Ce « point de vue » est celui d’un sociologue de « plein air » (Callon et al., 2014, p. 115) aux multiples attachements s’intéressant aux liens entre vulnérabilités et santé, et plus particulièrement entre précarité sociale et santé mentale. Il conjugue un parcours et une inscription académique, d’inspiration pragmatiste, avec une activité de sociologue responsable de la recherche dans un observatoire inscrit en psychiatrie publique, l’ORSPERE-SAMDARRA. Cet observatoire, fondé il y a maintenant trente ans, s’est spécialisé sur les problématiques de santé mentale des personnes précaires. Jean Furtos, alors médecin-psychiatre au centre hospitalier Le Vinatier, aime à raconter cette demande d’une infirmière, Jacqueline Picard, lors d’un colloque, qui serait l’acte fondateur de l’ORSPERE en 1993 : « Monsieur, il faut nous aider à comprendre : il y a de nouveaux patients qui viennent dans les centres médicopsychologiques (CMP), et nous ne savons pas comment les aider, ils ne souffrent plus comme avant ». Parmi ce « nouveau public », des « sans-domicile fixe » selon la formule alors consacrée (Damon, 2012), qui sollicitent notamment les urgences psychiatriques. Selon les fondateurs de l’ORSPERE, la psychiatrie a alors tendance à refuser la prise en charge de ce public, arguant que si la problématique est d’origine sociale, la réponse se doit d’être sociale. D’année en année, l’ORSPERE se construit une légitimité, notamment grâce au soutien d’acteurs politiques à l’échelle nationale et par le biais de recherche-action, puis à travers la diffusion de la revu…