Notes
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[1]
Sociologue, postdoctorante au Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (Giscop93), université Paris 13.
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[2]
Les éléments présentés ici sont issus d’une recherche réalisée en 2005-2006 à la suite de l’appel à projets « Santé et Travail », lancé conjointement par la Mission Recherche de la Drees, la Dares et la Mission Recherche de La Poste (Daubas-Letourneux, 2006).
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[3]
Laboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie en santé au travail (LEEST).
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[4]
Cette deuxième voie d’indemnisation découle de la loi de janvier 1993, qui instaura le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles dont une modalité du tableau n’est pas remplie ou en cas d’absence de tableau. Il appartient alors à la victime d’apporter la preuve du lien travail-maladie (alinéa 4) (Code de la Sécurité sociale: articles L. 461-1 et suiv.).
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[5]
En 1956, l’article 74 de la loi du 30 octobre 1946 devient l’article L. 500 du livre IV du Code de la Sécurité sociale.
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[6]
Par la loi n° 76-1106 du 6 décembre 1976.
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[7]
Entretien du 5 novembre 2004.
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[8]
Les régions qui composent ce groupe sont l’Aquitaine, la Bretagne, le Centre, la Franche-Comté, le Nord-Pas-de-Calais, la Basse-Normandie, Rhône-Alpes et les Pays de Loire.
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[9]
Les champs à renseigner sont: manifestations pathologiques (deux possibles); agent(s) (physique, chimique, infectieux) et/ou processus de travail (ambiance, attitude, etc.) susceptibles d’être mis en cause (le médecin peut en citer trois au maximum, à hiérarchiser par ordre décroissant d’importance); salarié (sept premiers chiffres du numéro de Sécurité sociale); profession, raison sociale et adresse de l’établissement (information souhaitable); médecin déclarant (nom, type de médecin); date, signature.
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[10]
Des travaux sociologiques menés auprès de salariés victimes de maladies professionnelles ou d’accidents du travail ont montré qu’il importait d’aller au-delà du « refus » exprimé par le salarié pour questionner les rapports sociaux qui se jouent autour de la déclaration puis de la reconnaissance de la maladie ou de l’accident dans l’entreprise et sur le marché de l’emploi (Thébaud-Mony A., 1991; Daubas-Letourneux V., 2005).
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[11]
À ce jour, sept régions participent au « programme de surveillance des MCP » de l’InVS: Pays de la Loire, Midi-Pyrénées, PACA, Poitou-Charentes, Franche-Comté, Alsace et Aquitaine. La participation des régions Centre et Nord-Pas-de-Calais est programmée (Chiron, Touranchet, Valenty, 2008).
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[12]
Les médecins du travail sont invités à participer à de nombreux autres dispositifs d’enquête ou de veille, comme (dans les Pays de la Loire) l’enquête Sumer, le dispositif Samotrace (santé mentale), le réseau sentinelle des TMS, l’enquête sur les inaptitudes.
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[13]
Seuls les salariés soumis à la surveillance médicale renforcée (SMR) restent soumis à la visite annuelle. La SMR recouvre deux sortes de situations: les salariés peuvent y être soumis en raison des travaux qu’ils exécutent, présentant des exigences ou des risques particuliers; les salariés sont suivis en raison de leur situation personnelle: avoir changé d’activité depuis moins de 18 mois, être entré en France depuis moins de 18 mois, être travailleur handicapé, être une femme enceinte, ou ayant accouché depuis moins de six mois ou encore en période d’allaitement, salariés de moins de 18 ans. (Article R. 241-50 du Code du travail).
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[14]
Éditorial du professeur Gilles Brücker, directeur général de l’InVS, site internet de l’InVS (www. invs. sante. fr).
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[15]
La DRTEFP des Pays de la Loire vient d’éditer, en mars 2008, une brochure Études et dossiers sur les MCP signalées lors des deux Quinzaines MCP de 2006 (Chiron, Touranchet, Valenty, 2008), dans laquelle est inséré un feuillet sur les signalements « hors Quinzaines » (Chiron, Touranchet, 2008). Il est notamment constaté une « nette diminution des signalements hors Quinzaines », qui, selon les auteures, « pose question ».
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[16]
Dans l’enquête qualitative longitudinale que nous avons réalisée auprès de salariés victimes d’accidents du travail, nous avons pu constater la quasi-absence de la médecine du travail concernant la « mise en mots » des atteintes à la santé occasionnées par les conditions de travail ou perdurant après un accident du travail. (Daubas-Letourneux, 2005).
1Les liens entre la santé et le travail peuvent être appréhendés sous deux angles différents lorsque l’on s’interroge sur la connaissance produite. D’un côté, la « santé au travail » renvoie à la sphère du travail et de l’emploi, et aux rapports sociaux qui s’y tissent autour de l’enjeu de la construction et de la préservation de la santé des travailleurs. Les connaissances accumulées sur ce versant sont importantes, et régulièrement alimentées par des enquêtes qualitatives et quantitatives. Les enquêtes « Conditions de travail » réalisées en France (Dares) et dans l’Union européenne (Fondation de Dublin) mettent ainsi à jour trois éléments particulièrement en jeu dans la difficulté, pour les travailleurs, de préserver leur santé au travail: une intensification du travail, observée depuis le milieu des années 1980, qui s’est accentuée au fil des années 1990 et s’est maintenue à un niveau élevé dans les années 2000, touchant plus particulièrement dans sa forme délétère le groupe des ouvriers (Quéruel, 2007); le développement de la flexibilité, qui a conduit, en externe, à un recours de plus en plus organisé à la sous-traitance et au travail temporaire, avec pour effet une tendance à l’externalisation des risques; enfin, largement liée aux précédentes, la précarisation croissante de l’emploi, engendrée par une augmentation continue de la part des contrats à durée déterminée, de l’intérim et du temps partiel subi, les jeunes travailleurs et les femmes étant respectivement les plus exposés (Fondation de Dublin, 2006).
2Sur l’autre versant, la « santé au travail » renvoie directement aux atteintes à la santé d’origine professionnelle et aux conditions sociales et institutionnelles de leur mise en visibilité. La connaissance produite questionne alors les logiques et rapports sociaux qui contribuent à faire émerger et à faire reconnaître des problèmes de santé au travail comme relevant, ou non, des politiques publiques (Fassin, 1989; Thébaud-Mony, 2001). Le principal vecteur de connaissance sur les atteintes à la santé d’origine professionnelle réside dans les Statistiques technologiques et financières établies annuellement par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sur la base des accidents du travail et maladies professionnelles reconnus et indemnisés. Or, la connaissance des pathologies d’origine professionnelle n’est pas réductible aux seules maladies indemnisées et comptabilisées à ce titre. Non seulement parce que toutes les maladies potentiellement indemnisables ne donnent pas lieu à une déclaration ou à une reconnaissance, mais aussi parce que les tableaux inscrits dans le Code de la Sécurité sociale sont davantage le reflet de négociations et de consensus entre les partenaires sociaux que celui de l’état des connaissances sur les liens entre le travail et les atteintes à la santé (Hatzfled, 2006; Thébaud-Mony, 1991).
Ces deux approches de la santé au travail sont liées, la première venant éclairer les « angles morts » de la seconde, comme nous l’avons par exemple montré pour les accidents du travail, où invisibilité institutionnelle et précarisation des parcours s’imbriquent souvent (Daubas-Letourneux, 2005). Dans une démarche de questionnement sur les logiques sociales et institutionnelles en œuvre dans la production de connaissance sur les atteintes à la santé d’origine professionnelle, nous avons porté notre attention sur un dispositif particulier: le signalement des maladies à caractère professionnel (MCP) [2]. Peu étudié et assez méconnu, le signalement des MCP est une obligation légale pour « tout docteur en médecine », inscrite dans la loi depuis 1946 (article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale, ancien article L. 500). Fondée sur un objectif de veille et d’alerte, cette obligation permet potentiellement de produire de la connaissance sur les pathologies d’ordre professionnel qui sortent du dispositif de l’indemnisation. Dans les faits, elle est peu suivie, et touche principalement les médecins du travail. Depuis 2003, un dispositif particulier visant à l’amélioration des signalements de MCP dans un objectif de production de connaissance épidémiologique a été mis en place conjointement par l’inspection médicale du travail des Pays de la Loire, l’université d’Angers [3] et l’Institut de veille sanitaire (InVS). Après une phase expérimentale de deux ans, ce dispositif vise à être étendu au plan national dans les régions volontaires. Afin de questionner les enjeux de connaissance sous-tendus par un tel dispositif, nous avons mené une enquête dans les Pays de la Loire. Cet article en rend compte en trois temps. Après un retour sur la construction sociale de la catégorie « maladie à caractère professionnelle », une deuxième partie présentera les résultats d’une enquête menée auprès des médecins du travail des Pays de la Loire sur leur connaissance, leur participation et leur perception du dispositif de signalement des MCP. Nous proposerons, enfin, une discussion sur la connaissance produite, en réfléchissant notamment à ses implications au plan des acteurs régionaux.
Le territoire des maladies à caractère professionnel: les enjeux d’une catégorie
Sortir du champ de l’indemnisation
3Les maladies professionnelles se répartissent, légalement, dans deux ensembles distincts quant aux droits à réparation qu’elles ouvrent pour les salariés atteints. D’une part, il y a les maladies professionnelles indemnisables, qui correspondent à une liste restrictive de maladies inscrites dans les « tableaux de maladies professionnelles » du Code de la Sécurité sociale. À celles-ci s’ajoutent les maladies reconnues par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, dans le cadre du système complémentaire mis en place en 1993 [4]. Le deuxième ensemble correspond à toutes les maladies d’origine professionnelle qui sortent du champ de l’indemnisation. Le Code de la Sécurité sociale définit cet ensemble par le terme de maladies à caractère professionnel. Les maladies de ce deuxième ensemble n’ouvrent aucun droit à réparation pour les salariés atteints, qui sont alors pris en charge au titre de l’assurance maladie. La loi prévoit un recensement de ces maladies dans un triple objectif de prévention, de connaissance et d’amélioration des tableaux:
4« En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d’une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l’extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l’existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d’imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu’ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté inter-ministériel, après avis du Conseil supérieur des risques professionnels. Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. La déclaration prévue aux deux alinéas précédents est établie et transmise selon des modalités fixées par voie réglementaire. » (Article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale).
5Fondée sur les notions d’alerte et de veille en santé au travail, cette obligation de signalement représente un vecteur de connaissance intéressant dans une perspective de santé publique. Connaissance sur des pathologies d’origine professionnelle qui échappent aux statistiques des maladies professionnelles indemnisées, mais aussi connaissance sur une partie de la sous-déclaration des maladies professionnelles indemnisables, puisque, dans la pratique, le champ des « MCP » s’étend aux maladies professionnelles indemnisables mais non déclarées à ce titre.
6Cette obligation de signalement s’inscrit dans la mission de santé publique confiée à tout docteur en médecine et n’est pas nouvelle. Pendant longtemps en effet, les connaissances acquises en matière d’atteintes à la santé liées au travail relevaient des seuls médecins (Leroy, 1990), qui ont de fait contribué à la connaissance des maladies professionnelles bien avant que naissent les lois de 1919 puis de 1946 qui fixent leur reconnaissance juridique et les conditions de leur indemnisation. À partir d’un ouvrage de Michel Valentin (1978), P. Leroy rappelle ainsi que c’est Hippocrate qui est le premier à avoir décrit des cas de maladies professionnelles, dont notamment la première description de la colique du plomb. Pourtant, dans les faits, cette obligation de signaler des MCP n’est que très partiellement suivie. Plusieurs raisons ont été évoquées face à ce constat, notamment le fait que les médecins pouvaient être réticents à adresser leurs signalements (d’ordre médical) à l’inspecteur du travail (un non-médecin), chargé ensuite les transmettre à l’inspection médicale régionale du travail. En effet, l’article L. 500 du Code de la Sécurité sociale [5] – devenu depuis la refonte du Code en 1985 l’article L. 461-6 – mentionnait que les signalements de MCP étaient « adressés au ministre du Travail et de la Sécurité sociale par l’intermédiaire de l’inspecteur du travail ou du fonctionnaire qui en exerce les attributions en vertu d’une législation spéciale ». En 1976, l’article L. 500 est modifié [6], intégrant la notion de « symptôme » en plus de celle de « maladie » à caractère professionnel, mais perdant la précision du circuit des signalements, l’article se terminant dorénavant par cette phrase: « La déclaration [de MCP] prévue aux deux alinéas précédents est établie et transmise selon des modalités fixées par voie réglementaire. » Or, depuis cette date, aucun décret d’application n’est venu officialiser un autre circuit de signalement.
Dans les faits pourtant, une expérimentation a été menée en 1987 dans deux régions volontaires – Provence-Alpes-Côte d’Azur et Pays de la Loire – pour modifier le circuit de signalement, instaurant une transmission directe des médecins vers les médecins inspecteurs du travail et de la main-d’œuvre (IMTMO). Cette expérimentation s’étant avérée concluante, c’est depuis lors vers l’inspection médicale régionale du travail que se font les signalements de MCP. Cette modification du circuit de signalement, même encore non officialisée, contribue à faire jouer un rôle central aux médecins inspecteurs régionaux, qui, au-delà d’une transmission à l’échelon national, se sont chargés, dans la mesure de leurs disponibilités et de leurs moyens, d’exploiter et de transformer les informations recueillies, en connaissance à l’échelle régionale. Dans cette mobilisation des médecins inspecteurs régionaux du travail, une région a joué un rôle particulièrement moteur: les Pays de la Loire.
Les Pays de la Loire, une région moteur
7La région des Pays de la Loire est caractérisée par une implication particulièrement forte en matière de production de connaissance sur les maladies à caractère professionnel. Cette région s’illustre à la fois par l’ampleur de la participation au signalement au regard des autres régions et par son dynamisme institutionnel tant dans l’organisation des signalements au plan régional qu’à un plan interrégional.
8Depuis la fin des années 1980, l’inspection médicale du travail des Pays de la Loire a mis en place un suivi des signalements MCP, avec un travail d’incitation et d’information constant auprès des médecins du travail. Ce dynamisme institutionnel est à rapprocher de l’arrivée du Dr Annie Touranchet comme médecin inspecteur en 1982. Annie Touranchet arrivait avec son expérience de médecin du travail, et en particulier le constat qu’il n’advenait rien des signalements de MCP qu’elle et ses collègues pouvaient être amenés à faire au titre de l’article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale. Elle se souvient être allée voir un inspecteur du travail pour se renseigner et s’était entendu répondre: « J’ai un stock, qu’est-ce que j’en fais? » [7]. Devant le caractère inexploité de cette source de connaissance pourtant intéressante, A. Touranchet s’est donné pour objectif, à son arrivée à l’inspection médicale régionale du travail, de travailler à l’amélioration du signalement des MCP et de la connaissance produite en retour. Ceci a eu pour conséquence l’implication des Pays de la Loire à l’expérimentation du nouveau circuit de signalement des MCP en 1987. Cette forte implication des Pays de la Loire perdurera par la suite, avec la coopération de nouveaux médecins inspecteurs. L’arrivée, en 1996, du Dr Sylvie Cren comme médecin inspecteur dans les Pays de la Loire marquera notamment le début d’une coopération particulièrement riche et féconde, qui se traduira, entre autres, par un fort dynamisme de cette région dans différents dispositifs d’enquêtes en santé au travail, dont le signalement des MCP.
9Ce dynamisme régional est indissociable d’une bonne coopération entre médecins inspecteurs régionaux et médecins du travail. La création de l’AREEO, Association pour la recherche en épidémiologie et en ergonomie de l’Ouest, en 1986, a sans doute ici joué un rôle de structuration et de formation des médecins du travail adhérents non négligeable.
À l’échelle interrégionale, l’étude de la documentation stockée à l’inspection médicale régionale des Pays de la Loire a permis de mettre à jour différentes phases successives de mobilisation autour du signalement des MCP. À chaque fois, l’inspection médicale régionale joue un rôle moteur, que ce soit en 1993, date de création d’un « groupe de régions volontaires » pour travailler ensemble à une harmonisation des dispositifs de signalement et de traitement statistique et épidémiologique des signalements de MCP [8], ou en 1997-1998, où une nouvelle « expérimentation » est initiée dans le même groupe de régions volontaires (auxquelles s’ajoute la région PACA), visant à instaurer le même dispositif de signalement et de traitement des MCP que celui mis en place dans les Pays de la Loire (fiche de signalement des MCP, exploitation sur Epi-Info, diffusion des résultats). Après 1997, cette mobilisation a donné lieu à cinq modules de formation spécifiques sur l’utilisation du logiciel EPI-Info, organisés par la Dagemo et animés par les Dr Cren et Touranchet. Une autre étape de cette structuration interrégionale se situe en 2001, avec la tentative de recensement national des MCP signalées dans les régions, faite par les Dr Cren et Touranchet, à la demande de l’inspection médicale nationale. Cette tentative n’a pu aboutir, « faute de temps pour traiter les données reçues », nous dira le Dr Touranchet. Le bilan que nous avons opéré sur la base de ce recensement et des informations collectées en 2005 fait état de disparités qui restent fortes entre les régions (Daubas-Letourneux, 2006).
Les Pays de la Loire, une région « pilote » pour la mise en place d’un nouveau dispositif de signalement en lien avec l’Institut de veille sanitaire
10Dans les Pays de la Loire, le dispositif de signalement des MCP s’est trouvé modifié au plan méthodologique depuis 2003, dans le cadre d’une collaboration entre l’inspection médicale régionale du travail, le Département santé travail de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et le CHU d’Angers. Au signalement tout au long de l’année sont venues s’ajouter deux « semaines des MCP » (une par semestre) – appelées également les « semaines coup de poing » – visant à un signalement exhaustif, et donnant lieu à la production de données épidémiologiques spécifiques. Durant ces semaines, les médecins du travail s’engagent à faire un signalement de toutes les MCP qu’ils constateront dans le cadre des visites médicales (quel que soit le type de celles-ci). Ce signalement se fait à partir d’une fiche de signalement s’inspirant de la fiche réalisée au préalable par l’inspection médicale des Pays de la Loire [9]. En plus des fiches de signalement des MCP, les médecins du travail doivent remplir un « tableau de bord de la semaine », correspondant à l’ensemble des visites médicales qu’ils ont menées durant la semaine. Ce tableau de bord doit être renvoyé, qu’il y ait eu ou non un signalement de MCP durant la semaine. Enfin, les médecins du travail doivent fournir l’effectif total qu’ils ont à leur charge (nombre d’entreprises et nombre de salariés suivis par entreprise) (Ha et al., 2006a).
11Si, comme nous l’avons rappelé, la dynamique des Pays de la Loire en matière de production de connaissance sur les MCP est bien antérieure à 2003, il est aussi reconnu, de façon conjointe par l’InVS et par l’inspection médicale du travail des Pays de la Loire, que la connaissance produite présentait alors des limites au plan méthodologique, empêchant tout objectif de « surveillance épidémiologique »:
12« La région des Pays de la Loire avait déjà engagé de nombreux travaux sur les MCP et avait mis au point une fiche de recueil d’information et un circuit de signalement. Depuis plus de quinze ans, l’inspection médicale du travail était destinataire des déclarations de MCP. Les résultats de l’analyse des déclarations de MCP des années les plus récentes montraient que les données disponibles pouvaient permettre de mettre en œuvre des mesures préventives ponctuelles, de comparer ces affections à celles effectivement reconnues en maladie professionnelle, mais ne permettaient pas de remplir les objectifs fixés en matière de surveillance épidémiologique en milieu de travail, en raison non seulement d’une très forte sous déclaration mais également par la méconnaissance des dénominateurs auxquels le nombre de déclarations devait être rapporté. » (Ha, Touranchet, Pubert, Imbernon, 2006).
La mise en place des « semaines des MCP » répond à deux objectifs complémentaires pour les deux institutions qui le portent.
- Pour l’inspection médicale régionale du travail, il s’agit de consolider un dispositif dont les limites, au plan de l’exploitation statistique des données recueillies, étaient ressenties par les médecins inspecteurs eux-mêmes et parfois relayées au sein et en dehors de l’institution.
- Pour l’InVS, l’objectif de produire une connaissance « à visée épidémiologique » via la mise en place des « semaines MCP » s’inscrit lui-même dans un objectif plus large: celui de l’extension du dispositif de surveillance des maladies à caractère professionnel au plan national, après une phase « pilote » de deux ans dans les Pays de la Loire. Mais avant tout, ces « semaines des MCP » se sont inscrites dans un dispositif préexistant, portant sur un type particulier de pathologies professionnelles: les troubles musculo-squelettiques (TMS). Depuis 2002 en effet, un Dispositif expérimental de surveillance des TMS dans les Pays de la Loire a été mis en place à l’initiative de l’InVS, en association avec le département « Santé, travail, ergonomie » de la faculté de médecine d’Angers (Dr Yves Roquelaure), l’inspection médicale du travail des Pays de la Loire et l’unité Inserm U88. Les « semaines des MCP » sont le troisième volet de ce dispositif, qui prévoit par ailleurs le suivi de « pathologies traceuses » (volet 1) et la surveillance des TMS et de l’exposition aux risques dans un échantillon d’entreprises, avec des médecins du travail volontaires (volet 2) (Ha et al., 2005a). Il s’agit de voir, via les signalements de MCP, la part des TMS non déclarées en maladies professionnelles ainsi que leurs caractéristiques.
Alors que ce dispositif est en phase d’installation dans les régions volontaires [11], il nous a semblé intéressant d’aller voir comment les premiers concernés par le signalement des maladies à caractère professionnel en région – les médecins du travail – s’appropriaient le dispositif dans leur pratique.
Du constat au signalement: enquête auprès des médecins du travail dans les Pays de la Loire
14Le décret du 28 juillet 2004 précise que « les orientations traduites par la réforme de la médecine du travail rendent possible une implication nouvelle des médecins du travail dans une fonction d’alerte et de veille sanitaire, se traduisant par la production de données sanitaires en lien avec les risques professionnels, tant au bénéfice des entreprises et de leurs salariés, qu’en vue d’un traitement par l’Institut national de veille sanitaire. » Le signalement des MCP s’inscrit dans cette « fonction d’alerte et de veille sanitaire » des médecins du travail. Comment ces derniers s’emparent-ils de ce vecteur de transmission d’information? Sur quels critères fondent-ils leur expertise pour déterminer ce qui relève, ou non, d’un signalement de MCP? Et avant cela, quel est leur degré de connaissance de cette obligation légale? Afin d’apporter un éclairage sur ces questions, nous avons mené, en 2005, une enquête par questionnaire auprès de la population des médecins du travail des Pays de la Loire (cf. encadré).
Une obligation connue globalement
1591% des médecins du travail répondant à l’enquête ont répondu avoir connaissance de l’obligation légale de signalement des MCP. Une large majorité (78%) des médecins du travail a eu connaissance pour la première fois de l’obligation de signalement des MCP durant sa formation initiale: 51,4% l’ont appris durant leur internat de médecine du travail et 26,5% durant leurs études de médecine (tronc commun de six ans). Pour 13% des répondants, c’est lors d’une formation continue qu’ils ont pris connaissance pour la première fois de l’obligation de signaler une MCP. 4,5% (onze personnes) ont pris connaissance pour la première fois de l’obligation de signaler une MCP via l’inspection médicale régionale du travail, et 1,2% (trois personnes) l’ont apprise par des collègues. Seulement six médecins répondants sur 245 ont déclaré ne pas connaître l’obligation de déclarer une MCP. Cependant, on observe que, s’agissant de la « connaissance précise de l’article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale (ancien article L. 500) », la part des médecins du travail déclarant ne pas bien connaître cet article est importante: près d’un médecin sur deux (45,6%) a répondu « non » à cette question.
Encadré: Méthodologie de l’enquête menée en 2005 en Pays de la Loire auprès de médecins du travail
Connaissance de l’obligation légale de signalement d’une MCP:
- connaissance de l’obligation de signaler une MCP pour la première fois;
- connaissance précise de l’article L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale.
- participation au signalement des MCP;
- raisons d’une faible ou d’une non-participation;
- commentaires éventuels sur la participation ou la non-participation (question ouverte).
- critères pour établir un signalement de MCP (question ouverte);
- éléments d’aide au signalement.
- degré de satisfaction sur la fiche de signalement (et suggestions éventuelles);
- degré de satisfaction sur l’information produite en retour par l’inspection médicale régionale;
- suggestions éventuelles sur ce retour d’information (question ouverte).
- nombre d’entreprises suivies;
- nombre de salariés suivis;
- participation à d’autres enquêtes ou dispositifs de veille sanitaire;
- degré de satisfaction sur l’ajustement temps-missions de médecin du travail;
- besoin de plus de temps dans quel(s) domaine(s)? (question ouverte).
- sexe;
- âge;
- département;
- type de service (service d’entreprise/service interentreprises);
- ancienneté en tant que médecin du travail.
• Population des répondants/population d’enquête
L’enquête porte sur la population totale des médecins du travail des Pays de la Loire (N = 508).
Population des médecins du travail ayant répondu à l’enquête: N = 245 soit un taux de réponse de 48%, insuffisant pour considérer la population d’enquête comme représentative de la population totale des médecins du travail ligériens.
Population totale des médecins du travail ligériens ayant participé à au moins une « semaine MCP » depuis 2003: N = 193
Population des répondants ayant déclaré participer au moins durant une « semaine MCP »: N = 181
soit un taux de réponse de 94% pour la sous-population des médecins participant aux « semaines MCP ». L’enquête est représentative de cette sous-population.
On observe des répartitions par département et par type de service comparables pour la population totale et pour la population d’enquête. La répartition par sexe montre en revanche une surreprésentation des femmes dans l’enquête (70% contre 64% dans la population totale).
Une participation plus forte pour les femmes et dans les services interentreprises
16Dans les Pays de la Loire, un tiers des médecins du travail participent aux « semaines MCP ». Dans la population enquêtée comme dans la population totale, le fait de signaler des MCP durant ces semaines (au moins) est significativement corrélé avec le fait d’être une femme et le fait de travailler dans un service de santé au travail interentreprises: 80% des femmes ayant répondu à l’enquête participent au moins aux « semaines MCP », contre 62% des hommes; 76% des médecins travaillant dans un service interentreprises participent au moins aux « semaines MCP » contre 67% de ceux travaillant dans un service d’entreprise (cf. graphique 1). Ces liens se retrouvent pour la population totale des médecins du travail ligériens.
Participation au dispositif MCP selon le type de service de Santé et Travail
Participation au dispositif MCP selon le type de service de Santé et Travail
17Le croisement opéré entre la participation à d’autres enquêtes et la participation au dispositif MCP montre que les médecins du travail qui participent le plus au signalement des MCP sont aussi les plus impliqués dans d’autres dispositifs visant à produire des connaissances en santé au travail [12] (cf. graphique 2).
Participation à d’autres enquêtes ou dispositifs de veille selon le degré d’implication des médecins dans le signalement des MCP
Participation à d’autres enquêtes ou dispositifs de veille selon le degré d’implication des médecins dans le signalement des MCP
Signaler ou non un problème de santé comme une « MCP »: deux postures qui s’opposent
18Les réponses apportées à la question ouverte invitant les médecins à commenter leur participation ou leur non-participation au dispositif font ressortir deux types d’argumentation opposés, qui montrent que l’obligation légale peut être interprétée de manière fort différente selon ce que les médecins mettent derrière la catégorie « maladie à caractère professionnel ». Ces postures reflètent deux conceptions différentes de ce que doit être une production de connaissance en santé au travail et du rôle du médecin du travail dans cette connaissance. Ces deux approches pourraient correspondre à ce que N. Dodier (1993) nomme « doctrines », en ce sens qu’elles « fournissent des directions pour organiser les repères de l’action, elles marquent notre questionnement des histoires, sur la base d’une tradition ».
La doctrine de la preuve: ne signaler que lorsque le lien pathologie-travail est prouvé et exclusif
19Sur la non-participation aux « semaines des MCP », les réponses des médecins viennent apporter un éclairage sur une posture révélatrice d’une acception très restrictive de ce qui relève d’une « MCP ». Par souci de ne pas signaler un problème de santé qui ne serait pas uniquement lié au travail, ces médecins préfèrent refuser de participer au dispositif:
20« Pas assez de précision pour être très impartiale. » Femme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1972 (SIE). Ne signale « jamais » de MCP.
21« Parce que je ne suis pas convaincu de leur origine uniquement professionnelle. Il y a une participation métabolique. » Homme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1975 (SIE). Signale « de temps en temps pendant l’année ».
22« Je suis gêné par l’inflation actuelle des déclarations concernant les TMS. Je crois par exemple qu’il est tout à fait exagéré dans la majorité des cas de considérer le syndrome du canal carpien comme maladie professionnelle quand on sait le rôle des facteurs endocriniens et métaboliques dans l’étiologie de cette affection: c’est l’avis en tout cas de la plupart des rhumatologues et des chirurgiens de la main. A-t-on notamment comparé les chiffres obtenus dans les enquêtes effectuées avec ceux d’une population non à risque? » Homme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 2000 (SIE). Signale « rarement » des MCP pendant l’année.
23« Les MCP sont la plupart du temps des tendinopathies qui dérivent très souvent de gestes répétitifs mais qui sont aussi dues au fait que les gens sont obèses et mangent trop. Or, cette cause métabolique (abus de laitage, obésité) n’est pas à mettre sur le compte des entreprises qui sont déjà écrasées par les cotisations sociales. » Homme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1975 (SIE). Signale « de temps en temps pendant l’année ».
24Dans cette logique, certains médecins aimeraient pouvoir moduler leur avis:
25« Cela est le plus difficile, car si l’on conçoit facilement qu’une activité participe au développement de certaines pathologies, il est difficile de dire que le travail est le seul responsable du tableau clinique. Je pense que si l’on pouvait mettre une modulation en pourcentage, je ferai sans doute plus facilement des déclarations MCP. » Homme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1985 (SE). Ne signale « jamais » de MCP.
D’autres souhaiteraient que la fiche comporte des rubriques sur des « facteurs extraprofessionnels »: « comme le sport pratiqué, les loisirs, les problèmes de santé (obésité, diabète…) »; « Il faudrait aussi parler de l’environnement, de l’habitation… Bricolage (peinture dans un garage non ventilé le week-end !) »
La doctrine de l’alerte: signaler « même l’infraclinique », pour alerter sur le travail et son organisation
26À l’opposé, on note des commentaires portant sur « l’évidence » qu’il y a, pour un médecin du travail, à participer au signalement des MCP. Les réponses portent non pas sur ce qu’est une MCP, mais sur la mission des médecins à les signaler. Ces médecins déclarent d’ailleurs tous participer au signalement tout le temps durant l’année et pendant les « semaines MCP ».
27« Cela a toujours été pour moi la principale façon de faire connaître la pathologie en relation avec le travail et donc de renforcer l’intérêt de la médecine du travail. » Femme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1976 (SIE). Signale « tout le temps durant les semaines MCP et tout au long de l’année ».
28« L’intérêt est évident et je l’ai toujours fait. » Homme, 46-55 ans, médecin du travail depuis 1986 (SIE). Signale « tout le temps durant les semaines MCP et tout au long de l’année ».
29« Ces signalements, comme les certificats de maladie professionnelle, relèvent de la spécificité du métier de médecin du travail grâce à la connaissance qu’il doit avoir du terrain. C’est lui qui peut faire le lien entre pathologie et profession. » Homme, 46-55 ans, médecin du travail depuis 1981 (SIE). Signale « tout le temps durant les semaines MCP et tout au long de l’année ».
30« Cela me paraît évident que le médecin du travail est le mieux placé pour établir des liens santé-travail sur le plan collectif, mais aussi sur le plan individuel c’est une reconnaissance pour le salarié. » Femme, plus de 55 ans, médecin du travail depuis 1980 (SIE). Signale « tout le temps durant les semaines MCP et tout au long de l’année ».
31« Cela me paraît de plus en plus dans la logique de notre métier. » Femme, 46-55 ans, médecin du travail depuis 1986 (SIE). Signale « tout le temps durant les semaines MCP et tout au long de l’année ».
32Lorsqu’ils répondent sur les critères mobilisés pour déterminer si le symptôme ou la pathologie observés relèvent d’un signalement de MCP, ces médecins associent à la combinaison de critères souvent citée en réponse – connaissances médicales, connaissance du milieu de travail, prise en compte de la chronologie de la maladie (avant/après le travail ou des congés), connaissance de cas similaires à des postes similaires – leur propre « subjectivité », leur « intime conviction » dans ce qui peut les conduire à faire un signalement de MCP. En outre, c’est aussi parfois la subjectivité du salarié qui est aussi citée comme critère. Le salarié, « sujet » de sa propre santé, est reconnu comme interlocuteur dans la recherche de pathologies liées au travail. Le critère qui revient souvent est l’écoute du salarié, le « vécu du salarié », le « ressenti du salarié », quand bien même le médecin pondère celui-ci par ses propres connaissances. Dans ce cas, signaler « même ce qui relève de l’infraclinique, comme les insomnies du dimanche soir » est justifié, dès lors que cela peut concourir à mettre à jour des « organisations du travail délétères ». L’écoute du salarié, ce peut être aussi d’entendre la « peur de retourner dans l’entreprise » exprimée dans les cas de souffrance mentale, comme le dit une femme de 35-45 ans, médecin du travail depuis 1997, travaillant dans un SIE. Cette « peur » ne se mesure pas, ne se « valide » pas par un indicateur objectif, mais elle est considérée comme un critère pour juger d’une souffrance mentale donnant lieu à un signalement de MCP.
Cette place importante laissée à l’écoute du ressenti des salariés renvoie à ce que l’on pourrait appeler une doctrine de l’alerte et du témoignage, où le médecin du travail s’implique dans le dispositif de signalement pour alimenter la connaissance des liens entre travail et atteintes à la santé. Dans l’enquête sociologique menée par F. Piotet et ses collègues sur les médecins du travail (Piotet et al., 1997; Piotet, 2002), trois types d’attitudes avaient été mis en évidence pour décrire la posture des médecins du travail vis-àvis de leur métier:
- le « salarié comme les autres », « sans doute pour la majorité d’entre eux »;
- le « spécialiste en humanité », intéressé par le « mal-être » et « médiateur des relations sociales »;
- et le « spécialiste des conditions de travail », « spécialiste de santé publique », intéressé pour se former à l’ergonomie, à l’épidémiologie et « militant ».
Existe-t-il un « effet semaines MCP » sur le signalement?
33Au regard du nombre de signalements reçus à l’inspection médicale régionale du travail, les « semaines des MCP » ont un impact quantitatif très net: les signalements de MCP durant ces semaines sont plus nombreux que durant le reste de l’année. Ainsi, en 2003, l’inspection médicale du travail des Pays de la Loire a comptabilisé quasiment autant de signalements durant les deux premières « semaines des MCP » que le reste de l’année. De fait, il ressort de certaines réponses dans l’enquête que les « semaines MCP » constituent une incitation forte à signaler. Les médecins reconnaissent « oublier » de signaler en dehors de ces « semaines MCP ». L’expression de « semaine coup de poing » prend aussi tout son sens devant leur caractère « redynamisant », « remobilisant » exprimé par certains. La systématisation des signalements demandée durant ces « semaines » entraîne aussi chez certains un « automatisme », qui facilite les signalements. En outre, la visibilité donnée à ces « semaines des MCP », via une production de connaissance spécifique, apporte un sentiment de plus forte légitimité au médecin, qui peut relier l’acte de signaler avec une sensibilisation des acteurs rencontrés.
34Atout au plan quantitatif, les « semaines des MCP » présentent cependant des limites. Tout d’abord, le caractère aléatoire du choix des « semaines » dans l’année est perçu par certains médecins comme problématique depuis que les visites médicales ne sont plus annuelles [13], mais tous les deux ans (décret du 28 juillet 2004):
35« Je pense que les semaines coup de poing tirées au sort pouvaient avoir un sens quand les visites étaient annuelles. L’exclusion de nombreux salariés à risque de la SMR [surveillance médicale renforcée] (surtout TMS) rend tout sondage de ce type inefficace et va me conduire à abandonner ce type d’action. » Homme, 46-55 ans, médecin du travail depuis 1987 (SIE). Signale tout le temps durant les « semaines MCP » et durant l’année.
36Autre type de limite observé: une mauvaise compréhension de la consigne de participation aux « semaines MCP ». Plusieurs médecins ont en effet indiqué qu’ils participaient aux « semaines MCP » « quand il en existait une [MCP] réellement ». Or, la consigne transmise aux médecins du travail par l’inspection médicale régionale et l’InVS indique pourtant que, même si aucune MCP n’est constatée cette semaine-là, le médecin doit quand même transmettre à l’inspection médicale les données relatives au total des visites réalisées durant la semaine (nécessaires au calcul du dénominateur pour établir les taux de prévalence) ainsi que l’effectif total suivi (utile pour vérifier la représentativité de la population suivie). Ce constat conduit à poser la question d’une méconnaissance de l’épidémiologie par ces médecins du travail, qui ignorent qu’un signalement « zéro » est différent d’une absence de signalement dans le calcul de la prévalence d’une pathologie.
37Au plan qualitatif, les « MCP » sont-elles les mêmes en dehors et pendant les « semaines MCP »? En 1997, avant la mise en place des « semaines des MCP », on observait une forte proportion de MCP relevant de troubles musculo-squelettiques (TMS): 57% des MCP relevaient d’affections ostéoarticulaires ou d’affections des nerfs, 14% étaient des affections cutanées (dermites allergiques et d’irritation), 11% des affections psychiatriques (syndromes dépressifs et réactions à un stress sévère), 9% des affections de l’appareil respiratoire.
Cette forte prédominance des TMS dans les MCP signalées tend à être plus forte encore pour les signalements faits durant les « semaines MCP ». Une thèse de médecine réalisée récemment a proposé un regard sur les différences existant entre les MCP signalées durant les « semaines MCP » et en dehors de cellesci dans les Pays de la Loire (Labarthe-Bouvet, 2005). L’auteure montre que « les deux affections les plus fréquentes sur l’année [2003] et sur la “semaine MCP” (octobre 2003) sont les affections mentales et les TMS », dans des proportions différentes pendant et en dehors de la « semaine MCP ». Ainsi, les affections mentales représentent une part plus importante des signalements en dehors de la « semaine des MCP » (53%) que durant la « semaine des MCP » (23,6%). À l’inverse, la part des TMS est plus forte pendant la « semaine des MCP » (69%) qu’en dehors (35%). Cet « effet semaine des MCP » sur les signalements peut s’expliquer en raison du lien entre les « semaines MCP » et le réseau de surveillance des TMS en Pays de la Loire. Cela jouerait sur une plus grande vigilance, durant la « semaine », sur les TMS. Inversement, la part importante de souffrance mentale peut s’expliquer, note D. Labarthe-Bouvet, par « le fait qu’il n’existe pas de tableau de maladies professionnelles pour la souffrance mentale, seules quelques déclarations sont étudiées au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles au titre de l’alinéa 4, ce qui motive les médecins à les signaler en MCP ».
Une connaissance « à visée épidémiologique » produite en région: quelles implications pour les acteurs locaux?
38Avec l’arrivée de l’Institut de veille sanitaire (InVS) dans le dispositif, le signalement des MCP est passé progressivement du statut de connaissance régionale à un statut de vecteur pour une connaissance systématisée et de type épidémiologique à l’échelle nationale. S’il est évident que tout choix est nécessaire et qu’une connaissance exhaustive et complète est illusoire, nous proposons de conclure cet article par une approche critique de la connaissance produite. Deux pistes de discussion se dégagent. La première porte sur les atouts et limites d’une connaissance fondée sur un objectif épidémiologique. Si l’instauration des « semaines des MCP » obéit à un objectif méthodologique qui semble atteint (se donner les moyens d’un signalement exhaustif durant une courte période afin de calculer des taux de prévalence), n’a-t-elle pas conduit à réduire le champ des MCP tout en le spécialisant? La seconde piste de discussion porte sur les « enjeux de territoire » sous-jacents à cette production de connaissance. Le déplacement du « régional » vers le « national », de même que le déplacement du « travail » (l’inspection du travail était initialement destinataire des signalements de MCP) vers le « médical » (inspection médicale du travail) vient poser la question de l’usage de la connaissance produite pour une action locale de prévention.
L’InVS: une « puissance juridique » au service d’une production de connaissance épidémiologique
39Créé par la loi de juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, l’Institut de veille sanitaire est un établissement public de l’État, placé sous la tutelle du ministère de la Santé et des Solidarités. Il « a pour mission de surveiller l’état de santé de l’ensemble de la population, et d’alerter les pouvoirs publics en cas de menace pour la santé publique. (…) Cette veille sanitaire est l’expression de la démocratie sanitaire, celle du partage des connaissances, sur les dangers et les risques, pour promouvoir la santé. » [14] Derrière l’expression de « démocratie sanitaire » ou de « partage des connaissances » résident différentes coopérations engagées auprès d’acteurs de la santé des populations, dont, en ce qui concerne la santé au travail, les médecins inspecteurs du travail et les médecins du travail. Comme l’écrivent deux médecins inspecteurs régionaux du travail de la région Îlede-France, l’InVS – ici son Département santé travail – « dispose (…) d’une puissance juridique très forte puisque tout un chacun (employeurs, médecins du travail, agents des services prévention des CRAM), a l’obligation de lui fournir, à sa demande, tous les éléments nécessaires à sa mission: informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles détenues par les CRAM, études et évaluations sur les produits et les risques faites par les employeurs, transmission de données de la fiche d’entreprise, du rapport technique annuel, au niveau des médecins du travail. » (Abecassis, Sandret, 2005).
La mission de production de connaissance confiée à l’InVS s’inscrit dans un contexte de forte demande d’informations quantifiées dans la mise en place – mais aussi l’évaluation – des politiques publiques. Ainsi la volonté de produire de la veille sur les TMS à l’échelle nationale suit-elle deux objectifs chiffrés annoncés dans le plan Santé Travail établi pour les années 2005 à 2009: « l’objectif quantifié n° 2 », qui vise à « réduire de 20% le nombre de travailleurs soumis à des contraintes articulaires plus de 20 heures par semaine par rapport à la prévalence estimée à partir de l’enquête Sumer de 2003 », et « l’objectif quantifié n° 8 », visant à « réduire de 20% à l’horizon 2009 le nombre de TMS déclarés dont l’objectif préalable est d’améliorer la surveillance des TMS » (Ha et al., 2005b). La qualification proposée par F. Buton d’« intelligence épidémiologique » concernant l’activité de veille sanitaire de l’InVS est ici pleinement illustrée: répondant à une demande de l’État dans un contexte où les politiques publiques (de santé publique) sont marquées par une quantification croissante, il fournit « des informations utiles à l’action publique » en même temps qu’il construit « ce qui relève de la science et de l’action publique » (Buton, 2006).
L’inspection médicale régionale du travail: une centralité relative
40La position dominante de l’InVS dans le dispositif pose la question de la centralité relative d’un acteur qui a jusque-là joué un rôle moteur dans l’organisation et la prise en compte des signalements de maladie à caractère professionnel: l’inspection médicale régionale du travail. Avec l’institutionnalisation de la collaboration entre les inspections médicales du travail régionales volontaires et l’InVS, la visibilité institutionnelle des MCP passe désormais davantage par l’InVS. En effet, si le protocole fixant les conditions de cette coopération entre l’InVS et l’inspection médicale du travail vient réaffirmer le rôle de cette dernière comme acteur incontournable d’une production de connaissance fondée sur les médecins du travail, il contribue également à institutionnaliser le rôle central du Département santé travail de l’InVS dans l’organisation du dispositif de signalement des MCP et la production de connaissance qui en découle. Le protocole organise une exploitation des données répartie entre les deux institutions: l’inspection médicale du travail exploitant les données à l’échelle régionale, avec l’aide d’un épidémiologiste recruté en région; l’InVS produisant au plan national une connaissance sur les MCP à partir des données « agrégées » provenant des différentes régions participantes. Cette organisation institutionnelle contribue à la fois à renforcer la position centrale de l’inspection médicale du travail régionale dans le circuit de signalement des MCP et à la relativiser, les médecins inspecteurs partageant la production et la diffusion de connaissance issue des signalements.
La connaissance produite à ces deux échelons de territoire sera-t-elle la même? Vise-t-elle les mêmes objectifs? L’exploitation des signalements parvenus à l’inspection médicale du travail en dehors des « semaines MCP », qui n’a pas de sens dans la logique nationale des « semaines MCP », perdurera-t-elle à l’échelle régionale [15]? On peut en effet y voir un vecteur d’alerte qui reste pertinent pour une action de prévention sur le terrain.
Les médecins du travail: ne pas être « que des cocheurs de cases »
41Les médecins du travail sont demandeurs de retours sur les signalements de maladies à caractère professionnel qu’ils adressent à l’inspection médicale régionale. Si, dans l’enquête, 70% des médecins se disent satisfaits (11% « très satisfaits » et 59% « plutôt satisfaits ») par l’information produite par l’inspection médicale régionale en retour des signalements MCP, ils ont également des suggestions à formuler. Sur la forme, des retours plus réguliers et plus rapides sont demandés. Il est intéressant de noter la demande de maintien d’un contact direct avec les médecins inspecteurs, la voie électronique n’étant pas perçue comme suffisante. Sur le fond, les suggestions enregistrées relèvent dans l’ensemble de trois attentes particulières:
- avoir une meilleure connaissance des MCP en tant que telles;
- avoir une meilleure connaissance de l’utilité des signalements au regard de l’objectif annoncé dans la loi, d’amélioration des tableaux de maladies professionnelles;
- et, enfin, faire en sorte que cette connaissance produite en retour puisse être utile pour l’action du médecin dans l’entreprise.
42« J’ai l’impression de ne signaler que les souffrances mentales. L’impression d’être trop dans le signalement (encore avec la dernière enquête Samotrace), l’enregistrement des maladies et pas assez dans l’amélioration des conditions de travail, le collectif. » Homme, 35-45 ans, médecin du travail depuis 1997 (SIE). Signale « de temps en temps pendant l’année » une MCP.
43Ces remarques et suggestions liées à la connaissance produite en retour placent les médecins du travail dans un rôle actif, quant à leur participation à des dispositifs de veille. Première source de transmission dans le dispositif MCP, les médecins du travail entendent bien dire, selon l’expression de l’un des médecins participant au groupe de travail, qu’ils ne sont « pas que des cocheurs de cases ». C’est bien dans le degré d’appropriation de la connaissance produite en retour, et dans la manière dont celle-ci les renvoie à leur propre action de terrain, que les médecins du travail s’inscrivent comme acteurs du signalement des MCP: acteur non seulement en amont de la connaissance produite par l’inspection médicale régionale et l’InVS (ils fournissent les données premières), mais également en aval de celleci, par l’utilisation qu’ils peuvent faire de cette connaissance tant dans leur mission de veille (mieux connaître pour mieux signaler) que dans leur mission de prévention en milieu de travail.
L’inspection du travail: une absence non questionnée
44En confiant initialement à l’inspection du travail la charge de recevoir les signalements de maladies à caractère professionnel provenant des médecins (article L. 500 du Code de la Sécurité sociale avant sa modification en 1976), le législateur introduisait la notion d’intervention de terrain dans des entreprises où étaient signalées des MCP. Si cette dimension d’action locale dans les entreprises n’a pas disparu depuis le changement de circuit d’information – le médecin inspecteur régional du travail est habilité à mener des visites d’entreprises, en coopération avec l’inspection du travail – on peut cependant noter que le retrait de l’inspection du travail d’un dispositif qui faisait clairement le lien entre l’alerte et l’action de contrôle et de prévention, s’est opéré en silence (et n’est pas encore officialisé par décret, rappelons-le).
45L’absence de l’inspection du travail dans le circuit de signalement des maladies à caractère professionnel n’a pas été questionnée au niveau de l’État autrement que sous l’angle de la faible implication des agents de contrôle dans la transmission des signalements reçus. Au-delà, c’est la question des moyens de l’inspection du travail pour exploiter les signalements qui n’a pas été posée.
Une obligation pour « tout docteur en médecine »?
46En 1997, 77,3% des signalements de maladies à caractère professionnel recensés dans les Pays de la Loire provenaient des médecins du travail, 20,6% étaient le fait de médecins hospitaliers (plus particulièrement du service de pathologie professionnelle de Loire-Atlantique), 1,2% seulement émanaient de médecins généralistes.
Si, théoriquement, les médecins qui ne sont pas médecins du travail, restent invités à faire des signalements de MCP toute l’année en les adressant à l’inspection médicale du travail régionale, ils sont, de fait, hors jeu à partir du moment où l’envoi systématisé de la fiche de signalement, de même que la transmission de connaissance faite en retour des signalements, se fait uniquement vers la population des médecins du travail ligériens. L’absence des médecins autres que médecins du travail dans le dispositif des « semaines MCP » est un choix, qui peut se trouver justifié par la très faible implication des médecins généralistes et spécialistes dans le signalement des MCP. Cependant, il faut ici rappeler que l’article de loi L. 461-6 du Code de la Sécurité sociale s’adresse à « tout docteur en médecine ». Lors de l’expérimentation de 1989 en Pays de la Loire et en région PACA, les talons de fiches de signalements avaient d’ailleurs été adressés à tous les médecins de ces régions, quel que soit leur type (médecin du travail, généralistes, spécialistes, hospitaliers). Il semblerait intéressant, dans une perspective de santé publique, de développer d’autres supports de recueil et d’exploitation des signalements des MCP. Alors que la question de la prise en compte des parcours de vie est à l’ordre du jour d’un certain nombre de préoccupations au plan politique et dans la recherche en santé au travail, on pourrait ainsi penser que le médecin « traitant », généraliste le plus souvent, est potentiellement dépositaire d’un savoir sur les relations entre la santé et le travail de ses patients. En effet, s’il peut sembler a priori moins bien placé pour établir un lien entre une pathologie et le travail, n’ayant pas la connaissance du milieu de travail de ses patients, c’est cependant vers lui que vont un certain nombre de salariés qui ne voient pas leur médecin du travail régulièrement, ou bien qui préfèrent cacher à ce dernier la pathologie dont ils souffrent de peur de changer de poste dans l’entreprise, voire d’être fragilisés dans leur emploi [16]. En outre, la précarisation des parcours professionnels, marquée par la multiplication des contrats à durée déterminée, de l’intérim, de périodes de chômage, conduit à un suivi difficile pour la médecine du travail (Pascual, 1997). Cette question a toute son importance pour la mise au jour de maladies se déclarant des années après une exposition à un agent toxique, comme les cancers d’origine professionnelle, dont une large part n’entre pas dans les tableaux de maladies professionnelles indemnisables.
Bibliographie
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- VALENTIN M., (1978), Travail des hommes et savants oubliés, Paris, Éditions Docis.
Notes
-
[1]
Sociologue, postdoctorante au Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (Giscop93), université Paris 13.
-
[2]
Les éléments présentés ici sont issus d’une recherche réalisée en 2005-2006 à la suite de l’appel à projets « Santé et Travail », lancé conjointement par la Mission Recherche de la Drees, la Dares et la Mission Recherche de La Poste (Daubas-Letourneux, 2006).
-
[3]
Laboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie en santé au travail (LEEST).
-
[4]
Cette deuxième voie d’indemnisation découle de la loi de janvier 1993, qui instaura le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles dont une modalité du tableau n’est pas remplie ou en cas d’absence de tableau. Il appartient alors à la victime d’apporter la preuve du lien travail-maladie (alinéa 4) (Code de la Sécurité sociale: articles L. 461-1 et suiv.).
-
[5]
En 1956, l’article 74 de la loi du 30 octobre 1946 devient l’article L. 500 du livre IV du Code de la Sécurité sociale.
-
[6]
Par la loi n° 76-1106 du 6 décembre 1976.
-
[7]
Entretien du 5 novembre 2004.
-
[8]
Les régions qui composent ce groupe sont l’Aquitaine, la Bretagne, le Centre, la Franche-Comté, le Nord-Pas-de-Calais, la Basse-Normandie, Rhône-Alpes et les Pays de Loire.
-
[9]
Les champs à renseigner sont: manifestations pathologiques (deux possibles); agent(s) (physique, chimique, infectieux) et/ou processus de travail (ambiance, attitude, etc.) susceptibles d’être mis en cause (le médecin peut en citer trois au maximum, à hiérarchiser par ordre décroissant d’importance); salarié (sept premiers chiffres du numéro de Sécurité sociale); profession, raison sociale et adresse de l’établissement (information souhaitable); médecin déclarant (nom, type de médecin); date, signature.
-
[10]
Des travaux sociologiques menés auprès de salariés victimes de maladies professionnelles ou d’accidents du travail ont montré qu’il importait d’aller au-delà du « refus » exprimé par le salarié pour questionner les rapports sociaux qui se jouent autour de la déclaration puis de la reconnaissance de la maladie ou de l’accident dans l’entreprise et sur le marché de l’emploi (Thébaud-Mony A., 1991; Daubas-Letourneux V., 2005).
-
[11]
À ce jour, sept régions participent au « programme de surveillance des MCP » de l’InVS: Pays de la Loire, Midi-Pyrénées, PACA, Poitou-Charentes, Franche-Comté, Alsace et Aquitaine. La participation des régions Centre et Nord-Pas-de-Calais est programmée (Chiron, Touranchet, Valenty, 2008).
-
[12]
Les médecins du travail sont invités à participer à de nombreux autres dispositifs d’enquête ou de veille, comme (dans les Pays de la Loire) l’enquête Sumer, le dispositif Samotrace (santé mentale), le réseau sentinelle des TMS, l’enquête sur les inaptitudes.
-
[13]
Seuls les salariés soumis à la surveillance médicale renforcée (SMR) restent soumis à la visite annuelle. La SMR recouvre deux sortes de situations: les salariés peuvent y être soumis en raison des travaux qu’ils exécutent, présentant des exigences ou des risques particuliers; les salariés sont suivis en raison de leur situation personnelle: avoir changé d’activité depuis moins de 18 mois, être entré en France depuis moins de 18 mois, être travailleur handicapé, être une femme enceinte, ou ayant accouché depuis moins de six mois ou encore en période d’allaitement, salariés de moins de 18 ans. (Article R. 241-50 du Code du travail).
-
[14]
Éditorial du professeur Gilles Brücker, directeur général de l’InVS, site internet de l’InVS (www. invs. sante. fr).
-
[15]
La DRTEFP des Pays de la Loire vient d’éditer, en mars 2008, une brochure Études et dossiers sur les MCP signalées lors des deux Quinzaines MCP de 2006 (Chiron, Touranchet, Valenty, 2008), dans laquelle est inséré un feuillet sur les signalements « hors Quinzaines » (Chiron, Touranchet, 2008). Il est notamment constaté une « nette diminution des signalements hors Quinzaines », qui, selon les auteures, « pose question ».
-
[16]
Dans l’enquête qualitative longitudinale que nous avons réalisée auprès de salariés victimes d’accidents du travail, nous avons pu constater la quasi-absence de la médecine du travail concernant la « mise en mots » des atteintes à la santé occasionnées par les conditions de travail ou perdurant après un accident du travail. (Daubas-Letourneux, 2005).