Les propos ont été recueillis par téléphone le 6 décembre 2022 par Gwen Le Goff. Elle a rencontré Jean-François Krzyzaniak au Conseil national de santé mentale en 2016 alors qu’il représentait le Conseil national des personnes accueillies (CNPA). Depuis, il collabore régulièrement avec l’ORSPERE-SAMDARRA lors d’interventions et participe au comité de rédaction de la revue Rhizome. Ces échanges réguliers expliquent le tutoiement employé dans cet entretien.Revue française des affaires sociales : Peux-tu te présenter et dire un mot de ton parcours ? Tu dis avoir habité la rue, pourrais-tu nous expliquer concrètement ce que cela signifie ?
J’ai un parcours de rue de dix-neuf ans. Au départ ce n’était pas un choix puisque ça s’est fait suite à une expulsion, ensuite cela l’est devenu. J’ai trouvé la rue agréable à vivre et je m’y suis vraiment installé. Auparavant, j’avais eu quelques années de vie normale, c’est-à-dire en couple avec un appartement et un travail. Mais le jour où on perd tout, on se démobilise. La facilité c’est de se dire : « À la rue, il n’y a aucun souci ». Il n’y a plus les contraintes de la vie de couple, plus personne ne vous fait des reproches. Quand on a connu l’Aide sociale à l’enfance, les placements, on retrouve une certaine liberté dans la rue. Plus rien n’a d’importance à part le quotidien. C’est plus compliqué mais il y a moins de contraintes, on ne fait plus de concessions. La rue, je l’ai bien habitée, j’avais le plus bel appartement du monde : Paris…