La littérature sur la santé des migrants fait traditionnellement état de nombreuses entraves dans l’accès aux soins à l’arrivée dans un nouveau pays, parmi
lesquelles les freins administratifs (Gabarro, 2012 ; Pian, 2012), le manque d’informations (Kotobi, 2021), les barrières linguistiques (Bowen, 2001 ; Schachter et al.,
2012 ; Green, 2017 ; Sampers et al., 2022), la faible littératie en santé (Zanchetta et
Poureslami, 2006 ; Wångdahl et al., 2015 ; Ward et al., 2019), la peur du médecin
(Ménoret-Calles, 1997) et la discrimination ou le refus de soins par les praticiens
(Cognet et al., 2012 ; Le Rolland et al., 2023). Pour comprendre la notion de « soin
entravé » et les limites de l’accès aux soins des exilés, cet article s’appuie sur un
cas limite, contre-intuitif, et presque idéal-typique de la migration internationale :
celui d’un accueil « à bras ouverts » aussi bien par les autorités que par les concitoyens d’un pays.
Lorsque Vladimir Poutine lance en Ukraine le 24 février 2022 une « opération
militaire spéciale », une vague d’émotion s’empare de l’Europe, dont la France,
pour organiser l’accueil des millions d’exilés issus d’Ukraine. Cette émotion suscite
un effort financier et une démonstration de solidarité de la part des États, des institutions de l’asile, des collectivités locales et des citoyens jamais vue jusqu’alors.
Pour la première fois est activée la procédure de « protection temporaire » (prévue
en 2001 par une directive européenne dans le contexte du démantèlement de
l’ex-Yougoslavi…