Couverture de RFAS_151

Article de revue

De l’usage du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe : l’égalité en question

Pages 163 à 183

Notes

  • [1]
    Voir William J.-C., Reno F. et Alvarez F. (2012), Mobilisations sociales aux Antilles, les événements de 2009 dans tous leurs sens, Paris, Karthala.
  • [2]
    En 1979, le Centre international de recherche sur le cancer, classe le CLD dans le groupe 2B indiquant qu’il est un cancérigène probable pour l’homme.
  • [3]
    Cabidoche Y.-M. et al. (2009), « Long-term Pollution by Chlordecone of Tropical Volcanic Soils in the French West Indies : A Simple Leaching Model Accounts for Current Residue », Environmental Pollution, vol. 157, juin, p. 1697-1705.
  • [4]
    Borraz O. (2008), Les politiques du risque, Paris, Presses de Sciences Po.
  • [5]
    Jouzel J.-N. et Prete G. (2013), « De l’intoxication à l’indignation. Le long parcours d’une victime des pesticides », Terrains & travaux, n° 22, p. 59-76.
  • [6]
    Torny D. (2009), « De la découverte de la pollution à la construction de la crise sanitaire », Impacts sanitaires de l’utilisation de la chlordécone aux Antilles françaises, recommandations pour les recherches et actions de santé publique, INSERM et INVS, octobre.
  • [7]
    Fintz M. (2009), Éléments historiques sur l’arrivée du chlordécone en France entre 1968 et 1981, Paris, AFSSET.
  • [8]
    Joly P.-B. (2010), La saga du chlordécone aux Antilles françaises. Reconstruction chronologique 1968-2008, INRA, sciences en société, [en ligne]. http://www.observatoire-eau-martinique.fr/les-outils/base-documentaire/la-saga-du-chlordecone-aux-antilles-francaises
  • [9]
    Le Déaut J. et Procaccia C. (2009), Rapport sur les impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
  • [10]
    Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine.
  • [11]
    Malsa G., « Mourir pour la Terre », Blog officiel de Garcin Malsa, 17 octobre 2010 [en ligne]. http://www.garcinmalsa.com/2010_10_01_archive.html (consulté le 10 août 2014).
  • [12]
    Fintz M. (2011), « De quelles crises chlordécone est-il le nom ? », communication au congrès de l’Association française de science politique, Strasbourg [en ligne]. http://www.afsp.info/congres2011/sectionsthematiques/st23/st23fintz.pdf.
  • [13]
    Joly P.-B., op. cit., p. 6.
  • [14]
    Arendt H. (1995), Qu’est-ce que la politique, Paris, Seuil, p. 44.
  • [15]
    Plan d’action contre la pollution par la chlordécone en Guadeloupe et en Martinique 2011-2013, présenté au Conseil des ministres et adopté par le gouvernement français le 9 mars 2011, p. 3.
  • [16]
    Beaugendre J., Rapport d’information sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne, Assemblée nationale, commission des Affaires économiques, de l’Environnement et du Territoire présenté le 30 juin 2005, p. 45.
  • [17]
    Ibid., p. 47.
  • [18]
    AFSSA (2007), Actualisation de l’exposition alimentaire au chlordécone de la population antillaise, évaluation de l’impact de mesures de maîtrises des risques. Document technique AQR/FH/2007-219, septembre, p. 16
  • [19]
    Ibid., p. 67-68.
  • [20]
    Observatoire des résidus de pesticides, « Les imprégnations, Étude Hibiscus » [en ligne]. http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/index.php?pageid=548&ongletlstid=176? (consulté le 21 février 2014).
  • [21]
    Environmental Protection Agency (EPA) (2009), Toxicological review of Chlordecone (Kepone). In Support of Summary on the Integrated Risk Information System (IRIS), Washington DC, p. 102-103.
  • [22]
    Kadhel P. et al. (2012), « Cognitive, Visual, and Motor Development of 7-month-old Guadeloupean Infants Exposed to Chlordecone », Environmental Research, 118, p. 79-85, published by Elsevier, Inc, october.
  • [23]
    Kadhel P. et al. (2014), « Chlordecone Exposure, Length of Gestation, and Risk of Preterm Birth », American Journal of Epidemiology, published by Oxford University Press on behalf of the Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health January 8.
  • [24]
    Blateau A. et al. (2011), « Étude de la répartition spatiale des cancers possiblement lies à la pollution des sols par les pesticides organochlorés en Martinique », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, «  Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires », InVs n° 3-4-5, p. 37-40.
  • [25]
    Multigner L. et al. (2010), « Chlordecone Exposure and Risk of Prostate Cancer », Journal of Clinical Oncology, published online by American society of clinical oncology, juin.
  • [26]
    Loi du 2 novembre 1943 relative à l’organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole.
  • [27]
    Beaugendre, 2005, op. cit., p. 16-19.
  • [28]
    Compte rendu de la commission des Toxiques du 29/11/1969 cité par Joly, 2010, p. 16.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Nicolino F. et Veillerette F. (2007), Pesticides, révélations sur un scandale français, Paris, Fayard, p. 79-94 ; Boutrin L. et Confiant R. (2007), Chronique d’un empoisonnement annoncé : le scandale du chlordécone aux Antilles françaises 1972-2002, Paris, L’Harmattan, (ci-après désigné par « Boutrin et Confiant, 2007 »).
  • [31]
    Durimel H., « Bilan sur la mobilisation au chlordécone », http://www.potomitan.info/gwadloup/chlordecone.php, dernière mise à jour 8 août 2013.
  • [32]
    Verdol P. (2009), L’île-monde dans l’œil des pesticides, Matoury, Ibis rouge, p. 115.
  • [33]
    Snégaroff J. (1977), « Résidus d’insecticides organochloré dans la région bananière de Guadeloupe », Phytiatrie-phytopharmacie, 26, p. 251-268.
  • [34]
    Kermarrec A. (1980), Niveau actuel de la contamination des chaînes biologiques en Guadeloupe : pesticides et métaux lourds, Petit-Bourg (Guadeloupe), INRA, p. 149.
  • [35]
    Martin, M. (1973), Les pesticides organochloré : recherche de résidus dans le tissu adipeux humain et animal en Martinique, thèse de doctorat de médecine.
  • [36]
    Kermarrec A., op. cit. p. 150.
  • [37]
    Balland P., Mestre R. et Fagot M. (1988), Rapport sur l’évaluation des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires en Guadeloupe et en Martinique, ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement – ministère de l’Agriculture et de la Pêche, affaire n° 1998-0054-01, Paris.
  • [38]
    Torny D., op. cit.
  • [39]
    Belpomme D. et. al., Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points, Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse, 23 juin 2007.
  • [40]
    Direction générale de la santé, Plan d’action chlordécone 2011-2013, 9 mars 2011.
  • [41]
    Cité dans Verdol P., L’île-monde dans l’œil des pesticides …, op. cit., p. 107.
  • [42]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 171.
  • [43]
    Godard E. et Bellec S. (2002), Contamination par les produits phytosanitaires organochlorés en Martinique, Caractérisation de l’exposition des populations, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Direction de la santé et du développement social (DSDS) de la Martinique, p.15.
  • [44]
    Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l’évaluation des risques liés à la consommation de denrées alimentaires contaminées par la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, 10 décembre 2003.
  • [45]
    Arrêté préfectoral du 20 mars 2003 en Martinique, arrêté préfectoral du 20 octobre 2003 en Guadeloupe.
  • [46]
  • [47]
    Arrêtés préfectoraux du 6 mars 2008, du 23 juin 2010, du 26 juin 2013 et du 28 février 2014 en Guadeloupe et arrêtés préfectoraux du 25 septembre 2009, du 7 octobre 2010 et du 30 novembre 2012 en Martinique.
  • [48]
    Entretien avec madame D., membre de l’AMSES, avril 2014, Paris.
  • [49]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 153 : « Car, comment peut-on évaluer ainsi des seuils de toxicité … sans risques pour la santé humaine, pour un seul pesticide, sans tenir compte de ses effets combinés avec les autres pesticides organochlorés ? ».
  • [50]
    Chauvin B., « Chlordécone : le Conseil d’État rejette la requête de Cap21 pour absence d’intérêt à agir », communiqué de presse de Cap21 Outre-mer, le 6 septembre 2007 [en ligne]. http://www.benoitchauvin.com/chlordeconeleconseild%C2%92Étatrejettelarequetedecap21pourabsenced%C2%92interetaagir/
  • [51]
    Beaugendre, 2005, p. 24 : « Lorsqu’une spécialité est l’objet d’un retrait d’homologation, la vente, la mise en vente ainsi que toute distribution à titre gratuit par le demandeur responsable de la mise sur le marché français doivent cesser un an après la notification de ce retrait ».
  • [52]
    Beaugendre, 2005, p. 25.
  • [53]
    Plainte pour crime d’empoisonnement déposé par l’Assaupamar en 2007.
  • [54]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 20.
  • [55]
    Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
  • [56]
    Entretien avec un membre de l’association « Non au CLD », septembre 2014, Fort-de-France, Martinique.
  • [57]
    Godard É. et Guldiner L. (2011), « Évaluation et gestion du risque alimentaire associé au chlordécone », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, « Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires », n° 3-4-5, InVs, p. 34-36.
  • [58]
    Torny D. (2010), « Gérer une pollution durable, le cas du chlordécone aux Antilles françaises », Courrier de l’environnement de l’INRA, n° 59, octobre.
  • [59]
    Verdol P. (2014), Du chlordécone comme arme chimique française en Guadeloupe et en Martinique et de ses effets en Europe et dans le monde, plainte et demande de réparations, Paris, l’Harmattan, p. 69.
  • [60]
    Verdol J. et P., « Lettre ouverte », in Verdol, P., Du chlordécone …op. cit., p. 14.
  • [61]
    Boutrin L. et Confiant R. (2007), Chlordécone, 12 mesures pour sortir de la crise, Paris, l’Harmattan, p. 41 : « Les responsables des atteintes graves à notre environnement doivent être désignés et les coupables poursuivis ».
  • [62]
    Emelianoff C. (2008), « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel », in Deléage J.-P. (dir.), Écologie et politique, n° 35, « Des inégalités écologiques parmi les hommes », La Ferté St. Aubin, Syllepse, p. 19-31.
  • [63]
    Cf. Bullard R. (1990), Dumping in Dixie : Race, class, and environmental quality, Boulder, Westview Press.
  • [64]
    Loi n° 46-451 du 19 mars 1946.
  • [65]
    Dumont J. (2010), L’amère patrie : histoire des Antilles françaises au xxe siècle, Paris, Fayard.
  • [66]
    Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
  • [67]
    Beaugendre, 2005, p. 9, nous soulignons.
  • [68]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 9.
  • [69]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 11, nous soulignons.
  • [70]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 22.
  • [71]
    Fintz M., « De quelles crises chlordécone est-il le nom ? » …, op. cit., p. 11.
  • [72]
    Le Déaut et Procaccia, p. 17.
  • [73]
    Malsa G., op. cit.
  • [74]
    Boutrin et Confiant, 2007, p.20.
  • [75]
    Entretien avec monsieur D., Fort-de-France, Martinique, septembre 2014.
  • [76]
    Osiel M. (2006), Juger les crimes de masse : la mémoire collective et le droit, Paris, Seuil, p. 69-98.
  • [77]
    Arendt H. (2002), Condition de l’Homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, p. 311.

Introduction

1Parallèlement à la crise sociale que traversent les départements d’outre-mer de Martinique et de Guadeloupe, évidente lors des grèves de 2009 [1], le début du xxie siècle fut marqué par l’apparition sur la scène publique de conflits concernant la pollution de ces îles par des pesticides. L’utilisation massive de pesticides et autres produits phytosanitaires au cours de la deuxième moitié du xxe siècle dans l’agriculture, et particulièrement dans les bananeraies, a engendré une importante contamination des terres et des eaux de ces îles avec de graves conséquences sur la santé des populations. Parmi les divers pesticides et molécules, l’utilisation du chloredécone (CLD) demeure vraisemblablement la plus préoccupante. Cette molécule organochlorée se présentait à travers ses formulations commerciales, le Képone® puis Curlone®, sous la forme d’une poudre blanche. Celle-ci était régulièrement épandue à la base des bananiers entre 1972 et 1993 afin de lutter contre le charançon Cosmopolites sordidus, un insecte ravageant les plants de bananiers à leurs bulbes. Aujourd’hui, plus de 25 % des terres agricoles de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées par cette molécule classée comme cancérigène probable [2] pour une durée allant de soixante ans à sept siècles [3]. De par sa forte rémanence et ses effets néfastes sur la santé publique, cette pollution constitue aujourd’hui un enjeu sanitaire public majeur dans ces départements.

2La situation de crise de ces départements d’outre-mer qui font face à une pollution environnementale aux effets néfastes sur la santé publique pose un certain nombre de questions dont, peut-être, la première et certainement la plus travaillée est la suivante : comment cette pollution est-elle advenue ? Par quels enchaînements et associations d’acteurs et de décisions politiques, économiques et scientifiques, ainsi que de facteurs géographiques et biologiques cette pollution a-t-elle été engendrée ? Hormis les rapports gouvernementaux et l’ensemble des travaux en agronomie, en biochimie et en médecine consacrés à cette pollution aux Antilles, dont nous restituerons les principaux résultats plus en aval, quelques chercheurs en sciences sociales ont abordé cette question. Celle-ci se déploie schématiquement sur deux facettes. D’un côté, à partir de perspectives de sociologie politique, de sociologie du risque et de sociologie des controverses, il s’est agi de s’interroger sur les processus et les jeux d’acteurs ayant participé à la constitution de cette contamination environnementale en crise sociale, sanitaire et politique. En effet retenant la distinction entre un risque per se et une représentation sociale du risque d’Olivier Borratz [4], l’une des caractéristiques centrales de cette contamination réside dans le temps écoulé entre la fin d’utilisation du produit en 1993 et la constitution de cette contamination en crise sanitaire en 2007. Loin de la reconnaissance immédiate des effets sanitaires comme dans le cas récent de Paul François [5], Didier Torny retrace méticuleusement comment l’enchaînement des actions d’acteurs associatifs locaux et nationaux, de mesures gouvernementales et les publications de nombreuses alertes ont conduit à la (re)découverte et à la constitution de cette pollution en véritable crise sanitaire au niveau national en 2007 [6]. D’un autre côté, à partir d’une perspective historique, il s’est agi de s’interroger sur l’enchaînement des faits et processus ayant permis l’utilisation de cette molécule sur ces sols. Mathieu Fintz propose à cette fin une biographie de cette molécule particulière et restitue l’historique de son autorisation d’utilisation en France [7]. Pierre-Benoît Joly, quant à lui, joint les deux facettes en proposant une « saga » du chlordécone aux Antilles s’étendant de 1968, date des premières demandes d’autorisation du chlordécone en France, à l’avènement d’une crise nationale en 2008 [8].

3Or, si ces quelques travaux éclairèrent de nombreuses zones d’ombre de cette « saga », l’on ne peut que remarquer que les enjeux politiques de cette contamination, et en particulier les questions de justice et d’égalité, furent peu abordés. En effet, outre l’interrogation sur les mécanismes politiques, économiques et écologiques en jeu dans cette pollution, gisent, de par le contexte historique et politique de ces anciennes colonies françaises, d’autres interrogations relativement peu explicitées. S’agit-il d’un « accident environnemental » comme l’affirme un rapport parlementaire de 2009 [9], lié tant à la nature du climat et des sols antillais qu’à la faible sensibilité écologique des années 1970 ? Ou alors, cette pollution serait-elle, comme l’affirment certaines associations écologistes locales, le témoignage d’inégalités sociales et politiques entre les citoyens français habitant aux Antilles et ceux vivant dans l’Hexagone ? Du fait de cette pollution, les services de l’État font l’objet de nombreuses critiques de la part d’associations et de partis écologistes locaux. Certaines de ces critiques voient dans cette crise non seulement la défaillance des services de l’État à la préservation de la santé des populations mais également la manifestation d’une discrimination des citoyens français vivant en outre-mer, vestige d’un fonctionnement colonial. Garcin Malsa, ancien maire de la ville de Sainte-Anne en Martinique, ancien président d’une association écologique locale l’Assaupamar (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais) et fondateur du parti écologiste martiniquais le Modemas [10], propose une telle interprétation :

4

« […] l’État se trouve responsable de l’empoisonnement de nos terres agricoles par les pesticides, au premier rang desquels a été signalé le chlordécone pour sa haute dangerosité. Et pour ne pas sortir de l’époque de la colonisation, l’État a fait ce choix pour satisfaire la voracité et les appétits financiers des descendants d’esclavagistes qui malheureusement trouvèrent des complices dans la classe politique en Martinique [11]. »

5La nature polémique de cette crise semblerait exiger du chercheur en sciences sociales de redoubler de vigilance par rapport à sa posture car la manière dont il restitue le « comment-est-on-arrivé-là » pourrait infléchir une lecture vers l’un ou l’autre côté de cette alternative. À cet effet Matthieu Fintz met en parallèle divers sens possibles de cette crise [12]. Pierre-Benoît Joly déploie une chronologie accompagnée d’une interprétation minimaliste, de vignettes laissant au lecteur la possibilité d’y suivre plusieurs « trames narratives » [13] y compris son interprétation personnelle.

6Ici, notre intérêt ne porte pas sur la recherche de la vérité d’une interprétation, ni sur la difficulté à traiter ce sujet avec l’attendue objectivité d’un chercheur pourtant chargé de sa propre subjectivité, mais plutôt sur ce que ces interprétations ont en commun. Un commun qui ne réside pas dans des similarités de trames narratives mais bien dans la démarche de toucher un même problème : celui de la responsabilité de l’État français et de l’égalité des citoyens ultramarins. Nous devons donc suspendre la question de la vérité et suivre ces récits, notamment ces récits à charge, non pas afin de les approuver ou les réprouver ni d’en attester la pertinence, mais plutôt afin d’en saisir les enjeux politiques tels que l’entend Hannah Arendt, à savoir les enjeux pour un monde où des hommes vivent ensemble, « […] pour un monde organisé de telle ou telle façon, sans lequel ceux qui se soucient et qui sont des politiques estimeraient que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue [14] ».

7À partir d’une enquête de terrain menée depuis trois ans, comprenant entretiens et observations, mais aussi à travers l’analyse des nombreux documents scientifiques et rapports gouvernementaux publiés sur ce sujet, nous proposons de saisir ces enjeux pour le monde en restituant les entrelacements de ces problèmes écologiques et sanitaires à leurs enjeux sociaux et politiques. Après avoir rappelé succinctement les conséquences écologiques et sanitaires de cette pollution, nous explorons la manière dont la mise en cause de services de l’État se recouvre d’un discours dénonçant une discrimination des outre-mer en revenant sur ces « lieux d’inégalité ». Cette restitution nous permettra alors de dégager la portée de tels questionnements d’ordre politique à partir de cette pollution aux Antilles.

Une pollution durable, généralisée et délétère

8La pollution au CLD des Antilles fut d’abord appréhendée à travers ses conséquences environnementales et sanitaires. L’utilisation officielle du CLD entre 1972 et 1993 engendra une pollution des écosystèmes de ces départements d’outremer français qui présente trois caractéristiques majeures. Premièrement, comme indiqué ci-dessus, elle est durable. Sa stabilité physicochimique lui conférant une forte rémanence, cette molécule peut rester dans les sols pendant plusieurs siècles. Environ 300 tonnes de substance active ont été utilisées entre 1972 et 1993 sur les 12 400 hectares et 6 570 hectares de bananeraies respectivement en Martinique et en Guadeloupe. Au total environ 20 000 hectares de terres arables [15], soit plus du quart de la surface agricole utile des deux îles, sont concernés. Aucune méthode de décontamination viable n’ayant été trouvée à ce jour, cette molécule risque de rester dans les sols pour de nombreuses générations.

9Deuxièmement, s’étendant à l’ensemble des écosystèmes de ces îles, cette pollution est généralisée. La totalité des sources d’eau de la Martinique et 80 % des sources d’eau de la Guadeloupe se trouvent dans des zones contaminées [16]. Une « présence stable [17] » de cette molécule est détectée dans les eaux de rivières, les captages et les forages. Les enquêtes RESO (Résidus organochlorés) menées en 2006 et 2007 en Martinique et en Guadeloupe, à partir d’échantillons prélevés dans les points de vente et dans les jardins familiaux, révèlent que cette molécule se retrouve également dans les denrées alimentaires tant végétales qu’animales. En Martinique et en Guadeloupe, le CLD a été retrouvé à fréquence moyenne de 11 % dans les aliments. Cela signifie que parmi l’ensemble des aliments constituant le régime jugé représentatif de l’alimentation des habitants de ces deux îles, un aliment sur dix était contaminé au moment de ces enquêtes. Ce taux varie selon les aliments. Le CLD était particulièrement présent dans les légumes racines (18,4 %) comprenant les dachines, les carottes, l’igname, la patate douce, le chou caraïbe et les cucurbitacées (entre 11 et 16 %) [18], comprenant le concombre et le giraumon, mais on l’a retrouvé aussi dans des fruits et légumes aériens tels que l’avocat et le corossol. Cette molécule a été détectée dans les produits de la mer et d’eau douce, poissons et crustacés, dans les viandes, particulièrement les bovins, ainsi que dans les œufs et produits laitiers [19]. Outre les sols, les sources d’eau, les denrées alimentaires végétales et animales cette molécule se retrouve également dans les corps des hommes et des femmes habitant les Antilles. L’étude Hibiscus visant à estimer l’imprégnation d’une population de femmes enceintes a révélé la présence de chlordécone dans le sang de 90 % des femmes enquêtées et la présence dans le lait maternel soixante-douze heures après accouchement pour 40 % d’entre elles [20]. L’utilisation de cette molécule a donc entraîné une contamination généralisée touchant au milieu physique, biologique et organique de ces îles.

10Troisièmement, de récentes études montrent que cette molécule a des effets néfastes sur la santé, tant par rapport à l’exposition aiguë qu’à l’exposition chronique. Les conséquences sanitaires dues à une exposition aiguë au chlordécone ont été révélées en 1975 lors d’une défaillance technique d’une usine de fabrication du Kepone® à Hopewell dans l’État américain de Virginie. Outre une pollution de la rivière avoisinante, la James River, la fuite de Képone® dans l’usine sous la forme d’une poudre blanche provoqua chez les travailleurs des effets connus sous le nom de « syndrome du Képone® ». Ces travailleurs eurent d’une part des atteintes neurologiques comprenant des tremblements des membres, une incoordination motrice, des troubles de l’humeur et de la mémoire récente ainsi que des mouvements anarchiques des globes oculaires, et d’autre part des atteintes testiculaires avec une modification de certaines caractéristiques spermatiques [21].

11L’exposition chronique correspondant à la situation des Antilles fait l’objet de plusieurs études qui montrent des effets néfastes sur la santé. L’étude Timoun (« enfant » en créole) a montré en 2012 que « l’exposition chronique, prénatale et postnatale au CLD – même à petites doses – est associée à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur pendant la petite enfance [22] ». Cette étude a également démontré en 2014 que l’exposition au chlordécone « diminue la période de gestation et augmente le risque de naissance prématurée [23] ». Une étude de l’Association martiniquaise pour la recherche épidémiologique sur le cancer (AMREC) montre que des liens associatifs sont suspectés entre l’exposition professionnelle au CLD et la survenue du myélome multiple [24]. Enfin, l’étude Karuprostate a montré que l’exposition au CLD augmente le risque de cancer de la prostate [25].

12En plus des conséquences sanitaires et écologiques, nous devons rappeler que cette contamination comporte également des conséquences sociales et économiques. En effet, à la suite de la redécouverte de cette contamination à la fin des années 1990, un ensemble de mesures furent prises par les pouvoir publics et l’État afin de réduire l’exposition des populations à cette molécule. De nombreux agriculteurs et pisciculteurs durent changer leurs productions et parfois mettre un terme à leurs activités agricoles. De même, les interdictions de pêche sur des zones du littoral entraînèrent la fin d’activité pour certains pêcheurs en Guadeloupe et en Martinique. Cette situation engendra en Martinique un blocage du port de Fort-de-France par des pêcheurs en décembre 2012 afin d’obtenir une aide d’extrême urgence.

De la mise en cause de la responsabilité de l’État…

13Les conséquences écologiques, économiques et sanitaires de cette pollution donnent lieu à un certain nombre de critiques des services de l’État et d’actions en justice. Au cours de notre enquête nous avons relevé trois points particuliers alimentant ces critiques : l’autorisation de l’utilisation du chlordécone en France et aux Antilles, le délai à la prise en charge de cette pollution avec des mesures de prévention sanitaires et la gestion de cette pollution à partir des limites maximales de résidus (LMR).

14Premièrement, l’autorisation de cette molécule en France suscite de nombreuses critiques des services de l’État. En effet, le CLD fait l’objet d’une autorisation provisoire en 1972 alors que sa toxicité est déjà connue depuis 1968. Depuis la loi du 2 novembre 1943 tout produit antiparasitaire à usage agricole doit faire l’objet d’une homologation [26]. La commission des Toxiques est alors chargée d’évaluer la toxicité de ces produits. Puis, le Comité d’homologation des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés propose un avis au ministre de l’Agriculture qui décide de l’homologation [27]. Par deux fois cette commission refusa l’homologation du CLD. En 1968, l’homologation est refusée à cause de pièces manquantes au dossier. Elle est refusée une seconde fois en 1969 à cause de la « toxicité à court et à long terme qui fait apparaître des effets cumulatifs nets [28] » et du fait que cette molécule soit un « organochloré persistant et toxique », présentant des « risques de contamination du milieu environnant [29] ». En dépit de cette toxicité et à la suite d’une nouvelle demande par la Seppic (Société d’exploitation pour les produits de l’industrie chimique) trois ans plus tard, une autorisation provisoire est délivrée par le ministre de l’Agriculture et le Képone®, la formulation commerciale du CLD à base de 5 %, est commercialisé dès février 1972.

15Cette première autorisation provisoire du CLD en France est prolongée par le comité d’homologation le 2 avril 1976, soit un peu moins d’un an après l’incident de l’usine de Hopewell. La fabrication américaine étant arrêtée à la suite de cet incident, les stocks de Képone® diminuent. Au début des années 1980, à la suite de deux cyclones, les agriculteurs antillais font face à une recrudescence du charançon dans les bananeraies sans pour autant avoir accès à des pesticides efficaces. En 1981, une entreprise antillaise rachète à la Seppic le brevet de la substance active de chlordécone afin de fabriquer un pesticide à base de 5 % de CLD, le Curlone®. Alors que les États-Unis ont définitivement interdit cette production sur leur sol, alors que l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer classe le CLD comme cancérigène potentiel dès 1979, les services du ministère de l’Agriculture accordent en 1981, non pas une autorisation provisoire de vente mais une homologation pour le Curlone®.

16Ces diverses autorisations font l’objet d’une première critique de la part de la société civile. Outre les publications critiquant ce « scandale » [30], des associations écologistes engagent des actions en justice. En Guadeloupe, dès 2006, les associations SOS environnement Guadeloupe, Union régionale des consommateurs, Agriculture-santé-société-environnement et le syndicat Union des producteurs agricoles de la Guadeloupe déposent plainte contre X « afin que les responsables de la pollution au chlordécone qui affecte les sols de Guadeloupe et la chaîne alimentaire soient identifiés et sanctionnés [31] ». Le 13 mars 2007, un collectif chlordécone se constitue, comprenant trois partis politiques, quatre syndicats et onze associations menant les mois suivants des manifestations et des actions de sensibilisation. En Martinique, les associations Assaupamar et Écologie Urbaine déposent plainte contre l’État pour empoisonnement en 2007.

17Le médecin généraliste Dominique Denivet exerçant en Guadeloupe a dû arrêter sa pratique en 2006 à cause de graves problèmes de santé comprenant notamment une suspicion de sclérose en plaque. Bien qu’habitant une zone peu contaminée par le CLD, l’approvisionnement de son réseau d’eau potable provient d’une source fortement contaminée. Attribuant ses problèmes de santé à une possible contamination aux pesticides, le docteur Denivet a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile pour « mise en danger de la vie d’autrui (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence [32] » au tribunal des grandes instances de Basse-Terre en août 2007.

18Deuxièmement, les critiques à l’encontre de l’État concernent le délai pris avant que les premières mesures de gestion de cette pollution et de prévention sanitaire soient mises en place. La contamination des sols et des milieux marins de ces deux îles est indiquée dans deux rapports scientifiques de chercheurs de l’INRA dès la fin des années 1970. En 1977, le chercheur J. Snegaroff atteste de la contamination des sols et de trois rivières de la région bananière de Guadeloupe par le CLD [33] (Grand Carbet, Rivière Bananier et Petit Carbet). En 1980, A. Kermarrec, un autre chercheur de l’INRA, met en évidence « un niveau de contamination moyen à fort par les pesticides organochlorés [comprenant le CLD] ainsi que les métaux lourds [34] ». Il montre que les sols, les eaux, le gibier, les poissons et les crustacés sont contaminés au CLD à des niveaux importants et rappelle qu’une étude a déjà montré l’imprégnation de la population par des organochlorés [35]. En conclusion de son rapport, Kermarrec appelle déjà les autorités sanitaires à s’intéresser à cette pollution et à approfondir ses conséquences pour la santé publique :

19

« Bien que la Santé soit au centre de toutes les mesures relatives à la “gestion” de l’environnement, les services de santé proprement dits sont souvent tenus à l’écart des principaux efforts en vue de contrôler la qualité de l’environnement [36]. »

20En dépit de ces alertes clairement formulées à la fin des années 1970, non seulement les services de l’État autorisent l’homologation du Curlone®, mais il faut attendre plus de vingt ans pour que de nouvelles analyses soient faites et que les premières mesures de prévention et de gestion de cette pollution par les pouvoirs publics soient mises en place en 1999. Suite au rapport Balland-Mestre-Fagot de 1998 [37], alertant sur les risques de l’utilisation de produits phytosanitaires et la nécessité de renforcer les moyens de contrôle de pollution aux pesticides aux Antilles françaises, des campagnes de contrôle de la DSDS (ancienne Agence régionale de santé) mettent au jour la pollution au CLD dans les terres et notamment dans les captages d’eaux destinées à la consommation en 2000. Cette redécouverte donne lieu à la fermeture et au traitement de certains captages d’eau ainsi qu’à la mise en place de plans locaux d’actions de contrôle des pollutions, le GREPP (Groupe régional d’étude des pollutions par les produits phytosanitaires) en Guadeloupe et le Grephy (Groupe régional phytosanitaire) en Martinique en 2001, par les préfectures respectives. Cependant ce n’est qu’à la suite de la « nationalisation de la crise [38] » et en particulier de l’alerte lancée par le cancérologue Dominique Belpomme en 2007 [39] que les pouvoirs publics réagissent de manière conséquente à ces pollutions et à leurs risques. L’État met en place un « plan d’action chlordécone » interministériel financé à hauteur de 33 millions d’euros de 2008 à 2010, prolongé par un second plan d’action chlordécone de 31 millions d’euros de 2011 à 2013. Il s’agit, entre autres, de « renforcer la connaissance des milieux ; diminuer l’exposition et mieux connaître les effets sur la santé ; assurer une alimentation saine et gérer les milieux contaminés [40] ».

21Ce délai engendre des critiques en Guadeloupe et en Martinique. Le 23 mars 2002 une association d’habitants nommée Comité de défense de l’eau en Guadeloupe dépose plainte contre X « pour mise en danger d’autrui, omission volontaire de prendre ou provoquer des mesures permettant de combattre un sinistre, pollution [41] ». Raphaël Confiant et Louis Boutrin, membres fondateurs de l’association Écologie Urbaine, dénoncent un « laisser-polluer de l’État » :

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« Durant notre enquête, il nous a semblé que l’État a été défaillant à un triple niveau. D’abord, au niveau du ministère de l’Agriculture qui délivre les autorisations de mise sur le marché de ces pesticides reconnus comme polluants organiques persistants. Celui des services des douanes qui ont autorisé l’introduction aux Antilles françaises de ces produits illicites. Enfin, et pas des moindres, au niveau de la DSDS (ex. DDASS) chargé du contrôle sanitaire de l’eau potable et des aliments dans les DOM [42] ».

23Le troisième point suscitant une mise en cause de l’État concerne l’application de limite maximale de résidus (LMR) dans l’eau et les denrées locales consommées. Dès la (re)découverte en 1999 de la présence de CLD dans les eaux de certains captages de la Martinique, la question de l’évaluation des risques sanitaires se pose. La méthode de la limite résiduelle est utilisée afin d’évaluer les risques encourus par la population. Cette méthode permet de déterminer des seuils en dessous desquels « aucun effet néfaste pour la santé ne doit être observé [43] ». En 2003, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), toujours à partir d’une revue de littérature des expériences menées sur les rats et du cas de la contamination des travailleurs de l’usine d’Hopewell, propose deux valeurs références toxicologiques : « 0,0005 mg/kg pour l’exposition répétée et 0,01mg/ kg pour l’exposition aiguë [44] ». Elle confirme ces valeurs en 2005. Cette évaluation des risques donne lieu à des arrêtés préfectoraux imposant le contrôle des terres cultivées [45], des programmes visant à limiter la consommation de certaines denrées [46] ainsi que l’interdiction de pêcher dans certaines zones [47]. Cette modalité de la gestion de cette pollution durable demeure néanmoins remise en cause par de nombreux membres d’association de médecins et d’associations écologistes. Tout d’abord, l’un des représentants de l’AMSES en Martinique (Association médicale pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé) atteste que le CLD s’accumule dans les graisses, et que l’exposition répétée indépendamment de la dose est néfaste sur la santé.

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« On considère que les petites doses répétitives sont aussi dangereuses [que les doses aiguës]. Elles ont un danger différent. Les aiguës ont une action dramatique mais les petites doses ont une action transgénérationnelle c’est-à-dire des mutations génétiques, […] avec des choses qui se transmettent dans les générations. Donc finalement c’est une bombe à retardement [48]. »

25Ces LMR sont aussi critiquées car elles ne prennent pas en compte l’effet cocktail, à savoir la conjugaison des effets de plusieurs molécules sur la santé publique [49]. En Guadeloupe, dès le 9 décembre 2005, la branche guadeloupéenne du parti écologiste CAP21 fondé par Corinne Lepage porte plainte au tribunal administratif contre l’arrêté préfectoral du 10 octobre 2005 autorisant la consommation de produits contaminés en dessous de certains seuils. Cette requête est rejetée au motif que CAP21, n’avait pas intérêt à agir. Benoît Chauvin, responsable outre-mer de CAP21, déclare que :

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« Cette décision, si juste soit-elle sur le plan juridique, n’a donc pas permis de débattre du fond du dossier, c’est-à-dire de l’autorisation donnée par l’État de commercialiser des produits contaminés et très probablement dangereux pour la population [50]. »

… à la discrimination des citoyens ultramarins : les lieux de l’inégalité

27Jusqu’à ce point, cette mise en cause d’une responsabilité de l’État pour cause de pollutions environnementales et de mise en danger de la santé publique se révèle similaire à certaines pollutions dans d’autres contrées du monde et ne montre rien de spécifique aux contextes historiques et politiques de Martinique et de Guadeloupe. Or, à côté des enjeux sanitaires et écologiques mis en avant par ces associations qui portent plainte, demeure un récit prégnant dans les populations locales voyant dans cette pollution la manifestation d’une discrimination des citoyens ultramarins découlant historiquement de leur passé colonial et esclavagiste.

28Ce récit d’une discrimination s’appuie généralement sur quatre points. En premier lieu le fait que le CLD, bien que faisant l’objet d’une autorisation d’utilisation sur le territoire national ne fut utilisé que sur les sols antillais – les seuls ayant des bananeraies –, contribue à susciter le sentiment qu’il y va d’un traitement différencié des populations ultramarines. Puis, la manière dont l’utilisation du chlordécone fut officiellement arrêtée alimente ce récit. Le 7 septembre 1989, lors d’un réexamen d’un ensemble de dossiers, la commission des Toxiques recommande l’interdiction de ce pesticide. L’autorisation de vente est retirée par la commission d’homologation en février 1990. Les producteurs locaux avancent l’argument qu’ils ne disposent pas alors de produits de substitution efficaces. Face à ces arguments, le ministère de l’Agriculture de l’époque précise que les producteurs disposent d’un an pour le retrait du produit et qu’un délai supplémentaire d’un an est toléré [51]. Le CLD est donc utilisé conformément au droit commun jusqu’en février 1992. Pourtant, le 6 mars 1992, une première dérogation d’un an est décidée par le sous-directeur de la protection des végétaux et autorisée par le ministre de l’Agriculture de l’époque. Puis, une seconde dérogation est décidée le 25 février 1993 de la même manière, par le sous-directeur de la protection des végétaux et autorisée par le ministre de l’Agriculture [52]. L’utilisation se poursuit officiellement jusqu’en septembre 1993. Ces dérogations à l’arrêt de l’utilisation du chlordécone allant par deux fois au-delà de la limite fixée par le droit, alimentent le sentiment d’une citoyenneté de seconde zone. La plainte déposée par l’Assaupamar en 2007 précise que,

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« […] rien ne pouvait justifier que les pouvoirs publics français autorisent comme ils l’ont fait la commercialisation et l’utilisation sur les sols martiniquais et guadeloupéens de ces produits toxiques dangereux interdits sur son territoire hexagonal [53]. »

30De même que les autorisations de 1972, 1976 et 1981, les dérogations de 1992 et 1993 supportent un récit dénonçant une inégalité d’application de la loi entre l’Hexagone et les outre-mer. Raphaël Confiant et Louis Boutrin affirment que : « [de] telles pratiques seraient tout à fait inadmissibles et inconcevables dans l’Hexagone, mais aux Antilles françaises, elles sont monnaie courante [54] ! ».

31Le troisième point concerne la découverte d’un lot de patates douces contaminées par le CLD sur le port de Dunkerque. Le 23 août 2002, une tonne et demie de patates douces en provenance de Martinique est contrôlée et saisie par la DGCCRF [55] à son arrivée au port de Dunkerque et détruite car elle est contaminée au CLD. Ces patates produites en Martinique et dont certaines sont déjà consommées dans l’île sont cependant détruites sur le sol hexagonal. Cet événement est interprété par de nombreuses associations rencontrées dans nos entretiens comme la preuve d’un souci plus important porté à la santé des citoyens vivant dans l’Hexagone, preuve d’une citoyenneté de seconde zone.

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« On nous explique clairement comment on a empoisonné une population. Et sciemment. C’est-à-dire que quand les patates douces arrivent en France. Faut pas qu’elles rentrent en France. C’est tout. Et il se passe rien en Martinique le même jour. Le jour où on détruit les patates douces en France, il ne se passe rien en Martinique … et ça vient de la Martinique. Il ne se passe rien, mais rien rien rien rien rien [56] ! »

33Des informations obtenues au cours de notre rencontre avec un responsable de l’ARS en Martinique nous précisent qu’en réalité ces patates douces avaient été contrôlées en Martinique mais que dans le délai nécessaire pour obtenir les résultats, les containers de patates douces étaient déjà partis et que certains furent d’ailleurs écoulés au marché de Rungis. Si ces informations bousculent l’interprétation de cet événement, la relative opacité des services de l’État concernant les pollutions au moment des faits contribue à attiser ces sentiments de discrimination.

34Enfin, le quatrième point a trait à l’édiction en France en 2008 de deux valeurs de LMR de CLD pour les denrées selon qu’elles sont susceptibles d’être produites en France hexagonale et dans le reste de l’Europe, ou en Guadeloupe et en Martinique. La normalisation des LMR françaises dans la législation européenne relative aux pesticides en 2008 entraîne l’alignement du CLD en tant que pesticides parmi d’autres pesticides en Europe [57]. Cette conformité entraîne la diminution de ce seuil donnant cependant deux valeurs. Les denrées produites aux Antilles susceptibles de contenir du CLD ont une valeur toxique de référence (VTR) de 20 μg/kg et celles produites en Europe de 10 μg/kg [58]. Cette différenciation est perçue par certains tels que Philippe Verdol, président de l’association écologiste guadeloupéenne EnVie-Santé, comme une nouvelle discrimination :

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« Les non-consommateurs de ces produits spécifiques bénéficient de dispositifs qui écartent de leurs marchés toutes denrées issues de l’agriculture tempérée et a priori susceptibles de présenter des traces de chlordécone. Les consommateurs de produits antillais (soit une minorité d’Européens vivant en Europe, une majorité d’Antillais vivant en Europe, et la quasi- totalité des Antillais vivant aux Antilles) peuvent quant à eux consommer des résidus de chlordécone pouvant aller jusqu’à 20 μg/kg [59] ».

36Dans une lettre ouverte, l’association EnVie-Santé publie ainsi « une plainte et demande de réparations » appelant la communauté internationale à agir non seulement face au « caractère discriminatoire » des LMR mais aussi face au « risque d’exposition au chlordécone des consommateurs vivant aux Antilles, en Europe ou hors d’Europe [60] ».

Égalité et justice : le vivre-ensemble en question

37En somme, les modalités de l’autorisation d’utilisation du CLD, les manières dont cette autorisation fut retirée ainsi que les stratégies de gestion de cette contamination généralisée alimentent aux Antilles le récit d’une discrimination des populations ultramarines. La présence de ce récit passant d’une mise en cause de la responsabilité de l’État à l’accusation d’une discrimination des citoyens ultramarins atteste de deux enjeux qui se nouent autour de ce que nous nommons une « citoyenneté postcoloniale ». D’un côté nous retrouvons une revendication de justice relative aux « possibles » manquements des services de l’État à la protection de ses citoyens. Cette revendication exige que les responsabilités soient clairement établies et reconnues [61]. D’un autre côté se déploie la critique de ce que l’inégalité écologique [62], dont font l’objet les populations antillaises, à savoir ici l’inégale exposition aux pesticides tels que le CLD du fait de la répartition géographique sur ces îles à bananes, serait le résultat d’une inégale considération des citoyens ultramarins comparativement aux citoyens vivant dans l’Hexagone. Dans ce sens, cette critique se révèle similaire aux revendications de justice environnementale aux États-Unis où des militants attestent d’une inégale exposition des minorités noires aux risques sanitaires associés aux sites de décharges toxiques [63].

38Si ces questions de pollution par les pesticides sont courantes dans le monde, et en cela non spécifiques à ces départements d’outre-mer, on ne peut saisir toute l’ampleur de cette crise, et encore moins les enjeux politiques des mobilisations de la société civile, sans penser leur imbrication au contexte historique et sociopolitique des Antilles. Il convient alors de remarquer que cette double revendication de justice et d’égalité, non seulement engage la question de la citoyenneté ultramarine, mais se retrouve également au cœur du projet politique de participation de ces anciennes colonies à l’ensemble républicain sous la forme de département d’outre-mer. En effet, la question de l’égalité des citoyens ultramarins et hexagonaux constitue l’essence du projet de départementalisation de ces anciennes colonies porté entre autres par feu Aimé Césaire [64]. Cette égalité des droits et cette isonomie des lois constituent la promesse à caractère constitutionnel de la participation de ces anciennes colonies à la République française.

39C’est donc bien dans le sillon de cette interrogation sur cette citoyenneté littéralement postcoloniale, à savoir une citoyenneté après le régime de la colonie, que s’insèrent les critiques émises depuis cette pollution au CLD. Les critiques à l’égard de l’État français et les accusations de discrimination s’appuyant sur ces lieux de l’inégalité que nous avons restitués ici, font part avant tout d’une désillusion au regard de cette citoyenneté française face à une « amère patrie [65] ». La filiation explicite des associations écologistes locales qui ont porté plainte aux premiers mouvements indépendantistes et patriotiques dans les années 1970 a pour fil conducteur cette même désillusion et une résultante méfiance vis-à-vis de certains services de l’État. Animées par cette méfiance, ces associations écologistes exigèrent des services de l’État un état des lieux de la pollution des eaux à la fin des années 1990 et ainsi déclenchèrent l’enchaînement des actions donnant lieu à la constitution de la crise du CLD. La particularité de ces scènes conflictuelles dans l’histoire politique des Antilles réside en ce qu’à la suite des revendications d’égalité politique et d’égalité sociale, elles font émerger une nouvelle forme de vérification de l’égalité d’ordre écologique faisant écho à l’article premier de la Charte de l’environnement de 2004 stipulant que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé [66] ».

40Face à ces critiques de discrimination et ces sentiments de désillusion, les rapports officiels de l’État font montre d’un certain malaise. Dans ces rapports, d’un côté la question de l’égalité ultramarine est évacuée en restreignant la compréhension de cette pollution à ses dimensions techniques et scientifiques et de l’autre autre, l’État est subrepticement dédouané de responsabilités. Il n’en demeure pas moins que le récit officiel de l’État engage tout autant la question de l’égalité et de la citoyenneté ultramarine. Cet engagement est manifeste dans le rapport de la mission d’information « relative au chlordécone et autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne » créée par l’Assemblée nationale en 2004. Dès la première page d’adresse du rapport de cette mission d’information, avant toute information sur le chlordécone ou l’agriculture dans ces départements d’outremer, le rapporteur Joël Beaugendre, ancien député guadeloupéen, annonce l’intention de la mission de couper court à la critique d’une discrimination :

41

« Cette décision [de création de la mission d’information] appelle deux commentaires. Le premier commentaire concerne la place qu’occupe l’outremer dans les débats de notre Assemblée ; bien souvent les populations ultramarines ont le sentiment d’une méconnaissance des spécificités de ces territoires, doublée d’un relatif désintérêt dans la manière dont les choix qui les concernent sont arrêtés. Une telle affirmation n’a pas sa place[67] ».

42Ce commentaire de la mission d’information s’avère paradoxal dans la mesure où, refusant d’accorder une « place » à cette question politique de l’égalité des citoyens des outre-mer et de ceux de l’Hexagone, le rapporteur en fait son premier commentaire. Son premier geste discursif consiste à aborder la question que la mission prétend ne pas aborder, bref à accorder à cette question de l’égalité la première place dans l’information sur « le chlordécone et les autres pesticides en Martinique et Guadeloupe ».

43Un même engagement implicite de la question de l’égalité se retrouve dans un rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques publié en 2009 avec pour titre « Rapport sur les impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution ». Rédigé par le député Jean-Yves Le Déaut et la sénatrice Catherine Procaccia, ce rapport devait s’assurer que « tous les aspects scientifiques du problème ont été bien éclairés [68] ». Or, pour les rapporteurs, la nature de la question est claire comme ils le précisent en introduction : « Après plus de 200 heures d’auditions, nous avons acquis la conviction qu’il s’agit d’un accident environnemental […] [69] ».

44Dans le prolongement de cet accident, la responsabilité de l’État est écartée par un ensemble de faits techniques ayant trait tant à la particularité de la molécule du chlordécone qu’à la particularité des sols antillais qui accrochent cette molécule [70].

45À l’instar des récits des associations écologistes locales, le simple fait que ces deux rapports gouvernementaux rédigés à cinq ans d’intervalle éprouvent la nécessité dans leurs introductions respectives de préciser la nature « non politique » de cette question, de rappeler qu’il s’agit d’un « accident environnemental » et de cantonner celle-ci à des explicitations technicistes et scientifiques révèle au fond l’enjeu proprement politique de cette pollution : l’égalité des citoyens ultramarins. Si ces réponses participent selon Mathieu Fintz d’une stratégie de sauvegarde de « l’honneur de l’État [71] », il faut préciser que ce n’est que parce que cette promesse d’égalité citoyenne se retrouve questionnée dans cette affaire que l’honneur de l’État est engagé.

46Outre les critiques envers les services de l’État, notons que cette pollution ravive également des fractures constitutives de l’expérience postesclavagiste de ces sociétés. Ces fractures se révèlent dans la manière dont les intérêts économiques en jeu dans l’autorisation du CLD sont traduits dans ces critiques. Rappelons que depuis la crise de l’industrie sucrière antillaise de l’après Seconde Guerre mondiale, la banane devint dès 1960 en Martinique et en Guadeloupe le premier produit agricole d’exportation, occupant ainsi une place prépondérante dans l’économie locale. Le CLD ayant été présenté par le lobby agricole à la commission des Toxiques comme le seul moyen de préserver cette filière et les emplois générés, la rationalité économique fut dominante dans ces décisions d’autorisation du produit. Le rapport de l’office parlementaire précise qu’avant 2001, la législation nationale ne séparait pas clairement les représentants des industriels et les experts chargés de donner un avis sur l’autorisation du produit, laissant place alors à des biais en faveur des intérêts économiques [72]. À l’image de la citation liminaire de Garcin Malsa [73], la critique de la part jouée par le lobby agricole dans l’autorisation d’utilisation du CLD et du privilège accordé aux intérêts économiques au détriment des inquiétudes sanitaires et écologiques est alors traduite en termes d’opposition entre différentes affiliations communautaires. La production de bananes aux Antilles et son lobby étant perçus par certains groupes écologistes comme détenus par des familles appartenant à un groupe socio-ethnique de la population antillaise se revendiquant descendant de colons, couramment appelés « Békés », « Blancs-Créoles » ou « Blanc-pays », la critique de cette rationalité économique s’oriente alors vers la critique de la position perçue comme privilégiée de ce groupe : « Ce ne sont pas les bananes de la République qui sont défendues, affirment Confiant et Boutrin, mais bien les intérêts des Békés en République bananière [74] ».

47De manière similaire aux critiques restituées en amont et indépendamment de leur véracité, voire de leurs penchants idéologiques, ces assertions révèlent avant tout que cette affaire du CLD engage la question du vivre-ensemble. Il en résulte une situation où, bien que l’un des enjeux importants de cette pollution, celui de l’égalité et du vivre-ensemble, soit reconnu explicitement ou implicitement, les scènes et instances où cet enjeu peut être discuté demeurent quasi inexistantes. La portée polémique de ces diverses critiques exigerait de s’en éloigner le plus possible. « Ça, c’est la blessure qui ne cicatrisera jamais … [75] », telle fut la réponse d’un agent de l’État ayant participé aux actions gouvernementales relatives au CLD lorsque mention fut faite de ces critiques au cours de notre entretien. Que cette « blessure » évoquée faisant référence au passé colonial de ces sociétés soit aussi en jeu dans cette affaire témoigne de la difficulté propre à ces sociétés à faire monde au sortir de la colonisation. Si la réponse étatique a consisté à mettre en place des moyens importants par les plans CLD, afin de gérer cette pollution avec bien des difficultés et afin de communiquer sur cette affaire, cette communication ne peut se substituer à des scènes de dialogue qui attestent a minima de ce que Mark Osiel nomme une « solidarité discursive [76] ». Dans de telles scènes, des acteurs de tout bord discutent de la question de l’égalité, des manières de vivre-ensemble et ainsi participent à l’érection d’un monde commun. Un monde commun qui met en scène à la fois ces sociétés postcoloniales prises dans leur ensemble, dans leurs rapports à l’État français, et à la fois des groupes au sein de ces sociétés qui, entre autres, se revendiquent descendants des premiers colons français ayant pris part à l’esclavage et d’autres se revendiquant descendants d’esclaves. C’est bien dans la perspective d’un vivre-ensemble au sein d’un monde commun que les procédures de justice engagées prennent toute leur importance. Elles peuvent incarner ces scènes où les désillusions, les critiques, les opinions se déversent. Des scènes que les acteurs, malgré leurs divergences d’opinion, sont bien obligés de reconnaître comme communes. Ce sont donc sur ces mêmes scènes qu’un monde commun est instauré et que des promesses de vivre ensemble, comme celle de la départementalisation de 1946, peuvent être faites et réitérées. Des promesses qui permettent, face à l’incertitude des affaires humaines, de se ménager, reprenant les mots d’Hannah Arendt, « certains îlots de prévisibilité » et d’y planter « quelques jalons de sûreté [77] ».

Conclusion

48En conclusion, la restitution dans cet article de ces « lieux de l’inégalité » et de ces revendications de justice et d’égalité montre que, par-delà les enjeux sanitaires et environnementaux, cette pollution au CLD renouvelle une interrogation dans ces sociétés postcoloniales et postesclavagistes sur un vivre-ensemble, sur ces « relations des hommes entre eux ». Dégonder les débats sur ces pollutions de leurs explicitations scientifiques et technicistes permet de saisir l’importance de certains enjeux politiques, et en particulier celui des revendications d’égalité des populations ultramarines face à l’État. Un tel effort entend montrer ici que cette pollution environnementale demeure aussi un lieu où le vivre-ensemble peut être discuté, où l’institution d’un monde commun se crée, tenant compte des spécificités historiques de ces départements. C’est là l’alternative que nous avons voulu pointer face à laquelle l’État, les pouvoirs publics et la société civile sont confrontés. Ou bien l’environnement ne sera perçu que dans ses aspects scientifiques et technicistes, se réduisant à la seule fonction de ressource alimentant les économies locales et dont le management s’avère nécessaire afin de réduire les risques sur la santé publique. Ce qui est le cas actuellement. Ou bien, cette pollution environnementale sera saisie dans toute l’ampleur des enjeux sociaux et politiques restitués ici, afin que leur discussion participe à la construction d’un monde commun.

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  • Verdol P. (2014), Du chlordécone comme arme chimique française en Guadeloupe et en Martinique et de ses effets en Europe et dans le monde, plainte et demande de réparations, Paris, l’Harmattan.
  • William J. et al. (2012), Mobilisations sociales aux Antilles, les événements de 2009 dans tous leurs sens, Paris, Karthala.

Date de mise en ligne : 24/04/2015

https://doi.org/10.3917/rfas.151.0163

Notes

  • [1]
    Voir William J.-C., Reno F. et Alvarez F. (2012), Mobilisations sociales aux Antilles, les événements de 2009 dans tous leurs sens, Paris, Karthala.
  • [2]
    En 1979, le Centre international de recherche sur le cancer, classe le CLD dans le groupe 2B indiquant qu’il est un cancérigène probable pour l’homme.
  • [3]
    Cabidoche Y.-M. et al. (2009), « Long-term Pollution by Chlordecone of Tropical Volcanic Soils in the French West Indies : A Simple Leaching Model Accounts for Current Residue », Environmental Pollution, vol. 157, juin, p. 1697-1705.
  • [4]
    Borraz O. (2008), Les politiques du risque, Paris, Presses de Sciences Po.
  • [5]
    Jouzel J.-N. et Prete G. (2013), « De l’intoxication à l’indignation. Le long parcours d’une victime des pesticides », Terrains & travaux, n° 22, p. 59-76.
  • [6]
    Torny D. (2009), « De la découverte de la pollution à la construction de la crise sanitaire », Impacts sanitaires de l’utilisation de la chlordécone aux Antilles françaises, recommandations pour les recherches et actions de santé publique, INSERM et INVS, octobre.
  • [7]
    Fintz M. (2009), Éléments historiques sur l’arrivée du chlordécone en France entre 1968 et 1981, Paris, AFSSET.
  • [8]
    Joly P.-B. (2010), La saga du chlordécone aux Antilles françaises. Reconstruction chronologique 1968-2008, INRA, sciences en société, [en ligne]. http://www.observatoire-eau-martinique.fr/les-outils/base-documentaire/la-saga-du-chlordecone-aux-antilles-francaises
  • [9]
    Le Déaut J. et Procaccia C. (2009), Rapport sur les impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
  • [10]
    Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine.
  • [11]
    Malsa G., « Mourir pour la Terre », Blog officiel de Garcin Malsa, 17 octobre 2010 [en ligne]. http://www.garcinmalsa.com/2010_10_01_archive.html (consulté le 10 août 2014).
  • [12]
    Fintz M. (2011), « De quelles crises chlordécone est-il le nom ? », communication au congrès de l’Association française de science politique, Strasbourg [en ligne]. http://www.afsp.info/congres2011/sectionsthematiques/st23/st23fintz.pdf.
  • [13]
    Joly P.-B., op. cit., p. 6.
  • [14]
    Arendt H. (1995), Qu’est-ce que la politique, Paris, Seuil, p. 44.
  • [15]
    Plan d’action contre la pollution par la chlordécone en Guadeloupe et en Martinique 2011-2013, présenté au Conseil des ministres et adopté par le gouvernement français le 9 mars 2011, p. 3.
  • [16]
    Beaugendre J., Rapport d’information sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne, Assemblée nationale, commission des Affaires économiques, de l’Environnement et du Territoire présenté le 30 juin 2005, p. 45.
  • [17]
    Ibid., p. 47.
  • [18]
    AFSSA (2007), Actualisation de l’exposition alimentaire au chlordécone de la population antillaise, évaluation de l’impact de mesures de maîtrises des risques. Document technique AQR/FH/2007-219, septembre, p. 16
  • [19]
    Ibid., p. 67-68.
  • [20]
    Observatoire des résidus de pesticides, « Les imprégnations, Étude Hibiscus » [en ligne]. http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/index.php?pageid=548&ongletlstid=176? (consulté le 21 février 2014).
  • [21]
    Environmental Protection Agency (EPA) (2009), Toxicological review of Chlordecone (Kepone). In Support of Summary on the Integrated Risk Information System (IRIS), Washington DC, p. 102-103.
  • [22]
    Kadhel P. et al. (2012), « Cognitive, Visual, and Motor Development of 7-month-old Guadeloupean Infants Exposed to Chlordecone », Environmental Research, 118, p. 79-85, published by Elsevier, Inc, october.
  • [23]
    Kadhel P. et al. (2014), « Chlordecone Exposure, Length of Gestation, and Risk of Preterm Birth », American Journal of Epidemiology, published by Oxford University Press on behalf of the Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health January 8.
  • [24]
    Blateau A. et al. (2011), « Étude de la répartition spatiale des cancers possiblement lies à la pollution des sols par les pesticides organochlorés en Martinique », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, «  Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires », InVs n° 3-4-5, p. 37-40.
  • [25]
    Multigner L. et al. (2010), « Chlordecone Exposure and Risk of Prostate Cancer », Journal of Clinical Oncology, published online by American society of clinical oncology, juin.
  • [26]
    Loi du 2 novembre 1943 relative à l’organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole.
  • [27]
    Beaugendre, 2005, op. cit., p. 16-19.
  • [28]
    Compte rendu de la commission des Toxiques du 29/11/1969 cité par Joly, 2010, p. 16.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    Nicolino F. et Veillerette F. (2007), Pesticides, révélations sur un scandale français, Paris, Fayard, p. 79-94 ; Boutrin L. et Confiant R. (2007), Chronique d’un empoisonnement annoncé : le scandale du chlordécone aux Antilles françaises 1972-2002, Paris, L’Harmattan, (ci-après désigné par « Boutrin et Confiant, 2007 »).
  • [31]
    Durimel H., « Bilan sur la mobilisation au chlordécone », http://www.potomitan.info/gwadloup/chlordecone.php, dernière mise à jour 8 août 2013.
  • [32]
    Verdol P. (2009), L’île-monde dans l’œil des pesticides, Matoury, Ibis rouge, p. 115.
  • [33]
    Snégaroff J. (1977), « Résidus d’insecticides organochloré dans la région bananière de Guadeloupe », Phytiatrie-phytopharmacie, 26, p. 251-268.
  • [34]
    Kermarrec A. (1980), Niveau actuel de la contamination des chaînes biologiques en Guadeloupe : pesticides et métaux lourds, Petit-Bourg (Guadeloupe), INRA, p. 149.
  • [35]
    Martin, M. (1973), Les pesticides organochloré : recherche de résidus dans le tissu adipeux humain et animal en Martinique, thèse de doctorat de médecine.
  • [36]
    Kermarrec A., op. cit. p. 150.
  • [37]
    Balland P., Mestre R. et Fagot M. (1988), Rapport sur l’évaluation des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires en Guadeloupe et en Martinique, ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement – ministère de l’Agriculture et de la Pêche, affaire n° 1998-0054-01, Paris.
  • [38]
    Torny D., op. cit.
  • [39]
    Belpomme D. et. al., Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points, Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse, 23 juin 2007.
  • [40]
    Direction générale de la santé, Plan d’action chlordécone 2011-2013, 9 mars 2011.
  • [41]
    Cité dans Verdol P., L’île-monde dans l’œil des pesticides …, op. cit., p. 107.
  • [42]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 171.
  • [43]
    Godard E. et Bellec S. (2002), Contamination par les produits phytosanitaires organochlorés en Martinique, Caractérisation de l’exposition des populations, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Direction de la santé et du développement social (DSDS) de la Martinique, p.15.
  • [44]
    Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l’évaluation des risques liés à la consommation de denrées alimentaires contaminées par la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, 10 décembre 2003.
  • [45]
    Arrêté préfectoral du 20 mars 2003 en Martinique, arrêté préfectoral du 20 octobre 2003 en Guadeloupe.
  • [46]
  • [47]
    Arrêtés préfectoraux du 6 mars 2008, du 23 juin 2010, du 26 juin 2013 et du 28 février 2014 en Guadeloupe et arrêtés préfectoraux du 25 septembre 2009, du 7 octobre 2010 et du 30 novembre 2012 en Martinique.
  • [48]
    Entretien avec madame D., membre de l’AMSES, avril 2014, Paris.
  • [49]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 153 : « Car, comment peut-on évaluer ainsi des seuils de toxicité … sans risques pour la santé humaine, pour un seul pesticide, sans tenir compte de ses effets combinés avec les autres pesticides organochlorés ? ».
  • [50]
    Chauvin B., « Chlordécone : le Conseil d’État rejette la requête de Cap21 pour absence d’intérêt à agir », communiqué de presse de Cap21 Outre-mer, le 6 septembre 2007 [en ligne]. http://www.benoitchauvin.com/chlordeconeleconseild%C2%92Étatrejettelarequetedecap21pourabsenced%C2%92interetaagir/
  • [51]
    Beaugendre, 2005, p. 24 : « Lorsqu’une spécialité est l’objet d’un retrait d’homologation, la vente, la mise en vente ainsi que toute distribution à titre gratuit par le demandeur responsable de la mise sur le marché français doivent cesser un an après la notification de ce retrait ».
  • [52]
    Beaugendre, 2005, p. 25.
  • [53]
    Plainte pour crime d’empoisonnement déposé par l’Assaupamar en 2007.
  • [54]
    Boutrin et Confiant, 2007, p. 20.
  • [55]
    Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
  • [56]
    Entretien avec un membre de l’association « Non au CLD », septembre 2014, Fort-de-France, Martinique.
  • [57]
    Godard É. et Guldiner L. (2011), « Évaluation et gestion du risque alimentaire associé au chlordécone », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, « Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires », n° 3-4-5, InVs, p. 34-36.
  • [58]
    Torny D. (2010), « Gérer une pollution durable, le cas du chlordécone aux Antilles françaises », Courrier de l’environnement de l’INRA, n° 59, octobre.
  • [59]
    Verdol P. (2014), Du chlordécone comme arme chimique française en Guadeloupe et en Martinique et de ses effets en Europe et dans le monde, plainte et demande de réparations, Paris, l’Harmattan, p. 69.
  • [60]
    Verdol J. et P., « Lettre ouverte », in Verdol, P., Du chlordécone …op. cit., p. 14.
  • [61]
    Boutrin L. et Confiant R. (2007), Chlordécone, 12 mesures pour sortir de la crise, Paris, l’Harmattan, p. 41 : « Les responsables des atteintes graves à notre environnement doivent être désignés et les coupables poursuivis ».
  • [62]
    Emelianoff C. (2008), « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel », in Deléage J.-P. (dir.), Écologie et politique, n° 35, « Des inégalités écologiques parmi les hommes », La Ferté St. Aubin, Syllepse, p. 19-31.
  • [63]
    Cf. Bullard R. (1990), Dumping in Dixie : Race, class, and environmental quality, Boulder, Westview Press.
  • [64]
    Loi n° 46-451 du 19 mars 1946.
  • [65]
    Dumont J. (2010), L’amère patrie : histoire des Antilles françaises au xxe siècle, Paris, Fayard.
  • [66]
    Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
  • [67]
    Beaugendre, 2005, p. 9, nous soulignons.
  • [68]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 9.
  • [69]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 11, nous soulignons.
  • [70]
    Le Déaut et Procaccia, 2009, p. 22.
  • [71]
    Fintz M., « De quelles crises chlordécone est-il le nom ? » …, op. cit., p. 11.
  • [72]
    Le Déaut et Procaccia, p. 17.
  • [73]
    Malsa G., op. cit.
  • [74]
    Boutrin et Confiant, 2007, p.20.
  • [75]
    Entretien avec monsieur D., Fort-de-France, Martinique, septembre 2014.
  • [76]
    Osiel M. (2006), Juger les crimes de masse : la mémoire collective et le droit, Paris, Seuil, p. 69-98.
  • [77]
    Arendt H. (2002), Condition de l’Homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, p. 311.

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