses égales par ailleurs, les plus âgés, les moins diplômés ou ceux dont les pathologies sont les plus sévères ont plus de chances d’avoir recours à des aidants. Parmi les personnes qui s’adressent à des aidants, on a notamment vu que celles qui sont en couple avec enfants ont davantage recours à des aidants strictement familiaux. Inversement, l’appel à des aidants professionnels est donc plus le fait, entre autres, d’individus isolés. On retrouve là différentes cibles des politiques publiques, qui ont mêlé et mêlent encore critères médicaux et critères sociaux, même si l’on ne peut imputer à ces seules politiques les différents effets observés.
34Les variables d’origine et de position sociales, significatives dans les régressions, disparaissent dans l’analyse factorielle. Pour expliquer cette distorsion entre les deux méthodes d’analyse, il faut une fois de plus faire référence à l’effet d’échantillonnage (Passeron 1991 : 125) : la sélection sociale des personnes vivant à domicile (Désesquelles et Brouard 2003 ; Mormiche et Boissonnat 2003) est sans doute pour beaucoup dans la faible visibilité, tous effets confondus, des effets sociaux les plus classiques.
35La combinaison des méthodes statistiques, analyse factorielle et régressions, s’est donc avérée particulièrement fructueuse pour démêler la complexité des situations analysées : si l’analyse logistique permet d’isoler les effets propres de chacune des variables, elle gagne à être articulée à une analyse factorielle qui donne tout son poids aux interactions entre variables, tout en donnant une image d’ensemble des corrélations, ce que ne permettent pas les tris croisés. Plutôt que de considérer que l’une de ces méthodes n’est qu’un préalable à la mise en œuvre de la seconde, il nous semble donc qu’une véritable combinaison de ces deux méthodes, souvent érigées l’une contre l’autre, est la plus à même d’enrichir l’analyse, qui bénéficie alors des visions différentes du monde social que chacune transporte avec elle [15]. En d’autres termes, « la statistique n’explique rien – mais elle fournit des éléments potentiels d’explication » (Lebart, Morineau et Piron 1995 : 209) et c’est en confrontant les hypothèses forgées à partir des différentes méthodes d’analyse que notre compréhension des phénomènes de handicap et de dépendance s’est enrichie.
36Ce qui vient d’être dit de la combinaison entre analyse factorielle et régression vaut également assez largement pour la combinaison entre statistiques et ethnographie. Notre intérêt pour l’enquête HID provenait de la volonté de tester à grande échelle des hypothèses issues de terrains ethnographiques variés autour du handicap et surtout de la dépendance (Weber, Gojard et Gramain 2003). Cette ambition a engendré certaines frustrations : la transposition d’hypothèses ethnographiques à une échelle statistique via l’enquête HID s’est avérée difficile par manque d’indicateurs suffisamment précis (Biland et al. 2004). Elle a malgré tout permis d’articuler recherche qualitative et exploitation quantitative. D’un côté, certaines hypothèses formulées lors d’enquêtes ethnographiques, comme l’importance de la mise en place de routines dans la préservation de l’autonomie des mères aveugles (Gojard 2003), ont été reprises et développées lors de l’exploitation de l’enquête HID. D’un autre côté, les arrangements pratiques mis en évidence par l’exploitation statistique ont servi de base à de nouveaux travaux ethnographiques, par exemple sur des enfants handicapés mentaux (Eideliman 2006). Ces derniers travaux ont notamment fourni l’occasion de réfléchir à la stabilité de ces arrangements et de montrer que des « crises d’organisation » peuvent pousser au passage d’un arrangement à l’autre. Ainsi, s’il est toujours difficile de faire dialoguer différentes méthodes directement entre elles, sans entraîner trop de malentendus sur la définition des objets et des catégories en présence, ce dialogue peut malgré tout s’avérer constructif, à condition de respecter la logique propre à chaque méthode et d’être ouvert aux raisonnements concurrents ou complémentaires que l’utilisation d’une nouvelle méthode vient favoriser.
Régression logistique sur le recours aux aidants professionnels
Régression logistique sur le recours aux aidants professionnels
37Lecture : Un coefficient de signe positif (respectivement négatif), statistiquement significatif, indique qu’on est en présence d’un facteur qui accroît les chances de recevoir une aide exclusivement familiale (respectivement de recourir à des professionnels). Les coefficients obtenus indiquent, pour chaque variable, un écart entre la modalité considérée et la modalité de référence. Dans ce type d’analyse, on ne peut pas directement commenter la valeur des coefficients, seul leur signe est à retenir, à condition que le seuil de significativité soit atteint. Ce dernier, indiqué dans la deuxième colonne, signale le risque que l’on court de se tromper en considérant que le coefficient est significatif : en d’autres termes, il faut qu’il soit le plus faible possible. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs (c’est-à-dire indépendamment de l’influence des autres variables présentes dans ce tableau), le fait d’être un homme augmente sensiblement le fait de recourir à une aide exclusivement familiale, par rapport au fait d’être une femme (qui est la modalité de référence). Ce résultat peut être tenu pour valide avec une marge d’erreur de 0,01% (colonne probabilité).
38NB : en gras les modalités significatives avec moins de 5 % de marge d’erreur (- de 10 % en italiques)
Résultats détaillés de l’analyse des correspondances multiples
Résultats détaillés de l’analyse des correspondances multiples
Bibliographie
Ouvrages cités
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— Séverine Gojard et Agnès Gramain (éd.). 2003. Charges de famille. Parenté et dépendance dans la France contemporaine. Paris, La Découverte (Textes à l’appui).
Notes
-
[1]
Le présent article a été en grande partie nourri par les réflexions et discussions menées dans le cadre de l’équipe de recherche Medips, qui a bénéficié pour cette exploitation de l’enquête HID d’un soutien de la Mission de la recherche (Mire). Nous remercions particulièrement Florence Weber pour sa relecture de ce texte. Nous sommes également reconnaissants aux lecteurs et membres du comité de rédaction de Genèses pour leurs commentaires constructifs sur une précédente version de ce texte.
-
[2]
C’est-à-dire ni en maison de retraite, ni à l’hôpital, ni en internat, etc.
-
[3]
La loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances des handicapés constitue une première traduction législative de la nécessité de penser ensemble et d’apporter des réponses communes à ces deux formes de difficultés de vie quotidienne. Une unification des différents dispositifs, sans distinction d’âge, est ainsi prévue à l’échéance 2011.
-
[4]
Il faut préciser que nous n’avons conservé que les personnes déclarant des difficultés dans la vie quotidienne, alors que l’enquête HID comporte aussi quelques individus ne rencontrant aucune difficulté (dont la présence est indispensable dans une logique d’extrapolation des résultats à l’ensemble de la population française, ce qui n’est pas du tout notre propos).
-
[5]
La Classification internationale des handicaps, publiée en 1980 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), distingue, à la suite des travaux de Philippe Wood, trois niveaux de handicap : les déficiences (des « pertes de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique »), les incapacités (« réductions, partielles ou totales, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans des limites considérées comme normales pour un être humain ») et le désavantage (conséquence des précédentes qui limite l’accomplissement d’un rôle social « normal »).
-
[6]
Nous avons choisi ici de faire apparaître l’analyse des correspondances dans un second temps, en tentant d’expliciter les choix qui ont présidé à sa construction (voir encadrés 2 et 3), précisément pour rompre avec cette assignation au statut de « préalable » de cette technique.
-
[7]
Il faut toutefois souligner que l’enquête ne permet que difficilement d’étudier la mobilisation du groupe familial élargi, le questionnaire étant centré sur les aidants effectivement déclarés et non sur l’ensemble des personnes potentiellement impliquées dans la décision de maintien à domicile.
-
[8]
Pour des questions d’effectifs, nous avons été conduits à regrouper aide mixte et aide strictement professionnelle. Cet intérêt pour le recours à des aidants professionnels en complément ou non d’aidants familiaux a des conséquences sur les résultats obtenus.
-
[9]
La création de la Prestation spécifique dépendance, en 1997, s’est en effet traduite par la suppression du droit à l’ACTP (Allocation compensatrice de tierce personne) pour les handicapés de plus de soixante ans. Ceux-ci ont ainsi perdu l’accès aux prestations financières accordées par la Cotorep (Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel), qui ne conserve qu’un rôle de reconnaissance administrative (carte invalidité, carte de station debout pénible…).
-
[10]
Bien avant l’utilisation des techniques de régression, François Simiand critiquait cette recherche d’effets purs en considérant que cela reviendrait à « comparer les comportements d’un renne au Sahara et d’un chameau au pôle Nord » (Halbwachs 1972)… autrement dit à postuler l’invraisemblable.
-
[11]
Sur la construction détaillée de cet indicateur, voir Eideliman et Gojard 2008.
-
[12]
Un tel tâtonnement n’est nullement spécifique à l’analyse statistique : on ne présente pas forcément tous les entretiens effectués, ni dans leur exhaustivité, et la majeure partie des journaux de terrain reste dans les cartons des ethnographes.
-
[13]
Le graphe des valeurs propres (non reproduit ici) nous indique que les deux premiers axes se distinguent des suivants : le premier représente 9,6 % de l’inertie et le second 8 % alors que les suivants sont en dessous de 5,5 %. Ces valeurs peuvent paraître faibles, mais elles découlent mécaniquement du grand nombre de modalités actives introduites dans l’analyse et ne signalent pas une moindre valeur de l’analyse (parce que nous travaillons en analyse des correspondances sur des variables qualitatives).
-
[14]
Les dates d’apparition des incapacités sévères sont précisées dans l’enquête, ce qui permet d’opposer les cas où les différentes incapacités sont apparues successivement aux cas où elles se sont toutes présentées simultanément.
-
[15]
L’analyse pourrait se poursuivre (et s’est poursuivie), notamment en réitérant des régressions sur les arrangements pratiques (et non plus sur l’aide) – intégrant ainsi certains des acquis des analyses factorielles – ou en affinant les critères de sélection de la population étudiée (Biland 2008 ; Eideliman et Gojard 2008).